Ce qu’enseigne l’assermentation du Lieutenant-représentant Guillaume sur la monarchie luxembourgeoise
S. 3
Kleines Schiff mit Finanzplatz Gilles Roth und die Trickle-Down-Logik, die zu Wachstum führen soll
S. 8
Foto: Olivier Halmes
FEUILLETON
SUPPLÉMENT MUSÉES
« On n’est pas dans une approche mergers & acquisitions »
« La langue n’est pas innocente »
Pour un musée décomplexé
Rencontre avec le linguiste Jean-Marie Klinkenberg à propos du pouvoir des langues et de leur rapport avec le nationalisme
Réinventer les musées pour répondre aux défis culturels, sociaux et environnementaux
S. 17
S. 29
Entretien avec le directeur général de la Croix-Rouge, sur l’âme de Caritas, l’identité de HUT et le « return on invest » dans le secteur social S. 11
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Modern family
WIRTSCHAFT
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POLITIK
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Unabhängige Wochenzeitung für Politik, Wirtschaft und Kultur
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N°41 · 11.10.2024 · 71. Jahrgang
6,00 €
11.10.2024
ÉDITO
Indésirable(s) aFrance Clarinval Dimanche 6 octobre, Alborz Teymoorzadeh a quitté le Luxembourg. Le permis de séjour de l’artiste iranien est venu à expiration. Comme il l’a lui-même souligné, il ressemble en cela à des dizaines d’autres cas, moins entourés, moins soutenus, moins médiatisés. En citant l’exposé de la commission consultative pour travailleurs indépendants selon lequel le travail de Teymoorzadeh « n’apporte pas de véritable plus-value en termes d’intérêts économiques au Luxembourg », le Land a provoqué une étincelle. Le monde artistique et culturel s’est embrasé face à l’argumentation de la commission. Des commentaires ont paru par centaines sur les réseaux sociaux. Une question parlementaire a été posée. Les médias se sont emparés du sujet. Dès lundi soir, le ministère des Affaires intérieures s’est fendu d’un communiqué pour affirmer s’en tenir à la loi : « Un ressortissant de pays tiers doit justifier de ressources personnelles suffisantes afin de pouvoir obtenir un titre de séjour. Cette condition s’applique à toute personne indépendamment du métier exercé. » Léon Gloden (CSV) a réitéré cet argument dans sa réponse (très rapide) à la question des députés verts Djuna Bernard et Meris Sehovic, répétant que « la commission émet toujours un avis sur base d’une évaluation de viabilité économique d’une activité et non sur la valeur intrinsèque de l’activité projetée. » Il oublie de dire que la commission est un organe consultatif qui donne un avis. Le ministre peut suivre, mais il n’est pas obligé. Peu lui chaut à Léon Gloden qu’ Alborz Teymoorzadeh soit un artiste qui a collaboré avec plusieurs institutions et associations culturelles du pays (Esch22, Kulturfabrik, Neimënster, Le Gueuloir, Rotondes, Œuvre, Le Groupe sanguin, Nuits de la culture…), un artiste qui a reçu un avis très favorable du jury pour lui proposer une résidence de création à Bourglinster, un artiste formé à l’Université du Luxembourg qui a dédié sa thèse au Clair-Chêne à Esch, prouvant, si besoin est, son intégration et sa compréhension de la vie culturelle locale. Pour savoir tout cela, la commission (composée de représentants des ministères des Affaires intérieures, de l’Économie, des Affaires sociales et de l’Éducation nationale) aurait pu demander son avis au ministère de la Culture, le règlement grand-ducal prévoit la possibilité d’inviter d’autres représentants à la commission. Sur 100,7, Eric Thill (DP) a bien confirmé qu’il n’avait pas été sollicité par son collègue de l’Intérieur. Il s’est distancé de Léon Gloden en soulignant qu’il défendait la liberté artistique et soutenait clairement créateurs et artistes. L’avis de la commission n’aurait sans doute pas été unanime si le ministère de la Culture avait été invité. Au-delà de l’impossibilité de définir la plus-value économique d’une création artistique, rendant le raisonnement caduc, le signal envoyé par la commission est plutôt inquiétant. On y comprend que les gens ne sont jugés qu’en fonction de leurs performances économiques. Et comme la création, les artistes et le secteur culturel dépendent largement de financements publics, en poussant un peu plus loin cette logique, le pays pourrait se passer de tous les artistes et de tous ceux qui ne rapportent rien sur le marché. Avec la décision de virer Alborz Teymoorzadeh du Luxembourg, c’est une gifle à tous les artistes qui est infligée. Tous des indésirables, des intrus, des encombrants. Cette décision est indigne. Elle est aussi inopérante. Le Luxembourg déploie une énergie et des moyens considérables à recruter des « talents » et quand il en tient un, il le vire. L’histoire recèle un grand nombre d’exemples d’artistes qui ont été renvoyés, rejetés, vilipendés pour ensuite être admirés, récupérés. Claude Frisoni, citant Le Monde, rappelle qu’en 1940, la France avait refusé la naturalisation de Picasso, jugeant « ce peintre soi-disant moderne » trop proche des anarchistes. Enrico Lunghi ajoute « Joseph Kutter a dû supporter les sarcasmes des bien pensants de son époque avant d’être considéré le plus grand ». Il y a fort à parier que si Alborz reçoit un jour une consécration internationale pour son travail artistique, il y aura des voix cyniques pour rappeler fièrement qu’il a étudié au Luxembourg et que ce succès est un peu le nôtre.
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Olivier Halmes
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Modern family aPierre Sorlut
Ce qu’enseigne l’assermentation du Lieutenantreprésentant Guillaume sur la monarchie
Olivier Halmes
Sortie de la Chambre des députés
« Bon. Je ne vais pas manquer le rendez-vous. » Peu après 15 heures mardi, le président de la Chambre des députés, Claude Wiseler, accompagné par son secrétaire général, Laurent Scheeck, quitte la salle de presse du Parlement où journalistes, policiers et membres du personnel se disputent la machine à café. Il est question là d’un rendez-vous avec l’Histoire, « à la confluence de la tradition et du renouveau, un jour historique pour notre pays, pour la dynastie, mais aussi pour la Chambre », comme le relèvera quelques minutes plus tard le président Wiseler avant de demander au Prince Guillaume de prêter serment pour la première fois au Krautmaart et boucler sa désignation en tant que Lieutenant-représentant signée par arrêté grand-ducal quelques minutes plus tôt. Le Grand-Duc héritier Guillaume est devenu mardi après-midi le sixième Lieutenant-représentant de l’histoire du Luxembourg. Un titre exotique propre au Grand-Duché depuis 1841, comme la rappelé le Premier ministre, Luc Frieden (CSV), dans une allocution pédagogique : « Cette particularité constitutionnelle luxembourgeoise remonte au XIXe siècle, à l’époque où le roi des Pays-Bas était également Grand-Duc de Luxembourg. Le roi Guillaume III nomma alors son frère, le prince Henri, comme son représentant au Luxembourg. Cet arrangement était avant tout pratique, permettant à l’un de siéger aux Pays-Bas, tandis que l’autre pouvait être présent ici, au Luxembourg. » Des mots déjà prononcés par le Premier ministre Jean-Claude Juncker (CSV) à la Chambre le 3 mars 1998 pour la lieutenance du prince Henri (le contemporain).
Le couple grand-ducal et le couple héritier mardi au début de la cérémonie au Palais
Luc Frieden promeut l’association des deux régimes que sont la monarchie et le parlementarisme, l’association de « la stabilité et continuité à la tête de l’État à l’expression régulière de la volonté des électeurs ». La cheffe du ressort politique
du Wort écrit ce mercredi dans son édito que la monarchie constitutionnelle est un « anachronisme », mais note la prééminence croissante du parlementarisme sur le monarchisme. Conséquence de la dernière réforme constitutionnelle, en application depuis juillet 2023, le Prince Guillaume est devenu le premier Lieutenant-représentant à prêter serment devant les députés. Contacté par le Land mercredi via le service de presse de la Maison du Grand-Duc, le Prince Guillaume qualifie les cérémonies de « dignes ». Celle au palais « plus intime et familiale », celle à la Chambre « impressionnante, mais aussi chaleureuse ». Le futur monarque explique se sentir « différent » depuis la prestation de serment, « conscient des nouvelles responsabilités » qui lui incombent « et reconnaissant de la confiance » qu’on lui accorde. Dans la pratique et selon les explications prodiguées, le Lieutenant-représentant assumera les tâches plus administratives comme les accréditations d’ambassadeurs ou la signature des textes de loi. Le Grand-Duc continuera d’assumer les principales fonctions représentatives que sont les visites d’État et l’incarnation du pays dans les grands événements localement et à l’international. « Je jure d’observer la Constitution et les lois et de remplir fidèlement mes attributions constitutionnelles. » Le GrandDuc héritier a répété ces mots, la main droite levée tous doigts tendus, devant les soixante députés. Une formule d’engagement constitutionnel presque identique à celle prononcée, la main droite levée deux doigts tendus, par son père Henri, le 4 mars 1998. Le 15 mai 1961, Jean avait juré de respecter la Constitution devant dieu : « Que dieu me soit en aide », ponctuait le serment. […]
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POLITIK 11.10.2024
« Nous représentons une monarchie, une institution qui, par définition, impressionne un peu. » Prince Guillaume
Olivier Halmes
Le Grand-Duc Henri embrasse son fils Guillaume
[Suite de la page 3]
Une couverture médiatique inédite La presse a grassement couvert la cérémonie de prestation de serment du Lieutenant-représentant Guillaume. Ce qui était moins le cas par le passé. En 1961, la Zeitung vum Letzebuerger Vollek n’avait abordé le sujet que par quelques lignes en deuxième page. En 1998, le quotidien communiste n’a pas davantage présenté l’événement, mais il y a consacré son éditorial. « Und doch scheint es, als brauche das kleine Marienland die ruhige Hand des Nassauers, um die Illusion von Größe, Freiheit und Identität wachzuhalten », avait écrit Ali Ruckert. En 1998, dans son éditorial au Tageblatt, Danièle Fonck qualifiait l’événement « d’historique » et saluait la décision du Grand-Duc Jean de faciliter la transition, « à l’instar de sa vénérée maman, la Grande-Duchesse Charlotte, qui avait voulu la lieutenance en 1961 ». À l’époque, l’éditorialiste du Wort avait vu la démarche de Charlotte comme un « acte normal » : Il est à prévoir que le geste de la Souveraine, malgré les talents critiques propres aux authentiques Luxembourgeois, ne suscitera aucune opposition dans le pays. Il nous reste à souhaiter que les événements du petit monde autour de nous ne viennent pas bouleverser la vie tranquille malgré toute son intensité, de notre libre Grand-Duché ! ». En une du quotidien de l’Archevêché, le Grand-Duc héritier Jean pose avec devant lui, sur un canapé, son épouse Joséphine-Charlotte et leurs trois filles. Henri, six ans, se tient debout jouant avec sa petite sœur. Seules deux pages intérieures du Wort avaient été consacrées à la cérémonie de prestation
de serment dans la salle des fêtes du Palais. Sur la photo posent les protagonistes, dont une délégation de la Chambre et du gouvernement. La presse ne faisait alors pas mention de contact entre le monarque et le peuple à cette occasion. Cette fois, le passage du futur Grand-Duc devant les représentants du corps électoral a alimenté dans une certaine mesure l’intérêt médiatique. L’accessibilité de la famille royale au public aussi, avec notamment une professionnalisation de la relation presse de la Cour depuis vingt ans. Les médias ont largement couvert les contacts du Prince Guillaume avec le public, souhaité par le futur monarque. Le service audiovisuel public s’est livré à l’exercice du micro-trottoir. 100,7 a donné la parole aux curieux derrière les barrières face au palais : sur les deux ou trois cents personnes, une bonne partie était des étrangers de passage. « C’est la passation de pouvoir complet ou de demi-pouvoir, Je n’sais pas », s’interroge une touriste belge qui s’est arrêtée quand elle a vu que quelque chose se tramait. Une estrade avait été installée pour la presse image afin de documenter les quelques dizaines de pas effectués par les le GrandDuc héritier entre le Palais et la Chambre puis entre la Chambre et le Palais. Puis il y avait les spectaculaires caméras sur grue télescopique de BCE (Broadcasting Centre Europe). Et enfin la garde militaire en nombre. Mercredi l’ensemble de la presse écrite a consacré sa une à la prestation de serment. À l’exception de la Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek qui n’a consenti qu’un encart illustré dans ses « Lescht Nuvellen » et quelques lignes piquantes d’un récit ponctué par : « Das alles hätte uns erspart bleiben können, hätten im Januar 1919 nicht französische Bajonette im Auftrag Stahlherren die Republik in Luxembourg verhindert. »
Prestation de sermet à la Chambre
Le vœu de modernité Dans le verbatim de l’interview accordée par le Grand-Duc et son fils à RTL et 100,7, le radical « modern » apparaît sept fois dans les propos de Guillaume (trois dans ceux de la journaliste Claude Zeimetz et une dans ceux de Henri). La première occurrence vise la manière de communiquer pour l’occasion. Cet entretien, réalisé en amont et diffusé aux organes de presse lundi après-midi sous embargo (pour parution mardi 6 heures) est considéré à la Cour comme un podcast, un terme radicalement moderne aux yeux des communicants. Débordée par les sollicitations, la Maison du Grand-Duc a choisi deux médias pour réaliser l’entretien. « Eng modern Aart a Weis », analyse Guillaume. S’il s’agit d’un format inédit (le chef de l’État et futur Lieutenant-représentant en conversation avec la presse), la sélection des journalistes interroge, notamment au Wort. La prestation de service public confère une légitimité à RTL et 100,7, mais l’exclusion des autres médias est plus difficile à expliquer. Quarante organes de presse se sont accrédités pour la prestation de serment. Mais c’est en parlant de la séparation entre vie publique et vie privée que le Grand-Duc héritier et son interlocutrice journaliste ont recouru le plus au concept de modernité. « Nous, en tant que famille moderne, avons un autre style de vie que les générations précédentes », a expliqué Guillaume au sujet de sa volonté de faire construire (avec les sous des Nassau) un pavillon dans le parc du château de Colmar-Berg où réside traditionnellement le couple grand-ducal et ses enfants. Les Grands-ducs retraités et les aspirants, comme Guillaume et Stéphanie de Lannoy (mariés depuis 2012), vivent à Fischbach. « La monarchie c’est une famille », confirme le Grand-Duc. Guillaume, Grand-Duc et papa, aménagera son emploi du temps professionnel, « moins d’engagements le soir ». Il organisera les activités en dehors des vacances scolaires « afin que nous puissions également vivre notre vie de famille de manière agréable et ordonnée ». Il prévoit de conduire les enfants à l’école le matin et de les coucher le soir. « Ils n’ont pas beaucoup d’aide et c’est vraiment exceptionnel ce qu’ils font », s’extasie le grand-père de Charles, quatre ans, et François, un an. Pour Henri, la famille du Grand-Duc serait un modèle dans lequel les gens, « qui parfois manquent de repères », s’identifieraient. Ne faut-il pas « veiller à garder une certaine distance, afin de ne pas devenir trop ordinaire ? », demande toutefois Maurice Molitor (qui avait déjà commenté la prestation de serment en 1998 pour RTL Télé). « Je pense que la distance est naturellement présente. Nous représentons une monarchie, une institution qui, par définition, impressionne un peu », répond le Prince Guillaume.
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Mais que vise le Prince par ce vœu de modernité en dehors de son équilibre de vie familial ? Pour Guillaume, à 42 ans (il en aura 43 le 11 novembre), on est encore jeune et « on a beaucoup de nouvelles idées à réaliser ». La formule reste mystérieuse, surtout si l’on considère les (maigres) pouvoirs conférés au chef de l’État. Les éléments de réponse en guise de bilan n’éclairent que très peu : « Une nouvelle génération, ce n’est pas la révolution. Nous sommes attachés à une tradition et c’est important de la maintenir. Ces traditions font partie d’une monarchie. En revanche, je pense qu’il est aussi important pour moi de m’engager, comme je le fais déjà, pour les jeunes. (…) Pour attirer l’innovation au Luxembourg, pour m’investir davantage dans l’économie, car ce sont des vecteurs qui, je pense, ajouteront une touche de modernité à la monarchie. C’est une carte que peut jouer une monarchie moderne, un monarque moderne avec son conjoint. »
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POLITIK 11.10.2024
Les propos collent en tout cas avec la désignation en cours d’un futur maréchal pour accompagner la transition sur le trône. « Des noms circulent », confie le Grand-Duc. L’on sait depuis ce mercredi, grâce à des informations de Reporter, que la directrice générale de Luxinnovation, Sasha Baillie, part favorite pour succéder à Paul Dühr. Cette ancienne diplomate (à Bruxelles et Moscou) avait rejoint le cabinet du ministre de l’Économie Etienne Schneider en 2014 en tant que conseillère diplomatique et chef de cab adjointe. Au Forum Royal, elle a notamment piloté la réforme de la promotion économique, un domaine dans lequel elle a régulièrement rencontré le Prince Guillaume.
Gimmy le bien-aimé Le site de la Cour, monarchie.lu, livre un portrait du Grand-Duc héritier Guillaume des plus lisse et synthétique. Né en 1981, il est l’aîné des cinq enfants du couple royal, Henri de Nassau et Maria Teresa Mestre (née à La Havane, Cuba, en 1956). Le jeune prince a commencé
SIP
Concernant la date d’abdication, la presse a pris pour habitude de spéculer sur 2025, à l’issue du quart de siècle de règne de Henri. Selon Reporter, il s’agirait effectivement du 7 octobre. Cela corroborerait les informations prodiguées cette semaine Au cours de l’entretien, a été rappelé que le Prince Guillaume a déjà expliqué que la lieutenance durerait entre un et deux ans. « Je décide », a insisté le GrandDuc. Interrogé sur l’hypothèse 2025, aussi l’année de ses 70 ans, le Grand-Duc n’a pas démenti : « On verra », a-t-il coupé, s’avouant plus tard dans une grande spontanéité « très content » d’accéder à la « retraite », synonyme « d’une vie entre guillemets normale ».Il a en outre insisté sur son envie de voyages, entre Fischbach et Biarritz où la famille grand-ducale possède un appartement. En début de conversation, le monarque avait aussi eu cette formule semblant boucler la boucle : « J’ai exercé les fonctions de chef d’État pendant 25 ans, sans compter les années en tant que GrandDuc héritier. » Or, les 25 années ne seront révolues qu’en octobre l’année prochaine.
Le futur Grand-Duc se voit offrir des tapis imprimés
« Die moderne Monarchie als solche erscheint mir eher als ein Marketing-Gag – es gibt sie nicht. (...) Sie ist an sich ein Anachronismus. Das Protokoll verhindert Bürgernähe und Transparenz », analyse le journaliste du Wort Florian Javel dans un dialogue méta-journalistique avec sa cheffe Ines Kurschat cette semaine. Le Grand-Duc Henri a lui souligné le concept d’unité, cinq fois dans son
propos, notamment pour définir le rôle du monarque: « Maintenir l’unité nationale ». La modernité est-elle un vœu pieux pour la famille royale ? La séparation claire de ses activités publiques et privées devrait en tout cas permettre d’échapper aux affres connus sous le règne de Henri et qui ont mené au rapport Waringo et à la création de la Maison du Grand-Duc. p
#regionalsaisonal SOU FRËSCH, SOU LËTZEBUERG
son parcours scolaire à Lorentzweiler et poursuivi au lycée Robert Schuman dans la capitale. En 1994, Guillaume est parti en Suisse (à l’Institut Le Rosey et au collège
Freddy Sangers-Majerus Mëllechbauer
Alpin Beau Soleil). Conformément à la tradition familiale, il a poursuivi à l’Académie royale militaire de Sandhurst en Grande-Bretagne. Il a ensuite passé une double licence en lettres et sciences politiques à l’université d’Angers. Ce portrait s’enrichit au comptegoutte dans la revue de presse du gouvernement où l’on relève quelque 800 références au Prince Guillaume, en français et en allemand. « Ein ganz normaler Jugendlicher », titrait la Revue en 1999 pour la majorité de Guillaume. Peut-être pas tant que ça. L’hebdomadaire raconte son camp scout de trois semaines au Népal durant lequel le Prince a supporté une marche de trois jours complets où il a été « trempé par la pluie, accablé par la chaleur et martyrisé par des sangsues de la taille d’un doigt ». Dans un entretien accordé cette semaine à 100,7, l’ancienne directrice du Lycée Robert Schuman confie que « Gimmy », comme l’appelaient ses camarades, jouissait parfois d’aménagements particuliers. Lors de la journée, orientation professionnelle, il n’y avait par exemple pas d’atelier pour lui. Et quand il sortait à la pause de
Nidderpallen - „um Kimm“
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midi, il lui fallait être accompagné. D’une manière générale les portraits sont élogieux et présentent une personnalité
regionalsaisonal.lu
bienveillante. Feu-Feierkrop relevait
Regional a saisonal Ernierung steet fir méi Qualitéit, méi Nohaltegkeet,
lui sa religiosité et sa volonté
méi frësch a gesond Liewensmëttel, vun eise Lëtzebuerger Produzenten.
d’assister aux offices religieux, même en mission économique. PSO
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schwierig wäre, da es sich nicht allein auf die Wahlberechtigten beschränken dürfte. PF Bad Cop
P O L I T I K
Good Cop
„Meine Tür steht offen!“, sagte CSV-Sozialministerin Martine Deprez (Foto: Anouk Flesch) am Schluss ihrer Pressekonferenz vorigen Freitag auf die Frage, wieso zur „Konsultation“ über die Renten nicht auch die Amiperas eingeladen werde, und wie frontaliers sich Gehör verschaffen könnten. Mit der Diskussion des „Wachstumsproblems“ des Rentensystems die ganze Welt umarmen zu wollen, kann politisch nicht schaden. Es kann die Position der Gewerkschaften schwächen
und den elektoralen Preis für die Regierungsparteien begrenzen helfen, falls eine Reform die in der von 2012 enthaltenen Kürzungen noch verschärft. Dass die Regierung das vorhat, sagt Deprez seit Monaten nicht mehr. Der Sorge, bei Anhörungen von Akteuren wie dem Nachhaltigkeitsrat und dem Jugendrat und durch den Input von Bürger/ innen in Form von maximal 500 Zeichen auf schwätzmat. lu politisch kurzgeschlossen zu werden, gaben OGBL und LCGB am Montag mit roten Linien Ausdruck: Kein weiterer Abbau der Renten; Erhalt ihrer TripartiteFinanzierung; keine „Privatisierung“ in Richtung Betriebsrenten und privaten Verträgen; Nein dazu, die Suche nach neuen Finanzierungsquellen auszuschließen. Und würde die Regierung nicht allein mit den Sozialpartnern verhandeln, müsse über eine Reform ein Referendum entscheiden. Was natürlich
Als CSV-Arbeitsminister Georges Mischo nach der Sitzung des Ständigen Beschäftigungsausschusses am Dienstag sogar per offizieller Regierungs-Mail an die Presse erklären ließ, die Arbeitswelt ändere sich, 56 Prozent der Personaldelegierten seien „neutral“, und dem werde man „Rechnung tragen“, konnten die Gewerkschaften das nur als Kriegserklärung auffassen. Mischo stellt damit ein Grundprinzip der seit 1936 geltenden Sozialpartnerschaft infrage. Doch Kollektivverträge nicht nur mit repräsentativen Gewerkschaften verhandeln, sondern auch auf Betriebsebene Abkommen mit den Delegationen treffen zu können, ist eine alte Forderung der UEL. Dass die CSV-DP-Regierung dem nachgeben könnte, deutet der Koalitionsvertrag an:
Die Armee als Patron
Karrieren erklärt habe, ein Konflikt
Weil das Bewertungssystem in der
in der Armee sei sektoriell, keiner
Armee den Gehältervertrag für den
für den öffentlichen Dienst an sich.
öffentlichen Dienst breche, hatte
Also könne es keine Schlichtung
die CGFP im April auf einer
geben: Eine Schlichtung sei Etappe
Saalmaniff gedroht, der CSV das
eins der Streikprozedur, Streiks in
Europa-Wahlresultat zu verderben.
der Armee aber verboten.
Sozialdialog und Repräsentation der Arbeitnehmer würden reformiert. Dass Mischo sich auf die EU-Richtlinie über den Mindestlohn beruft, die für mehr Kollektivverträge sorgen will, ist vielleicht kein Widerspruch. Zwar zielt sie darauf ab, 80 Prozent der lohnabhängig Beschäftigten unter Kollektivverträge zu bringen (hierzulande zurzeit 53%). Dass sie verbindlich vorschreibt, nur Gewerkschaften könnten sie aushandeln, ist aber nicht so sicher. In Luxemburg könnte entscheidend sein, wie das CSV-intern gesehen wird, ob der Gewerkschaftsflügel der Partei dem business friendly gesinnten unterliegt. PF PTSD
RTL-Télé traite la politique sous forme de séances psychothérapeutiques. Dans une émission diffusée dimanche dernier, Félix Eischen (CSV) est revenu sur son burn-out, tandis que François Bausch (Déi Gréng) a réfléchi sur le stress ministériel. Ce mercredi,
c’est Roberto Traversini (Déi Gréng) qui a droit à un quart d’heure de reportage. Même si le traitement soap s’avère parfois gênant, les témoignages sont crus, et souvent poignants. Ceux de Traversini et d’Eischen se recoupent lorsqu’ils évoquent la « menschlech Enttäuschung », ressentie face au vide qui s’est fait autour d’eux, quand les ennuis ont commencé. Le député-maire de Kehlen décrit la politique comme un environnement peu propice pour un « harmoniesüchtege Mënsch ». En mai 2021, alors qu’il ne s’était pas encore remis de son burn-out, Eischen s’est retrouvé happé par l’affaire Frëndeskrees. Le désir de « certaines personnes » de faire une dénonciation au Parquet, « dat huet mech schockéiert », dit-il. Une phrase qui vise, sans les nommer, Gilles Roth et Martine Hansen, les deux chefs de fraction qui avaient poussé Frank Engel (plus six victimes collatérales) dans l’engrenage judiciaire. RTL a également rencontré Roberto Traversini pour montrer « de Mënsch hannert dem ganze Skandal », qui avait entraîné dans sa chute la ministre Carole Dieschbourg (depuis blanchie). Cinq ans après sa démission, RTL veut savoir : « Wéi grouss sinn d’Scholdgefiller ? » Traversini admet : « Ech hu warscheinlech net alles richteg gemaach ». Mais voilà, il aurait travaillé « seize à 18 heures par jour », et parmi la multitude de décisions à prendre, certaines n’auraient pas été
« les plus intelligentes ». Traversini évoque l’affaire Gaardenhaischen (photo : Mike Zenari) comme un « traumatisme », dont le « processus de guérison » serait toujours en cours. Il thématise aussi les pensées de suicide qui le hantaient à un moment : « Ech sinn net méi iwwert Brécke gaangen oder laanscht Garen, well een Deel am Kapp mir komesch Saache gesot huet ». Son procès devrait démarrer d’ici peu. Quelle serait une « punition juste », demande le journaliste. L’ex-député-maire répond que la punition, il la vit depuis cinq ans dans sa tête. BT
J U ST I C E
Le parquet insiste
Dans une nouvelle communication inhabituelle, le parquet a répété mercredi soir ce dont les médias doutent : Dan l’affaire du détournement de 61 millions d’euros au préjudice de Caritas, l’instruction continue à privilégier la piste de la fraude au président. 8 200 transactions réalisées dans des intervalles très rapprochés vers des centaines de comptes ouverts dans une multitude d’États renforcerait la présomption qu’une association de malfaiteurs ou organisation criminelle est impliquée dans cette fraude. Ce jeudi, 100,7 rétorque que la directrice financière n’a pu ordonner 125 virements de 500 000 euros vers l’Espagne sur plusieurs mois sans avoir joué « un rôle actif ». PSO
Denn vor den Kammerwahlen stand „Ja, wo leben wir denn?“, wenn nicht
CSV-Beamtenminister aber wollte
geschlichtet werden soll, weil nicht
davon nichts mehr wissen. Diesen
gestreikt werden darf, rief Heiliger in
Montag war die DP dran: Mache
die Spal-Generalversammlung am
Verteidigungsministerin Yuriko
Montag in der Diekircher Al Seeërei.
Backes „so weiter, könnte die DP
In der Armee scheint es viele mal
nach den nächsten Wahlen, wie
größere, mal kleinere Konflikte zu
2004, mit fünf Mandaten weniger
geben, um Überstunden, Urlaube,
dastehen“. So Christian Schleck,
Elternurlaub. An die große Glocke
Präsident der Armeegewerkschaft
gehängt wird das kaum. Drohende
Spal und Mitglied des CGFP-
Worte sind symbolisch. Ehe Schleck
Exekutivbüros (auf dem Foto bei
die DP anging, begrüßte er im Saal
der CGFP-Kundgebung am
„eise Frënd Fernand Etgen“, und der
29. April). Über die Bewertung sind
blieb zum Patt nach der AG. Als
Spal, CGFP und Offizierverband
Arbeitgeber, der attraktiv sein will,
Apol sich mit der Regierung noch
ist die Armee offenbar noch
nicht einig. Backes habe „einen
entwicklungsfähig. Und es wäre
vernünftigen Vorschlag vom Tisch
nützlich, wenn sie hätte, was einige
gewischt“, klagte Schleck. Das
Parteien, darunter die DP, im
werde „die CGFP nicht hinnehmen“,
Wahlkampf versprachen: einen
sprang deren Generalsekretär Steve
„Wehrbeauftragten“ als Ombuds-
Heiliger ihm bei. Genauso
Instanz und Bindeglied zur Politik. In
„inakzeptabel“ sei, dass eine
den Koalitionsgesprächen ging diese
„Regierungsvertreterin“ (aber keine
Idee unter. Über das Warum gibt es
Ministerin) zu einem Streitfall über
nur Spekulationen. PF
Olivier Halmes
die CSV auf ihrer Seite; der neue
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POLITIK 11.10.2024
Le maître carré aLéo Liégeois
Les familles monoparentales à la merci du marché immobilier
La législation luxembourgeoise prévoit de multiples critères minimaux de salubrité, d’hygiène, de sécurité et d’habitabilité auxquels les logements doivent se conformer. À partir de l’âge de douze ans, toute personne logeant au Luxembourg doit avoir sa propre chambre à coucher. L’espace minimum dont chacun, y inclus les enfants, doit disposer est définit en mètres carrés. Les familles qui ne parviennent pas à se loger selon ces critères risquent d’être signalées auprès des tribunaux. Les conséquences peuvent mener jusqu’au placement des enfants. En même temps, le Statec constate que la présence d’enfants dans un ménage est très fortement associée à un risque de pauvreté. Avec un taux de 44 pour cent, les familles monoparentales sont de loin les plus touchées au Luxembourg. Le logement contribue fortement à cette pauvreté, car les ménages monoparentaux allouent près de quarante pour cent de leur revenu disponible aux dépenses d’habitation.
L’avocate Françoise Nsan-Nwet, spécialisée en droit de la faillite et du surendettement, explique que l’intégration au marché privé s’avère presqu’impossible pour ces familles. Déjà à cause des loyers qui explosent. Ensuite, les abus se multiplient au niveau des frais, des contrats et des règles de salubrité. S’ajoute l’absence de jouissance paisible : Certains propriétaires débarqueraient chez les locataires sans prévenir et circuleraient dans les logements. L’avocate déplore que les mères monoparentales sont les plus exposées. Leurs dossiers ne seraient généralement pas acceptés par les agences immobilières. Des propriétaires introduiraient des clauses discriminatoires dans les contrats de bail qui touchent les libertés individuelles des femmes. Elle cite des baux interdisant d’avoir des enfants. À défaut de l’écrire dans les contrats, certains propriétaires le diraient. En tant qu’assistante sociale au service Alupse-Bébé, Sandra De Campos fait des visites à domicile avec une équipe composée de sage-femmes, d’assistants sociaux, de psychologues et d’infirmiers pédiatriques. Elle constate qu’« environ un tiers des femmes accompagnées par le service sont logées dans des conditions inadaptées ». Même si la plupart d’entre elles travaillent, leurs revenus sont insuffisants pour payer le loyer d’un appartement. Elles vivent alors avec leur(s) enfant(s) dans une seule chambre. Ce ne sont pas des appartements ou des studios, mais des chambres dans des colocations ou au-dessus de cafés. Ces colocations sont situées dans des appartements et maisons transformés pour aménager un maximum de chambres à louer. Les salons y deviennent des chambres à coucher. Les cuisines et les salles de bains sont des espaces communs dépourvus d’objets personnels et de décoration. La cohabitation dans ces circonstances crée souvent des tensions entre les occupants. Le seul endroit privé où les femmes et les enfants peuvent se retirer est leur chambre. Afin d’aménager de l’espace suffisant pendant la journée, certaines mères se trouvent à ranger tous les matins les matelas sur lesquels elles dorment avec leurs enfants. Il n’existe aucune intimité. Dans les chambres de cafés, les femmes et les enfants subissent le bruit incessant et des odeurs fortes dans un environnement peu adapté voire dangereux : risque d’urine, de seringues, de vomissements et de vol. Pas question de laisser une poussette dans le couloir, avertit De Campos.
Patrick Galbats
L’Ombudsman pour enfants, Charel Schmit, constate la croissance des difficultés de logement des familles monoparentales et des femmes enceintes. Pourtant, beaucoup d’entre elles apportent de bons soins à leurs enfants. Dans ces cas, où seul l’état du logement pose problème, il serait, selon Schmit, dans l’intérêt de l’enfant de rester et de grandir dans sa famille. C’est pourquoi, il veut éviter le placement de ces enfants et souligne la nécessité d’accompagner la famille entière en attendant qu’une solution soit trouvée.
Chambre de café
Quelle place pour les enfants en situation de logement précaire?
Elle souligne l’insalubrité dans laquelle ces femmes et leurs enfants sont souvent contraints de vivre. Des moisissures et champignons sur les murs peuvent engendrer des problèmes respiratoires. S’y ajoutent les dangers d’incendie liés à l’électricité qui, dans certains cas, n’est pas conforme. Parfois, des trous dans le plancher laissent voir les étages en-dessous. Selon De Campos, ces mères savent que leur logement n’est pas adapté pour y vivre avec un bébé, mais elles sont dans l’impossibilité de trouver une alternative. Par crainte de perdre leur logement, elles vont parfois jusqu’à essayer de cacher leur grossesse ou même l’arrivée de leur bébé au voisinage. S’ajoute l’aspect sonore ; le moyen de communication principal des bébés sont les pleurs. Vivant entouré de murs très minces et dans l’effort d’atténuer les tensions dans les locaux, les mères tentent de garder leurs bébés le plus silencieux possible. De Campos constate que cette situation de stress génère un risque accru de « syndrome de bébé secoué ». L’intervention à domicile par Alupse-Bébé et les sage-femmes de métier permet de minimiser ce risque par le partage d’informations et le soutien des mères. D’ailleurs, ces professionnels peuvent relier le plus tôt possible les femmes et les enfants vulnérables aux services d’aide. Le Land a rencontré Salwa (nom modifié), aujourd’hui maman de quatre enfants, qui tente de survivre sur le marché immobilier. D’origine belge, elle est aujourd’hui Luxembourgeoise et habite une maison au sud du pays. En 2009, alors qu’elle est au début de sa vingtaine et enceinte de son deuxième enfant, elle cherche un appartement. À ce moment Salwa, bénéficie du Revis et détient d’une promesse d’embauche à plein temps en CDI, qui lui permettrait de payer le loyer d’un appartement. Les agences immobilières vont cependant refuser son dossier, arguant un manque de sécurité. Femme? Mère? Enceinte?
Au Revis? Hors de question. Salwa va s’inscrire sur les listes d’attente pour les logements sociaux et pour les différentes aides sociales auxquelles elle a droit. Elle se rappelle des paperasses interminables. « Tu dois exposer ta vie entière et tu dois prouver et justifier ta détresse », dit-elle. Lors de son inscription pour un logement social, la liste d’attente auprès du Fonds du logement aurait été de huit ans. Fin janvier 2024, 5 996 familles étaient en attente d’un logement social. Après des mois de recherche, Salwa reste sans solution alors qu’elle doit quitter son lieu de résidence. Elle se retrouve contrainte à un « retour en enfer », chez son ex-conjoint, qui lui avait infligé des violences physiques, psychiques et financières. Elle déménage en France, non-loin de la frontière luxembourgeoise avec son ainé et son nouveau-né. Ils vivent alors à quatre, elle-même, ses deux enfants, et son ex-conjoint violent, dans 23 mètres carrés. Salwa n’abandonne pas ses recherches de logement. Quelques mois plus tard, une collègue la met en contact avec un propriétaire qui dispose d’un logement au sud du Luxembourg. La même collègue lui prête 2 000 euros pour qu’elle puisse payer la caution. Cela permet à Salwa de quitter son ex-conjoint avec ses enfants et de s’installer de nouveau au Luxembourg. Ici, elle dédie presque deux tiers de son revenu mensuel au loyer et continue donc à renouveler sa demande pour un logement social. Enfin, vers 2014, quatre ans après sa demande initiale pour un logement social, Salwa reçoit une offre. Deux chambres, un salon, une cuisine et une salle de bain pour 600 euros par mois. Elle a deux semaines pour accepter et y déménager. Elle accepte immédiatement. Dans ce nouveau logement, il n’y a pas de meubles, la cuisine et la salle de bain ne sont équipées que d’un robinet et d’une armoire chacune. Salwa contacte un électricien pour installer une cuisine fonctionnelle et en même temps fait tout pour aménager le plus rapidement possible et aux plus petits prix – elle réalise une grande partie des travaux elle-même. Une fois installée, elle y reste pendant trois ans avec ses enfants. Tout au long de ce parcours, Salwa assure seule la garde de ses deux enfants. Sans le soutien de son entourage qui s’est engagé pour elle, Salwa ne sait pas comment elle l’aurait fait. Comme tant de familles monoparentales, la vulnérabilité de Salwa s’est étendue à ses enfants qui, eux-aussi, ont dû s’adapter à la pauvreté. p
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PROULBI R TIK 11.10.2024
Olivier Halmes
Gilles Roth bei seiner Budgetsried in der Kammer: „D’Finanzplaz héichhalen“
Kleines Schiff mit Finanzplatz aPeter Feist-
Der Finanzminister und die Trickle-Down-Logik, die zu mehr Wachstum führen soll
Bei den Europawahlen am 9. Juni brachten CSV und DP es zusammen nur auf 41 Prozent der Stimmen. In seiner Erklärung zur Lage der Nation zwei Tage später kündigte CSV-Premier Luc Frieden vor allem Maßnahmen zum Abbau von Bürokratie an. Weil das der „anderen Politik“ nicht viel war, fiel es CSV-Finanzminister Gilles Roth zu, am 18. Juli, knapp dass die Sommerferien begonnen hatten, ausführlich vorzustellen, was Frieden fünf Wochen zuvor nur kurz erwähnt hatte: einen Entlaaschtungspak. Eine halbe Milliarde Euro schwer und ganz aus der Staatskasse finanziert. Gültig ab 1. Januar 2025. Mit Ankündigungen wie der Inflationsbereinigung der Einkommensteuertabelle um weitere 2,5 Indextranchen konnte die Regierung sich wahrscheinlich in den Herzen vieler Wähler/innen positiv bemerkbar machen. Mit der Erhöhung des Steuerkredits für Alleinerziehende und der Anpassung der Berechnungsformel in der Klasse 1a ebenfalls, und mit der integralen Absetzbarkeit von Hypothekenschuldzinsen für ein Eigenheim während zwei Jahren auch. An die Adresse der Unternehmer/ innen wiederum bekräftigte Gilles Roth, dass der Körperschaftssteuersatz um einen Prozentpunkt sinke, wie versprochen. Fügte hinzu, aktiv verwaltete ETF-Fonds würden von der Abonnement-Taxe befreit. Und das Jahresgehalt eines zugewanderten „Talents“ bis zur Höhe von 400 000 Euro nur zur Hälfte besteuert. Dass der unqualifizierte Mindestlohn
Vielleicht besserten die Steuereinnahmen bei Cargolux die Staatskasse auf, vielleicht die bei BGL oder Spuerkeess
in allen Steuerklassen durch einen erhöhten Steuerkredit steuerfrei werde, nannte Gilles Roth eine soziale Maßnahme. Was sie nicht nur ist: Dass die Allgemeinheit dafür aufkommt, bewahrt die Betriebe vor einer Mindestlohnerhöhung. Die steuerlichen Entlastungen, war Roth im Juli überzeugt, würden für Aufschwung und Wachstum sorgen. Also für mehr Steuereinnahmen. Damit nahm der Finanzminister viel von dem vorweg, was er diesen Mittwoch in seiner Budgetsried in der Abgeordnetenkammer hätte bekanntgeben können. Im RTL-Fernsehen musste er sich am Mittwochabend prompt fragen lassen, „ob der Staat wirklich tief in
seine Tasche greift“. Die meisten Maßnahmen seien ja schon seit Juli bekannt. Vielleicht wird Gilles Roth noch oft als Ko-Fraktionschef der CSV in der letzten Legislaturperiode erinnert. Der kurz nach Russlands Überfall auf die Ukraine die damalige Regierung wegen der Preise für Ölprodukte unter Druck setzte. Wie am 8. März 2022 in der Kammer nach einer Regierungserklärung zu dem Thema: „Dir Dammen an Dir Hären, mir hu Rekordpräisser op der Pompel a beim Masutt. D’Leit packen et net méi. D’Leit brauchen elo keng Geopolitik, si brauche keng Beléierungen, mee si brauche virun allem Alldags- an Terrainspolitik.“ Dabei versteht Gilles Roth, dass er als Minister nicht wie ein abgehobener Finanz-Technokrat wirken darf. Wenn seine haushaltspolitische Erzählung vor allem davon handelt, wie trotz „ëmmer nach donkele Konjunktur-Wolleken“ die Rechnung aufgehen kann. Wie auf dem kleinen „Lëtzebuerger Schëff “ die Segel so zu seetzen sind, „fir datt kee muss Anscht virun der Zukunft hunn“, geht es um die These, dass Steuererleichterungen Wachstum schaffen und mehr Steuereinnahmen, wie Luc Frieden im Wahlkampf insistiert hatte. Sodass nächstes Jahr die Einnahmen der Staatskasse schneller zunehmen als die Ausgaben und es zu dem „positiven Schereneffekt“ kommt, den Gilles Roth schon im März versprochen hat. Die dunklen Wolken haben damit zu tun, dass die Wirtschaftsleistung dieses Jahr laut jüngsten Statec-Schätzungen nur um 1,5 Prozent wach-
sen wird. Das wäre zwar fast das Doppelte der 0,8 Prozent in der Eurozone. Doch wären es nächstes Jahr 2,7 Prozent, fehlte noch immer etwas bis zu den im Durchschnitt 3,1 Prozent der Jahre 1995 bis 2023. Im Grunde begann Gilles Roths Budgetsried bereits am Montag. Da legte er im Finanzausschuss der Kammer den Kassenstand für dieses Jahr bis Ende September vor: 14,1 Prozent mehr Einnahmen gegenüber September 2023. Ein Plus von 2,6 Milliarden Euro. Darin stecken allein 715 Millionen mehr aus der Körperschaftssteuer, von der 42 Prozent mehr eingenommen wurden. Der „positive Schereneffekt“ zeige sich jetzt schon, stellte der Finanzminister fest, Denn die Ausgaben des Zentralstaats haben im selben Zeitraum nur um 7,4 Prozent (1,4 Milliarden Euro) zugenommen. Die Politik der Regierung für einen Aufschwung mache sich bemerkbar. Vielleicht ist dem so. Doch hat es Tradition, die Staatseinnahmen zunächst zu unterschätzen, um höhere Einnahmen anschließend als Ausdruck von Haushaltskunst, schlauer Wirtschaftspolitik oder einer Kombination beider darstellen zu können. In der Debatte zum Übergangshaushalt am 25. April hatte Grünen-Fraktionspräsidentin Sam Tanson Gilles Roth eine Bemerkung des Rechnungshofs vorgehalten: „[D]ass déi fënnef Prozent, wou dann net géif iwwert d’automatesch Besteierung bei deenen déckste Contributeuren d’Suen
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RO U LB IRTI IKK P 11.10.2024
agedriwwe ginn, dass grad déi géifen e bësse gekuckt ginn a Fonctioun dovun, wéi eng Recettë gebraucht ginn“. Was Gilles Roths DP-Vorgängern freilich genauso in die Hände spielte. Wie vor ihnen Luc Frieden, Jean-Claude Juncker und so fort. RTL meldete am Montag nach dem Finanzausschuss, die Mehreinnahmen hätten „hauptsächlich“ damit zu tun, „dass Cargolux ihre Steuern aus den für sie wirtschaftlich guten Covid-Jahren bezahlt hat“. Gegenüber dem Land wollte ein Sprecher des Finanzministeriums das nicht kommentieren und sagte, „Haupttreiber“ der guten Entwicklung sei der Finanzplatz. Mit Blick auf die Nettogewinne im vergangenen Jahr von 400,8 Millionen bei der Spuerkeess oder 577 Millionen bei der BGL wäre das verständlich. Vorausgesetzt, die Steuern auf diese Gewinne wurden schon dieses Jahr eingenommen, oder auf die ebenfalls im dreistelligen Millionenbereich von 2022. Wer weiß. Dass die Regierung wirtschaftspolitisch und fiskalisch den Finanzplatz „hochhalten“ will, wie Gilles Roth im Parlament sagte und später im Fernsehen unterstrich, passt dazu. Von wirtschaftlicher Diversifizierung sprach er nur kurz. Erwähnte den Aufbau einer „Bodenstation“ in Luxemburg für das EU-Satellitenprojekt Iris 2, das die flächendeckende Internet-Anbindung verbessern soll. Dagegen soll Luxemburg für börsennotierte ETF-Fonds, bislang vor allem eine Spezialität der USA, zu einem „Zentrum“ werden. Deshalb die für ETF null Prozent Abonnement-Taxe.
Gehälter, 400 Millionen mehr als im Budget 2024. Aus der Körperschaftssteuer sollen trotz des um einen Prozentpunkt gesenkten Steuersatzes 3,16 Milliarden Euro in die Staatskasse fließen; 510 Millionen mehr als für dieses Jahr geplant. Die Einnahmen aus der Abonnement-Taxe sollen sich auf 1,34 Milliarden belaufen (+110 Millionen), die aus der Mehrwertsteuer auf 6,11 Milliarden (+490 Millionen). Die aus allen Akzisen auf 2,4 Milliarden oder 220 Millionen mehr. Dass Zigaretten um 5,5 Prozent teurer werden sollen, was sich im zweistelligen Cent-Bereich bemerkbar machen wird, dient viel weniger der öffentlichen Gesundheit als der Optimierung der Einnahmen: Die von Luxemburg autonom, außerhalb der Akzisen-Union mit Belgien, erhobenen Zigarettensteuer-Einnahmen sollen einen Sprung von 389 Millionen Euro im Budget 2024 auf 515 Millionen im Budget 2025 machen. An neuen Ausgaben strich der Finanzminister in der Kammer Hilfen für sozial Schwache hervor: Die Regierung lege nicht nur auf das „Triple A“ Wert, auf ein „Triple S“ auch. Ehe DP-Familienminister Max Hahn Anfang nächsten Jahres einen Aktionsplan gegen die Armut vorlegen will, kündigte Gilles Roth die Erhöhung der Teuerungszulage (AVC) um zehn Prozent an. Die Energieprämie wird verdreifacht und soll künftig auch Bezieher/innen eines Einkommens zugute kommen, das bis zu 30 Prozent über der Grenze liegt, die zum Bezug der AVC berechtigt. In dem Fall sänke die Prämie aber degressiv.
Über alles soll 2025 der Zentralstaat 29,6 Milliarden Euro einnehmen, 1,5 Milliarden mehr als im Budget für dieses Jahr stehen. Steigen die Ausgaben von geschätzten 29,5 Milliarden Euro dieses Jahr auf 30,9 Milliarden nächstes Jahr, wäre der Zuwachs Letzterer mit 4,5 Prozent 0,7 Prozentpunkte kleiner als Ersterer und der „positive Schereneffekt“ gegeben. Das Defizit im Zentralstaat fiele dann mit 1,288 Milliarden Euro eine halbe Milliarde kleiner aus als im Mehrjahreshaushalt 2023-2027 vom März steht.
Nicht sozial selektiv ist die rückwirkend zum 1. Oktober und bis Ende Juni nur zur Hälfte fällig werdende Registrierungsgebühr beim Kauf einer Wohnung. Wer in dem Eigenheim selber wohnen wird, erhält den Abschlag sowohl beim Kauf einer bestehenden Wohnung als auch beim Kauf einer neuen (als Vefa, vente en future état d’achèvement). Investitionen zur Weitervermietung werden nur als Vefa mit der halben Registrierungsgebühr begünstigt. Denn bisher macht ein Aufschwung im Wohnungsmarkt sich nur bei den bestehenden Wohnungen bemerkbar.
Trotz der angekündigten Steuererleicherungen rechnet der Finanzminister 2025 mit 6,84 Milliarden Euro Steuereinnahmen auf Löhne und
Für den öffentlichen Wohnungsbau sollen bis 2028 über drei Milliarden Euro bereitgestellt werden. Zwei Milliarden für den Spezialfonds
Übergabe der Haushaltsentwürfe an die parlamentarische Berichterstatterin Corinne Cahen (DP)
schreiten: 101,26 Milliarden Euro. Für ein kleines Schiff eine Menge, aber mit dem Finanzplatz an Deck erklärlich.
2028 könnte das BIP die HundertMilliarden-Marke überschreiten. 2026 kommt der 700 000Einwohnerstaat
für erschwinglichen Wohnraum; eine Milliarde für die Beteiligung des Staats an Wohnungsbauvorhaben von SNHBM und Fonds du Logement; 680 Euro Millionen für den Aufkauf von Wohnungen durch den Staat – davon 480 Millionen für den Aufkauf von Vefa aus dem Privatsektor. Dass bei solchen politischen Engagements der „positive Schereneffekt“ auch länger erhalten bleibt, das Gesamtdefizit der öffentlichen Finanzen von 563 Millionen Euro nächstes Jahr auf 289 Millionen im Jahr 2027 sinken soll und die Staatschuld nie höher würde als 27,5 Prozent vom BIP, will der Finanzminister vor allem durch anhaltend hohe Einnahmen erreichen. Über Ausgabenkürzungen blieb er in seiner Rede im Parlament ähnlich vage wie schon im März. Als Spar-Minister möchte er nicht gelten. Lieber sagt er, sein Ziel sei, „die Mittel des Staates gezielt, intelligent und effizient auszugeben“. Bemerkt er anschließend, dass 2023 „die Ausgaben im Zentralstaat noch um 11,3 Prozent gewachsen sind“, kann der Eindruck aufkommen, das sei eine Fahrlässigkeit der vorigen Regierung gewesen und nicht vor allem durch die drei Solidaritätspakete bedingt, die 2022 und 2023 die Tripartite beschloss. Gilles Roth mag sowas. Laut Mehrjahreshaushalt 2024-2028 sollen die Investitionsausgaben sollen hoch bleiben, im Jahresschnitt um 5,8 Prozent wachsen. Was jeweils 4,5 Prozent des BIP entspräche und deutlich höher läge als die 3,8 BIP-Prozent in den Jahren 2014 bis 2022. Das BIP selber würde 2028 die Hundert-Milliarden-Marke über-
Eine weitere Marke würde überschritten, wenn 2026 der 700 000-Einwohnerstaat Wirklichkeit wird, den CSV-Premier Jean-Claude Juncker 2002 nach dem Rentendësch als Schreckgespenst unter die Leute gebracht hatte. Das Statec rechnet Ende 2026 mit 702 400 Einwohner/innen. Und im Jahr 2028 mit 558 300 Arbeitsplätzen, an denen 311 700 Ansässige tätig wären und 262 000 Grenzpendler/innen. Die Beschäftigtenzahlen sind auch deshalb von Bedeutung, weil 2028 die Sozialversicherung aufhören könnte, die „Mëllechkou” für die öffentlichen Finanzen insgesamt zu sein, wie Gilles Roth sich am Mittwoch im RTL-Fernsehen ausdrückte. Ein Überschuss in der Sozialversicherung verbesserte bisher nach den EU-Haushaltsregeln die Gesamtbilanz. Der Mehrjahreshaushalt geht davon aus, dass der Überschuss in der Sécu nächstes Jahr noch 657 Millionen Euro betragen wird, danach linear sinkt, um sich 2028 in ein Minus von 15 Millionen zu verwandeln. Sofern die Beschäftigung bis 2028 um durchschnittlich 1,7 Prozent zugenommen hat. Läge sie 0,5 Prozentpunkte niedriger, würde die Sécu schon 2027 mit 32 Millionen Euro defizitär. Wäre der Beschäftigungszuwachs 0,5 Prozentpunkte höher, könnte es 2028 noch 332 Millionen Euro Überschuss geben. Was daraus politisch folgen soll, erläuterte der Finanzminister in seiner Budgetsried nicht. Im Fernsehen sagte er, würden Wirtschaft und Finanplatz gestärkt, gäbe es mehr Beschäftigung. „Dann wird auch die Kurve der Sozialversicherung besser.“ Mit so viel Optimismus schien er seiner Kollegin Sozialministerin zu widersprechen, die gerade die „breite Konsultation“ darüber begonnen hat, ob der „Zwang zum Wachstum“ ein Problem fürs Rentensystem ist. Aber der Erzählung von der Politik, die Wachstum schafft, lässt sich zu gegebener Zeit ohne Weiteres hinzufügen, dass ein auf lange Sicht niedrig bleibender Rentenbeitragssatz ebenfalls für Wachstum sorge. Am Finanzplatz mit den hohen Gehältern würde das vermutlich besonders begrüßt. p
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ZU FA L LS G E S P R ÄC H MIT DEM MANN IN DER EISENBAHN
Whodunit „Ech kann et à ce jour net verstoen.“ Wunderte sich Premierminister Luc Frieden über die Veruntreuung bei der Caritas (4.9.24). Im Frühjahr verschwanden 61 Millionen Euro in 125 Überweisungen und 8 200 Transfers. Am 22. Juli meldete die Staatsanwaltschaft eine Beschuldigte: „Elle a été arrêtée sur mandat du juge d’instruction et placée sous contrôle judiciaire après son inculpation.“ Die Justiz schenkte der Beschuldigten Vertrauen. Sie ersparte ihr die Untersuchungshaft. Bei einem white-collar crime ist das üblich. Je höher die unterschlagene Summe ist. Weil die Verdächtigen aus bürgerlichen Verhältnissen stammen. Verdächtige von blue-collar crimes stammen aus der Arbeiterklasse. Ihnen droht weit häufiger die Untersuchungshaft. Rasch sprach sich herum, dass es sich bei der Verdächtigen um die Finanzdirektorin der Caritas handelte. Sie ist bisher die einzige Beschuldigte. „All Virement, deen huet misse gemaach ginn, huet missen eng double Signature hunn.“ Diese Prozeduren, „déi sinn all respektéiert ginn“. Betonte Verwaltungsrätin Nathalie Frisch (RTL, 4.10.24). Wer lieferte die 125 zweiten Unterschriften? Leichtgläubige Kollegen? Fahrlässige Kollegen? Komplizen? Binnen Wochen räumten sie die Bankkonten der Caritas leer. Den Kundenberatern der Caritas in den Banken musste auffallen, dass das Geld für die laufenden Zahlungen ausging. Kundenberater sind selten tollkühn. Sie sichern sich gerne bei Vorgesetzten ab. Banken haben Computerprogramme gegen „blanchiment“. Die melden, wenn Konten binnen kurzer Zeit mit redundanten Zahlungsanweisungen an die gleichen Auslandsadressen geleert werden. Die Banken hassen die Compliance. Sie kostet. Sie nervt die Kunden. Eine Steueroase braucht Regeltreue für ihr Ansehen. Und Kulanz für das Tagesgeschäft. So wurden 28 Millionen Euro entwendet. Das genügte nicht. Die Finanzdirektorin nahm Kreditlinien bei der Sparkasse und der Banque Générale auf. Dafür verpfändete sie künftige Zahlungen des Staats. Die Finanzdirektorin telefonierte mit Generaldirektor Marc Crochet: „‚Mir mussen eng Kreditlinn siche goen‘. An ech hu gesot: ‚Da maacht dat!‘“ Erzählte der Generaldirektor. Er erzählte nicht, ob er das Einverständnis des Verwaltungsrats verlangte. Er zeigte Mitgefühl: „E Mënsch ka krank sinn, e Mënsch ka benotzt ginn, [...] wann e kranke Mënsch esou eppes mécht“ (Radio 100,7, 22.7.24). Die Banken hüten Zahlungsprozeduren und Unterschriftsberechtigungen der Firmenkunden. Sie gewährten die Kreditlinien ohne Einverständnis des Verwaltungsrats. Obwohl „esouguer op där leschter nëmmen eng Ënnerschrëft vun engem Direkter drop war“. So Verwaltungsrätin Nathalie Frisch. Eine Kreditlinie über Millionen bewilligt nicht die Zweigstellenangestellte. Ein Bankangestellter sichert sich bei seiner Vorgesetzten ab. Und diese vielleicht bei ihrem Vorgesetzten. Die Caritas hatte einen guten Ruf: ihre Nähe zum Bistum, zur CSV, zur Regierung. Hierzulande ist immer jemand ein alter Schulfreund. Schon am 6. August wusste die Staatsanwaltschaft von einem „lien avec le procédé communément appelé ‚fraude/arnaque au président‘“. Die mutmaßliche Täterin sei ein Opfer. Sie sei auf eine gefälschte Identität hereingefallen. Das war mehr als eine Unschuldsvermutung: Die Ermittlungen begannen mit einem Freispruch. Die Ermittlungsbehörden wollten die Finanzdirektorin zur Mitarbeit gewinnen. Um einen Rest der 61 Millionen zu finden. So wird der Betrug zur Tat ohne Täter. 2019 entdeckte die Justiz, dass der staatliche Sicherheitsapparat die Bomben der Achtzigerjahre legte. Aber sie fand keine Täter. Vielleicht wächst auf diese Weise einmal Gras über die Caritas und die Regeltreue der Banken. p ROMAIN HILGERT
POLITIK 11.10.2024
MONICA SEMEDO
Um die Ehre aSarah Pepin Am Dienstagmorgen erscheint Monica Semedo, Sidecut und Leopard-Stiefel, im Themis-Saal des Europäischen Gerichtshofs in Kirchberg. Sie wird von ihrer Mutter und zwei Anwälten begleitet, fotografiert sich und den Saal, filmt Reels für ihre Social-Media-Accounts. Neben ihr haben fünf Vertreter/innen des Europaparlaments Platz genommen. Monica Semedo, ehemalige Abgeordnete im Europaparlament, fechtet die europäische Institution an. Für sie geht es offenbar um nichts weniger als darum, ihre Ehre zu verteidigen. Zwei Mal wurde Monica Semedo in den vergangenen drei Jahren vom Europaparlament wegen Mobbings ihrer Mitarbeiter/innen sanktioniert. Zuletzt wurden ihr von Präsidentin Roberta Metsola im April 2023 zehn Tagessätze à 350 Euro gestrichen. Vor dem Europäischen Gerichtshof fordert sie die Aufhebung der beiden Sanktionen. Ihr eloquenter Anwalt Thierry Bontinck stellt zu Beginn die beiden Argumente dar, auf die die Klägerin sich bezieht: Einerseits sei Monica Semedo im Rahmen der Prozedur nicht mit einem Anwalt gehört worden, was das Recht auf Verteidigung und „Gehörtwerden“ verletze. (Die Präsenz eines Anwalts ist in den Prozeduren des Europaparlaments nicht vorgesehen.) Zweitens seien ihr aufgrund von Datenschutzgründen die kompletten Aussagen der Mitarbeiter vorenthalten worden, was ebenfalls dazu führe, dass sie sich nicht angemessen verteidigen könne. Die Vorwürfe der Ex-Mitarbeiter über Nachrichten und Bereitschaften außerhalb von normalen Arbeitszeiten verbucht Semedos Anwalt als Teil der Arbeitswelt des Europaparlaments. Auch sei sie niemals mit „vulgären oder abwertenden“ Kommentaren aufgefallen: „Peut-être des humeurs, mais
jamais de comportements abusifs.“ Es liege hier ein „offensichtlicher Beurteilungsfehler“ des Parlaments vor. Monica Semedo hört aufmerksam zu, schreibt auf ihrem I-Pad mit. Die Vertreter/innen des Europaparlaments gehen bei der mündlichen Verhandlung wenig auf die Vorwürfe der Ex-Mitarbeiter ein. Sie argumentieren vor allem gegen die Prämisse, Monica Semedo habe von einem Anwalt begleitet werden müssen. Die ehemalige EU-Abgeordnete hatte sich schriftlich über ihren Anwalt geäußert, da sie nicht zu den Audienzen erschienen war, weil ihr kein Anwalt genehmigt wurde. Die Vertreter/innen des Parlaments sehen nicht, was die Anwesenheit eines Anwalts verändert hätte. Es geht insbesondere um zwei Anhörungen, die im April 2022 und im März 2023 im Rahmen der zweiten Prozedur stattfanden. Mehrere Stunden befragten fünf Richter/innen die beiden Parteien am Dienstag, wobei sie vor allem das Parlament unter Druck setzten. Dessen Vertreterin verwies wiederholt darauf, dass es sich bei den Anhörungen nicht um eine strafrechtliche, sondern um eine administrative Prozedur handle. Es gehe bei den Sitzungen vor dem Komitee darum, mit den Opfern und Tätern „ehrlich“ und „gelassen“ die Fakten herauszuarbeiten. Monica Semedo, die nach der ersten Sanktion ihre Parteikarte abgab, bevor die Demokratische Partei sie ausschließen konnte, hatte den scheinbar perfekten Aufstieg hingelegt. Als Kind von kapverdischen Eltern in Grevenmacher aufgewachsen, wurde sie als Kind Sängerin, dann Moderatorin bei RTL, bis sie 2019 ein fulminantes EU-Wahlresul-
tat hinlegte: National Viertplatzierte für die DP mit 50 890 Stimmen. Der Abstieg nach den Mobbingvorwürfen war genauso steil: Nachdem sie sich Fokus angeschlossen hatte, erhielt sie Im Mai noch 4 856 Stimmen. (Dabei bekam die DP 2019 natürlich wesentlich mehr Listenstimmen als Fokus dieses Jahr.) Die Interviews, die sie vor den EU-Wahlen gab, zeugen von wenig Einsicht. Neben Frank Engel bestritt sie im 100,7 im März „alle Vorwürfe vehement“, auch jene, für die sie sich bereits entschuldigt hatte. Im RTL-Radio sagte sie zwei Monate später, sie habe „Höhen und Tiefen gehabt, Probleme mit Mitarbeitern, die für niemanden schön“ gewesen seien. Geradestehen klingt anders. In der vergangenen Mandatsperiode wurden zwei weitere EU-Abgeordnete sanktioniert. Etwa die sozialistische Abgeordnete Mónica Silvana Gonzalez, die ihre Assistenten psychisch belästigt hat; auch der spanische Renew-Abgeordnete José Ramon Bauzá wurde wegen Mobbing sanktioniert. In den zehn Jahren davor lassen sich die Fälle, in denen Sanktionen ausgesprochen wurden, an wenigen Fingern abzählen. Allein zwischen 2019 und 2021 wurden jedoch 34 neue Fälle von Mobbing oder sexueller Gewalt im EU-Parlament gemeldet. Letztes Jahr berichtete Politico von systemischen Problemen: Die Prozeduren seien zum Teil langwierig und so angelegt, dass Opfer von sexueller Belästigung oder Mobbing eher davor zurückscheuten, ihre Beschwerden öffentlich zu machen. Seit April gibt es nun eine obligatorische Anti-Belästigungs- und Anti-Mobbing-Schulung für alle EU-Abgeordneten. Ein Urteil in der Affäre Semedo gegen das Europaparlament ist in drei bis vier Monaten zu erwarten. p
Olivier Halmes
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11.10.2024
« On n’est pas dans une approche mergers & acquisitions » aInterview : Bernard Thomas
Entretien avec Michel Simonis, directeur général de la Croix-Rouge, sur l’âme de Caritas, l’identité de HUT et le « return on invest » dans le secteur social d’Land : On pouvait penser que Caritas était « too big to fail ». Qu’un tel empire s’avère finalement si fragile, l’auriez-vous imaginé ? Michel Simonis : Qu’on puisse anéantir une telle organisation
en l’espace de quelques mois, cela m’a beaucoup surpris. C’est peut-être un peu naïf de ma part, mais je m’imaginais que quelqu’un prenne l’initiative de préserver l’âme de Caritas. Peut-être qu’un jour, des gens vont redémarrer une nouvelle Caritas, en repartant de zéro… En fin de compte, ce sont les banques qui ont empêché le sauvetage de Caritas, en insistant sur leurs cessions de créance. L’argument paraît contestable ; et il est d’ailleurs contesté par Caritas. Or, le gouvernement l’a d’emblée accepté.
Je n’envie pas les banques. Elles ont probablement une enquête sur le dos pour déterminer comment elles ont pu accorder des lignes de crédit qui n’étaient pas correctement validées par la gouvernance de Caritas. Mais je comprends le gouvernement qui ne voulait pas jeter de l’argent frais dans un gouffre. Quand Monsieur Frieden a dit : « pas un euro pour Caritas », il avait raison, d’un point de vue technique. Mais Caritas n’est pas qu’un dossier technique. Monsieur Frieden et Monsieur Billon auraient dû avoir une approche empathique et chercher à préserver cette partie centrale, celle qui faisait l’identité de Caritas, pour éventuellement la transposer dans une nouvelle entité. En rétrospective, la solution la plus simple n’aurait-elle pas été que la Croix-Rouge et d’autres acteurs reprennent les activités ? Dès le début, nous avons dit : Si on a besoin de nous, on se tient à disposition. Mais on n’a pas été sollicités pour reprendre l’un ou l’autre service. Ils ont trouvé une autre solution. La Croix-Rouge n’est pas du tout dans une approche « mergers and acquisitions ». On a énormément grandi ces dernières années ; et ce n’est déjà pas évident de maintenir un système qui fasse fonctionner une organisation de 3 300 employés. On n’a donc pas été demandeurs, je vous dis très franchement. Entre Caritas et la Croix-Rouge, il y avait toujours une division du travail politique. L’une faisait pression en public, tandis que l’autre négociait dans les coulisses. Cet équilibre est désormais rompu. Votre pouvoir de négociation ne s’en trouve-t-il pas affaibli ? Nous ne nous sentons pas affaiblis. On ne s’est jamais dit : Heureusement que Caritas fait du tamtam à la radio. Ce n’était pas du tout notre attitude. Je me sens tout à fait à l’aise dans ma fonction de diplomatie humanitaire qui, génétiquement, est celle de la Croix-Rouge depuis sa création. On ne fait pas de conférences de presse ni de manifestations. Mais on reste dans un échange, très franc et très direct, avec le pouvoir. Michel Simonis à son bureau au siège de la Croix-Rouge, ce mercredi
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Olivier Halmes
[Suite de la page 11] Vous avez déclaré très tôt que ce qui était arrivé à Caritas ne pouvait arriver à la Croix-Rouge. Comment pouvez-vous en être si certain ? Après la divulgation de cette affaire, nous avons passé en revue tous nos processus internes. Ce risk assessment, on l’a mené à tous les niveaux. On a constaté que notre système comptable est configuré de telle manière que si on voulait, sur une période de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, détourner des sommes aussi conséquentes, il aurait fallu qu’une série de personnes malintentionnées collaborent, et ceci à différentes étapes de la chaîne de validation. Mais je ne sais pas ce qui s’est concrètement passé chez Caritas. J’espère qu’on aura, le moment venu, une analyse détaillée, pour que le secteur puisse en tirer les leçons. Au niveau de notre gouvernance, on a instauré dès 2014 une gestion des risques déployée à tous les niveaux et, depuis 2019, nous disposons d’un comité d’audit interne qui nous challenge sur nos procédures. On y retrouve entre autres des spécialistes financiers, des juristes et des spécialistes IT avec lesquels on se réunit plusieurs fois par an. Christian Billon en était d’ailleurs membre durant de longues années. Il y a les procédures, il y a la gouvernance, et puis il y a le facteur humain... Dans une organisation d’une certaine taille il faut veiller à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. On a besoin de procédures de contrôle interne qui évitent justement qu’un œuf pourri contamine tout le panier. Toujours est-il que la crise de confiance touche l’ensemble du secteur. Les dons privés sont en chute libre. Les donateurs sont dans une situation de désarroi. Ils se demandent à qui ils peuvent encore confier leurs dons ; et je comprends leur hésitation. En août et en septembre, on était à vingt pour cent des dons qu’on aurait reçus normalement. 80 pour cent en moins : C’est une chute énorme. Tous les ans, on a besoin de trois, quatre, voire cinq millions d’euros de fonds privés pour maintenir certaines activités à flot.
Christian Billon et d’autres fondateurs de HUT, mardi dernier
Cette baisse des fonds privés ne renforce-t-elle pas votre dépendance vis-à-vis de l’État ? La première chose à faire, c’est regagner la confiance des personnes privées, des institutions et des entreprises. La deuxième, c’est maintenir à flot nos activités. On continue ainsi à garantir, grâce à nos réserves financières, les prélèvements de sang. Mais parfois, il faut faire des choix. L’un ou l’autre projet, on va devoir le faire différemment ou ne plus le faire du tout. Car je ne peux pas m’imaginer que l’État dise maintenant : « Vu qu’il n’y a plus de dons, on va tout payer. » Ce qui me paraît d’ailleurs plutôt sain et responsable. Pour répondre à votre question : Le risque d’une dépendance renforcée, je ne le vois donc pas. Vous revendiquez le qualificatif de « partenaire » de l’État, et vous récusez celui de « prestataire de services »… … C’est le terme qu’avait employé Monsieur Frieden. Je ne crois pas qu’on ne le soit, parce que toutes les choses qu’on fait, on les fait par conviction, parce que si on n’apportait pas notre pièce à l’édifice social et sanitaire, il y aurait un élément manquant dans la prise en charge. Si la CroixRouge n’amenait plus cette plus-value, alors je crois qu’on devrait se retirer et passer à autre chose. On est réellement non-profit. Ce serait donc un non-sens de penser qu’on se ruerait sur des marchés à cause du profit. Les centres pour réfugiés sont un point de cristallisation : La Croix-Rouge et Caritas ont été repoussées dans un rôle de simple exécutant par l’Ona [Office national de
« M. Frieden et M. Billon auraient dû chercher à préserver cette partie centrale, celle qui faisait l’identité de Caritas, pour éventuellement la transposer dans une nouvelle entité »
l’accueil]. Le système est devenu très bureaucratique, très rigide. De nombreux résidents ressentent le contrôle auxquels ils sont soumis comme vexatoire. Marc Crochet, l’ancien directeur de Caritas, avait d’ailleurs publiquement critiqué cette évolution l’an dernier. D’où la question à vous : Travailler dans ces conditions, est-ce conforme aux principes fondamentaux d’une Croix-Rouge ? Jusqu’à aujourd’hui, oui. On est convaincus que notre action dans les structures pour migrants amène une plus-value. On fournit un support aux demandeurs et bénéficiaires de protection internationale. Être indépendant, c’est pouvoir dire non. Est-ce qu’il y a des lignes rouges que vous avez refusées de dépasser par le passé ? Non, je ne me souviens pas qu’on ait refusé des sollicitations pour de telles raisons. La Croix-Rouge a par contre souvent été la première à intervenir là où d’autres auraient hésité : Que ce soit la « HIV-Berodung » en 1988 ou le dispensaire pour sex workers « DropIn ». Faut-il aujourd’hui rouvrir le débat sur les relations entre l’État et les acteurs des secteurs social et sanitaire ? Oui, parce que c’est un choix hautement politique. La loi de 1998 a réglé les relations entre l’État et les « organismes œuvrant dans les domaines social, familial et thérapeutique », tout en instaurant une plus grande autonomie. Si aujourd’hui, sur l’arrière-fond de l’affaire Caritas, on estimait devoir faire demi-tour, il faudrait se poser la question pourquoi l’État n’organise pas certains services par lui-même. Au Luxembourg, les grands hôpitaux sont entièrement financés par la Sécurité sociale. Pourquoi dès lors les faire gérer par des entités privées et non par un National Health Service ? Hëllef um Terrain (HUT) ne pousse-t-elle pas la logique du système à l’absurde ? Pour assurer des services sociaux, l’État doit passer par une Asbl fondée ad hoc par Georges Lentz Jr, François Pauly et Paul Mousel… HUT apparaît comme une entité tout à fait neutre, donc on pourrait effectivement dire que c’est un simple sous-trai-
tant. Mais il faut lui laisser une chance de sortir de sa neutralité et de trouver sa propre identité. On a tous été étonnés d’apprendre que la nouvelle structure se distanciait totalement de ce qu’avait été Caritas. En même temps, elle en a repris les équipes qui ont eu une attitude hautement professionnelle. Le challenge est maintenant de capitaliser sur ce staff expérimenté et de se donner une philosophie d’action. Et il ne faut pas oublier que Christian Billon est le président du CNDS, une association assez combative, qui porte des projets pas faciles à gérer, comme la Fixerstuff. Mais on n’invente pas ex nihilo une culture socio-politique... Caritas et la Croix-Rouge, et plus tard l’Asti et Inter-Actions, sont issus de milieux idéologiques bien enracinés. D’ailleurs elles représentent des traditions philanthropiques, charitables ou de community organizing bien distinctes. Rappelez-vous la naissance de la Croix-Rouge ! C’est Monsieur Mayrisch qui se met devant sa machine à écrire pour rédiger les statuts. Bien sûr, lui et son épouse étaient fortement engagés. Mais on aurait aussi pu se dire : Est-ce qu’ils étaient les mieux placés pour inventer la branche luxembourgeoise d’un mouvement mondial ? Or, il se trouve qu’ils ont posé les bases d’une organisation qui a aujourd’hui plus de cent ans. Une organisation dépensant de l’argent public devrait garantir « un return on invest », avez-vous récemment déclaré, en ajoutant : « Pas de résultat, pas de paiement, pas de service ». Vouliez-vous donner des gages de sérieux en parlant un langage managérial ? Il faut au moins se demander : Est-ce qu’on a un réel impact sociétal ? Est-ce qu’on fournit un plus pour le bénéficiaire ? Je ne trouve pas que ces questions devraient déranger. Quand on discute avec nos équipes, on leur demande de définir, en une ou deux phrases, le but de leur service. La prochaine question doit alors être : Ce but, arrivent-ils, avec les moyens qu’ils se donnent, à l’atteindre ? Ne voyez-vous pas le risque que l’application de « key performance indicators » amène le secteur social sur une pente glissante ? Celle de « faire du chiffre » ?
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Cela ne nous intéresse pas. Personne au conseil d’administration ne m’a jamais demandé : Michel, est-ce que tu as fait du chiffre ? Franchement, ce n’est pas un critère de performance pour nous. On revient à ce partenariat entre État et gestionnaires. Il faudrait se rappeler les bonnes résolutions qu’on s’était données à la fin des années 90. D’abord, on constate les besoins sociétaux, puis on définit les réponses. Mais au bout de quelques années, il faut aussi avoir la rigueur d’évaluer si la réponse fait toujours sens. J’ai toujours un peu l’impression que si on ose parler de cela, la réponse est automatiquement : « Ce n’est pas possible ». Je ne suis pas d’accord. Même si j’admets que, s’agissant souvent de soft factors, c’est compliqué à mesurer. C’est également une question des modes de financement, et de leurs logiques inhérentes. Il existe deux grandes philosophies. La première, c’est celle du système du conventionnement. Le ministère paie la structure. Il négocie avec les gestionnaires : « Il vous faut cinq éducateurs, alors on va demander ces postes budgétaires lors des discussions avec le ministère des Finances ». La seconde philosophie, c’est celle de la tarification. L’État rend les usagers « solvables » pour un service. À mes yeux, ce modèle comporte d’énormes avantages. Car il donne un droit à l’usager qui peut réclamer un service ; et c’est au gestionnaire de le lui fournir. Au niveau de la dignité du bénéficiaire, c’est un réel changement de paradigme. Il met les acteurs sociaux en concurrence entre eux au niveau de la qualité. Ce qui, à son tour, crée une dynamique avec une variété de prestataires. Économiquement, le modèle de la tarification me semble aussi intéressant. Car il incite les acteurs à bien gérer leurs ressources. Alors que s’ils disposent d’un budget fixe, ils auront tendance à dépenser leur solde avant la fin d’année, pour ne pas risquer de se faire couper leur budget l’année suivante. Ce système de la tarification n’a-t-il pas aussi des effets négatifs ? Oui, il peut avoir des effets pervers. Prenez la transfusion sanguine : La Croix-Rouge est payée à l’unité vendue. En théorie, on devrait donc inciter les hôpitaux à acheter un maximum de produits sanguins. Or, la best practice est de faire des interventions chirurgicales moins invasives et d’utiliser moins de produits sanguins.
Return to office
La percée des syndicats chez Amazon, à l’issue des élections sociales de mars, avait été fêtée comme une victoire par l’OGBL. Le siège européen de la multinationale américaine, connue pour sa politique anti-union, compte désormais cinq délégués OGBL et un délégué LCGB (sur un total de 22). Les
nouveaux représentants des 4 270 employés vont affronter leur premier test. Car Amazon a décidé unilatéralement d’abolir le télétravail à partir de janvier 2025. (Depuis la pandémie, les salariés cols blancs ont droit à deux jours de home office par semaine.) Les ordres viennent directement de Seattle, et devront être implémentés à l’échelle globale. Ce grand retour au bureau a été décrété le 16 septembre par le CEO d’Amazon, Andy Jassy, au nom du renforcement de « notre culture ». (Ce terme est répété à douze reprises dans la courte missive : « Our culture is unique », « having the right culture », etc.) Selon le Wort, certains employés au Kirchberg y
Il existe une tripartition du secteur entre acteurs étatiques, associatifs et privés. Le temps n’est-il pas venu de redéfinir ce partage des rôles ? Certaines tâches ne devraient-elles pas être assurées par l’État comme service public ?
« HUT apparaît comme une entité tout à fait neutre, donc on pourrait effectivement dire que c’est un simple sous-traitant. Mais il faut lui laisser une chance de sortir de sa neutralité et de trouver sa propre identité »
Ce qui est essentiel, c’est que les responsables publics définissent une stratégie sur comment couvrir les besoins dans les domaines social et sanitaire. Ils devraient dessiner une cartographie cohérente. Cette vision à long terme manque un peu. Prenez la petite enfance : On se retrouve avec des institutions communales, privées, conventionnées et tarifées. Mais quel est le montage idéal qu’on vise ? Des grands groupes français comme People & Baby ou Orpea se sont installés au Luxembourg, considérant qu’il s’agit d’un marché lucratif. Faire de l’argent avec la petite enfance ou la grande vieillesse, cela vous choque-t-il ? À la fin des années 1990, le législateur aurait pu choisir de n’admettre que des prestataires non-profit. Il a choisi de ne pas le faire. Tous ceux qui respectent les règles peuvent donc devenir prestataires. L’idée de base était donc assez libérale. L’État s’est donné un rôle de surveillance, notamment via les conditions d’agrément. Ceux-ci ne visent pas seulement la qualité de la prestation, mais également la stabilité financière, ainsi que la gouvernance et l’honorabilité des gestionnaires. Mais il ne faut pas oublier que les prestations prises en charge par la Sécu sont financées au prix de revient. Il n’y a donc pas de marge, du moins sur la partie subventionnée. Mais il y a aussi la partie hébergement, qui est certes agréée, mais qui n’est pas réglementée au niveau des prix. L’affaire Caritas a soulevé la question de la gouvernance. La Fedas [Fédération des acteurs du secteur social] met en garde contre de nouvelles réglementations qui « manqueraient leur cible ». Elle craint surtout des frais supplémentaires. Ce débat sur les frais overhead, on le mène avec l’État depuis vingt ans au moins. C’est un peu un dialogue de sourds. La Croix-Rouge a pris les devants. On a mis en place des procédures, et on peut se le permettre, vu notre taille. Mais pour une petite asbl, c’est quasi impossible. Il faudrait que l’État définisse clairement ses attentes au niveau de la stabilité organisationnelle. Et qu’il dise s’il est disposé d’en
flairaient plutôt « une stratégie perfide » : « Amazon wolle durch die Hintertür Stellen abbauen und so teure Abfindungen umgehen ». Jointe par le Land, la secrétaire centrale adjointe de l’OGBL, Isabel Scott, évoque le « mécontentement » causé par l’ordre de retourner au bureau. Mais les jeux ne seraient pas faits. « Le management devra s’habituer à ce que nous le gardions à l’œil. Les délégués sont désormais conseillés. Et il y a des rules and regulations. » Scott se réfère à la convention télétravail, signée par les partenaires sociaux et d’application générale. Celle-ci stipule que « lorsqu’il existe une délégation du personnel,
financer les frais. En tant que Croix-Rouge, nous estimons que l’État devrait assumer son rôle de surveillance. Telle que le prévoit d’ailleurs la loi de 1998 sur les conventions entre l’État et les acteurs du social. Oui, mais si vous relisez cette loi, vous trouvez la petite mention « sans pour autant affecter la gestion, qui est de la responsabilité du bénéficiaire ». À l’époque, ce bout de phrase avait été introduit par Erny Gillen, qui dirigeait alors Caritas. La revendication pour plus de compliance doit aussi intéresser PWC et Cie. Un nouveau marché s’ouvre à eux. PWC fait déjà l’audit externe de plein d’organisations du secteur, tout comme le font d’autres Big Four. Une grande organisation a aujourd’hui besoin d’un auditeur financier. Non, moi je parle plutôt du rôle des ministères. À l’heure actuelle, ceux-ci font des contrôles sur pièces. Les fonctionnaires passent des heures et des heures dans nos bureaux pour vérifier si telle facture de 22,50 euros correspond bien à tel service presté par Jean-Pierre Tirebouchon. Mais quand j’envoie le bilan de la Croix-Rouge aux ministères – et nous avons des conventions avec beaucoup de ministères –, il n’y a jamais quelqu’un qui m’appelle pour avoir une discussion de fond sur notre stabilité financière. p
l’introduction et la modification du régime spécifique de télétravail se font après information et consultation de la délégation du personnel ». Quant à un retour à la « formule de travail classique », il doit être convenu « d’un commun accord par écrit entre l’employeur et le salarié. » BT La guerre des bières
Heineken tente désespérément d’entrer sur le marché grand-ducal des bistrots, cadenassé par Bofferding et Diekirch. Fin septembre, la multinationale néerlandaise a même fait placer une annonce dans le Wort : « Recherche licence de cabaretage ». C’est le
distributeur Fixmer (Landewyck) qui fait le relais et appelle les détenteurs de licence (et les rares bistrotiers libres de licence) à « discuter des possibilités ». Au bout de deux ans de campagne de démarchage, les résultats sont maigres : « sept à huit cafés » auraient mis des produits Heineken à leur pompe (dont quand même trois cafés au cours des derniers mois), dit-on chez Fixmer. La faute au « blocage » d’un système des licences sous l’hégémonie des deux grandes brasseries historiques. Les Lentz (Bofferding, Battin, Lodyss) viennent en outre de consolider leur position dominante dans la distribution, leur firme
Munhowen ayant avalé le rival Boissons Heintz en début d’année. À Bruxelles, la DG Concurrence est en train d’analyser le dossier. La procédure n’est qu’à ses débuts, mais, à terme, c’est tout le système anachronique des « privilèges de cabaretage » qui pourrait entrer dans le champ d’analyse de la Commission. BT Erratum
L’article « Troll et influenceur » sur Jérôme Bloch (d’Land, 3.10.2024) comporte une erreur de calcul. L’opération « toutes boîtes » de Paperjam, en comptant les suppléments, représente un envoi de 186 tonnes de papier. PSO
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Tour de vis
pour cent » ont été relevés, parfois davantage que ce que l’inflation aurait justifié, permettant à certains ménages d’être exonérés et à un grand nombre de voir se réduire leur charge fiscale. En revanche, une tendance émergente se dessine pour accroître les cotisations sociales, en élargissant leur base ou en augmentant leurs taux. Au niveau de l’OCDE, elles pèsent déjà plus que l’impôt sur le revenu (26,7 pour cent des recettes fiscales contre 24,2 pour cent). Il s’agit de faire face aux besoins de financement de la protection sociale et aux conséquences des évolutions démographiques. La part de la population âgée de 65 ans et plus dans les pays de l’OCDE a doublé depuis le début des années 60, passant de dix à vingt pour cent, et devrait encore s’accroître, de même que les dépenses de santé associées, notamment pour les soins de longue durée.
aGeorges Canto
Un tour d’horizon des réformes fiscales dans le monde (développé) post-Covid La question des déficits publics européens envenime les relations entre les États-membres cette semaine, notamment entre la France et l’Allemagne. La conséquence de la gestion de la pandémie ? De 2020 à 2023, pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire puis de l’inflation, la plupart des pays touchés ont dû lâcher la bride de leurs finances publiques. Ces circonstances étant désormais révolues, un tour de vis s’annonce, comme l’a révélé un rapport de l’OCDE sur l’évolution des politiques fiscales, paru le 30 septembre. Dans l’UE, la fiscalité reste une prérogative nationale, la Commission et le Parlement n’ayant que des compétences limitées dans ce domaine. Malgré de gros efforts d’harmonisation, surtout en matière de fiscalité indirecte, on observe du même coup des systèmes et des politiques d’imposition et de taxation très disparates d’un pays à l’autre. Cette diversité se retrouve naturellement au niveau mondial, et elle a même eu tendance à s’accentuer depuis 2020 pour répondre aux défis économiques et sociaux qu’ont été la crise du Covid puis la forte hausse des prix. Néanmoins de grandes tendances communes se dessinent, comme le montre l’étude de l’OCDE. Intitulé « Réformes de politiques fiscales 2024 », le document de 70 pages passe au crible les réformes fiscales introduites ou annoncées pendant l’année 2023 dans 90 juridictions membres du « Cadre inclusif de l’OCDE et du G20 contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices » (BEPS pour base erosion and profit shifting) qui en compte 136. Tout au long de l’année ont été remis en cause des allègements fiscaux, sous forme de réductions de taux d’imposition et de mesures de rétrécissement de l’assiette fiscale, qui avaient permis aux ménages et aux entreprises de supporter les chocs de 2020 et de 2022. Et ce n’est pas terminé. Dans de nombreux pays de l’OCDE les finances publiques n’en peuvent plus. Les aides ont creusé les déficits budgétaires (4,8 pour cent du PIB en moyenne) et la dette publique moyenne est passée de 104 à 113 pour cent du PIB entre 2022 et 2023. Elle n’a diminué, en proportion, que dans sept pays.
Conseil de l’Union européenne
Or, selon le Secrétaire général de l’OCDE, l’australien Mathias Cormann, il faut pourtant trouver « la marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour faire face aux chocs futurs et soutenir les transformations structurelles à long terme auxquelles nos économies et nos sociétés sont confrontées, notamment le passage au numérique et l’IA, l’évolution de la structure des échanges, le changement climatique et le vieillissement de la population ». La suppression des avantages consentis entre 2020 et 2023, a minima, et éventuellement la hausse des taux et l’élargissement de la base fiscale des principaux impôts sont maintenant au programme. La principale nouveauté concerne
Pour la première fois depuis 2015, il y a plus de pays qui augmentent le taux d’imposition des entreprises que de pays qui le baissent
la hausse de la fiscalité des entreprises (moins de onze pour cent des recettes fiscales dans les pays de l’OCDE). La tendance à la baisse des taux d’impôt sur les sociétés (IS), observée depuis la crise financière il y a quinze ans, semble s’être arrêtée, avec, en 2023, beaucoup plus de pays mettant en œuvre des augmentations de taux que des baisses : c’est la première fois depuis la première édition du rapport de l’OCDE en 2015. De toute manière, les taux d’IS se situant à des niveaux historiquement bas, il était difficile de les baisser encore. De ce fait, les pays et juridictions qui souhaitaient maintenir un traitement fiscal favorable aux entreprises ont plutôt privilégié des mesures destinées à réduire leur base d’imposition. Concernant les entreprises multinationales, la mise en œuvre de l’impôt minimum mondial qui leur est applicable, approuvé par 136 pays en octobre 2021 (un taux plancher effectif de quinze pour cent) fait son chemin. En avril 2024, soixante juridictions avaient annoncé pouvoir l’introduire dans les deux ans, dont 36 dès 2024, ou prendre des mesures en ce sens à partir de 2025. Le Luxembourg a transposé la directive le 20 décembre 2023, un an après son adoption. Les incitations fiscales n’ont pas disparu mais sont de plus en plus liées à la question du climat. Ainsi, plusieurs pays ont instauré de généreuses mesures de réduction de l’assiette fiscale des sociétés, c’est-à-dire du montant servant de base au calcul de l’impôt, pour promouvoir les « investissements propres ». Du côté des particuliers, la hausse des cotisations sociales se substitue à celle de l’impôt sur le revenu. Selon l’OCDE, en 2023, des baisses de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) ont encore été consenties pour soutenir les revenus des ménages et favoriser la reprise économique. Mais elles ont surtout ciblé les ménages les plus modestes ou de la classe moyenne-inférieure. Pour compenser la hausse inédite des prix et celle des salaires, les plafonds de revenus correspondant à la « tranche à zéro
Gilles Roth et ses homologues croate, slovène et finlandais (Marko Primorac, Klemen Boštjancic et Riikka Katriina Purra) à Luxembourg ce mardi
Pour ce qui est des impôts indirects, une sorte de « retour à la normale » est observé en matière de TVA. À partir de fin 2021 et surtout en 2022, d’importantes mesures d’allégement de la TVA applicable à l’énergie et aux produits de première nécessité ont été prises pour combattre le rebond de l’inflation. De nombreux pays les ont prolongées, voire élargies début 2023, toutefois dans la deuxième partie de l’année, une stabilisation des taux, une réduction des exonérations, voire un retour à la case départ ont été observés. Six pays ont même relevé leur taux normal de TVA l’an dernier. Mais le recours à des taux réduits de TVA, par exemple pour les véhicules électriques, ou à des exonérations (pour les panneaux solaires) reste d’actualité pour encourager la transition vers des économies plus sobres en carbone. Dans le même esprit un certain nombre de pays ont augmenté leurs taxes carbones. Parmi les impôts indirects, figurent les « droits d’accise », ces taxes qui frappent notamment le tabac, les boissons sucrées ou alcoolisées et les jeux de hasard. Plusieurs pays à revenu élevé et à revenu moyen-supérieur les ont relevées, toujours sous le prétexte « de promouvoir des modes de vie sains et d’améliorer la santé publique » peut-on lire dans le rapport. La réalité est plus prosaïque : ces « recettes de poche » comme on les appelle parfois, ont une large base, sont faciles à collecter et alimentent substantiellement les caisses publiques car elles ne sont pas vraiment dissuasives pour les consommateurs. Dans l’OCDE, les taxes sur les biens et services (TVA et accises) sont le principal impôt avec un tiers des recettes fiscales. Dans le rapport de l’OCDE, le Luxembourg est cité à plusieurs reprises, mais pas très souvent. Ce qui signifie que peu de mesures fiscales significatives y ont été adoptées en 2023. Il est vrai qu’avec un déficit budgétaire annuel et une dette publique globale très modestes (respectivement 1,25 pour cent et 25 pour cent du PIB), le Luxembourg a des marges de manœuvre que d’autres pays n’ont pas, ce qui lui a permis de continuer à alléger la fiscalité directe, surtout celle des particuliers. Il fait ainsi partie de la douzaine de pays, surtout à revenu élevé, qui ont augmenté le plafond d’exonération de l’impôt sur les personnes physiques. En Europe les pays baltes, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, la Norvège, la Finlande et la Croatie sont aussi dans ce cas. En plus d’ajuster les tranches d’imposition, le Grand-Duché a introduit un nouveau crédit d’impôt temporaire pour les salariés et les retraités afin de compenser la perte de pouvoir d’achat, et un crédit d’impôt pour compenser la taxe carbone sur les produits énergétiques pour les ménages à revenus faibles et moyens. Autant de mesures qui contribuent à rétrécir l’assiette fiscale, selon l’OCDE, d’autant que les revenus du capital (loyers et revenus de l’épargne) ont vu aussi leur base diminuer. Le gouvernement, comme en Irlande, en Espagne ou en Suède, a également agi fiscalement en faveur du logement, en rehaussant le plafond des intérêts déductibles pour les logements occupés par leur propriétaire, avec des augmentations supplémentaires pour les ménages avec enfants éligibles au dispositif. Rien de spécial n’a (encore) été observé concernant l’impôt sur les sociétés, où le cas du Luxembourg est assez spécifique : malgré un taux faible de 17 pour cent, l’IS occupe une part de douze pour cent dans les recettes fiscales, soit trois fois plus qu’en Italie, deux fois plus qu’en Allemagne ou en France et un tiers de plus qu’en Belgique (notamment grâce à son secteur financier). La proportion la plus basse, 2,8 pour cent, a été relevée en Estonie, pour 17 pour cent en Irlande. En revanche, il y a eu du nouveau du côté de la TVA, qui représente un quart des recettes fiscales. Le Luxembourg a mis fin à la diminution temporaire de trois taux de TVA, le standard qui avait été abaissé de 17 à 16 pour cent, et les réduits passés respectivement de 14 à 13 pour cent et de 8 à 7 pour cent en janvier 2023 pour stimuler la consommation dans un contexte d’inflation croissante. En tant que pays membre de l’UE, le Luxembourg appartient aussi au groupe des 33 pays ayant mis en œuvre des réformes pour garantir que la TVA soit collectée efficacement sur les ventes en ligne de biens importés de faible valeur. p
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Commission européenne
Ursula Von der Leyen et Mario Draghi le 9 septembre
Un message d’espoir teinté de réalisme aPhilippe-Emmanuel Partsch 1
Les défis à venir pour la nouvelle Commission européenne et d’éventuelles solutions proposées par un expert en droit européen Si nous le voulons, nous pouvons améliorer nos conditions de vie en Europe et augmenter fortement nos marges de manœuvre pour affronter tous les défis actuels. La publication du rapport Draghi converge avec Les 5 Travaux d’Europe2 sur les défis à relever par l’Union européenne mais les propositions de l’ancien président de la Banque centrale européenne se révèlent des remèdes très coûteux et politiquement inacceptables pour une série d’États membres. Les élections françaises et néerlandaises de 2017, après le Brexit et l’élection de Trump ont été un électrochoc : la construction européenne est menacée. Les dernières élections en Europe et l’élection présidentielle américaine toute proche confirment que le danger n’est pas écarté, voire s’intensifie. Dans Les 5 Travaux d’Europe, je tente d’expliquer certains caractères et mécanismes mal compris de la construction européenne, fais l’inventaire de ses apports, identifie ses faiblesses actuelles et propose des améliorations concrètes, à cadre juridique et financier constant, c’est-à-dire sans réforme des traités ni augmentation des compétences et du budget européen. Notamment sur la base de ma pratique du droit européen au cours des trente dernières années. Je suis convaincu qu’il y a des pépites sous exploitées en Europe. Premier gisement : le marché intérieur. Contrairement à ce qu’on pense, il n’est pas achevé et est
en régression, notamment depuis la crise financière de 2008. 450 millions d’habitants (soit 33 pour cent de plus que les USA) sur un territoire deux fois moins grand que les États-Unis, sont propices à une prospérité économique moins gourmande en énergie et autres matières premières. En effet, si vous avez la possibilité effective de vous adresser à près d’un demi-milliard de consommateurs et de circuler à l’intérieur de l’UE pour y travailler, il est plus facile d’innover, d’investir, de produire plus, mieux, plus vite, moins cher, de monter en gamme. Les rentrées, gains de productivité et marges vous permettent de continuer à investir, de mieux payer les employés et d’accepter des exigences environnementales ambitieuses. Il y a donc un cercle vertueux prosp ér ité, promot ion s o ci a le, écoresponsabilité, innovation technique constante. Aujourd’hui, les mesures protectionnistes se sont multipliées, de sorte que le marché unique n’existe que pour les big players. 85 pour cent des entreprises en sont exclues, stagnent, restent trop petites pour progresser, innover, devenir écoresponsables. Ne parlons pas du parcours du combattant pour les personnes qui bougent ou cherchent à bouger au cours de leur carrière. Aujourd’hui, il est plus difficile pour un architecte à Luxembourg d’avoir des projets dans les pays limitrophes qu’il y a dix ans. Gare à la personne qui cherche à revenir dans
son État membre d’origine après plusieurs années : elle doit repasser des examens et son expérience dans un autre État membre voire auprès des institutions européennes n’est pas prise en compte. Les connexions ferroviaires entre les États membres sont désolantes. Alors que l’UE est un territoire compact, il y a presque moitié moins d’échanges et de trafic ferroviaire (pourtant un moyen de transport écoresponsable) entre les États membres qu’à l’intérieur des États-Unis. La première mesure que je préconise est la reconnaissance mutuelle, qui a été utilisée avec succès en matière de marchandises. Tout bien ou service voire produit financier produit légalement dans un État membre doit être automatiquement commercialisable dans le reste de l’Union européenne. Gros avantage : il ne sera plus nécessaire d’harmoniser les droits nationaux des États membres dans une série de domaines. En outre, la mesure ne coûte rien : il suffit d’un règlement européen de quelques articles. Couplée avec une répression plus effective des violations par les États membres du droit européen, elle devrait entraîner de nets progrès rapidement. Des études très sérieuses parlent de dix à vingt pour cent de gain de PIB (soit 1 600 à 3 200 milliards d’euros). Je fixe plus prudemment la progression à sept pour cent du PIB, soit 1 120 milliards d’euros. Plus globalement, c’est une
libération des bonnes énergies en Europe, une société plus dynamique, plus ouverte, plus confiante en elle. Il faut en cesser avec le dirigisme larvé qui sévit depuis la crise financière de 2008 et qui, sous couvert de sécurité, est en train de tuer à petit feu l’Europe, de décourager et de déprimer la population. Il faut en finir avec la réglementation européenne mortifère, qui opère comme une seconde chape de plomb, spécialement depuis le départ du Royaume-Uni qui modérait les ardeurs normatives. Deuxième corne d’abondance : les secteurs publics.
Ils comptent aujourd’hui pour moitié dans le PIB européen. À travers divers instruments, l’Europe peut les rendre plus performants avec, à la clé notamment, moins de dépenses publiques (songeons notamment à la discipline en matière de services publics qui permet de réduire en moyenne le coût de certains services publics de vingt pour cent sans réduire la générosité de l’offre), plus d’efficacité (par exemple en matière de lutte contre le chômage). C’est un travail patient qui, à nouveau, ne coûte rien. L’Union européenne dispose à cet égard d’un forum de coordination soft et d’échanges des meilleures pratiques avec les États membres, le Semestre européen. Notamment, dans ce cadre, sont discutés chaque année les projets de budget des États membres. Sous l’impulsion de […]
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[Suite de la page 15] Jean-Claude Juncker, la lutte contre le chômage y est devenue une priorité transversale. Le résultat a été impressionnant. Entre 2013 et 2019, le chômage est passé de douze pour cent à 6,3 pour cent dans l’UE, soit une diminution de 45 pour cent. Quel progrès par rapport au temps mis pour résorber la flambée du chômage après les chocs pétroliers de 1973 et 1979. Il faut aussi inciter les États membres à ne pas penser seulement en termes de transferts sociaux, certes importants pour nos social démocraties. Les États ont aussi des responsabilités régaliennes (sécurité publique, justice, protection civile, défense, …). Ils doivent aussi faire davantage attention à concevoir des cadres porteurs pour l’économie et la société. Nous ne devons plus voir marché et pouvoirs publics comme des ennemis, mais comme deux moteurs complémentaires dans la sauvegarde et l’amélioration du modèle européen. Le niveau européen doit lui aussi faire des efforts comparables et revoir son approche de la réglementation. Celle-ci doit être beaucoup plus légère, plus adaptée à l’écosystème européen où l’entreprise moyenne a moins de six employés actuellement, faire preuve de moins de dogmatisme et de davantage de bon sens et d’ouverture d’esprit. Un exemple, le principe de neutralité technologique – et c’est un point sur lequel le Rapport Draghi me rejoint – doit être beaucoup plus respecté : on ne juge pas une technologie en fonction de ses préférences mais sur la base des résultats qu’elle génère. L’interdiction des moteurs thermiques à horizon 2035 est, par exemple, inappropriée : comment des politiques peuvent-ils savoir douze ou treize ans plus tôt que les moteurs thermiques ne seront pas propres en 2035 ? Gain escompté d’une amélioration de la gestion publique : la moitié de celle attendue de l’économie de marché, 3,5 % Troisième axe : nous n’avons plus les moyens de subventionner à tout crin, même avec les meilleures intentions du monde, toutes les produc-
tions, même celles qui sont prometteuses. En lieu et place, comme dans Asterix et Obelix, uniquement quelques gouttes de potion magique en cas de nécessité. Je veux dire par là, un financement public complémentaire et minoritaire, le coup de pouce suffisant pour lever la réticence des entreprises à investir (principe d’additionnalité), une fois constatée une défaillance du marché (incapacité de l’économie de marché à financer le tout). À la limite, un financement sans décaissement immédiat, sous la forme de garanties. Ces techniques sont utilisées par la Banque européenne d’investissement, qui se finance en grosse partie sur les marchés mondiaux, compte tenu de sa réputation de sérieux. La généralisation de cette approche pourrait apporter deux pour cent de PIB de plus. Sept plus 3, 5 plus deux font 12,5 pour cent de croissance du PIB : sur un montant de 16 000 milliards d’euros, cela représente 2 000 milliards d’euros de plus. De quoi financer les 800 milliards d’euros d’investissement supplémentaires annuels identifiés par le rapport Draghi. L’avantage de l’approche préconisée est qu’elle ne nécessite pas d’emprunts communs, rejetés par les États membres germaniques, nordiques et baltes. Français et Italiens doivent réaliser qu’ils sont devenus minoritaires dans l’Europe d’aujourd’hui et qu’il n’est plus question pour les États de s’endetter excessivement. Même les Grecs, qui font des progrès spectaculaires en la matière, ne veulent plus en entendre parler. Dans les limites de cette tribune, je ne peux aborder tous les sujets traités dans un essai de 350 pages. Je me limiterai à une illustration. Appliquons ce triptyque à l’innovation technologique, bien mal en point en Europe par rapport aux ÉtatsUnis, à plusieurs pays asiatiques et à Israël, qui explique beaucoup de nos problèmes actuel. D’abord, l’approfondissement du marché intérieur sème les conditions de fond propices à plus d’innovation technologique, notamment des marges financières suffisantes. Ensuite, le coût des brevets, actuellement le quadruple de celui aux USA, pour
La réglementation européenne opère comme une seconde chape de plomb, spécialement depuis le départ du Royaume-Uni qui modérait les ardeurs normatives
un marché bien moins effectif, est divisé par dix dans un premier temps, et par vingt pour les brevets de technologie propre. Troisièmement, l’UE incite les États-membres à mettre sur pied une fiscalité attractive pour les nouveaux brevets et autres nouveaux droits de propriété intellectuelle, ce qui est aussi une mesure sociale. Statistiquement, une série d’inventeurs et d’innovateurs ne sont pas aisés à l’origine. En quatrième lieu, dans le Semestre européen, les États seront responsabilisés sur l’objectif que trois pour cent du PIB national soit effectivement consacré à la RDI (recherche, développement et innovation). En quelque sorte, non seulement l’objectif budgétaire de trois pour cent max de déficit serait monitoré, mais il en ira de même du seuil minimum de trois pour cent du PIB affecté à la RDI, peu importe la proportion supportée par le secteur privé et par le secteur public. Chaque État devrait s’organiser et notamment concevoir le cadre applicable à l’économie nationale de manière à générer un tel pourcentage d’investissement en RDI, voire plus si un rattrapage est nécessaire. En
cinquième lieu, l’UE et les États-membres travaillent main dans la main à un cadre propice à la RDI, notamment dans le cadre de la politique industrielle. Plutôt que de créer de nouvelles institutions et structures, comme préconisé par le rapport Draghi, ils approfondissent l’Espace européen de la recherche, qui est prévu et organisé par le traité et des actes de droit dérivé. Le cadre implique aussi une promotion des activités scientifiques et technologiques, une culture entrepreneuriale auprès des chercheurs. L’UE et ses États-membres capitalisent sur et s’inspirent de certaines coopérations pratiques réussies, telles que l’entreprise commune entre l’UE et les États membres qu’est EuroHPC, l’entité européenne en charge de l’achat des supercalculateurs. Finalement, davantage du budget de l’UE est consacré à la RDI, l’activité du groupe BEI dans le domaine est accrue, l’UE crée un type de fonds labellisés en matière de RDI ; le cas échéant, les règles en matière d’aides d’État en RDI sont encore assouplies. L’Europe a été très utile dans la reconstruction du continent après les deux guerres mondiales. Mais elle s’est un peu perdue en chemin depuis une vingtaine d’années, si l’on excepte le sursaut de la Commission Juncker. Il faut la remettre d’aplomb afin de lui permettre de jouer pleinement son rôle de levier, d’aide à la progression des populations, des entreprises, des États voire de l’UE elle-même. p
Philippe-Emmanuel Partsch est le fondateur de la pratique de droit européen au sein de l’étude Arendt & Medernach il y a vingt ans, ancien référendaire à la Cour de justice européenne, professeur de droit bancaire et financier européen aux Universités de Liège et de Paris II
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Philippe-Emmanuel Partsch a publié en avril 2024 « Les 5 Travaux d’Europe, Une Europe qui nous fera grandir » (éditions Concurrence), un essai sur l’espoir que peuvent porter les Européens au prix de quelques réformes. L’ouvrage a également paru en anglais.
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Conseil européen
Luc Frieden, Charles Michel et Emmanuel Macron à Bruxelles le 17 avril
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Olivier Halmes
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« La langue n’est pas innocente » aEntretien : Stéphanie Majerus
Rencontre avec le linguiste Jean-Marie Klinkenberg à propos du pouvoir des langues et de leur rapport avec le nationalisme
d’Land : Vous parlez plusieurs langues et vous avez des
bases dans 18 langues au total. Le luxembourgeois ne figure cependant pas parmi elles. Étant donné que vous avez des notions d’allemand et de néerlandais, ne vat-il pas de soi de comprendre le luxembourgeois ?
Jean-Marie Klinkenberg : En luxembourgeois, je sais quand
même dire « Moien ! », comme tous ceux qui travaillent au Grand-Duché ! Et il faut remarquer, comme vous le soulignez, qu’avoir une certaine connaissance de langues comme l’allemand ou le néerlandais permet d’accéder aux parlers voisins, comme le luxembourgeois. Il existe d’ailleurs des méthodes visant à l’intercompréhension entre les langues scandinaves, ou entre les langues latines. Le luxembourgeois n’est pas que la langue du Grand-Duché. En 2019, la ministre belge de la Culture de l’époque, Alda Greoli, a reconnu le luxembourgeois comme une « langue endogène ». S’agit-il alors d’un médium de communication folklorique sans chance de survie, car la langue ne fait plus partie de la vie sociale en Belgique?
En effet, pour vivre, une langue doit être en mesure de répondre à des défis nouveaux, en matière de technologie, d’économie, de science, mais aussi d’organisation sociale. Et pour que les communautés dont elle exprime l’identité passent les caps de l’histoire, la langue doit s’adapter à des mutations. Entre autres choses, elle doit se doter d’outils de traitement que le monde contemporain rend indispensables. Vous concevez bien sûr que ces objectifs nécessitent des moyens importants. En ce qui concerne le Pays d’Arlon, le Luxembourgeois n’y est plus une langue en tant que moyen d’expression commune d’une communauté. Dans le cadre d’une « politique linguistique », on insiste plutôt sur l’aspect patrimonial. On fait appel à la mémoire, plus qu’au projet. C’est dans cette direction que la Belgique francophone est allée quand, en 1991, elle a légiféré sur ses « langues régionales endogènes », parmi lesquelles le francique mosellan – le luxembourgeois, donc. Ces politiques se confinent fréquemment au domaine culturel stricto sensu, et mordent peu sur d’autres domaines comme celui des relations administratives. La perspective est donc essentiellement patrimoniale : l’action en faveur du luxembourgeois n’a en Belgique rien à voir avec ce qui se passe au Grand-Duché même si, bien sûr, elle profite du dynamisme luxembourgeois. Dans vos essais, vous mentionnez que les Wallons ressentent une gêne liée au caractère provincial de leur français. Les Luxembourgeois aussi redoutent de commettre des erreurs en français. Pensez-vous que cela soit lié à l’aspect institutionnalisé et centralisé de la langue française en particulier ? Oui. La France est un pays centralisé, et le français l’est aussi ! Et cette centralisation, le francophone l’a intériorisée. Il croit par exemple que l’Académie française a autorité sur le français, alors que ladite Académie n’a aucune compétence – dans les deux sens du mot compétence... – en matière de langue. Le fait est là : si dans toutes les cultures du monde, la langue est un facteur d’identification, la conscience de la norme est particulièrement aigüe chez le ou la francophone. Il ou elle pense qu’il n’y a qu’un seul et unique français, alors Dans l’exposition Babel heureuse ? au City Museum
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[Suite de la page 17] que, comme toute langue, le français varie. Je disais à mes étudiants que le francophone était un curieux sujet, souffrant d’une d’hypertrophie de la glande grammaticale : il passe sa vie à se demander si ce qu’il dit ou écrit est correct. Cette fragilité s’accroit bien évidemment au fur et à mesure que l’on occupe une position périphérique. Ce qui est le cas des francophones hors de l’Hexagone : ils ne se sentent pas propriétaires de la langue – ce qu’ils sont pourtant en tant qu’usager – mais seulement locataires. C’est un problème à la fois pour les usagers et pour la langue elle-même : les premiers n’ont pas la possession tranquille qu’ils devraient avoir de leur principal instrument de communication, et la seconde souffre, sur le marché des langues, de son image d’aristocrate intraitable. Le politicien d’extrême-droite allemand, Maximilian Krah, a dit dans un entretien avec le journaliste Thilo Jung que les Wallons seraient « ethniquement » des Français, parce qu’ils et elles parlent le Français. Au Luxembourg, on assiste depuis maintenant presque dix ans à un même discours, celui de vouloir assimiler l’identité nationale à la langue luxembourgeoise. L’ADR dit : « Les Luxembourgeois reconnaissent une personne comme Luxembourgeoise lorsqu’elle parle luxembourgeois ». Historiquement, cette volonté de converger nationalité et langue a-t-elle émergé pour la première fois au 19e siècle... C’est vrai que depuis les prémisses du romantisme – et on doit ici évoquer le nom de Johann Gottfried Herder –, toutes les cultures connaissent des équivalents du dicton flamand « De tael is gansch het volk » ou de la phrase de Cioran, qui disait : « On n’habite pas un pays, on habite une langue ». La langue est désormais vue comme le fondement principal des identités. Elle joue pour cela un rôle aussi important que la couleur de la peau ou les croyances religieuses. Et peut-être même davantage : comme la langue est un de nos principaux moyens de communication, les différences de langues produisent l’incommunicabilité entre groupes et renforcent leur altérité. Et voilà le chemin qu’emprunte l’extrême-droite : De l’altérité, on passe aisément à l’exclusion. Mais pour cela, elle doit faire violence aux faits. Et même une double violence. En premier lieu, en faisant de la langue un facteur d’unité nationale, on gomme toutes les différences sociales, ce qu’ont toujours fait les régimes nationalistes forts. Mais qui pourrait vraiment nous faire croire que le banquier de Luxembourg vit les mêmes choses et a les mêmes intérêts que le garde-barrière de Kautenbach* ? C’est d’ailleurs la source de ma méfiance devant le concept de francophonie : elle pourrait nous suggérer que le Président de la République française et l’éboueur sénégalais partagent les mêmes évidences.
Et la deuxième violence ? … C’est à la langue qu’on la fait. Pour lui faire jouer le rôle que les nationalistes veulent lui assigner, il faut nier que les langues expriment des situations fort diverses et aussi qu’elles sont éminemment variables. Car « le » français n’existe pas, pas plus que l’allemand : ce qui existe, ce sont des français, des allemands, qui varient selon le temps, selon l’espace, selon les interlocuteurs, selon les circonstances. Bref, pour faire des langues le fondement principal de l’identité des groupes, il faut avoir une conception essentialiste, des groupes et des langues. Et est-elle en train de s’imposer à nouveau en Europe ? Hélas, cette conception dangereuse a toujours été présente. Vous avez raison : Je la vois se renforcer depuis une trentaine d’années. Un tournant, pour moi, a été le moment où l’on a assassiné la Yougoslavie : tous les nationalismes, qu’ils soient croates, albanais, serbes ou autres, se sont alors déchaînés, parfois avec la bénédiction des États démocratiques. Et on peine à voir aujourd’hui quels freins on peut aujourd’hui leur opposer... Quelles options envisagez-vous pour y remédier ? C’est un problème qui comporte de multiples dimensions : outre l’avènement d’une société plus pacifiée, il faudrait recréer des réseaux d’éducation populaire, agir sur le discours portant sur les migrations, et plus généralement agir sur l’éducation, sur les réseaux sociaux… Je n’ai de compétence que pour ce qui concerne l’aspect langagier de la question, ce n’est qu’une toute petite partie. Et là, c’est clair. D’une part, il y a une guerre des mots (la manière dont on dit les choses n’est jamais innocente), et le linguiste peut fournir quelques armes dans ce combat. D’autre part, il faut revoir l’approche de la langue dans l’enseignement, pour l’empêcher d’être un objet de fantasme : repousser au maximum l’approche grammaticale de la langue, et initier à la linguistique. L’expérience montre que l’approche historique ou sociale de la langue peut passionner les gens, les jeunes en particulier. Pour vous la maîtrise d’une langue est lié à la classe sociale et à des dynamiques d’inclusion et d’exclusion. Dans votre livre La langue dans la cité vous écrivez « une réforme de la langue du droit diminuerait le nombre et la longueur des consultations d’avocats ». Oui, il n’est pas nécessaire de s’appeler Donald Trump ou Elon Musk pour savoir que posséder les moyens et les réseaux de communication vous donne le pouvoir. Il en va de même avec la possession des variétés légitimes de la langue : c’est elle qui donne – ou qui refuse – le pouvoir. Ainsi, c’est la langue – ou plutôt certaines variétés de langue – qui piège le client dans la
Il faut revoir l’approche de la langue dans l’enseignement, pour l’empêcher d’être un objet de fantasme : repousser l’approche grammaticale et initier à la linguistique
vente par correspondance ; c’est elle qui fait de nos administrations ou de la justice des monstres contre lesquels il est impossible de se défendre ; c’est elle encore qui rend les institutions publiques hostiles et en éloigne le citoyen, avec les conséquences politiques que l’on sait… Mais sur cela, on peut agir. Par exemple en formant ceux qui rédigent des textes administratifs, juridiques ou commerciaux pour que ces textes soient compréhensibles par le public auquel ils s’adressent, ou en obligeant les fabricants à étiqueter et vendre leurs produits dans la langue du client. Il ne faut pas croire que cela ira tout seul. D’un côté, il y a des juges et des avocats qui supplient pour qu’on les forme à parler clair. Mais de l’autre, ils sont nombreux ceux qui ont intérêt à maintenir l’opacité de la communication, qui leur garantit de conserver leur pouvoir. Et demander à ceux qui détiennent ce pouvoir de repenser leur langage, c’est aussi leur demander de partager leur autorité. Et on le sait, le pouvoir ne se partage que quand il peut être pris... p
* Jean-Marie Klinkenberg ajoute : « Je me suis amusé à parler d’un « garde-barrière de Kautenbach » (où il n’y a sans doute plus de garde-barrière) parce que dans mon enfance, nous avons passé à trois reprises des vacances familiales à Kautenbach, et ce souvenir me revient en mémoire chaque fois que le train me ramenant à Liège y passe. » Jean-Marie Klinkenberg, né en 1944 à Verviers, est linguiste et sémioticien. Il a été professeur à l’université de Liège jusqu’en 2010. Depuis 1967, il poursuit avec le Groupe µ des travaux transdisciplinaires en théorie de la communication linguistique ou visuelle et en sémiotique. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles et docteur honoris causa de quatre universités.
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Jean-Marie Klinkenberg en 2023
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Zuhause ist Nirgendwo aAnina Valle Thiele
Christof Weber
A Fire Appeared, A Fire Spread von Samira Hodaei in der Konschthal
Sieben Meter achtzig misst die Kugel, die in den letzten Monaten aus dem Escher Rathaus hervorlugte. Das auf manche wie ein gigantisches Auge wirkende Werk war monumental und doch fragil: eine grüne Utopie im städtischen Raum. Vor 52 Jahren wurde die Installation das erste Mal im Rahmen der documenta 5 in Kassel gezeigt. 1972 entwickelte das Kollektiv Haus-Rucker-Co, darunter Günter Zamp Kelp, ein Projekt an einer historischen Fassade, das den radikalen ästhetischen Kontrast betonte. Die Installation Oase Nr. 7 ist mittlerweile abmontiert. Sie bildete den Auftakt der Escher Architektur-Biennale und der kollektiven DISPLACED-Ausstellung. Über ein Dutzend Künstler/ innen setzten sich darin mit dem Verlust des „Zuhauses“ auseinander. Im Erdgeschoss der Konschthal ist eine gigantische bulkonische Holzhütte aufgebaut, wie sie heute noch in ländlichen Regionen Osteuropas zu finden ist. Die Datsche hat der in Berlin wirkende Künstler Vajiko Chachkhiani an seinem Ursprungsort abgebaut, um sie hier wieder aufzubauen. Living Dog Among Dead Lions ist eine Neuauflage einer monumentalen Installation, die er 2017 für Venedig geschaffen hat. Was einst eine schutzspendende Holzhütte war, ist nun durchnässt – das Innere ist ständigem Regen ausgesetzt. Die Gegenstände wie Betten oder der Herd sind ausnahmslos durchweicht: ein Schutzraum, der das beklemmende Gefühl von Verlust hervorruft. Die vor Kurzem gestartete Ausstellung Displaced II erweitert das Spektrum um Arbeiten von 14 internationalen Kunstschaffenden aus unterschiedlichen Weltregionen; zum Teil gestützt auf Autobiografisches thematisieren sie den Verlust sehr persönlich.
Die DisplacedAusstellung in der Konschthal erweist sich als Potpourri von eindrucksvollen und auch recht plakativen Kunstwerken, die teilweise in der grundsätzlich intendierten Selbstbezüglichkeit ihre Grenzen finden schaffen. Im Begleitheft liest man, dass der Künstler Batniji eine „alternative, distanzierte und subjektive Lesart der Nachrichten vorschlagen“ wollte. Ihm gelingt es, im Wust der Fernsehbilder auf die konkret dort wohnenden Menschen und ihre Welt hinzuweisen, Distanz zur eigenen Peergroup wird darin weniger deutlich. Daneben sind im Erdgeschoss hunderte Seifen aufgetürmt. Auf jedem Einzelstück ist auf Arabisch No Condition is permanent eingraviert. Die Besucher/innen können sich eine Seife mitnehmen. Seife sei „ein prekäres, der Auflösung geweihtes Material“ (Broschüre). Die Vergänglichkeit des Materials erinnere an das Menschsein und unsere Relativität.
Um direkt den aktuellen, anscheinend unverzichtbaren Kunsttrend anzusprechen: Die Arbeiten des Palästinensers Taysir Batniji sind weniger gedankenvoll, denn plakativ geraten. Sie passen sich in die Großerzählung der Szene und letzten Kunstbiennale in Venedig ein, die Welt sehr schematisch nach alt-anti-imperialistischem Strickmuster aufzuteilen, in „Kolonisierte“ und „Kolonisierer“.
In einem abgedunkelten Raum ist ein Video von Guillaume Delaperriere von den Straßen in Lissabon zu sehen. „Eine Art Symphonie der Stadt“, so Konschthal-Direktor Christian Mosar, rekurrierend auf den Film von Walter Ruttmann. Ein Blinder in der Tram; Geräusche, von Männern, die Karten spielen – die anfangs getrennt sind und sich sukzessive zu einem Song von einer Großstadt über 24 Stunden zusammenfügen. Lisboa Orchestra (2013) ist eher von Nostalgie getrieben, von Sonnenaufgang bis in die Nacht, wenn die Kamera ins Lichtermeer der Stadt sinkt.
Die Serie GH0809 #2 (Gaza Houses 2008-2009) zeigt an einer Wand 20 Fotografien zerstörter Häuser in Gaza, inszeniert wie Immobilienanzeigen. Das Werk sei eine „Reaktion auf die Militäroperation Israels gegen Gaza“ 2008/2009. Die Art der Inszenierung ist originell. Da Taysir Batniji im Exil lebt, hat er einen Freund gebeten, zerstörte Häuser in immer derselben Perspektive abzulichten. Unter jedem Bild steht eine Beschreibung des Hauses und der Zahl seiner Bewohner/innen, mit dem Ziel, eine Erinnerung an das jeweilige Zuhause zu
In dem Video, Territory (2017) von The Blaze kehrt ein junger Mann zurück in den Maghreb. Der etwa fünfminütige Film mit elektronischer Musik, der fast vollständig in Algier gedreht wurde, beginnt mit der Ankunft eines Bootes. Langsam erkennt man das Gesicht der Hauptfigur gefolgt vom emotionalen Wiedersehen der Verwandten. Doch auch dorthin, wo er zurückkommt, ist er nicht mehr wirklich zu Hause. Den schmerzverzerrten Gesichtszügen des Protagonisten steht die Heimatlosigkeit ins Gesicht geschrieben ...
Daneben stößt man auf durchdachte Installationen der iranischen Künstlerin Samira Hodaei. Im Juli 2023 hatte sie für vier Monate eine Residenz im Bridderhaus inne. In A Fire Appeared, A Fire Spread (2023-2024) setzt sie Videokunst und Metallarbeiten ein, um die komplexen Erzählungen rund um die nationale Öl- und Stahlindustrie in Iran und Luxemburg zu erforschen. Die Doppelprojektion zeigt Archivmaterial aus der Provinz Chuzestan im Iran und aus der Minett-Region in Luxemburg, die beide Anfang des 20. Jahrhunderts zu Industriestandorten wurden. 1870/71 entwickelten sich zeitgleich im Süden Luxemburgs die Eisen- und im Iran die Ölindustrie. Von diesem Zeitpunkt ausgehend hat Hodaei eine Montage komponiert, die synchron die gesellschaftlichen Veränderungen mit Archivbildern zeigt und synchronisiert. Zu Hodaeis Installation gehören Aluminiumschalen mit komplizierten Radierungen, die sich auf die Öl- und Stahlindustrie beziehen. Zu diesen Schalen ließ sich die Künstlerin von der alten Handwerkskunst der Toreutik inspirieren, die im Iran als „Qalamzani“ bekannt ist. Im Übergang zwischen Erdgeschoss und erstem Stock der Konschthal begegnet man der fast schwebenden Installation von Hiwa K. Der irakisch-kurdische Künstler musste selbst während des zweiten Irakkrieges aus Kurdistan fliehen. Sein „One Room Apartment“, das bereits auf der documenta 14 zu sehen war, ist die Rekonstruktion eines Sozialwohnungsbaus in der Nähe der Minenfelder im kurdischen Teil des Iraks. Der Nachbau in der Konschthal verlangt von den Betrachter/innen, die Beziehung zwischen Raum und Form zu befragen. Im ersten Stock werden in einer Ecke aus einem Dia-Projektor verstaubt wirkende Diapositive von türkischen Arbeiter/innen an die Wand projiziert. Die Serie „Türken in Deutschland“ der mehrfach ausgezeichneten Fotografin Candida Höfer war ursprünglich ihre Bewerbungsmappe für die Kunstakademie in Düsseldorf, wo sie bei Bernd und Hilla Becher studierte. Es zeichnet ein Deutschland der 1970er Jahre und zeigt ungeschönt die Parallelwelt türkischer Gastarbeiter/innen. Die Werke der luxemburgischen Künstlerin Lisa Kohl sind ebenfalls ein Blickfang. Die Farbfotografie Elsewhere within Here (2024) zeigt vordergründig aufeinandergestapelte Plastikstühle. Sie sind das Ergebnis einer Intervention von Kohl nahe der griechisch-türkischen Grenze. Hier sammelte und arrangierte sie 29 Monoblocs, die unweit eines mit Stacheldraht überspannten Zauns zurückgelassen wurden und stapelte sie zu einem skulpturähnlichen Einzelstück – als Metapher für den Turm von Babel. Zwischen Fluchtversuch und Grenzüberschreitung regt das Werk zum Nachdenken an.
Videokunst erweist sich als zentral in Displaced-II. Beunruhigend verstörend ist so ein Kurzfilm des israelischen Filmemachers und in Berlin lebenden Künstlers Omer Fast. Zentrale Figur in „Continuity“ (2012) über die verstörende Wirkung von Kriegen und nachhaltigen psychischen Schäden auf Menschen, ist ein junger Soldat, der nach seinem Dienst in Afghanistan nach Deutschland heimkehrt. Der beunruhigende Film wurde 2012 für die documenta 13 in Auftrag gegeben und gewann 2013 den Deutschen Kurzfilmpreis LOLA. Mit seinem Film Casa Negra (2022) zeigt der Kubaner Marco A. Castillo die Praxis der kollektiven Brandmarkung von „revolutionären Abweichler/innen“. Im Mittelpunkt stehen eine Frau und ein Kind, die für ihre Lebensweise ausgebuht werden. Ein aufgebrachter Mob stürmt daraufhin in ein Haus, beschimpft die Bewohner/innen und beschmiert Türen und Fassaden schwarz. Sein Film Generación (2019) macht in einer melancholischen Anmutung und 1970er-Nostalgie die Stimmung einer Generation fühlbar. Er diene als Metapher für das kulturelle und ästhetische Sterben, das Kuba zyklisch erlitt und derzeit erleidet. Angesichts des im Nahen Osten tobenden Krieges und der rigiden Flüchtlingspolitik der amtierenden christlich-liberalen Regierung ist das Leitmotiv der Ausstellung zweifellos aktuell. Wenn im Sinne Hannah Arendts (We Refugees, 1943) das Selbstbewusstsein von Geflüchteten „zur Schau“ gestellt wird, gehört diesem Unterfangen alle Sympathie. Doch erweist sich Displaced in der Konschthal als Potpourri von eindrucksvollen und auch recht plakativen Kunstwerken, die teilweise in der grundsätzlich intendierten Selbstbezüglichkeit ihre Grenzen finden. Künstlerisch sind nicht alle Werke so eindrucksvoll wie die der Iranerin Samira Hodaei und des Kurden Hiwa K. Die Frage nach Identität und einer vermeintlichen „Heimat“ und Entfremdung lässt sich bis ins Unendliche durchdeklinieren – und interpretieren. Wie in der Literatur führt dies nicht immer zu einer überzeugenden Kunst. p
Das Werk von Displaced I, Living Dog Among Dead Lions - Agape von Vajiko Chachkhiani, ist derzeit noch immer im Erdgeschoss der Escher Konschthal zu sehen Displaced II kuratiert von Charlotte Masse und Christian Mosar mit Werken von Taysir Batniji, Marco A.Castillo, Sebastián Díaz Morales, Marlene Dumas, Guillaume Delaperriere, Omer Fast, Tirdad Hashemi & Soufia Erfanian, Samira Hodaei, Candida Höfer, Hiwa K, Lisa Kohl, Gregor Schneider und The Blaze ist noch bis zum 19. Januar 2025 in der Escher Konschthal zu sehen
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Olivier Halmes
Immer tiré à quatre épingles: DP-Kulturminister Eric Thill
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Falsche Venezianer oder: Aus dem Leben der Schaufensterpuppen aGuy Rewenig
Notizen zur Kleiderordnung im Kulturbetrieb Ja, es ist immer wieder schön, wenn ein Minister überall in Erscheinung tritt und quasi allgegenwärtig ist. Herr Thill, der frischgebackene Prachtkerl im Kulturministerium, überschlägt sich geradezu vor öffentlicher Präsenz. Seine Hauptaufgabe scheint darin zu bestehen, seine Person so oft wie möglich auszustellen. Natürlich macht er einen vorteilhaften Eindruck. Schon allein vestimentär ist er seinen Vorgängern aus der DP (Nagel, Arendt, Bettel) haushoch überlegen. Gewiss, man sollte einen Amtsträger nicht nach der Kleidung beurteilen, sondern nach seiner Leistung. Doch kann die Kleiderordnung eine herausragende kulturpolitische Rolle spielen und Leistung ersetzen. Man sollte sie daher nicht ignorieren. Jedenfalls springt Herrn Thills Garderobe ins Auge. Er ist immer tiré à quatre épingles, einwandfrei kostümiert und frisiert, geschniegelt und gestriegelt, nett und adrett, zugleich ohne Ecken und Kanten. Von einem derart aufgekratzten und modisch ausstaffierten Staatsvertreter sollte man erwarten können, dass er auch in seinen offiziellen Mitteilungen Energie und Dynamik versprüht. Auf Facebook ist der Minister sehr aktiv. Er dokumentiert akribisch seine Erscheinungen in der Öffentlichkeit. Um sich stets vorteilhaft ins Bild zu setzen, lässt er sich auf seinen Kulturreisen von einem eigenen Fotografen aus seinem Ministeriums-Staff begleiten. Dieser offizielle Knipser ist nicht zu beneiden. Sein künstlerischer Spielraum ist stark eingeschränkt. Denn Herr Thill beherrscht eigentlich nur eine Pose: die des aufrechten, putzmunteren, selbstbewussten und selbstbeherrschten Kulturhandelsreisenden. Alle Fotos sind sich zum Verwechseln ähnlich. Ein einziges würde im Grunde für alle Zwecke ausreichen. Wo auch immer er als menschliche Zierpflanze auftritt, spart er nicht mit fast schon mechanischem Lob: Alles schön, alles gut, bemerkenswerte Leistung, Glückwunsch, und auffällig oft das Prädikat „eise Patrimoine“. Irgendwie scheint er systematisch Kultur und Tourismus zu verwechseln. Er beschränkt sich auf eine Handvoll wohlfeiler, flächendeckend ausgestreuter Komplimente, die nichts kosten. Oder anders gesagt: auf
Herr Thill beherrscht eigentlich nur eine einzige Pose: die des aufrechten, putzmunteren, selbstbewussten und selbstbeherrschten Kulturhandelsreisenden
eine abgestandene, im Kreis drehende Leier mit den immergleichen Reizworten. Der Sprachschatz des Ministers ist auffällig prekär. Er bemüht sich nicht, seine Facebook-Einträge zu diversifizieren, obwohl er „Diversität“ immer wieder beschwört. Vor allem fehlt der gesellschaftspolitische Rahmen. Er setzt die Kultur nicht in einen größeren Sinnzusammenhang. Warum versagt er sich zum Beispiel ein Statement zur unsäglichen Petition 3198, die darauf abzielt, LGTBQ-Personen in den staatlichen Schulen auszugrenzen? Immerhin greift diese diskriminierende Initiative unmittelbar in den gesamten Kultursektor hinein. Warum unterstreicht er nicht, dass
kommunale Kulturpolitik auf gar keinen Fall in der Verantwortung eines verurteilten Steuerhinterziehers liegen darf? Herr Thill schweigt vornehm. Die Flucht nach vorn ist seine Rettung. Er versteckt sich in der Rolle des sympathischen Onkels mit dem Subventionstopf. Könnte es sein, dass neoliberale Kulturpolitik keine Reflexionsebene braucht? Das Kulturdebakel Esch22, verursacht von einer parteilinientreuen DP-Managerin, hat überdeutlich die Eckwerte sichtbar gemacht: Zwangsjacke für die Künstler, große Bühne für die Sponsoren aus der Wirtschaft. It’s the economy, stupid! Unterdessen häufen sich die gediegenen Ausweichmanöver. Neulich reiste der heimische Kulturboss nach Venedig zur Mostra. Diese Stadt steht wie keine andere für die hohe Kunst der Maskerade. Sie steckt voller Trugbilder. An diesem frühherbstlichen Trip ist alles unwirklich und schief. Geht es hier, wie behauptet, um die Filmkunst oder um einen Selbstdarstellungs-Wettbewerb in touristischer Kulisse? Womit wir wieder bei der Kleiderordnung wären. Mit endlos langen Fotostrecken dokumentiert RTL, was sich hier abspielt: Das großherzogliche Paar mitsamt Kulturminister zieht durch die Straßen der Filmmetropole, von den Venezianern herzlich ignoriert, doch umso felsenfester von der eigenen Wichtigkeit überzeugt. Frau Mestre wechselt die aufgedonnerten Verkleidungen bei jedem neuen Auftritt, Herr Thill stelzt steif wie gewohnt neben den Hoheiten, Herr Daleiden vom verwöhnten Film Fund hoppelt hinterher im Bohème-Look; ganz so, als sei er einer anarchischen Künstlerkommune entsprungen und nicht etwa ein seit Ewigkeiten rundum versorgter, von seiner Partei DP ins Amt gehievter Funktionär. Unterwegs macht die mondäne Gesellschaft auf dem Festivalgelände halt und lässt sich klobige VR-Brillen aufsetzen. Es ist ein Bild für die Götter: Die Seilschaft verschwindet in imaginären Welten, Herr Thill schwärmt von Luxemburgs Kapazität, augmented reality filmtechnisch zu meistern, da sind wir Vorreiter, wenn nicht gar Weltklasse, ganz so, als hätten wir nicht schon genug reduced reality. Jedenfalls hat
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Kulturministerium
Bei der Eröffnung des „Center of Attraction“ der Venice Production Bridge am 1. September: Eric Thill mit dem großherzoglichen Paar und Direktor Guy Daleiden (Mitte) und Verwaltungs ratschef Thierry Zeien (links) vom Filmfonds
diese Szene Symbolkraft. Unsere gesamte Regierung leidet nämlich längst unter schwerem Realitätsverlust. Sie hat ihre VR-Brillen schon verinnerlicht. Irgendwann landet die surreale Prozession auf dem roten Teppich vor dem Filmpalast. In der Presse dürfen wir lesen, wie toll Frau Mestre sich präsentiert und die Kleiderordnung ins Scheinwerferlicht rückt. Sie trägt „ein violettes Neckholder-Kleid von Bianco Levrin, Sandalen von Laurence Dacade und Ohrringe von Hanae Mori“. In welchem Film sind wir hier? Vermutlich im falschen. Wir mäßig gekleideten Laien fragen uns nämlich: Wie um alles in der Welt kann mat diese Modefreaks mit der Filmkunst in Zusammenhang bringen? Seit wann sind sie Filmexperten? Was verbindet sie mit Kunst? Nun denn, über den Kunstgeschmack des Monarchen und seiner Gattin kann man sich nur wundern. Das erlauchte Paar lässt sich zum Beispiel umgarnen von einem Herrn namens Jacques Schneider, der unter dem Künstlernamen „Kritzel“ firmiert. Dieses Pseudonym ist gut gewählt. „Kritzeln“ bedeutet, „wahllos Schnörkel, Striche o.Ä. zeichnen“ (Quelle: Oxford Languages). Unter den Synonymen findet man noch deutlichere Umschreibungen: „herumkrakeln, herumschmieren, hinsudeln“. Kritzel geht bei Hofe ein und aus. „Im Jahr 2022 wurde er von Seiner Königlichen Hoheit, dem Großherzog, zum ‚Ritter des zivilen und militärischen Verdienstordens Adolphe von Nassau‘ ernannt“, schreibt er über sich. Offenbar hat er sich vorgenommen, die Monarchie mit lauter knallbunten Abbildungen zu verwursten. Auf seinen zahllosen, im Eilverfahren hingeschluderten Vignetten erscheint der Großherzog samt Frau Mestre wahlweise als Märchen-Duo mit herzförmigen Augen oder als farblich verfremdetes Herrscher-Automaten-Paar. Kurzum: Wenn die Großherzogs es nicht einmal schaffen, sich aus den Fängen dieses Auf-Schneiders zu befreien, darf man stark an ihrer Kunstaffinität zweifeln. Es sei denn, Kritzels Bildchen, die nach schlecht kopiertem Andy Warhol aussehen, entsprechen genau ihrem Gusto. Dann ist ohnehin Hopfen und Malz verloren. Es lohnt sich, Kritzels Website 3xvive.lu (eine weitere speichelleckerische Anspielung auf das Herrscherhaus) in Augenschein zu nehmen. Hier erkennt man nämlich, dass der Anspruch, Künstler zu sein, eine reine Schutzbehauptung ist. Kritzel produziert nichts anderes als „Mode & Fashion“. Seine Absicht ist merkantil, nicht künstlerisch. Er schmeißt sich überall ran, wo er das schnelle Geschäft wittert: etwa an die Polizei, die Feuerwehr, die Rettungsdienste oder die Drogenfahnder. All diesen wackeren Landsleuten, die er „nos héros“ nennt, widmet er spezielle Kleidungsstücke mit aufgedruckten Emblemen. Ein Polizist darf zum Beispiel ein schwarzes T-Shirt mit stilisierter Schusswaffe auf dem Thorax erwerben. Dieser Schießprügel erscheint nochmals im bedrohlichen Großformat auf dem Hemdrücken.
Kritzel, der sich eigenen Angaben zufolge „für humanistische Werte einsetzt“, wirft auch sogenannte „ethical clothes“ auf den Markt. Damit visiert er alle moralisch einwandfreien, edlen, rechtschaffenen und tugendhaften Luxemburger, also nichts weniger als die gesamte Bevölkerung. Jeder und jede darf sich ein Shirt oder ein Hoodie anschaffen mit absolut sinnfreien Sprüchen wie „fille grand-ducale, garçon grandducal, Léiw, De léiwe Léiw, Léift Girl, Léiwe Boy“ oder kurz „Heemecht“. Nicht auszudenken, dass auch Einbrecher und andere zwielichtige Gesellen sich mit dieser Tracht eindecken könnten. Es wäre die ideale Tarnkleidung. Während die Großherzogs im feinsten Faden mit der Ministerialschickeria im Schlepptau durch die Lagunenstadt lustwandeln, tobt in Luxemburg bei den daheimgebliebenen Untertanen „op der Fouer am Stall“ die volkstümliche Kulturbegeisterung. In dieser zutreffend benannten Saufbude spielt die Kleiderordnung überhaupt keine Rolle. Jeder Fummel ist willkommen, gern entblößt man auch mal den Bierbauch, um sich einen Sticker der „Partyhexe“ Susal – Selbstbeschreibung: „Diverse Oktoberfeste im ganzen Land gehören zu ihrem Portfolio“ – auf den Speck kleben zu lassen. An diesem Ort der feuchtfröhlichen Enthemmung wäre der stets strammstehende Kulturminister ein echtes Kuriosum. Da geht er lieber nicht hin. Wo die gestrandeten Stimmungskanonen aus den berüchtigten Nightlife-Glutöfen von Mallorca die Sauf- und Rauflust befeuern, greift kein noch so
Die Großherzogin trage „ein violettes NeckholderKleid von Bianco Levrin, Sandalen von Laurence Dacade und Ohrringe von Hanae Mori“, schreibt die Presse. In welchem Film sind wir hier?
ausgeklügelter Kep (Kulturentwicklungsplan). Da zieht es der Minister vor, ins zwar morbide, aber bekleidungsmäßig gesittete Film-Venedig zu flüchten. Doch siehe da, wer schaut auf der Schobermesse schon wieder um die Ecke? Genau, unser umtriebiger Kunstbolzen Kritzel. Gleich hinter dem glitzernden Eingangsportal hat er seinen Merchandising-Stand aufgebaut. Mit missionarischem Eifer tritt er an, um die geschundene Fouer-Kleiderordnung wieder zurechtzurücken. Eigens für den legendären Jahrmarkt hat er ein T-Shirt mit der Aufschrift „Stolz op eis Fouer“ entwickelt. Das ist ein grandioser Einfall. Und die Idee ist beliebig ausbaufähig. Stolz op eisen Tram, stolz op eis Autobunnen, stolz op eis CFL, stolz op eise Keup, eise Weidig an eise Gloden, stolz op eis Steierhannerzéier (die DP würde garantiert den gesamten Bestand aufkaufen), stolz op eis Brauereien, stolz op eise Willibrord, stolz op eis Consolatrix, stolz op eis Kathedral. Und so weiter. Stichwort Kathedrale: Kritzels jüngstes Vermarktungsopfer ist der Papst. Er hat den heiligen Mann einer Pop-Art-Behandlung unterworfen. Gläubige wie Ungläubige dürfen jetzt T-Shirts und Kappen mit dem stilisierten Konterfei des Vatikanchefs erwerben. Und es ist wirklich kein Wunder: Auch der oberste Kathole hat herzförmige Augen, genau wie der verkritzelte Monarch und seine Gattin. So herzhaft und herzlich hat noch keiner in die kirchliche Hierarchie eingegriffen. Diese religiös verbrämten Kleidungsstücke dürften nicht nur bei der Christenfraktion ein Verkaufsschlager werden. Ja, über den Herzäugleinpapst freuen sich bestimmt auch abertausende Missbrauchte und Misshandelte aus katholischen Einrichtungen in aller Welt. Doch was müssen wir im Télécran (37/2024) lesen? Der wendige Kritzel distanziert sich tatsächlich von seinem eigenen Werk. Er betont: „Nur weil man eine Kappe mit dem Papst drauf trägt, heißt das noch lange nicht, dass man gläubig ist.“ Kritzel spricht also seiner eigenen Kunst die Kreditwürdigkeit ab. Ist das nun Feigheit oder Kalkül? Entweder er schafft etwas aus Überzeugung, oder er lässt es bleiben. Leider scheint er sich auf das Credo zu stützen, dass man auch aus Täschungsmanövern Geld schlagen kann. Aus Sicht der Großherzogs endete die Mostra mit einem Eklat. Pedro Almodovars Gewinnerfilm The Room Next Door handelt nämlich von Beihilfe zum Suizid. Dieses Thema widerspricht allem, was der Monarchenfamilie heilig ist und was die katholische Luxemburger Regierung energisch tabuisiert. Unzuverlässigen Quellen zufolge hat sich die fundamental fromme Frau Mestre über das preisgekrönte Teufelswerk so erbost, dass ihr vor lauter Empörung fast die exquisiten Klamotten vom Leib flogen. Um ein Haar wäre es zu einem fatalen Kleiderordnungsunfall gekommen. Unvorstellbar! Und jetzt? Uns bleibt nur, mit Bertolt Brecht zu klagen: Der Vorhang zu und alle Fragen offen. p
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Laurianne Bixhain
Les artistes ont réalisé la brochure mettant en avant leurs travaux respectifs
La somme des mots, des images et des rencontres aFanny Weinquin Une douce lumière d’automne plane sur la ruelle médiévale où se situe la galerie Hobusepea, à deux pas de la grand place de Tallinn, capitale de l’Estonie. L’artiste Laurianne Bixhain nous accueille tout sourire à l’ouverture de sa première exposition en pays balte. Elle est invitée à un pas de deux avec Krista Mölder, plasticienne estonienne bien établie après vingt ans de carrière. En dépit des 2 000 km qui les séparent, la relation des deux artistes s’est consolidée et enrichie autour de la photographie, leur langue commune. À l’été 2014, Krista Mölder est une des premières artistes à poser ses valises aux Annexes du château de Bourglinster, le temps d’une résidence. Les anciennes écuries accueillent aussi Laurianne Bixhain, photographe belgo-luxembourgeoise qui prépare sa première exposition individuelle au Centre d’art Nei Liicht, intitulée Bathing by electric light. L’étincelle ne manque pas de prendre entre les deux artistes, qui se découvrent des intérêts communs. Dans une approche tactile et matérielle de l’image, toutes deux s’intéressent aux liens que l’homme entretient avec la technique, ainsi qu’aux processus de transformation que traversent et vivent matières premières, objets, outils, tout autant que les acteurs de ces métamorphoses. « Ce qui m’a intriguée, confie Laurianne, c’est la formation première de Krista en tant que géographe. Sa pratique se caractérise par une manière singulière de lire un territoire et d’habiter l’espace. » À Krista de préciser : « Quand je voyage pour une résidence, l’objectif est de faire évoluer mon travail, mais aussi de me connecter à d’autres professionnels de l’art, de semer des graines dans des terreaux fertiles. Les environnements nouveaux et incertains ouvrent des brèches, des possibilités d’explorer l’inconnu. » Un saut dans le temps nous mène en 2022. Krista Mölder s’installe pour une résidence de six mois au Wiels à Bruxelles. Depuis 2018, ce Centre d’art travaille en partenariat avec le Centre estonien de développement de l’art contemporain (l’équivalent de Kultur :lx). Voilà l’occasion idéale pour renouer avec Laurianne, qui fréquente régulièrement la capitale belge. L’idée d’exposer ensemble fait son chemin, motivée par l’envie d’explorer et de construire une histoire commune. L’endroit ciblé est la galerie Hobusepea à Tallinn, ouverte en 2003, à la veille de l’entrée de l’Estonie dans l’Union européenne. Géré par l’association des artistes estoniens, ce lieu a pour
dessinent dans des jeux d’ombres et de lumières évocateurs. Pour l’artiste, les objets qui en résultent contiennent le récit de leur parcours et le travail humain qui s’y dépose.
Deux artistes, de deux nations, émancipées de leur géographie par la culture
priorité de présenter la création contemporaine du pays. Le dossier de candidature du binôme est accepté et l’aventure commence. Dans une volonté de trouver le juste balancement entre leurs univers respectifs, et même plutôt ce point de vacillement où la rencontre visuelle génère une floraison nouvelle, les artistes se donnent rendez-vous à l’été 2024 pour échanger et penser l’exposition à venir sur l’île de Hiiumaa. La Kordon Art Residency fournit un cadre naturel intime et paisible, où les choix se font de façon fluide, tant les liens entre les images des deux artistes apparaissent évidents. L’exposition s’ouvre sur une composition de Krista Mölder de format modeste, où l’on distingue le bout d’une aile et le nez d’un avion à travers un voile de brouillard grisâtre. L’enveloppe épidermique douce et palpable résulte d’un procédé de fabrication analogue subtilement manipulé pour faire apparaître une fine couche d’argent métallique. Alors que le corps aéronautique se caractérise techniquement par sa lourdeur brute, son expression matérielle tend ici à s’en détacher. « Dans les anciens portraits de famille », explique Krista, « cette réaction chimique fait progressivement disparaître les visages et les corps. De l’humain, il ne reste que des touches argentées qui réfléchissent une lumière, une vie nouvelle ». Le ton de l’exposition est ainsi posé autour de l’intérêt pour la matière, pour la fabrication d’images et les transferts de sens qui en résultent. Laurianne Bixhain y répond avec cinq photographies de la série anciennement intitulée Nom de sommeil, présentées au Mudam lors de l’exposition Freigeister. Rebaptisées The day begins with a loud boom, ces images portent sur la production et la circulation de biens tels que les verres pour automobiles et les diamants. Un univers parallèle émerge à travers une ambiance froide, stérile et en mouvance constante, sorte de laboratoire d’expérimentations où les changements d’état se
C’est à travers ce même prisme que doit être envisagé le titre de l’exposition The sum of the words that accumulate within us tiré de l’œuvre de Monique Wittig. L’écrivaine féministe nourrit les recherches de Laurianne et développe sa pensée dans La marque du genre : « Employer un mot, l’écrire ou le parler a sur la réalité matérielle un impact, un effet, comparable à celui d’un outil sur un matériau. /.../ Chacun de nous est la somme des transformations effectuées par les mots ». Ainsi, les images présentées à Tallinn ne sont pas seulement des pièces sélectionnées séparément et accrochées côte à côte aux murs de la galerie, mais elles formulent un dialogue sensible en se répondant par des échos visuels qui tissent une architecture invisible, un espace mis sous tension. Un changement d’ambiance s’opère lors qu’on descend au sous-sol tamisé de la galerie, dédié au travail de Krista Mölder. Les pistes de réflexion initiées au rez-de-chaussée se poursuivent et s’étoffent. Des planeurs s’offrent au visiteur. Thème récurrent chez l’artiste estonienne, ces engins formulent une transition provisoire entre deux univers. « L’idée du planeur incarne le concept d’une présence humaine contenue dans un cocon fragile, représentant une relation radicalement différente à la technologie et au matériau exploité – impliquant l’intimité, l’acceptation et la vulnérabilité plutôt qu’un rapport de force ». Ce sont ces planeurs qui nous portent vers l’ultime œuvre de l’exposition, une installation étonnante à base de verres optiques soumis à une solution argentique leur conférant une pellicule réfléchissante. Ils flottent au mur tels les notes d’une partition sacrée, s’adressant directement au visiteur qui y voit sa propre image, mais dont les pensées voyagent aussi à travers les ondes de lumière qui se réfléchissent au mur depuis les plaques métalliques posées au sol. En écho à la première œuvre de l’exposition, le visiteur est immergé dans ce qui est le principe même de la photographie. Un miroir, comme la rencontre des deux artistes, de deux nations émancipées de leur géographie par la culture. p
The sum of the words that accumulate within us, Krista Mölder & Laurianne Bixhain jusqu’au 27 octobre à la Hobusepea Gallery à Tallinn. hobusepeadraakon.ee
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FE R UU B IRLI LK E T O N 11.10.2024
41 689 morts au 5 octobre 2024 aSébastien Cuvelier
Sur un énorme écran, en fond de scène, deux projecteurs 16mm diffusent des images immersives de feux embrasant des zones industrielles. Pendant que tout crame, huit musiciens jouent une partition digne de l’apocalypse, s’étirant sur une dizaine de minutes, sans que les flammes jaunes et rouges ne faiblissent. Vers la fin, la pellicule commence à fondre, des taches apparaissent, des larsens s’échappent des enceintes. Les musiciens quittent la scène un par un. Reste la matière sonore, des boucles indescriptibles, indomptables, sauf pour un ingénieur du son qui vient déminer précautionneusement ce magma sonore en fusion, jusqu’à isoler une séquence de violon. Puis plus rien. Des applaudissements mérités ponctuent ce coup d’éclat.
Sur scène, au milieu des huit musiciens disposés en demi-cercle, un keffieh rouge est posé sur une enceinte, comme pour symboliser cette lutte permanente contre l’oppresseur. La performance débute de la même façon depuis 2012 : un morceau relativement court (pour les standards du groupe), introduit au violon et à la contrebasse, puis densifié par des orchestrations de guitares quasi opaques, tandis que le mot « hope » apparaît par à-coups, inscrit à la main en blanc sur un écran noir. La lumière générale est faible, aucun musicien n’est mis en avant, et ces quatre lettres d’espoir se répètent en boucle, comme un mantra.
ÖFFENTLICHER BAU
Remake
Nachdem es sowohl ein Jesuitenkollegium, eine Sekundarschule und später als Bibliothek ein Ort der Recherche und des Lernens war, soll das ehemalige Gebäude der Bibliothèque nationale nun eine neue
SC
Il y a des concerts qu’on ne peut pas rater. Trop importants, trop rares. Le groupe, ou plutôt le collectif canadien Godspeed You! Black Emperor fait partie de ceux-là. 22 ans après leur seul passage chez nous, les pionniers du post-rock étaient de retour sur la scène de la Kulturfabrik, dans une salle comble, pour défendre leur dernier album intitulé NO TITLE AS OF 13 FEBRUARY 2024, 28,340 DEAD, tout en majuscules de circonstance. Un titre qui fait bien entendu référence au nombre de Palestiniens tués par l’armée israélienne à Gaza depuis le début du génocide en cours, à la date du 13 février, moment de la fin de l’enregistrement de l’album. Avant même de poser son oreille sur ce disque, l’auditeur est déjà confronté à cette tragique violence dénoncée par l’un des groupes majeurs de l’art militant.
Huit musiciens et une salle comble
L’album étant sorti la veille du concert, il est probable qu’une bonne partie du public ait découvert en live les nouvelles compositions, dont cinq ont trouvé leur place dans la setlist du soir. Il n’a pas été déçu, l’album est un grand cru, rappelant par moments les brûlots enlevés de Yanqui U.X.O., joués sur cette même scène de la Kufa en 2002. Mention particulière à Pale Spectator Takes Photographs, morceau psychédélique d’une densité stupéfiante, aux rythmiques changeantes, aux atmosphères qui oscillent entre urgence et mélancolie, enchaîné avec Grey Rubble - Green Shoots, une référence pleine d’espoir à la reconstruction palestinienne, où le violon de Sophie Trudeau nous arrache des larmes tellement c’est beau. En quasi trente ans d’existence, les Montréalais semblent simplement incapables de faire un mauvais disque. Les deux heures passées en compagnie d’Efrim Menuck et sa troupe nous ont rappelé leur emprise sur ce sens de la narration épique, sur ces crescendos fiévreux, cette mélancolie faite de puissance autant que de virtuosité. Deux morceaux joués
Aufgabe bekommen: Die Ministerin für Öffentliche Bauten Yuriko Backes (DP) legte vor zwei Wochen ein Gesetzesprojekt vor, in dem das Handelsgericht ebenso wie Büros der Staatsanwaltschaft in der alten BNL ihren Platz finden. Die aktuellen Räume des Handelsgerichts in einem Wohngebäude auf dem Heilig-Geist-Plateau seien zu klein und ungeeignet für die Verhandlungen, heißt es im Motivenbericht zum Gesetzesentwurf. Im unteren Teil des denkmalgeschützten Gebäude sieht Yuriko Backes unweit des Kulturministeriums eine weitere Kulturstätte mitten in der Stadt vor: Das Centre de
promotion des arts (Cepa), das die Summerakademie organisiert, soll drei Räume sowie einen Ausstellungsraum zur Verfügung gestellt bekommen. Außerdem soll nebenan ein „Book Café“ mit einer kleinen Bibliothek aufmachen, die Bücher zur Geschichte des Gebäudes beherbergt; damit erfülle man vier weitere Punkte des Kulturentwicklungsplans 2028. Zugang für diesen neuen Kulturort soll über den Hof an der Rue NotreDame sein. Das Budget für den Umbau und die damit einhergehenden Renovationen wird auf 55,6 Millionen Euro veranschlagt. SP
Godspeed You! Black Emperor est un groupe essentiel de l’histoire de la musique
ce samedi incarnent cette gravité omniprésente, cette tragédie anticapitaliste interprétée dans les marges : Fire at Static Valley introduit par ces sirènes annonciatrices de l’urgence, et le plus enlevé Cliffs Gaze, aux cloches semblant sonner le glas de notre civilisation (tous deux tirés du précédent album G_D’S Pee At State’S End!).
P O L I T I Q U E
Nette augmentation
Avec 287 709 517 euros, soit 32,7 millions d’euros supplémentaires par rapport à l’année en cours (plus de douze pour cent), le budget 2025 du ministère de la Culture atteint 0,98 pour cent du budget de l’État. La modification de la loi sur le patrimoine prévoit que les frais pour la réalisation de fouilles d’archéologie préventive soient intégralement pris en charge par l’État. L’impact budgétaire supplémentaire de cette modification est estimé à 3,5 millions euros.
Les bobines analogiques diffusées derrière les musiciens appuient ce constat désespéré sur la déliquescence du monde, jusqu’à cet incroyable brasier final répondant au son de World Police and Friendly Fire, seconde partie du morceau épique Static tiré de l’album Lift Yr. Skinny Fists Like Antennas to Heaven! (2000). Une ponctuation en forme de maelstrom sonore à la maîtrise tenant du prodige quand on pense à cette association de huit musiciens (dont deux batteurs). Godspeed You! Black Emperor est un groupe essentiel de l’histoire de la musique, rien de moins. Un groupe de rock de chambre à l’intensité inégalable, aux atmosphères euphoriques, qui se joue des modes et continue de délivrer son message pacifiste et revendicateur à un moment où on en a le plus besoin. Le dernier bilan officiel des victimes à Gaza au 5 octobre 2024 (date du concert) fait état de 41 689 morts. Ce chiffre est largement sous-estimé selon le journal médical de référence The Lancet, qui l’estime à cinq fois supérieur. p
Une autre part des augmentations est une adaptation aux réalités du terrain. Ainsi le fonds social culturel que l’on peut comparer à une indemnité de chômage pour les artistes professionnels indépendants et les intermittents du spectacle, s’avère souvent sous-doté et en dépassement. Il passe de 4,7 à 6,5 millions d’euros. Dans une volonté de transparence, le budget alloué au Film Fund a été présenté en deux articles distincts : 41 millions sont destinés au soutien à la production audiovisuelle à proprement parler et 5,5 vont aux frais de fonctionne-
ment. Les dotations des autres établissements publics sont relativement stables, sauf Kultur:LX dont le budget passe 4,4 millions à 5,3 millions. Pour consolider la politique de conventionnement avec les associations culturelles, trois lignes budgétaires distinctes ont été déterminées : la scène libre (10,6 millions), les structures culturelles dont le financement est partagé avec les communes (9,4) et les infrastructures culturelles par les collectivités locales (2,2). Cela représente 22,2 millions d’euros, soit un spectaculaire augmentation de 37 pour cent. FC
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Des histoires de chiens aMarianne Brausch
Canins câlins, canins copains. Des chiens de toutes les tailles et de toutes les couleurs par Chantal Maquet, à la galerie Reuter Bausch
Il y a d’abord eu un appel à projet à l’origine de l’exposition #BFF qu’on a pensé légèrement loufoque, pas sérieux, dingo ? Quand on connaît la relation entre Chantal Maquet et Diego, on sait que, elle et son chien, c’est comme ne faire qu’un. Pourquoi pas alors voir les gens à travers leur plus fidèle ami – ne dit-on pas « tel maître tel chien » ? Chantal Maquet et Julie Reuter ont donc demandé « envoyez-nous une photo de votre chien ». L’année dernière, l’artiste avait fait le portrait des habitants de Clervaux et de leur environnement que Chantal Maquet avait parcouru et peint, au même titre que les visages (voir d’Land 15.09.23). Il y avait eu une exposition des tableaux à touche-touche pour clore la résidence à l’Ermitage au Cube 521, aux cou-
leurs claquantes et la bande-son des voix des habitants sur leur vie en guise de fond sonore. Ici, pas d’aboiements, mais à gauche de l’entrée de #BFF, une série de cinq petits tableaux (20 x 20 cm chacun) : Bleib, Schau, Sitz, Weiter, Hier. Les ordres de base du maître à son chien que Chantal Maquet a peint selon l’attitude correspondante. Le chien loup a le poil roux, le personnage est rose et le fond, herbe et lisière de jardin ou de forêt vert. On croirait presque entendre le ronronnement d’un projecteur, tant les séquences ressemblent à des séquences filmiques animées. Voilà pour l’introduction à l’exposition #BFF. Dans la première salle de la galerie, on voit des tableaux peints cette année, jouxtant des toiles plus anciennes de 2017 et 2018. Neuer bester Freund, de 2017, c’est le début d’une histoire : les présentations entre un enfant et un chien. Et on se souvient avoir vu, Zu Zweit mit Kessi dans un autre contexte en 2018, à Bourglinster. Chantal Maquet travaillait moins en aplats alors, plus proche à la fois de manière floue et réaliste des souvenirs d’albums photographiques. Souvent, Chantal Maquet travaille à partir de cartes postales anciennes trouvées au marché aux puces. Il y a chez elle quelque chose qui relève de l’étude sociologique. C’est ce qu’exprime d’entrée de jeu le tableau What you see
On traverse le temps et les catégories sociales. Les chiens sont bien les reflets de leur maître
is what you get, où un professeur et des élèves se penchent sur des petits personnages à forme humaine sur une table et les observent. En 2017, elle participa, avec cet esprit de dissection, au Prix Robert Schuman, mais ce n’est qu’en 2022 qu’elle reçoit le Prix Pierre Werner au Salon du CAL avec Tue dir Gutes und rede darüber #Païschtcroisière, observation des comportements humains, dans un événement populaire luxembourgeois très prisé. Dans le cas de l’exposition #BFF, le sujet est celui des familles où il y a des chiens, où de génération en génération, des enfants ont grandi avec des chiens. Ainsi traverse-t-on le temps et les catégories sociales : la famille aristocratique, la famille bourgeoise, la famille de la classe ouvrière. Certains portraits touchent plus que d’autres : la posture assise dans l’herbe de la dame au grand chapeau 1900 enlaçant
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E Lëtzebuerger Exkurs bei d’Fotografin Lee aNico Graf
MB
Un panorama fait de dizaines de portraits de chiens
son chien, Dame mit Hut und Hund, « le chien » trônant Auf goldenem Sessel. Bleu, rose, vert. Les couleurs claquent. On pense fluo plutôt qu’expressionniste. Mais voici une œuvre qui dit autre chose. C’est une scène de rue, où le personnage est vert et le chien noir, le fond marron. Elle est simplement intitulée Schwarzer Pudel. C’est sans doute le tableau le plus complexe de l’exposition. On imagine que le petit homme avec son costume à l’ancienne et sa canne, le caniche noir géant noir parfaitement apprêté, gagnaient leur vie en exhibant la petitesse de l’homme et la grandeur du chien…
Do sëtzt en, de klenge Bouf, dee vläit am éischte Schouljoer ass, a kuckt verschotert an de Fotoapparat vun der Lee Miller. E sëtzt op eppes dat ausgesäit wéi e volle Gromperesak, et kéinten awer och Kleeder dra sinn. De Bouf huet eng kuerz Box un, eng déck Jackett, e Schoulsak um Réck an eng Mutz um Kapp, déi mécht, datt hien eppes vun enger erféierter Fliedermaus huet. An nieft him steet eng Fra. Et muss een unhuelen seng Mamm, just datt déi ugedoen ass wéi eis Groussmammen nom Krich ugedoe waren, e schwaarzt Kleed an e Schiertech driwwer, schwaarz mat wäisse Punkten. D’Fra kuckt an d’Géigend, schéngt op eppes ze waarden oder ze hoffen, e Mantel an der lénkser Hand. An hannert dem Bouf gesäit een zwee Stroosseschëlter: riets geet et op Echternach an op Michelshof, lénks geet et op Luxemburg an op Konsdorf, 5 (KM). Dës Foto gëtt et nach eng Kéier, an engem anere Buch, de Wénkel vun der Kamera ass liicht anescht, de Bouf fänkt gläich u mat kräischen, d’Fra ass net op der Foto, et kann ee liesen, datt Echternach 9 KM ewech ass a Michelshof 3 KM. An et weess een ouni sous-titre, datt hei Leit op der Flucht sinn. An dësen, eisen Deeg, haut, mat esouvill Krich iwwerall erkennt een direkt, datt Mamm a Bouf hu misse fortlafe fir ze iwwerliewen. Am Zweete Krich, ewéi meng Bom en ëmmer genannt huet, de Nazi-Krich, deem seng Suiten haut nach iwwerall präsent sinn. D’Fotografin Lee Miller – d’Protagonistin vum aktuelle Film – war an deem Krich ënnerwee, mat den Alliéierten, vun der Normandie hier, duerch Paräis, iwwer d’Elsass a Lëtzebuerg eriwwer an d’Reich, do op Buchenwald, spéider op Dachau. Zu München sutz si am Hitler senger Buedbidden op enger total gestallter Foto, eng ikonesch Foto aus dem Krich, déi net jidderengem gefält, mä se ass famous. D’Fotoe vum Bouf huet si gemaach, 1944, an
der Iechternacher Géigend. Hieren Openthalt zu Lëtzebuerg spillt am Film iwwerhaapt keng Roll. Et gesäit ee just an enger Sequenz, wéi en Jeep an enger hiwweleger Landschaft, déi vaguement un d’Éislek erënnert, an Däitschland erafiert an duerno kënnt hiren Openthalt am KZ Buchenwald, wou si virun engem laangen Zuch steet, dee voll ass mat verhéngerte Mënschen. A wien eng vun de villen Ausstellunge gesinn huet, déi et an der Lescht, zum Beispill zu Hamburg, iwwer der Lee Miller hiert Wierk gouf, dee mierkt, wéi de Film eng Fotograféier-Situatioun no der anerer usteiert, eben bis dohinner, wou d’Fotografin mat hirer doppellënseger Rollei fotograféiert. D’Lee Miller huet deemools fir d’Moudzäitschrëft Vogue geschafft. Déi brittesch Editioun huet hier grujeleg Fotoen net publizéiert, déi amerikanesch awer schonns, wann och an engem klénge Format. D’Lee Miller, groussaarteg gespillt vum Kate Winslet, hat dowéinst décke Buttek mat der Cheffin vun der brittescher Vogue. An ass no deem wat se gesinn hat esou traumatiséiert gewiescht, datt hier Negativen nom Krich op engem Späicher verschwonne waren, wou hier Schnauer an hire Fils se spéider erëm fonnt hunn. De Film iwwert d’Lee Miller heescht international Lee, tout court, leeft an Däitschland awer als Die Fotografin. De Film konzentréiert sech an der Haaptsaach op d’Fotografin am Krich, weist awer net, wéi aus dem schéine Model Lee d’Fotoreporterin Miller ginn ass. E weist leider och net wéi si, déi virun der Lëns vum z.Bsp. Edward Steichen stung, hannert de Fotoapparat koum; weist net, wéi si mam Man Ray zu Paräis gelieft an an der chambre noire geschafft huet, wéi hier Relatiounen an hier Léierjore mat a bei de Surrealiste waren. An de Film suggeréiert och nëmmen, wéi et hir nom Krich gaang ass. Do sëtzt eng berühmten eeler Fotografin, déi
Nach esou eng Omissioun am Film: déi faméis Foto vum Ex-Model am Hitler senger Buedbidden war net déi eenzeg Foto, déi do gemaach ginn ass. Och hiere Frënd a Begleeder am Krich, den David Scherman, hat sech an déi Bidde gesat, an d’Lee Miller hat hien fotograféiert – Fotoen, déi ni berühmt gi sinn. An datt d’Lee Miller d’preisesch Nazi-Feinde carrément gehaasst an an hiren Artikelen attackéiert huet – interessant, mä och dovunner näischt am Film. Den duerchaus feministesche, staarke Film weist, wéi eng Fra deemools huet misse kämpfen, fir sech an der extrem machistescher Krichssituatioun duerchzesetzen. A Lëtzebuerg kënnt einfach net vir, schued. D’Becky E. Conekin schreift an hirem Buch Lee Miller Fotografin Muse Model, déi brittesch Vogue-Cheffin Whiters selwer hätt d’Lee Miller op Lëtzebuerg geschéckt: „Dort erfuhr Miller von den Gräueltaten, die sich während der Nazizeit in dem kleinen Land ohne eigene Streitmacht ereignet hatten: Intellektuelle, Lehrer und Rechtsanwälte waren als Verräter erschossen, alle Juden über Nacht deportiert worden.“ Vun deenen Deeg viru genee 80 Joer, vun der Fotografin hirem Openthalt am Land, géif ee gär nach méi Fotoe gesinn, vläicht gëtt et och déi anzwousch. p
D'GEDICHT VUN DER WOCH
Um Haff aJacques Drescher De Bouf gouf preparéiert – Krut d’Féiss gespléckt fir d’Weed. Vu senge Pottschambsdréier Gouf hie bis haut begleet.
Aujourd’hui, on est loin de cette exhibition triste. Sur deux-cent photographies recueillies lors de l’appel à projet de la galerie en juillet, Chantal Maquet a peint 67 portraits de chiens. On a particulièrement aimé Zwei mit Kölsch, une bière pour le maître, une bière pour le chien. Il y a des chiens câlins, des chiens copains, des chiens de réconfort et des chiens gâtés. Dans Mit Jasper unterwegs, on ne voit que les jambes du maître et les pattes du chien. Après s’être prise au jeu des histoires de chiens, un panorama d’aujourd’hui, Chantal Maquet revient à l’observation d’une situation. p
Um Mëschtekoup stolzéiert De Pohunn; d’mut eng Kou: „De Guillaume héritéiert Fir d’éischt emol de Plou.“ Well wann de Bauer midd ass, Da bréngt en näischt méi ronn. E seet sech: „Ech muss raschten; Lo schafft emol mäi Sonn!“ Olivier Halmes
#BFF est encore à voir jusqu’au 12 octobre prochain, Reuter Bausch Art Gallery
engem jonke Mann en Interview gëtt, an déi Fra sippt déi ganzen Zäit un engem – soe mer – Whiskey a fëmmt eng Zigarett no där anerer. Et ass bekannt, datt si stark traumatiséiert war duerch dat, wat si an de KZer gesinn hat. An England hat si trotzdeem e soziaalt Liewen, vill Inviteeën zum Beispill, déi si gebieden huet un der Preparatioun vum Iesse matzeschaffen. Kulinaresch war si do och éigestänneg aktiv an huet Rezepter erfonnt, eng Manéier kreativ ze bleiwen, ouni Glamour a Fotoapparat.
Zefridden ass dann d’Schnauer; Si séngt bei hirer Bitz: „Wou d’Uelzecht zéit duerch d’Wisen, An d’Tréis duerch Biarritz!“
AVIS
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Procédure : 01 ouverte Type de marché : Travaux Date limite de remise des plis :
22.11.2024 10.00 heures Etablissement public créé par la loi modifiée du 25 juillet 2002 pour la réalisation des équipements de l’Etat sur le site de Belval-Ouest
AVIS DE RECRUTEMENT En tant qu’établissement public chargé de la réalisation, de la gestion, de l’entretien, de la maintenance, de l’exploitation et de la transformation du patrimoine immobilier de l’Etat à Belval, Le Fonds Belval se propose d’engager avec effet immédiat pour son service informatique :
1 Ingénieur Système/Réseau (m/f) Le descriptif détaillé du poste et profil demandé est consultable sur le site internet du Fonds Belval : www.fonds-belval.lu (onglet offres d’emploi) L’engagement sera à durée indéterminée et à tâche complète. Les demandes de candidature comportant une lettre de motivation, le curriculum vitae avec photo récente, les diplômes certifiés conformes ainsi que les références, sont à adresser au Fonds Belval pour le 30 octobre 2024 au plus tard.
Le Fonds Belval Félicie Weycker Président du Conseil d’administration
1, avenue du Rock’n’Roll L-4361 Esch-sur-Alzette Tél.: 26 840-1 E-mail: secretariat@fonds-belval.lu www.fonds-belval.lu
Lieu :
L’ouverture de la soumission aura lieu dans la salle des soumissions affichée à la réception du bâtiment administratif du SIDEN, à Bleesbruck, L-9359 Bettendorf. Intitulé :
Assainissement de la commune de Clervaux.
Réception des plis :
Description :
Les offres sont à remettre à l’adresse et dans la salle prévue pour l’ouverture de la soumission ou à déposer sur le Portail des marchés publics (www.pmp.lu) conformément à la législation et à la réglementation sur les marchés publics avant les dates et heures fixées pour l’ouverture. Les offres sous forme papier doivent porter l’inscription « Soumission pour… ».
– Fourniture et pose de portes intérieures en bois et aluminium, coupe-feu et coupe fumée. La durée des travaux est de 65 jours ouvrables. Le début des travaux est prévu pour le début du 1er semestre 2025. Les travaux sont adjugés à prix unitaires.
Autres informations :
– U1246-09 Construction d’une station d’épuration biologique (300 EH) et d’un bassin d’orage (114 m3) à Drauffelt ; – Travaux de génie civil (lot 1) et d’équipements électromécaniques (lot 2).
Il s’agit d’une adjudication par lots séparés. Le début des travaux pour le lot 1 est prévu pour début avril 2025 et le délai d’exécution est de 410 jours ouvrables. Le début des travaux pour le lot 2 est prévu pour début avril 2025 et le délai d’exécution est de 440 jours ouvrables.
Lots 1: Intitulé : Génie civil
N°. avis complet sur pmp.lu :
– Description : Travaux – Informations complémentaires :
2402270
Description :
Le bureau du SIDEN : Fernand Mergen, président ; Romain Schroeder, 1er vice-président ; Georges Majerus, 2ième vice-président ; Marc Keilen, membre ; Annie Nickels-Theis, membre
Lots 2: Intitulé : Equipements électromécaniques
– Description : Travaux – Informations complémentaires : Critères de sélection :
Conditions d’obtention du dossier :
Société Nationale des Habitations à Bon Marché s.a.
Avis de marché
Le bordereau de soumission est téléchargeable sur le Portail des marchés publics. Réception des plis :
Le jour de l’ouverture avant 10.00 heures N°. avis complet sur pmp.lu :
Procédure : 01 ouverte Type de marché : Fournitures &
2402231
poses
Date limite de remise des plis :
08.11.2024 10.00 heures Lieu :
Modalités visite des lieux/réunion d’information :
SNHBM 2B, rue Kalchesbruck L-1852 Luxembourg
La visite des lieux est laissée à l’appréciation du soumissionnaire.
Intitulé :
Lot échafaudage, réf. B13-1. Description :
– L’exécution des travaux d’échafaudage de 23 maisons unifamiliales à Esch-sur-Alzette.
– Effectif minimum en personnel de l’opérateur économique occupé dans le métier concerné : 100 personnes (lot 1) ; – Nombre minimal des références pour des ouvrages analogues et de même nature : 3 références (lot 1 et lot 2) ; – Chiffre d’affaires annuel minimum dans le métier concerné : 1 000 000 euros (lot 2).
Syndicat Intercommunal de Dépollution des Eaux résiduaires du Nord (SIDEN)
Avis de marché
Conditions d’obtention du dossier :
Sous peine de nullité, les documents de soumission sont à télécharger sur le Portail des marchés publics (www.pmp.lu).
Ministère de la Mobilité et des Travaux publics Administration des bâtiments publics
Avis de marché
Critères de sélection :
Toutes les conditions de participation sont indiquées dans les documents de soumissions. Conditions d’obtention du dossier :
Les documents de soumission peuvent être retirés via le Portail des marchés publics (www.pmp.lu). Réception des plis :
Les offres sont obligatoirement et exclusivement à remettre via le portail des marchés publics avant la date et l’heure fixées pour l’ouverture. N°. avis complet sur pmp.lu :
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Société Nationale des Habitations à Bon Marché s.a.
Avis de marché Procédure : 01 ouverte Type de marché : Travaux Date limite de remise des plis :
Procédure : 10 européenne ouverte Type de marché : Travaux Date limite de remise des plis :
12.11.2024 10.00 heures
05.11.2024 10.00 heures Lieu :
SNHBM 2B, rue Kalchesbruck L-1852 Luxembourg Intitulé :
Lot revêtement de sol, réf. R7-1.
Intitulé :
Description :
Travaux de portes intérieures à exécuter dans l’intérêt des infrastructures d’accueil pour enfants et jeunes à Pétange, partie 1 – pouponnière et parties communes –, site Batty Weber.
– L’exécution des travaux de revêtement de sol de 24 maisons unifamiliales à Berg. Conditions d’obtention du dossier :
Le bordereau de soumission est téléchargeable sur le portail des marchés publics. Réception des plis :
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Le jour de l’ouverture avant 10.00 heures N°. avis complet sur pmp.lu :
2402214
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Fondé en 1954 par Carlo Hemmer, édité par Leo Kinsch de 1958 à 1983. Hebdomadaire politique, économique et culturel indépendant paraissant le vendredi. Publié par les Éditions d’Letzeburger Land s.à r.l., R.C. B 19029,N° TVA LU 12 12 40 22. La reproduction des articles et illustrations est interdite sans l’accord écrit de l’éditeur. Gérant Stephan Kinsch (48 57 57-1; land@land.lu), Rédacteur en chef Peter Feist (48 57 57-24; pfeist@land.lu), Rédaction France Clarinval (48 57 57-26; fclarinval@land.lu), Luc Laboulle (48 57 57-28; llaboulle@land.lu), Stéphanie Majerus (48 57 57 35; smajerus@land.lu), Sarah Pepin (48 57 57 36; spepin@ land.lu), Pierre Sorlut (48 57 57-20; psorlut@land.lu), Bernard Thomas (48 57 57-30; bthomas@land.lu), Mise-en-page Pierre Greiveldinger (48 57 57-34; pgreiveldinger@land.lu), Photos Sven Becker (48 57 57-36; sbecker@land.lu), Administration et publicité Zoubida Belgacem (48 57 57-32; zbelgacem@land.lu) Édition et rédaction 59, rue Glesener L-1631 Luxembourg Courrier Boîte postale 2083, L-1020 Luxembourg Téléphone 48 57 57-1 Fax 49 63 09 E-mail land@land.lu Internet www.land.lu Twitter @Letzland Facebook d’Lëtzebuerger Land Instagram letzebuerger_land Impression Editpress S.A. Prix par numéro 6,00 € Abonnement annuel 200,00 € Abonnement étudiant/e 95,00 € Compte en banque CCPLLULL : IBAN LU59 1111 0000 5656 0000
FR EU UB IRLILKE T O N 11.10.2024
Among the Brits aClaire Barthelmy
Die Luxembourg Friends in London bringen etwas „Heemechtsgefill“ unter die Ausgewanderten Auf einem Tisch im Liberty Bounds, einem Pub in der Nähe des Tower of London, steht eine kleine luxemburgische Tischfahne. Sie gilt als Wegweiser für die Luxembourg Friends in London, die sich an diesem Septemberabend hier verabredet haben. Genau wie sie das schon seit fast 20 Jahren monatlich machen. „Es geht darum, sich als Expats auszutauschen und wieder ein bisschen Luxemburgisch zu sprechen“, so Eddie Bohnert, ein Escher, der seit mehr als 50 Jahren im Vereinigten Königreich lebt. Ihm gehört die Tischflagge, denn er ist Mitgründer der Treffen, die er mit Freunden 2005 startete. Einladungen zu den Kneipenabenden werden über eine Mailingliste verschickt, auf die sich jeder, der sich mit dem Großherzogtum auf irgendeine Weise verbunden fühlt, einschreiben kann. Die Liste hat heute mehr als 200 Mitglieder. Es gibt kein luxemburgisches Café in London, und so musste man für den kontinentalen Charme auf Nachbarländer zurückgreifen: Man traf sich damals also im Lowlander Grand Café, einer belgischen Bar in Covent Garden. Die Stammpubs hat man über die Jahre gewechselt, und einige der Mitgründer sind weggezogen, doch Eddie organisierte die Treffen weiter. „I am left holding the baby“, sagt er. „Ich trage die Fahne“, fügt er auf Luxemburgisch hinzu.
erst vor kurzem entdeckt. Sie fand heraus, dass ihre Familie aus Wormeldange stammt. Ihre Vorfahren wanderten nach St. Donatus in Iowa aus, ein Township, das von Luxemburgern besiedelt wurde. Nach ihrer Recherche beantragte sie die Staatsbürgerschaft – sie ist nun seit einem Jahr offiziell eine Luxemburgerin. Als sie ihren Pass abholte, besuchte sie den Heimatort ihrer Vorfahren. Begeistert zeigt sie sonnige Fotos von sich und ihrem Partner auf der Koeppchen in Wormeldange. „Wir konnten einfach so über den Fluss nach Deutschland spazieren, das war sehr cool“, sagt Brayden. Auch sie ist hier, um Kontakte zu knüpfen. „Ich finde es wichtig, eine verantwortungsvolle Bürgerin zu sein. Ich kann eine verantwortungsvolle Amerikanerin sein, weil ich das Land sehr gut kenne. Doch Luxemburg kenne ich nicht so gut, und ich möchte Leute von dort kennenlernen und lernen, was es heißt, luxemburgisch zu sein.“
Viele der Anwesenden sind Expats oder Familienmitglieder von Ausgewanderten. Andere haben geplant, wieder nach Luxemburg zurückzukehren. Sabrina, eine Luxemburgerin, die in Paris lebt, ist gerade bei Paul, ihrem britischen Partner, zu Besuch. Die beiden haben sich entschieden, nach Luxemburg zu ziehen. „Seit Brexit muss Paul seine Aufenthaltstage immer zählen, und es ist einfacher für uns, in Luxemburg zu leben“, sagt Sabrina. Paul freut sich sehr auf den Umzug. „Ich mag es, wie sauber und effizient Luxemburg ist, und dass man sich darauf verlassen kann, dass alles funktioniert. Die Leute dort scheinen sich sehr um einander zu kümmern“, erzählt Paul, der von Großbritanniens EU-Austritt sehr enttäuscht ist. „Brexit hat meine Sicht auf mein eigenes Land sehr verändert,“ klagt er. „Ich bin sehr misstrauisch gegenüber dem, was hier passiert.“
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Gruppen wie die Luxemburg Friends spielen vor allem für Neuankömmlinge in Großstädten eine wichtige Rolle, denn das Stadtleben kann anfangs einsam sein. „Wir sind eine erweiterte Familie, die sich immer gegenseitig aushelfen,“ sagt Eddie. Die Gruppe hat zwar keine formellen Strukturen, doch das gelassene Networking kann wichtige Ressourcen bieten. Denn um die luxemburgische Tischfahne sammeln sich Leute mit unterschiedlichen Erfahrungen: Menschen jeden Alters, dabei sind Professoren, Rechtsanwälte, Musiker, Interpreten, Studenten und viele mehr. Auf die Vielfalt der Gruppe ist Eddie Bohnert sehr stolz. Über die Jahre hat sich ein diverses Netzwerk von Freunden erstellt, das nie wirklich stagnierte. Junge Menschen – oft Studierende – kommen stets hinzu. Viele ziehen zwar wieder weg, einige bleiben jedoch, wie Eddie und Lynn, für längere Zeit in Großbritannien. So findet man Freunde fürs Leben. „Normalerweise, wenn man älter wird, fallen Freunde weg,“ sagt Eddie. Aber mit den Luxembourg Friends „gewinnt man immer wieder neue hinzu“. p
Die Kneipenabende finden nun alle zwei Monate statt. Das nächste Treffen ist für den 12. November geplant. Mehr Infos und die Mailingliste findet man auf luxembourgclub.co.uk
Die Friends sind auch an diesem lauwarmen Septemberabend eine vielfältige Gruppe von Leuten. Es gibt warme Begrüßungen zwischen denen, die sich schon kennen, andere wirken ein wenig schüchterner. Doch die Atmosphäre ist locker und einladend, die erste Runde Bier wird bestellt. Leonard, ein junger DJ und Komponist, saß schon öfter am Tisch der Luxembourg Friends. Er lebt in London, hat aber immer noch Kontakt mit Familienmitgliedern in Luxemburg. Seine Mutter zog aus Vietnam ins Großherzogtum, als sie 20 Jahre alt war. „Als ich ein Kind war, verbrachten wir Weihnachten jedes Jahr dort“, sagte er. Leonard findet es gut, dass die Treffen inklusiv sind und man nicht unbedingt Luxemburger sein oder spezifische Sprachkenntnisse haben muss, um teilzunehmen. Zu den Abenden komme er normalerweise mit seinem Vater, und er sieht sie als Gelegenheit, Kontakte zu knüpfen. Lynn, eine Luxemburgerin aus Wiltz, die bereits seit 17 Jahren in London lebt, freut sich, neue Leute kennenzulernen. Dies war ihre zweite Pub Night. „Ich habe all die Jahre eigentlich nie andere Luxemburger in London kennengelernt“, so die Kommunikationsberaterin in einem schriftlichen Interview. „Wir hören immer nur ‘You’re the first person from Luxembourg I meet!,’“ Ihr gefällt es, dass sich hier Menschen mit unterschiedlichen Hintergründen treffen, auch sei es „cool, in London mit Leuten auf Luxemburgisch zu sprechen“. Die Meilensteine der Friends werden mit luxemburgischen Leckereien gefeiert: Zum zehnten Jahrestag gab es Bamkuch im Pub, und das 150. Treffen feierte man im Jahr 2018 auf Fuesdënschdeg mit hausgemachten Verwurrelter. Im Februar dieses Jahres gratulierte sogar Georges Friden, Luxemburgs Botschafter in London, der Gruppe zum 200. Treffen. Getrunken wurde allerdings kein Luxemburger Crémant, sondern Schaumwein aus Surrey, der von anonymen Stammgästen spendiert wurde. Im Liberty Bounds haben einige Abendessen bestellt, andere bleiben bei Bier und Snacks. Pizzen und Hähnchengerichte werden zum Tisch gebracht.
CB
Brayden, aus dem amerikanischen Bundesstaat Indiana, hat ihre Verbindung zum Großherzogtum
Ein Treffen der Luxembourg Friends in London im Liberty Bounds
Olivier Halmes
11.10. 2024
La chorale Melodic Vibrations en répétition
Chœur sensible aBenjamin Bottemer
Dans son livre Musicophilia (Éditions du Seuil, 2007), le neurologue Oliver Sacks évoque le « véritable feu d’artifice cérébral » que provoque le fait de chanter en groupe ; une activité qui sollicite toutes les aires du cerveau et favorise la sécrétion d’endorphines, l’hormone du bonheur. On n’en doute pas un seul instant lorsque l’on observe les chanteurs de la chorale Melodic Vibrations. Grands sourires sur le visage, ils se lancent une dizaine d’ardents « bonjour ! » à la suite... Il ne s’agit pas des symptômes d’une surdose d’endorphines, simplement du premier exercice d’assouplissement vocal qui ouvre leur répétition hebdomadaire. Parmi la quinzaine de choristes amateur réunis ce lundi au Sang a Klang, à Luxembourg, Giedrus est nouveau. Venu de Lituanie, il chantait à l’église et recherchait une chorale pas trop axée sur la technique, plutôt sur le plaisir. « Ce que j’aime, c’est me sentir porté par les voix du groupe », explique-t-il.
DA S
O B J E K T
Gerne grau
Luxemburger Autofahrer/ innen lieben Grau: In dieser diskreten Farbe wurden in den Jahren 2018 bis 2023 die mit
Abstand meisten Autos neu zugelassen. 2023 waren es 18 504 (von insgesamt 49 155 Autos). Es folgten Schwarz (11 534), Weiß (7 746) sowie 5 941 blaue Autos und 2 578 rote. Dass Grün (1 586) offenbar wenig beliebt ist, könnten zur Gehässigkeit neigende Mitmenschen darauf zurückführen wollen, dass nur eine Minderheit einen Wagen in der Farbe der Verbotspartei fahren möchte. Allerdings waren 2020 lediglich 628 grüne Autos neu auf die Straßen gekommen; der Zuspruch für Grün stieg
En prévision de leur concert au Marché de Noël, les membres de Melodic Vibrations travaillent sur Daddy Cool, le tube disco de Boney M. En cercle, ils se balancent de droite à gauche, comme s’ils s’apprêtaient à esquisser quelques pas de danse sur la piste. « Ça permet surtout de garder le rythme » précise Nelly Pereira, qui se décrit comme une « guide » plutôt qu’une « cheffe de chœur ». « Mon rôle est de les aider à atteindre ce moment où les voix se rassemblent, expliquet-elle. Je ne donne pas de cours de chant, à quinze c’est un peu compliqué, l’objectif c’est le fun avant tout... avec un minimum de challenge, mais ça fait partie du plaisir ». Pour les paroles des chansons comme pour échanger, ici c’est l’anglais qui domine : Italiens, Allemands, Luxembourgeois, Britanniques, Irlandais, Portugais et même Chinois se côtoient régulièrement au sein de Melodic Vibrations. « Un reflet du Luxembourg », commente Nelly. La moyenne d’âge se situe entre trente et soixante ans : institutrice de maternelle, architecte d’intérieur, retraitée de la logistique ou ex-chef d’entreprise... très majoritairement des femmes ; on ne compte que deux messieurs. Nelly ne se l’explique pas. Peut-être l’image du groupe de filles en « backing vocals » a-t-elle la vie dure. Le répertoire de Melodic Vibrations est éclectique mais se distingue par son côté plutôt « good vibes » : No Woman no cry de Bob Marley, Let it be des Beatles ou encore Hallelujah de Leonard Cohen. De quoi s’amuser, mais « il faut de la discipline », rappelle Julie, vocaliste expérimentée qui en est à sa quatrième saison au sein de la chorale. « Quand on chante Daddy Cool, ce n’est pas une reprise de Boney M, c’est nous ! Progressivement on voit la chanson prendre forme, c’est très exaltant ». Catherine confirme : « c’est vraiment de la créa-
demnach binnen vier Jahren um das Zweieinhalbfache. Was bei keiner anderen Farbe so war, aber selbst ohne langes Nachrechnen nicht mit dem Abschneiden der grünen Partei bei den letzten Wahlen korreliert ist. Auffällig rückläufig sind die Zulassungszahlen brauner Autos: von 887 Neuwagen 2018 auf 254 im Jahr 2023. Am seltensten in der vom Statec seit 2018 geführten FarbStatistik der Neuwagen sind die beigefarbenen: Nur elf wurden seit 2018 gezählt, 2023 waren es zwei. PF
L’ E N D R O I T
Junco
Faire du Kirchberg une destination culinaire et de loisirs. C’est l’ambition du groupe Anama propriétaire de six hôtels sous enseigne Accor à Luxembourg. Il table sur le succès du Mama Shelter pour poursuivre cette voie avec le restaurant Junco. Celui-ci vient d’ouvrir au rez-de-chaussée du Novotel (qui n’est jamais mentionné dans la communication) totalement
tion ! ». Melodic Vibrations s’adresse à « tous ceux qui aiment bien chanter, sans connaissances musicales particulières » comme précisé sur son profil Facebook. Plusieurs participantes avaient déjà chanté dans d’autres groupes un peu trop stricts à leur goût, et qui nécessitaient de savoir lire la musique. Ici, on fonctionne davantage au feeling. Une fois les voix bien échauffées, le chœur prend de l’ampleur, les paroles entêtantes de Boney M résonnent avec force et clarté dans la petite salle. « La chanson a une fréquence, on peut s’y fondre, remarque Renée. Je ressors d’ici plus décontractée ! ». Melodic Vibrations fait partie des quelque soixante chorales amateur recensées par l’Institut européen du chant choral au Luxembourg. Elle se produit lors de Jardins en musique, du Marché aux fleurs ou du marathon nocturne. Nelly, ellemême chanteuse soul-jazz, prépare un répertoire pour leur permettre de répondre à d’autres sollicitations. « Pendant nos concerts, il y a une vraie osmose avec le public, qui se met souvent à chanter avec nous, raconte-t-elle. La chorale est un instrument à part entière, populaire, qui a évolué en même temps que la musique, depuis les églises jusque chez Queen ou Led Zeppelin ». La répétition s’achève. On retrouve notre ami lituanien, qui semble effectivement plus détendu qu’à son arrivée. « C’est ça que je cherchais ! On s’amuse et ce n’est pas trop sérieux. Je vais revenir, pour chanter ; et aussi pour aller boire un verre après ». Les bienfaits du chant choral sont décidément multiples. p
réaménagé. Le nom portugais, qui veut dire jonc ou roseau « pour montrer sa souplesse », sent un peu la trouvaille marketing, mais le lieu est vaste – 135 couverts, le double avec la terrasse – et le décor chaleureux, original et dépaysant. La carte méditerranéenne du chef Alexis Julien (passé par le Cercle Munster ou chez Julien Cliquet) va dans le sens du concept : humus, carpaccio de betterave et labneh croquettes de bacalhau, poulpe grillé accompagné de haricots rouges façon feijoada, ceviche de
dorade, paleron de bœuf cuit en basse température, cabillaud en croute de maïs. On ajoute des desserts pas trop sucrés, des cocktails et des vins portugais… Ouvert 7 jours sur 7 en continu, l’endroit a de quoi séduire les gens qui bossent dans le coin et ceux qui s’y amusent. FC
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NUMÉRO 41
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11 OCTOBRE 2024
31 Mettre l’extérieur à l’intérieur
Rencontre avec Grégory Quenet, un des pionniers de l’histoire environnementale. Il vient de publier L’écologie au musée. Un après-midi au Louvre ÉDITO
ENTRETIEN : LOÏC MILLOT
Pour un musée décomplexé aFrance Clarinval
33 Curateurs : couteaux suisses de l’art contemporain KAROLINA MARKIEWICZ
34 S’affranchir
Dans How to Do Things with Art (2014), l’historienne de l’art Dorothea von Hantelmann se demandait déjà : « Si le théâtre était l’espace rituel de l’Antiquité grecque, l’église celui du Moyen Âge européen et le musée celui de la période moderne, quel est le nouvel espace rituel pour aujourd’hui et demain ? Est-ce toujours le musée, avec ses collections telles que nous les connaissons ? » On ne se pose pas souvent la question de savoir pourquoi on va au musée. Certains les fréquentent « naturellement », habitués depuis l’enfance à repérer les musées dans les villes qu’ils visitent voire à visiter une ville pour ses musées. Ils y confortent des acquis ou ébranlent des certitudes, découvrent de nouveaux horizons, de nouvelles ressources. Mais le musée ne va pas de soi pour beaucoup de monde. Leurs galeries intimident : murs blancs sans fenêtre, lumière zénithale (pour ne pas dire céleste), silence de cathédrale. Les œuvres ne livrent pas facilement leur mode d’emploi ou ne ressemblent pas à nos vies, à nos histoires. Réenchanter le musée, c’est peut-être d’abord permettre à tous d’y entrer sans attentes, sans cette peur de mal interpréter ou de ne pas être « à la hauteur ». C’est donc rendre le musée vivant, en créant des ponts avec la société, pour que tous et toutes y trouvent un écho personnel. Les œuvres doivent résonner avec différentes identités, cultures et sensibilités pour passer d’un musée encyclopédique à un musée décentralisé. Aux narrations uniques autour des œuvres, on préfèrera des récits pluriels, où se refléter ou se confronter. La collection n’est plus vue comme un canon, un modèle, mais comme une conversation, un dialogue possible, qui a besoin de plus d’ouvertures.
Plus qu’une exposition, Boogie, est une expérimentation curatoriale. Charles Rouleau et Stilbé Schroeder qui ont lancé le projet, expliquent FRANCE CLARINVAL
36 Repenser le musée FRANCE CLARINVAL
38 ABCs of War CLAIRE BARTHELEMY
39 « Contre l’oubli et pour la jeunesse » SÉBASTIEN MOREAU
40 Leichen im Keller
Das Museum der schönen Künste in Nancy enthüllt unschöne Seiten der Museumsgeschichte MARTIN EBNER
Les musées sont d’abord tenus de se réinventer en tant que lieux de vie et pas seulement comme des conservateurs de patrimoine. Ils doivent sortir de leurs murs et sortir de leur prétendue neutralité pour faire face aux inégalités, aux injustices et aux crises tant sociales qu’environnementales. En devenant des lieux d’activisme social, en partageant leurs savoirs, leurs outils, leurs collections avec les communautés qui les entourent, ils s’y ancreront et retrouveront ainsi leur pertinence. Les publics ne doivent plus être considérés comme des obstacle à gérer (trop ou pas assez de monde, enjeux de sécurité et de conservation), mais comme une solution pour interagir avec les propositions muséales. Lire, travailler, discuter, se reposer, sont des actes que les musées ont généralement supprimés. Ce sont ces actes-là qui doivent être privilégiés, en encourageant le public à prendre conscience qu’il n’est pas seulement dans un état de contemplation des œuvres, mais qu’il se trouve face à des arguments et des prises de position qu’il peut accepter, développer, modifier ou contester. Cette nuit du 12 octobre, les sept musées de la capitale joueront cette carte de l’ouverture décomplexée, de l’absence de carcan, du bouchon qui saute, de l’étincelle qui scintille. La 23e édition de la Nuit des musées n’est pas seulement le rendez-vous de ceux qui savent, c’est aussi un temps pour danser (avec DJ Headmasta et SpudBencer à la Villa Vauban ou Ultraschall Collective au Lëtzebuerg City Museum), chanter (un karaoké boogie au Casino Luxembourg), s’informer à travers des visites guidées, créer lors de différents ateliers, et découvrir (les coulisses de l’œuvre de Francis Bacon dans une performance der Kristof van Boven au MNAHA ou l’univers visuel rétro avec Mnemozine au Mudam). Une nuit qui dit ce que pourrait être la vie.
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41 Carré blanc sur fond de scène FRANCE CLARINVAL
42 Pas deux qui se ressemblent Des musées dans la littérature JEFF SCHINKER
44 Spotlight für Kulturerbe
Seitdem Eric Thill beide Ämter innehat, Kultur- und beigeordneter Tourismusminister, verschmelzen die Bereiche häufig. Ein Blick auf die Verflechtung zwischen Kultur und Tourismus FRANZISKA PESCHEL
Toutes les photos qui illustrent le supplément Musées sont issues de la série Screening the art par Hadrien Friob
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Mettre l’extérieur à l’intérieur aENTRETI EN : LOÏC MI LLOT
Rencontre avec Grégory Quenet, un des pionniers de l’histoire environnementale. Il vient de publier L’écologie au musée. Un après-midi au Louvre D’Land : Dans votre récent livre (éd. Macula, 2024), vous citez l’ouvrage de George Perkins Marsh, Man and Nature (1864), au terme d’une réflexion qui démarre sur un bas-relief de Khorsabad comprenant « la plus ancienne représentation figurée d’une action de l’homme sur l’environnement ». Pouvez-vous nous dire l’importance de cet ouvrage dans la prise de conscience d’un monde disparu ? Grégory Quenet : Cet ouvrage n’est pas le premier à décrire l’impact des sociétés humaines sur la nature mais il le fait en des termes nouveaux. Au lieu d’une sorte d’effet circonstanciel et local, il met en place un grand récit qui s’organise autour du risque d’extinction de certaines espèces. Ce récit, nous le connaissons bien car il nourrit toujours nos représentations en liant la mort des civilisations et la mort de la nature. Pourtant, si des civilisations peuvent s’éteindre, la nature, elle, ne meurt pas, mais se recompose, même lorsque des espèces disparaissent. Pourquoi ce récit, qui est la matrice de la pensée écologique, est-il né aux États-Unis ? Alors que l’Europe ne présente que des paysages anthropisés, même dans la très longue durée, le Nouveau Monde a été perçu par les colons européens comme une nature originelle et intacte, peuplée par des premiers habitants mais qui ne l’auraient pas modifiée. Ce qui est bien sûr faux, mais a été un instrument très efficace, et ambigu, pour penser la valeur de la nature sans êtres humains.
Aux origines de l’histoire environnementale, il y a l’enjeu de donner voix à ce qui fut réduit au silence, comme une « extension, aux non-humains de la lutte en faveur des dominés ». Ce que vous faites à travers l’exemple du cabiaï, cet animal esseulé au milieu d’un paysage brésilien de Frans Post, premier artiste à avoir produit des vues du Nouveau Monde... Dans le contexte de la mobilisation pour les droits civiques des Afro-américains aux ÉtatsUnis, l’histoire environnementale des années 1970 a eu comme ambition de parler pour tous les êtres qui ne parlent pas ou qui ont été réduits au silence. Ceci pose d’emblée un problème de méthode : quelle est la légitimité de celui qui parle pour et avec quels outils ? Le capibara de Frans Post est fascinant parce qu’il ne regarde pas le spectateur et semble impassible dans un paysage de 1639 profondément transformé par les Espagnols et les Hollandais. Son indifférence, qu’il faut conserver en tant que tel, dit un monde qui a été littéralement réduit au silence par l’irruption d’un autre monde, qui a décimé la population locale et pris possession de ses terres pour la monoculture du sucre. Dans votre ouvrage, dès le premier chapitre dédié aux Captifs, vous pointez un paradoxe entre le lieu de « désécologisation générale » qu’est le musée et le choix du conservateur de laisser apparente la patine qui s’est greffée avec le temps sur cet ensemble de sculptures du Louvre, autrefois installé en plein air. Comment a émergé cette volonté au sein des musées français d’« environnementaliser les œuvres d’art » ? Comme institution et comme bâtiment, le musée a été fondé à la fin du 18e siècle sur l’arrachement des œuvres d’art aux éléments environnants qui les abîmaient, et ce afin de les transmettre inaltérées aux générations suivantes. Dès 1794, Quatremère de Quincy
La conservation des œuvres d’art s’est opérée dans un environnement clos et autorégulé
proteste contre le geste d’arracher les statues antiques à la lumière d’Italie pour les mettre au Louvre, ce que l’on peut appeler, par un terme anachronique, « désécologiser ». Et, de fait, la conservation des œuvres d’art s’est opérée dans un environnement clos et entièrement autorégulé. Mais, dès que l’on fait des enquêtes dans les archives, on fait surgir un monde plus complexe, fait de processus que conservateurs et restaurateurs gèrent sans cesse. Les rendre visibles recèle un potentiel inexploité pour ré-environnementaliser les œuvres d’art. La restauration des Captifs est la première à laisser apparente les traces de la pluie, sans que cela relève à l’époque d’une politique systématique du Louvre. C’est le résultat de la coïncidence entre les travaux du Grand Louvre – l’architecte Pei voulait une
sculpture d’extérieure monumentale pour cette ancienne cour qu’il recouvrait d’une verrière – et les expérimentations d’un restaurateur, Antoine Amarger. Vous accordez une grande attention au contexte, au lieu, et nombreuses sont les œuvres que vous convoquez – des Captifs à La Vierge du Chancelier Rolin de Van Eyck – déplacées du lieu pour lequel elles avaient été initialement conçues. Quel regard portez-vous sur l’art contextuel, qui est en quelque sorte négation du musée, et sur les demandes de restitution de certaines pièces de la part de pays autrefois colonisés ? […]
LA NUIT DES MUSÉES
LUXEMBOURG-VILLE
12 OCTOBRE 2024
SAMEDI 17H – 01H s.lu -musee s e d t nui
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[Suite de la page 31] L’arrachement, qui est toujours critiquable, a fait naître une situation nouvelle qui, elle, l’est beaucoup moins, qui consiste à mettre en regard des œuvres qui n’ont jamais été réunies ensemble. C’est le principe du musée et la matrice de son potentiel heuristique et sensible qui décuple les possibilités d’une œuvre au-delà d’un contexte de départ qu’il ne faut pas enfermer dans les illusions de l’origine, comme si l’œuvre n’était pas substantiellement destinée à être arrachée à l’artiste ou l’artisan qui l’a produite, possédée et manipulée par des acteurs qui n’existent plus aujourd’hui. La question me semble être moins celle de la restitution que du partage de l’expérience de l’œuvre décuplée et enrichie par ses déplacements. C’est sur ce point qu’il faut être attentif, ce qui devrait conduire du reste à s’insurger contre l’appropriation financière des œuvres qui les enferme dans des coffres-forts et les soustrait au regard au nom de la spéculation. Votre ouvrage prend la forme d’une agréable déambulation au Louvre, parmi les siècles et au moyen d’objets hétérogènes, tableaux, sculptures, photos, timbres. Dans un lieu saturé par le tourisme culturel et les expo-
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sitions « événements », voire par le défaut d’éclairage, le public a-t-il encore les moyens de déambuler au Louvre, musée le plus fréquenté au monde ? La fréquentation des musées est une question qui doit être posée aujourd’hui, y compris en envisageant des jauges qui restent à définir. Non seulement, elle atteint une intensité insoutenable autour de certaines œuvres mais elle vide des salles et des musées entiers de leur public. Il est encore possible de déambuler au Louvre car le musée le plus grand du monde contient de nombreuses parties moins fréquentées et on ne cesse de le redécouvrir. Dans l’histoire environnementale, que représente l’avènement du naturalisme dans les arts ? L’avènement du naturalisme dans les arts est vu de manière classique comme la première étape d’une extériorisation de la nature qui coupe les sociétés de leurs environnements. L’invention de la peinture de paysage au 15e siècle aurait fourni les conditions de la possession et de la manipulation, redoublée ensuite par la mathématisation et la propriété privée. Ces dernières années, cette coupure a été ce-
pendant fortement relativisée au profit de ce que l’historien Stéphane Van Damme appelle des « multinaturalismes ». Rappelons que le philosophe Bruno Latour affirmait que nous n’avons jamais été modernes mais avons fait semblant de croire à la séparation entre nature et culture pour mieux masquer la prolifération des hybrides. Connaissez-vous le paysage muséographique luxembourgeois, et si oui de quelle façon ? J’ai eu l’occasion de le découvrir lors d’une invitation de la Luxembourg School of Religion and Society (LSRS) pour donner un séminaire sur les questions écologiques et réfléchir à un programme de doctorat recherche-création. J’ai donc arpenté longuement la ville à pied pour la sentir physiquement et visité tous les musées afin de saisir comment cette matérialité est comprise et représentée. Y a-t-il des œuvres ou des procédés d’exposition ou de conservation qui vous intéressent en particulier au Luxembourg ? Il me semble, mais c’est une hypothèse qu’il faudrait étayer par un travail d’enquête, que
On peut lire l’histoire envi ronnementale du Luxembourg à travers ses musées
l’on peut lire l’histoire environnementale du Luxembourg à travers ses musées. Le MUDAM, le MNAHA comme le City Museum ont dû composer entre le passé, le présent et le futur en associant des bâtiments nouveaux avec des constructions qui n’étaient pas prévues pour cela et qui avaient une écologie différente, celle d’une ville haute, d’un marché-aux-poissons, d’une citadelle. Ils s’inscrivent dans l’histoire des transformations d’une ville qui ne ressemble à aucune des métropoles globales de même rang, dans un Grand-Duché composé essentiellement de campagnes et de forêts. L’histoire de la constitution des collections permettrait, elle aussi, de suivre ces transformations, depuis une économie rurale pauvre et faite d’immigration puis une industrie lourde qui a apporté le développement et enfin une prospérité assise sur la finance et un rôle central dans la construction européenne. Comment qualifier ces types d’assemblages ? De quels conflits et régulations s’accompagnent-ils ? Comment les transformations en cours modifient-elles ces équilibres ? Existe-t-il un modèle luxembourgeois ? Toutes ces questions peuvent être posées à partir des musées. Vous commencez un nouveau chantier qui sera le deuxième volet de L’écologie au musée, consacré au Getty à Los Angeles. Le livre sur le Louvre se demandait comment un extérieur entre dans un intérieur. Pour le Getty, je souhaiterais déplacer la question : comment un intérieur est-il configuré par un extérieur qui reste à la porte ? L’histoire environnementale de Los Angeles est celle d’un territoire modelé par les catastrophes environnementales (incendies, glissements de terrain, séismes, inondations torrentielles) qui a pensé lui-même sa propre destruction, bousculant la vision paradisiaque que les colons européens avaient de la Californie. Comment la construction de la villa Getty et du Brentwood Getty Center ont-ils pris en compte ces dangers à travers une architecture intemporelle et classique, une villa romaine puis un « village romain dans les collines » (Richard Meier), ce qui en retour modèle l’intérieur et la perception des œuvres ? C’est l’inverse de la question habituelle, assez superficielle, du développement durable appliquée au musée : quel est l’impact matériel du musée sur son territoire ? À quoi ressemblera, selon vous, le musée du futur ? Le musée du futur sera plus sobre et plus intense car l’événementialisation du musée a atteint ses limites. Comment inventer des expositions plus petites et tout aussi marquantes ? Comment plus mobiliser les publics du territoire environnant ? Comment démultiplier l’expérience par une muséographie enrichie à de nouvelles thématiques comme l’écologie ? Ce sont ces éléments qui permettront de compenser le coût de l’espace-monde des musées auquel il ne faut pas renoncer, mais qu’il faut rééquilibrer par des attachements locaux. p
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Curateurs : couteaux suisses de l’art contemporain aKAROLINA MARKIEWICZ Imaginons, dans le cadre du cinéma, un métier qui serait à la fois réalisateur et producteur, mais aussi scripte, accessoiriste, voire acteur. Le curateur ou la curatrice est l’équivalent dans le champ des arts plastiques. C’est donc que curateur peut être un métier, une vocation même, ce qui signifie qu’on peut en vivre – souvent mal, mais souvent aussi dans les mondanités absurdes des vernissages. C’est probablement l’un des plus jeunes métiers du monde. Il y a une cinquantaine d’années, commissaire d’exposition ou curateur, cela n’existait pas. Rassembler des artistes autour d’un sujet ou de leur pratique, selon sa propre pensée, organiser des expositions comme des points de vue toujours différents sur le monde, personne n’en avait fait son métier. Le Suisse Harald Szeemann s’est donné lui-même ce rôle dans les années 1960. Szeemann étudie l’histoire de l’art et l’archéologie, fonde un Ein-Mann-Theater (théâtre à un seul homme) où il est à la fois acteur, auteur et décorateur. Il organise sa première exposition en 1957 en Suisse, intitulée Peintres Poètes / Poètes Peintres. Il devient directeur de la Kunsthalle de Berne et puis décide à la fin des années 60 de devenir curateur indépendant. Sa première exposition reste une référence implacable : When attitudes becomes form : live in your head, Berne, 1969. Cette exposition marque non seulement le début de la reconnaissance du processus de création comme partie intégrante de l’œuvre d’art mais aussi l’initiation du métier de curateur. Les Français donnent un nom à ce drôle de métier, un nom d’autorité policière, à savoir commissaire. Les Anglo-Saxons préfère le titre à peine plus aimable de curator. Le mot « curateur ou curatrice » provient de « curare » en latin, c’est-à-dire « prendre soin », mais il tire ses racines aussi de la notion de « curiosité ». Quelle est la réalité et l’acceptation économique d’un curateur ? Dans un pays comme le Luxembourg, par exemple, où il n’y a ni académie ni école d’art, ni d’ailleurs de longue tradition curatoriale, les curateurs ou les curatrices travaillent essentiellement dans les musées d’art ou dans les centres d’art. Certains sont rattachés aux institutions où ils sont salariés, mais il y a
également des curateurs indépendants ou freelance. Ces derniers sont un peu livrés au bon vouloir des projets à curater ou aux employeurs et à leur compréhension encore bien fragile de ce métier couteau-suisse, si toutefois on l’exécute avec sérieux. Au Luxembourg actuellement, il y a plus de femmes que d’hommes qui exercent ce métier. Malgré la brève histoire de cette fonction, il y a des références à retenir. Enrico Lunghi fut le premier curateur luxembourgeois avec la Biennale internationale Manifesta 2 en 1998, puis Clément Minighetti qui a créé l’histoire (curatoriale) du Mudam, sous les directions successives de Marie-Claude Beaud, Enrico Lunghi, Suzanne Cotter puis Bettina Steinbrügge. Aujourd’hui il a quitté le Mudam et devient curateur et consultant en art contemporain indépendant. Il y a également Kevin Muhlen du Casino Luxembourg - forum d’art
Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean
contemporain et Stilbé Schroeder, prochaine curatrice du pavillon luxembourgeois à la Biennale de Venise qui a choisi l’artiste Aline Bouvy. On peut encore citer Joel Valabrega, curatrice presque orchestratrice au Mudam, notamment du pavillon luxembourgeois de Venise avec Andrea Mancini et Every Island. Elle vient de devenir curatrice en cheffe (head of curators) de la Galeria Municipal do Porto et quitte donc le Mudam. Un métier nomade. Citons aussi Christian Mosar, curateur-directeur de la Konschthal, Charlotte Masse et Charles Wennig, curateurs dans le même lieu d’art et puis Danielle Igniti. Cette dernière a dirigé les galeries de la ville de Dudelange, en parallèle à sa fonction de directrice du centre culturel opderschmelz. Après son départ à la retraite, elle reste impliquée dans les défis de Lëtz’Arles, association qui promeut la photographie, mais aussi la présence du Luxembourg à Arles, lors des Rencontres photographiques.
Igniti en est très régulièrement curatrice attitrée. Souvent, elle chouchoute les artistes qu’elle choisit et les incite au meilleur de leur travail et puis les transmet à d’autres institutions, curateurs, critiques, galeristes ou collectionneurs. Une passeuse. Car il s’agit bien d’être passeur quand on veut bien faire ce métier. Il est en effet question d’inciter des talents. La passation dans le domaine de l’art est une dentelle délicate qu’il faut renouveler constamment et la tisser avec sérieux à l’instar d’un Hans Ulrich Obrist, le curateur suisse indépendant le plus articulé et le plus respecté de nos jours, qui d’ailleurs a collaboré avec Enrico Lunghi, notamment sur Manifesta 2, qu’on peut considérer comme l’évènement fondateur de la scène de l’art contemporain au Luxembourg. […]
mudam.com
Cosima von Bonin Songs for Gay Dogs 11.10.2024 – 02.03.2025 Cosima von Bonin Hetero, 2020 (détail) Courtesy de l’artiste et Petzel Gallery, New York
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[Suite de la page 33] Rien n’est acquis, encore moins dans un pays qui n’a pas souhaité établir de véritables études d’art ni de leurs métiers. J’insiste, je sais. Ce genre d’école offrirait un ancrage plus profond dans la société et la politique de ce qu’est l’art, la culture et ses métiers, peut-être même celui de la curation. Nous pourrions sans doute aussi davantage parler de contenus, d’esthétique. De profondeur. Pour être curateur, le mieux c’est d’avoir étudié l’art et son histoire, études académiques ou recherches nées d’un intérêt professionnel. Il est essentiel aussi de comprendre les aspects pratiques et techniques de la monstration. Il faut avoir une vue sur le monde, son fonctionnement. Avant tout, il est nécessaire de savoir composer avec les œuvres qui existent et envisager celles à venir. Klaus Biesenbach assisté de Lisa Botti, par exemple, a livré une sublimation insolite des œuvres d’Andy Warhol (aussi bien dessins, photographies que vidéos) dans son exposition Velvet Rage and Beauty récemment montrée à la Neue Nationalgalerie à Berlin. Un bon curateur sait répondre à la complexité du monde et de son histoire. Il s’agit de susciter la curiosité du public et puis de l’assouvir, de livrer toute la force que l’art détient pour que, par exemple, on se voit offrir une interprétation de la société et de son actualité, en écho profond. Il est souhaitable d’avoir l’aisance de l’expression orale mais aussi de l’expression écrite, pour proposer clairement ses choix ou même la dramaturgie réfléchie et choisie pour la constitution d’une exposition. Clarifier ou souligner l’exposition qu’on a créée par un texte, voire des textes,
compris aussi bien par le public à des niveaux différents que par les médias. Être curateur c’est au pire sautiller de vernissage en vernissage et boire des coupes de crémant et au mieux, c’est en effet d’être passeur et communiquant à la fois de ses concepts et ce, auprès de toute la communauté qui encadre une institution d’art : scénographes, techniciens, comptables, médiateurs et gardiens. Comprendre les réalités économiques, voire les définir est également nécessaire. Voilà en somme la job description d’un nouveau métier imbriqué dans les méandres du monde de l’art, privé et public qui malgré toute la volonté d’ouverture et d’inclusivité, continue à toucher davantage les élites et le pouvoir. C’est ainsi que les curateurs deviennent de nos jours, parfois, des bêtes de pouvoir. Ils ou elles donnent le ton, font ou défont des carrières d’artistes, mais aussi les carrières de centres d’art, de galeries ou de musées. La Biennale d’art de Venise est un haut lieu de l’art mais aussi de pouvoir, aucun curateur n’y est choisi par hasard, ce sont toujours des choix politiques mais aussi des choix économiques en fonction des vents géopolitiques. Andriano Pedrosa, curateur ou commissaire général de la Biennale de Venise cette année, est détenteur d’un doctorat en art. Depuis 2014, il occupe le poste de directeur artistique du Musée d’Art de São Paulo Assis Chateaubriand (le MASP). Il a présenté une large exposition sous le titre Stranieri Ovunque (Étrangers partout, Foreigners Everywhere), dans les Giardini et à l’Arsenale. Il s’agit d’une énorme exposition englobant 332 artistes. Pedrosa y présente le sud global, dans toutes
S’affranchir a F R A N C E C L A R I N VA L
Plus qu’une exposition, Boogie, est une expérimentation curatoriale. Charles Rouleau et Stilbé Schroeder qui ont lancé le projet, expliquent L’un est coordinateur de Casino Display, l’autre est commissaire et responsable des expositions au Casino Luxembourg-Forum d’art contemporain. Charles Rouleau et Stilbé Schroeder ont en commun une envie de réfléchir non seulement à l’art, aux artistes et à leur devenir, mais aussi à leurs pratiques d’encadrement et de création d’expositions, de catalogues et de discours sur l’art. Et pour cela, ils font bouger les lignes de ce que doit être une exposition et quel est le rôle du curateur. Ça s’appelle Boogie, (avec la virgule pour ouvrir vers une suite) et ça se passe au Casino Luxembourg pendant sept mois.
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L’évolution de l’art contemporain s’accompagne de l’évolution des formats et des pratiques de son exposition, de sa monstration, de sa diffusion. Les modalités de présentation de l’art sont devenues parties intégrantes des conditions de création, de réception et de jugement des œuvres des artistes. L’activité curatoriale évolue également passant de la sélection et l’accrochage d’œuvres à un ensemble étendus de moyens pour accompagner une réflexion artistique. On revient au sens étymologique du terme de « curateur » : celui ou celle qui prend soin. En l’occurrence, des acteurs, des temps et des espaces d’existence d’une intention artistique.
Kay – 24.11.24 Walkowiak Waassertuerm+ Pomhouse CNA Dudelange
velopper. Pedrosa, le curateur, a pris ici le pouvoir de la pensée, dans le cadre d’un certain groupe, voire d’une certaine élite, mais face aussi au grand public d’amateurs d’art et de simples touristes et cela dépasse clairement ses compétences dans son rôle de curateur. Qu’on me comprenne bien : ce n’est pas problématique de soutenir et de souligner les victimes Palestiniennes, ça l’est d’accentuer la confusion entre le ressenti face à l’Etat d’Israël, avec un gouvernement donné, et l’antisémitisme. Là aussi, on s’éloigne du sujet initial, mais pas de celui des pouvoirs ou des abus de pouvoirs que peuvent exercer certains curateurs.
Les curateurs sont parfois des bêtes de pouvoir qui font et défont des carrières
ses couleurs et tous ses mythes, quoi que cela veuille dire au juste. Une forêt vierge truffée de mythologies colorées, d’animalités et de sexualités diverses et variées en répétant en somme l’exercice bien mieux exécuté par sa prédécesseure, Cecilia Alemani en 2022. En faisant l’impasse sur une réelle réflexion, il se contente de réinventer un peu la roue. Quoi qu’il en soit, Pedrosa est un curateur avec une expérience certaine, il est donc à priori légitime. N’a-t-il cependant pas profité de son pouvoir pour nourrir un discours politique ? Il a donné ouvertement son opinion propalestinienne sur les réseaux sociaux, et a accepté des manifestations propalestiniennes à l’ouverture de la Biennale en avril dernier, laissant germer une ambiance tendue, surtout à l’égard des artistes qui ne souhaitaient pas s’exprimer dans ce contexte par pudeur ou par manque de compréhension d’un conflit complexe. Mais là encore, c’est un autre sujet, par ailleurs fascinant à dé-
L’expérimentation va de pair avec la pratique artistique contemporaine. Approches conceptuelles, participation du public, performances, implémentations hors des musées, travaux collectifs sans auteur désigné, ont obligé les curateurs à questionner leurs pratiques et leur légitimité. « Cela fait dix ans que j’ai la charge d’expositions au Casino Luxembourg, sans pour autant être formée à l’histoire de l’art ou au commissariat. Je m’interroge sur ma place, ma responsabilité », commence Stilbé Schroeder. Elle sait que présenter un artiste dans une exposition institutionnelle lui donne une certaine légitimité, voire fait augmenter sa valeur marchande. Sans le revendiquer, elle n’est pas dupe de ce pouvoir. La réflexion naît aussi d’une frustration, celle d’être producteurs d’expositions. La temporalité et le rythme des expositions obligent à passer de l’une à l’autre sans pouvoir faire le bilan ou l’analyse de ce qui a été réalisé. « Le jour du vernissage, c’est la fin de notre travail », regrette Stilbé. Charles Rouleau anime le Casino Display, un lieu par excellence de recherche et d’expérimentation. Les étudiants en art ceux qui viennent d’être diplômés qu’il accueille profitent de cet espace à travers des cycles de recherche pour « mettre à l’épreuve des idées inachevées, sonder des concepts fraîchement esquissés, ou renverser des ontologies solides en faveur d’ontologies plus souples. »
Il y a aussi des curateurs qui sont en même temps des artistes. Seulement, si cela est prédéfini de cette manière, c’est tout à fait possible et sans aucun doute bénéfique à la proposition d’expositions qui proposent des points de vue différents encore. Szeeman, évoqué plus haut, qui est donc l’inventeur du métier de la curation est apparu lui-même comme acteur. Autrement, lorsqu’un curateur se substitue à un artiste, il ou elle lui subtilise l’espace de la pleine monstration de son ou de ses œuvres, en somme d’effectuer son travail d’artiste à sa place. Pas cool pour ce dernier. Enfin, pour finir le tour de la question de ce que devraient être les curateurs ou ce qu’ils ou elles sont, un bref retour vers l’économie. Les curateurs sont confrontés aux contradictions de leur métier, ils sont souvent rémunérés au lance pierre, il faut le dire, sans bénéficier d’aucune protection sociale. Pourtant, ils peuvent aussi, à l’occasion, être grassement payés par de grandes marques cherchant à soigner leur image à travers l’art contemporain. Ce n’est pas vraiment le cas au Luxembourg ou du moins pas encore. p
Le but de l’expérience curatoriale que Stilbé Schroeder et Charles Rouleau mettent en place est de s’affranchir des contraintes classiques d’une exposition : sa temporalité, son concept, son titre, sa liste d’artistes définie et l’accrochage des œuvres immuable. « On veut pouvoir réagir aux rencontres, apporter plusieurs perspectives, tester des formats, réinterpréter les outils de communication », affirme Charles Rouleau. Et cette carte, ils la joue au sein-même de l’institution qu’est de la Casino Luxembourg : « Il n’y a pas vraiment de scène alternative au Luxembourg, ces questions naissent au sein des institutions », ajoute Stilbé. Le titre choisi est déjà un programme. « Boogie » revêt des significations multiples que les deux curateurs ont découvertes progressivement. On pense bien sûr à la danse « boogie-woogie », née dans les années 1920 pour accompagner le jazz. L’historique du mot rappelle l’idée de mouvement puisqu’il fait référence au bogie, l’élément roulant d’un train sur lequel sont fixés les deux essieux. Lorsque le train roule et qu’il rencontre l’espace vide au passage d’un nouveau rail, le bogie reçoit deux à-coups, un son qui rythme en staccato (« ta-da, ta-da ») le voyage en train. Broadway Boogie-Woogie est aussi le titre d’une des dernières œuvres de Mondrian, en 1943. Les lignes généralement noires chez l’artiste passent ici au jaune et sont entrecoupées de carrés colorés
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qui donnent « un rythme endiablé » à la toile, selon les mots du directeur du MoMA de l’époque, Alfred Barr. Booggie Back est un titre d’une chanson du dessin animé Dragon Ball Super. Plusieurs films portent le titre Boogie : celui Paul Thomas Anderson de 1997, Boogie night, autour d’une star du film porno des années 1970 ; le film d’animation de Gustavo Cova adapté de la bande dessinée de Roberto Fontanarrosa, qui met en scène un tueur à gage ; et en 2021, le film d’Eddie Huang sur un jeune sino-américain, prodige du basket-ball, qui tente de devenir joueur de la NBA sans décevoir sa famille plutôt traditionnaliste. Plus surprenant, ce serait aussi « une orthographe datant de la fin du 19e siècle pour signifier une boule de mucus dans le nez et un personnage de dessin animé argentin utilisé comme une parodie de l’extrême droite », nous apprennent les curateurs. L’exploration du mot, très clairement associé au mouvement, au rythme saccadé, à quelque chose d’instable, voire de dissonant, donne au curateur une méthode pour faire avancer leur projet « pour lequel il n’est pas possible de tout prévoir en amont et où la spontanéité a toute sa place. » Le rez-de-chaussée du Casino Luxembourg est transformé en laboratoire d’expérimentations curatoriales et artistiques avec des interventions qui évoluent au fil des mois, en fonction des conversations et rencontres, des réactions du public, des artistes invités et des autres membres de l’équipe du Casino. « Les collègues peuvent aussi intervenir, apporter leurs idées, avoir une participation active », concède Stilbé Schroeder. Elle espère créer des résonances au sein de l’équipe et faire évoluer les manières de travailler. Pour l’heure, trois propositions inaugurent Boogie,. Le réalisateur local Stephen Korytko a créé le teaser de l’exposition. Le film offre aux spectateurs un amuse-bouche sur ce qui va arriver. Il présente un flux de successions de bulles vidéo, chacune offrant un angle différent sur l’essence générale du projet. L’artiste américaine, basée à Berlin, Christine Sun Kim travaille autour du son, de ses dimensions politiques et sociales et de ses représentations corporelles, visuelles et plastiques. Sa fresque Ghosted in the Shell commandée spécialement pour l’exposition est une sorte de partition sans notes qui court sur les murs des deux salles d’expositions. Elle n’a tracé que quatre lignes au lieu des cinq de la portée habituelle pour refléter la façon dont elles seraient signées en langue des signes américaine (ASL). Ici, les lignes de portée représentent le signe ASL pour « mainstream », dans lequel les deux mains, paumes ouvertes et parallèles au sol, se rencontrent et se chevauchent tout en s’éloignant du corps. Plus largement, l’œuvre évoque les idées de culture pop versus culture underground et de majorité versus minorité, comme le reflètent les notes singulières exclues des structures de portée musicale qui entourent la galerie.
modules Even if it’s not true, it’s well found utilisés par le service de médiation. Cette fois, il réactive la sculpture Hammama’s Boy. Il s’inspire de la structure du Mikvah, un bain rituel juif et d’autres bains qui impliquent un nettoyage rituel. Ici, c’est une baignoire portative en bois gravée de poèmes écrits par la mère et la grand-mère de l’artiste. Elle est remplie de balles en plastique, comme dans les aires de jeux pour enfants. Les
visiteurs sont invités à entrer dans la piscine à balles et à revenir dans le monde avec un sentiment de renouveau. Boogie, durera sept mois. Les curateurs ont bien « une idée » de ce qui va suivre, ils ne donnent pas de noms, pas de directions, ça fait partie du jeu. « On teste, on essaye. Il y aura surement des ratés. Ça fait partie des limites du projet et c’est
avec ces ratés qu’on va apprendre », affirme Stilbé, réinterprétant le mantra de Samuel Beckett : « Try again. Fail again. Fail better ». L’année prochaine, les cinq ans du Casino Display pourraient être l’occasion de revenir sur le sujet. Charles Rouleau pense à l’avenir : « On espère tirer des conclusions de l’expérience. Utiliser ce qui a fonctionné comme des outils pour repenser la manière de programmer, de collaborer avec les artistes ». p
David Bernstein a déjà proposé ses sculptures interactives au Casino Luxembourg avec les
28.09.2024 - 19.01.2025 « Il y aura surement des ratés et c’est avec ces ratés qu’on va apprendre » Stilbé Schroeder
SENTIENT SOIL VERA KOX konschthal.lu Entrée libre Détails du programme-cadre sur konschthal.lu
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Repenser le musée a F R A N C E C L A R I N VA L
Les musées, comme d’autres institutions culturelles, sont confrontés à des défis qui interrogent leur raison d’être, leur modèle économique et leur rôle social. Les musées doivent composer avec plusieurs défis structurels, technologiques, sociaux et environnementaux. Ces pressions, loin d’être isolées, sont souvent interdépendantes et exigent des réponses innovantes et adaptatives. En juin dernier, le symposium Reimagining Museums organisé par le Mudam adressait ces enjeux à différents panels de directeurs de musées, curateurs et chercheurs. Dans son introduction, Bettina Steinbrügge, directrice du Mudam annonçait : « Les institutions culturelles risquent de perdre en pertinence et en influence si elles ne se focalisent pas sur leurs objectifs principaux et ne font pas évoluer leur structures organisationnelles ». Elle listait les différents niveaux où des transformations peuvent et doivent être faites : politique d’acquisition, culture de l’accueil, organisation des bâtiments, outils de communications et bien sûr, la place de l’artiste et celle du public.
Babel heureuse ?
12 oct. 2024 — 13 juil. 2025
Plus d’une langue
La question de la fréquentation est au centre des préoccupations d’à peu près tous les musées. Le tourisme évolue, la démographie change, les centres d’intérêt des jeunes se déplacent. Le public contemporain, souhaite des expériences plus immersives, participatives et personnalisées. Les attentes ne sont plus uniquement centrées sur l’accumulation de connaissances, mais sur l’interaction avec les œuvres et les objets. Aussi, les musées ont pris diverses mesures pour relever ces défis : ils présentent des artistes plus contemporains et parfois moins connus, ils s’adressent davantage au public local et apportent des améliorations technologiques pour attirer les visiteurs moins traditionnels. Un des axes de réflexion du symposium fut d’observer comment les musées peuvent faire écho aux changements qui sont en train de remodeler le monde : les nouvelles perspectives historiques et géographiques, les nouvelles dynamiques sociales, les nouveaux régimes climatiques. La curatrice Fatoş Üstek (The Art Institution of Tomorrow) utilise le terme de crise ontologique. « À quoi pensons-nous lorsque nous imaginons ce qu’est un musée ? Un lieu de retraite, une source d’inspiration, un lieu de rassemblement de personnes qui aiment les mêmes choses, un lieu qui offre un sentiment d’appartenance, un lieu de découverte, un lieu de loisirs et de divertissement », interroge-t-elle. Elle entend décentraliser les points de vue et développer de nouveaux narratifs pour laisser de côté les perspectives occidentales avec l’homme blanc au centre. Fatoş Üstek suggère que les institutions artistiques existantes ne sont pas équipées pour faire face aux changements sociaux, économiques et environnementaux que nous vivons. « L’énergie des équipes des musées est de plus en plus dépensée pour simplement faire en sorte que l’institution vive et est surtout investie pour que le musée reste ouvert », constate la curatrice. Elle cite la Grande-Bretagne où plus de la moitié des équipes des institutions artistiques (privées et publiques) sont dédiées à la recherche de fonds. Fatoş Üstek appelle à une transformation radicale des structures organisationnelles et des méthodes de fonctionnement des institutions artistiques. Elle propose notamment de placer les artistes au cœur de ces institutions, en soute-
Limiter le recours aux prêts internationaux permet de valoriser l’ancrage local et renforcer les liens avec les communautés En coopération avec
citymuseum.lu
MAR - DIM 10 - 18.00 JEU 10 - 20.00 LUN fermé
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nant mieux leur processus créatif et en élargissant la diversité des artistes représentés. « On ne peut plus voir l’artiste comme un type seul dans son atelier qui met en œuvre son génie. Produire des expos ‘blockbusters’ ou focalisées sur des artistes bankable, ne peut plus représenter la solution de facilité pour remplir la billetterie. À une société hétérogène correspondent des artistes hétérogènes qui font écho aux réalités sociales. » Elle prône également une décentralisation des tâches opérationnelles pour permettre une plus grande implication d’équip es transdisciplinaires. Selon la curatrice, cette approche contribuerait à créer des environnements de travail plus créatifs et plus inclusifs.
Les musées dans leur environnement Cela mène à une autre table-ronde du symposium qui s’intéressait aux musées en tant qu’écosystèmes. À l’instar des écosystèmes naturels qui prospèrent grâce à l’interdépendance et à la diversité des espèces, les musées sont eux aussi profondément liés aux communautés, aux territoires et aux contextes sociopolitiques qui les entourent. Responsable du programme Nature Research and Future Materials à la Jan van Eyck Academie, l’école d’art de Maastricht, Giulia Bellinetti, constate que les musées sont poussés « à trouver des modèles alternatifs pour répondre aux enjeux de durabilité, de diversité, de symbiose ». Elle explique que la plupart des musées actuels sont basés sur l’idée fausse de la séparation de l’homme et de la nature et de la supériorité supposée de l’humain. « Ces conceptions duales – esprit et corps, sujet et objet, pensée et matière – sont dépassées aujourd’hui. » Plus largement, l’impact environnemental de l’activité muséale – la conservation des collections, la gestion des expositions temporaires, les déplacements d’œuvres et d’artistes ou encore la climatisation et l’éclairage des bâtiments – nécessite des réponses à la fois techniques et éthiques.
Le paradis terrestre
Les expositions temporaires sont au cœur de l’attractivité des musées. Elles sont aussi une source importante de déchets et de gaspillage de ressources. La conception des expositions temporaires nécessite souvent la fabrication de supports spécifiques (scénographies, panneaux, vitrines, etc.), qui ne sont utilisés que pendant quelques mois avant d’être démantelés. De plus, le transport des œuvres pour des expositions internationales génère une empreinte carbone considérable. Les musées s’engagent fréquemment dans des tournées d’expositions, où des œuvres voyagent de ville en ville, nécessitant des emballages spéciaux, des transports aériens, ainsi que des systèmes de sécurité complexes. Certaines institutions explorent des options de transport moins polluantes, telles que le transport maritime, même si cela impose des délais plus longs. Les musées peuvent également mutualiser le transport d’œuvres lorsqu’ils organisent des expositions similaires avec d’autres institutions à proximité géographique. Une autre piste de réflexion consiste à limiter le recours aux prêts internationaux en valorisant davantage les collections permanentes et en mettant en lumière les patrimoines locaux ou régionaux. Cette stratégie permet de réduire la dépendance aux expositions internationales tout en renforçant les liens avec les communautés locales. Le recours à la dématérialisation de certaines œuvres ou la création d’expositions virtuelles ou hybrides est jusqu’ici rarement satisfaisant du point de vue de l’institution qui perd sa spécificité et son unicité, mais aussi de « l’expérience utilisateur » face à des écrans et des technologies pas toujours amicales. Les chartes et certifications écologiques sont aussi évoquées saluant les efforts des musées à intégrer la durabilité dans leur stratégie à long terme : politiques internes de recyclage, consommation énergétique, rénovation écologique des bâtiments. Ainsi, le Victoria and Albert Museum à Londres publie un rapport annuel sur son impact environnemental. Cela permet de se rendre compte de l’empreinte réelle, de mettre en avant les initiatives mises en place pour réduire l’impact. Pour un musée responsable qui améliore continuellement ses pratiques. p
05.07 > 27.10.2024 Accrochage temporaire
Johann I Sadeler (1550–1600), d’après Marten de Vos (1532–1603), Adam et Ève au Paradis (détail), feuille de la série Boni et mali scientia, 1583, gravure au burin, © Les 2 Musées de la Ville de Luxembourg
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ABCs of War aCLAIRE BARTHELEMY Wie bereitet man eine Bevölkerung auf Krieg vor? Mit Hass, Angst, Druck und öfters auch mit Lügen. Das zeigt die Ausstellung War and the Mind im Londoner Imperial War Museum, die die psychologischen Hintergründe von Kriegen erkundet. In Zeiten aufflammender Konflikte könnte die Ausstellung nicht relevanter sein. Wenn sich sogar der Autor der Winnie-the-Pooh Bücher für Krieg einsetzt, kann man annehmen, dass die Bevölkerung nachzieht. „Ich glaube, dass der Hitlerismus vernichtet werden muss, bevor Krieg abgeschafft wird. Ich bin ein praktischer Pazifist,“ so schrieb A. A. Milne kurz nach Beginn des zweiten Weltkrieges. Es ist ein aussagekräftiges Statement, die Ausstellung mit Kriegsgegnern zu eröffnen, die ihre Meinung so drastisch änderten. Auf europäischem Boden wird heute wieder gekämpft, und viele Pazifisten haben ihre Stellung in den letzten paar Jahren in Frage gestellt (vor Russlands Angriffskrieg hatte man es relativ einfach, als Europäischer Pazifist). Doch wenn Bomben fallen, herrscht auch bald Ausnahmezustand in den Köpfen: Kinder werden getötet, Nachbarn verraten, Frauen vergewaltigt, rasiert und bespuckt. Dieser höllische Absturz gesellschaftlicher Normen ist ohne Propaganda schwer denkbar.
Das Imperial War Museum zeigt mit mehr als 150 Ausstellungsstücken aus eigener Sammlung, wie Menschen zum Krieg mobilisiert wurden, wie Soldaten und Zivilbevölkerungen während der Konflikte nach Sinn suchen, und wie viele von ihnen schwere psychische Schäden davontragen. Es geht hier hauptsächlich um Kriege, in denen Großbritannien und die USA als Alliierte wichtige Rollen spielten. Ein „German Crimes Calendar“ erinnerte Briten im Jahr 1918 monatlich an die Brutalität der deutschen Truppen im Ersten Weltkrieg. Jedes Kalenderblatt illustrierte jeweils eine deutsche Aggression: Das Blatt vom Mai ist dem Untergang des Passagierschiffs Lusitania gewidmet, das ein deutsches U-Boot im Jahr 1915 torpedierte. Der Kalender beschreibt dies als „Meisterwerk des Grauens.“ Der Feind habe diesen Angriff sogar mit einem Orden gefeiert. „Es kann keinen Frieden geben, mit einer Rasse, die stolz auf ein solches Datum ist,“ liest man weiter. Eine der wichtigsten Propaganda-Bemühungen eines Staates, der zum Krieg aufruft, ist die Mobilisierung von Soldaten. Das Museum beschreibt hier verschiedene Ansätze. „Komm und schließ dich dieser fröhlichen Schar an,“ fordert ein Poster auf, das eine Gruppe von lächelnden Rekruten des Ersten Weltkrieges zeigt und gezielt junge Menschen anspricht, die nach Angehörigkeit suchen. Auch wurde von männlichen Stereotypen Gebrauch gemacht. „Tatkräftige wählen die Navy,“ beteuert ein Poster. Zuhause bereitete die Regierung britische Familien während des Kalten Krieges mit Broschüren und TV-Clips auf einen möglichen Nuklear-Angriff vor. Akribisch wird beschrieben, wie man Dosen-Nahrung vor Bestrahlung schützt. Wäre es wirklich zum russischen Atomangriff gekommen, wäre wohl ein großer Teil der britischen Bevölkerung ausgelöscht worden - mitsamt Broschüren und Konservendosen. Doch die Anleitungen gaben den Menschen ein wenig Kontrollgefühl. Panik kann sich eine Regierung im Krieg nicht leisten. Britischen Kindern gab man im ersten Weltkrieg ein Buch mit dem Titel The Child’s ABC of the War, das den Kleinen in Reimen und farbigen Illustrationen Konzepte wie Opfergabe, Loyalität und Tyrannei erklärte, und sie so für den Krieg begeisterte. Um die Stimmung auch auf der Front aufrechtzuerhalten, gab man Soldaten Amphetamin Pillen, die gegen Ermüdung helfen sollten. Auch hatten sie im Ersten Weltkrieg kleine Erste-Hilfe-Ausrüstungen dabei, die oft mit Chlorodyne ausgestattet waren, ein schlagkräftiges, britisches Schmerzmittel, das Kokain, Cannabis und Opium enthielt. Diese Ausrüstungen haben wohl kaum Leben gerettet in einem Krieg, in dem es Millionen Tote gab und Überlebende oft brutale Verstümmelungen erlitten. Doch sie gaben Rekruten das Gefühl, gegen die unvermeidlichen Schmerzen gewappnet zu sein. Soldaten, die lange Stunden in matschigen Graben verharren mussten, vertrieben ihre Zeit mit kleinen Kunstwerken, die sie aus Trümmerstücken schafften. Auch fertigten sie Ortsschilder an, die an den Graben an zuhause erinnerten. Ein Holzstück mit der Anschrift „Suicide Corner“ warnte Rekruten Kameraden vor einem Abschnitt eines Grabens, der oft angeschossen wurde. Schwarzer Humor war auch hier ein Bewältigungsmechanismus. Ein dicker schwarzer Schutzhandschuh gehört zu den modernen Objekten der Ausstellung. Dieser war Teil der Ausrüstung der Soldaten, die für die US-Invasion im Irak von 2003 mobilisiert wurden. Der Krieg basierte bekanntlich auf der Lüge der Massenvernichtungswaffen, und der Gummihandschuh ist in einer dünnen Plastikfolie ausgestellt. „Er kam nie zum Einsatz,“ steht auf dem Beschriftungsschild, genau wie die nicht vorhandenen chemischen Waffen. Natürlich gibt es auch Propaganda, die sich gegen Krieg richtet. Das Imperial War Museum zeigt Flugblätter, die Tony Blair verspotten - „Make Tea, not War!“ Sie stammen von der Stop The War Coalition, die auch heute noch aktiv ist. Anfang des Monats rief sie zum Beispiel in London zum Protest gegen Israel’s Krieg im Gazastreifen und im Libanon auf. Und so findet sich in der Ausstellung schnell eine Verknüpfung zu aktuellen Konflikten. Interessant wird es werden, wenn Museen digitale Informationskriege thematisieren, die gerade in sozialen Medien geführt werden. Es gibt wohl noch nicht genug zeitliche Distanz für solch eine Ausstellung - War and the Mind bietet jedenfalls einen hilfreichen historischen Kontext. p
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« Contre l’oubli et pour la jeunesse » aSÉBAST I EN MOREAU
Il a sans doute une anecdote à raconter sur chacun des équipements, véhicules et uniformes exposés et conservés au Musée national d’histoire militaire (MNHM), à Diekirch. Frank Rockenbrod, président et cofondateur du musée il y a quarante ans, est intarissable lorsqu’il fait visiter, diorama après diorama présentant des scènes de combat ou de la vie quotidienne des soldats et civils, cette institution consacrée à la Bataille des Ardennes. Collectionneur et passionné d’histoire, il a mené plus de 500 interviews de vétérans et civils, alliés, allemands et luxembourgeois. « Le musée a été fait pour et avec les générations qui ont subi tout cela », à partir des efforts collectifs et collections personnelles des membres de l’Association des Amis de l’histoire de Diekirch. Installé dans une ancienne brasserie, le MNHM* est l’œuvre de ces hommes nés dans l’après-guerre qui ont voulu préserver de l’oubli cette page de l’histoire de leurs parents et grands-parents. Frank Rockenbrod est d’ailleurs lui-même fils d’un enrôlé de force. L’Oesling et ses habitants ont été durablement marqués par de la Bataille des Ardennes, qui a duré six semaines pendant l’âpre hiver 1944-45. Les combats et bombardements ont laissé les villes du nord en ruines, causé des destructions matérielles considérables, de vastes déplacements de réfugiés vers le sud et des dizaines de milliers de morts, blessés et disparus parmi les troupes et la population.
© Studio Polenta
Jos Tholl préside le Grec (Groupe de recherches et d’études sur la guerre) et est gestionnaire du Mémorial Patton. Le petit musée présente une documentation autour des événements qui ont eu lieu à Ettelbruck ainsi que la figure du général Patton. Il a reçu 5 400 visiteurs en 2023, sans compter les groupes scolaires. La douzaine de membres du Greg fait également des recherches sur les enrôlés de force luxembourgeois, souvent à la demande de leurs descendants. Comme Frank Rockenbrod, Jos Tholl se voit comme un passeur entre hier et demain, un intermédiaire entre les générations nées au début du vingtième siècle et celles nées à sa fin. « Je suis né directement après la guerre et je sais ce que mes grands-parents, qui n’étaient pas luxembourgeois, mais aussi ma mère et mon père, ont subi pendant l’Occupation. C’est cela qui m’a motivé à travailler dans ce genre de musées. » Anciennement pompier de profession, il a cofondé et dirigé l’association des Lëtzebuerger Jugendpompjeeën. Il y voit un lien direct avec son implication au Mémorial Patton : « J’ai travaillé avec des jeunes pendant quarante ans ». Tournés vers la transmission du « bagage historique et émotionnel qui nous a été transmis » (F. Rockenbrod), ces « témoins de la deuxième génération » veulent sauver de l’oubli ce qu’il est advenu à la génération de leurs parents. D’autant que, selon Jos Tholl, « nos grands-parents et parents n’en parlaient jamais à la maison et maintenant c’est trop tard. » Le tabou tenace de la guerre dans les décennies d’après-guerre a compliqué la communication de cette mémoire aux enfants, qui, devenus adultes et aujourd’hui grands-parents, l’estiment urgente et indispen-
Nationalmusée um Fëschmaart Luxembourg
La question de la survie des petites structures muséales lors de la retraite de leurs fondateurs se pose avec urgence
qui les dirigent, les musées font donc peau neuve. Le Mémorial Patton a, depuis 2014, connu de nombreux réaménagements, du parking à la façade en passant par une accessibilité améliorée et des travaux d’infrastructures seront menés dans les trois années à venir. Outre les efforts sur les contenus digitaux, la direction du MNHM repense et modernise sa muséographie afin de la rendre plus interactive. « Le musée vit à travers un storytelling, ainsi que des centaines de témoignages de vétérans et de civils, qui permettent une mise en contexte et, suivant le profil des visiteurs, la création d’un lien émotionnel. »
Un risque d’essoufflement
sable. Jos Tholl résume l’objectif de son engagement « en une devise qui pourrait être celle du musée : contre l’oubli et pour la jeunesse. » Le défi et l’enjeu sont de taille et les deux hommes reconnaissent qu’il faut susciter l’intérêt des jeunes pour une histoire éloignée de leur univers et dont l’enseignement prend peu en compte leurs pratiques culturelles, notamment digitales. Les visites combinées du MNHM et du sentier pédagogique du Schumann’s Eck, la centaine de visites guidées d’écoliers par an et les contenus digitaux accessibles par QR code au sein du MNHM s’adressent à ce public. « Il faut demander aux jeunes ce qui les intéresse dans cette mémoire », dit Frank Rockenbrod, « Ils disent trois choses : nous voulons que ce soit authentique, pouvoir utiliser nos périphériques numériques et que l’histoire racontée fasse écho à nos références, à nos situations personnelles. » Pour s’adapter à ce public difficile à satisfaire et parfois à comprendre pour ceux
Centres d’art Nei Liicht et Dominique Lang Dudelange
Subventionné par la direction de la Défense, le ministère de la Culture et par la commune de Diekirch, le MNHM se transforme mais les moyens restent limités. La direction œuvre pour une mise sous tutelle ministérielle afin d’être davantage accompagnée. L’époque où les fondateurs passionnés ne comptaient ni leur temps ni leur argent personnel est en train de passer et une clarification est attendue. Au plus modeste Mémorial Patton, le subside de la commune ne suffit pas non plus au fonctionnement de la structure, qui se maintient grâce à la générosité des membres et bénévoles. Jos Tholl ressent une forme de désintérêt de la puissance publique pour son établissement : « J’aimerais bien que nous soyons reconnus comme un vrai musée et soutenus comme tel par l’État, comme d’autres petits musées. » Le danger le plus important qui plane et menace l’existence même des petits musées, c’est la difficulté à recruter des bénévoles et de nouveaux membres des associations sur lesquels ils reposent. La réussite de la transmission de la mémoire à un public jeune sera conditionnée par celle du
passage de flambeau entre la génération des fondateurs et celles qui suivent. Frank Rockenbrod : « Nous nous posons la question de la succession et nous nous félicitons d’avoir une équipe de jeunes historiens qui assument la relève. La difficulté est de transmettre l’émotion personnellement ressentie face au récit d’un vétéran... » La question de la survie des petites structures muséales lors de la retraite ou de la disparition de leurs fondateurs se pose donc avec urgence, d’autant que des centaines de musées à travers le Luxembourg et l’Europe ont déjà disparu. En cette année du 80e anniversaire de la Libération et de la Bataille des Ardennes, d’importantes cérémonies auront lieu, suscitant un regain d’intérêt et de fréquentation des musées militaires. À Ettelbruck, une journée des enrôlés de force, une reconstitution de scènes de libération, une grande cérémonie interreligieuse et l’inauguration de trois silhouettes dans l’espace urbain se sont tenus fin septembre. Le 16 décembre, au Schumann’s Eck, des centaines d’invités seront présents lors d’une grande cérémonie œcuménique. Reste à savoir si ces commémorations participeront à pérenniser l’existence des musées militaires ou s’ils finiront par disparaître avec ceux qui les ont inventés et fait exister. p
* Le MNHM partie d’un écosystème avec le Mémorial Patton à Ettelbruck et les Musées de la Bataille des Ardennes à Wiltz et à Clervaux, subventionnés par leurs communes respectives. Ces institutions échangent de la documentation entre elles et, au-delà de nos frontières, avec le Bastogne War Museum, le Musée royal de l’armée et d’histoire militaire de Bruxelles ou encore, pour le Mémorial Patton d’Ettelbruck, avec son équivalent à Pilsen, en République tchèque
11.10.2024 - 16.03.2025
Marc Henri Reckinger Lëtzebuerger Konschtpräis 2024
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dient in Nancy gerade als roter Faden für eine kleine Ausstellung mit dem provokanten Titel Müssen die Museen abgefackelt werden?. Während unser Alltag zunehmend mit Bildern aller Art überflutet wird, gibt es in den Kunstmuseen immer mehr Texte zu lesen: Erläuterungen und ganze Studien zur Provenienzforschung, Archivalien zur Sammlungsgeschichte und Dokumentationen zum Hintergrund der Exponate. In Nancy zeigt das Musée des Beaux-Arts in Zusammenarbeit mit dem Musée Lorrain seit zwei Jahren in einem eigenen Raum so genannte Dossier-Ausstellungen, die jeweils der „kritischen und kontextuellen Neubetrachtung der Sammlungen“ gewidmet sind und eine „Reflexion über die Geschichtsschreibung und ihre politische Inanspruchnahme“ eröffnen sollen. Die aktuelle Schau soll die Funktion von Museen als „Herrschaftsinstrument“ offenlegen: Verschiedene „Formen von Gewalt und Macht-Asymmetrie“ werden am Beispiel der Französischen Revolution, des Kolonialismus im 19. Jahrhundert und der deutschen Besatzung Frankreichs im Zweiten Weltkrieg behandelt.
Leichen im Keller aMARTI N EBNER
Das Museum der schönen Künste in Nancy enthüllt unschöne Seiten der Museumsgeschichte „Die jeweils Herrschenden sind die Erben aller, die je gesiegt haben“, fand Walter Benjamin. „Die Beute wird, wie das immer so üblich war, im Triumphzug mitgeführt. Man bezeichnet sie als die Kulturgüter“, notierte der Philosoph im Jahr 1940, als er auf der Flucht vor den
Nazis war: „Es ist niemals ein Dokument der Kultur, ohne zugleich ein solches der Barbarei zu sein.“ Die Herkunft und Überlieferung von Kunstwerken und Museumsstücken könne man „nicht ohne Grauen bedenken.“ Benjamins Abhandlung „Über den Begriff der Geschichte“
C’est la reprise ! theatre.esch.lu
Das Kunstmuseum Nancy profitiert durchaus von Barbarei und Vandalismus im Gefolge der Revolution von 1789. Zunächst waren damals in Frankreich kirchliche Einrichtungen, der Königshof und viele Adlige enteignet worden, dann zogen französische Truppen plündernd durch Europa. Mit der Beute wurde in Paris das „Musée central des arts“ gegründet. Als die Räume im Louvre-Palast nicht mehr ausreichten, wurde Raubgut über das ganze Land verteilt: Im Jahr 1801 wurden 15 große Museen mit „enzyklopädischem und universellem Anspruch“ eröffnet - darunter auch das Musée des Beaux-Arts in Nancy. Aus gestohlenem Klosterbesitz kam die lothringische Hauptstadt zum Beispiel zu einem wertvollen Globuspokal des Züricher Goldschmieds Abraham Gessner. Der Archäologe und Gelehrte Quatremère de Quincy protestierte schon anno 1796 gegen die Raubzüge: Wenn man ein Kunstwerk aus seinem Entstehungskontext herausreiße, verliere es sein Leben, seine Seele, seinen Sinn. Keine Nation, nicht einmal Frankreich, dürfe das Kulturerbe der Menschheit einfach einsacken und allein für sich beanspruchen. Diese Vorhaltungen hinderten seine Landsleute allerdings nicht daran, in Belgien und Italien mehrere Gemälde von Rubens und Barocci mitgehen zu lassen, die bis heute zu den Hauptwerken der Sammlung in Nancy zählen. Rückgabeforderungen aus Mechelen und Pesaro wurden bisher schlicht überhört. Die Restitution afrikanischer Kulturgüter ist dagegen in letzter Zeit etwas in Schwung gekommen. In der Ausstellung werden Ausschnitte aus „Les statues meurent aussi“ gezeigt, einem Dokumentarfilm von Alain Resnais und Chris Marker aus dem Jahr 1953: Dass afrikanische Skulpturen in Paris nicht im Louvre, sondern im Anthropologischen Museum ausgestellt werden, sei ein Skandal; überhaupt seien westliche Museen für traditionelle afrikanische Kunst nur Friedhöfe. Wegen seiner antikolonialistischen Haltung war dieser Film in Frankreich bis 1964 von der Zensur verboten. Am 7. November soll er im Kunstmuseum in ganzer Länge gezeigt werden.
CHANGEONS DE DÉCOR
© Patrick Galbats
Im Kino Caméo in Nancy werden bis Februar 2025 parallel zu der Ausstellung noch drei Film- und Diskussionsabende zu Nazi-Raubkunst veranstaltet. In Frankreich hatte sich während des Zweiten Weltkriegs besonders Reichsmarschall Hermann Göring für seine private Sammlung in großem Stil am Besitz von Juden, Freimaurern und Oppositionellen bedient, mit Unterstützung des Vichy-Regimes. Vor dem Abtransport nach Deutschland wurde Görings Beute in Paris im Jeu de Paume zwischengelagert. Das Georges de La Tour zugeschriebene Gemälde Le Souffleur à la pipe konnte nach dem Krieg nach Nancy zurückgeholt werden. Bis heute warten aber in den französischen Nationalmuseen noch über 2.000 Kunstwerke auf eine Rückgabe an rechtmäßige Besitzer oder Erben. Auf die Rolle von Museen in aktuellen Kulturkämpfen und -krämpfen geht die Ausstellung nicht ein. Welche Herrschaften entscheiden heutzutage über die Verbannung missliebiger Kunstwerke ins Depot, über den Umgang mit Relikten indigener Völker oder Gender-Sternchen in den Begleittexten? Neutrale Orte, fern von Kriegen und Ideologien, waren Museen jedenfalls noch nie. p
Die Ausstellung Récits décoloniaux. Faut-il brûler les musées? ist noch bis zum 1. Juni 2025 im Kunstmuseum Nancy zu sehen: musee-des-beaux-arts.nancy.fr
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Carré blanc sur fond de scène a F R A N C E C L A R I N VA L
Serge a acheté un tableau. Son ami Marc le décrit : « C’est une toile d’environ un mètre soixante sur un mètre vingt, peinte en blanc. Le fond est blanc et si on cligne des yeux, on peut apercevoir de fins liserés blancs transversaux. » Le début de la pièce Art de Yasmina Reza pose d’emblée les enjeux. C’est un questionnement sur l’art contemporain, sa valeur et sa place dans la société. C’est aussi une radiographie drôle et féroce des rapports amicaux et d’une certaine bourgeoisie. Créée en 1994 par Pierre Vaneck, Fabrice Luchini et Pierre Arditi, la pièce Art de Yasmina Reza a été traduite dans plus de trente langues et est sans doute la pièce française la plus jouée dans le monde. C’est un classique contemporain, qui a obtenu d’innombrables prix prestigieux (« Molières », « Tony Award »), une pièce qui semble un must dans la carrière d’un comédien. Rien qu’en France, on a vu des pointures comme Jean-Louis Trintignant, Jean Rochefort, Charles Berling ou Jean-Pierre Darroussin dans les rôles de Marc, Serge ou Yvan. Au Luxembourg, Frank Hoffman a monté la version allemande, Kunst, dans le hall du Mudam en 2022. Art sera à l’affiche du Théâtre du Centaure, dans une mise en scène de Myriam Muller avec Olivier Foubert, Valéry Plancke et Jules Werner à partir du 17 octobre. Hasard des calendriers et des programmations, la pièce sera aussi jouée en février 2025 au Escher Theater par Olivier Broche, François Morel et Olivier Saladin, les anciens de la troupe des Deschiens. C’est dire que, trente ans après sa création, le propos est toujours valable. « En la relisant, ça a été un choc ! Le choc de découvrir combien cette pièce m’était incontournable. Combien elle n’avait pas perdu de son actualité et combien elle ne voulait pas passer de mode », explique Myriam Muller. La pièce commence donc lorsque Serge, un dermatologue, achète un tableau entièrement blanc pour une somme considérable. Il estime que la réputation de l’artiste – « un Antrios, des années soixante-dix » – justifie largement ce prix. Ses amis Marc et Yvan ont des réactions très différentes face à cet achat. Marc méprise l’œuvre, ne voyant en elle aucune valeur artistique : « Tu as acheté cette merde deux cent mille francs ? ». Yvan est plus conciliant. Il ne pense pas grand-chose du tableau : « Si ça lui fait plaisir… Il gagne bien sa vie ». Ce tableau blanc devient alors le catalyseur d’un débat acharné entre les trois amis. Ils se déchirent à propos de ce tableau blanc en débattant de la valeur de l’art contemporain, du bon goût, de ce que signifie « être de son temps ». Myriam Muller ajoute : « S’il était question du prix d’une voiture ou d’une villa, ce serait beaucoup moins fort » Les didascalies précisent que l’action se déroule dans trois espaces identiques, les appartements des trois personnages. Le mobilier est le même, la différenciation se fait par les peintures accrochées aux murs : le fameux Antrios, chez Serge, « un tableau figuratif représentant un paysage de Carcassonne vu d’une fenêtre » chez Marc, et une « croûte » chez Yvan. L’art sert donc à qualifier les personnages. Comme dans bien des comédies, de Molière à Labiche, le « goût des autres » reste un ressort dramatique des plus efficace. L’affrontement entre Marc et Serge, avec Yvan comme arbitre, dépasse la seule question de l’art et ne laisse personne indemne. Les quatre vé-
rités leur explosent à la gueule, menaçant le mariage d’Yvan et leur amitié pourtant ancienne. Parallèlement à celle de l’art, la pièce pose donc la question de la valeur de l’amitié, en particulier celle des mecs qui jouent du paraître, quand l’argent a perverti leurs relations. « C’est une autopsie cruelle de la bourgeoisie et de la masculinité », pointe la metteuse en scène. Elle dit aussi reconnaître parfois « mon frère, mon cousin ou mon voisin » dans les personnages. En trente ans, le marché de l’art a évolué pour valoriser toujours plus certains artistes « bankable », il a connu de nouveaux modèles de financement avec les cryptomonnaies. Des structures de diffusion inédites sont apparues avec les réseaux sociaux. Les artistes ont développé de nouvelles pratiques à travers liées au
numérique, ou retrouvé d’autres comme les collectifs ou les performances. Les questions d’écologie, d’inclusion, de décolonisation ont bouleversé la conception des musées et de leurs collections. Et pourtant, la manière dont l’art est interrogé dans la pièce reste tout à fait actuel. Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Est-ce que l’art a une valeur et comment la quantifier ? Qui décide qu’un monochrome blanc est plus « moderne »
Musée National d’Histoire Militaire
qu’un paysage flamand ? Et finalement : Qu’y a-t-il de tellement sacré dans l’œuvre d’art qu’on ne puisse supporter que « l’autre » ne partage pas le même goût ? p
Art de Yasmina Reza, mise en scène par Myriam Muller au Théâtre du Centaure du 17 au 25 octobre. Theatrecentaure.lu
Musée National d’Histoire Militaire (MNHM)
10, Bamertal L-9209 Diekirch www.mnhm.net
Musée d’Histoire[s] Diekirch 13, rue du Curé L-9217 Diekirch www.mhsd.lu
Conservatoire National de Véhicules Historiques / Musée d’Histoire de la Brasserie de Diekirch 20-22, rue de Stavelot L-9280 Diekirch www.cnvh.lu _ www.luxem.beer
Conservatoire National de Véhicules Historiques / Musée d’Histoire de la Brasserie de Diekirch
Musée d’Histoire[s] Diekirch (MH[s]D)
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Pas deux qui se ressemblent aJEFF SCHINKER Le postulat de Sigma, troisième roman de Julia Deck, est aussi simple qu’il est provocateur : afin de réduire le potentiel subversif de l’œuvre d’un peintre, une association secrète concourt à la rendre anodine, quelconque, inintéressante. Pour y arriver, elle cherche à muséaliser l’artiste. Car quel meilleur moyen de banaliser l’œuvre d’un artiste que de la cloîtrer dans un espace qui n’est accessible qu’à une élite bourgeoise, quelques happy fews qui peuvent se permettre des déambulations oisives dans ces temples consacrés à la création, papotant sur l’art lors d’un vernissage en in-
gurgitant coupes et canapés puis rentrant dans la rutilance de leurs bagnoles. Il est cependant assez rare, dans la littérature contemporaine, qu’on assigne une place aussi cynique aux musées, qu’on commente leur mercantilisation contre laquelle un certain Enrico Lunghi luttait, à l’époque, et qui en a payé le cher tarif de qui ose contrecarrer la marche en avant du capital avec un très grand c. Souvent en effet, le musée devient caisse de résonance de la vie intérieure de l’artiste. Le lien entre
musée et littérature est fort au point que les éditions Stock ont créé la collection Ma nuit au musée, dont le postulat est qu’un écrivain s’enferme, le temps d’une nuit, dans le musée de son choix, cela afin de produire par la suite un livre qui la relate, cette nuit. Près de vingt auteurs et autrices se sont déjà consacrés à l’exercice, qui commence à prendre des allures oulipiennes tant l’exercice est formellement fascinant : une nuit, un auteur, un espace.
renvoie presque toujours l’auteur ou l’autrice à son propre vécu, à son identité, un retour à ses racines, récit de l’intimité où se tisse, entre l’auteur et le musée, un lien particulier. Comme Lola Lafon qui, passant sa nuit dans la maison Anne Frank, s’interroge sur ses origines juives, sur le passé migratoire de sa famille, qui escamotait sa judéité afin de se fondre dans la masse par peur des remontrances antisémites.
Ce qui se lit, d’un récit à l’autre, d’un lit de camp installé au milieu des œuvres à l’autre, d’une insomnie à l’autre aussi, c’est que l’espace muséal
Ou comme Diane Mazloum, qui choisit le Musée national de Beyrouth en dépit du fait qu’il soit fermé ; on lui a d’ailleurs interdit d’y passer la nuit,
Centre national de littérature Lëtzebuerger Literaturarchiv
A
ELL USST
U NG
WEISEN
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– eng zentral Missioun vum Lëtzebuerger Literaturarchiv
– Ausstellungen & Manifestatiounen an der Maison Servais
Centre national de littérature Lëtzebuerger Literaturarchiv 2, rue Emmanuel Servais L-7565 Mersch
Roger Leiner
ENTDECKEN
– Fuerschung am Centre national de littérature
ERLIEWEN
Roger Leiner
VERSUERGEN
Roger Leiner
LITERATUR...
– Literatur liewen & erliewen am CNL
literaturarchiv.lu facebook.com/cnl.lux https://x.com/CNL_Lux
Öffnungszeiten / heures d’ouverture Montag-Freitag 9.00-17.00 Uhr / lundi-vendredi 9.00-17.00 heures Führungen nach Vereinbarung / visites guidées sur demande
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trop dangereux. Cela aura donc été une nuit factice – mais vu la situation au Liban, l’autrice n’a hélas aucune peine à parler de nuit allégorique, qui en profite pour retracer l’histoire de son pays aimé et ravagé, pendant longtemps à la croisée des cultures occidentale et orientale, tout en commentant le concept même de musée national : « entièrement tourné vers le lointain […], notre musée national est aussi un musée de la nostalgie dans lequel les querelles du présent n’ont eu de cesse de s’engouffrer sans l’épargner ». Souvent, les auteurs de la série tardent à entrer dans le vif du sujet, comme s’ils approchaient cette nuit de façon concentrique, à pas feutrés, évoquant bien souvent aussi des musées qu’ils ont fini par éliminer de leur liste comme pour souligner la nécessité de celui qu’ils ont investi. Ananda Devi, née à l’Île Maurice et dont le trauma familial vient bien plutôt de l’esclavagisme, questionne d’abord sa propre légitimité à passer sa nuit à Montluc, parmi les fantômes de résistants et de nazis incarcérés – c’est là qu’a été brièvement incarcéré Klaus Barbie avant son processus, au lieu même où il torturait. Ce qu’on peut retenir de toutes ces apparitions de l’espace muséal en littérature, c’est que le musée devient souvent un espace de projection, de divagation, de déambulation, de prétexte à autre chose. Parfois, il est simple coulisse, déclencheur de digressions les plus diverses.
Entre colonialisme et extinction Et parfois au contraire, c’est ce qu’il expose qui devient sujet à débat, comme dans l’excellent King Kasaï de Christophe Boltanski, qui passe sa nuit dans l’ancien « musée du Congo belge », rebaptisé en « Africa Museum » et décolonisé pour l’occasion. Au cours de son récit, Boltanski s’intéresse notamment à ce caveau « transformé en débarras, à mi-chemin entre la déchetterie et la vitrine », où gît l’inconscient colonial de tout un pays : « Depuis le début des travaux [de restauration], les responsables du musée ne savent pas comment s’en débarrasser. Ces statues célèbrent tout ce contre quoi ils prétendent dorénavant lutter. À défaut de les déplacer, ils ont d’abord cru pouvoir les neutraliser. Comment ? Par des ajouts. C’est un moyen comme un autre pour se débarrasser de ce qui gêne. Quand on ne peut pas écarter un importun, on le noie dans la masse. » Car comment transformer ce passé colonial sans le nier, que faire d’un musée construit sur un domaine de chasse du roi Léopold II, qui, parce qu’il n’est jamais allé lui-même au Congo, a fini par y installer une « sorte de dépliant géant », de « Congo miniature » avec trois « villages nègres » où 267 hommes, femmes et enfants devaient mimer leur quotidien ? Comment faire pour mettre en scène la honte tout en s’en distanciant, comment préserver les preuves des crimes de la colonisation sans verser dans un reenactment mimétiquement dangereux ? Autre musée de la honte, du moins dans l’esprit du toujours incisif Éric Chevillard, le Muséum de l’histoire naturelle, où l’auteur passe sa nuit au beau milieu d’animaux naturalisés et d’espèces éteintes, lançant un pastiche d’enquête policière pour trouver le responsable de ces extinctions massives : « Je tiens le responsable. Il est dans mes souliers. Je l’ai solidement lié avec mes paires de lacets. L’exterminateur, le pollueur, le forestier pyromane. L’homme qui ne sait plus nommer le monde. L’homme qui le débaptise. La sixième extinction massive, nous le savons, est celle dite de l’anthropocène, l’ère de l’homme. Triomphe de notre ingéniosité, nous sommes devenus égaux, en termes de dévastation, au plus contondant astéroïde, à la plus réfrigérante glaciation, aux plus violents cataclysmes ! » Parlant de nuit au musée : quelques années avant le lancement de la collection d’Alina Gurdiel, dans le cadre de la célébration des dix ans du Mudam, le collectif ILL avait lancé un appel à un cadavre exquis littéraire, cadavre qui fut collectivement exposé par les auteurs impliqués (donc je fis modestement partie) pendant un
22-24 NOV. 2024
marathon-lecture de douze heures, qui commença en début de soirée et finit au petit matin. De sorte qu’il ne serait que logique qu’un éditeur importe un jour au Luxembourg ce projet d’une nuit au musée, histoire de boucler la boucle.
Des aveuglements
NOCTURNE 22 NOV.
Parfois aussi, et même particulièrement souvent, sur la scène romanesque, le musée devient le lieu où se perd la vue. Dans son Syndrome de l’Orangerie publié à la rentrée littéraire, le toujours prolifique et digressif Grégoire Bouillier nous rappelle notamment que Monet a peint ses innombrables nymphéas alors qu’il était quasiment aveugle, inventant, comme le dit l’auteur, non seulement son sujet, mais aussi la peinture abstraite et sérielle – ce serait son obstination face à un sujet qui se dérobe qui l’aurait poussé à peindre encore et encore un seul et même motif, car on ne peint jamais que la peinture tout comme ce dont on parle avant tout dans les livres, c’est de littérature. Grégoire Bouillier n’est pas le premier à s’être interrogé sur l’obsession de l’artiste à voir voulu peindre, pendant des années et des années, des nymphéas. Pour Alessandro Baricco, qui ne consacre à l’énigme qu’une vingtaine de pages de son roman City (Bouillier, lui, arrive à 430), Monet peignait le vide, pour Bouillier, il peint la mort – car si Bouillier lie le projet des nymphéas au décès de son épouse Camille, morte d’un cancer des ovaires, l’auteur se rend compte qu’avec Camille, c’est aussi son sujet qui meurt. Ce n’est plus le peintre, mais son observateur qui devient aveugle dans le récit de Daniele Del Guidice, dont le personnage principal, Barnaba, fait le tour de plusieurs musées pour y voir un dernier tableau avant qu’il ne perde la vue définitivement. Au musée de Reims, alors qu’il cherche à voir le Marat assassiné – Marat était d’ailleurs un médecin spécialisé dans le soin des aveugles –il fait la connaissance d’Anne, qui lui décrira ce que lui ne voit déjà plus très bien : « Quelle importance cela peut-il avoir si je me souviens de ces tableaux tels qu’ils sont, ou comme j’ai essayé de les voir, ou comme elle me les a décrits ? ». Les yeux de Mona de Thomas Schlesser repose sur des prémisses très similaires, sauf qu’ici c’est un grand-père qui montre à sa petite-fille les grands chefs-d’œuvre de l’art avant qu’elle ne perde (peut-être) la vue. On voit que l’idée du roman est très proche du récit de Del Giudice, même si les deux textes ne pourraient être plus différents dans la tonalité, ampoulée et pédagogique au possible chez Schlesser, discret et mélancolique chez Del Guidice. Tout se passe comme si on voulait dire qu’entre le réel et le tableau, et entre le tableau et son observateur, il y a un aveuglement. Une incompatibilité. Une impossibilité de voir ce qu’il y a à voir. Une manière de passer à côté, de mal comprendre. Une invention de tous les côtés, l’artiste inventant son sujet plus qu’il ne le peint, et le spectateur inventant à son tour le tableau. Pour paraphraser Pierre Bayard parlant de la syllepse comme manière de parler de livres – s’il y a bien une seule œuvre réelle au sens ontologique du terme, le discours qui tourne autour est aussi multiple que le regard des spectateurs. « Il paraît qu’il existe plus de cent cinquante portraits du visage de Marat, et pas deux qui se ressemblent », dira Anne à Barnaba. Entre Bouillier et Del Giuidice, entre Monet et Barnaba, entre l’Orangerie et le musée de Reims, se pose la question du regard : qui regarde quoi, dans quel contexte, selon quel parcours personnel. Monet peint ses nymphéas, Barnaba regarde Marat, tous deux aveugles ou presque : comme si l’art et le musée avaient affaire avec l’effacement, avec la peur de mal voir, de ne plus voir, de perdre le sens et la compréhension des œuvres et, par-là, du monde. Car comme écrivait Beckett : « dès que l’on parle de peinture, on fait de l’esthétique générale, on fait de l’anecdote, on fait des catalogues raisonnés, ou alors on se livre franchement à un bavardage désagréable et confus. » p
IOth edition C
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LUXEMBOURG ART GLACIS SQUARE WEEK (Fouerplaatz)
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Spotlight für Kulturerbe aFRANZISKA PESCHEL
Seitdem Eric Thill beide Ämter innehat, Kultur- und beigeordneter Tourismusminister, verschmelzen die Bereiche häufig. Ein Blick auf die Verflechtung zwischen Kultur und Tourismus In Schengen an der Mosel gibt es keinen Kaffee mehr. Wer das politische Erbe der Region erkunden will, muss zurzeit abseits der Moselriviera Kaffeepause von der Radtour machen, ohne Blick aufs andere Ufer und auch ohne Informationen. Seit Mai ist das Europamuseum Schengen samt Museumscafé geschlossen. Noch Anfang des Jahres begrüßte es Besucher mit einer statischen Ausstellung, die schon seit einiger Zeit auf eine Modernisierung wartete. Die Dauerausstellung zeigte Fotos, Texte und Tonaufnahmen der Unterzeichnung des Schengener Abkommens und der politischen Ereignisse, die dazu geführt haben. Kaum interaktiv und nicht den aktuellen Museumsstandards entsprechend. Das soll sich nun ändern. Bis Juni 2025 sollen Museum wie auch das historische Schiff „MS Princesse Marie Astrid“ renoviert werden und anschließend mit neuer Ausstellung wieder öffnen. Die 17,7 Millionen Euro dafür kommen von der Gemeinde Schengen und der Generaldirektion für Tourismus. Seit vielen Jahren bezuschusst die Tourismusdirektion die Betriebskosten des Schengener Museums. Für die geplante neue Ausstellung hat das Museum nun einen weiteren Topf geöffnet. Das Kulturministerium finanziert die Erarbeitung des neuen Museumskonzepts mit 47 872 Euro. Das Schengener Museum wird von einem gemeinnützigen Verein geleitet, dem Centre Européen Schengen a.s.b.l.. Hinter vielen regionalen Museen stehen gemeinnützige Organisationen. Sie erhalten gezielt Förderung vom Kulturministerium. Nie zuvor war der Anteil am Staatshaushalt für die Kultur so hoch wie in diesem Jahr. Laut Ministerium profitieren von der Erhöhung vor allem die gemeinnützigen Vereine. Mehr von ihnen werden gefördert und auch die Summen wurden erhöht. Die meisten dieser kleinen Museen behandeln weniger Kunst als Handwerk und
Das Kulturverständnis des Ministeriums beruht stark auf Geschichte und Identität
Geschichte. Das Ministerium sagt: „Die Vernetzung zwischen Kultur und Tourismus ist ein wesentlicher Bestandteil der nationalen Strategie und trägt dazu bei, die kulturellen Reichtümer
des Landes für Touristen zugänglich zu machen und gleichzeitig die kulturelle Identität Luxemburgs zu stärken. Museen spielen hierbei eine zentrale Rolle.“ In der klassischen Arbeitsteilung wäre der touristische Wert eines Museums weniger die Sorge eines Kulturministers als die Förderung von Kunst und Kultur. Doch die Grenzen sind, nicht nur in Luxemburg, häufig fließend. Die Mehrdeutigkeit des Worts Kultur weist auf die Schwierigkeit einer klaren Trennung schon hin, einerseits als Bezeichnung für „Hochkultur“, die sich in Museen, Galerien, Philharmonien und bei Dichterlesungen abspielt. Der Begriff, geprägt im Bürgertum des 19. Jahrhunderts, steht im Gegensatz zu Popkultur, ein Konzept aus dem letzten Jahrhundert. Andererseits steht Kultur für das Erbe der Gesellschaft, die Gesamtheit der Denk- und Handlungsmuster, der Normen und der Erzeugnisse jeder Art. Weitere Definitionen beziehen sich auf Landwirtschaft oder die gemeinsamen Eigenschaften, die bestimmte Gruppen ausmachen, zum Beispiel Sprache. Für die aktuelle Strategie des Kulturministeriums sticht nicht eine einzelne Definition von Kultur hervor. Kultur spielt sich in den hauptstädtischen Galerien ab, ebenso wie in Landwirtschaftsmuseen und der Ausstellung des industriellen Erbes im Minett Park Fond-de-Gras. Auch hier investiert das Kulturministerium in die Betriebskosten der A.s.b.l. und in Erhalt und Aufwertung des Freilichtmuseums über das Institut pour le patrimoine architectural (INPA). Das Ministerium plant, „historische Stätten stärker zu fördern und die Alleinstellungsmerkmale unserer Regionen gezielter in den Mittelpunkt zu stellen“. Das Kulturverständnis des Ministeriums beruht stark auf Geschichte und Identität. Den kleinen Museen des Landes, die sich dem Handwerk, der lokalen Geschichte oder dem industriellen oder kulturellen Erbe verschrieben
haben, beschert dieses Verständnis von Kultur mehr Aufmerksamkeit, nicht nur finanzielle, sondern auch in Form von Besucherzahlen. Eric Thill ist für beides zuständig, als Kultur- und beigeordneter Tourismusminister. Fotos offizieller Anlässe zeigen ihn genauso häufig in Trekkingschuhen vor Grubeneingängen oder historischen Denkmälern wie bei Vernissagen visueller Kunst. Im März verkündeten die Ministerien eine Reise des Ministers auf „touristischer und kultureller Mission in Berlin“. Einfach dürfte die Planung solcher Events nicht sein, denn die Generaldirektion für Tourismus ist einem anderen Ministerium untergeordnet, dem Wirtschaftsministerium. Für die Vernetzung der beiden Ressorts gibt es keine formellen Arbeitsgruppen oder klar definierte Schnittstellen, sagt das Wirtschaftsministerium. Auch im Budget ist nicht festgelegt, wie viel Geld in den Kulturtourismus fließen soll. Geld ist für touristische Projekte vorgesehen sowie für Investitionen in touristische Infrastruktur. Welches Ministerium wie viel in welche Projekte investiert, ist Verhandlungssache, in diesem Fall zwischen Thill und sich selbst. Und er hat gut verhandelt, zumindest für die Kultur. Bei der diesjährigen Ausgabe der Sommertourismuskampagne „Lëtzebuerg, dat ass Vakanz!“ stand Kulturtourismus im Fokus, nach Aktivtourismus letztes Jahr und Gastronomie im Jahr zuvor. Zahlen zur Wirksamkeit der Kampagne gibt es nicht. Dem Kulturministerium gehe es darum, die Museen sichtbarer zu machen. Der Erfolg werde vor allem mittel- und langfristig zu erkennen sein, da mehr Touristen die Museen als Reiseziel wählen. Dabei hat die Tourismuskampagne gezielt neben Mudam und Konschthal auch regionale Museen in den Fokus gestellt, darunter das nationale Museum für Mikrobrauerei und Gerberei oder die Burg Useldingen, wo Besucher die über 1000-jährige Burganlage samt Kräutergarten besuchen können. Kultur ist vielfältig. p
26.04.2024 – 05.01.2025
La révolution de 1974 Des rues de Lisbonne au Luxembourg