Le Rap En France Magazine #1

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entretien. beaucoup. Par contre, dans mes influences artistiques françaises, sincèrement… Tu penses à des choses, toi, quand tu m’écoutes ? (rires.) Après Solaar, j’ai noté que ça faisait très années 90’. Oui, il y a Melaaz, que je mets dans la même case, parce que c’était vraiment ma première influence. Je la regardais beaucoup parce que je pensais qu’elle avait une attitude qui était chouette. J’ai aussi beaucoup écouté « l’époque La Haine » (film de Matthieu Kassovitz, 1995, ndlr). Quels artistes admires-tu ? Grems, par exemple. Je l’aime bien dans sa manière de voir les choses. C’est trop rare, les mecs comme ça, en France. Il s’en fout. Il est totalement décomplexé, à l’anglaise. Il y va, c’est tout, et je trouve ça super rafraîchissant. J’avais beaucoup de mal avec sa musique, au départ. Je suis plus dans la valve de son album Algèbre 2.0., qui est sorti l’année dernière. Il collabore avec plein de monde, à droite, à gauche. Il est différent, il va où on ne l’attend pas. Il dit toujours que la musique, c’est son hobby, qu’il s’amuse, parce qu’il a un métier à côté. Donc, dès le départ, il ne se met pas cette pression de la réussite. Ça enlève ce poids que vachement de gars se mettent. La plupart des gens qui font de la musique sont indés, et, malgré nous, on arrive à s’enfermer dans des schémas qui sont imposés par des gens qu’on critique et que l’on n’aime pas. Il y a très peu de gens qui osent ou qui, finalement, sont capables – peut-être – de sortir de ça. Peut-être parce que derrière

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derrière ils ont une stabilité financière qui leur permet de faire ces choses-là. Ça n’est pas tellement au niveau de la thune, mais dans la manière de faire les projets. De les penser. De les défendre. Il y a plein de choses à faire. Et puis c’est cool de s’exporter, d’aller voir ailleurs, de voyager, juste histoire de voir comment on gère les projets à l’étranger. Quand le Saïan a débarqué au Chili en 1999, ça a été la meilleure évolution. Je suis allé les voir en concert dans une ferme au fin fond de la Bretagne, dans une salle à Barcelone, avec des foules de dingues. D’ailleurs, j’ai travaillé avec l’ingé-son qui a tourné au Chili avec eux. En fait, j’ai l’impression qu’on se restreint à beaucoup de choses alors qu’il y a vraiment des possibilités. A l’heure actuelle, on se pose la question de savoir si notre musique marcherait ailleurs alors qu’on devrait foncer. On m’a proposé, via un projet, de tourner avec des MC féminines. On me l’a proposé, mais on m’a dit clairement que ce serait juste sur les dates francophones, parce que je suis francophone. Ils se sont dit que ça ne marcherait pas ou que ça les empêcherait de booker le show. Avec des rappeuses d’autres nationalités ? Anglophones, en tout cas. Je trouve que c’est un peu con. On me présente souvent comme un problème, en fait, alors que je voudrais transformer ça en un atout. C’est pour ça que nous, français, sommes complexés : on part déjà perdants. Il y a tellement

d’exemples qui prouvent le contraire. Et puis le Français, avec un F majuscule, ça vend. On vend des baguettes dans le monde entier, Gainsbourg, Mylène Farmer… C’est une piste, pour toi, les concerts à l’étranger ? Oui, il y a Berlin, en mai. Barcelone, à la fin de l’année, aussi. La difficulté, c’est que, pour l’instant, on n’a pas de tourneur, donc c’est un peu compliqué. Mais il est clair, que, dès le départ, on regardait international, bien sûr sans renier la France. •


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