La Foutue Perle de
Lomepal
#2 Espiiem
entretien de Haute Voltige
Walter
entre structure et culture
Pumpkin pioche sa punchline
Lâaquatrip de
Hippocampe Fou Kaaris,
la caresse de lâOr Noir
+ Le rap français et lâAsie dâAbd Al Malik Ă Camus
2-zer se raconte 1
Partenaires.
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RĂ©daction Directeur de la rĂ©daction StĂ©phane Fortems, rĂ©dacteur en chef et fondateur du Rap en France, a intervewĂ© Hippocampe Fou. ComitĂ© de rĂ©daction Juliette Durand, parisienne, est notre live-reporter des concerts de MĂ©dine, Oxmo ainsi que de Cabadzi et auteur des interviews de Pumpkin et de RocĂ©. JibĂ© est le rĂ©dacteur du dossier Le rap français et lâAsie. Il a Ă©galement chroniquĂ© La Cliqua et Kaaris. Pauline Motyl a chroniquĂ© le concert dâArt is a live au New Morning. TontonWalker est lâauteur de la chronique de la compilation du Gouffre et a Ă©galement rĂ©alisĂ© le classement des 10 Couplets dâAnthologie du Rap Français. Mandarine, parisienne, a rĂ©alisĂ© les interviews trĂšs rĂ©ussies de Walter, du noble Espiiem et Ă©galement de 2-zer Washington, en couverture de ce second numĂ©ro. Yoann, a ce mois-ci chroniquĂ© Cette Foutue Perle de Lomepal et Seine Zoo du S-Crew. LĂ©onard Rembert, nouveau dans la rĂ©daction, a Ă©crit le dossier DâAbd Al Malik Ă Albert Camus. Email lerapenfrance@gmail.com
Vous ĂȘtes passionnĂ©(e)s de rap français, vous avez une plume intĂ©ressante que vous savez manier correctement ? Vous pensez pouvoir vous adapter Ă la ligne Ă©ditoriale du site ? Alors contactez-nous Ă lâadresse ci-dessus.
Ădito Deux mois dĂ©jĂ depuis le premier numĂ©ro. Deux mois qui sont passĂ©s si vite. La profusion de projets ne nous laisse malheureusement pas le temps de jeter une oreille avisĂ©e Ă chaque fois. Nous ratons sĂ»rement dâexcellents artistes mais nous faisons de notre mieux pour reflĂ©ter ce que le rap français a de meilleur Ă offrir. Câest tout ce dont il est question dans nos pages. Vous ne trouverez pas de polĂ©miques ou de grands avis tranchĂ©s. Nous aimons cette musique pour ce quâelle est. On ne vous fera pas de grandes dissertations sur ce qui est du vrai rap ou pas. Il nây a pas le rap mais des raps et libre Ă vous dâen aimer certains ou pas. On ne vous dira jamais que vous avez tort. Et si vous souhaitez fouiller plus en avant dans ce genre musical, nous vous avons mis en lien tous nos sites partenaires/amis que nous consultons rĂ©guliĂšrement et qui mĂ©ritent dâĂȘtre dans vos favoris. StĂ©phane Fortems. 3
SOMMAIRE. INTERVIEWS. Entretien avec Walter, p.08
Entretien aquatique avec Hippocampe Fou, p.68
Espiiem, entretien de haute voltige, p.50
Lâinterview-live de RocĂ©, p.60
Pumpkin pioche sa punchline, p.22
En une, lâinterview de 2-zer Washington, p. 30
DOSSIERS. Le Rap Français et lâAsie, p.18
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DâAbd Al Malik Ă Camus, p.80
CHRONIQUES.
Cette Foutue Perle, de Lomepal, chroniqué p.26
Marche ArriÚre, du Gouffre, chroniqué p.44
Seine Zoo, du S-Crew, chroniqué p.42
Or Noir, de Kaaris, chroniqué p.76 Conçu pour Durer, de la Cliqua, chroniqué p. 28
CONCERTS. Oxmo Ă lâHĂŽtel de Ville, p.06
MĂ©dine Ă lâOlympia, p.64
Cabadzi au Kiosquorama, p.18
Art Is A Live au New Morning, p.48 5
crÄĆ dit photo: Vincent Desailly. 6
concerts. Oxmo x FnacLive2013
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En festival, dans le public, on trouve ceux qui ont les paroles dans le corps et puis ceux qui ne connaissent mĂȘme pas de nom, mĂȘme pas de loin. Sur scĂšne, il y a lâartiste des classiques et celui des nouveautĂ©s. Celui qui joue sa promo et celui qui joue sa musique. Le rap, cette culture mirage, câest Ă dire cette culture pour qui la place dans la sociĂ©tĂ© nâest quâillusion. Culture tolĂ©rĂ©e, acceptĂ©e, parfois aimĂ©e ou du moins vaguement Ă©coutĂ©e, enfin tant quâelle sâen tient au politiquement correct. Mais non, quand comprendront-ils que le rap nâest pas politiquement correct ? Enfin passons. Enfin heureusement quâil y a lâartiste qui arrive Ă faire un certain grand Ă©cart. Comme en cinĂ©ma il y a Tarantino qui fait du bon et du populaire, en rap il y a Oxmo Puccino. Pour peu quâon sache lire et comprendre entre les lignes. Alors ce soir lĂ , il y avait des « fans » et les autres, mais il y avait surtout une foule attentive Ă un rap gĂ©nĂ©reux. Oxmo Puccino, câest un peu ce prof quâon nâa pas tous eu, mais si ça avait Ă©tĂ© le cas on aurait sĂ»rement un peu plus aimĂ© lâĂ©cole. Et puis mĂȘme, on lâaurait Ă©coutĂ©. On aurait bu ses paroles. Et puis, ses cours auraient pris des allures de monologues et de poĂ©sie urbaine. LâĂ©cole buissonniĂšre aurait ses lettres de noblesse. Faisant entrer lâhistoire dans la salle. Lâhistoire des quartiers nord parisiens. Lâallure dâun prof fantasmĂ©. Dans son pantalon bleu et sa chemise blanche, le bonhomme jongle avec sa classe et une dĂ©contraction trĂšs estivale. Le concert en sera de mĂȘme : panache et dĂ©tente. Le set sera de 40 min. Court et intense. Efficace surtout. Le temps de placer les titres que le pu-
blic attend. Ces classiques qui ont fait lâhomme. Ces classiques qui retiennent Ă ses lĂšvres une foule. Ceux qui lui donnent une certaine allure de gĂ©ant empli de bienveillance. «Jâai mal au mic». Le rappeur sâinstalle derriĂšre son micro. Sây pose et impose un flow des plus particuliers, des plus entĂȘtants, de fausses douceurs. Car celui, qui saura lire entre les punchlines, trouvera bien plus quâune poĂ©sie belle et clĂ©mente. Oxmo Puccino, câest aussi lâart de donner une rĂ©sonance Ă ses textes. Lâart de peser ses mots. Pas baratineur, mais grand de son surnom, Black Jacques Brel. Lâaigreur en moins peut ĂȘtre. Le langage des mains et du corps. Carrure imposante mais joueuse. Son flow prend toute la scĂšne. Tout le public. Un flow nonchalant et pimentĂ© qui traverse la place de lâHĂŽtel de Ville, comme un souffle de chaman. Quand les mots ont autant dâincidence dans lâapprĂ©hension dâun concert, alors oui, parlons de sorcellerie. Oxmo Puccino est joueur. Il sâamuse Ă annoncer ses titres, Ă prendre le temps de trouver lâintroduction qui fera mouche â mĂȘme si cela nâest plus vraiment naturel, routine de tournĂ©e oblige. Il se fait son propre Monsieur Loyal, Ă©paulĂ© par ses musiciens. Car si lâhomme fait la diffĂ©rence, sa musique en est peut-ĂȘtre la clĂ©. Son choix dâorchestration en est peut-ĂȘtre le plus couillu. Batterie. Guitare. Basse. Piano. Ensemble groovy qui arrivera Ă amener le public jusquâĂ des pas de danse. « Que la scĂšne dĂ©borde » demande-t-il. Et la sauce prend. Et la sauce monte. Paname aura eu son rap. ComblĂ©e. Mais en festival, les rappels nâexistent pas. âą Juliette Durand.
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Walter. âJâessaie de rebondir sur des rimes que lâauditeur nâattend pas.â 8
interview. Walter est un rappeur Ă©tonnant qui joue des mots et semble trĂšs prĂ©occupĂ© par les structures de rimes. La musique, la culture, lâĂ©nergie quâil crĂ©e, Le rap en France est allĂ© Ă sa rencontre pour essayer de connaĂźtre un peu mieux ce MC du 77, ses envies, ses projets ou encore son histoire avec le rap. Entretien. Qui est Walter et dâoĂč vient-il ? Je viens dâun collectif du 77 qui sâappelle le Val Mobb. Câest un jeu de mots avec un regroupement de villes nouvelles qui sâappelle le Val MaubuĂ©e. Câest un secteur oĂč il y a beaucoup de choses qui se font dans le rap et dans lâĂ©lectro. Câest ma premiĂšre famille de sons. On a pu te voir dans diffĂ©rents groupes, tu peux nous Ă©claircir ça ? Le premier groupe que jâai montĂ©, câĂ©tait Artisans du Mic (avec Moax, Lemdi & Smoof). Et aujourdâhui il existe une formation entre des rappeurs du Val Mobb et qui sâappelle Nouveaux Mutants (Daiz Diggi, Moax, Lemdi, Nitro et Moi). Je fais partie de plusieurs familles de rap. La premiĂšre câest le Val Mobb. La deuxiĂšme, câest Olâ Kameez ? VoilĂ . Il y a deux ans et demi, jâai commencĂ© Ă rencontrer plus des gens de ma gĂ©nĂ©ration, avec qui je me suis bien entendu au niveau de la vision du rap, ce que les mecs faisaient et aussi au niveau des influences. Dans tout ça, on a crĂ©Ă© un groupe, OlâKameez avec Skyle. Je lâai rencontrĂ©, on a fondĂ© le groupe et on a fait un premier projet en janvier 2012, produit par Dooze et par Goomar. Ce sont des beatmakers avec qui je travaille beaucoup. Jâaime beaucoup leur univers. On tâa effectivement vu avec beaucoup de rappeurs de la nouvelle gĂ©nĂ©ration. Parmi toutes les connexions qui se font, jâai rencontrĂ© Lomepal, avec qui on a fait la compile 22h-6h. LĂ , pareil, ça a Ă©tĂ© lâoccasion de se rapprocher de pas mal de rappeurs de Paris que je ne connaissais pas avant : Bhati, Mothas, Black Sam (BPM), NaĂŻad, Georgio puis aussi des connexions avec la Belgique avec des gars comme Patee Gee & Caballero. Plein de choses se sont formĂ©es. Aujourdâhui je travaille aussi avec le Bohemian Club (avec mes gars Orus, Zoonard et Goomar). Il y a beaucoup de noms, mais câest Ă peu prĂšs tous les collectifs ou les crews dans lesquels je gravite.
Tu as dĂ©jĂ sorti plusieurs projets. Oui, il y a eu Petits Meurtres entre Amis en mai 2011, que je considĂšre comme une compile. Jâavais envie de rassembler un paquet de gens avec qui jâai Ă©voluĂ© pendant longtemps. Donc les gars du Val Mobb, Skyle, Nek, Alpha, Nino Ice etc. AprĂšs, il y a eu OlâKameez Volume 1, avec Skyle donc. En juin 2012, jâai sorti 22h-6h avec Lomepal et enfin lâalbum du Val Mobb en juillet dernier. Ăa, ce sont les projets sortis. Sinon, il y a plein de trucs qui arrivent. Le OlâKameez Volume 1.5 courant octobre et le Vol.2 dĂ©but 2014. On ne sâarrĂȘte pas. Ce nâest pas trop dur de combiner ton « vrai travail » et la musique ? Est-ce que tu comptes te consacrer au rap ? Franchement, câest Ă lâĂ©tude encore. Je nâai pas vraiment de rĂ©ponse, parce que pendant longtemps, ce que je pensais, câĂ©tait rĂ©ussir Ă faire de la musique par passion. Pas comme un hobby, mais vraiment un truc qui mâaccompagne, dans lequel je mâaccomplis. Parce que jâaime faire de la scĂšne, des morceaux, des radios. Jâaime me retrouver avec des potes avec qui on fait du son. Jâaime aussi faire des soirĂ©es avec des potes oĂč on ne fait pas vraiment du son, mais on reste dans cet univers, on dĂ©cortique la musique. Plus je mâimplique et plus je mâĂ©loigne dâautres aspirations. Et en mĂȘme temps, je ne perds jamais de vue quâil faut rĂ©ussir Ă ĂȘtre polyvalent et avoir dâautres inspirations. Ne pas forcĂ©ment se cantonner au rap. Comment sâest fait Petits Meurtres Entre Amis ? Tu fonctionnes beaucoup avec des featurings. Quelle Ă©tait lâintention de crĂ©ation ? Petits Meurtres, je lâai sorti parce que je commençais Ă avoir un gros panel de morceaux. Il y en avait avec des potes du Val Mobb puis jâai commencĂ© Ă faire des freestyles avec des gens de ma gĂ©nĂ©ration. Jâai bien aimĂ© toute cette alchimie. Je nâavais pratiquement rien fait, jâavais envie de sortir des projets. Je voyais que ça devenait assez possible. Il y a ceux que je connaissais depuis longtemps et ceux que jâai rencontrĂ©s Ă des concerts, des freestyles. On sâest invitĂ© Ă des sessions studios, on a fait des morceaux, on a pas mal creusĂ©. Jâai vu que jâavais une quinzaine de morceaux. Je me suis dit : « Vas-y, je vais sortir une compile, ça va me motiver Ă faire des projets par la suite ». Je suis assez content aussi des instrus. Il y a quelquesunes Ă moi mais jâai arrĂȘtĂ© maintenant. Sinon, il y a DJ Lumi, Dooze et Nino Ice pour la majoritĂ© des productions.
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Le choix te revenait ? Sur ce projet, oui. Câest moi qui ai proposĂ© les instrus. 22H-6H fonctionne sur le mĂȘme principe ? Câest un petit peu diffĂ©rent. Jâai rencontrĂ© Lomepal par le biais de Fixpen Sill. On faisait pas mal de sessions freestyle avec lui. Jâavais un peu de matos, et un soir on sâest mis dans le dĂ©lire. Peu importe le jour, on se rĂ©unissait le soir. Le vendredi soir souvent, on appelait des gars, on avait une playlist dâinstrus entre Lumi, Goomar, Dooze. On choisissait une prodâ, on Ă©crivait et on enregistrait. Dans la nuit, le morceau Ă©tait fait. Câest plus spontanĂ©, câest sur lâinstant. Un des morceaux le plus emblĂ©matique câest Fait Maison. Pour le coup, Lo est arrivĂ© avec sa MPC, ses platines et il a fait lâinstru sur le moment. On a Ă©crit et on lâa enregistrĂ©. Donc lĂ , tout le morceau a Ă©tĂ© fait sur lâinstant. On avait dĂ©jĂ la plupart des instrus mais ça nâa pas jouĂ© sur le concept, câĂ©tait juste diffĂ©rent. On a fait Laisse Faire avec KĂ©rouĂ© sur le mĂȘme principe. CâĂ©tait un autre jour, et Lo Ă©tait aussi venu avec ses platines. Ce sont les deux plus emblĂ©matiques, pas forcĂ©ment au niveau de lâambiance, mais au niveau du dĂ©lire. Au final, tu en penses quoi de ses deux projets ? Petits Meurtres est pour moi un bon pas en avant, une motivation pour la suite. Ăa mâa vraiment donnĂ© envie de continuer Ă faire des projets et Ă rassembler des gens. 22h-6h aussi, câest une visĂ©e Ă long terme. AprĂšs il faut voir ce qui est rĂ©alisable et ce qui ne lâest pas. Je me vois bien faire 22h-6h, 6h-14h, 14h-22h. Mais câest une idĂ©e Ă long terme. Et OlâKameez dans tout ça ? Câest une façon de travailler qui est plus introspective. Lâeffectif est resserrĂ©. LĂ , on se lĂąche plus dans nos dĂ©lires. Câest un rap diffĂ©rent. Câest un peu dĂ©licat Ă expliquer. OlâKameez, câest plus acerbe dans le contenu. Parfois, je me dis que câest trop blasĂ©. Mais en mĂȘme temps, il y a de lâhumour. Câest du second degrĂ© et câest assez perchĂ©. Franchement, au niveau des thĂšmes, on sâen fout parfois. On nâa pas de thĂ©matique vraiment dĂ©finie, on nâest pas dans une prĂ©cision, dans une perfection. Câest assez spontanĂ© dans ce que lâon peut dire. On laisse notre inconscient sâexprimer. On va sortir un volume 1.5 et un volume 2. AprĂšs, on ne sait pas. Skyle, câest mon gars sĂ»r, un vrai tueur. On avait vraiment envie
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âJe nâai pas envie de mâenfermer dans un type de thĂšme.â de se lancer dans un projet Ă deux volumes. Finalement, on va faire un petit intermĂšde entre les deux. Lui aussi, il a beaucoup Ă faire tout seul, niveau personnage et univers. Mais je pense quâil va prĂ©parer des trucs et quâil a sĂ©rieusement de quoi se dĂ©fendre. Skyle a sorti une mixtape dâailleurs, Le Fou du Roi. Et donc en solo, tu dĂ©velopperas tes propres thĂšmes, des univers diffĂ©rents ? Oui. Je vais peut-ĂȘtre essayer de trouver quelque chose de plus franc. Je nâai pas sorti beaucoup de morceaux solos cette annĂ©e. LĂ , câest en train de porter ses fruits. Je prends du recul sur ce que je fais. Ăa fait du bien de travailler seul pour creuser son univers. Tu peaufines la façon dont tu construis un morceau, le refrain. Comment tu qualifies ton rap, aussi bien dans le flow que dans lâĂ©criture ? Parfois jâabuse trop sur mon timbre. Pendant trĂšs longtemps, le dĂ©lire de la multi-syllabe Ă©tait Ă©tranger pour moi, je ne le prenais pas vraiment en compte dans lâĂ©criture. Je mâen foutais, câĂ©tait assez spontanĂ©, je cherchais des rimes assez simples. Je nâallais pas au-dessus dâune syllabe. Et lĂ , je me rends compte de la rigueur dâĂ©criture, de ce qui se fait, du coup, jâessaie dâassocier. Parfois, mes textes sont un peu trop denses, jâai beaucoup de rimes et ça sĂšme la confusion. Parfois, je vais essayer de faire plein de retour de rimes un peu partout. Câest, Ă la fois, prĂ©cis et recherchĂ©, et je trouve le rendu trop cru. Mais en mĂȘme temps, jâessaie de rebondir sur des rimes que lâauditeur nâattend pas forcĂ©ment. Câest un peu dur Ă dĂ©finir, mon rap. Personnellement, je nây arrive pas. Je nâarrive pas trop Ă situer mon rap. Pourquoi ça parle Ă quelquâun ? Pourquoi mon texte va toucher telle personne ? Pourquoi cette phase-lĂ prĂ©cisĂ©ment ? Aucune idĂ©e. Quels sont tes thĂšmes de prĂ©dilection ? Lâhumour noir. Mais je nâai pas envie de mâenfermer dans un type de thĂšme, dans un type de
interview. dĂ©lire. Je pense que je peux ĂȘtre assez hĂ©tĂ©roclite. On va dire que, selon les groupes que jâai, je peux avoir des thĂšmes plus lĂ©gers ou plus pesants. Avec OlâKameez, on peut arriver avec des sujets un peu plus torturĂ©s, plus acerbes. Il faut exagĂ©rer, je trouve. Jâaime bien les dĂ©lires bizarres qui nĂ©cessitent plusieurs Ă©coutes et quâil y ait vraiment un tout musical entre lâinstru et la voix du rappeur. Quâest ce qui tâinspire ? Jâaime bien parler de lâĂ©go. Câest fou le nombre de fois oĂč on va dire « je ». Il y a des moments oĂč tu ne calcules pas, tu Ă©cris et tu te rends compte que tu as dĂ©jĂ utilisĂ© six fois le mot « je » alors que tu nâas quasiment rien grattĂ©. Tu te dis « mais câest quoi le truc, je ne parle que de moi, câest quoi le problĂšme ? ». Je me suis rendu compte que le rappeur avait sĂ»rement cette capacitĂ© dâanalyse. Il Ă©crit ce quâil voit, il y glisse un message, des sensations etc⊠Câest comme si on Ă©tait chacun un sujet dâexpĂ©rience, tu te mets en scĂšne. Un rappeur, ça peut ĂȘtre trĂšs Ă©gocentrique. Câest une gĂ©nĂ©ralitĂ©, je ne connais pas tous les rappeurs. Mais il y a beaucoup dâĂ©godans le rap câest sĂ»r. Il faut trouver un compro-
mis entre ton Ă©go et ce que tu as envie de partager avec les gens. Ce que lâauditeur va entendre lui parlera directement Ă lui, mĂȘme si tu parles de toi. Le morceau est une passerelle. Il y a une bonne part dâinconscient dans ce que jâĂ©cris. Parfois je rĂ©alise aprĂšs ce que jâai vraiment voulu dire. Tu essaies de construire ton texte et aprĂšs tu as un rendu gĂ©nĂ©ral. Il y a des mecs qui savent trĂšs bien oĂč ils vont. Ils Ă©crivent direct. Il y a plusieurs types dâĂ©criture. Parfois, tu ne peux pas tout capter. Comment tu as commencĂ© le rap ? Jâai commencĂ© tĂŽt Ă Ă©crire, au collĂšge. Jâaimais bien lire, je nâai pas Ă©tĂ© un mordu pour autant. Ă la base, jâaimais aussi dessiner, ce que jâai complĂštement lĂąchĂ© aprĂšs. Mais depuis mes 6 ans, jâai toujours Ă©coutĂ© beaucoup de rap, bien que je sois passĂ© par plein catĂ©gories de musique en mĂȘme temps. Câest vraiment le phĂ©nomĂšne musical qui mâa le plus touchĂ© et qui collait Ă notre Ă©poque. Comment retranscrire ce que tu vois Ă la tĂ©lĂ©, dans la rue, avec tes amis ? Le rap, câest vraiment le truc qui me plaisait le plus au niveau de lâaspect sonore et dans ma volontĂ© de reproduction. LâĂ©criture est venue naturellement.
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Comment ça se fait que tu Ă©coutais du rap dĂšs six ans ? Mes parents mâavaient fait Ă©couter les premiers albums de NTM, dâIAM, Assassin, MC Solaar. Mon grand frĂšre Ă©coutait aussi du rap, pleins de trucs, les Fugees, The Roots⊠Jâai beaucoup suivi ce qui sâest fait dans les annĂ©es 90. Jâai vraiment Ă©tĂ© bercĂ© dans le rap. Quand jâai eu envie de mâexprimer, câest le rap qui est apparu comme une des passions les plus fortes, avec le cinĂ©ma. Jâai grandi dans un univers oĂč lâHistoire et lâart ont des places vraiment importantes et enrichissantes pour lâĂ©panouissement. La peinture, le cinĂ©ma, la littĂ©rature, la musique etc. sont trĂšs prĂ©sents. Jâai longtemps achetĂ© des CD par exemple, je kiffe le concept de lâobjet. Jâaime beaucoup la dĂ©marche des DJ, des diggers, qui vont chercher des vinyles dans les bacs Avant quâInternet arrive et que le tĂ©lĂ©chargement soit facile, jâĂ©tais encore dans cette idĂ©e dâaller chercher ce quâil se faisait, des dĂ©couvertes. Je ne crache pas sur le net vu la quantitĂ© de perles que tu peux trouver grĂące à ça. Ce qui est important, câest la culture, lâĂ©ducation, la curiositĂ©. Tu parles beaucoup de culture, quelles sont tes rĂ©fĂ©rences ? Au niveau musical, je suis trĂšs ancrĂ© dans le rap mĂȘme si je ne suis vraiment pas fermĂ©. Jâaime beaucoup le rock, lâunivers punk mâa vraiment intĂ©ressĂ© Ă un moment. Jâaime bien la scĂšne underground de la fin des annĂ©es 80 au dĂ©but des annĂ©es 90. Toute cette partie-lĂ , oĂč il y avait des courants
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oĂč le rap et le rock Ă©taient assez proches au niveau des scĂšnes. Dâun cĂŽtĂ©, tu as les Beruriers Noirs, les Garçons Bouchers. AprĂšs tu as NTM, Assassin, tous ces crews. Ce nâest pas la mĂȘme musique mais ces scĂšnes alternatives qui se dĂ©veloppent, câest un truc qui mâa vite fascinĂ©. Tu parlais aussi de cinĂ©ma et de peinture. Oui, Kubrick, Hitchcock, Les frĂšres Coen⊠La peinture, jâaime bien mais je trouve ça chiant. La scĂšne graff mâinterpelle beaucoup. Il y a un DVD qui est pas mal foutu qui sâappelle Writers qui montre un peu les courants, les crews, qui se sont formĂ©s en Europe. Tu vois vraiment la scĂšne graff, jusquâoĂč les mecs sont allĂ©s. Jâai voulu faire du graffiti, jâai commencĂ© Ă tagguer, jâai vu un peu le truc mais jâai vite arrĂȘtĂ©. Et tu tâinspires de tout ça ? Directement, non. Je nâaime pas trop le fait de sortir des rĂ©fĂ©rences dans les textes. Je trouve ça un peu trop prĂ©tentieux. Inconsciemment, il y a des rapprochements. AprĂšs dans mes textes, jâaime bien creuser des ambiances qui sont en rapport avec des films que jâai vus ou des bouquins que jâai lus. Je prĂ©fĂšre les rĂ©fĂ©rences indirectes, plus cachĂ©es. Le cynisme et la folie me parlent beaucoup. Jâaime beaucoup Dupontel et Poelvoorde. Câest arrivĂ© prĂšs dâchez vous est un gros classique. Il y aussi Les Monty Python et Dieudonné⊠Il y a plein de films qui ne sont pas forcĂ©ment drĂŽles, mais il y a plein de petites
interview.
scĂšnes qui le sont. Par exemple La Haine, câest un film que jâai beaucoup regardĂ©. Il est assez pesant, mine de rien. Mais quand je le regarde, il y a plein de scĂšnes de vie qui sont vraiment drĂŽles et amusantes alors que tout se passe dans une ambiance lourde. Ăa, jâaime bien dans la musique et le cinĂ©ma, quand tout se passe dans un univers pesant, mais quâil y a de la lĂ©gĂšretĂ© dans les rapports entre les gens, lâhumour noir, la musique⊠Walter / Walter Morgan ? DâoĂč vient ce pseudo ? Walter Morgan, câĂ©tait pour rajouter un petit truc pour le projet Petits Meurtres entre amis. Câest une façon de dĂ©cliner son identitĂ©. MĂȘme si Walter reste le nom qui revient en gĂ©nĂ©ral. Ă lâĂ©poque oĂč il y a eu Petits Meurtres, je regardais beaucoup Dexter. Jâaimais bien commentle scĂ©nario Ă©tait foutu. Du coup rajouter Morgan, câĂ©tait un dĂ©lire. Sur la pochette, je suis avec un couteau, il y avait tout un dĂ©lire de serial killer, jâaimais bien la psychologie de cette sĂ©rie. Les rappeurs, ont souvent des surnoms. Ghostface Killah, du Wu Tang aka Tony Starks. Il y a des mecs qui ont leur nom et ils se dĂ©clinent sur plusieurs façons. Walter Morgan, ça correspond Ă cette pĂ©riode. Aujourdâhui, je nâai plus rien Ă faire avec ce nom, je trouve ça vraiment pourri. Le blaze Walter fait Ă©cho Ă plusieurs choses, le poids Welter (ndlr : catĂ©gorie de poids en boxe) et aussi le cĂŽtĂ© un peu british, Roger Moore mâa beaucoup inspirĂ©. Beaucoup de personnages de films
sâappellent Walter, comme le pote du Dude dans The Big Lebowski. Câest une identitĂ© qui est en perpĂ©tuelle Ă©volution. Je comprends mieux pourquoi Walter aujourdâhui, plutĂŽt quâĂ lâĂ©poque oĂč jâai dĂ©cidĂ© de prendre ce nom. Tu as organisĂ© le concert Prends Ta Beigne, est-ce que câest quelque chose qui tâa plu ? Tu aimerais organiser des scĂšnes ? Jâaimerais bien refaire des concerts. Ce concert-lĂ , je lâai organisĂ© parce que je nâavais pas fait beaucoup de concerts cette annĂ©e. Je voulais faire un bon concert avec OlâKameez. Jâai eu un plan pour faire une date lĂ -bas. Je voyais quâil y a avait eu des concerts de PBM, Exodarap, Ă notre Tour y Ă©tait passĂ© aussi. Cet endroit est une bonne salle. Du coup, jâai ramenĂ© Hugo DĂ©lire, BPM, Fixpen Sill, le 5 Majeur, Orus etc. Je voulais rassembler un petit groupe de gens dont je me sens proche humainement et artistiquement et crĂ©er une sorte dâĂ©nergie. Je leur ai proposĂ© et ils ont tous acceptĂ© naturellement. Hugo DĂ©lire, ça fait pas mal de temps que je le croise Ă des concerts vers chez moi. Bien avant quâil fasse sa premiĂšre vidĂ©o, je lâavais dĂ©jĂ captĂ©. Jâai vraiment voulu rester entre potes mais des potes qui poussent ça assez haut. JâespĂšre quâil y aura dâautres Ă©vĂ©nements, peut-ĂȘtre avec des gens que je connais moins. Pourquoi pas faire dâautres plateaux ? Tu as Ă©tĂ© le seul invitĂ© sur la GrĂŒnt du 5
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interview. Majeur, tu te sens proche dâeux ? CâĂ©tait un peu du hasard, Ă la base, je ne devais pas poser. KĂ©rouĂ© a Ă©tĂ© un des premiers que jâai rencontrĂ© avec Nek. Je me sens proche du 5 Majeur dans le sens oĂč je soutiens. Je suis content de voir des mecs comme ça diffuser leurs sons, avoir un public, se dĂ©fendre vraiment bien. On sâinscrit un peu dans la mĂȘme gĂ©nĂ©ration. Donc on sâobserve un peu, on se soutient, on se pousse les uns et les autres. On se critique aussi. On est dans un Ă©change, un maximum de clartĂ© dans la façon dont on voit la musique. Certains disent que 22h-6h est un album clĂ© pour la nouvelle gĂ©nĂ©ration de MC qui Ă©mergent. Quâen penses-tu ? Je nâen pense rien. Je suis content du projet et des gens qui posent dessus. Vraiment, je trouve quâil se passe plein de choses en parallĂšle dans le rap. Beaucoup de choses se font, beaucoup dâunivers se crĂ©ent. Je nâai pas trop dâavis ni de recul sur la place de ce projet-lĂ par rapport Ă une gĂ©nĂ©ration. Câest un dĂ©lire quâon a fait, qui a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© et qui a abouti. On verra par la suite ce que ça donne. Vous gardez contact ? La plupart. Chacun fait sa vie et essaie de faire ses trucs. Chacun est dans la recherche dâĂ©quilibre et mĂšne au mieux ses projets. Mais on reste en contact, on se croise. On se voit au concert des uns, aux clips des autres. Il y a des feats que tu aimerais vraiment faire ? Je nâen ai pas. Je ne vais pas dĂ©marcher les gens pour aller faire des feats. Je prends les choses comme elles viennent. DĂ©jĂ , faire des morceaux dont je suis content et fier avec des gens que jâestime, câest important. Donc le dĂ©lire de faire des feats avec des gens que je ne connais pas, ce nâest pas vraiment dans ma logique. Si un jour, il y a un rappeur que jâapprĂ©cie, quâil y a un rapprochement, pourquoi pas ? Mais la plupart des gens avec qui jâai fait des sons, câest soit des gens que jâai rencontrĂ© en concert, des gens avec qui jâai passĂ© du temps ou des proches. Moi, mes feats rĂȘvĂ©s, câest Orus, câest Zoonard, câest Skyle, Hugo DĂ©lire etc. Jâaime faire du son avec ces gens-lĂ . Comment tu fonctionnes avec les prods ? Quelles sont tes sonoritĂ©s de prĂ©dilection ? Je cherche encore. Je suis sensible aux
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instrus dâun mec comme DJ Muggs, le Dj de Cypress Hill. Câest assez large, je ne suis pas fermĂ© au niveau des instrus. Jâaime bien les instrus un peu planante, comme Cannibal Ox. Câest un peu spatial, chimique, mais ça reste dans un dĂ©lire boom bap, au niveau des rythmiques, ça tape bien. Les beatmakers avec qui jâai envie dâexplorer des trucs en ce moment sont Dooze et Goomar. On est assez proche au niveau de leur capacitĂ© Ă sampler, leur rythmique, ça frappe bien, câest assez pĂȘchu et marquant. Jâaime bien les instrus chargĂ©es, quand elles ont de la vie. Je nâai rien contre le minimalisme, mais quand une instru est smooth, il faut que la rythmique soit percutante. Quand câest trop lĂ©ger, je trouve ça un peu mou. AprĂšs câest au rappeur de faire vivre la prodâ aussi. Jâaime beaucoup le sample. Sinon un beatmaker que jâaime beaucoup en ce moment, câest James Lega. Quâaimes-tu explorer au niveau des univers ? Je nâai pas envie de me cantonner Ă un type de rap. Jâaime bien le dĂ©lire de faire un album, et sur le suivant, tu gardes des choses de ton univers, et tu rajoutes des Ă©lĂ©ments. Tu transformes ta musique tout en restant fidĂšle Ă ce que tu aimes. Il y a des gens qui aiment bien possĂ©der lâartiste. Câest Ă dire quâil va faire un album et sâil change au deuxiĂšme, les gens vont le traiter de vendu ou de fou. Alors que pas forcĂ©ment, lâartiste a juste voulu faire un truc qui le motivait plus parce quâil a beaucoup donnĂ© dans un style par exemple. Je pense quâil y a beaucoup dâauditeurs qui sont prĂȘts Ă suivre un rappeur, Ă le voir explorer plein de choses. Pour le moment, câest assez classique ce que je fais, câest du sample, des grosses basses, des grosses rythmiques. AprĂšs on verra, lĂ je commence un peu Ă ralentir les BPM. Pour finir, tu peux nous donner tes rappeurs favoris ? Il faudrait faire un top 5 français et un ricain. Câest trop difficile de choisir. Je ne voudrais pas oublier des gros classiques. En France : Lino, Casey, Saian Supa Crew et Booba. Jâai beaucoup Ă©coutĂ© Akhenaton, mĂȘme IAM en gĂ©nĂ©ral, mais lĂ jâai dĂ©crochĂ©. En US, le Wu Tang, Nas, Mobb Deep, Boot Camp Click, Fugees, Cypress Hill. En ce moment je suis sensible Ă des groupes comme The Underachievers et Doppelgangaz. Jâaime beaucoup la scĂšne anglaise aussi, un mec comme Jeasht. âą Tous propos recueillis par Mandarine.
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concerts. CABADZI x Kiosquora
ma.
Kiosquorama câest lâhistoire dâun festival qui a pris lâutopie pour rĂ©alitĂ©. Qui a ramenĂ© la musique aux pavĂ©s. Qui a transformĂ© les artistes en saltimbanques des rues. Le temps de cette fin dâĂ©tĂ©, le festival sâattaque aux squares parisiens. Hier, câĂ©tait au tour du kiosque du Commerce de sâhabiller de couleur et de redonner un peu plus de vie Ă lâinstant. Cabadzi est venu y battre le pavĂ©. Fin dâaprĂšs-midi, oĂč le temps semble hĂ©siter Ă tendre Ă lâorageux. Les premiĂšres notes sont tragiques. Retour dâune armĂ©e en campagne. Le ciel est couvert et les cuivres lâappellent Ă nous tomber sur la tĂȘte. Un violoncelle strident et un beatbox tĂ©nĂ©breux. Cabadzi sâempare du lieu et en quelques notes, dresse son tableau. Peinture amĂšre dâune sociĂ©tĂ© indigeste. Le ton est glacial et sans appel. Le public sombre dĂ©jĂ dans lâatmosphĂšre. La musique a sa force, a son poids. LĂ , oĂč rien nâa encore Ă©tĂ© dit, tout est clair. Tout est noirceur. Mais, attention dâune belle noirceur. Celle qui fait que la plume est une arme, que lâencre tache et que Cabadzi ose un retour de bĂąton au maire du XV, pas trĂšs Ă gauche, ça va de soi.
verrait lĂ ? Serait-ce un conte ? Serait-ce un plaidoyer ? Tranchant et envoĂ»tant. Mais jamais, au grand jamais, le groupe nous perd dans les mĂ©andres dâune chanson dite engagĂ©e. Lâoreille reste suspendue et le corps en est dĂ©stabilisĂ©. Pas sĂ»r que sur le retour, les Ăąmes qui faisaient lâassistance emprunteront les mĂȘmes chemins. Et derriĂšre, la musique emporte et sâenvole. Aux sons des mĂ©lodies empruntĂ©es Ă des contrĂ©es Ă©loignĂ©es, le beatbox est franc, le violoncelle terriblement pesant. Et quand, les cuivres sâinvitent, trompette et tuba nous amĂšnent Ă pleurer le temps oĂč la musique avait encore un sens. Car, lĂ oĂč Kiosquorama nous amĂšne Ă penser que ces lieux ont eu une autre vie, une belle vie. Cabadzi nous amĂšne Ă penser que lâart devrait se risquer un peu plus aux sillons de lâindignation. âą Juliette Durand.
A son entrĂ©e sur scĂšne, le flow de Lulu ne fait quâenfoncer la lame. Câest dâune mitraillette que les mots sortent. Ils sâaniment de virulence. RĂ©sonance insolente. Lâhomme sâempare du kiosque et lâhabille de son jeu. Lulu sâanime et les mots ont une vie. Pantin ivre qui vomit des vers des plus percutants. Guerrier possĂ©dĂ© mais droit, il offre une poĂ©sie crue et riche de rĂ©fĂ©rences. Serait-ce un Desproges quâon entre-
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Le rap français et lâAsie. LE rAP FrAnçAIS ET LâASIE.
HISTOIrE Du LEVAnT.
DĂ©fini le plus souvent comme un art de rue, local et fier de lâĂȘtre, le rap français sâinspire nĂ©anmoins de diffĂ©rents horizons. Entre les influences du grand-frĂšre amĂ©ricain, les origines africaines et maghrĂ©bines de nombreux emcees, ou sud-amĂ©ricaines de Keny Arkana ou rocca, lâart de la rime de lâhexagone a su aussi puiser plus loin, Ă lâextrĂ©mitĂ© Est de la mappemonde. On retrouve en effet frĂ©quemment dans le rap des rĂ©fĂ©rences ou des inspirations claires puisĂ©es dans le folklore musical et historique du cotĂ© Pacifique de lâAsie. Ăvocation du Japon mĂ©diĂ©val, des samouraĂŻs, des arts martiaux ou de lĂ©gendes, mĂ©taphores de la condition du MC face Ă ses rivaux, de lâindividu face Ă son environnement ou histoires anecdotiques qui ne trouvent pas le chemin de nos mĂ©dias ; le rappeur orientaliste se fait relais dâun monde lointain et inconnu, quitte Ă passer par des clichĂ©s et du sentimentalisme.
Deux story-tellings sont prĂ©sents parmi les morceaux choisis. Tous deux trĂšs diffĂ©rents dans la forme et le fond, ils se rejoignent nĂ©anmoins sur certains points. La petite marchande de porte-clefs dâOrelsan, son piano sautillant et son refrain mignon, raconte une histoire dramatique dâun nouveau-nĂ© chinois qui sâavĂšre ĂȘtre une fille. Son pĂšre, la considĂ©rant comme inutile, la vend et elle se retrouve Ă vendre des porte-clefs au MC sur les quais du mĂ©tro parisien. Orelsan use un ton dĂ©tachĂ© alors quâil raconte les mĂ©saventures de la jeune chinoise, qui ferait passer Cosette pour une jeune fille sans histoire. Le dĂ©calage crĂ©Ă© devient ainsi dĂ©rangeant et nous fait nous questionner sur les vraies intentions de lâartiste. Le lointain est alors prĂ©texte Ă lâanecdote dramatique, invĂ©rifiable mais plausible, puisque le conteur prĂ©tend en plus avoir rencontrĂ© le protagoniste de son histoire. Orelsan illustre dans son texte la duretĂ©
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dossier.
du rĂ©gime chinois, la mondialisation et ses effets nĂ©fastes, la condition dâenfant-esclave et la mĂ©connaissance du sujet, voire son ignorance volontaire de la part du citoyen occidental.
CErISIErS,
KunAĂŻS ET BEATS FĂ©rOCES.
En face, MĂ©dine et son morceau Sou-Han. A lâopposĂ© de son homologue normand, le barbu du Havre dĂ©chaine sa voix rocailleuse pour adopter le ton du drame racontĂ©. Sou-han voit son pĂšre mourir Ă la guerre du ViĂȘt-Nam, tuĂ© par lâarmĂ©e amĂ©ricaine. Elle dĂ©cide alors de commettre un attentat suicide dans un bar, acte aussi vide de sens que cette guerre. Sur une instru thĂ©Ăątrale et avec les qualitĂ©s de MĂ©dine dans ce domaine, on est plongĂ© directement au cĆur de lâaction et nous pousse Ă lâempathie envers cette histoire. Si MĂ©dine utilise lâHistoire, câest surtout pour illustrer lâopposition entre Orient et Occident Ă travers la guerre. Il dĂ©montre ainsi que malgrĂ© les diffĂ©rences culturelles qui peuvent conduire Ă la guerre, la nature humaine ne change pas. La haine appelle la haine, la vengeance veut combattre lâinjustice. Le tout soutenu par des cuivres et des cordes, pas forcĂ©ment grandiloquents mais accompagnant parfaitement la voix, lâintensitĂ© du morceau et lâimplication du
emcee conteur nous immergent complĂštement dans lâhistoire. Mais dans les deux cas, on se retrouve en prĂ©sence dâun environnement difficile, cruel, violent. Un orient vu sous lâangle du mĂ©dia, qui nâen parle que pour Ă©voquer des nouvelles dramatiques, pointant ainsi peut ĂȘtre la mĂ©connaissance de cette rĂ©gion et surtout son traitement par lâOccident. Ce basculement du point de vue Ă travers le protagoniste nâest alors quâun prĂ©texte, utilisĂ© pour provoquer lâempathie et la sympathie, de plus par des histoires invĂ©rifiables du fait quâelles soient passĂ©es ou lointaines. Des histoires de lâOrient certes, mais montĂ©es par et pour des Occidentaux.A lâopposĂ©, on trouve IAM et son titre BenkeĂŻ et Minamoto, reprenant une lĂ©gende japonaise dâun samouraĂŻ et un moine guerrier, renĂ©gats combattant lâempereur ensemble. Ici, les artistes reprennent un mythe cĂ©lĂšbre du folklore japonais et le dĂ©tournent pour sâidentifier aux personnages. Les emcees deviennent donc des guerriers, armĂ©s de leur micro, dĂ©bitant les oreilles des auditeurs en morceaux grĂące au tranchant de leur verve. Surtout, ils illustrent leurs rapports, revenant sur un parcours de 20 ans de rap, oĂč Akhenaton et Shurikân ont toujours su bra-
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ver le rap et mettre Ă lâĂ©preuve les codes Ă©tablis, formant un des duos vocal les plus cĂ©lĂšbres du rap français. Dans cet Ă©tat dâesprit, on retrouve nombre de tracks, de diffĂ©rents rappeurs et Ă©poques. Iam reste nĂ©anmoins le groupe le plus prolifique en la matiĂšre, avec des titres tels que LâĂ©cole du micro dâargent, Le style de lâhomme libre ou encore Un bon son brut pour les truands. Ces titres font la part belle aux arts martiaux, qui sont alors assimilĂ©s Ă lâart du emceing. Le crew devient un clan Shaolin, qui possĂšde ses propres techniques, supĂ©rieures aux autres. Le vocabulaire empruntĂ© aux arts martiaux ainsi quâĂ la culture martiale sont lĂ©gions, faisant autoritĂ© et renforçant ainsi la force de ces textes teintĂ©s dâegotrip. Le rappeur girondin Fayçal fait la mĂȘme chose sur Ninjutsu, reprenant le vocabulaire consacrĂ© pour lâadapter Ă son art. On est ici en prĂ©sence de morceaux utilisant les histoires de lâOrient pour parler du rap lui-mĂȘme et donner une image du rap comme un art. Si Lao-Tseu disait Parole parĂ©e nâest pas sincĂšre, les emcees assument totalement le cotĂ© dĂ©calĂ© de leur dĂ©marche et on est pris par les rythmes et les ambiances servies, qui accentuent le caractĂšre exotique tout en assurant lâimmersion. Shurikân en solo prouve quâil mĂ©rite son pseudonyme sur SamouraĂŻ, oĂč le code du bushido est adaptĂ© Ă la vie quotidienne du rappeur et les valeurs dâhonneur et de combativitĂ© propre aux soldats nippons devient un manuel de survie dans nos sociĂ©tĂ©s modernes. Freeman quant Ă lui, sâidentifie au personnage de Crying Freeman dans Fils du dragon, exaltant lĂ aussi lâesprit guerrier en lâadaptant au quotidien. Le emcee devient le tueur et le personnage prend la forme du rappeur, devenant ainsi figure dâautoritĂ©. Lucio Bukowski reste dans cette optique sur La lĂ©gende du grand Judo, puisquâil se prĂ©tend directement Ă©lĂšve de Jigoro Kano, soit lâhĂ©ritier de lâinventeur du judo, dont le portrait est censĂ© figurer dans tous les dojos, au-dessus du maĂźtre, et ĂȘtre saluĂ© par tous les apprentis. Hugo Boss baisse la tĂȘte lui aussi devant le portrait de lâautoritĂ© quâest celui du PrĂ©sident de la RĂ©publique dans un tribunal. Dans Dojo,
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lâartiste transforme son environnement en aire de combat. Les trottoirs sont des tatamis, la dĂ©brouille un art martial et la maitrise du de-ashi-barai le sort de situations pĂ©rilleuses. Le tout dans un vocabulaire prĂ©cis et maitrisĂ©, qui ne laisse aucun doute sur les capacitĂ©s du rappeur Ă se dĂ©fendre Ă grands renforts de fauchage et dâimmobilisations. Ces exemples permettent de mettre en valeur la rĂ©cupĂ©ration de lâimagerie orientale dans lâĂ©criture europĂ©enne. Elle se fait par des clichĂ©s et du folklore tout en Ă©vitant de basculer dans une idĂ©alisation naĂŻve ou lâexotisme basique. Le tout grĂące au vocabulaire employĂ© et aux instrumentaux puisĂ©s dans la musique traditionnelle orientale (sur Le style de lâhomme libre dâIAM ou Univers parallĂšles dâImhotep par exemple). Enfin, on peut Ă©voquer dâautres exemples, trĂšs diffĂ©rents, qui se rejoignent sur un point prĂ©cis qui est celui de lâĂ©change direct. Deux rappeurs notoires descendent dâorigines asiatiques et ont deux façons dâaborder la chose. Le premier, Ethor Skull du collectif Lâanimalerie, met ses origines chinoises en avant dans des Ă©gotrips, prĂŽnant que sa diffĂ©rence est une marque de qualitĂ© et dâexotisme assurĂ©. Le clou est atteint sur Chintok Vs Rital sur le second album dâAnton Serra, oĂč les rappeurs jouent des clichĂ©s de leurs origines ethniques pour se dĂ©finir. Ethor Skull se rĂ©pand comme une fiĂšvre jaune et cynique. Hugo Boss du TSr Crew, dâorigine francojaponaise, Ă©voque peu son mĂ©tissage en tant que tel mais plutĂŽt ses consĂ©quences. Le racisme devient chez Hugo un thĂšme majeur, revenant Ă un sujet majeur du rap. Dans ces deux cas, les origines orientales des artistes deviennent un fer de lance, une part entiĂšre de lâidentitĂ© artistique, Ă laquelle le public peut difficilement sâidentifier, mais qui permet par contre de marquer lâunicitĂ© du MC. Dâautres rappeurs jouent aussi les indigĂšnes, mais cette fois-ci en sâexportant directement lĂ bas. La destination principale est la ThaĂŻlande, avec des visions diffĂ©rentes. Anton Serra se promĂšne dans les marchĂ©s de Bangkok et les plages de la mer de Chine sur ses FreesthaĂŻ. Nous faisant partager simplement ses vacances lĂ -bas, son escapade touristique devient prĂ©-
dossier. texte Ă des images et des phrasĂ©s aux couleurs locales. Serra tourne en fait un clip en ThaĂŻlande comme il lâaurait tournĂ© chez lui, perdu dans les rues des quartiers populaires et se mĂȘlant Ă la population dans un Ă©tat dâesprit de sympathie et dâamusement propre au Gavroche lyonnais. Non loin, Booba et Chris Macari sur Maitre Yoda filment les criques thaĂŻlandaises par hĂ©licoptĂšre, mettant en avant les paysages idylliques mais aussi les rues plus malfamĂ©es, Ă lâimage, sulfureuse, du Garcimore des Hauts-de-Seine. Le game devient global, de Phuket au Massachusetts, tirant de la ThaĂŻlande des ambiances de fĂȘte et de violence. Enfin, le dernier mais non des moindres, Seth Gueko et ses titres Farang Seth et Patong City gang, dans lequel les clichĂ©s thaĂŻlandais sont assumĂ©s. Entre massage, prostitution et plage, le Poelverdinho, installĂ© Ă Phuket depuis quelques temps, profite largement des plaisirs disponibles sur place et sâen vante sans complexe. Son rĂ©cit de ses aventures, dans lequel il raconte que sa position dâeuropĂ©en lui facilite beaucoup de choses, est direct et sans concession. Il reste dans son personnage, dont les traits sont exacerbĂ©s par lâabsence ou presque de barriĂšres. Ces clips rejoignent encore cette
vision de lâOrient sous lâangle de lâexotisme et du fantasme, avec Anton Serra qui sâamuse de tout et sâĂ©loigne de sa zone, Booba exhibant ses pectoraux sur des plages paradisiaques et Seth Gueko se perdant dans les plaisirs de la chair. En conclusion, on peut voir que le thĂšme de lâOrient dans le rap est mentionnĂ© la plupart du temps par des clichĂ©s, aussi bien par les arts martiaux et les fantasmes guerriers que le tourisme sexuel et le quotidien de la campagne chinoise. Ces clichĂ©s dĂ©coulent en fait dâune instrumentalisation du thĂšme Ă des fins rhĂ©toriques, parlant du lointain et dâimages populaires, pour mieux capter lâauditeur et laisser lâexotisme faire son effet. Pas dĂ©paysant pour autant, lâorientalisme du rap français est Ă son image : divers et variĂ©, produit de sensibilitĂ©s diffĂ©rentes et finalement toujours accrochĂ© Ă lâesprit local qui le caractĂ©rise. âą JibĂ©.
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PUMPKIN. Câest lâhistoire dâun petit sac en tissu. Dedans, des papiers sur lesquels des punchlines ou dâautres Ă©crits sur le rap, sont inscrits. Et puis, il y a la main de Pumpkin qui va piocher Ă lâintĂ©rieur. Quinze minutes Ă disserter sur ce que les autres ont dit ou fait du rap. Câest Pumkpin dans « Pioche ta Punchline ». 22
Pioche ta
interview.
punchline.
â Maintenant les MCs veulent tous parler dâla mĂȘme chose, mais ils font pas baigner leurs textes dans la mĂȘme sauce.â - Don Choa dans Art de Rue. Pumpkin: «Ouais, putain câest vieux ça ! Moi, Ă Marseille, mon groupe prĂ©fĂ©rĂ© câest IAM, mĂȘme plus AKH en solo. La FF, Ă cette Ă©poque lĂ , ce que jâaimais bien, câĂ©tait lâĂ©nergie, mais je nâai jamais vraiment, au delĂ des morceaux passĂ©s en radio, accrochĂ© Ă ce groupe. AprĂšs, la punchline en elle-mĂȘme, câest une thĂ©matique rĂ©currente de lâĂ©gotrip. Câest un peu dire « Toi ce que tu fais, câest pas bien et toi câest bien » et les « MCs ceci et les MCs celà » et ça, ça mâagace un peu dans le rap, parce quâen gĂ©nĂ©ral ça ne vole pas trĂšs haut et puis tu as toujours du mal Ă savoir de qui ils parlent. Sans dĂ©finir, câest un peu vague et câest un peu facile. AprĂšs, on prend une phrase, peut-ĂȘtre sortie de son contexte. Une phrase sans contexte, câest un peu comme en interview dâailleurs, on te fait dire des choses que tu nâas pas dit. »
âJe ne suis pas une rappeuse mais une contestataire qui fait du rap.â - Keny Arkana dans Le missile suit sa lancĂ©e. Pumpkin: « Ăa ne mâĂ©tonne pas. Que dire lĂ dessus ? Câest vrai que Keny Arkana câest une
fille trĂšs engagĂ©e. Il se trouve quâelle a choisi le rap comme moyen dâexpression, mais je pense quâavant tout, elle a un engagement politique et social quâelle dĂ©fend. Mais, en fait, moi jâai t oujours un peu de mal quand le rap est engagĂ©. Jâai du mal Ă dissocier lâartistique du message. Parfois, il y a des choses trĂšs bien qui sont dites mais je ne suis pas sensible à ça, Ă son rap. Il faut que jâarrive Ă accrocher Ă lâartistique, aux beats, Ă la production, la maniĂšre de poser, lâattitude autant que sur le message. Pour ce qui est des femmes qui font du rap, que te dire Ă part quâon mâen parle en permanence ? Je suis trĂšs tranquille avec ça. Je ne me suis jamais posĂ©e la question. Jâai eu envie de faire du rap alors jâai fait du rap. AprĂšs je trouve quâon nâest pas assez nombreuse. Ce qui me plairait câest que des filles plus jeunes me disent que je leur ai donnĂ© envie de faire du rap. Car le fait dâavoir un modĂšle du mĂȘme sexe permet de sâidentifier plus. A lâĂ©poque, je mâidentifiais Ă Melaaz qui faisait partie du mĂȘme crew que Mc Solaar . Ce genre de rap câest ce que jâĂ©coutais au dĂ©but, les Sages Po aussi. AprĂšs, il y a eu dâautres meufs, Diamâs par exemple. Dâailleurs on est de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration, de la mĂȘme annĂ©e, mais il se trouve quâelle a trĂšs vite Ă©tĂ© trĂšs douĂ©e. Pour moi câest une des meilleurs rappeuses, mĂȘme si Ă un moment donnĂ©, elle a fait des choix artistiques qui
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ne me parlent plus. Aujourdâhui, il y a dâautres nouvelles gĂ©nĂ©rations qui arrivent, mais jâaimerais quâil y en ait plus. Plus de gens en gĂ©nĂ©ral qui sâexpriment comme ils sont, pas de rentrer dans les codes du rap. Ce qui revient souvent, câest quâon me dit « Tu rappes mais pas comme un garçon.» Câest vrai quâil y a des filles qui ont la rage comme Keny Arkana et qui vont venir avec un style trĂšs hargneux. Casey, je trouve ça diffĂ©rent, elle est comme ça. Câest son genre, elle nâa pas crĂ©Ă© un personnage. Quand tu la vois sur scĂšne, tu sais que câest elle. Ăa se sent, ça transpire ce quâelle est. Moi ce qui me chagrine, ce sont les filles ou mĂȘme les garçons, qui vont ĂȘtre assez complexĂ©s finalement et qui ne vont pas oser exprimer leur personne Ă travers le rap. Parce quâavec le rap, on a tendance Ă sâenfermer dans des codes, des tendances, des maniĂšres. En France en tout cas câest comme ça, car souvent dans dâautres pays les gens sont beaucoup plus Ă lâaise pour sâapproprier le rap. On a lâimpression quâon a pas le droit dâĂȘtre multiple. Moi dans la vie, parfois je suis triste, parfois je suis heureuse, parfois je dis des conneries, des fois je suis fĂ©minine, dâautres fois je suis plus en mode « je vous emmerde » et pour moi, on doit ĂȘtre capable dâĂȘtre comme ça aussi dans sa musique. Je trouve dommage de faire une chanson sur le ton de lâhumour et de suite se sentir obligĂ© de ne faire que ça. Ou faire un morceau qui marche, avec un refrain qui bouge, qui touche un public large et puis avoir peur de perdre la base et sa crĂ©dibilitĂ© rap. Moi ça me fait chier, mĂȘme sâil faut que ça soit cohĂ©rent, il faut quâon soit libre. On doit ĂȘtre capable dâĂȘtre complexe. »
âCar le rap dâun point de vue musical est assez limitĂ©, il nây a pas lĂ de quoi bouleverser le monde de la musique.â LJ Calvet dans Les voix de la Ville. Pumpkin: « Ăa câest de la connerie. Câest quelquâun qui nây connaĂźt pas grand chose. Mais quelque part, il nâa pas tort, car il y a des gens qui font de la merde et qui ne font pas de la musique. Ce nâest pas intĂ©ressant dâun point de vue musical, mais des fois ce nâest pas intĂ©ressant dâun point de vue Ă©criture. Il y a de la merde mais câest comme dans tous les styles musicaux. Mais aprĂšs le mec nâa pas creusĂ©, car il y a plein de trucs vachement bien. Tu vois, ça, ça ne mĂ©rite mĂȘme pas quâon sây attarde ! »
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âCâest pas le rap qui Ă©tait mieux avant, mais les rappeurs.â - Ladea dans Sueur. Nerfs. Courage. Force. Pumpkin: « [rire] Alors câest Ladea qui fait partie, selon moi, de la nouvelle gĂ©nĂ©ration. Je ne veux pas pĂ©ter plus haut que mon cul, mais il y a plein de gens qui connaissent Ladea mais qui ne connaissent pas Pumpkin. Alors que jâai sĂ»rement plus de dix ans de plus quâelle. Il y a des gens qui apprennent que jâexiste en mĂȘme temps quâelle alors quâon est pas de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration. Mais ce sont les parcours qui font ça. Je connais aussi Pandâor et je trouve que câest vraiment une meuf super chouette. Elles ont fait des choses ensembles, elles ont Ă peu prĂšs le mĂȘme Ăąge. Câest une fille entiĂšre, elle a plein de choses Ă faire et Ă dire. Pour ce qui est de la punchline en elle-mĂȘme, je ne suis pas dâaccord. Je ne pense pas que les gens soient diffĂ©rents. Elle rebondit sur lâexpression « le rap câĂ©tait mieux avant » et se lâapproprie comme plein de rappeurs. Ma version Ă moi, qui est aussi la version de plein de gens autour de moi, câest « le rap câest mieux quand câest bien ». Tout simplement. Pour ce qui est du rap dâavant, câest avec Mc Solaar que jâai dĂ©couvert le rap. JâĂ©tais sensible Ă lâĂ©criture avant dâĂ©couter du rap. Câest avec Solaar que jâai creusĂ© et que jâai compris ce quâĂ©tait ce mouvement et tout ce qui existait autour de ça. JâĂ©tais dans un petit bled Ă cĂŽtĂ© de Brest, il nây avait pas internet Ă lâĂ©poque, en plus câest une rĂ©gion qui est rock. Il faut remettre les choses dans son contexte, jâai mis beaucoup de temps avant dâĂ©couter du rap, du rap amĂ©ricain, que jâaille plus loin que Solaar. Aujourdâhui jâĂ©coute plus de rap international que de rap français. Mais tu vois tout ce rap quâon dit intellectuel, poĂ©tique, jazzy, quâon critique souvent, câĂ©tait ça que jâaimais. Jâai appris le rap toute seule dans ma chambre. Un jour, jâai rencontrĂ© une fille qui avait les mĂȘmes goĂ»ts que moi, et comme certains un jour se sont dit « Ouais on va sâacheter une guitare et une batterie, et on va faire du rock » nous on a fait la mĂȘme chose,mais on a dit « on va faire un groupe de rap ». Ăa a commencĂ© comme ça, en rigolant, on avait seize ans. On nâavait que deux instrus, car câĂ©tait difficile, on avait personne autour de nous. Enfin câest pas difficile, ça fait partie de lâapprentissage, de la construction. On allait au magasin et on cherchait comme des ouf les ma-
interview.
crĂ©dit photo: Anthony Gueguen. xis avec les Face B. On louait une salle de rĂ©petâ, on passait cinq heures sur le mĂȘme truc, Ă Ă©crire des merdes, Ă enregistrer des freestyles. CâĂ©tait tellement des bons moments. On se faisait chier Ă Brest alors on sâamusait comme ça. »
âJâaime, je respecte les artistes que je sample, obsĂ©dĂ© par la destinĂ©e du vinyle alors fuck les cds.â - AKH dans Face B. Pumpkin: « Je lâai dit tout Ă lâheure, AKH câest un super artiste. Câest un mec que jâaime beaucoup et on vient juste de nous confirmer que dans un mois, on va faire la premiĂšre partie dâIAM. Peut ĂȘtre que je vais le rencontrer, et je vais me sentir comme les jeunes filles devant un beau mec ⊠enfin bref ! [rires] On fait du rap alors on a besoin de dire des choses qui choquent un peu pour faire rĂ©agir les gens, mais en rĂ©alitĂ© « fuck le cd » non, il en vend plein ! Mais oui, le vinyle avant tout, nous câest pareil ! Avec VinâS, qui mâaccompagne sur scĂšne on a crĂ©Ă© notre association Mentalow Music, câest pas vraiment un label, mais on fonctionne pareil. On sort nous mĂȘme nos projets et dĂšs quâon peut, on les sort en vinyle car pour nous câest le must. Avoir un projet en vinyle, pouvoir lâĂ©couter, le sortir de sa pochette,
câest gĂ©nial. AprĂšs pour que tout le monde puisse y avoir accĂšs, on fait du cd et du vinyle. Il faut juste ĂȘtre suffisamment lucide et rĂ©aliste sur les choix que tu fais. On ne vend pas Ă©normĂ©ment pour le moment. Quand on fait un cd, on fait des sĂ©ries de 300 vinyles, parce quâĂ partir de lĂ , tu rentres Ă peu prĂšs dans tes frais. Câest un public diffĂ©rent que le public cd, câest complĂ©mentaire. Quand on sort des projets un peu plus pointus, par exemple VinâS a fait un projet instrumental, qui parle Ă une toute petite niche, quelques mecs qui adorent ça et qui achĂštent plutĂŽt des vinyles. Câest juste savoir Ă chaque fois qui sera le public. Et puis le vinyle câest cool, ça revient en force ! » âą Tous propos recueillis par Juliette Durand.
« Ce qui revient souvent, câest quâon me dit: â Tu rappes, mais pas comme un garçon â. » 25
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chronique. Lomepal x Cette Foutue Perle. AprĂšs sa collaboration rĂ©ussie avec Caballero et Hologram Loâ sur le projet Le singe fume sa cigarette sorti en octobre dernier, Lomepal remet ça un an aprĂšs avec un nouveau projet solo intitulĂ© Cette foutue perle produit par le beatmaker niortais Meyso. Le rappeur de Paris Sud nous propose donc un EP de 8 titres pour la premiĂšre fois disponible en format physique. AprĂšs un teasing savamment orchestrĂ© sur les rĂ©seaux sociaux par ses potes de lâEntourage, on Ă©tait pressĂ© de voir ce qui se cachait derriĂšre la grosse perle bleue de la jaquette du CD. Et autant le dire tout de suite, on nâa pas Ă©tĂ© déçu. DĂšs lâintro du projet, Roule, Lomepal annonce la couleur du disque avec un titre planant qui est une invitation au voyage solitaire, ou plutĂŽt Ă la fuite, oĂč le rappeur nous invite à « perdre le fil sereinement » et Ă lâaccompagner Ă la recherche de « cette foutue perle rare ». Le beat aĂ©rien de Meyso et le clip en noir et blanc renforce cette idĂ©e dâabandon pour nous permettre de rentrer en douceur dans lâunivers du MC. Cet univers justement sâarticule autour de deux thĂšmes principaux : la solitude et les nuits alcoolisĂ©es passĂ©es Ă trainer dans Paris avec ses potes. Sa solitude justement, le MC de Paris Sud lâaborde dans Je sors pas, oĂč Lomepal explique que sâil reste enfermĂ© Ă gratter des textes, câest pour Ă©viter les vices de la ville et du monde lâextĂ©rieur « Si jâreste Ă faire des couplets chauds / Câest quâc'est la merde quand jâouvre les volets ». Le titre Ă©ponyme de lâalbum, Cette foutue perle, reprend le mĂȘme thĂšme et son refrain efficace met en avant la dĂ©termination du rappeur « Ăa fait des annĂ©es quâj'gratte, Coquillage et son beat lent et hypnotisant parachĂšve cette ode Ă la solitude et cette irrĂ©sistible aspiration Ă la fuite et jâcompte pas stagner,
frĂšre / Tous les plus tarĂ©s mâtraquent, mais chaque jour jâaccĂ©lĂšre ». « JârĂȘve et mâlaisse embobiner Ă chaque nouveau rivage / Mon rĂȘve finit dans une Ă©norme villa /Avec un cohiba, une orange de Floride et du cognac⊠». En parallĂšle, Lomepal nous fait dĂ©couvrir un autre univers, certes toujours nocturne, mais radicalement diffĂ©rent : celui des nuits passĂ©es Ă dĂ©ambuler dans Paris avec quelques potes, celui des bouteilles achetĂ©es chez lâĂ©picier ou « dâun pâtit bar, rempli dâfemmes avec des visages familiers » comme dans A ce soir, collaboration rĂ©ussie avec Jean Jass, LâEssayiste et Vidji. Sur ce titre, le rappeur nous plonge dans son univers en nous racontant sa journĂ©e, ou plutĂŽt sa nuit habituelle « RĂ©veil, 17 :30, la tĂȘte dans lânoir / Câest comme ça depuis ma perte dâemploi, jusquâĂ prĂ©sent ». Le titre CitroĂ«n est dans la mĂȘme veine, Lomepal nous dĂ©crit une virĂ©e nocturne dans Paris et lâon retrouve le parallĂšle avec le voyage Ă la fin de chaque couplet avec lâallusion Ă la fiabilitĂ© des CitroĂ«n: « Ouais, ça roule comme mon ancienne CitroĂ«n BX / Et jâtiendrai lâcoup pour tout / Une CitroĂ«n BX ça roule toujoursâŠÂ». Enfin, Les Battements, morceau phare de lâalbum, fait figure de condensĂ© de tous les thĂšmes de lâEP : Lomepal y Ă©voque sa jeunesse et son quotidien dans Paris Sud, le tout portĂ© par un clip bien rĂ©alisĂ© oĂč lâon retrouve des figures connues telles que Georgio, Alpha Wann ou Hologram Loâ. Avec Cette foutue perle, Lomepal nous livre donc son projet le plus abouti jusquâĂ maintenant ; le MC de Paris Sud met son Ă©criture technique, quasi-mathĂ©matique, au service de ses thĂšmes de prĂ©dilection pour nous entraĂźner dans son univers le temps des 8 titres du disque. A ne pas rater. âą Yoann.
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La Cliqua ConàžŁàžu pour Durer. 28
grands classiques. 1995, pour beaucoup une annĂ©e centrale dans lâĂąge dâor du rap en France. Les structures indĂ©pendantes se dĂ©veloppent tant bien que mal face Ă lâindustrie qui sâempare de ce phĂ©nomĂšne musical, accouchant de productions inĂ©gales, voire douteuses. Le label Arsenal records fait partie de ces comĂštes du systĂšme rap, Ă lâorbite irrĂ©guliĂšre, au passage furtif mais admirable, se heurtant parfois violemment au majors planĂ©taires et disparaissant sans laisser de traces, si ce nâest dans lâimaginaire collectif. Conçu pour durer marque lâentrĂ©e du label dans lâatmosphĂšre terrestre dâune maniĂšre des plus brillantes qui soit. 7 titres, une trentaine de minutes qui font pĂ©nĂ©trer lâauditeur dans une ambiance sourde et sombre, sans pour autant ĂȘtre glauque ni hermĂ©tique. DĂšs lâIntro, le ton est donnĂ©: la musique sera cuivrĂ©e, crade et presque minimaliste (un sample, un beat, une basse), saupoudrĂ© de quelques sonoritĂ©s et scratchs bien sentis. AjoutĂ© Ă cela, des samples de voix de rappeurs New-Yorkais, donnant lâimpression que Chimiste et Lumumba, les beatmakers dâArsenal, sont sortis tout droit dâun stage dâentraĂźnement intensif auprĂšs des maĂźtres shaolin du Wu-Tang Clan.
et illustrant leur capacitĂ© Ă tuer vocalement les beats de leurs comparses. Si pour le premier, la vie est un long fleuve parsemĂ© dâhameçons, le daddy boxeur veut nettoyer la planĂšte pour ne garder que le meilleur. La virtuositĂ© de rocca, alors seulement Ă ses dĂ©buts, ressort clairement, entre jeux de mots, allitĂ©rations diverses et street credibility. Point dâengagement idĂ©ologique ou dâapologie du crime, le rap de La Cliqua tient de lâesthĂ©tique du rap de la rue, frĂ©quentĂ©e assidument par ses membres. Le morceau TuĂ© dans la rue le dĂ©montre tout Ă fait, se rĂ©vĂ©lant plutĂŽt neutre moralement malgrĂ© le thĂšme lourd de sens, dĂ©peignant lâescalade de la violence constatĂ© par les artistes-quidams dans leur milieu naturel. Cette esthĂ©tique se poursuit sur Dans ma tĂȘte, Ćuvre des membres du Coup dâEtat Phonique, nous faisant pĂ©nĂ©trer dans leur univers, avec un refrain propice au remuage de boule et toujours axĂ© sur le freestyle, soit lâesthĂ©tique grammairienne Ă son paroxysme. Se poursuivant dâailleurs sur Freestyle, aux allures dâimprovisations, dans lequel les voix se superposent pour former un gloubi-boulga lyrical au goĂ»t dâinachevĂ© mais propice Ă lâĂ©mulation entre MCs. Lâauditeur se retrouve alors perdu dans une jungle vocale, ne pouvant que subir lâagression verbale. LâEP se conclu sur la piste Ă©ponyme, rĂ©unissant le groupe au complet avec Lion S en invitĂ©, qui vient contrebalancer le flow criĂ© de raphaĂ«l par un flow ragga, Ă©largissant encore le registre technique du crew.
âDu rap, tout simplement.â
Il en sera de mĂȘme tout au long de lâEP, lui donnant une forte homogĂ©nĂ©itĂ©, qui crĂ©e cette ambiance si particuliĂšre semblant sortir dâune cave de Harlem. Une homogĂ©nĂ©itĂ© qui crĂ©e lâambiance et la cohĂ©rence des morceaux entre eux et assure la soliditĂ© dâun disque Ă la construction architecturale, non sans rappeler un certain Le Combat Continue dâIdeal J, coproduit par Arsenal Records trois ans plus tard. Le tour de force est que, malgrĂ© ces inspirations amĂ©ricaines Ă©videntes, on ne ressent Ă aucun moment lâidĂ©e dâun vulgaire copier-coller sur les productions dâoutreAtlantique. Cela surtout grĂące Ă la langue de MoliĂšre, que les diffĂ©rents MCs vont travailler, Ă©tirer et ruminer au travers de leurs interventions. Entre polyandrie et gang-bang gonzo, les rappeurs vont Ă©pouser les instrus au travers de leurs egotrips et freestyles. rocca et Daddy Lord C se permettent un solo chacun, vantant
Au final, si Conçu pour durer a autant marquĂ© les esprits, ce nâest pas quâil reprĂ©senta en son temps le dĂ©but dâun genre, la fin dâun autre ou lâĂ©mergence de stars du rap mais plutĂŽt parce quâil est et restera une des meilleurs productions de rap francophone, Ă lâesthĂ©tique lĂ©chĂ©e, qui ne flatte ni lâintellect, ni la morale, ni les egos de ses auditeurs. Pas du rap conscient, pas du rap gangsta, encore moins du rap game. Du rap, tout simplement. âą JibĂ©.
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2-ZER WASHINGTON
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en une.
âQuand tâes tout seul, tu vas plus vite, mais en Ă©quipe, tu vas plus loin.â Tous propos recueillis par Mandarine.
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2Zer Washington fait partie de cette nouvelle gĂ©nĂ©ration de rappeurs qui en veut. Membre de LâEntourage et du S-Crew, dont lâalbum Seine Zoo est trĂšs attendu, il se diffĂ©rencie par un flow souriant et une Ă©criture dans laquelle il se raconte. Franc, sympathique et sincĂšre, il a rĂ©pondu Ă nos questions. 2Zer : un sacrĂ© numĂ©ro. DâoĂč viens-tu et comment as-tu eu le dĂ©clic rap ? Jâai grandi dans le 20e arrondissement, prĂšs de MĂ©nilmontant, dans un quartier quâon appelle la banane. Depuis que je suis petit, on a toujours Ă©coutĂ© du rap. Le premier CD de rap que jâai Ă©coutĂ©, câĂ©tait Coolio Gangstaâs Paradise. JâĂ©tais tout petit et ça mâa vite passionnĂ©. Jâai vu que lâĂ©cole nâĂ©tait pas pour moi donc je me suis dit que jâallais faire ça. Câest un truc qui mâinspire, qui me donne envie. Câest une maniĂšre de sâexprimer, sans forcĂ©ment se livrer Ă une personne en particulier. MĂȘme sâil y a beaucoup de gens qui Ă©coutent, au final tu es moins timide de rapper ton texte que de parler directement Ă une personne de ce qui te touche, de ce qui arrive. Ă lâĂąge de 11 ans, avec mes potes pour rigoler en cours, on prenait des paroles de rappeurs, on les modifiait un peu. De fil en aiguille, jâai commencĂ© Ă Ă©crire mes textes. Pourquoi 2Zer Washington ? Câest une longue et bonne histoire. Ăa a Ă©tĂ© du feeling. Je me suis habituĂ© Ă mon blaze. Comme les lycĂ©es sont dans tout Paris et pas seulement dans ton quartier, tu te fais plein de connaissances de per-
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bon feeling avec Poochkeen et Lyricalchimie. Au final, on sâest dit « Pourquoi ne pas faire un projet commun ? » Bloopa Looza avait un peu arrĂȘtĂ© dâĂ©crire Ă cette Ă©poque lĂ . Il a participĂ© sans en faire partie intĂ©grante. En parallĂšle, on a aussi crĂ©Ă©e Tribus de LâEst avec B. Looza. On sâest dit Tu ne regrettes pas ? Non, quâon pouvait faire un groupe Ă maintenant câest mon blaze et je deux. Câest vraiment plus Lyrinâai pas envie de le changer. Ăa calchimie qui sâest concrĂ©tisĂ©. me convient. Je nâai pas de proVotre projet a eu un succĂšs blĂšme avec ça. dâestime. Oui, il a eu un petit Et ton gimmick « Tu succĂšs dans le milieu underconnais pas 2Zer » vient ground. Les gens ont bien aimĂ©. dâoĂč ? Il y a 5-6 ans avec mes Il y avait des personnes que je potes, on a fait une vidĂ©o pour ne connaissais pas qui mâarrĂȘrire. On allait voir les gens dans tait dans la rue pour me dire la rue, on les filmait et on leur que câĂ©tait bien. CâĂ©tait fou. demandait de dire « Tu Câest lĂ quâon a vu lâimpact de connais pas 2Zer ? ». Jâai mis partage de LâEntourage. la vidĂ©o sur Internet. Les gens Quand quelquâun sortait un projet, tout le monde le partaont vu la vidĂ©o et câest restĂ©. geait. Tu peux nous raconter un peu ton parcours avant le S- Vous vous ĂȘtes sĂ©parĂ©s ? Crew avec Lyricalchimie ? Ă AprĂšs le projet, Poochkeen la base, jâai rencontrĂ© Lyrical- avait ses bails Ă faire, un solo, chimie via Bloopa Looza. Ă Ouhhz aussi. Moi je me suis lâĂ©poque je trainais avec lui, un retrouvĂ© seul, jâai continuĂ© le mec du quartier nous avait prĂ©- rap. Je me suis mis Ă cĂŽtoyer les sentĂ©s. Ce sont des connexions mecs de LâEntourage. Depuis improbables. On sâest connu le dĂ©but, je trainais pas mal dans la rue. Il a vu que je rappais avec les mecs du S-Crew. dans mon coin, il mâa dit « Je CâĂ©tait un lien dâamitiĂ© fort, vais te prĂ©senter des potes avant le rap. On sâest connu par Ă moi Lyricalchimie, ils rapport à ça, on a vu que lâon sont dans le dĂ©lire rap Ă avait la mĂȘme passion, la mĂȘme fond ». Vers mes 16 piges, je ne culture, les mĂȘmes goĂ»ts. Ils connaissais pas trop les opens mâont dâabord invitĂ© sur leur mics, je nâĂ©tais pas encore dans projet MĂȘme Signature. ce dĂ©lire. JâĂ©tais rappeur dans JâĂ©tais beaucoup avec eux donc mon coin, je faisais mes trucs jâai fait beaucoup de sons. Au avec les rappeurs que je connais- final, on a vu que ça marchait sais. Il nây a quâeux qui mâĂ©cou- bien 2Zer S-Crew, on Ă©tait detaient. De connexion en venu comme des frĂšres avec le connexion, jâai rencontrĂ© Cas de temps. On a vu que ça devenait Conscience, LâEntourage. vraiment sĂ©rieux donc ils mâont On sâest rencontrĂ© dans les dit que si je voulais rejoindre opens mics. Au dĂ©but jâai eu un lâĂ©quipe, jâĂ©tais le bienvenu. Ssonnes dâautres quartiers. On me demandait dâoĂč je venais et je rĂ©pondais toujours du 2 zĂ©ro. Ă la fin, on a enlevĂ© le o et les gens mâappelait comme ça : 2zer. Washington, câĂ©tait pour rire sur Denzel Washington. Je lâai marquĂ© sur Facebook et câest restĂ©.
en une.
Crew câest vraiment une Comment tu le dĂ©crirais ? Ă©quipe de frĂšres avant dâĂȘtre Comme je tâai dit, câest beaucoup une Ă©quipe de son. au feeling. Câest vraiment ce quâil va se passer dans ma vie. Tu as dĂ©veloppĂ© ton propre Jâai vraiment besoin de ça pour timbre et flow et câest ce Ă©crire. Jâai besoin dâĂȘtre inspirĂ© qui fait que lâon te recon- par ce quâil se passe tous les naĂźt au premier mot. Est-ce jours. Câest Ă dire que je ne vais que tu as travaillĂ© en ce pas me mettre Ă Ă©crire parce que sens ? Ăa a Ă©tĂ© long de trouver je dois Ă©crire. Câest vraiment une mon propre style. Au dĂ©part, tu instru, un truc que jâai vĂ©cu qui nâas pas vraiment de style, tu va me donner lâinspiration. fais un peu de tout, tu essaies. Câest vraiment de lâexpĂ©rimen- Quelle est ta maniĂšre tation. On va dire que quand jâai dâĂ©crire ? Comment choisiseu 17 ans et que jâai commencĂ© tu tes thĂšmes ? Ăa va dĂ©penĂ me mesurer aux autres dans dre. Je ne vais pas choisir un les open-mics, jâai beaucoup thĂšme spĂ©cifique avant dâĂ©crire. appris. Jâai vu plein de gens qui Je vais commencer Ă Ă©crire. Jâai avait plein de style. Je me suis plusieurs mĂ©thodes de travail. dit « il faut que jâai mon Soit je vais commencer Ă Ă©crire truc et que je dĂ©veloppe ça par rapport Ă ce quâil sâest passĂ© ». Ce que jâai fait de mon cĂŽtĂ©. dans ma vie, un truc qui mâa AprĂšs câest au feeling, câest juste blessĂ© ou que jâai kiffĂ©. Je vais moi. Quand je parle ou quand je commencer Ă gratter dessus. rappe, câest Ă peu prĂšs la mĂȘme Aufinal, je vais dĂ©velopper le chose. Je parle vite donc je thĂšme en fonction de lâinstru, de rappe vite. ce qui va aller avec. Sinon, je vais
Ă©couter des prods que les beatmakers mâenvoient ou des faces B qui mâinspirent et je vais Ă©crire dessus. En gĂ©nĂ©ral, câest du quotidien, câest du vĂ©cu. Il y a des pĂ©riodes oĂč je nâĂ©cris pas du tout. Sur une semaine, je vais peut ĂȘtre avoir deux jours oĂč jâĂ©cris et aprĂšs non. Il y a des semaines oĂč jâĂ©cris tout le temps. Ăa dĂ©pend des sons, il y en a qui demandent beaucoup plus de temps de prĂ©paration. Par exemple ? Tu connais tâfaçon, ça a Ă©tĂ© un long travail. Jâavais les textes, jâavais tout. En fait, câĂ©tait un texte complet. AprĂšs, jâĂ©coutais les prods et il nây en avait aucune sur laquelle jâaurais aimĂ© poser. Lo avait fait une prodâ pour LâEntourage quâils nâont pas prise. Je lâai Ă©coutĂ© et je me suis dit que je voulais la kicker. Ăa a pris du temps de tout mettre en place, de tout construire. Il y a eu aussi Comme Si câĂ©tait facile parce quâ
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il y avait une Ă©motion que jâai voulu dĂ©velopper. Jâai commencĂ© Ă Ă©crire mon texte, mais lâĂ©motion est partie donc jâai du attendre un peu pour que ça revienne. Câest comme ça que je travaille en gĂ©nĂ©ral. Et comment tu choisis tes prods justement ? Ăa peut ĂȘtre de tout. Franchement, il y a un truc infaillible. Si jâentends une prod et quâelle me donne envie de gratter, câest bon pour moi, elle est choisie. Je peux Ă©couter des centaines de prods, sans quâil y en ait une qui mâinspire, dĂšs que jâentends la prod qui me donne envie de gratter, câest que câest elle. Donc, câest plus lâinstruavant dâavoir le texte ? Dans ces cas-lĂ , oui. Mais en gĂ©nĂ©ral, câest la prod qui me donne envie dâĂ©crire, de poser dessus. Câest comme ça quâon a travaillĂ© pour Seine Zoo. On a vraiment sĂ©lectionnĂ© des prods qui nous donnaient envie dâĂ©crire, qui Ă©taient au-dessus des autres pour nous. Au niveau des rimes et des structures, tu Ă©cris tout puis tu changes pour que ça colle mieux ou tout te vient naturellement ? Pour un son, Ă part un freestyle, tu es obligĂ© dâavoir toujours un minimum de mise en forme. Câest un travail kiffant. Câest vraiment une construction, comme assembler des piĂšces. Câest comme construire une voiture, tu vas assembler. On ne peut pas se permettre de vouloir faire un morceau sans un minimum de travail de mise en forme. Tes textes sont assez tristes, est-ce que câest lĂ dedans que tu te retrouves?
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Câest vrai que la tristesse mâinspire beaucoup. Comme je disais, quand il y a des trucs quâon ne peut pas dire parce quâon est timide par exemple, tu lâĂ©cris et ça va te permettre de dĂ©gager un peu ce que tu ressens par rapport Ă plein de choses, plein dâĂ©motions. Donc lâĂ©criture est vraiment un exutoire pour toi ? Exactement. Par exemple, quand je parle de ma mĂšre, jamais je nâirais vers elle pour lui dire. Je le dis dans mes textes, ça me permet de dire ce que je pense et dâavoir moins de poids sur mes Ă©paules. Câest Ă©tonnant que ça te gĂšne moins que tout le monde lâentende. Non, ça me libĂšre vraiment. Est-ce que tu privilĂ©gies le fond ou la forme ? Parfois, je vais avoir envie de montrer ce que je vaux et dâimpressionner les gens. Dans ce cas, je vais privilĂ©gier la forme pour faire un truc qui met des baffes. Mais, en gĂ©nĂ©ral, câest plutĂŽt le fond. Quand câest un texte Ă thĂšme, câest le fond. Mais pour lâĂ©gotrip par exemple, je vais mettre en avant la forme. Câest plus dur pour toi les freestyles ? Non. Je peux kicker nâimporte oĂč, nâimporte quel texte. Franchement, Ă nâimporte quel moment de la journĂ©e tu me dis de kicker, je kicke et je kiffe. Je comprends que ce soit plus dur pour certains MCs qui ont plus lâhabitude de travailler en studio, mais comme nous on a Ă©tĂ© formĂ© sur le terrain, on a vraiment commencĂ© avec ça.
Pour chaque membre de lâĂ©quipe câest facile. Tu vas lancer une instru, on va rapper dessus, câest comme une impro. Aujourdâhui, le rap câest ta vie ? Câest une grande opportunitĂ© en fait. Jâai arrĂȘtĂ© lâĂ©cole tĂŽt. Jâai eu un parcours scolaire assez chaotique. Jâai quittĂ© en 4e, puis jâai repris dans une classe spĂ©cialisĂ©e dans la rĂ©insertion scolaire. Je nâai pas fait long feu, jâai tenu jusquâen en premiĂšre. Je nâavais pas grand chose dans ma vie Ă part le rap. Câest quelque chose que lâon faisait Ă temps plein, avec LâEntourage et mĂȘme lâentourage de LâEntourage. On Ă©tait h24 ensemble, on ne faisait que rapper. On a tous plus ou moins un parcours similaire et peu dâavenir dans les Ă©tudes. CâĂ©tait notre passion, notre mode de vie et câest vraiment ce qui nous faisait vivre. Le fait que ça commence un peu Ă nous faire vivre, câest un kiff. Jâarrive Ă en vivre doucement. Câest difficile mais je vis toujours chez mes parents. Ils ont toujours Ă©tĂ© comprĂ©hensifs. Ils mâont dit « On a vu que lâĂ©cole, ce nâĂ©tait pas pour toi, si tu as une passion, investis-toi Ă fond dedans pour rĂ©ussir, fais ton trou, et quand tu pourras voler de tes propres ailes, tu feras ta vie ». Franchement, ça commence Ă me faire vivre un peu. Ăa me donne Ă manger, mais sans plus. Tu comptes sur Seine Zoo pour que ça change ? Si Dieu le veut. Vous avez pas mal de fans, comment tu gĂšres ça ? En fait, je nâai pas trop conscience de ça. Je me vois toujours comme le 2Zer dâil y a trois ans. Je me ballade, on parle Ă tout le
en une. monde. DĂšs que les gens mâarrĂȘtent pour me dire quâils kiffent, on discute un peu. Je prends les choses. Je me dis que si les gens mâĂ©coutent, câest quâils comprennent ce que je dis. Donc forcĂ©ment, on va sâentendre. On nâest pas des amis mais on est ensemble. Tu penses quâil faut de lâouverture pour ĂȘtre artiste ? Si tu es artiste et que tu nâes pas ouvert Ă ton public, câest hypocrite. Ăa veut dire quoi ? Que ton public est lĂ juste pour entretenir ta musique ? Câest mauvais. Moi si jâai un public, je veux que ce soit des gens qui me comprennent. Quelquâun qui est lĂ avec la mode, il ne va pas comprendre. Il sâen fout de ta vie, il nâa aucun feeling avec ta musique. Je nâaime pas ça. Tu dis que le hip hop est Ă la mode dans un de tes textes. ça te dĂ©range ? Oui, je dis « Depuis que le rap est Ă la mode, elles veulent toutes un bĂ©bĂ© mĂ©tisse ». Ce nâest pas une critique mais un constat. Je me dis que si tu nâes pas attirĂ© par le rap de base, ce nâest pas une trahison mais câest un mouvement. Ces gens-lĂ ne vont pas faire long feu. Ils vont Ă©couter du rap pendant deux ans et aprĂšs ils vont nous lĂącher. Moi, si jâai un public, je veux que ce soit sur le long terme. Je veux Ă©voluer en fonction de mon public, quâil Ă©volue avec moi et quâil continue Ă aimer ce que je fais, mĂȘme dans dix ans. Je ne veux pas de quelquâun qui veut ça parce que ça passe Ă la radio, parce que tout le monde aime en ce moment et quâil mâoublie dans deux ans. Ce nâest pas ce que je recherche.
âSi tu es artiste et que tu nâes pas ouvert Ă ton public, câest hypocrite.â Comment penses-tu avoir Ă©voluĂ© ? Ce quâon a vĂ©cu dans notre parcours nous a formĂ© direct. Câest Ă dire que toutes les galĂšres sont arrivĂ©es dâun coup. On a voulu la jouer indĂ©pendant jusquâau bout et on en a payĂ© les frais. Ăa a Ă©tĂ© comme une sorte de formation. Câest Ă dire que maintenant, on a beaucoup plus dâexpĂ©rience mais on reste les mĂȘmes. On a vraiment un pied dans le milieu rap et ça nous a appris le sens des affaires, de la nĂ©gociation. Il ne faut jamais lĂącher mĂȘme sâil y a des di fficultĂ©s. Il faut vraiment se battre pour ses idĂ©es. Avec le S-Crew, on a eu plein de galĂšres. On avait signĂ© avec un label qui nous a vraiment causĂ© des soucis. Il nous avait vendu du rĂȘve au dĂ©but, il nous avait dit « Nous on travaille en famille, on est toujours indĂ©pendant, on ne va jamais vous imposer nos choix». Au final, on sâest rendu compte que ce nâĂ©tait que du blabla et que ces personnes voulaient nous imposer leur vision sans nous laisser faire notre musique donc on a coupĂ© court avec eux. Maintenant ça sâ
est rĂ©glĂ© et on est bien. On a rĂ©ussi Ă signer un contrat de licence avec Polydor, ce qui nous permet de rester indĂ©pendant, de faire notre musique sans avoir Ă sâoccuper de la distribution, de la promotion. On sâest battu et la persĂ©vĂ©rance paye toujours. Câest une sacrĂ©e victoire dâavoir signĂ© chez Polydor, non ? On a gravi les Ă©chelons petit Ă petit et comme nekfeu avait quelques relations grĂące Ă son expĂ©rience avec 1995, il connaissait des personnes Ă qui il a fait Ă©couter nos sons et ils ont aimĂ©. LĂ aussi, on sâest battu pour le contrat, la nĂ©gociation a Ă©tĂ© dure, mais on a rĂ©ussi Ă garder notre indĂ©pendance. 1995 et S-Crew, câest la mĂȘme Ă©cole, on a Ă©voluĂ© ensemble. On a toujours Ă©tĂ© ensemble. Entre MĂ©tamorphose et Seine Zoo, que sâest-il passĂ© ? Des mĂ©tamorphoses ! En fait, MĂ©tamorphose, ce sont des sons quâon avait dĂ©cidĂ© de garder. Seine Zoo câest lâĂ©volution de MĂ©tamorphose. On a recom-
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mencĂ© Seine Zoo plusieurs fois suite Ă nos galĂšres. Ăa sâest Ă©talĂ© sur trois ans. On a eu des sons quâon a recommencĂ©s, quâon a refaits. Il y a des nouvelles versions des sons, des instrus, qui sont diffĂ©rentes de ce qui a Ă©tĂ© fait il y a trois ans. La structure câĂ©tait dĂ©jà ça. On a Ă©tĂ© en perpĂ©tuelle Ă©volution, parce que dans le rap, on Ă©volue toujours. Tu vois ce quâil se passe autour de toi et tu tâadaptes. Ă la base, les sons de MĂ©tamorphose, câest ce qui devait sortir en album, mais qui nâa pas vu le jour. On a dĂ©cidĂ© de les mettre gratuitement parce que les gens attendaient et on sâest reconcentrĂ© sur les sons que lâon pensait ĂȘtre meilleurs. On sâest dit que lâon allait les retravailler, les refaire et les sortir en album.
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On voulait que lâalbum du SCrew soit vraiment bien. On a vraiment pris le temps de travailler dessus. On a refait des sons avec de la nouvelle inspiration, des nouvelles techniques dâĂ©criture, notre Ă©volution. On a pris notre temps pour la promotion, pour Ă©largir notre public, que plein de gens nous dĂ©couvrent. On a tout fait pour que lâalbum soit bien accueilli par le public. Pourquoi Seine Zoo ? On se disait Ă la base que Paris câĂ©tait comme un zoo. Câest plein dâorigines et de cultures diffĂ©rentes. Câest trĂšs cosmopolite, câest unique. Par exemple, au BrĂ©sil, que la personne soit noire, blanche ou jaune, elle est brĂ©silienne. Mais Ă Paris,
chacun a son origine, sa culture, sa mentalitĂ©. Câest comme si pleins dâanimaux naviguaient ensemble avec la Seine pour fleuve. Seine Zoo câest un jeu de mots entre la Seine et les petites dragĂ©es Dragon Ball Z, qui sâappelle aussi les senzu. Ils te donnent la force. On a tout liĂ©, tout mis ensemble : nos influences, notre parcours. Il y a Ă©normĂ©ment de rappeurs qui sâinspirent des mangas. DâoĂč cela vient selon toi ? Dans S-Crew, on nâest pas trop manga. Mais on a vraiment grandi avec Dragon Ball. Comme dit Framal « La fidĂ©litĂ©, je lâai appris dans Dragon Ball ». Dans la cours de rĂ©crĂ©, on se comparait tous Ă des personnages.
en une. Comment tu rĂ©sumerais lâalbum ? Lâalbum est super variĂ©. Il est assez sombre, comme les gens connaissent SCrew Ă la base. On a essayĂ© aussi. Câest vraiment du feeling, ce qui nous inspirait sur le moment par rapport Ă notre vie, Ă notre quotidien. Par exemple, le son La Danse de lâHomme Saoul, vient de nos influences funks via nos oncles qui nous faisaient Ă©couter ça ou les anciens du quartier qui nâaimaient pas le rap et qui Ă©coutaient que de la funk. On a Ă©tĂ© bercĂ© par ça donc on Ă©tait obligĂ© de faire un son funk comme une petite dĂ©dicace. Un son comme Du vĂ©cu retrace notre parcours. Il y a plein de sons que les gens vont dĂ©couvrir, câest vraiment variĂ©. Chaque son a son thĂšme et son univers prĂ©cis et nâa rien Ă voir avec lâautre. Câest hĂ©tĂ©roclite. Tu parles de funk, la rencontre avec les Super Social Jeez a amenĂ© une nouvelle maniĂšre de travailler ? La Danse de lâHomme Saoul a Ă©tĂ© composĂ©e par nizi et Fabio, deux beatmakers qui ont jouĂ© des instruments aprĂšs quâon leur ait montrĂ© une idĂ©e dâinstru. Câest une face B avec un sample trĂšs connu. On leur a demandĂ© de la rejouer avec des vrais instruments Ă leur sauce. On savait que le sample Ă©tait Ă©vident, mais on sâest arrangĂ© avec la maison Ă qui il appartenait. On avait tout enregistrĂ© au studio BlackBird, de notre Dj, DJ Elite, qui sâoccupait aussi des Super Social Jeez. Ă lâĂ©poque, ils Ă©taient souvent lĂ et nous aussi. On passait beaucoup de temps chez Elite, on ne faisait que ça. On les a rencontrĂ©, au dĂ©part, câĂ©tait juste une amitiĂ©. Et on aimait
beaucoup ce quâil faisait en parallĂšle. CâĂ©tait une nouvelle Ă©cole pop funk, un univers Ă eux. CâĂ©tait un peu comme notre dĂ©lire dans la funk : une nouvelle Ă©cole qui apporte des bases de lâancienne et qui les remet au goĂ»t du jour avec une vision de la musique. Au final, ils ont entendu le son alors quâil nây avait pas de refrain et ils se sont proposĂ©s. Sacha des Super Social Jeez a kickĂ© le refrain et ça sâest fait tout seul. Suite à ça, on sâest dit, pourquoi pas faire un vrai son ensemble ? Ăa a donnĂ© Les Parisiennes : comme câest un groupe complet avec un bassiste, un synthĂ©, une batterie, ils ont complĂštement composĂ© lâinstru pour que lâon fasse le son ensemble. Et sur scĂšne, est-ce quâils seront prĂ©sents ? Je pense quâils ont aussi une carriĂšre Ă entretenir et je ne sais pas sâils seront disponibles pour le faire avec nous. Mais on le fera pour des passages tĂ©lĂ© ou des concerts parisiens, des gros trucs. Des passages tĂ©lĂ© ? On nâa rien de concret mais on imagine. On commence Ă en parler. On ne veut pas imposer, mais faire kiffer notre musique au plus grand nombre. Franchement, ce quâil se passe Ă la radio, Ă la tĂ©lĂ©, ça ne nous correspondait pas du tout. Si on peut commencer Ă partager notre culture et notre musique avec un maximum de personnes et que les tĂ©lĂ©s suivent, ça ce serait Ă©norme. Parlons justement de la mĂ©diatisation du rap. Ăa commence Ă Ă©voluer. Les mentalitĂ©s commencent Ă changer. Il y a des gens qui nâĂ©coutaient pas de rap il nây a pas longtemps et qui commencent Ă apprĂ©cier. Ăa fait
plaisir parce que ça veut dire que la France commence Ă ĂȘtre prĂȘte Ă nous accepter. Il y a cinq ans, je disais aux gens que je faisais du rap et ils me regardaient bizarrement. Tu ne pouvais pas trop le dire. Aujourdâhui, ça a changĂ©. Câest trop bien parce que câest ce quâon attend. On se dit que la France commence Ă accepter ça comme une musique Ă part entiĂšre. Pour nous, ça a sa place en France. Paris est vraiment une trĂšs grosse ville rap. Tu as Ă©tĂ© invitĂ© dans PiĂšge de Freestyle, comment tu lâas reçu ? JâĂ©tais chez moi quand Doumâs mâa appelĂ© pour me dire quâil faisait un PiĂšge de Freestyle et me proposer de passer. On me voit dans la vidĂ©o avec neslet. Jâai rencontrĂ© Antoine qui aimait ce quâon faisait avec le S-Crew et il mâa invitĂ© sur le dernier en me disant que le thĂšme câĂ©tait « Le rap Ă la tĂ©lĂ© ». Ăa nous touche parce que câest un de nos buts de dĂ©velopper le rap Ă la tĂ©lĂ©. Ăa mâa grave inspirĂ© sur le coup. Qui sont les beatmakers sur Seine Zoo ? Tout le monde. On donne sa chance Ă tous de pouvoir participer Ă des projets concrets. Un mec pas du tout connu qui mâenvoie une prod et que lâon voit quâil a son dĂ©lire, son style, quâil est passionnĂ© et que les prods nous plaisent, on va poser dessus. Il y a aussi des beatmakers plus en place comme nizi, qui est lĂ depuis longtemps et qui travaille beaucoup pour le milieu rap. Dans Seine Zoo, les beatmakers qui apparaissent le plus ont au maximum deux morceaux. On les cite tous, ils sont tous dans les crĂ©dits.
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Quelle est votre mĂ©canique de travail ? On a la chance dâavoir DJ Elite qui nous accueille au studio. On peut se poser et dĂ©velopper ce quâon fait. Câest ce dont on a toujours rĂȘvĂ© : avoir notre studio oĂč on peut rester des semaines ensemble, oĂč on peut crĂ©er. Ăa nous permet de rester et dâĂ©crire ensemble. Parfois, un mec va mettre plus de temps Ă Ă©crire son couplet parce quâil nâaura pas lâinspiration sur le moment. LĂ , avec LâEntourage, câest pareil pour lâalbum. On sâest mis un coup de boost. On sâest dit quâon allait prendre deux semaines. On a eu une proposition dâun tourneur qui nous a proposĂ© de nous payer deux semaines une villa en ArdĂšche et en Ă©change, on fait des concerts gratuits. On sâest dit que câĂ©tait lâoccasion. Comme on est beaucoup dans LâEntourage, câest difficile de se rĂ©unir. LâArdĂšche Ă©tait lâoccasion de concrĂ©tiser ça. Câest ce quâon a fait, et franchement, ça nous a vraiment inspirĂ©. DJ Elite a ramenĂ© tout son matos de studio puisque câest lui qui nous a enregistrĂ©s. Tout le monde avait des nouvelles inspirations, des nouvelles techniques, tout le monde a Ă©voluĂ© de son cĂŽtĂ©. Ăa a donnĂ© une nouvelle vague et câest trĂšs diffĂ©rent de ce quâon faisait avant. LĂ , il reste quelques trucs Ă faire. On avait tous Ă©crits ensemble lĂ bas, mais tout le monde nâavait pas forcĂ©ment fini ses trucs, donc lĂ , dĂšs que quelquâun a fini, il va en studio poser et câest rĂ©glĂ©. On ne sait pas trop quand il va sortir parce quâon ne veut pas trop que les projets se croisent. Il y aussi la promo Ă faire, on ne peut pas sortir un album comme ça. Il faut quâon ait de la matiĂšre Ă proposer aux fans.
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Vous semblez savoir parfaitement utiliser les rĂ©seaux sociaux ⊠Câest notre force. Câest pendant lâĂ©poque des open-mics quâon sâest formĂ©. On nâĂ©tait pas du tout connu. Ă chaque fois que lâun dâentre nous sortait un son, tous les potes de tout le monde partageaient le son. Ăa Ă©largissait lâimpact. On continue encore et au final, ça a marchĂ© tout seul. Ăa a portĂ© ses fruits. Par exemple sur Seine Zoo, vous avez fait un teasing incroyable, câĂ©tait travaillĂ© ? Oui, ça a Ă©tĂ© vachement taffĂ©. Câest Ă dire que Nekfeu a vraiment dĂ©veloppĂ© un sens de la communication. Il sait parler avec les gens, dĂ©velopper des idĂ©es. Il lâa appris avec 1995 et tout seul. Il a tout fait carrĂ©. On a eu de la chance. On a mis tous les paramĂštres de notre cĂŽtĂ©.
ça a crĂ©e une vraie attente autour de cet album. MĂȘme il y a deux mois, on nâĂ©tait pas aussi attendu que ça. Ăa sâest vachement dĂ©veloppĂ©. Reporter la sortie, au dĂ©but, on voyait ça comme un truc mauvais, on ne savait pas comment les gens allaient rĂ©agir. Pour nous, le 17 juin, câĂ©tait la date de Seine Zoo. Au final, on a eu une galĂšre de production de CD, il nâa pas pu ĂȘtre pressĂ© Ă temps. Ăa a dĂ©calĂ©. Au lieu de voir ça comme quelque chose de mauvais, on sâest dit que ça nous ferait deux mois de plus pour travailler notre promo, Ă©largir notre public et faire en sorte quâil soit bien reçu. Quâest ce qui te plait dans le rap ? Quand je sens que le mec qui a fait ce son et Ă©crit les paroles est passionnĂ©. Et Ă lâinverse, quâest-ce que
en une. tu nâaimes pas ? Les gens qui montrent un intĂ©rĂȘt nĂ©gatif, qui cherchent Ă profiter, qui sâimprovisent rappeur ou ceux qui font des sons imposĂ©s par les maisons de disques. On le sent quand quelquâun nâa pas fait vraiment ce quâil aime et que câest le directeur artistique qui a donnĂ© les conseils. Pour moi, câest la passion qui parle avant tout. On en a parlĂ©, mais en quoi câest important dâĂȘtre entourĂ© ? Il y a plein de gens qui nous entourent. Sâils partagent notre passion et que lâon dĂ©veloppe un feeling, tout le monde peut ĂȘtre avec nous. On va essayer de montrer notre musique, de monter ensemble, de mĂ©diatiser le rap. Câest comme si on avait plein dâĂąme sĆur dans le monde. (Il rit) je vais peut-ĂȘtre un peu loin. Mais on a eu des vies diffĂ©rentes, des parcours diffĂ©rents et on se rejoint autour du rap et de la passion.
Toutes les personnes avec qui je traine, câest des gens avec qui je vais aimer faire du son. On va crĂ©er des situations ensemble, on va se battre dans la rue ensemble, on va serrer des filles ensemble, fumer des spliffs ensemble, ça dĂ©veloppe des thĂšmes, des trucs Ă dire. MĂȘme avec Yassi Yass (prĂ©sent lors de lâinterview et dans le freestyle GrĂŒnt de Georgio). Je lâai invitĂ© sur un son qui sâappelle Mleh, une expression que lâon avait en commun. On a essayĂ© de la dĂ©mocratiser sur Twitter, mais Ă la base, ça vient vraiment de nous. Câest vraiment un dĂ©lire, comme le son Mac Cain que lâon a fait avec le S-Crew.
Vous nâavez pas peur que ça lasse les gens, ces dĂ©lires vraiment trĂšs personnels ? Non, parce que lâon veut que tout le monde soit dans notre dĂ©lire. Il y a toujours de nouvelles expressions qui se crĂ©ent et si les gens veulent lâutiliser câest tant mieux. Tout le monde peut le dire, parler comme nous. On Avec qui tu prĂ©fĂšres rapper veut que ça sâĂ©largisse, apporter ? Franchement, le S-Crew une fraicheur. parce que câest vraiment un truc que lâon a en commun. On est Quels sont tes MC de influencĂ© par les mĂȘmes choses, rĂ©fĂ©rence ? Dans le rap on a Ă peu prĂšs le mĂȘme style de français dâabord, il y a Expresvie, on a eu la mĂȘme Ă©ducation. sion Direkt qui mâa beaucoup Jâaime bien le dĂ©lire de Geor- influencĂ©. Je ne vais pas dire que gio aussi, câest quelquâun avec jâai appris Ă rapper avec eux, qui je mâentends bien. De toute mais ils mâont apportĂ© un dĂ©lire façon, ça se voit avec qui je prĂ©- que je kiffais. Jâavais lâimpression fĂšre poser. Il y aussi PhĂ©no- quâils Ă©taient influencĂ© par les mĂšne Bizness, des mecs de mĂȘmes personnes que moi : la G. Vitry qui mâont impressionnĂ©s. Funk, le rap West Coast. Jâai Ils font du bon son avec des beaucoup Ă©coutĂ© ça. Le truc, câest bonnes influences. Ils ont leurs quâĂ lâĂ©poque, il nây avait que moi propres timbres de voix, câest ça dans ce dĂ©lire, jâĂ©tais une des aussi qui est important dans le rares personnes. Expression rap, si tu nâas pas ça, tu ne vas Direkt, câĂ©tait en parallĂšle avec pas aller loin. Les gens qui font ce quâil se passait lĂ bas. Il y aussi du rap que lâon nâaime pas, ils le 113, comme tout le monde, les font toujours les mĂȘmes sons. groupes de rĂ©fĂ©rences : IAM,
Lunatic, nubi. En rap cainri, il y a Cypress Hill, nate Dogg, Warren G, nas, Mobb Deep, Three 6 Mafia, Juicy J, dont jâaime beaucoup le personnage. Câest trĂšs variĂ©. Je peux Ă©couter de tout. Tu es plus rap français ou rap amĂ©ricain ? Ăa dĂ©pend, câest par pĂ©riode. Il y a des moments oĂč je vais Ă©couter beaucoup de rap français, je vais Ă©couter beaucoup de rap amĂ©ricain en ce moment. Je trouve que ce quâils font est trĂšs diversifiĂ©. MĂȘme les rappeurs que lâon dit commerciaux sont chauds, Drake par exemple. Des punchlines que tu aurais aimĂ© Ă©crire ? « Ma premiĂšre parole sera la derniĂšre » Booba dans Repose en paix. Ce nâest pas vraiment une punchline, mais il met les points sur les i. John H de PhenomĂšne Bizness : « Un bon vivant fera un mauvais mort.» Zekwe ramos : « Il y a que la main de Fatma qui pourra se glisser sous les chemisiers de nos femmes. » Les X-Men dans Retour aux pyramides « Les impacts de balles forment mon logo.» Mc Solaar « Mon son pĂ©nĂštre lĂ oĂč ma tĂȘte ne passe pas. » nekfeu dans Vorace «Vous ne pouvez pas faire la peau Ă des gosses Ă©corchĂ©s vifs.» Quels sont les projets que tu as particuliĂšrement aimĂ© ces derniers temps ? Le projet dâEspiiem, Haute Voltige, est trĂšs trĂšs bon. Celui de LâEntourage, mais parce quâil nây a pas que moi et jâai vu leurs Ă©volutions et leurs couplets. Je mâĂ©tais pris Inception de Deen Burbigo. Jâattends La Piraterie, super bons en freestyle.
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MalâT aussi, il est trĂšs bien son projet, je ne mây attendais pas. Je le connais et on a prĂ©vu de faire un son ensemble. Câest vraiment nouveau, il a une fraĂźcheur, il sâest vraiment livrĂ© sur ce projet. Il y avait vraiment deux sons qui mâont touchĂ© : Vendeuse de rĂȘve et Tant pis. Il a un petit public dans Paris. En Belgique aussi, il se passe des choses. Ils ont le mĂȘme dĂ©lire que nous. Tu as Ă©tĂ© déçu par certains trucs ? Je ne laisse pas trop la chance aux rappeurs que je ne kiffe pas. Je ne vais pas faire le premier pas Ă moins quâun morceau mâait plu, mais câest rare. niveau culture, tu tâintĂ©resses Ă quoi ? Un peu comme tout le monde, les films de Scorsese, de Spike Lee, jâai lu la biographie de Gotlib. Niveau musique, je peux Ă©couter de tout. Tu nâas pas une petite honte dans ton ipod ? rimâK avait eu la mĂȘme question il y a longtemps et je me souviens quâil avait dit Relax de Mika. Jâai pas mal de musiques brĂ©siliennes dans mon portable, mais ce nâest pas honteux. Je ne suis pas du tout dans le dĂ©lire reggaeton, mais jâaime beaucoup la musique Ella Me Levanto de Daddy Yankee. Il y a des trucs que je sais que mes potes nâĂ©couteraient pas, du RânâB, des trucs un peu lovers : Elle Varner refill, True Blue de Ango. Jâaime beaucoup Alicia Keys, Try sleeping with a broken heart. Say my Name de Destinyâs Child, je peux lâĂ©couter tout seul chez moi. Rude Boy de rihanna. En fait, je vais toujours assumer ce que jâĂ©coute mĂȘme si on me charrie. âą
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On va essayer de montrer notre musique, de monter ensemble, de mediatiser le rap.
en une.
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Avec le tournant quâa pris la carriĂšre de nekfeu grĂące Ă lâavĂšnement du collectif 1995 ces deux derniĂšres annĂ©es, on Ă©tait en droit de se poser pas mal de questions Ă propos de ce premier album du S-Crew : allait-il y avoir une diffĂ©rence gĂȘnante de niveau entre le MC et ses trois potes dâenfance ? nekfeu allait-il nous ressortir des couplets rĂ©chauffĂ©s de Paris Sud Minute ? Ou au contraire, tomber dans la schizophrĂ©nie et changer complĂštement de discours ? Comme les quatre rappeurs (et parfois DJ Elite) le rĂ©pĂštent dans toutes les interviews, le S-Crew est Ă la base une bande de potes dâenfance avant dâĂȘtre un groupe de rap. IntĂ©grĂ©s au sein de
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lâEntourage, les 4 MCs ont sorti quelques sons et une mixtape plutĂŽt rĂ©ussie, MĂ©tamorphose, avant que nekfeu ne participe Ă lâaventure 1995. Initialement prĂ©vu pour une sortie en juin, lâalbum a Ă©tĂ© retardĂ© de quelques mois, et ce qui aurait pu faire retomber lâattente a au contraire Ă©tĂ© intelligemment exploitĂ© par un groupe qui maitrise dĂ©jĂ toutes les ficelles de la communication. Teasing sur les rĂ©seaux sociaux, sorties rĂ©guliĂšres de clips, infos dĂ©livrĂ©es au compte-goutte, application mobile dĂ©diĂ©e etc. Le marketing est impeccable. Voyons maintenant ce que cet album a dans le ventre. AprĂšs une introduction sous forme de discussion pour Ă©clairer lâauditeur sur le sens du nom
chronique. S-Crew x Seine Zoo. de lâalbum Seine Zoo, on entre dans le vif du sujet avec AĂ©roplane, premier vĂ©ritable morceau de lâalbum. Comme le titre le laisse deviner, on est en prĂ©sence dâun beat planant et aĂ©rien qui contraste avec le premier couplet rapide de 2zer. Le son agit comme une seconde introduction : on prend de la hauteur avant de plonger dans la jungle urbaine ââYâa ma latte dans dans le ciel je veux mâenvoler comme un aigle royal / Nager dans les mers dâHawaii, aller dans mes rĂȘves⊠/ Ou mâen aller, juste sans faire dâvoyage, jamais dans le stress / Aller, aller sur le sommet des Alpes oĂč lâSoleil Ă©clate » (Framal). Lâannonce Ă la fin introduit le morceau suivant, McCain, qui en est le contre-pied parfait : beat agressif et rythmĂ© aux tonalitĂ©s asiatiques, flow hachĂ©, thĂšmes simples du quotidien : galĂšre, amitiĂ©, filles, alcool, rap, game. Ces deux premiers morceaux sont symptomatiques de lâensemble du disque : en Ă©coutant Seine Zoo, on passe sans arrĂȘt de pistes oĂč les 4 potes dĂ©lirent sur des thĂšmes triviaux Ă base dâego-trip (McCain, La danse de lâhomme saoul, Mon 75) Ă des morceaux plus rĂ©flĂ©chis oĂč lâon dĂ©couvre une maturitĂ© impressionnante pour une moyenne dâĂąge de 23 piges (Du VĂ©cu, Couteau Noir, DĂ©cu par La Vie,
Bonheur suicidĂ©). nekfeu rĂ©sume cette ambivalence dans McCain « Nefkeu câest du conscient mais lĂ câest Fennek quâa le manche». Parmi autres caractĂ©ristiques de lâalbum, on retrouve souvent nekfeu sur les refrains chantĂ©s : Jungle urbaine, morceau punchy avec un refrain efficace qui semble calibrĂ© pour la radio, Couteau noir, hymne au moment prĂ©sent ou encore DisjonctĂ©. Au rayon des featurings, le S-Crew fait croquer pas mal de membres de lâEntourage : Alpha Wann pose son couplet sur DisjonctĂ©, Deen Burbigo sâoccupe lui du refrain du mĂ©lancolique Rien dâexceptionnel accompagnĂ© par nĂ©mir sur les choeurs, Eff Gee et Jazzy Bazz sont prĂ©sents sur lâultime morceau de lâalbum Les contraires ça tirent. On retrouve Ă©galement le groupe de funk parisien Super Social Jeez sur les refrains sur La danse de lâhomme Saoul et Les Parisiennes, Morad de la Scred Connexion sur le trĂšs rĂ©ussi Déçu par la vie « Je sais quâon est mauvais, câest pas la peine dâen rajouter / Triste, agitĂ©, comme la rĂ©alitĂ© / Manque dâhumanitĂ©, ce monde est froid / Hypocrite, faux, comme le signe de croix». âą Yoann.
âEn Ă©coutant Seine Zoo, on passe sans arrĂȘt de dĂ©lires Ă base dâĂ©go-trip Ă des morceaux plus rĂ©flĂ©chis oĂč lâon dĂ©couvre une maturitĂ© impressionnante. â
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chronique.
Le gouffre passe la marche arriĂšre
Lorsque lâon choisit la voie de lâindĂ©pendance, accoucher dâun projet musical peut vite se transformer en casse-tĂȘte surtout si lâobjectif fixĂ© consiste Ă rĂ©unir le gratin de lâunderground français sur une seule et mĂȘme mixtape. Trois annĂ©es ! Câest le temps quâil aura fallu Ă Char et F du Gouffre pour mener Ă bien cette entreprise colossale qui nâest pas sans rappeler celle de Loko & Yonea Ă lâĂ©poque des cassettes Neochrome. Les temps ont changĂ©, le rap aussi et le concept de Marche ArriĂšre symbolise la volontĂ© dâopĂ©rer un virage Ă 180° pour revenir aux fondements dâune musique oĂč le plaisir de kicker doit reprĂ©senter la motivation premiĂšre du MC. Lâattente a Ă©tĂ© longue mais les auditeurs ont Ă©tĂ© largement tenus en haleine. Pas moins dâune quinzaine de titres, clips Ă la clef, se sont succĂ©dĂ© sur le net alimentant ainsi un buzz grandissant et lĂ©gitime au vu de la qualitĂ© des extraits diffusĂ©s. Le Gouffre nâa pas lĂ©sinĂ© sur les moyens et chaque artiste invitĂ© sâest vu offrir lâoccasion de briller sur des productions plus soignĂ©es les unes que les autres. Point dâorgue et aboutissement de cette savante marinade, un concert de lancement organisĂ© au
Petit Bain Ă Paris, la veille de la sortie officielle du projet oĂč un public conquis est venu assister Ă la prise de pouvoir dâun groupe de jeunes essonniens Ă travers lâavĂšnement dâune nouvelle famille dans le milieu rapologique français. Parce que Tragik, Gabz, LâAffreux Jojo, F, Char, Brack, Salazar & Fonik sont des passionnĂ©s de longue date, parce quâils ont travaillĂ© dur et surtout parce quâils ont su fĂ©dĂ©rer, une armĂ©e de gouffriers les entourent dĂ©sormais, prĂȘts Ă partager leurs dĂ©lires microphoniques et plus si affinitĂ© cannabique et/ou spiritueuse ! Parfaitement orchestrĂ©e sur les rĂ©seaux sociaux, la sortie du double CD de Marche ArriĂšre sâaccompagne du lancement dâun jeu de sociĂ©tĂ© collector et dâune ligne de T-shirts Ă©voquant la nostalgie du format K7. Saluons au passage le travail dâillustration de Wild Sketch largement inspirĂ© du film The Goonies et celui de Stob Design pour la conception graphique. TrĂȘve de dĂ©tails, la mise sous contact est imminente, verrouillez les portes et allumez le poste, on va entrer en marche arriĂšre (le port de la ceinture est facultatif). Au programme 69 artistes avec une piste dĂ©diĂ©e pour chacun allant de 1min13s (le bien nommĂ© 2spee Gonzales !) Ă 3min47s
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(Mysa avec surement le dernier morceau de sa carriĂšre Ă ĂȘtre diffusĂ©) pour un total de plus de 2h30 de dĂ©flagration sonore sur des instrus originales de Char Ă 85% et I.N.C.H. pour 6 morceaux. Les invitĂ©s, exclusivement francophones, viennent de tous horizons (Bruxelles, GenĂšve, MaubĂšge, Blois, Lanester, Lyon, Grenoble, Toulouse, MetzâŠ) mĂȘme si la majoritĂ© dâentre eux officie en Ăźle de France avec une forte reprĂ©sentation du 91. En hommage Ă lâancienne gĂ©nĂ©ration, quelques oldtimers ont Ă©tĂ© conviĂ©s (Manu Key, Papi Fredo, KomaâŠ) et câest avec Ă©motion que lâon dĂ©couvre leurs tracks mĂȘme si, reconnaissons-le, certains semblent essoufflĂ©s et quelque peu en panne dâinspiration. Seuls le K-Fear et Busta Flex surnagent en se rappelant Ă notre bon souvenir. Sont Ă©galement de la partie les protĂ©gĂ©s dâOster Lapwass au sein de LâAnimalerie Ă savoir Anton Serra et Kacem Wapalek qui sâillustre une fois encore par sa formidable dextĂ©ritĂ© lyricale. Les piliers dâ1995, Nekfeu & Alpha Wann, affichent leur disponibilitĂ© et font bĂ©nĂ©ficier au projet de leur notoriĂ©tĂ© du moment (le clip de Nekfeu, diffusĂ© en amont de la sortie, est celui qui avait de loin rĂ©coltĂ© le plus de vues). Seule artiste fĂ©minine, Ladea nous gratifie dâun double couplet consistant dĂ©jĂ entendu lors dâun de ses passages chez Goom Radio dĂ©but 2012 Ă lâinstar des lignes de Flynt toujours trĂšs percutantes : « avec mes disques jâaimerais gagner ma vieâŠinvestir dans mon jouet comme NASSER AL-KHELAIFI ». Marche ArriĂšre donne Ă©galement lâoccasion aux vieux baroudeurs du format mixtape dâeffectuer leur retour (Seul 2 Seul, Ades, Ramsa, PyromanâŠ), globalement avec succĂšs, mention spĂ©ciale pour Lavokato qui signe un des morceaux phares du CD2 placĂ© sous le signe de la grisĂątre dominicale. Encore moins guilleret, le couplet de son frĂšre jumeau, LâIndis, qui aura au final posĂ© deux fois pour Le Gouffre . Les autres proches du groupe (Paco, SK-Micaz, Boudj, BelandâŠ) rĂ©pondent bien entendu Ă lâappel ; sont Ă souligner les prestations de Swift Guad, toujours Ă son aise («je suis dans mon Ă©lĂ©ment comme un foetus dans son utĂ©rus») et Hugo TSR pour un 24 mesures trĂšs enlevĂ©. Incontournables, les vitrines (actuelles ou passĂ©es) du label Neochrome (Zekwe, UnitĂ© De Feu,
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Joe Lucazz, Nakk) remplissent leur tĂąche avec conviction. Alkpote quant Ă lui ne manque pas Ă son passage de saluer chacune des entitĂ©s du Gouffre que lâon retrouve au complet sur la premiĂšre piste du CD1. Cette intro augure, Ă coup de scratchs et de voix mortuaire, une virĂ©e sombre et angoissante dans les bas-fonds territoriaux. La prĂ©sentation du collectif par le biais dâun sample du film Demolition Man ne peut ĂȘtre plus explicite : «ils ont renoncĂ© au confort de notre sociĂ©tĂ© dans le seul but de vomir leur haine sur le sein nourricier». Au diable lâangĂ©lisme, le tĂ©moignage des membres du Gouffre sur chacune de leur track apparaĂźt dur, cru, poignant, dĂ©primant, hardcore, violent jetant ainsi les bases de la tonalitĂ© du projet. Bien entendu la diversitĂ© des artistes assurent un certain hĂ©tĂ©roclisme (lâescapade inclassable de Greg Frite en est la parfaite illustration) mais câest bien sur des boucles mĂ©lancoliques que Char se complaĂźt. Centre nĂ©vralgique du projet, le beatmaker de Corbeil-Essonnes nous offre un vĂ©ritable rĂ©cital de samples tantĂŽt baroques tantĂŽt classiques, Ă des annĂ©es-lumiĂšre du vocodeur et du dirty south. Tous les instruments y passent : du violon au piano en passant par la guitare, le clavecin, la mandoline, la flĂ»te ou encore la luth, tous au service de la mise en relief du mal-ĂȘtre dâune jeunesse nihiliste dĂ©semparĂ©e et laissĂ©e-pour-compte. Le 69Ăšme titre de la tape, qui voit Char passer Ă son tour derriĂšre le micro, clĂŽture la marche arriĂšre sous fond dâimpuissance face Ă la souffrance et lâautodestruction : «je sais que lâaddition de mes addictions mĂšne Ă lâĂ©radication». A contre-sens du formatage et fruit dâun travail acharnĂ© inscrit sur la durĂ©e, Marche ArriĂšre renoue avec lâĂąge dâor dâune musique souterraine qui nâa, pour compte Ă rendre, uniquement celui de partager. Un rap altruiste en voie dâextinction qui parvient Ă rassembler une large palette dâartistes autour dâun objectif commun, celui de rendre Ă la mixtape ses plus belles lettres de noblesse. A lâombre du rap game et de sa peoplisation, «loin des histoires de baise entre Brenda et Dylan», les activistes du Gouffre sortent de leur torpeur pour expurger leur douleur, conjurer les rĂȘves brisĂ©s mais surtout marquer cette musique qui les a vus grandir de leur empreinte. âą TontonWalker.
chronique.
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crÄĆ dit photo: Rodigo Allevaneda.
concerts.
Art Is A Live x New M
orning
On nâĂ©tait pas trĂšs nombreux ce samedi Ă la sixiĂšme session dâArt is a live au new Morning pour un bon concert de rentrĂ©e : pourtant, lâambiance Ă©tait au rendez-vous. A mon arrivĂ©e vers 21h, la premiĂšre partie a dĂ©jĂ commencĂ© : je fais une trĂšs bonne dĂ©couverte avec le Bohemian Club, le groupe de Walter, Orus et Zoonard. Il me surprend agrĂ©ablement par le cĂŽtĂ© funky des prods trĂšs convaincantes de Goomar et quelques textes dĂ©tonants. Une bonne cohĂ©sion de groupe et une bonne affinitĂ© avec le public finit par rendre cette premiĂšre partie rĂ©solument agrĂ©able et donne envie de suivre de prĂšs lâĂ©volution de ce club de bohĂ©miens. La seconde partie, assurĂ©e par 2 MCs qui ont dĂ©jĂ une solide rĂ©putation dans le milieu (GaĂŻden & Yoshi) finit de chauffer la salle : un show plutĂŽt carrĂ©, la voix rocailleuse de GaĂŻden qui me fait penser Ă celle dâIbrah de BouchĂ©es doubles confĂšre un style peu banal Ă leur prestation scĂ©nique. Adeptes de la punchline, les deux compĂšres parviennent aussi Ă faire Ă©merger une bonne alchimie avec le public sensible Ă lâhumour de leurs phases et entreprennent de prĂ©parer comme il se doit la salle Ă lâarrivĂ©e des tĂȘtes dâaffiches, soit les quatre membres de la Scred Connexion. Le « carrĂ© dâas du Boulevard BarbĂšs » apparaĂźt enfin vers 23h30, et comme Ă son habitude, assure Ă tous les fans de hip-hop de passer un moment qui ramĂšnera 10 ou 15 ans en arriĂšre les plus vieux et ravira tout le monde. Vieux avant lâĂąge, Avec câquâon vit, On pense tous monnaie monnaie⊠De la Scred Selexion Volume II au dernier opus de Mokless en passant par les titres de Du mal Ă sâconfier, tout le rĂ©pertoire de la Scred Connexion est balayĂ© de façon transversale pour le plus grand bonheur de nos oreilles. Moment dâĂ©motion avec le traditionnel Je parle de Koma que tout le public parvient Ă backer bien que ce morceau ne soit jusque-lĂ sorti nulle part ailleurs que sur le net.
Et le couplet de Haroun dans Panam All Starz nous ramĂšne Ă nos annĂ©es collĂšge dont on serait Ă ce moment-lĂ presque nostalgiques. Le crew assure une ambiance chaleureuse, tantĂŽt festive, tantĂŽt consciente ou propice Ă lâĂ©motion. Les mcs donnent toujours la prioritĂ© Ă cette relation particuliĂšre au public qui fait leur marque de fabrique (distribution de t-shirts et dâanciennes mixtapes rĂ©Ă©ditĂ©es). La Scred Connexion est de ces groupes que lâon va voir en concert en ayant un peu lâimpression dâaller passer une soirĂ©e entre amis : la convivialitĂ© du public est toujours au rendez-vous et on fait toujours de belles rencontres lors dâun Ă©vĂ©nement rassemblant des fans du groupe parisien. Preuve de cette ambiance familiale, jâaperçois dans la foule un petit bonhomme dâenviron 8 ans, que tout le monde fait attention Ă mĂ©nager et quâon fait passer volontairement devant pour lui permettre dâapprĂ©cier le concert. La Scred en live câest de la bombe et les vrais le savent⊠Quelques vannes sur la ligue 1 et un ou deux Ici câest Paris plus tard, on se sĂ©pare sur le fameux B.E.Z.B.A.R qui nous transporte dans le 18e arrondissement le temps dâune chanson. Et puisque le savoir est une arme, passage obligĂ© par le shop Bboykonsian prĂ©sent sur place, avec vente de t-shirts, dâalbums et de livres centrĂ©s sur la politique et le combat antifasciste. La compilation LibertĂ© pour les prisonniers de Villiers-le-Bel est Ă©galement en vente, les bĂ©nĂ©fices sont reversĂ©s aux familles des prisonniers de lâaffaire Villiers-le-Bel. Ce quâon aime dans ce genre de soirĂ©es hip-hop câest aussi ça : quand les actes suivent les paroles⊠Parce que lâesprit hip-hop, ce nâest pas que du break et de la musique et que ce mouvement est intrinsĂšquement politique. Du street art, du rap, un public chaleureux et de la conscience politique. Le tout orchestrĂ© par le personnel souriant et serviable du new Morning : une soirĂ©e comme on aimerait en passer plus souvent. DĂ©part Ă 1heure du matin, Ă nous le noctilien⊠⹠Pauline Motyl.
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crédit photo: ©ibjohnson. 50
interview.
Espiiem entretien de
haute voltige Espiiem, un nom bien connu dans le rap game. SaluĂ© pour son talent, son Ă©loquence Ă©vidente et son savoir encyclopĂ©dique, il apparaĂźt dans la plupart des coups de cĆurs de passionnĂ©s. Son mini-album Haute Voltige est sorti en dĂ©but de mois et a confirmĂ© combien il fallait dĂ©sormais compter sur Le Noble. Doux, posĂ© et rĂ©flĂ©chi, lâhomme est Ă lâimage de son flow. Pendant lâinterview, on dĂ©couvre un artiste sincĂšre, en phase avec sa musique et avec qui il fait bon discuter. Espiiem, un nom qui gagne Ă ĂȘtre connu en dehors du rap game. DâoĂč viens-tu, Espiiem ? Mon parcours est un peu sinueux parce que je suis issu de la formation Cas de Conscience qui est une formation trĂšs rap, des grosses sonoritĂ©s New Yorkaises, assez sombres. Puis, jâai basculĂ© vers un autre groupe, qui est The Hop, qui est Ă mi-chemin entre Soul, Jazz, avec beaucoup de musiciens et une chanteuse. Et en solo, je fais un peu le lien entre ces deux influences trĂšs diffĂ©rentes. Jâarrive Ă me frayer un chemin un peu Ă©trange entre toutes ses sonoritĂ©s-lĂ pour faire ce que je fais maintenant avec Haute Voltige. Je ne sais pas encore vraiment que sera la suite. Mais en tout cas jâespĂšre que ce sera liĂ© Ă davantage de compositions, faire appel Ă pas mal de musiciens et essayer de dĂ©velopper toujours un son assez diffĂ©rent, qui me plait.
Quâest ce que tu tires de chaque Ă©tape ? On Ă©tait quatre dans Cas de Conscience. CâĂ©tait pour nous le moyen de progresser, câest vraiment ce qui mâa formĂ©. On Ă©crivait tous, puis on se voyait pour faire le bilan, se jauger les uns. Ăa mâa donnĂ© une vĂ©ritable assise en tant que MC. Avec The Hop, jâĂ©tais MC dans un groupe de musiciens, ça mâa donnĂ© une approche plus musicale pour aborder un morceau dans sa globalitĂ©. Ăa mâa apportĂ© un savoir-faire sur les structures de sons. Je sais maintenant choisir les instruments par rapport aux morceaux. Maintenant en solo, je prends du plaisir. Grace Ă mon parcours, jâai lâassurance de savoir ce que je fais. Comment les connexions se font avec tout ton entourage ? Dans The Hop il y a Kema et Sabrina. Sabrina travaille avec Jimmy Whoo qui a le studio Grandeville. En fait, avec Jimmy Whoo, on Ă©tait en classe ensemble au lycĂ©e, donc on se connaĂźt depuis trĂšs longtemps. Sabrina, ça sâest fait via The Hop. Les connexions se sont faites trĂšs naturellement parce quâon trouvait quâil y avait un talent mutuel. Avec Sabrina, ils ont bien accrochĂ© donc ils ont fait des morceaux ensemble. Tout sâest fait vraiment naturellement et on se connaĂźt tous un petit peu. On fait chacun nos projets avec les avis des autres donc les connexions se font au feeling parce que lâun connaĂźt un beatmaker, un studio,
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un autre artiste et puis ça fait dâautres liens et ça ne fait que croĂźtre. Et The Hop, câest fini aujourdâhui ? The Hop, ce nâest pas fini pour lâinstant, on va dire que câest en phase de stand by. On est trĂšs nombreux, donc au niveau de lâorganisation, câest Ă chaque fois compliquĂ© de mettre un morceau en place. Lâun travaille, lâautre est en vacances⊠Chacun se dirige sur ses propres projets. Il y a Loubenski, qui Ă©tait le bassiste et qui fait ses propres projets avec Sabrina. Il y a Benjamin, le batteur, et Kema, lâautre rappeur qui font leur truc, donc on part plus sur nos projets solos. Mais, jâespĂšre, en tout cas, pouvoir revenir sur cette formation pour quelques morceaux. Ils prendraient plaisir Ă le faire aussi. On reste trĂšs en contact. On suit ce que fait chacun de trĂšs prĂšs, mais pour lâinstant, il nây a pas de morceaux estampillĂ©s The Hop Ă venir. Les rappeurs travaillant avec des musiciens sont assez rares dans le milieu, comment tu y es venu ? En France, ça nâa pas Ă©tĂ© fait Ă©normĂ©ment parce que les gens associent peut-ĂȘtre les instruments Ă quelque chose de trop lĂ©ger, de maniĂšre presque pĂ©jorative. Ils auraient peut-ĂȘtre le sentiment, Ă tort, de perdre ce cĂŽtĂ© rue, ce grain. Alors quâau contraire, ça permet dâouvrir encore plus ta musique, dâaller encore plus loin. Câest pour ça que ce nâest pas fait suffisamment. Et puis, on est arrivĂ© maintenant Ă une gĂ©nĂ©ration, oĂč mĂȘme les musiciens, qui sont dans The Hop par exemple, ont Ă©coutĂ© beaucoup de rap et ça leur fait plaisir dâapporter leur touche sur cette musique. PeutĂȘtre quâil y a 20 ans, les musiciens nâĂ©coutaient pas de rap donc le brassage se faisait moins facilement. Câest aussi pour ça que jâespĂšre quâon va en voir davantage. On sent quâil y a toujours une alchimie entre ton texte et la production. Câest voulu ? Je suis content que tu mettes ce point lĂ en Ă©vidence parce quâavant jâĂ©crivais sur des instrus, parfois mĂȘme sur les morceaux dâautres artistes. Maintenant, jâĂ©cris uniquement sur mes instrus pour vraiment ĂȘtre dans lâesprit. Donc je suis content que tu puisses ressentir cette symbiose. Comment je fais ? Ăa se fait naturellement. Dans le processus crĂ©atif, avant ce nâĂ©tait pas le cas. Je faisais un peu Ă droite, Ă gauche. Maintenant, jâai besoin dâavoir lâinstru
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pour pouvoir partir. MĂȘme en ayant des instrus originales, ça te permet de pouvoir ĂȘtre original, dâessayer de tâadapter au niveau de la prod. Donc je pars de lâinstru pour pouvoir y apporter ma propre touche et ĂȘtre rĂ©ellement en adĂ©quation avec elle. Tu nâĂ©cris jamais avant dâavoir une prodâ ? Avant câĂ©tait le cas. Maintenant ça peut arriver, Ă des rares occasions. Tu peux ĂȘtre dehors, avoir une phrase qui te vient, puis une seconde, donc tu commences avant. Mais des morceaux entiers, maintenant non. Jâessaie de pousser mon innovation de la musique plus loin et dâĂȘtre en phase directe avec mon instru. Câest une vraie dĂ©marche artistique. Tu te considĂšres comme un artiste ? Ah ⊠Bonne question. Pour moi, ĂȘtre un artiste ce nâest pas uniquement le fait de produire de lâart. Ce nâest pas parce que, Ă mon sens, tu vas faire un morceau ou un CD que tu es un artiste. Sinon, tu peux dire que nâimporte qui est un artiste. Mais pour moi, artiste dans le sens noble du terme, câest presque quelque chose qui sâacquiert. Il faut y rĂ©flĂ©chir mais le fait quâil y ait une osmose parfaite entre ta vie, ce que tu es et lâart que tu proposes, je pense que câest quelque chose qui sâacquiert au fil du temps. Je pense quâon devient artiste et on le cherche. Ce nâest pas uniquement le fait dâen produire qui te rend artiste. Donc, est-ce que tu te considĂšres ainsi ? Je me pose souvent la question. En tout cas, quand on me demande, je ne dis pas dâemblĂ©e que je suis un artiste. Jâai lâimpression que câest prĂ©tentieux ou hautain de le dire. En tout cas, je fais tout pour le devenir et pour pouvoir coller aux aspirations que jâassocie Ă ce mot lĂ . Le jour oĂč je dirai vraiment que je suis un artiste, câest que jâaurai accompli ce que je voulais faire Ă la base. Jâessaie dâapprofondir ma quĂȘte, dâĂȘtre Ă la hauteur de cette conception. Jâen suis Ă mon deuxiĂšme projet, Haute Voltige. Je suis en train de me bĂątir, de me construire. Au fil de mes projets, jâespĂšre pouvoir acquĂ©rir ce sceau lĂ . Quâest ce que tu rĂ©ponds quand on te demande ce que tu fais dans la vie ? Je dis que je fais de la musique, du rap plus particuliĂšrement. Les mentalitĂ©s changent mais je pense quâil y a quelques annĂ©es, si tu disais que tu fai-
interview.
crĂ©dit photo: ©ibjohnson. sais du rap, câĂ©tait vraiment mal vu. Je ne dis pas quâaujourdâhui câest parfait, mais les mentalitĂ©s Ă©voluent malgrĂ© tout. Je dis que je fais de la musique, que je fais du rap. Je dis que jâĂ©tudie la philosophie Ă cĂŽtĂ©, jâai des activitĂ©s Ă©tudiantes, jâĂ©cris des textes, je fais des concerts. VoilĂ , câest ce que je fais. Pour revenir aux prods, quâest-ce quâil faut pour quâune musique tâinspire ? Je nâai pas vraiment dâingrĂ©dients magiques. Mais, malgrĂ© tout, il y a une constante de certaines sonoritĂ©s musicales. Pas forcĂ©ment en synthĂ©, jâaime bien le sample. Jâaime aussi la composition directe avec des vrais instruments. JâapprĂ©cie quand il y a un groove. Ce sont des choses abstraites, je ne peux pas rĂ©pondre prĂ©cisĂ©ment. Je ne sais pas ce qui mâinspire. Ăa varie de morceaux en morceaux. Câest constamment au coup de cĆur, Ă la claque. Je ne peux pas dire ce qui va me plaire au prochain morceau. On dit de certains artistes quâils se trahissent quand ils changent de style musical, tu en penses quoi ? Tout dĂ©pend de lâintention. Il y a plein dâartistes que lâon connaĂźt, arrivĂ© Ă une certaine forme de notoriĂ©tĂ©, ils sont contraints de faire des morceaux plus ouverts ou plus lĂ©gers pour rentrer dans les clauses que leur dicte leur major. Donc, ils changent leur musique, ils la trahissent. Leur musique qui Ă©tait faite avec spontanĂ©itĂ© est ensuite faite par calcul mais les auditeurs ne sont pas dupes. Maintenant, je ne pense pas me trahir parce quâil y a un vrai fil conducteur et un vrai suivi. Les textes sont cohĂ©rents, câest juste
le support musical qui change. Je reste dans une lignĂ©e. Je nâaurais aucune utilitĂ© Ă me trahir, je choisis la voie indĂ©pendante. Je ne suis contraint par personne pour faire la musique que je produis. Je la fais vraiment par plaisir et parce que je la ressens vĂ©ritablement. JâespĂšre ne jamais me trahir sinon je mâarrĂȘte. Je ne pourrais pas me regarder dans le miroir. Quelles sont les influences que tu aimes retrouver dans ton rap ? Tu cites beaucoup de grands. Oui câest facile, je me cache derriĂšre les grands parce que je les apprĂ©cie Ă©normĂ©ment. Comme jâexpliquais, ce que jâaime câest le feeling et le groove. Ce ne sont pas des choses que je pourrais expliquer par A+B. JâĂ©coutais un morceau de Q-tip hier, câest le feeling en personne. Ce nâest pas forcĂ©ment un flow trĂšs mathĂ©matique, trĂšs carrĂ©, mais il a lâessence du truc. Quand tu lâĂ©coutes, que tu comprennes ou pas les paroles, câest un truc trĂšs agrĂ©able. Câest un truc que jâaimerais faire ressentir. Que lâĂ©coute soit active ou passive, il faut quâelle soit agrĂ©able. Jâai lu dans tes interviews que tu disais « Jâai Ă©tudiĂ© les rappeurs amĂ©ricains », câest Ă dire ? On revient des annĂ©es en arriĂšre avec Cas de Conscience. Jâavais Ă©coutĂ© Ă©normĂ©ment de rap. Quand tu Ă©coutes un morceau de rap sans en faire, tu te dis « wahou, ce Mc, je le trouve super fort, ce quâil fait, ça me plait, ça me touche ». Quand tu passes dâauditeur Ă acteur, tu te demandes comment tu peux transformer ce qui te plaisait en le fournissant. Du coup, tu dĂ©cortiques les textes, tu les Ă©coutes. Tu
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crĂ©dit photo: Antoine Omerin. calcules sur une phrase, sur quatre pieds, quatre mesures. Combien de phrases y a-t-il ? Comment il les place ? Tu Ă©tudies les sonoritĂ©s quâil y a. Pour pouvoir se forger sa propre identitĂ©, tu es obligĂ© au dĂ©but de mimer, copier des modĂšles que tu tâĂ©riges. Câest vraiment ce quâon a fait avec les MC quâon kiffait : Big L, Big Pun, Rakim etc. Tu lâĂ©coutes et tu rends compte que dans les rimes quâil fait, il va y en avoir trois ou quatre qui riment sur plusieurs pieds, sur trois ou quatre syllabes. Câest un travail qui est plaisant, ça doit paraĂźtre fastidieux quand on en parle. Mais câest comme ça que tu Ă©tudies Ă la base. Donc, au dĂ©but câest trĂšs froid, puis tu reproduis. Et Ă la fin, tu fais ton propre truc tout en ayant cette base solide. Ăa passe par ça lâĂ©tude. Tu Ă©coutes un son et tu annotes, ce qui va te parler en tant quâauditeur et tu vas le reproduire. Câest assez rare de faire ce travail lĂ Ă la base, non ? Oui, mais il nâest pas forcĂ©ment indispensable. Moi je suis vraiment un auditeur passionnĂ©. Jâen ai Ă©coutĂ© intensivement pendant cinq-six ans parce que ça me plaisait. Quand jâen ai fait, jâavais dĂ©jĂ un bagage culturel hip hop. Du coup, quitte Ă en faire, autant le faire comme ceux que jâadorais en tant quâaudi-
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teur. AprĂšs, il y en a dâautres qui ne ressentent pas le besoin de le faire. Moi, ça me paraissait indispensable de le faire. Et mĂȘme les potes avec qui jâĂ©tais, Fils Prodige, LâĂtrange et LâHomme de lâEst avaient cette mĂȘme dĂ©marche. On Ă©tait quatre Ă faire ce job lĂ et on prenait plaisir Ă le faire. Ăa fait partie de notre parcours Ă nous. Comment tu Ă©cris ? Tu Ă©cris dâabord un thĂšme, une idĂ©e et tu construis et dĂ©construis autour ? DĂ©jĂ , je nâĂ©cris pas sur papier et stylo. JâĂ©cris de tĂȘte. Quand jâai commencĂ© Ă Ă©crire, jâhabitais dans un petit appartement avec ma mĂšre et ma sĆur. Quand je rentrais, je ne pouvais pas rapper parce quâelles mâauraient entendu, et pour moi câĂ©tait honteux. Du coup, je devais Ă©crire en allant en cours, en rentrant. Jâai pris une certaine gymnastique intellectuelle. Jâai conçu les premiĂšres phrases de tĂȘte et câest un truc qui mâest restĂ©. Maintenant, ça mâest naturel de composer comme ça. Je ne les Ă©cris pas. Je retiens tout. Par contre, jâannote. Par exemple, je vais aller chez un pote, je vais avoir une idĂ©e avant, je la note sur mon tĂ©lĂ©phone parce que je ne vais pas avoir le temps de la garder puis je la retravaille en rentrant chez moi. Câest comme ça que jâĂ©cris.
interview. Et tu travailles en dĂ©coupant ou les sonoritĂ©s se font toutes seules ? Ăa varie. Disons que jâĂ©cris le gros dâun texte sur lâinstru qui va me plaire, puis aprĂšs, je peux me dire « non, jâenlĂšve cette phrase là » et la remplacer par une autre phrase que jâavais Ă©crite il y a longtemps mais qui finalement va bien sâintĂ©grer. Câest un genre de puzzle. Je suis un perfectionniste dans le texte. Je veux quâils soient vraiment rĂ©ussis, comme si ça pouvait ĂȘtre le dernier. Ils sont Ă la fois spontanĂ©s dans la premiĂšre impulsion puis travaillĂ©s dans le dĂ©tail. Tu as des personnes qui ont cette facultĂ© dâĂ©crire un premier jet en trĂšs peu de temps, des trĂšs bons textes. Câest un truc que jâaimerais faire mais ce nâest pas comme ça que je fonctionne. Ils peuvent Ă©crire en trois quarts dâheure une heure, jâen suis incapable. Peut-ĂȘtre quâils vont changer un ou deux dĂ©tails. Pour moi, câest difficile, et jâaimerais vraiment acquĂ©rir cette facilitĂ© lĂ , aller aussi avec ce truc dâartiste dont tu parlais tout Ă lâheure : la premiĂšre impulsion. Le feeling est dâautant plus lĂ quand les choses se font naturellement. Fais-tu le lien entre rap et poĂ©sie ? Je fais le lien dâune certaine maniĂšre mĂȘme si câest diffĂ©rent parce quâon est sur de la musique donc le ressenti est forcĂ©ment diffĂ©rent. Mais ce qui caractĂ©rise le rap et la poĂ©sie, câest que câest une Ă©criture qui est trĂšs codĂ©. Par exemple, dans une certaine forme de poĂ©sie, tu peux avoir les alexandrins, tu as tes douze pieds et il faut absolument que tu arrives Ă faire tenir ton vers sur tes douze pieds. On a la mĂȘme chose en rap avec les caisses claires. Il faut que lâon fasse rentrer nos phrases et notre texte dedans. La poĂ©sie est diffĂ©rente, parce quâelle est vouĂ©e malgrĂ© tout Ă ĂȘtre lue. Câest Ă©crit noir sur blanc, tu la lis. Tandis que dans le rap, il y a aussi lâinterprĂ©tation du texte. Je peux plus jouer avec le rap quâavec la poĂ©sie. Un rap, je vais pouvoir lâamĂ©liorer par la maniĂšre dont je vais le poser. En poĂ©sie, tu ne peux pas tricher, il faut que la phrase soit parfaite. Il y a des liens de parentĂ© mais il y a quelques diffĂ©rences dans le mĂ©dia. Est-ce que tu as des sujets qui te touchent et tâinspirent particuliĂšrement ? Je ne sais pas quels sont mes thĂšmes de prĂ©dilection. Ăa fait partie du cĂŽtĂ© spontanĂ©. JâĂ©cris et il y a quand mĂȘme une cohĂ©rence. Je suis incapable de te dire. Je peux parler des filles avec ma propre maniĂšre, de mes amis avec ma propre
maniĂšre. Ă lâĂ©coute des morceaux, ce qui peut transparaitre, câest cette dĂ©termination de sâapproprier les choses. Câest peut-ĂȘtre ce qui peut se dĂ©gager de mes textes, cette volontĂ© de sâaffirmer, dâĂȘtre avec mes proches, cet esprit collectif qui peut ressortir. Jâaime bien faire parfois des thĂšmes, mais pas trop parce que câest un cadre qui peut parfois ĂȘtre rĂ©ducteur. On le voit Ă ma maniĂšre de parler, jâaime bien partir sur une phrase, sur telle idĂ©e, deux phrases aprĂšs, sur une idĂ©e totalement diffĂ©rente pour entretenir le truc. Tu vas au fond de tes idĂ©es. Tu penses ĂȘtre un fin analyste ? Ăa se fait naturellement, peut-ĂȘtre dĂ» Ă ma personnalitĂ©. Je nâai pas le sentiment dâanalyser les choses. Je nâai pas le cĂŽtĂ© relou dâĂ©crire pour analyser. Jâessaie dâapporter mon propre point de vue, de trouver la brĂšche originale mais je ne fais pas de la musique en me disant « je vais apporter ma propre analyse ». Ou alors si je le fais, câest naturel, presque Ă mes dĂ©pens. JâĂ©cris ce que je ressens avec ma propre analyse, mon propre point de vue, mais ce nâest pas mon but final. De fait, quand tu Ă©coutes, tu te dis « Espiiem, il apporte un truc diffĂ©rent ». Quâest ce que tes Ă©tudes de philosophie tâapportent en plus ? Il me semble que Youssoupha avait suivi un cursus philosophique. Des influences supplĂ©mentaires, tu trouves peut-ĂȘtre des concepts diffĂ©rents. Tu lis dâautres livres, Schopenhauer. Ces philosophes apportent leur propre concept, leur propre vision de la vie. Ton travail quand tu es en philosophie, ça va ĂȘtre dâen discuter. Dâune certaine façon, de te forger tes propres opinions. Finalement ce truc dâanalyse et de vision diffĂ©rente passe peut-ĂȘtre par la philosophie. Quand tu Ă©tudies un auteur, on te demande de le dĂ©cortiquer, de lâanalyser, de lâargumenter et dâen dĂ©battre. Tu affirmes ta propre opinion. JâĂ©tais Ă la Sorbonne donc jâai eu des profs qui maitrisaient la langue française comme pas deux. Tu arrives en classe, mĂȘme si tu ne te souviens pas du cours, tu les Ă©coutes et tu es de savoir constamment. Tu peux te dire « Ok elle est bien cette expression, je vais lâutiliser ». Affirmation de son propre point de vue, baigner dans un monde de mot et donc quand tu Ă©cris, ça tâaide. On sent dans des textes que tu tâintĂ©resses
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beaucoup Ă la culture, Ă la religion, on pourrait dire le mot intellectuel. Câest ce que lâon se disait sur le projet Haute Voltige. Le problĂšme du mot intellectuel, câest que ça fait une forme dâĂ©lite. Ce nâest absolument pas ma vocation. Je ne me suis jamais dit « je vais faire ça, je vais apporter un truc que les autres nâont pas, parce quâils ne peuvent pas lâatteindre ». Je fais ça parce que ça me plait. Câest comme la pochette : ça pourrait participer au cĂŽtĂ© intellectuel, au fait que je me diffĂ©rencie. Jâai la crainte que cela passe pour intello alors que non, câest juste poser une vision, une imagerie qui me plait. Elle plait Ă certains, dâautres ne la comprennent pas parce quâelle ne ressemble pas Ă un projet de rap, mais justement câest un truc utile. Il y a des secteurs diffĂ©rents, il ne faut pas simplement vouloir marcher sur des traces. Donc, tu peux nous lâexpliquer la pochette ? Jâai fait appel Ă un Ă©tudiant en Beaux Arts. Ă lâĂ©coute des morceaux, il a fait des collages. Câest un beau produit. Il y a dix morceaux, une illustration par morceau, avec les paroles. Chaque image a un sens, elle correspond au morceau, mais on ne lui a pas donnĂ© de directions prĂ©cises dans le choix de ses collages. Il y a du sens pour lui et aprĂšs câest Ă chacun de se faire son propre sens. Il y a un texte trĂšs particulier. Ăa ne veut rien dire, les gens vont ressentir selon leur interprĂ©tation. Je ne peux pas te dire « ça, ça veut dire ça ». Il faut faire lâeffort. Pour revenir sur le produit intello, câest un truc que je kiffe Ă fond. Sans prĂ©tention aucune, câest un projet, en tout cas dans le rap, qui nâest pas commun. Et, je pense, que mĂȘme si câĂ©tait un autre artiste qui lâavait fait, je lâaurais soutenu parce que ça nous sert dâavoir un truc comme ça, diffĂ©rent au niveau de lâimagerie. Je suis content dâavoir poussĂ© le truc aussi loin, dâapporter une vision diffĂ©rente. Pas intello, diffĂ©rente. Certains vont le ressentir, dâautres pas. Tu nous as pas mal dit comment tu te diffĂ©renciais. Câest tout selon toi ? La voix dĂ©jĂ . Jâai une voix caverneuse, diffĂ©rente. Jâai aussi la chance, par le travail, de pouvoir mâadapter Ă tous types dâinstrus. Sur des instrus lentes, je peux rapper vite, sur des instrus rapides, je peux rapper normalement. Comme je me creuse pas mal la tĂȘte sur les textes malgrĂ© tout, je pense quâils sont bien travaillĂ©s. Je me
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diffĂ©rencie par le point de vue, par lâimagerie. Tu vois, je ne suis pas en gros plan sur la pochette, je suis absent. Mon nom est en petit. Le travail qui est mis en avant, câest celui de lâartiste. Mais pareil, dâun cĂŽtĂ©, je cherche Ă ma diffĂ©rencier par la musique, mais dâun autre câest une aspersion qui mâest naturelle. Ton flow est apaisant. Cool. Câest bien. Le rap et la musique que jâĂ©coute sont souvent apaisants donc je suis content que ça puisse apaiser. Il y a paix dedans. Dans ce projet, il y a quand mĂȘme des morceaux pĂȘchus Paso Doble et Kilimandjaro. Il y a quand mĂȘme des sonoritĂ©s jazz, câest apaisant, mais il y a quand mĂȘme quelques pics pour te rĂ©veiller un peu, aprĂšs jâapaise Ă nouveau. On est sur quelque chose dâassez planant, dâoĂč le nom. Ătre un peu plus colĂ©rique sur deux ou trois morceaux, ça fait du bien. On a Ă©voquĂ© ton Ă©volution, ton flow et ton choix dâinstru. Est-ce que tu te considĂšres comme un MC complet ? Je travaille constamment pour essayer de lâĂȘtre parce que câest de cette maniĂšre lĂ , que lâon peut montrer notre talent, nos compĂ©tences, que lâon peut sâadapter Ă plusieurs styles de musique. Maintenant, grĂące Ă mon parcours, quelquâun qui va Ă©couter ma musique, sans me connaĂźtre personnellement, il pourra dire « Ok, Espieem il est Ă lâaise sur plusieurs types » donc dans ce sens-lĂ , on pourra dire que je suis un MC complet. Il y a toujours des nouvelles sonoritĂ©s qui arrivent, câest un travail perpĂ©tuel. Mais, en tout cas, dans mes aspirations, dans mon parcours, je pense que je dĂ©montre que je suis un MC complet. Haute Voltige est trĂšs attendu, tout le monde te cite comme une rĂ©fĂ©rence, comme quelquâun Ă suivre, ça te met la pression ou au contraire câest une Ă©mulation assez positive ? Ă mon Ă©chelle, ça me met une bonne pression. Je reste quand mĂȘme une personne assez underground. Pour pouvoir connaĂźtre ma musique, il nây a pas 36 maniĂšres. Ăa va ĂȘtre le bouche Ă oreille, je ne passe pas dans les grands mĂ©dias, dans les grandes radios, donc les personnes qui vont faire lâeffort de mâĂ©couter câest soit parce quâun ami leur a conseillĂ©, soit parce quâils vont aller chercher Ă droite Ă gauche. Donc, je bĂ©nĂ©ficie dâun public qui est assez confidentiel mais qui est trĂšs puis-
interview.
crĂ©dit photo: Antoine Omerin. sant, trĂšs fort. Quand les gens me disent quâils lâattendent, ça me touche et ça ne met pas une pression nĂ©gative, au contraire. Câest un genre de respect mutuel et implicite entre lâauditeur et moi. Moi, je me donne Ă fond sur les projets, sur chaque morceau. Les auditeurs le savent donc ils lâattendent et câest cool. Ăa me booste. Je redouble dâefforts pour leur donner un truc encore plus puissant, plus diffĂ©rent pour les surprendre. Câest dans ce sens-lĂ que ça me plait particuliĂšrement. Je ne marche pas Ă la pression, sinon je ne serai pas lĂ . Câest avant tout un plaisir. Quand les gens te reconnaissent dans la rue et tâencouragent, il nây a rien de plus fort. Si tu arrives Ă toucher une personne, pour moi tu as rempli ta mission. TrĂšs attendu, peut-ĂȘtre pas. Il est attendu par les personnes qui me connaissent dĂ©jĂ . MalgrĂ© tout, il faut quand mĂȘme que je fasse mes preuves, je nâai pas sorti Ă©normĂ©ment de projet. Ils ont confiance, mais il faut que je fournisse des preuves. JâespĂšre que ça va prospĂ©rer si ce projet prend la forme quâil mĂ©rite. JâespĂšre que le public va encore grandir, le bouche Ă oreille va continuer. Ce sera dâautres personnes Ă convaincre. Donc Ă©mulation positive. Tu es le premier album sorti sur le 75e session records, est-ce que tu peux en parler un peu ? Câest bien, câest une expĂ©rience. Eux comme moi, ça nous permet de faire face au monstre quâest lâindustrie et essayer de
jouer des coudes pour que le projet ait la visibilitĂ© quâil doit avoir. Câest un trĂšs beau premier projet, jâen suis trĂšs satisfait. Tu as plein de majors qui ne font pas cet effort lĂ . Il faut du temps pour faire un projet. Il faut que chaque balise soit remportĂ©e avec succĂšs. Quand Ă la fin, tu as un projet comme Haute Voltige, qui est aussi complet, câest une satisfaction. JâespĂšre quâils vont rĂ©ussir Ă prospĂ©rer et quâils vont signer pleins dâautres artistes talentueux. Il nây a pas de featurings dans le projet ? Dans le morceau Kilimandjaro, il y a une petite intervention de LâĂtrange parce que je reprends un gimmick quâil avait fait dans un freestyle « Laisse-moi prendre de lâaltitude » donc il intervient mais il nây a pas de featurings sur le projet. Ăa peut paraĂźtre risquĂ© parce que lâon est dans une Ăšre oĂč, pour les premiers projets, le nom de lâartiste est occultĂ© par tous les gros featurings. Mais ça faisait aussi partie de la dĂ©marche. LĂ , pour le premier qui sort dans les bacs, je dois affirmer vraiment mon style, une ligne forte. Pour les projets qui suivront, pas de problĂšme pour mettre des feats, des collaborations avec dâautres rappeurs, mais pour le premier, il Ă©tait important dâimposer ma ligne forte en solo. Comment tu vois Haute Voltige ? Câest terminĂ© ? Quâen as-tu appris ? Ce nâest que le dĂ©but. Il y a des concerts qui arrivent. Ce pro-
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jet nâest pas ancrĂ© Ă une date. Ă la base, câĂ©tait vraiment par passion. Puis, on a atteint un certain niveau, une certaine forme de public. Le CD physique est quand mĂȘme perçu comme un accomplissement, donc en ce sens câest une finalitĂ© de lâavoir. Sur le projet, je ne marche pas vraiment aux regrets. MĂȘme si câest le premier projet qui sort, jâai malgrĂ© tout un parcours assez long derriĂšre. Je connais pas mal dâingĂ© son, je sais quel choix faire grĂące Ă mon bagage. On peut toujours progresser dans lâaspect promo, pas forcĂ©ment dans lâaspect musique, mais plus dans lâencadrement du projet. Comme on combat avec des armes qui sont plus modestes que les grandes majors, il faut vraiment ĂȘtre carrĂ©. Câest sur ce point quâil faut quâon progresse Ă chaque fois. Mais je nâai pas de regret. Le projet est ce quâil est et il me plait. Tu imagines si je sortais un projet que je nâaimais pas, qui ne me correspondait pas ? Comme je dis, quand tu fais les choses avec le cĆur, avec passion, tu ne peux pas le rejeter. câest quelque chose qui te correspond. Il a vraiment Ă©tĂ© fait avec la meilleure intention possible. Je tâai vu sur scĂšne au Petit Bain, je ne te connaissais pas vraiment Ă lâĂ©poque, tu as mis le feu. Comment tu vis la scĂšne ? Câest une sorte dâaboutissement ? Ce nâest pas un aboutissement parce que jâapprĂ©cie aussi beaucoup le studio. Mais la scĂšne, jây prends beaucoup de plaisir. Ăa me plait, je suis backĂ© par mes potes. Câest un truc collectif aussi, tu peux dĂ©couvrir dâautres personnes. Tu as la relation directe avec le public. Tu dois capter lâattention. Quand tu arrives Ă ĂȘtre en phase, ça ne se fait pas instantanĂ©ment, les morceaux prennent une dimension toute autre. Câest vraiment quelque chose qui compte pour moi. Le projet va ĂȘtre dĂ©fendu avec des musiciens, donc on va apporter une touche diffĂ©rente. Câest un moyen de prĂ©senter les morceaux que les gens peuvent connaĂźtre en se mettant en danger et en apportant quelque chose dâautre. Un vĂ©ritable plaisir. Tu te tiens assez Ă©loignĂ© du milieu hip hop parisien et particuliĂšrement des Ă©vĂšnements. Pourquoi cette discrĂ©tion ? On peut presque faire le mĂȘme constat sur les rĂ©seaux sociaux oĂč tu sembles moins actif que dâautres. Certains vont pen-
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ser que câest par snobisme mais câest vraiment par rapport Ă ma propre personnalitĂ©. Je produis beaucoup de rap, jâen Ă©coute Ă©normĂ©ment. Je prends plus de plaisir Ă ĂȘtre avec mes amis, Ă chiller Ă droite Ă gauche quâĂ aller dans des concerts rap. MalgrĂ© tout, ça ne mâempĂȘche pas dâavoir une certaine visibilitĂ© parce que je suis en adĂ©quation avec moi-mĂȘme. Les gens ne sont pas dupes. On a eu trop tendance Ă faire passer les auditeurs pour des cons. Quand les gens sentent que tu es naturel, ils te soutiennent. Câest un crĂ©dit supplĂ©mentaire et câest ce qui joue en ma faveur. Je nâai pas Ă aller me montrer, Ă faire une photo avec je ne sais pas qui. Je fais mon truc, les gens respectent ça. Je ne suis en froid avec personne dans le rap, câest juste que ça mâennuie un peu. Je vais passer pour un mec chiant ! (il rit). Câest comme dans tout milieu, mĂȘme dans le rap, il y a des mondanitĂ©s. Le dernier concert que je suis allĂ© voir câĂ©tait Christian Scott, un trompettiste, ce nâest mĂȘme pas du rap. Si jâavais un concert de rap Ă voir, ce serait quoi ? Ca ne serait mĂȘme pas du rap français, je crois. Si tu devais donner des conseils Ă un dĂ©butant, quâest ce que ce serait ? Quâest ce que tu lui suggĂšrerais de lire, voir, Ă©couter ? Je lui dirais dâavant de vouloir trop vite ĂȘtre rappeur ou artiste de vraiment se bĂątir une forte connaissance artistique. Quâil fasse lâeffort de dĂ©couvrir les diffĂ©rents styles de rap, les diffĂ©rentes Ă©poques. De cette maniĂšre lĂ , il pourrait puiser dans tout ça pour vraiment crĂ©er son propre truc. Malheureusement, on est dans une Ăšre oĂč les artistes veulent aller trop vite sans vraiment prendre le temps dâavoir une assise vĂ©ritable dans leur domaine. Pour connaĂźtre vraiment la direction qui leur plait le plus, ils ont trĂšs peu de modĂšle, parce quâils nâont que 4-5-6 groupes de rĂ©fĂ©rence. Donc, je lui conseillerais vraiment de faire lâeffort avant de se prĂ©cipiter. Il faut aussi Ă©largir ses musiques, pas uniquement du rap si tu es dans le rap, tu peux Ă©couter de la soul, de la musique classique, du jazz, du rock. Il faut se nourrir un peu de tout ça. Et toi, tu Ă©coutes de tout ? Je nâĂ©coute pas de tout, mais beaucoup de styles de musique diffĂ©rents. Ăa va du jazz, que jâaime Ă©normĂ©ment, au classique en passant par la musique sud-amĂ©ricaine, lâorientale, du rock aussi et Ă©normĂ©ment de rap. JâĂ©coute vraiment des musiques trĂšs variĂ©es. Ăa permet de redĂ©couvrir des musiques
interview. que tu aimes bien. JâĂ©coute aussi de la deep house. En mot de la fin, quâest ce que tu aimerais dire aux gens qui te suivent ? Je les remercie. Ceux qui me soutiennent, ceux qui me dĂ©couvrent lĂ en ce moment ou ceux qui me suivent depuis le dĂ©but. JâespĂšre que les morceaux qui suivront leur plairont tout autant. Par la suite, jâarrive avec dâautres MCS que je trouve super forts. JâespĂšre quâils leur plairont et quâils dĂ©couvriront encore dâautres personnes. âą Tous propos recueillis par Mandarine.
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interview.
ROCĂ lâentretien-live. Alors que la pluie commençait Ă sâabattre sur la fĂȘte de lâHumanitĂ©, ROCĂ© a rĂ©pondu Ă nos questions. Une interview courte de quinze minutes, mais grande de sujets. Le bonhomme nous parle de live, mais bien au delĂ de conscience politique, de la musicalitĂ© des scratchs, et des piĂšges des retournements de veste. Comment as-tu commencĂ© Ă rapper en public ? Jâai commencĂ© la scĂšne assez jeune, dans des lieux associatifs, les fĂȘtes de quartier. Et puis, jâai fait ma premiĂšre tournĂ©e assez tard, en 2005/2006, jâen Ă©tais dĂ©jĂ Ă mon deuxiĂšme album. AprĂšs jâai Ă©cumĂ© aussi pas mal de scĂšne en France et aussi Ă lâĂ©tranger, en Allemagne, en Hollande, en AlgĂ©rie⊠Durant ces voyages, tu as pu te rendre compte des diffĂ©rences de rĂ©action des publics ? Le public est Ă lâĂ©coute, il est assez rĂ©ceptif. Nous, sur scĂšne, on fait en sorte dâavoir une bonne dynamique, dâĂȘtre toujours en interaction avec le public. De faire ça vraiment comme une performance, un travail qui mĂ©rite un entraĂźnement pour pouvoir ĂȘtre mis sur scĂšne. A partir de lĂ , le but câest de laisser les gens un peu bouche-bĂ©e. Montrer une performance, comme il peut y avoir la mĂȘme logique dans la danse. Câest Ă force dâentraĂźnement quâils arrivent Ă faire leurs figures. Câest pareil, on peut faire ce que lâon veut Ă force dâentraĂźnement. LâidĂ©e, câest de bluffer le public. Tu parles dâentraĂźnement, comment se prĂ©pare une tournĂ©e ? Avec DJ Karz, lâidĂ©e câest dâĂȘtre en interaction. Parfois il va prendre le micro, dâautres fois il va couper des morceaux pour mettre ma parole en avant. On nâest que
deux sur scĂšne. A une Ă©poque, jâai eu un live band, mais aujourdâhui le but câest de montrer quâĂ deux on peut faire des choses aussi grandes quâavec un groupe. A lâheure actuelle, la plupart des gens vont mettre un live band en cachemisĂšre. En plus, certains programmateurs sont assez rĂ©ticent au fait quâil nây ait quâun rappeur et un Dj. Câest vraiment de lâinteraction, le but câest de mettre la barre trĂšs haute, de maniĂšre trĂšs Ă©purĂ©e. Câest assez reprĂ©sentatif de ma musique. Câest assez Ă©purĂ©, avec beaucoup de lyrics. Il faut surtout que ça envoie. Justement, les dĂ©tracteurs disent souvent que le rap nâest pas musical. Câest question de goĂ»t. Moi, je pars du principe que pour changer les enjeux de la musique, il faut de la puretĂ© et pas de la fusion. Ăa veut dire que si demain je ramĂšne une chanteuse ou un chanteur, avec des violons de musique classique, pour montrer que je suis ouvert dâesprit et que je fais de la fusion, je change quoi ? Au final, ça va ĂȘtre juste pour avoir les applaudissements bien-pensants des critiques. Mais je ne vais changer aucun enjeu. On change les enjeux avec la puretĂ© mĂȘme, lâessence du mouvement . Que ce soit dans le cinĂ©ma, dans la musique etc. La poĂ©sie câest la poĂ©sie. Si les gens nâaiment pas la poĂ©sie, ce nâest pas parce quâon va mettre des notes de musique, quâon va faire Ă©voluer la poĂ©sie. La poĂ©sie restera la poĂ©sie, on aura juste fait de la fusion. Le rap câest pareil. Par exemple, on ne dit pas « les percussions câest pas de la musique parce quâil nây a pas de tonalitĂ©s perceptibles comme les tonalitĂ©s dâun piano.» Les percussions restent de la musique. Le rap, câest de la musique. Je nâattends pas la mĂ©daille ou la bonne note des critiques, je suis au dessus de ça.
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Dâailleurs, ce qui tâimporte câest le retour du public ? DĂ©jĂ , ça va commencer par moi car ça va ĂȘtre un accomplissement personnel. Puis bien sur, ça va ĂȘtre le retour du public. Comment le public perçoit lâĂ©nergie du disque ? Puis câest surtout le long terme. Je fais une musique qui nâest pas facile, avec beaucoup de texte. Sur le court terme, mĂȘme les gens qui me connaissent nâarrivent pas Ă donner un avis sur mes albums. Ăa ne les intĂ©resse pas. Je suis dans une temporalitĂ© qui est Ă lâĂ©cart de la temporalitĂ© mainstream dans laquelle on vit. Quand tu es en phase de composition, penses-tu dĂ©jĂ au live ? Avant non, mais pour cet album ça a Ă©tĂ© le cas. Câest vrai quâĂ un moment, on se pose la question « est ce quâon a envie dâĂ©crire des textes trop parsemĂ© de rĂ©flexions ? » Du coup, comment on le fait sur scĂšne? Les gens nâont pas le temps dâĂ©couter, ils ne peuvent pas bouger leur tĂȘte. Câest assez frustrant dâailleurs. Il y a aussi un cĂŽtĂ© Ă©nergie que lâon veut donner, dâune maniĂšre assez gĂ©nĂ©reuse. Si les textes sont trop remplis, on nây arrive pas. Câest la symbiose des deux que jâessaye de faire. Tu as fait ta premiĂšre tournĂ©e aprĂšs ton deuxiĂšme album. Pourquoi ça ? Jâai toujours fait des concerts, je nâai jamais arrĂȘtĂ©. Mais par contre, ce nâĂ©tait pas dans une organisation vraiment construite de tournĂ©e. CâĂ©tait des concerts Ă droite, Ă gauche, parsemĂ©s. A partir du deuxiĂšme album, jâĂ©tais avec des tourneurs et on a pu vraiment partir sur une tournĂ©e. Aujourdâhui tu es Ă lâHuma, qui est Ă lâorigine un festival engagĂ©. Le choix de tes dates, est il important ? En toute honnĂȘtetĂ©, je ne suis pas fan des programmations de lâHuma, parce que je ne les trouve pas assez engagĂ©es, elles nâont pas assez de caractĂšre. Maintenant je suis trĂšs content dây jouer, parce que câest quand mĂȘme une superbe exposition et quâil y a lâhistoire de ce quâest la fĂȘte de lâHuma. Je trouve ça juste dommage quâils ne suivent pas la cohĂ©rence de ce que câest. Mais je suis content dây ĂȘtre pour ce que ça reprĂ©sente. Comment prĂ©pares tu ta set list ? Câest de la mise en scĂšne comme dans le thĂ©Ăątre. Il faut vraiment quâon ramĂšne un spectacle. Il y a aussi le cĂŽtĂ© performance, parce quâon est enfoncĂ©
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dans la musique jusquâau bout. AprĂšs, il ne faut pas que ça nous parle quâĂ nous, que ça ne reste que de la technique. Il y a le rĂȘve, il faut amener quelque chose aux gens. Il y a toute une mise en scĂšne, comme pour une piĂšce de thĂ©Ăątre, un film ou quoique ce soit. Câest ça qui est intĂ©ressant, parce quâĂ la base ce nâest pas du tout de notre domaine. Moi câest lâĂ©criture et le rap, lui câest des scratchs et le mix. Et on rentre dans quelque chose qui est directement en lien avec le public. On apprend un nouveau mĂ©tier qui est celui de la mise en scĂšne, mĂȘme si on est aussi aidĂ© par dâautres et par lâexpĂ©rience de toute la tournĂ©e. A chaque fois on se remet en question : « pourquoi les gens dĂ©crochent ? », « A quel moment ils dĂ©crochent ? », « Que faire pour quâils ne dĂ©crochent pas ? ». Entre un public de festival ou un public qui ne vient que pour toi, câest diffĂ©rent ? Oui, câest complĂštement diffĂ©rent. Pour les publics qui ne sont pas forcĂ©ment les miens, comme en festival, il faut ĂȘtre gĂ©nĂ©reux en Ă©nergie. Ce nâest pas acquis alors il faut envoyer! A chaque fois, câest comme un combat. Il y a toujours des gens qui en sortent bluffĂ©s, parce quâils dĂ©couvrent quelque chose quâils ne connaissaient pas, que ça soit dans les textes ou dans lâĂ©nergie. La scĂšne donne cette chance. Car si je voulais toucher des gens, ce serait par des rĂ©seaux mĂ©diatiques que je nâai pas et qui sont complĂštement verrouillĂ©. Quand je suis cinquante minutes sur scĂšne, câest mon moment, câest mon domaine. LĂ je ne peux pas me plaindre, câest Ă moi de faire ma marque. Du coup, vu que tu as abordĂ© lâidĂ©e, te prĂ©serves-tu des mĂ©dias actuels ? Oui et non. Je pense aussi que je nâen ai pas le talent. Quand on retourne sa veste, il faut faire attention que ce ne soit pas la mĂȘme des deux cĂŽtĂ©s. Je nâai pas forcĂ©ment le talent pour leur plaire. Il faut faire son bonhomme de chemin et voir comment les choses vont ĂȘtre gĂ©rĂ©es. AprĂšs, câest vrai que je reproche souvent aux artistes dâavoir une conscience politique trop peu aiguisĂ©e. Et puis malgrĂ© tout ce quâon peut Ă©crire sur le rap et toute la caricature que lâon en fait, je suis bien content que les gens nâaient pas encore dĂ©laissĂ© la langue française, en comparaison Ă un certain rock, une certaine pop ou folk. Puis, ils font aussi partie des gens qui ont une conscience politique des plus ouvertes, au final.
interview.
crĂ©dit photo: B-rob. La place de la politique dans le rap est donc essentielle pour toi ? Pas forcĂ©ment dans le langage, le free jazz Ă©tait politique dans sa posture. Les saxos criaient et jouaient faux de maniĂšre assumĂ©e. Mais, câest vrai que pour moi, mĂȘme si on sort de la musique, un citoyen qui nâest pas un citoyen en colĂšre, ce nâest pas un citoyen. Un citoyen qui nâest pas en rĂ©sistance, câest un citoyen qui ne sert Ă rien dans notre monde. Sâil suit le courant, il ne sert Ă rien. Et câest la mĂȘme chose dans la musique. Ce nâest pas pour ça quâil ne faut faire que des morceaux Ă©nervĂ©s. Nina Simone faisait des morceaux trĂšs doux, mais on sentait la rĂ©sistance dans ses morceaux. Pareil pour Bob Marley. Aujourdâhui, on est dans un monde oĂč ce nâest clairement pas ces artistes qui vont ĂȘtre mis en avant. Dans ce sens lĂ , une scĂšne est une tribune. Oui, carrĂ©ment. Le rap est ma musique de prĂ©dilection. Les thĂšmes ça va ĂȘtre aussi bien lâamitiĂ©, de la sociologie, de la philosophie, de la poĂ©sie. Mais quelque soit le thĂšme, je nâai pas de limite. Le rap câest quelque chose que jâapprĂ©cie, par sa forme mais aussi parce que ça me laisse une place pour mâexprimer. âą Juliette Durand.
â Je nâattends pas la mĂ©daille ou la bonne note des critiques, je suis audessus de ça.â 63
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concerts. MĂ©dine x LâOlympia.
CâĂ©tait ce vendredi 13 septembre que MĂ©dine investissait lâOlympia. Avant ça, il y avait eu une date prĂ©vue en mai dernier, puis annulĂ©e. De quoi sâattendre Ă un show qui se promettait trĂšs bien ficelĂ©. Depuis quelques semaines, ses rĂ©seaux sociaux lâannonçaient, le rappeur et son Ă©quipe Ă©taient Ă lâentraĂźnement. Puis deux ou trois jours avant, des noms de guests avaient surgi. On parlait parmi tant dâautres de Ladea, Youssoupha et Kery James. Alors oui ce soir lĂ , on sâattendait Ă ce que lâArabian Panther fasse ses griffes sur le dĂ©cor feutrĂ© de lâOlympia. Flynt lâavait annoncĂ© sur les rĂ©seaux sociaux : il dĂ©buterait son show Ă 20h. Et Ă 20h prĂ©cises, lâenfant du 18Ăšme dĂ©boule sur scĂšne et fracasse la premiĂšre partie. A coups de classiques de son rĂ©pertoire, il pose les premiĂšres briques dâune soirĂ©e qui dĂ©borde de promesses. Câest forcĂ©ment sur un goĂ»t de trop peu que son set de vingt-cinq minutes se termine aprĂšs Un Pour La Plume, JâEclaire Ma Ville, Haut La Main et une Balade Des IndĂ©pendants qui rendent trĂšs bien en live. Il laisse sa place Ă Tiers-Monde qui balance une session plus rythmĂ©e, dans un autre dĂ©lire. La salle commence Ă ĂȘtre bien remplie et Ă trĂ©pigner dâimpatience. AprĂšs une petite session interactive avec le public sur Salaam, il passe la main Ă la vedette de la soirĂ©e. Tout nâest pas surprise. Les vidĂ©os notamment de son concert Ă la Boule Noire en sont la preuve. Mais pourtant tout fait son effet et tout commence par lâentrĂ©e de la bĂȘte MĂ©dine dans lâarĂšne. Câest un poing qui sâouvre et le rappeur surgit. Magistral, derriĂšre son masque Ă la
Bane. Le pas est lent, et la tension de lâattente fait place Ă une autre tension. Le pas est lent, et la tension de lâattente fait place Ă une autre tension. Peut ĂȘtre plus terrible, tant MĂ©dine prend la place de celui qui surplombe avec domination la foule. Ambiance imposĂ©e par le maĂźtre. Il est cette force, toute en puissance. Une carrure lourde qui donne le ton, celui dâun flow hachĂ© et sec, oĂč chaque punchline a la rĂ©sonance des slogans. « Quâils ouvrent des Ă©coles ils fermeront des prisons » de Victor Hugo, repris dans Oracle introduit la chose. PiĂšce par piĂšce, morceau aprĂšs morceau, MĂ©dine se dĂ©vĂȘtit et tombe le masque. Jamais seul, toujours Ă©paulĂ© par ses apĂŽtres: Tiers Monde et Bravâ. Le concert nâest pas une suite basique et fluide de morceaux piochĂ©s dans toute une discographie. Il est tout autre, avec ses grands moments dâintensitĂ© et de suspension. Il sâarticule autour de tableaux et câest bien ces points forts â et parfaitement rĂ©glĂ©s â qui donnent le rythme. Le rap prend son souffle thĂ©Ăątral. MĂ©dine interprĂšte, plus quâil ne rappe, mĂȘme sâil nâen perd pas son phrasĂ© de carnassier. Câest donc dans la peau de Massoud que Du Panjshir Ă Harlem prend rĂ©ellement vie, alors que Tiers Monde a revĂȘtu le costume de Malcolm X. Les deux se rĂ©pondent et sâalignent dans un jeu de lumiĂšres. Des duels de la sorte il y en aura plusieurs, notamment sur le Blockkk Identitaire oĂč Youssoupha rentre Ă son tour dans lâarĂšne. Entre les deux serait-ce une mĂ©taphore de la mort ou bien un triple K qui fait le pont ? Youssoupha ouvre la porte Ă lâarrivĂ©e du rap français, scandĂ© qui rappelle un Kery James qui viendra clĂŽturer le dĂ©filĂ© de MCs. Tous vien-
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nent poser un texte, alors que câest un piano qui sâaffole sur les platines de Proof. Il y aura Tunisiano, Lino, Sinik, Ladea. Histoire de se dire aussi, que malgrĂ© tout, malgrĂ© ses rancĆurs, le rap français nâen oublie pas son unitĂ©. Plus tard câest Orelsan qui viendra fermer la porte des guests. Un Courage Fuyons fluide et puissant, paradoxalement enjouĂ© par ses chĆurs. VoilĂ , ce que promettent les dates parisiennes, des noms, des featurings. Le concert de MĂ©dine en est sĂ»rement un parfait exemple, de ce qui se fait de la mise en scĂšne et de la set list, digne de la capitale (et pourquoi pas de province dâailleurs?). La soirĂ©e prend Ă contre pied la notion de crecendo. Lâouverture
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est forte et les surprises viendront vite. Le reste de la soirĂ©e se dĂ©cline dans quelque chose de beaucoup plus introspectif. Le fauve se calme et baisse les armes. Biopic et le chant de Kayna Samet donneront les derniĂšres notes de ce show. Une derniĂšre fois MĂ©dine se travestit pour Enfant du Destin. Un regard trĂšs fin et juste sur la guerre qui enferme la jeunesse israĂ©lienne et palestinienne dans une oppression qui nâest peut ĂȘtre pas hĂ©rĂ©ditaire. Les remerciements minimalistes mais honnĂȘtes viendront, de quoi se rendre compte que MĂ©dine Ă lâOlympia, câest le rap indĂ©pendant qui sâimpose dans les lieux de la culture. Câest Le Havre qui investit Paname. âą Juliette Durand, photos SolĂšne Patron.
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crédit photo: Bertille Chéret.
interview.
Hippocampe Fou, interview aquatique. Tu peux nous raconter dâoĂč vient le mec derriĂšre lâhippocampe ? La lĂ©gende veut que je sois le fils de PosĂ©idon et que jâaie grandi sous la mer. Câest la version officielle, celle que je donne en interview dâhabitude. Mais en vrai, je suis juste un passionnĂ© de cinĂ©ma qui a suivi un parcours classique. Tu aimes le cinĂ©ma depuis tout petit ? Oui, câĂ©tait ma vraie premiĂšre passion. La musique est venue plus tard. Je le prĂ©cise parce que mon pĂšre est musicien et quâon pense que ça vient naturellement. Mais non, jâĂ©tais Ă fond dans le cinĂ©. Donc tu arrives Ă la musique plus tard. Exactement. Quand jâai commencĂ© mes Ă©tudes de cinĂ© en fait. Jâai dĂ©couvert le rap via Ghost Dog de Jim Jarmusch et ça a Ă©tĂ© un dĂ©clic. Dans ce film, il place la culture des films de mafieux, celle des samouraĂŻs et le hip-hop au mĂȘme niveau. Ăa mâa tout de suite intriguĂ©. Je retrouvais quelque chose dans les rythmiques et je me suis rendu compte que jâaimais vraiment ça. Câest plutĂŽt rare de voir un rappeur venir au rap tard. GĂ©nĂ©ralement, ça prend Ă lâenfance ou lâadolescence puis on sâouvre Ă dâautres cultures aprĂšs. Je ne vais pas mâinventer une vie, jâai grandi dans le 15Ăšme. Donc le rap nâa jamais Ă©tĂ© pour moi une
porte de sortie ou une maniĂšre dâextĂ©rioriser des frustrations. CâĂ©tait bien lâidĂ©e de ma question, câest peut-ĂȘtre le signe dâun changement dâĂ©poque. Jâai commencĂ© Ă Ă©crire et Ă mâintĂ©resser au rap quand TTC, La Caution etc. ont commencĂ©s Ă sortir. Ăa nâa rien Ă voir avec eux mais câĂ©tait le dĂ©but dâun courant alternatif. Il y avait aussi Java, dâailleurs. Donc pour moi, câĂ©tait dĂ©jĂ possible et envisageable de faire du rap qui parle de tout et nâimporte quoi. On pouvait dĂ©jĂ sortir de lâĂ©tiquette « quartier » si on fouillait un peu. VoilĂ , tu pouvais tâĂ©loigner des codes. AprĂšs, il y a eu lâessor de ce gangsta-rap au cours des annĂ©es 2000 qui ne me parlait pas du tout. CâĂ©tait trop froid, mĂȘme au niveau des productions. On dirait lâancĂȘtre de la trap mais sans ce cĂŽtĂ© bounce quâil peut y avoir maintenant. Câest Ă©trange parce que le rap racailleux des annĂ©es 2000, hormis quelques albums, est rejetĂ© presquâen bloc maintenant alors quâil a vraiment phagocytĂ© le mouvement Ă une Ă©poque. Câest vrai. Mais je respecte tous les artistes et tous les genres musicaux. Pourquoi on pourrait faire du rap un peu Ă©trange et marrant et pas de la trap ? Mais câest vrai quâon ne voyait que ça Ă une Ă©poque et
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câest vraiment restĂ© ancrĂ© dans lâopinion publique. Puisquâon parle des annĂ©es 2000, je crois savoir que tu es venu au rap par le slam. Oui, mes premiers textes Ă©taient des a cappella dans des soirĂ©es slams. Je me testais et je faisais des flows dĂ©jĂ rapides. Câest un bon galop dâessai parce que tu vois tout de suite ce qui marche ou non. Je refais des soirĂ©es slams maintenant et ça me met une pression que je nâavais pas avant. Je fonctionne par pĂ©riode. Parfois je bosse le fond : jâai besoin de dĂ©fendre mon univers et de dĂ©velopper mon discours. Puis aprĂšs tu vas te prendre une claque dâun rappeur et tu vas te rappeler que le flow est Ă la base du genre. Donc tu vas partir sur des textes Ă flow trĂšs technique. Le but, câest dâarriver Ă allier le fond et la forme. Câest une Ă©mulation perpĂ©tuelle. Câest ça. Je sais que jâai progressĂ©, je commence Ă avoir une bonne synthĂšse des deux. En live, il y a des moments oĂč je suis dans la technique pure et les gens crient. Ils apprĂ©cient lâexercice comme un batteur qui ferait un solo. Câest jouissif comme sensation. Sur mes nouveaux aqua-shows, je veux faire la mĂȘme chose mais en offrant plus de thĂšmes et des morceaux plus calmes par moment. Lâavantage dâun texte trĂšs technique, câest quâil nĂ©cessite plusieurs Ă©coutes pour lâapprĂ©hender correctement. Oui mais pour faire ce genre de textes, il faut bien sĂ©lectionner ses syllabes. Certaines sont bannies tout simplement parce quâelles sont trĂšs dures Ă prononcer rapidement. Alors tu choisis des consonnes faciles Ă enchainer et forcĂ©ment tu ne peux plus dire ce que tu veux. Tu es tributaire de lâenchaĂźnement des sonoritĂ©s. Tout en gardant une certaine musicalitĂ© quand mĂȘme. Câest Orelsan qui disait que « si tâas du flow et pas dâparoles, tu seras jamais plus fort que Scatman ». A lâheure actuelle, des gars comme lui et Stromae sont vraiment au-dessus du lot. Ils ont rĂ©ussi Ă aller au-delĂ du rap sans faire dans le niais. Il y a quelque temps, jâavais envie dâaller voir Orelsan et de lui dire « tâas vu, jâarrive Ă rapper super vite et en plus jâai des paroles. » Mais câest pas mal aussi de faire des textes sans
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prouesse technique, juste pour le texte. Câest lĂ oĂč Orel est fort, il nây a pas dâesbroufe chez lui. Il ne se cache pas derriĂšre sa technique. Tiens, est-ce que câest conscient ta façon de te cacher derriĂšre ton personnage ? En fait, le personnage varie selon les morceaux. Jâessaie de ne pas mâenfermer. Booba est coincĂ© dans son dĂ©lire. Si demain il met un costume de panda, il se fait cracher dessus. Jâai commencĂ© dans un groupe oĂč jâavais dĂ©jĂ un personnage bien marquĂ© mais je variais dĂ©jĂ les thĂšmes. Je tâai entendu parler de contes dans les interviews. VoilĂ , jâai plus lâinstinct de conteur que de sociologue. Jâai ma maniĂšre de transmettre des idĂ©es et des pensĂ©es, câest via mon univers et mes personnages. Câest un peu le cĂŽtĂ© fable. Mais dans mon imaginaire, je peux parler de diffĂ©rentes choses sans mâinterdire de faire des morceaux plus personnels. Sur âalbum, il y a des morceaux oĂč je raconte vraiment ce que je suis mĂȘme si ça va ĂȘtre caricatural. Câest un peu bipolaire comme fonctionnement. Je ne sais pas si câest bipolaire mais câest une maniĂšre de ne pas sâenfermer dans le rĂ©el et de ne pas sâennuyer dans la crĂ©ation. un morceau comme SoirĂ©e de Ouf, câest du vĂ©cu ? (Rires). Personnellement, je nâai j amais rencontrĂ© ni la reine des aliens ni Edward aux Mains dâArgents. Lâhistoire de ce titre est drĂŽle : Fredo mâavait proposĂ© de faire un featuring. Je savais quâil Ă©tait pote avec Yoshi alors jâai proposĂ© quâon fasse un truc Ă trois. Un bon threesome. Jâai envoyĂ© lâinstru de Goomar que je trouvais mortelle et je voulais partir sur le thĂšme de la soirĂ©e tarĂ©e. Mon idĂ©e initiale, câĂ©tait mĂȘme une soirĂ©e Ă©changiste avec des personnages Disney. un bon gouffre Ă procĂšs. Ouais (rires). LâidĂ©e a un peu dĂ©rivĂ©e. Jâavais dĂ©jĂ Ă©crit mon couplet et eux ont fait en sorte que ça colle. Câest un bon dĂ©lire. Le clip Ă©tait un peu trop ambitieux. Dans plusieurs de tes morceaux dont celui-ci, on ressent le cĂŽtĂ© screwball comedy, on ne sait jamais dans quel sens ça va aller. Quand jâĂ©tais en fac de cinĂ©, jâavais
interview.
des cours de scĂ©nario. Ăa doit jouer mĂȘme si je nâai jamais Ă©crit de script qui me plaise vraiment. Jâai appris les bases de lâĂ©criture. Mais je suis plus un gars qui va trouver des petites images dĂ©lirantes. Tu Ă©cris beaucoup en rapport avec lâinstru ? JâĂ©cris 90% de mes textes sur mes instrus. La musique mâapporte des idĂ©es et des images. Et en tant que fan dâEminem et Busta, jâaime chercher le flow qui collera le mieux Ă lâinstru tout en restant surprenant. Tu as un univers trĂšs cinĂ©matographique. Si on te dit quâon ressent des influences de Burton, Gondry ou des Monthy Pyton, tu en penses quoi ? Tu peux en rajouter : Kubrick, Lars Von Trier, Haneke etc. mais ils ne sont pas trĂšs grand public alors les rĂ©fĂ©rences sont plus compliquĂ©s Ă placer. Quand jâĂ©cris, il me faut une idĂ©e percutante par ligne sinon je mâennuie. Jâaime bien avoir les images comme si câĂ©tait un plan, un story-board en quelque sorte. Câest pour ça que jâai du mal Ă parler de politique ou dâĂ©cono-
mie câest trop abstrait, ça ne me parle pas. MĂȘme en tant quâauditeur ? Oui, ça mâennuie. Il y a des mecs comme rockin Squat dont jâai apprĂ©ciĂ© des sons mais plutĂŽt ceux oĂč il y avait un story-telling, tu es embarquĂ© dans lâhistoire. DĂšs que câest plus global et quâil y a trop de chiffres, de pourcentages, jâai lâimpression de regarder Bloomberg TV. Ăa mâennuie, jâai besoin dâaller sur Gulli. Est-ce que tu tâinterdis dâĂȘtre pointu dans tes rĂ©fĂ©rences ? On sait que tu as un gros bagage cinĂ©ma. Non parce que je nâai pas envie de trahir qui je suis et de simplifier mon discours. AprĂšs, je ne suis pas le plus grand cinĂ©phile de tous les temps, câest juste mon truc. Quand jâĂ©tais en fac de cinĂ©ma, jâavais parfois honte dâaller voir un Spielberg ou un Peter Jackson parce que je me disais que je trahissais le cinĂ©ma. En vieillissant, je me suis Ă©loignĂ© de ça et jâai retrouvĂ© avec joie mon premier amour : le cinĂ©ma de divertissement. DĂšs le dĂ©part, je faisais du rap avec des potes. On avait un groupe qui sâappelait Les Anciens. Mes
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crÄĆ dit photo: Emilien Personne. 72
interview. potes rappaient bien mais ils faisaient trop de private jokes. Je leur disais quâil fallait quâon reste comprĂ©hensible par les gens de lâextĂ©rieur. Et moi, dĂšs mes premiers textes, je voulais ĂȘtre compris. Ăa nâempĂȘche que je peux mettre des rĂ©fĂ©rences pointues mais on est Ă lâĂšre de WikipĂ©dia. Les auditeurs peuvent aller chercher les noms que je place, dâautant plus facilement que jâaccompagne les vidĂ©os de mes textes.
ne sait pas ce qui sâest passĂ©. A un moment, ils sont tous dans un hangar et les gens qui possĂšdent des armes deviennent les maĂźtres des lieux. Ăa peut faire Ă©cho aux camps de roms maintenant et câest saisissant. Mais quand ça passe par le biais de lâinformation, ça te touche diffĂ©remment. « 150 personnes enfermĂ©es dans un hangar, en attente dâexpulsion », ça ne te fait pas le mĂȘme effet.
Comme un Lucio Bukowski avec la littĂ©rature. On nous a souvent comparĂ©s et Ă juste titre, je pense. Il est venu au rap trĂšs tard aussi. Il a trouvĂ© une maniĂšre de sâexprimer autre que le roman, qui Ă©tait sa passion premiĂšre, je pense. Ce nâest finalement pas surprenant quâon ait fait le morceau Testament ensemble.
Câest le pouvoir de la mĂ©taphore. VoilĂ . Sans mĂȘme parler dâun sujet, il rĂ©ussit Ă te lâĂ©voquer.
Qui est trĂšs rĂ©ussi dâailleurs. Merci ! Je venais de sortir ma net-tape. Il mâa Ă©crit en me disant quâil me suivait depuis un moment et quâil aimerait bien quâon fasse un son ensemble. Ils mâont envoyĂ© lâinstru dâOster. Une semaine aprĂšs, jâavais Ă©crit et enregistrĂ© le truc. Je suis trĂšs content dâavoir fait un morceau avec lui. Et quand jâai fait le son Hymne au cinĂ©ma, on mâa fait remarquer que ça rappelait le morceau LittĂ©rature de Lucio et nadir. Au passage aquabig up Ă LâAnimalerie.
Est-ce que tu considĂšres que câest fini pour toi le cinĂ©ma ? Non, parce que jâai toujours eu lâidĂ©e que le rap Ă©tait un sport et que tu ne pouvais plus le faire passĂ© un certain Ăąge. Je le ferai tant que ça marchera et que jâaurai de bons retours puis je me recyclerai dans le cinĂ©ma. Câest ma passion premiĂšre et je ne veux pas passer Ă cĂŽtĂ©. Je pensais sortir un album plus rapidement dans le rap. Mine de rien, ça fait 6 ans que je suis dedans. De toute façon, jâessaye dâapporter ma patte Ă tous les clips que je sors. Câest une maniĂšre de rester dans le milieu quand mĂȘme.
âDĂšs mes premiers textes, je voulais ĂȘtre compris.â
MalgrĂ© ton univers cartoonesque, on sent une certaine noirceur dans tes textes. Jâai toujours Ă©tĂ© fascinĂ© par la torture, la souffrance. Câest le cĂŽtĂ© cathartique. Certains jouent Ă GTA, moi ça me fait tripper de mâimaginer que je peux Ă©triper quelquâun, mettre mes doigts Ă travers ses yeux. Je peux vraiment imaginer tout ce que je veux, dans les limites du raisonnable. Je crois que jâai un esprit assez tordu et portĂ© vers lâultraviolence. Câest aussi pour ça que jâaime Haneke et Kubrick. Ils mâont mis mal Ă lâaise Ă un moment oĂč je ne jurais que par les films dâaction brute. A 14 ans, jâai vu Funny Games, lâoriginal, et le cĂŽtĂ© rĂ©aliste a changĂ© ma vision. Il y a aussi le film Le temps du loup, de Haneke toujours. Câest post-apocalyptique, on
Tu as dĂ» apprĂ©cier le clip de Mon Pote, dâOrelsan et Flynt. CarrĂ©ment. JâĂ©tais jaloux! Je venais juste de sortir Hymne au CinĂ©ma, en plus ! Jâavais dĂ©jĂ kiffĂ© leur morceau, ce cĂŽtĂ© Ă cĆur ouvert. Et quand jâai tiltĂ© que tous les films citĂ©s parlent dâamitiĂ© et que les phases sont en rapport avec chaque scĂšne qui apparaĂźt, jâĂ©tais fou. Câest trĂšs cohĂ©rent. Je change le sujet, on sent souvent des influences trĂšs chansons françaises dans tes textes. Du Boby Lapointe, du Brassens etc. Câest conscient ? Oui. Câest conscient mais ce nâest pas forcĂ©ment voulu. Jâen ai Ă©coutĂ© Ă©normĂ©ment. Jâai dĂ©couvert aussi AndrĂ© Minvielle qui fait quelque chose entre le jazz et le scat mais avec un sens, tout en chantant trĂšs bien. Câest assez impressionnant parce que Boby Lapointe ne chantait pas
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juste du tout. Il arrivait à trouver des assonances et des allitérations de malade mais il chantait faux.
poĂ©sie et de profondeur dans ton propos. Cartoonesque, on a lâimpression que tu vas ĂȘtre juste dans lâhumour et la surenchĂšre.
ça mâa frappĂ© sur le morceau new-York avec des passages comme « Jâaperçois Obama puis passe un moment au MOMA Ă mimer ma mamanâŠÂ» Au final, câest un de mes plus vieux morceaux. Et le cĂŽtĂ© Brassens se retrouve dans les petits contes ou dans lâimagerie que je peux avoir. Il mâarrive de me rĂ©fugier derriĂšre les mots. Je ne me mouille pas toujours dans lâinterprĂ©tation hormis mon cĂŽtĂ© fou. Un des buts de mon album câĂ©tait de me livrer un peu plus. JâespĂšre le faire encore plus dans les annĂ©es Ă venir.
Dâailleurs, ce nâest pas un peu paradoxal de faire du rap aquatique alors que câest censĂ© ĂȘtre le monde du silence ? Dans un cinĂ©ma tout le monde se tait et regarde le film. Quand on plonge, on nâentend rien, on ne peut pas parler mais on assiste Ă un spectacle inĂ©dit. Que je retranscris par des mots. Câest une maniĂšre de transposer. Au final, je pourrais juste faire des peintures. Dâailleurs, si je savais dessiner et peindre, je pourrais mettre en forme toutes les idĂ©es que jâai en tĂȘte.
â Je commence Ă avoir une bonne synthĂšse de la forme et du fond.â
Pour finir, pourquoi Hippocampe Fou ? Quand jâĂ©tais en fac de cinĂ©ma, jâai tapĂ© mes noms et prĂ©noms dans Google et je suis tombĂ© sur un homonyme qui Ă©tait sĂ©lectionnĂ© dans un festival de cinĂ©ma. Du coup, je me suis dit quâon allait nous confondre si je faisais des films aussi. Alors jâai dĂ©cidĂ© de chercher un pseudo et Hippocampe mâest venu comme ça. Mais quand je le tapais dans Google, je tombais sur un club de plongĂ©e ou un club Ă©changiste. Ce nâĂ©tait pas assez clair ! Du coup, jâai rajoutĂ© le Fou parce que ça rĂ©sumait bien le truc.
Tu mâoffres une bonne transition. LâocĂ©an est bien vaste mais nâas-tu pas peur de lâenfermement dans un personnage ? Je dĂ©fends Ă fond le rap aquatique pour le moment. Câest clair et censĂ© dâagir comme ça parce que je mâappelle Hippocampe Fou. Mais lâunivers aquatique nâest pas infini non plus. Câest vaste, profond et inexplorĂ©. Câest une maniĂšre de se situer et de se dĂ©marquer. Câest lâintĂ©rĂȘt de donner un nom Ă ton courant. Donc je le dĂ©fends le temps quâil faudra mais il nâest pas exclu que je prenne une navette pour aller faire du rap spatial. Tout est possible. Pour lâinstant, on est bien dans lâeau et les gens vont venir plonger dans lâunivers. Mais lâalbum ne parle pas que de poisson, bien sĂ»r.
LâantithĂšse des deux fonctionne bien. Lâhippocampe est un animal trĂšs droit. Tu sais quoi ? Je nâai jamais imaginĂ© ce que donnerait un hippocampe fou, ça doit ĂȘtre quelque chose ! âą Tous propos recueillis par StĂ©phane Fortems.
Tu as parlĂ© de rap cartoonesque tout Ă lâheure, ça rĂ©sume pas mal. Je prĂ©fĂšre lâaquatique. Tu peux ajouter une notion de
Lâalbum dâHippocampe Fou, Aquatrip, est disponible dĂšs le 28 Octobre.
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interview.
crÄĆ dit photo: Bertille ChÄĆ ret. 75
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chronique. Kaaris x Or Noir. Photos par Vincent Desailly.
Comment attaquer une chronique sur lâalbum de Kaaris, qui agite tant les rĂ©seaux, aussi bien spĂ©cialisĂ©s que gĂ©nĂ©ralistes ? Difficile dâĂ©viter les redites, tout ou presque a Ă©tĂ© dit sur le bonhomme, de son parcours personnel tumultueux Ă ses mensurations, en passant par lâinventaire de ses meilleures punchlines. Mais que les observateurs soient choquĂ©s du manque de fond de ses textes ou au contraire amusĂ©s du personnage et ses gimmicks, une question nâa pas encore Ă©tĂ© posĂ©e : Kaaris, câest du bon rap ou pas ?
En DIrECT Du FuTur Sortant dâune Ă©niĂšme Ă©coute de lâalbum, qui nâa fait que tourner sur la playlist depuis sa sortie, toujours la mĂȘme impression : lourd. Lâambiance sonore orchestrĂ©e par Therapy, producteur exclusif de lâalbum, est sans concession. Des grosses basses, omniprĂ©sentes, qui font oublier les mĂ©lodies entĂȘtantes, qui parfois ne permettent mĂȘme pas de les entendre. Tellement de basses quâon en a encore mal au dos, alors quâĂ cĂŽtĂ©, les mĂ©lodies, effets et arrangements, trĂšs synthĂ©tiques, chimiques, voire carrĂ©ment artificiels donnent une teinte presque futuriste Ă lâensemble. Le genre de futur Ă la Blade Runner, oĂč le naturel nâa plus sa place, oĂč le soleil a disparu derriĂšre les nuages de pollution, oĂč lâHumanitĂ© est soumise Ă la loi de la jungle urbaine. Le tout sur des BPM lents, qui laisse une large porte ouverte Ă des performances diverses, mais qui ne manque pas de faire bouger la tĂȘte en rythme. Therapy rĂ©ussit un tour de force, jusque-lĂ inĂ©dit en France : un album de Trap Music, 17
pistes au tempo posĂ©, la fonction arpeggiator bloquĂ©e sur les drumkits. Un pari osĂ© au vu de la rĂ©ticence de la scĂšne comme du public français Ă ce genre de beats, qui tend Ă sâimposer pourtant sur la scĂšne amĂ©ricaine depuis quelques annĂ©es. Les tentatives hexagonales dâexploration de ce genre, de Booba Ă MĂ©dine, se sont soldĂ©es par des productions dâune qualitĂ© variable, allant de la soupe musicale au banger ultra-efficace. Mais Kaaris et Therapy ont dâautres ambitions : redĂ©finir le son du rap français en se consacrant sur cet album Ă ce type de production, crĂ©ant une ambiance unique, jouant sur lâeffet de nouveautĂ© et donnant Ă leur album une grande cohĂ©rence, sans temps morts. Le rap de Kaaris, il se passe sur ce genre de sons : si tu kiffes pas⊠Cette ambiance et cette cohĂ©rence sont rendues possibles par les prods, mais aussi bien sĂ»r par ce que le MC en fait. LĂ -dessus, aucun problĂšme. Le grizzli sevranais pose et sâimpose sur chaque beat comme une bĂȘte dĂ©chaĂźnĂ©e, tue les instrus avec une large palette de techniques et de gimmicks dont lui seul a le secret. TantĂŽt saccadĂ©, accĂ©lĂ©rĂ©, chantonnĂ©, sur-backĂ© ou criĂ©, Kaaris rappe toujours dans les temps, en dĂ©ployant une foultitude dâattitudes diffĂ©rentes mais toujours en Ă©pousant lâinstru. La premiĂšre track, Bizon, fait dâailleurs office de dĂ©mons tration de ce point de vue-lĂ , ainsi que dâavertis sement : la suite va faire trĂšs mal. Les refrainssont entĂȘtants et efficaces, parfois trop prĂ©sents, trop vocodĂ©s diront certains, mais quâimporte, la symbiose entre musique et interprĂ©tation est totale et on sent que lâaddition des talents des deux coupables est supĂ©rieur Ă leur simple somme. Mcing pĂ©chu et intelligent, mais
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la technique lyrical nâest pas en reste. Kaaris a du style et rarement la langue française nâa Ă©tĂ© autant maltraitĂ©e en une heure de temps. Pas une rime sans une assonance, une allitĂ©ration, comparaison, mĂ©taphore, oxymore, accumulation ou paraphrase. Il fait avec les mots ce quâil fait avec les beats : il les plie Ă sa volontĂ©, les met au service de son univers et de son personnage, entre rĂ©fĂ©rences culturelles et imagerie gangstarap (« JâĂ©cris mieux que Zola/ Mais je ne suis quâun jeune Mollah », LEF, « Satan peut te tromper avec juste une somme/ Pour les plus connes, justes avec une pomme » sur Tu me connais ou encore « Jâai le sirop dans le Chardonnay, tâas les chicots dans le verre dâeau », Bizon).
rAP GAME OVEr. La force de Kaaris, câest aussi (et surtout) ça : un personnage, un univers particulier, comme il nây en a aucun autre dans le rap. Les traits sont tirĂ©s Ă leur paroxysme, le MC nâest quâune machine Ă rapper et vient remettre les pendules Ă lâheure. Chez Kaaris, vous ne trouverez ni opinions politiques, ni idĂ©ologies, ni morale, juste une Ă©norme galette dâegotrip saupoudrĂ©e dâallusions Ă un parcours personnel tumultueux. Kaaris ne perd aucune mesure Ă justifier sa tendance hardcore par sa position dâimmigrĂ© (le bonhomme est ivoirien) ou son origine sociale (rĂ©sidant Ă Sevran, lâune des communes les plus pauvres de France). Il est hardcore, câest tout, et renvoie tous les idĂ©ologues du rap Ă leurs urnes Ă©lectorales, lĂ oĂč on ne les voit pas et oĂč leur voix est anonyme (« Jâferais du sale tant que la mort cĂ©rĂ©brale ne sâra pas sur le monitoring », Paradis ou Enfer). Le rap, câest un jeu, et Kaaris a si bien compris les rĂšgles quâon a lâimpression quâil les explique au fur et Ă mesure quâil les applique, il donne les cartes, met tous les joueurs Ă©chec et mat et garde le magot. Cette a-politisation du rap est aussi un argument rhĂ©torique : comme il le dit lui-mĂȘme sur LEF : « Jâvais pas les prendre par les sentiments/ Jâvais les prendre par le uc ». Aucune volontĂ© de flatter lâauditeur en partageant ses idĂ©es politiques ou de conquĂ©rir de nouveaux territoires avec une morale quelconque. Kaaris fait du son et refuse de lâinstrumentaliser pour servir les reprĂ©sentants
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du peuple quels quâils soient. K-double napalm ne veut pas inciter Ă la prise de position mais Ă la compĂ©tition, il sâadresse autant au public en le poussant Ă exiger lâexcellence rapologique, quâaux autres MC du game en leur montrant quâon peut sâimposer sans dĂ©ployer des arguments politico-sentimentalistes. « Du rap français je mâempare/ 93 est sur lâĂ©tendard » (Or Noir), « Jâveux les voir ramper en me suppliant jâkiffe/ Mais en fait je les veux morts, avec supplĂ©ment frites » (Bizon), le but est avouĂ© : pĂ©ter le game, imposer sa patte, son son, son style, ne faire aucun compromis et ne laisser aucun survivant. Dâailleurs, lâabsence de featuring sur lâalbum est rĂ©vĂ©lateur (le refrain de Booba sur LEF est anecdotique). Kaaris nâa besoin de personne dâautre que Kaaris pour rouler sur le public. Son personnage est assez consistant et sa technique est assez au point pour assurer seul une performance de haut niveau et si « Rien ne change Ă part Freezer » (Je bibi), le maĂźtre de cĂ©rĂ©monie a atteint sa forme finale parfaite, a explosĂ© la planĂšte rap et restera lâĂȘtre le plus fort de lâunivers. Seul un MC voyageur du temps pourrait lui tenir tĂȘte, pour lâinstant le public en est rĂ©duit au rĂŽle de Krilin : on meurt Ă chaque track. Si Copperfield arrivait Ă faire lĂ©viter des trains, le Houdini du 93 les envoie carrĂ©ment en travers de la gueule de ses auditeurs. « Jâtrempe mes cookies dans tes larmes » (Zoo), « Crack, hĂ©roĂŻne dans des sachets/ Tâes trĂšs prĂšs du trĂ©pas » (63), « Jâvais construire mon empire sur les dĂ©bris du World Trade » (LEF), la liste est longue et la dresser serait une perte du temps. Kaaris laisse peu de place Ă la discussion et ne ralentit que rarement â sur Paradis ou Enfer et Or Noir, les deux seules tracks avec de la retenue â on est obligĂ©s de se manger ses assauts verbaux, le seul moyen de sâen sortir est dâappuyer sur stop. Et mĂȘme si on coupe le son, lâimage dâun gigantesque noir chauve reste imprimĂ© au fond du crĂąne. Câest ce qui fait toute la force de lâalbum, on en sort pas indiffĂ©rent, on aime ou on dĂ©teste. Ce qui est sĂ»r, câest que les prochaines productions françaises vont en tenir compte et il faut sâattendre Ă ce que ce genre de rap tende Ă sâimposer dans lâavenir, tout du moins dans des productions de grande envergure. Peut-on le taxer dâavant-gardiste pour autant ? Non, Kaaris vient bel et bien du futur. âą JibĂ©.
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DâAbd Al Mal Ă Albert
âlâart et la rĂ©vol ne mour quâav le dern hom Albert Camus. 80
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dossier.
Camus
lte rront vec e nier mme.Ăą€? Abd Al Malik. 81
Dans le cadre du centenaire de la naissance d'Albert Camus (1913-1960), Abd Al Malik propose un spectacle intitulĂ© L'Art et la rĂ©volte entre hip-hop et musique classique, inspirĂ© par la toute premiĂšre Ćuvre de l'auteur algĂ©rien: L'envers et l'endroit. Le rappeur des nAP rend alors hommage Ă celui qu'il considĂšre depuis son plus jeune Ăąge comme un pote, un grand frĂšre, un mec de citĂ©. C'est l'occasion de se pencher sur les rapports qu'entretiennent le rap et la littĂ©rature Ă travers l'exemple de deux artistes aux destins quasi-similaires. De leur enfance prĂ©caire Ă leur soif d'apprendre, voici l'histoire de deux hommes que la culture a arrachĂ© Ă la misĂšre sociale.
â En allant prendre le mĂ©tro ce matin, quand j'allais Ă Brooklyn donc, je suis tombĂ© sur une petite librairie qui vend de vieux livres. Et devine quoi? En farfouillant un peu, j'ai trouvĂ© une Ă©dition originale de L'Etranger de Camus. C'est dingue, non ? Je l'ai eu pour rien, j'Ă©tais comme un ouf. Je me suis mis Ă le relire dans le mĂ©tro. C'est peut-ĂȘtre la chaleur ou la clim', ou bien peut-ĂȘtre l'ambiance et l'odeur des pages du bouquin, ou bien encore la dĂ©mesure amĂ©ricaine... Ce qui est sĂ»r, c'est que j'ai pris une grande dĂ©cision, ça a Ă©tĂ© comme ça, comme une rĂ©vĂ©lation ! Je me suis dit, comme si je rĂ©alisais dans ma chair et dans mes tripes que j'Ă©tais la France, comme si j'Ă©tais un truc inĂ©dit et connu en mĂȘme temps, une sorte d'identitĂ© collective, que fallait Ă partir de maintenant que je reprĂ©sente. Mais pas juste comme dans les skeuds de rap, je veux dire pas juste dans mes textes et mes attitudes, pour de vrai Ă l'intĂ©rieur. (...) Comme si j'avais conscience d'un destin mais pas façon Ă©go, grosse tĂȘte, prise de tĂȘte et tout ça, mais pour de vrai. Comme si je m'Ă©teignais en tant qu'individu et que je devenais porteur d'une Ă©nergie. De l'Ă©nergie qu'on vĂ©hicule lorsque l'on reprĂ©sente vraiment. De l'Ă©nergie qui irradie quand on aime pour de bon. C'est pas Ă©vident de dĂ©crire ce que j'ai ressenti. CâĂ©tait comme si je m'offrais Ă l'universel, comme si j'Ă©tais un peuple Ă moi tout seul. Le chaĂźnon manquant entre le rĂȘve et la rĂ©alitĂ©. Quand on ressent un truc comme ça, a-t-on encore le droit de renoncer Ă l'infini ou d'ĂȘtre honteux de sa passion pour l'utopie ? â (Lettre Ă mon frĂšre MattĂ©o, Le dernier français, Abd Al Malik)
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Le premier passe son enfance dans la misĂšre de Belcourt, sous le soleil dâAlgĂ©rie. Le jeune Camus est Ă©levĂ© par sa mĂšre seule et sourde qui ne sait ni lire ni Ă©crire. Il est trĂšs vite repĂ©rĂ© Ă lâĂ©cole communale pour ses capacitĂ©s supĂ©rieures Ă la norme dans un quartier prĂ©caire comme le sien. Le jeune homme, dĂ©jĂ trĂšs mĂąture, entreprend un parcours de philosophie et continue de pratiquer sa passion, le football. Mais trĂšs vite, la maladie pointe son nez et le contraint Ă stopper ses activitĂ©s. Il sâagit de la tuberculose, la maladie des poĂštes. Quand il retrouve la santĂ©, câest son professeur Jean Grenier qui le prend sous son aile en lâinitiant notamment Ă nietzche. Camus commence Ă lire de plus en plus (Gide, Dostoievski, Malraux) puis publie trĂšs jeune son premier ouvrage quâil intitule Lâenvers et lâendroit, source inĂ©puisable de toute son Ćuvre Ă venir. Sa notoriĂ©tĂ© ne cesse de croĂźtre et plusieurs de ses livres sont trĂšs bien reçus par la critique (LâĂtranger, La Peste, Le Mythe de Sisyphe etc.) EngagĂ© Ă propos des opprimĂ©s espagnols ou de lâindĂ©pendance algĂ©rienne, il est un des premiers auteurs Ă se lever contre lâutilisation de la bombe atomique Ă Hiroshima. En 1957, il est rĂ©compensĂ© du prix Nobel de LittĂ©rature. Un temps proche de Jean-Paul Sartre, il se dĂ©fait des conceptions Ă©litistes promues par les cercles intellectuels et bourgeois de lâĂ©poque. Philosophe et dramaturge, il questionne sans cesse lâabsurditĂ© de lâexistence. Son Ćuvre humaine et sincĂšre est la mise en page dâune existence Ă la fois singuliĂšre et universelle qui sâĂ©tire entre le dĂ©tachement du monde et la quĂȘte inaltĂ©rable dâun sens. En 1960, il meurt dans un accident de voiture avec son ami Michel Gallimard. Dans le vĂ©hicule, on dĂ©couvre le manuscrit inachevĂ© de ce qui aurait dĂ» ĂȘtre sa derniĂšre Ćuvre, intitulĂ©e Le premier homme. Le second, dâorigine congolaise, dĂ©barque en France quand il est encore enfant. Il dĂ©couvre son pays sous la pluie alsacienne, dans le quartier du Neuhof Ă Strasbourg. Il est Ă©duquĂ© par une mĂšre seule et alcoolique, croyante et courageuse. Entre les murs de sa citĂ©, le petit rĂ©gis (devenu Malik par la suite) sâĂ©mancipe grĂące Ă lâĂ©cole oĂč ses professeurs lui permettent de rentrer dans un lycĂ©e catholique privĂ©. . Il lit beaucoup et dĂ©couvre au fil des pages le monde au-delĂ des HLM qui lâentourent. A 18 ans il dĂ©cide de se convertir Ă lâIslam. Malik Ă©tudie la philosophie Ă la fac et le soir en-
dossier.
file son costume de dĂ©linquant. Il vole dâabord des sacs puis plus tard des consciences en prĂȘchant un islam dogmatique et intolĂ©rant (« prĂȘchant des flammes aux pĂȘcheurs et des femmes aux bons adorateurs ») avant d âembrasser la lumiĂšre du soufisme, voie mystique et initiatique de la religion musulmane. Ses Ă©crits, il les rappe dans le micro de son groupe : les nAP (new African Poets) puis plus tard en solo. Il slame, chante, innove. Malik offre son art aux valeurs laĂŻques et rĂ©publicaines du pays français. Auteur de quatre ouvrages (QuâAllah bĂ©nisse la France, La guerre des banlieues nâaura pas lieu, Le dernier Français et LâIslam au secours de la rĂ©publique) et de quatre albums solo (Le face Ă face des cĆurs, Gibraltar, Dante, ChĂąteau Rouge), il prĂ©sente en 2013 un spectacle original Ă partir dâune rĂ©Ă©criture personnelle de Lâenvers et Lâendroit qui illustre la correspondance de ces deux hommes Ă©clairĂ©s par la culture. Outre les nombreuses analogies des destins, câest dâabord la pauvretĂ© qui rĂ©unit les deux hommes. Dans la misĂšre de leurs enfances, les deux garçons pĂšsent la douleur du monde sur les Ă©paules de leur mĂšre. Camus ne sâest jamais plaint de cette situation et doit cela au soleil algĂ©rien: « NĂ© pauvre, dans un quartier ouvrier, je ne savais pourtant pas ce quâĂ©tait le vrai malheur avant de connaĂźtre nos banlieues froides. MĂȘme lâextrĂȘme misĂšre arabe ne peut sây comparer, sous la diffĂ©rence des ciels. Mais une fois quâon a connu les faubourgs industriels, on se sent Ă jamais souillĂ©, je crois, et responsable de leur existence. »
Le rapport aux lieux est alors essentiel au gage dâauthenticitĂ© que prĂ©tend assumer Camus trĂšs attachĂ© Ă dire la rĂ©alitĂ© de son environnement. De la mĂȘme maniĂšre, les rappeurs sont souvent trĂšs orgueilleux quant Ă leurs lieux de vie ou dâorigines quâils tentent de reprĂ©senter le plus fidĂšlement possible. Ce topo-centrisme (construction identitaire Ă partir du lieu de vie) est une des caractĂ©ristiques propre au rap issu des quartiers pauvres et mal rĂ©putĂ©s oĂč les habitants tiennent Ă revendiquer une autre image que celle vĂ©hiculĂ©e par les mĂ©dias. De la mĂȘme maniĂšre chez Camus le lieu tient une place centrale au sein de lâimaginaire romanesque aussi bien que dans le parcours identitaire de lâauteur, fier de son tempĂ©rament « mĂ©diterranĂ©en.» On ne guĂ©rit pas de son enfance et encore moins de sa misĂšre, celle-lĂ mĂȘme qui nous guette toujours, Ă chaque coin de notre existence. Car connaĂźtre lâhumain Ă travers le prisme de sa prĂ©caritĂ© sociale câest surtout dĂ©couvrir lâhumain dĂ©muni, sans outils, sans mots. Les deux jeunes hommes comprennent trĂšs vite le rĂŽle crucial de lâĂ©criture. Ecrire pour coucher sur la page les malaises qui trĂ©pignent en chacun de nous. Parler pour donner sens aux injures qui montent Ă la bouche. Rapper pour dire quâon existe, quâon rĂ©siste. A lâimage de Malik qui dit avoir « mal aux autres » et de Camus qui, dans son discours de SuĂšde, affirme que lâartiste « ne peut se mettre aujourdâhui au service de ceux qui font lâhistoire » mais quâ « il est au service de ceux qui la subissent » lâartiste parle au nom de ceux qui souffrent en silence. Dans le morceau Stockholm, Malik sâĂ©crit que « Lorsque lâon
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donne une voix aux victimes de lâHistoire, câest un hommage rendu au grand peuple des espoirs ». Celui qui Ă©crit donne une voix aux opprimĂ©s de lâĂ©poque et Ă ceux que lâon nâentend pas crier : « Jâaimerais tant dire : âCâest bientĂŽt !â » Ă toi qui hurle Ă la lune ta souffrance » lĂąche-t-il dans sa sulfureuse dĂ©clamation dâActuelles IV. Le rappeur en gĂ©nĂ©ral, comme Camus, est donc dans la dĂ©marche omniprĂ©sente de se mettre au service des siens et du peuple. Il est le « haut-parleur », la « voix des sans voix » ou encore celui qui dans son « je » porte les souffrances de « tous ». Pour cela, son art ne doit pas ĂȘtre inaccessible mais, au contraire, ouvert Ă tous. Câest bien ce que signifie Camus quand il dit que lâartiste se doit de « parler du et pour le plus grand nombre » et de « traduire les souffrances et le bonheur de tous dans le langage de tous ». Ce travail sur le langage rĂ©vĂšle proprement toute la dimension « populaire » de lâĆuvre camusienne qui sâest toujours attachĂ©, Ă travers un style simple et limpide, Ă rendre intelligible les pensĂ©es les plus pĂ©rilleuses dâune philosophie fondamentalement humaniste. « Non pas que nous soyons violents ou vulgaires par nature, câest bien mĂȘme souvent le contraire. Câest que beaucoup dâentre nous ne disposent souvent que dâun nombre restreints de mots pour exprimer de maniĂšre la plus juste ce qui bouillonne dans nos poitrines, peu de gens peuvent saisir rĂ©ellement lâabĂźme de cette bĂ©ance, une sorte de no-manâs land entre lâĂ©motion et son expression. » (La pauvretĂ© et la lumiĂšre, LâArt et la rĂ©volte, Abd Al Malik). La pertinence dâun parallĂšle entre la conception artistique dâAlbert Camus et celle du hip-hop doit alors sâappuyer sur un rap dit conscient et cela ne reprĂ©sente pas la totalitĂ© de la discipline. Souvent qualifiĂ© de rappeur intello, reconnu par les Victoires de la musique pour son slam et par le prix Edgar Faure pour la littĂ©rature, Malik est souvent considĂ©rĂ© dans le milieu du rap comme trop consensuel et politiquement correct pour prĂ©tendre reprĂ©senter un rap contestataire. MĂ©dine dans son livre Donât Panik en collaboration avec Pascal Boniface indique en effet quâAbd Al Malik âreprĂ©sente la projection du fantasme des mĂ©dias. Et, Ă cer-
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tains Ă©gards, se complaĂźt Ă cette image. Son discours nâest pas destructeur, donc il ne constitue pas une mauvaise reprĂ©sentation. Mais il ne provoque pas suffisamment le dĂ©bat et ne rien faire, câest dĂ©jĂ un peu mal faire. Il est un peu le soldat suisse, considĂ©rĂ© comme combattant engagĂ© mais qui nâappelle jamais au combat. Son instrumentalisation agace les rappeurs car il nây a aucune rĂ©action de sa part pour se dĂ©faire de cette reprĂ©sentation commode. Or le propre du rappeur, câest de refuser de se soumettre Ă lâindustrie musicale qui tend trĂšs souvent Ă formater les artistes dans une dĂ©marche purement commerciale.â Si Abd Al Malik dit ĂȘtre un observateur engagĂ©, câest quâil veut ĂȘtre artiste comme celui qui pose des problĂ©matiques Ă la sociĂ©tĂ© et qui vient apporter de la nuance et de lâintelligence Ă celle-ci. Comme Camus qui livrait dans ses Actuelles la dĂ©nonciation des faits de son temps, le rappeur proteste aujourdâhui dans son micro. Un artiste engagĂ© ne peut ĂȘtre dĂ©contextualisĂ© ou extrait de son environnement car câest la matiĂšre singuliĂšre sur laquelle il sâappuie pour Ă©voquer quelque chose de plus universel. Bien que Camus soit extĂ©rieur Ă toute religion Abd Al Malik puise un certain nombre dâanalogie entre sa pensĂ©e et celle de lâĂ©crivain. En effet si le rappeur a embrassĂ© lâIslam, et plus particuliĂšrement le soufisme, câest avec beaucoup de clairvoyance quâil a su dĂ©celer la spiritualitĂ© dâun homme sans cesse tourmentĂ© par la quĂȘte du bonheur et de la libertĂ©. Car oui, câest en rĂ©alitĂ© lâamour de la libertĂ© qui rĂ©unit les deux auteurs par-dessus tout. Câest ce que signifie dâailleurs Abd Al Malik dans la
dossier. postface de son roman Lâislam au secours de la rĂ©publique au sujet de lâengagement artistique. Il cite Camus qui disait, en substance, que « cet engagement nâa de sens que parce quâil est libre. Et que si cela devait devenir une loi, un mĂ©tier ou une terreur, il nây aurait justement plus aucun mĂ©rite. » Câest donc au nom de valeurs et principes humanistes que les deux artistes trempent leurs glaives dans lâencrier. De la mĂȘme façon que Camus sâest indignĂ© contre les atrocitĂ©s barbares de son temps en faveur des exilĂ©s espagnols ou encore des victimes du stalinisme, câest aprĂšs les attentats du 11 Septembre que
Malik sâest donnĂ© pour mission de dĂ©fendre certains principes au nom des droits de lâhomme et des valeurs qui sont aux fondements de la rĂ©publique française. Cette actualitĂ© de lâartiste et son engagement au quotidien relĂšve proprement du rĂŽle que doivent jouer les rappeurs dans notre prĂ©sent trouble et confus. Ce besoin dâesprit critique et dâaudace Ă©tant au cĆur mĂȘme du lien qui unit Camus aux rappeurs, il paraĂźt bon de rappeler la responsabilitĂ© primordiale de lâartiste dans la sociĂ©tĂ© au travers de ce parallĂšle osĂ©. Car tant quâil y aura des choses Ă dire, lâartiste les dira et peut-ĂȘtre que le rap et « la rĂ©volte ne mourront quâavec le dernier homme ». âą LĂ©onard rembert.
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10 couplets dĂą€™antholog du rap franħais.
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dossier. Nombreux sont les passionnĂ©s qui ont toujours exercĂ© leur art avec conviction, authenticitĂ© et en prĂȘtant une attention toute particuliĂšre Ă leur Ă©criture, colonne vertĂ©brale dâune musique, nâen dĂ©plaise Ă ses dĂ©tracteurs, profondĂ©ment ancrĂ©e dans la tradition poĂ©tique. Une quantitĂ© infinie de textes aurait pu nous permettre dâappuyer nos propos, nous avons choisi arbitrairement de mettre en lumiĂšre les couplets de dix rimeurs talentueux.
Dossier coordonné par TontonWalker. 87
1. CASEY - Faites Du Bruit. Symbole du rap sans concession, la discographie de Casey reprĂ©sente Ă elle seule la force donnĂ©e aux mots. Experte en homophonie, la MC du BlancMesnil assure la mise en relief permanente des sonoritĂ©s au profit du sens donnĂ© aux propos dĂ©veloppĂ©s. Sur ce morceau issu du 1er album de La Clinique â « Tout saigne » en 1999, il sâagit de rĂ©futer la tentation commerciale. Celle qui avait refusĂ© de collaborer avec NTM de peur dâĂȘtre projetĂ©e sous les feux de la rampe Ă mauvais escient, a toujours su mettre en adĂ©quation ses principes avec son image. « A lâĂąge oĂč je mâinterroge sur lâintĂ©rĂȘt dâĂȘtre adulĂ©e dans un dĂ©luge dâĂ©loges Sur le sens de ma musique, usine Ă rĂȘves ou machine Ă fric OĂč lâon dĂ©roge Ă son Ă©thique pour atteindre les premiĂšres loges Ma tĂȘte se forge en marge, regorge de rage pour ce milieu oĂč lâintĂ©gritĂ© fait naufrage. Ătre digne est une donne que lâon dĂ©daigne Maintenant on assigne toutes les teignes Ă suivre les consignes. Mon coeur saigne quand jâentends ce quâon signe On fait la part belle aux infĂąmes tandis que les vrais sont une partie infime. Sache que la rancune est la plus grande de mes lacunes Et que dans mon Ăąme la haine est Ă la une. Toutes ces merdes produites sont un business licite une vision rĂ©duite de la musique qui mâirrite. Et cette vision nâest pas la mienne, ce biz non plus Je suis sortie du flou en Ă©vitant le superflu. VoilĂ pourquoi je mâisole, car seule Mon approche de la musique ne se rĂ©sume quâĂ ma sale gueule. Papillon le sait, Charles le sait Doum le sait, câest pour cela quâon sâassocie ici. »
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2. IRIS - Crazy.
MC atypique par ses apparitions sporadiques, Iris est un Ă©lectron libre dĂ©livrant quelques pĂ©pites au fil des ans sur divers projets sans grand calcul de carriĂšre. AffiliĂ© au label LZO records, Iris dĂ©veloppe une telle exigence dans son Ă©criture que chacune de ses sorties participe Ă la construction dâune Ćuvre intemporelle, poĂ©tique et aĂ©rienne. PrĂ©sent sur le maxi 3 titres produit par Para One en 2003 rĂ©unissant en plus dâIris, Flynt, Le Sept et Lyricson, le morceau Crazy fait figure de pur joyau introspectif. « Pas besoin dâĂȘtre vieux pour avoir peur du temps, mes gestes percutent lâinstantanĂ© Je vis dâheures creuses et de moments forts en permutant. Seul au milieu du grand ballet Si tu savais ce que je peux gueuler dans mon palais dâermite. Il faudrait que je crĂšve cette bulle tant que mes artĂšres palpitent Pour que jâatteigne un but mais quâil sâintercale vite Car câest la pendule qui mâabrite et qui arbitre Comme un messager comme un guide dans mes passages Ă vide. DĂ©but de siĂšcle et pas dans mon assiette, ces mois oĂč privĂ© de salaire je nâai pas lâair bien. Je rĂ©pĂšte en vain que la vie est courte et que ma course en a tout lâair Pour quâenfin je mâapplique Ă jouer des coudes Ă 25 piges et des poussiĂšres. Vertige au compte goute, il est temps de changer de mĂ©ridien Quand la fausse route est ma banqueroute au quotidien. Si trop de choix dĂ©coiffent puis déçoivent Je me dois dây croire pour lâespoir Quitte Ă boire la tasse pour Ă©tancher ma soif. Chez moi le dilemme est constant je sais Mais je ne fais pas panne sĂšche en haut de la pente et je dĂ©vale. La vie dĂ©file tranquille et dĂ©ploie son Ă©ventail de mutations A la fin câest bien beau lâattente mais je mâempale. On devient si vite un souvenir mat ou brillant Sur un mur et sous une punaise. Je crois aux traces, mais pas aux dires 89 Qui placent les loyaux dans le paradisiaque et les impurs Ă la fournaise. »
3. OXMO - A Ton Enterrement. Peut-ĂȘtre le seul artiste Ă©tiquetĂ© rap français Ă avoir Ă©tĂ© adoubĂ© par la critique musicale gĂ©nĂ©raliste mĂȘme si trop souvent considĂ©rĂ© Ă tort comme lâexception Ă une rĂšgle fantasmĂ©e. Le morceau A ton enterrement est prĂ©sent sur le 2Ăšme album dâOxmo « Lâamour est mort » sorti en 2001, celui quâil qualifie lui-mĂȘme dâalbum maudit, cuisant Ă©chec commercial notamment en raison de sa complexitĂ©. Pourtant, cet opus est dâune densitĂ© rare, certes inĂ©gal mais pourvu de morceaux Ă lâimaginaire fertile et dâune profondeur sans limite comme ce titre dont lâinterprĂ©tation peut ĂȘtre multiple.
« Et quand les gens ne meurent pas ils te trahissent. Câest la mĂȘme, jâai prĂ©fĂ©rĂ© tâenterrer que te tuer. Ce nâĂ©tait pas la mĂȘme peine, tu ne valais pas les ans au pĂ©nitencier. Ce manque de chance mâaurait fait manquer ta remplaçante Et inquiĂ©tĂ© par ma santĂ© lorsque jâai songĂ© Ă me jeter La tĂȘte dâune falaise afin de sauter dans le coma pour tâomettre. Heureux le maĂźtre des substances neurochimiques, A ce quâon dit le shit creuse des prĂ©cipices de mĂ©moire, Jâaspire Ă ce quâun soir tu te prĂ©cipites dans lâun dâeux une fosse qui vaut la distance dâici Ă lâInde. Tu seras essoufflĂ©e de crier avant la fin du gouffre Et tes touffes au gris iront virer au pire Jâirai vider chaque dune jusquâau dernier grain Afin dâensevelir ton cercueil. Des adieux tu voulais ? Et pourquoi pas une grosse fĂȘte ! Va plutĂŽt lĂ oĂč tu sais juste aprĂšs tes obsĂšques. »
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Dany Dan - Un Dingue en Moi. Avec les frĂšres KODJO, ses acolytes des Sages PoĂštes de la Rue, Dany Dan fut un des tout premiers rappeurs en France Ă manier les mĂ©taphores et les comparaisons. Zoxea et lui inventĂšrent Ă©galement une nouvelle forme de syntaxe basĂ©e sur le placement du complĂ©ment dâobjet direct avant le sujet et le verbe ou encore lâapposition dĂ©sordonnĂ©e dâadjectifs et de noms sans verbe ainsi que de nombreuses autres variantes. Sur ce titre qui clĂŽture le 2nd volet de la saga des Beat de Boul (« Dans la ville »), la construction du texte nâest pour une fois pas spĂ©cialement excentrique contrairement Ă lâactivitĂ© cĂ©rĂ©brale de Pop Dan toujours en pleine effervescence ! «Les scientifiques disent que la vie sur terre est le fruit dâun accident Câest faux disent les croyants, quâils soient dâOrient ou dâOccident Dâautres, de lâun ou lâautre, veulent une preuve tangible avant de choisir entre lâĂ©goĂŻsme et lâĂ©vangile et les 100 000 religions. Des fois les sentiments au fond de moi se confondent quand je vagabonde, observe les gens Le soir on voit de tout et partout ces barges tout semblent vouloir exploser Sur les trottoirs des clochards sans dessous en train de crever. Je creuse profond dans mon coeur blessĂ©, stressĂ©. Je me dis quâimporte, câest dur en Europe. Je pense Ă mes potes, sans job, toujours entre eux comme des snobs Jamais sobres, les yeux jaunes comme la flore en Octobre. Puis je gratte ma page sans jamais gĂącher dâencre Plus barge quâun flic cocaĂŻnomane en manque. Tout nâest que vice et vertu et ça se comprend, Pop Dan, pacifique mais pas innocent ! Jâai mille et une filles qui sonnent Ă ma porte voulant que je descende souffrant des consĂ©quences de ma prĂ©sence de Janvier Ă DĂ©cembre. »
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5. Lino â Une saison blanche et sĂšche Câest dans lâombre des poids lourds du Secteur Ă et du MinistĂšre Amer que les deux frangins de Villiers-le-Bel, Lino et Calbo, font leurs armes. AprĂšs une premiĂšre apparition trĂšs remarquĂ©e sur la compilation Hostile Hip Hop avec le titre macabre Lâenfer remonte Ă la surface, le groupe Ărsenik Ă©paulĂ© par Djimi Finger se jette dans le grand bain en 1998 en dĂ©livrant le mĂ©morable Quelques gouttes suffisent considĂ©rĂ© comme Ă©tant lâun des plus grands albums de lâhistoire du mouvement. Adepte des allitĂ©rations et assonances en tout genre, Lino au moyen de sa voix criarde martĂšle chacune de ses rimes avec violence et prĂ©cision. Sur le morceau Une saison blanche et sĂšche, vĂ©ritable dĂ©flagration sonore, la rage du MC dĂ©ferle avec une intensitĂ© rare. « Je dĂ©barque oĂč le porc rĂšgne en monarque, laisse des marques Embarque un maximum de haine pour les Ă©mules de Jeanne dâArc. Marque le coup, assĂšne, remarque et coups dĂ©placĂ©s Souffle sur la flamme, lassĂ©, par lâinfĂąme, le passĂ© Lino sâexclame, bien placĂ© dans la mĂȘlĂ©e, des flics trop zĂ©lĂ©s Des CrS qui dĂ©foncent des Ă©glises, la mise Ă mort emmĂȘlĂ©e. Dans les discours je remets les pendules Ă lâheure, accours, mâen mĂȘle et Frappe du poing pour les sourds, on va pendre haut et court tous ces fĂȘlĂ©s. Je suis lâusuel suspect quâon dĂ©signe, celui quâon assigne ou quâon saigne quand ils abusent de leurs insignes. Ă la mauvaise enseigne je suis logĂ© comme une balle logĂ©e dans mon crĂąne, ma rage Ă son apogĂ©e. Jâentends parler de hiĂ©rarchie dans les races et de rejet. Les traces dâune Ă©poque maudite refont surface et les projets pour une France plus propre affluent. Des taffs il y en a plus, on a pointĂ© un doigt sur tout ce qui est mat et crĂ©pu. Je deviens nĂšgre marron et tout mon talent je dĂ©ploie car lâA.n.P.E signifie Aucun nĂšgre Pour lâEmploi. Le poids des mots, le choc des images, mon disque cause des dommages, je pose mĂȘme des hommages au pays du fromage. Je viens et je prĂ©viens, tous des chiens, jâai plus de frein je rappe pour les miens. Fumez les tous et Dieu reconnaĂźtra les siens. »
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6. Mourad
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â A 20 000 lieux de la mer
Membre discret de La Rumeur et en retrait sur le dernier projet Tout brĂ»le dĂ©jĂ en raison dâune vie de famille bien remplie et dâun travail Ă temps plein, câest sur le volet 3 de la trilogie fondatrice du groupe en compagnie de Philippe (aka Le Bavar) que Mourad (aka Le Paria) se rĂ©vĂšle en 1999. Partageant la mĂȘme conscience politique que ses partenaires, Mourad se distingue nĂ©anmoins par son flow plus nonchalant mais tout aussi lancinant et un phrasĂ© moins cru quâEkouĂ©, HamĂ© ou Philippe. Ses rares apparitions apportent une sensibilitĂ© autre comme sur ce morceau inscrit sur le 1er album long format du groupe, lâexcellent Lâombre sur la mesure, qui transpire le spleen et dĂ©peint la fadeur des citĂ©s dortoirs en opposition aux doux paysages du sud de la MĂ©diterranĂ©e.
« Loin des vĂ©ritĂ©s toutes faites sur des tertres trop gros Des graines de fleurs jetĂ©es sur des hectares de pipeau De super massifs de chiendents mis en valeur un visage sombre dâune mĂ©galopole miniature, une erreur une nĂ©cropole pour des crimes indĂ©cents Mais aussi pour des espoirs et des joies de fer-blanc. Le pire nâexiste que si le meilleur recule Des antagonismes qui se confondent et sâarticulent. Loin des polars noirs, des contes noirs qui tapissent les rĂȘves une ville paisible qui suinte le miĂšvre un portrait Ă©hontĂ©, une caricature dans les gazettes du quartier Vivre bien quâils disent avec un sourire large et niais. Loin, trop loin de toutes mes fausses attentes Les terrains en friche ont bien changĂ©, ont-ils adouci les pentes ? De quoi cacher des regrets simples De petits malheurs comme autant de bleus de travail sur un cintre. De la chaleur des terres arides au froid dâune citĂ© une ville oĂč le voisin tâĂ©pie Ă travers les volets Loin des embruns, de mes plages, de ma terre De ma ville blanche, loin, Ă 20 000 lieues de la mer. »
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7. Ill â Les bidons veulent le guidon Membre charismatique de lâĂ©curie Time Bomb qui rĂ©volutionna lâunderground français Ă partir de 1995 et binĂŽme de Cassidy au sein des X-men (rebaptisĂ© les X pour des raisons juridiques), Hill-G ou Ill est le premier rappeur en France Ă apporter une touche dâanglophonie dans ses textes. Cette caractĂ©ristique lui confĂšre un flow unique qui, couplĂ© Ă une Ă©criture trĂšs technique, a longtemps laissĂ© la concurrence dans lâĂ©bahissement le plus total. PrivilĂ©giant presquâexclusivement lâĂ©gotrip, les textes de Ill sont la preuve que la forme peut se suffire Ă elle-mĂȘme et que lâabsence de thĂ©matique ne constitue pas un frein rĂ©dhibitoire Ă la crĂ©ation dâun grand texte. Sur Les Bidons Veulent Le Guidon (basĂ© sur un sample du morceau I Surrender Dear de Paul Gonsalves), freestyle paru en 1996 sur GĂ©nĂ©rations FM rĂ©unissant les poids lourds du collectif, Gilles lĂąche un couplet dantesque, indĂ©chiffrable Ă la 1Ăšre Ă©coute, abusant sciemment de rĂ©fĂ©rences en tout genre Ă la culture amĂ©ricaine. « Les gos me bipent, ça agace les types, tous flippent Quâune de leurs putes nous pipe, pub pour mon peep show. Ta pom-pom girl dans ma jeep au strip-tease Imagine le clip Ill Street pour toi bad trip tise mon flow. Sans mic je suis comme superman sans kryptonite, mieux que la gym tonic, Ma gym te nique puis comme Liptonic, Je rafraichis sur ce beat sonic comme ragga, Bionique comme Steve Austin, zulu comme Shaka. unique, qui peut me doubler comme Colt Seavers ? Les MCâs sont plus ringards que Dick rivers. Les blacks wacks, on les plaque comme des 49ers Les tape Ă coup de batte comme des Black Panthers. Hill-G, passager clandestin comme Wesley Snipes jâĂ©gorge lâĂ©quipage, le pilote et le copilote. Mon staff bosse, taffe, agrafe et fixe les gibiers Quâon broie dans les mix enragĂ©s, lyrics engagĂ©s. Pour les rosco P. Coltrane sors le Colt P38 Court-circuite leur CB, course poursuite nargue les gorilles, laisse les vendus derriĂšre leurs grilles, tue MĂȘme dans le dĂ©sert X-men trouve lâarbre auquel tu seras pendu. Je rappe en duo, moi et le culot secoue ta pulpe Ce nâest pas de la fiction donc fiston protĂšge ton ucâ.»
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8. Kery James
dossier.
â Lâamour
Artiste trĂšs prĂ©coce, Kery James autrefois appelĂ© Daddy Kery ou Kery B se fait remarquer par MC Solaar lors dâun atelier dâĂ©criture organisĂ© Ă la MJC dâOrly. Auteur reconnu pour sa poĂ©sie rĂ©aliste, les textes du natif des Abymes et dâorigine haĂŻtienne sont trĂšs souvent empreints dâimmense tristesse et souffrance ce qui lui vaut le surnom de Kery James le mĂ©lancolique. RĂ©vĂ©lĂ© Ă lâautomne 1998 avec le deuxiĂšme album de son groupe IdĂ©al J, Le combat continue, Kery James livre principalement des messages sombres et pessimistes. Sur LâAmour produit par Chimiste oĂč le couplet de Rohff aurait pu souffler la place de celui de son frĂšre dâarme de la Mafia K1 Fry, Kery tĂ©moigne de son existence torturĂ©e, sa plume faisant figure ici de vĂ©ritable exĂ©cutoire. « Le jour oĂč je serai mort je veux quâon se rappelle Que je nâai jamais rĂȘvĂ© dâune vie telle que celle que je mĂšne. La haine, je ne suis pas nĂ© avec et ça je le revendique Pour ses acolytes, Kery James le mĂ©lancolique. Lâimmense douleur dans mon coeur, ma soeur, je ne sais pourquoi Je crois que je suis victime dâune vie qui ne me satisfait pas. Que Dieu veille sur mes pas, car je reviens de loin une souffrance atroce, dont seul lui peut ĂȘtre le tĂ©moin, me tient. Jâaspire Ă une vie meilleure, inspire, expire Autour de moi ne sens que la rancĆur. Jâai aimĂ© un ami, dâamitiĂ© et il mâa trahi Jâai aimĂ© une femme, elle mâa menti, donc je lâai bannie. Comprends ma douleur, moi jâaime la femme dans toute sa splendeur Je nâaime pas la voir en pleurs car je suis un noir dans toute sa grandeur. Sanction du destin, je suis atteint, endurci Lâamour a sĂ»rement mis mon dossier en sursis. Chacun pour soi, Dieu pour tous comme ça tu es fixĂ© Les rĂšgles ont Ă©tĂ© fixĂ©es, malheureusement restent fixes. Beaucoup dâĂ©vĂ©nements Ă©branlent nos convictions nâaie confiance en personne devient notre position. Lâamour trop souvent flirte avec la haine Et quand, soudain, il cesse dâĂȘtre, beaucoup dĂ©cĂšdent.»
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9. FLYNTâ Vieux avant lâĂąge Fervent opposant au rap fast-food, Flynt est un MC mĂ©ticuleux dans lâĂ©criture et aime passer des heures Ă construire et dĂ©construire des phrases. ConsidĂ©rĂ© comme une des meilleures plumes francophones, il sâĂ©vertue dans ses textes Ă donner du sens, trouver lâimage forte, le mot juste, faire passer des messages et transmettre des Ă©motions. AprĂšs plusieurs apparitions sur mixtape (Quality streetz en 2000, Skunk Anthologie en 2001âŠ), Julien Vuidard se fait particuliĂšrement remarquer en 2002 sur la compilation Explicit Dix-Huit quâil produit. Ce projet rĂ©unit plĂ©thore dâartistes du 18Ăšme arrondissement avec pour seul objectif de les voir exprimer leurs talents librement.Câest sur cette galette que lâon trouve le percutant Vieux avant lâĂąge, morceau qui traite des actes moralement douteux faisant vieillir prĂ©maturĂ©ment avec la cĂ©lĂšbre phase scratchĂ©e de Mobb Deep sur Shook Ones Part 2 : « Iâm only nineteen but my mind is older ». « Mes couplets poussent dehors et je rĂ©colte, le dĂ©cor mâinspire un stick pour que je dĂ©colle et je crache ce que je ne peux pas retenir. Des millions de vies et parmi elles combien de dĂ©ceptions ? Si je rĂ©ussis je rehausserais le niveau des exceptions. Mais bon malgrĂ© les lĂ©sions on reprĂ©sente fiĂšrement Ce nâest pas le tiers-monde mais on reste underground entiĂšrement. Toujours la tĂȘte haute pourtant dedans câest le foutoir Tous instables on cherche le gent-ar comme Sta-Bu. Les frĂšres coupables câest frĂ©quent, tous plus prĂ©coces quâavant Bavant devant lâoseille et des types payent braquĂ©s Ă plat ventre. Le mĂ©tier rentre tĂŽt et lâexpĂ©rience vite quand on nâa pas de francs Juste des rĂȘves trop grands dans une vie trop petite. En vrai, il y a peu de titres et beaucoup de prĂ©tendants On tente de devenir quelquâun en restant vrai tu entends ? Je bosse pour faire pĂ©ter le poste, il faut que le son monte Lâimpression dâavoir 30 ans de plus quand je parle de mon monde. On vit sur un ring, naissance, le 1er round sonne Et depuis que je consomme je veux des grosses sommes. Ici tu ne fais pas le poids sauf si tu palpes, comme on nâa rien sans thune Les plus jeunes grandissent vite et le crime sâaccentue. Mais je gratte toujours des textes, des sticks Et des unitĂ©s dans mon D.I.X. H.u.I.T. Câest rare que je voyage et pourtant je vois large Et je largue ça pour tous les jeunes dĂ©jĂ vieux avant lâĂąge ».
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dossier.
10.
Coach â Freestyle 2 sur Phonographe Parfait inconnu pour certains, lĂ©gende urbaine pour dâautres, Coach composait avec son partenaire Diksa le groupe TPS (Trop dâphases Ă la Seconde) qui Ćuvrait Ă la fin des annĂ©es 90 dans le sillage du posse ATK et de la Section Est (Les Repentis, Le BarilletâŠ). Avec une dizaine dâapparitions en carriĂšre sur des projets exclusivement souterrains, chacune des apparitions du groupe a fait pĂąlir les puristes du mouvement tant la brutalitĂ© textuelle et la technicitĂ© verbale nâont jamais Ă©tĂ© aussi bien combinĂ©es. Formant un court moment le collectif Prestige en compagnie dâUl Team Atom et du crew heptagonal (ATK), câest sur la mixtape Phonographe, sortie en 1999 sous lâimpulsion dâAntilop SA, que le binĂŽme apparait Ă son apogĂ©e. Sur le morceau qui suit, freestyle de 6min30 clĂŽturant la tape, Coach enflamme littĂ©ralement lâinstrumental avec un contrĂŽle ahurissant, loin des thĂ©matiques Ă lâeau de rose mais en prise directe avec les enjeux sociaux de son quotidien. « Je vois autour de moi tous ces gars qui se dĂ©tournent Et croient avoir le choix dans cet avenir Ă©troit Broie tant que ta vie tâĂ©treint. Dur de porter ce poids Il faut que mon seul patron soit moi Facile de perdre espoir dans ce sale pĂ©trin il ne faut pas se per-trom. Il faut que mes problĂšmes sâĂ©loignent, que mon compte Ă©pargne en tĂ©moigne Que la merde et moi on ne se croise pas un peu comme deux montagnes. Je rĂȘve de disque dâor puisque fort si mon disque sort Souvent le triste sort fait quâon se demande Ă quoi le Christ sert. Trop peu de kisdĂ©s morts on les baise dâabord quand la crise dĂ©marre Le pire reste encore Ă venir, trop tard pour ceux qui en ont marre. IdĂ©es noires en plein essor, dur de les retenir VĂ©nĂšre, je ne fais mĂȘme plus dâeffort pour les anĂ©antir. Traverser les annĂ©es entiĂšres Ă se prendre la gueule, se mettre des coups de Laguiole Les jeunes en sont fiers et sous biĂšre chaque keuf mĂ©rite sa pierre. Mon but premier chercher lâargent en plus si je dois faire chier lâagent Jâencule les gens dĂ©courageants qui jugent mon langage outrageant. Je mâengage Ă me dĂ©gager du manque de maille et avant dâĂȘtre rat Jâai une seule maniĂšre de le faire, pas moyen de partager câest clair. La gloire fait partie de mes projets, pour me protĂ©ger le tard-pĂ© Jâai chargĂ©, je perds mon temps mais pas de regret je ne connais pas le progrĂšs ».
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