Nuit78

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Novembre 2017 - n° 78 - www.lebonbon.fr



EDITO

C’est la guerre ! Vous ne le voyez pas, mais c’est la guerre. Ce n’est plus la guerre des territoires, mais la guerre des individus. Le matin, je me lève aux aurores au son du clairon, Je me bats dans le métro pour réussir à gagner ma place pour être pile à l’heure, Pile à l’heure pour aller gentiment aider mon entreprise à gagner la bataille dans laquelle elle est lancée pour devenir la seule structure survivante sur le marché. C’était déjà la guerre pour avoir ce poste, j’ai dû tuer trois autres candidats. Et pour pouvoir augmenter mon salaire aussi, j’ai dû être plus performant que mes collègues et les achever à la baïonnette alors qu’ils étaient tranquillement en train de terminer un Spider Solitaire. Pour avoir mon appartement, j’ai dû en tuer 84, tant pis pour eux, leurs parents n’avaient qu’à avoir du patrimoine. Je ne les ai pas mis spécialement à la rue, mais je me dis qu’en bout de chaîne, certains dorment dans le métro, tant pis, c’est la guerre. Je dois être le plus beau car ce soir c’est vendredi soir, et le vendredi soir je sors, ouais. Je sacrifie de l’argent pour mettre une chemise, avoir une bonne odeur, pour avoir l’air saoul et détendu et avoir un bel appartement à montrer à celle qui m’aura choisi parce qu’elle n’a pas pu trouver mieux ce soir. Tout ça dans le but de faire d’autres enfants qui deviendront à leur tour de la chair à canon pour cette guerre de l’absurde contre la non-existence. Guerre de l’absurde qu’on arbore fièrement sur les réseaux sociaux, ceci étant devenu une pierre tombale new age pour l’homme moderne, un monument aux morts vivants qui ne vivent plus grand chose. On ne la voit plus comme avant mais maintenant c’est sûr, Même si je ne suis pas à Raqqa, mais à Stalingrad C’est la guerre ! Et je crois que j’aime ça… Raphaël Breuil

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DIGITAL CM VIDÉO CHEFS DE PROJETS PARTENARIATS RÉGIE LE BONBON IMPRIMÉ EN FRANCE

Jacques de la Ch�ise Raph�ël Clément Breuil �épublique Studio OrType & Dinamo Coralie Bariot Mathilde Erard Ringer par Prioreau Louis Haeffner Cyrielle Balerdi Camille Bonvalet Camille Hispard Rachel Thomas Tiana Rafali-Clausse Olivia Sorrel-Dejerine Antoine Viger Benjamin Jouanguy William Baudouin Dulien Serriere Florian Yebga Fanny Lebizay Lionel Ponsin Benjamin Alazard 15, rue du Delta 75009 Paris 01 48 78 15 64 Siret 510 580 301 00040 2


7 À LA UNE Catherine Ringer, le bel âge A. Dumont 13 CINÉMA Vincent Macaigne C’est celui qui en parle le moins qui en pense le plus R. Breuil 19 MUSIQUE Asia Argento, Interview spécial nuit O. Sorrel 23 ART Albert Renger-Patzsch au Musée du Jeu de Paume

27 SOCIÉTÉ La nuit est-elle misogyne C. Bonvalet 31 CINÉMA Marie Gillain C. Villas 35 ART Que vaut la rétro Harmon� Korine ? L. Lotz 38 CINÉMA Les 4 films de novembre passés au crible P. Leray 41 CINÉMA Le vieux film du mois : Tenue de soirée D. Nguyen 3



HOTSPOTS LA HOUSE DE CHICAGO À PARIS Quoi de mieux qu’un plateau full house tout droit venu d’outre-Atlantique ? Les entrailles de Pigalle accueilleront les légendaires Paul Johnson et DJ Deeon. Si on y ajoute les frérots néo-zélandais de Chaos in the CBD ainsi que les trublions de La Mamie’s, on risque fort de passer une des meilleures soirées de ce mois. Encore La Mamie's! @ Machine du Moulin Samedi 11 novembre PERDRE LE CONTRÔLE DE SON ESPRIT Des soirées ouvertes à tous, au line-up musclé et dans lesquelles la tolérance mais aussi la liberté sont les maîtres-mots. Pour ce nouvel opus, Possession investit les Nuits Fauves avec un plateau qui va faire remuer : Luke Slater aka Planetary Assault Systems, Raär ou encore la résidente Parfait. Possession @ Nuits Fauves Samedi 18 novembre UNE NUIT AVEC LE PLUS DÉLURÉ DES DJ'S Avec un spectre musical allant du roots reggae à l'acid house en passant par le disco, le Hollandais est une véritable encyclopédie. On l'avait découvert à l'époque des Twisted, on le voit désormais un peu partout. Mesdames et messieurs, accueillez San Proper ! San Proper All Night Long @ Djoon Vendredi 17 novembre ESQUISSER QUELQUES PAS DE DANSE AVANT LE WEEK-END On file au Trabendo. On y retrouvera le jeune Français Madben, membre de l'écurie Astropolis. Il nous envoûtera de sa techno rythmée et malicieuse, qui nous a tant fait chavirer au manoir de Keroual. Ça va planer du côté de la Villette. Ah oui j'oubliais, il partagera l'affiche avec Maceo Plex… Vous pouvez d'ores et déjà poser votre vendredi. Maceo Plex & Madben @ Trabendo Jeudi 16 novembre 5


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À LA UNE

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A. DUMONT P F. PRIOREAU

C�therine Ringer,  le

bel

Quand Catherine Ringer arrive dans les locaux de sa maison de disques, une bouteille d’eau à la main, elle arrose négligemment une plante en en renversant la moitié à côté. Sans filtre sous l’objectif de notre photographe Flavien Prioreau, elle s’éclate à faire des grimaces avec malice. Mais connue pour son franc-parler et sa gouaille, elle est anormalement

âge

posée pour notre interview, à l’image de la douceur qui se dégage de son nouvel album Chroniques et fantaisies. Un mélange optimiste de comptines et chansons rock, qui font le grand écart entre Johnny Hallyday (Obstination) et Dalida (Un bien bel homme). Le public qui découvre ses nouvelles chansons depuis le mois d’octobre 2016 sur scène est déjà conquis. Nous aussi ! 7


À LA UNE

CATHERINE RINGER

Dans le premier single Senior, vous racontez les joies d’avancer dans la vie. Comme un pied de nez au temps qui passe ? C’est bien trouvé (sourire). C’est une constatation sur l’intérêt d’avancer dans la vie, dans une société où l’on entend souvent dire que c’est difficile d’avoir 30 ans, 40 ans ! Comme si la jeunesse était la seule période intéressante à vivre et qu’on avait oublié ce que représentaient les anciens.

Vous avez conçu ce nouvel album comme à votre habitude, lors de longues séances d’impro ? Oui, on s’est enfermés avec mon ingénieurproducteur Azzedine Djelil dans le studio, de 10h du matin à 19h le soir, cinq jours par semaine, pour être efficaces. J’ai commencé à travailler les morceaux au synthé, à la guitare ou au piano. J’ai enregistré des suites d’accords avant de construire une structure avec Azzedine. Je fais souvent des mélodies de voix sans paroles, plutôt en "lalala" ou en sifflotant, ce qui me permet d’écrire ce que je veux ensuite. Une fois que tout ça est terminé, on peaufine les arrangements avec Noel Assolo, le bassiste qui m’accompagne sur scène et qui a joué avec les Rita Mitsouko pendant une dizaine d’années. J’ai aussi appelé Raoul Chichin pour refaire certaines parties de guitare, plus des soli. On avait aussi envie d’instruments acoustiques comme l’accordéon ou le clavecin. Et on a travaillé avec un super batteur de jazz qui s’appelle Paco Sery.

Vous évoquiez déjà le troisième âge dans la présentation de votre premier album solo Ring n' Roll… Parce que j’avais déjà plus de 50 ans et que ce troisième âge correspondait aussi à une troisième période dans ma vie. Après les débuts et le veuvage des Rita Mitsouko, ça me tarabustait. Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans cet état ? La connaissance de la vie et d’avoir suffisamment travaillé sur soi-même pour se bonifier et se débarrasser des choses qui nous gênent, nos défauts. Les choses changent, mais ça vaut le coup d’observer les paysages qui s’offrent à nous et qui sont aussi beaux quand on a 60 ans. J’imagine qu’il y a des moments difficiles. La fin de la vie quand on est malade et souffrant, par exemple. Mais j’ai du courage et je n’en suis pas encore là. Souffrir vous fait peur ? Plus que vieillir ? Oui. Qui n’a pas peur de souffrir ? Qu’on parle de torture, de maladie ou de chagrin d’amour. On a peur d’avoir mal et on se prémunit de la douleur grâce à la peur… Mourir ne me fait pas peur. Je ne suis pas gênée à l’idée de disparaître. Ne pas être là, on l’a tous déjà appréhendé avant d’être un œuf ! Les autres s’en sortaient bien sans nous.

A vos débuts, ce n’était pas votre truc le travail en studio. Vous êtes devenue plus rigoriste ? C’est Fred qui m’a initiée après cinq ans de scène. Même si rien ne vient au début, il ne faut pas laisser tomber et savoir s’arrêter aussi. Je travaille toujours dans notre studio. Azzedine était l’assistant de Fred. Il l’a formé. Vous avez travaillé ensemble pendant 28 ans. C’est compliqué de développer de nouveaux automatismes ? Il a fallu une période d’adaptation bien sûr, mais sa présence intérieure me guide. Je me sers de tout ce qu’il m’a appris. Il était plus rigoureux que moi sur la construction des morceaux. Il y avait des règles à respecter. Quand je me suis retrouvée seule, j’ai mis la main à la pâte. Si j’avais rencontré quelqu’un 8


“Sortir, s’amuser, picoler, ça vous met dans un état spécial qui est merveilleux, je trouve.”

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À LA UNE

d’autre avec qui travailler, je l’aurais fait mais ça ne s’est pas trouvé. Avez-vous l’impression d’être plus dans l’esprit Rita sur cet album ? Je ne l’ai jamais quitté. On peut passer d’un rythme à un autre, d’une ambiance à une autre. Ça reste dans la lignée parce que c’est la même équipe. Pour moi, parler d’album solo est un non-sens. Je n’ai pas quitté les Rita pour faire mon truc dans mon coin. C’est la mort de Fred qui a précipité les choses. C’est l’histoire qui continue. Le mélange des genres, c’est quelque chose que vous élevez au rang d’exigence ? C’est très spontané. Je fais une musique puis une autre comme si je faisais le menu de la semaine. A l’origine, l’album devait s’appeler "La Cuisine de Tatie Cathy". Ça correspond à ce que j’aime et ce que je me sens capable de faire musicalement. Vous méfiez-vous des interviews qui vous font perdre votre second degré et touchent à l’intime ? C’est pour cette raison que vous refusez de parler à la presse féminine ? Oui, je n’aime pas tellement me raconter personnellement dans les interviews. Et c’est souvent ce qu’on vous demande dans la presse féminine. De parler de sa vie de femme, de maman, de couple. Puisque je n’en ai pas envie, autant ne pas le faire du tout. De la même façon, je ne participe pas aux émissions télévisées type Le Divan. J’aime rester dans mon coin là-dessus. Vous êtes toujours une reine de la nuit ? Plus maintenant. A part les périodes où je suis en concert dans les festivals, je ne suis pas du tout sorteuse.

CATHERINE RINGER

A quoi ressemblait le Paris créatif des années 80 ? C’était le Gibus, le Rose Bonbon, les Bains Douches, le Palace… Ce n’était pas si différent d’aujourd’hui. Sortir, s’amuser, picoler ou se défoncer un peu, ça vous met dans un état spécial qui est merveilleux, je trouve. Plus rêveur, plus charnel, plus isolé aussi. C’est un autre monde, sorti des contingences de la journée – même si on travaillait beaucoup la nuit avec Fred. On voyait le matin se lever. C’était beau. Le Gibus justement – où les Rita Mitsouko ont fait leurs débuts. Quels souvenirs en gardez-vous ? J’y suis passée récemment, de jour. C’est Fred qui m’a fait connaître. A l’époque, c’était le seul endroit où on pouvait faire de la musique et monter sur scène. Je ne parle pas des grandes salles réservées aux artistes déjà connus. Les petits groupes et l’équivalent d’un Dj ne pouvaient se produire nulle part ailleurs. Perdu sur notre radeau, on pouvait enfin mettre un pied à terre, boire et manger. C’était notre île ! Quelles étaient vos addictions ? J’ai fait plein d’expériences. Les amphétamines, qui n’étaient pas trop chères à l’époque. Puis, quand j’ai eu de l’argent, la cocaïne et l’héroïne. Mais j’ai toujours fait en sorte de ne pas tomber accro. C’était aussi ça l’ambiance de l’époque. Apparaître en couverture du Bonbon Nuit, sans maquillage, ça vous inquiète ? Pas du tout ! Au contraire, je trouve ça bien de voir les marques du temps. Chroniques et Fantaisies (Because Music) Disponible le 3 novembre

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CINÉMA

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R. BREUIL P F. PRIOREAU

Vincent Macaigne C’est celui qui en parle le moins qui en pense le plus Difficile de passer à côté de celui qui va, soyez-en sûrs, devenir un incontournable du cinéma français. Pour la 3e fois derrière la caméra, Vincent Macaigne revient présenter son premier long métrage. Et mon Dieu quelle promo acharnée à la David contre Goliath pour la sortie de ce film ovni, intime, sincère et deep, dans un paysage dévasté par la bande à Fifi et les derniers sursauts

des comédies vieillardes de Clavier & co. L’histoire est simple mais nécessaire, elle confronte deux frangins, héritiers d’un domaine à Orléans, et leurs anciens amis, qui se disputent la succession. C’est la guerre entre deux France, d’abord celle des jeunes et des vieux, puis la France des travailleurs et celle des héritiers.

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CINÉMA

Nous avons rencontré le petit bonhomme timide dans un café à Belleville. Le jeune acteur se soucie de son image et ne semble pas sûr de lui. Qu’importe, il est sûr de son film, et c’est ça qui compte ! Yann Moix dit que Pour le réconfort a tout d’un film culte. Ça t’étonne ? Je ne sais pas ce qu’on entend par film culte. Le film traite de deux entités sociales qui se rencontrent. Et c’est assez rare au cinéma, c’est sûrement ça qu’il a voulu dire. Quel était le postulat de départ ? Au début je voulais juste filmer ces acteurs avec qui je travaille beaucoup au théâtre. J’avais envie de les montrer au grand public. Même si bizarrement et contrairement à ce qu’on croit, peut-être que plus de gens les ont vus au théâtre qu’au cinéma. Oui, les gens vont beaucoup au théâtre ! Je voulais filmer leurs visages et les voir jouer sur pellicule. Je les ai donc convoqués dans une maison très humble près d’Orléans. Je les ai invités pendant trois semaines, ils venaient, ils repartaient selon leurs disponibilités. En fait on a tourné pendant dix journées entières et ensuite j’ai mis quatre ans à monter le tout. J’ai refait l’histoire, recollé des bouts de dialogues pour reconstruire un peu une chose qui n’existait pas. Cela fait plusieurs fois que je te vois présenter la forme plus que le fond. C’était secondaire le fond ? Même si je parle beaucoup du fond parce que ça intéresse les gens, le fond a justifié la forme. Bien sûr que je suis plus parti du fond que de la forme. Je voulais parler de la France, je voulais raconter des frottements de couches sociales. Ce film aurait pu s’appeler "La France". Et puis je voulais aussi parler de l’endroit.

VINCENT MACAIGNE

Explique-nous le titre, je dois être con mais j’ai pas compris. Le titre en revanche est sur la forme. Je voulais dire qu’on était capable de prendre la parole sur un sujet de manière complètement libre. Et puis c’est réconfortant tout ce mouvement-là. C’est un clin d’œil à l’énergie du film. Tout le monde s’est investi alors que tout le monde aurait pu travailler sur autre chose. C’est un film posé avec des gens posés, qui ont pris du temps, qui ont pris sur eux. Tu te situes où dans tous ces personnages ? Nulle part, je suis parisien, je suis à la fois lui et lui. Je ne suis personne en particulier, ces personnages, c’est mon cerveau qui se bat. Je suis allé voir le film avec une personne qui m’a dit à la fin : « encore une fois, ce sont les riches qui s’en sortent ». Est-ce que tu es d’accord avec elle ? Non, personne ne s’en sort ! Ça rend compte de la France, on est tous un peu poisseux. Là avec Macron, tout le monde doute. Et c’est important de douter, c’est la seule chose qui nous éloigne de la radicalité en fait. Après, l’étape suivante, c’est le fascisme. Après je suis très content que les gens "s’engueulent" à la fin. Je n’ai pas fait ce film pour diviser le public, mais pour le diviser en lui-même. Et qu’il crée un débat en lui-même. C’est un film hyperactif, je ne pense pas qu’il puisse être ennuyeux. C’est un film d’action de la pensée. On se demande tout le long du film qui va gagner le combat de la pensée. C’est celui qui parle qui a raison. J’ai construit le film comme une tragédie grecque, une tragédie politique. Quelqu’un vient et dit « moi je pense ça ». Et un autre arrive après et dit « moi je pense ça ». Le spectateur suit à chaque fois le dernier qui a parlé. Et un troisième arrive et contredit les deux, et 14


“Le cinéma et le théâtre, c’est l’endroit du monstre. Ces dernières années le cinéma s’est vachement pôli. Les seuls monstres qu’on a le droit de voir sont les monstres de Marvel.”

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CINÉMA

c’est à ce moment-là que la tragédie arrive. J’ai essayé de rester vraiment concentré sur les personnages qui parlent. C’est pour ça que j’ai supprimé les contre-champs pour que l’on soit le seul destinataire de ce monologue. Ce qui peut dérouter le spectateur, mais c’est l’effet voulu. J’ai vu ton premier court-métrage super tôt ce matin, Ce qu’il restera de nous, et mes collocs ne te remercient pas, ça gueule pendant 40 minutes. Pourquoi cette passion du cri ? Haha oui ça gueule pas mal. Ce n’est pas une passion du cri. J’ai souvent mis en scène des choses ou des situations un peu extrêmes. S’ils ne criaient pas, les personnages seraient intelligents. Et ce n’est pas ce qui m’intéresse. Je n’ai pas envie de mettre le public devant des gens intelligents qui leur font la leçon. J’ai envie que ça donne à réfléchir. Si tu creuses un peu, les situations ne sont pas normales. Ce sont des gens qui se disent des choses. C’est une grande preuve d’amour de se parler comme ça, sur ces tons, de prendre le temps de faire ça. Une fois j’ai lu un blog qui disait « Fuck Hanneke, vive Macaigne ! » Parce qu’il aimait bien le film. Même si j’adore ce réalisateur, ça m’a fait plaisir. Je trouve que ce mec est un génie mais sa violence est sociale, elle est froide. Moi ce n’est pas dans ma culture. Mon cinéma est plus populaire que l’on croit. S’ils se crient dessus, c’est qu’ils ne sont pas assez intelligents pour faire autrement. Je m’adresse à tout le monde parce que moi-même je suis tout le monde. Je ressens le monde, avec ma bêtise et avec mon intelligence. Est-ce que tu es aussi honnête que tes personnages ? Non pas autant qu’eux. Je trouve que le

VINCENT MACAIGNE

cinéma et le théâtre, c’est l’endroit du monstre. Ces dernières années, le cinéma s’est vachement poli. Les seuls monstres qu’on a le droit de voir sont les monstres de Marvel. Moi j’aime le cinéma de Chabrol, c’est ça que j’ai envie de voir au cinéma. Pour ceux qui n’ont pas vu le film, il y a une scène où le personnage principal embrasse une amie d’enfance sans aucune raison. Je voulais donc savoir le pourquoi du comment de ce baiser en soirée techno, juste en face de son vrai petit ami. J’avoue que je trouvais ça assez beau de garder le mystère. En fait j’ai coupé des moments où l’on apprend qu’ils étaient ensemble dans leur jeunesse. Et j’ai préféré ne pas expliquer pourquoi. C’était un acte de possession sociale. En ne l’expliquant pas, je voulais montrer mon personnage revenir sur ses terres et récupérer son bien, d’une manière violente et macho, en gardant le tout mystérieux. On ressent un truc bizarre… Et en même temps ça peut arriver, je trouvais ça beau de ne pas l'expliquer. Bizarrement c’est assez réaliste. Ça peut arriver dans la vie, on est bourrés, on s’embrasse. Lui est léger, la fille pas du tout. Ça raconte leur vision à chacun des rapports humains. Où se situe ce film par rapport à ton œuvre à venir ? Pour le réconfort, j’ai mis mon propre argent, je n’ai pas envie de faire ça tout le temps. Après, j’aimerais bien garder une partie de la liberté que j’ai eue. Je sais que je ne vais pas me rembourser avec ce film, donc mon enjeu avec ce film, c’est que ça me valide une liberté pour le prochain. On n’est jamais totalement libre dans le cinéma. Même si je dois abandonner un peu de cette liberté, j’aimerais faire un truc 16


plus esthétique, plus carré. Je n’ai pas eu de contrainte à part que j’ai eu une totale liberté. Et oui, c’est bel et bien une contrainte. Ton lieu de prédilection quand t’étais ado ? La médiathèque de Nation ! Je n’allais pas au video club. Je suis municipal à fond, je suis un enfant du public. A part la fois où je suis allé à Saint-Michel de Picpus, c’était de la merde franchement. T’as fait quoi comme études ? J’étais très mauvais à l’école donc j’étais content d’avoir gagné quelques points au bac avec le théâtre. Mais après j’ai arrêté, j’ai passé un diplôme en réalisation, mais j’y suis pas allé parce que c’était à Bruxelles. J’étais motivé pour avoir une école avec une bourse. Je l’ai eue, c’était pas énorme mais c’était pas mal.

Le rêve le plus chelou que tu aies jamais fait C’est un mec qui a un masque, et j’enlève ce masque… et y'a un autre masque ! Et ainsi de suite ! C’est chelou… Ouais c’est chelou. Je dois penser que les gens sont jamais eux-mêmes sans doute. Je le rêvais étant enfant, je devenais fou avec ce rêve. Ta technique secrète pour t’endormir ? Je dors hyper mal. Je m’endors souvent par épuisement. C’est rare que je me couche dans mon lit pour dormir. Je m’allonge, j’essaie de bosser un peu et je m’endors… parfois assis. C’est tragique. Plus je vieillis, plus je vis ça comme une mini-mort. J’arrête de vivre un peu, c’est un truc d’enfance. C’est une peur… Par contre je suis content de dormir le matin ! 17


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MUSIQUE

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O. SORREL P F. PRIOREAU

Interview spécial nuit : Asia Argento Ce n’est pas tous les jours que nous rencontrons notre fantasme adolescent. C’est pourtant ce qui m’est arrivé, à l’occasion des trois jours d’Asia au Salò. On lui a fait le questionnaire Bonbon, et le résultat est génial. N.-B. : nous avons gardé de temps à autre les fautes de français de l’actrice italienne. Non pas pour la ridiculiser, mais pour retranscrire la mignonnerie de ces insignifiantes erreurs de grammaire. On vous a vue il y a quelques semaines à vos trois jours au Salò, racontez-nous ! C’était quelque chose de très féminin, une sorte d’utérus avec des fleurs dedans. Le sexe et la sensualité sont des forces créatives, j’ai invité beaucoup de femmes fortes qui ont fait des spoken words, c’est important d’écouter des mots et des sons. C’est pas un endroit pour montrer un film, mais pour des performances c’est génial !

Mais ce que j’ai préféré dans cette expérience c’était de pouvoir faire plusieurs expériences en même temps ! Quel film avez-vous vu 10 000 fois ? Freaks de Todd Browning. Je l’ai vu une fois quand j’avais cinq ans et mille fois quand j’étais gamine ensuite. Et je regarde encore aujourd’hui. Je dis souvent que c’est pour moi le film le plus important. Je l’ai montré à mes enfants. C’est le moment où j’ai compris petite, qu’être différente, et ne pas faire partie de la masse, n’était pas une tare mais un cadeau. Ça m’a permis d’accepter ma singularité. C’est lequel ton préféré ? The Sausage man ! Celui qui s’allume la cigarette, incroyable ! Sur qui fantasmiez-vous ado ? Petite et encore maintenant, c’est Elvis. 19


MUSIQUE

ASIA ARGENTO

J’avais cinq ans quand je l’ai vu dans la télé. A mon anniversaire, on m’avait acheté le disque pour que je puisse mettre dans ma boite en plastique (certainement un mange-disque, ndlr). Même Elvis, moche, même fat Elvis. A vrai dire fat Elvis, c’est mon préféré.

que par exemple dans ce film, j’étais une stripteaseuse et il y avait un chien sur scène, et du coup on a eu un rapport. Mais pas sexuel. C’était pas tant bizarre que ça.

La chanson que vous avez honte d’aimer mais que vous aimez quand même ? Il ne faut pas avoir honte… Ah si j’ai un peu honte… J’adore cet album de Madonna que Mirways a produit, American Life. J’adore cet album, je l’écoute tout le temps. Quand je suis toute seule dans la bagnole. La chanson Mother And Father avec ce synthé très enfantin, ça me touche, malgré la simplicité. C’est sur la mort de sa mère. J’adore cet album (elle chuchote). L’endroit le plus insolite où vous avez fait l’amour ? Je sais que les gens s’imaginent que je fais l’amour dans des églises, mais en vrai un bon vieux lit ça me va ! Avec un missionnaire très simple. L’amour c’est simple. Je ne veux pas être regardée ou quoi… La dernière fois que vous vous êtes googlée ? Quand je rencontre quelqu’un que je trouve beau, je sais qu’il va me googler. Alors à chaque fois je regarde pour savoir quelle image de fantôme il va avoir de moi. Je me mets dans sa peau de chasseur. Et je me dis « oh putain c’est un peu trop… », j’ai honte. C’est quoi le pire truc qu’on trouve sur toi ? Tout est pire ! Y'a des choses de scandale que j’ai fait dans ma vie, mais en même temps je suis fière de tout, j’ai ouvert des portes, brisé des tabous. Quand j’ai embrassé un chien, la porte n’était pas encore ouverte, après tout le monde est passé dedans mais à l’époque c’était nouveau. (Elle rit) Parce

Le plus gros caprice sur un plateau ? De demander des cafés ! Je me sens débile de demander ça, je me sens minable de demander même de l’eau. Je m’assis même pas sur les chaises à mon nom, je m’assis par terre. Je déteste les caprices d’acteur. Le pire plat que vous ayez mangé à Paris ? A Paris on mange toujours bien ! Mais hier j’ai mangé un falafel pas très bien. Pourriez-vous vivre sans téléphone ? Oui ! Il y a une île en Italie que personne ne connaît où je vais souvent. Le téléphone ne marche pas ! Alors pendant deux jours tu cherches la ligne partout, mais après tu t’y fais ! Personne ne peut même savoir où tu es ! C’est bien de savoir qu’il existe sur Terre un endroit où tu ne peux pas être retrouvé ! Votre expérience la plus folle sous drogue C’est déjà assez fou de prendre de la drogue, tu risques ta vie ! Après ça, tout peut arriver, mais tu ne t’en rappelles même pas… La pire insulte italienne Baise les morts de ta famille, c’est très très fort ! Tu dis ça, genre baise ta mère morte, c’est terrible. Mais on ne s’en rend pas compte en le disant, ça peut être utilisé pour dire bonjour ! (rires) Si vous étiez présidente ? Je ne suis pas assez con pour penser que je serai politicien. Le pouvoir c’est pour les cons qui ont pas la bite pour pouvoir baiser tout le monde. Moi j’ai pas besoin, j’ai une bite qui descend jusqu’aux genoux. Pas besoin de pouvoir politique pour baiser le monde. 20


pour baiser

le monde.

pouvoir politique

Pas besoin de

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EXPO

17 OCT – 21 JAN 2018

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RengerPatzsch

Auteur d’une œuvre monumentale, qui se déploie sur plus de quatre décennies, Albert Renger-Patzsch (1897-1966) fut le plus important photographe du mouvement artistique de la Nouvelle Objectivité, dans l’Allemagne des années 1920. Son travail fut déterminant dans le processus d’affirmation et d’autonomisation de la photographie dans l’art moderne.

Pour Renger-Patzsch, la photographie était le médium privilégié conduisant à une évolution à la fois artistique et perceptive, c’est-à-dire à un nouveau type d’image, mais aussi un autre imaginaire artistique, trouvant sa place dans une période historique, celle des années 1920 et 1930, marquée par l’industrialisation et le développement généralisé de la technologie.

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Albert

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Patzsch



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Jenaer Glas (Zylindrische Gläser) [Verrerie d’Iéna (béchers)], 1934 Museum Folkwang, Essen Catasetum trindentatum, Orchidaceae, 1922-1923 Pinakothek der Moderne, Munich Natterkopf [tête de couleuvre], 1925 Galerie berinson, Berlin Adagp, paris 2017

-ses 27


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SOCIÉTÉ

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CAMILLE BONVALET

La nuit est-elle un milieu ?   e n y g miso Les meufs se sentent-elles plus en danger le jour ou la nuit ? Les avis divergent, en tout cas, toutes s'accordent à dire qu'une fois les lampadaires allumés, elles ne se sentent pas réellement en sécurité. Dans les clubs aussi,

la défiance règne. Est-ce que ça signifie pour autant que la nuit est un milieu misogyne ? On a demandé à des gens si avoir des seins est plus handicapant sous les lumières artificielles. 29


SOCIÉTÉ

« La nuit est une caricature du jour » La nuit est-elle un milieu misogyne ? Tu tends à répondre : un peu, beaucoup. La nuit est une caricature du jour. Quand il fait noir, tout s'amplifie : les grands mots, les gros mots et les cons. Amy Lamé, maire de la Nuit de Londres, dit que « la nuit fabrique un écrin où les contrastes sont plus forts, y compris ceux entre les hommes et les femmes ». Ceci est dû au fait que les gens pensent que la nuit appartient aux hommes. D'ailleurs, lorsqu'elle a été désignée, Amy indique que les gens ont eu du mal à accepter le fait que ce soit une femme qui représente le milieu de la nuit à Londres. Ben ouais, c'est pourtant connu : il faut avoir un pénis pour appréhender la lune. Michel Lucas, universitaire et consultant à Paris, tente de comprendre : « le problème provient peutêtre du fait qu'on masculinise la nuit, très virilisée dans ses représentations ». Pourquoi ? Il y a 50 ans encore, la population masculine était en effet très majoritaire dans les bars, notamment hors des grandes agglomérations. Selon une étude sociologique de l'Université Paris 8, l'entrée des femmes dans ces territoires dits "masculins" était vue comme « empiétant sur un territoire qui n'était pas le leur », donc on les considérait comme "hors-normes" voir "prostituées". Aussi, ces effrontées, surtout lorsqu'elles étaient accoudées seules à un bar, pouvaient être jugées comme étant « à la recherche d'une aventure » et « acceptant implicitement de recevoir des avances plus ou moins pesantes ». Les étudiants de Paris 8 ont mené l'enquête dans quatorze bars d'Issoire différents pour vérifier si le propos était toujours actuel. Ils ont relevé que les hommes,

NUIT MISOGYNE

en moyenne plus âgés que les femmes, étaient sur-représentés (290 hommes au total contre 182 femmes). Le personnel dirigeant est aussi plutôt masculin. Sur 11 bars sélectionnés, 9 femmes ont été identifiées comme serveuses ou patronnes d'établissement, contre 20 hommes. Les postes les plus occupés par les femmes ? On te le donne en mille : le service. Les étudiants ont aussi constaté un plus fort taux de groupes masculins que de groupes féminins. Clubs : berceaux du sexisme ? Peut-être est-ce cette insidieuse absence qui crée les irrégularités. En tout cas, à l'intérieur des clubs, on préfère surfer dessus. On évoquait notamment les trucs sexistes inventés par les bars à l'intention des filles. Et puis, il y a ces boîtes à concept, à destination des filles bonnes et opé pour jouer les potiches (y'a des bouteilles à la clef, aussi). Lola, mannequin de 23 ans, était des leurs. Elle raconte son expérience de meuf plante verte à Néon : « J’avais conscience d’être là pour la déco, un appât pour les gros poissons friqués, mais je m’en fichais. L’univers de la nuit me fascinait, j’étais fauchée, et je m’amusais bien, donc j’y trouvais mon compte. ». En tout cas, le concept est rentable puisqu'il attire une clientèle masculine opulente. On avait nous-mêmes fait une petite excursion au royaume des michtos pour nous faire une idée. Misogynie similaire le jour, mais moins déguisée la nuit ? Toutefois, Sandra précise qu'il ne faut pas généraliser. Stripteaseuse, elle dit n'avoir jamais ressenti l'impression de misogynie dans son milieu. « Bien-sûr, il y a des hommes lourds et irrespectueux, mais c'est comme 30


dans la vraie vie. » Elle précise : « Tout le monde est confronté au sexisme au travail, que ce soit le jour ou la nuit. ». Demande à ta pote hôtesse de l'air si on ne lui a jamais fait le coup du fantasme de l'amour dans l'avion. Sandra dit qu'on peut stigmatiser sa profession. Elle explique pourtant que durant le striptease, « le corps est sublimé ». Son métier est « artistique avant tout ». Ceux qui ne le comprennent pas sont des machos qui doivent aussi exercer leur misogynie dans d'autres cercles, jour compris. Le sexisme est peut-être plus exarcerbé pendant la nuit. Une étude sociologique révèle néanmoins que la discrimination varie aussi en fonction de l'heure, du lieu, de la clientèle. Il n'y a pas que dans les endroits tout pourraves qu'on l'exerce. René, patron de bar dans le 18e, explique que le facteur alcool pèse aussi beaucoup dans la balance de la misogynie. Ce n'est pas nouveau : plus t'es torché, moins t'es civil, finalement. Quel que soit l'endroit.

Des solutions ? A Londres, Amy Lamé travaille sur une charte pour réguler les inégalités. Elle souhaite qu'il y ait le même niveau de sécurité pour les hommes que pour les femmes la nuit. Elle travaille aussi sur des cas particuliers : comment éviter, par exemple, que des établissements LGBT ne soient fermés. En France, il existe bien sûr une charte d'égalité homme-femme, mais pas spécifique à la nuit. Néanmoins, de plus en plus d'asso posent leurs stands, notamment en festival, pour lutter contre les violences faites aux femmes. Un label "bar sans relou" a aussi été lancé à Lille, destiné aux établissements voulant mettre fin au harcèlement dans l'espace public. Il se voit depuis exporté dans plusieurs nouvelles villes. Youpi.

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CINÉMA

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R. BREUIL P S. MALFRAY

Marie

Gillain court devant !

Marie Gillain en aura marqué des jeunesses. Dieu ne m’enlèvera jamais l’amour adolescent que je lui ai porté lorsque je l’ai rencontrée alors qu’elle était en vacances avec son père, ce héros. Je l’ai suivie dans les Landes, jamais elle ne fut pas mon appât car je n’ai jamais trouvé la

clef… Elle m’a alors conseillé de partir vite et de revenir tard. Jamais je ne serai son Valentin, bien au contraire mais ce n’est pas grave, c’était tout de même absolument fabuleux ! Nous retrouverons Marie en présidente du jury du festival Courts Devant du 16 au 21 novembre à la Bn F. 33


CINÉMA

MARIE GILLAIN

Parlez-nous un peu de votre implication dans la 13e édition du festival Courts Devant ? Ça fait plusieurs fois qu’on me propose de présider le jury, hélas je n’ai jamais eu vraiment le temps de m’y consacrer à fond, à cause de tournages. Mais je tenais vraiment à le faire, ce qui est chose faite aujourd’hui. Le court-métrage est vraiment un objet qui me fascine particulièrement. En plus de ça, je viens de réaliser mon premier cette année dans le cadre des Talents Cannes Adami. Et j’ai aussi fait partie du jury du Brussels Short Festival. Mais dans le cas de Courts Devant, c’est la première fois que je fais partie d’un jury chargé de visionner des films français pour voir ce qu’il se passe chez la jeune génération.

30 ans sélectionnés par l’Adami. Cette année le thème était la Belgique. Et comme je suis belge, j’ai été sélectionnée. Le challenge était d’écrire un court pour quatre personnages, deux filles, deux garçons. C’était une expérience formidable !

Et alors votre court-métrage à vous, il parle de quoi ? Il s’appelle Timing, il a été présenté à Cannes cette année. C’est une histoire de timing (rires). Ce fameux timing dont tous les comédiens dépendent tous, et qui nous rattrape toujours. Car le talent ne suffit pas, il faut aussi savoir être présent au bon moment, et au bon endroit, faire la bonne rencontre… Il y a deux personnages principaux qui sont deux comédiens, un garçon, une fille, qui ne se connaissent pas. Ils sont convoqués à un casting. Elle va être à l’heure car elle est pressée, lui va être en retard car il est retenu ailleurs. C’est l’histoire d’un rendezvous manqué, mais rassurez-vous, ils vont finir par se rencontrer ! Je voulais parler d’un sujet plus profond, mais d’une façon décalée et légère. De la façon dont le temps est maître de nos vies, et de la façon dont celles-ci dépendent de facteurs extérieurs. On avance comme des équilibristes. J’ai réalisé donc ce court-métrage pour mettre en avant des jeunes comédiens de moins de

Que conseilleriez-vous à un réalisateur qui fait son premier court ? Je n'ai aucun conseil à donner ! A chaque fois que j’en parle, je prends des pincettes, je suis très modeste à ce sujet, c’est un 13 minutes. C’est le même principe qu’un long, il faut raconter une histoire. Finalement c’est le même travail, la même exigence que dans un long métrage. C’est évident qu'en 13 minutes, il faut que le public s’attache aux personnages très rapidement, c’est sûrement le plus important. Mais si je dois en donner un, c’est de faire prédominer les personnages dans une histoire. Le film que vous avez vu 10 000 fois Quand Harry rencontre Sally ! Le premier CD acheté avec votre argent With Or Without You de U2 Votre fantasme d’ado Patrick Bruel… Eh oui même en Belgique ! L’endroit où vous ne retournerez jamais Las Vegas ! Pour moi le comble du démesurément laid et démesurément kitsch. Ça me donne envie de mourir ou alors de courir nue dans le désert. Votre rêve le plus chelou Je crois qu’un jour j’ai rêvé qu’Adolf Hitler me faisait un cunnilingus ! Ouais, c’était un peu touffu comme rêve. Bizarre comme sensation…

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Marie Gillain présidera le jury du festival Paris Courts Devant, 13e édition, avec aussi : - Simon Abkarian, acteur et metteur en scène - Mona Achache, réalisatrice - Abel Jafri, acteur - Antoine Rein, producteur - Coralie Russier, actrice Du 16 au 21 novembre à la BnF - Bibliothèque Nationale de France - 13e 60 séances et événements, aperoboats au Batofar — Entrée libre et gratuite (sauf pour les cérémonies d'ouverture et de clôture, uniquement sur invitation)

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Programme et infos pratiques sur pariscourtsdevant.com — Masterclass de Marie Gillain

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→ Mardi 21 juin à 17h, Grand Auditorium de la BnF (gratuit)

13ème édition 16 au 21 novembre 2017

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CINÉMA

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LÉA LOTZ

Que v�ut la rétro Harmony Korine ?

La liste de contacts d’Harmony Korine est, à l’image de son œuvre, à la limite de l’insolence. Larry Clark, Werner Herzog, Sonic Youth, The Black Keys, Christopher Wool, ou encore agnès b., la liste des personnalités pour et avec lesquelles il a travaillé est aussi large que ses mediums d’expression. Si, or cinéma, son travail plastique avait déjà

été exposé mondialement lors de ses différentes collaborations, le Centre Pompidou offre pour la première fois une rétrospective globale de son œuvre, de la peinture jusqu’à la vidéo en passant par la photo, la sérigraphie, l’imprimerie, le collage etc., et propose en parallèle la projection des films de cette figure culte du cinéma underground américain. 37


CINÉMA

HARMONY KORINE

On retrouve dans cette exposition les thèmes et motifs de prédilection qui ont façonné la carrière de l’artiste. Avant tout, un intérêt pour la jeunesse, les sous-cultures et personnages marginalisés en tout genre, cristallisé par son appartenance à la culture skate. On retrouve ainsi dès l’entrée de l’expo un énorme panneau arborant les formes incurvées d’une rampe de skate, ainsi que certaines peintures sur planche, ou encore une série de photos retravaillées avec Christopher Wool, autre grand nom de la culture skate. Beaucoup des vidéos et photos exposées nous renvoient directement à sa fascination pour les lieux abandonnés et les personnes laissées pour compte de l’Amérique profonde, notamment dans le Tennessee dont il est originaire.

La sérigraphie nous renvoie directement à l’aspect pelliculaire et multi-photographique du cinéma, et l’accumulation de pochettes de cassettes de films dans l’œuvre vhs painting semble teintée de sa critique contre le cinéma mainstream attaché aux mêmes codes qu’il cherche à déjouer.

Ses peintures, principalement des silhouettes abstraites et morbides, font écho à son goût pour l’anormal et le marginal dans son sujet, et à son manque de technique et d’académisme dans sa forme. Adepte du "mistakism", ou l’art de faire des erreurs, Korine fait avec ce qu’il a sans chercher l’excellence ou la réussite, il veut avant tout se faire plaisir. Beaucoup de ses dessins ou écrits aux traits naïfs nous rendent compte de son humour noir et absurde, toujours un peu enfantin bien que glauque. La cinéphilie de l’artiste et son implication originelle dans le milieu du cinéma imprègnent fortement son travail plastique, qui le fait passer de forme à sujet.

Tout autant que dans ses films, Harmony Korine expérimente, repousse les limites de son medium et ne cherche surtout pas à conforter le spectateur. Ainsi retrouvet-on dans une salle reculée précédée d’une mention d’avertissement ses photographies les plus "choquantes", offrant à voir pénis, croix gammées, rituels sataniques, adorateurs du KKK et orgies SM. En somme, une très bonne expo pour une sortie familiale. Cependant, si l’aspect très "lo-fi" du cinéaste lui réussit dans son milieu de prédilection, dans lequel il s’est imposé comme un avantgardiste, ce n’est que fort de cette popularité que son travail plastique a de l’intérêt. En effet, ici, on prend plaisir (ou pas) à découvrir ses différentes facettes artistiques car on l’aime déjà (ou pas) et que tout nous renvoie à son univers filmique, mais pas tant pour son talent d’artiste en soi. 2/10 les 35 minutes de queue, 8/10 le potentiel instagramable.

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CINÉMA

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PIERIG LERAY

Novembre Mise à mort du cerf sacré de Y. Lanthimos Sortie le 3 novembre

Dans une mise en scène kubrickienne où la tension psychologique prend le temps d'installer l'horreur qui en découle, Lanthimos inflige une nervosité haletante, irréelle, qui vient défigurer une famille idéale. Barry Keoghan impose sa peau grasse et sa gueule cassée pour foutre en l'air à travers une malédiction obscure la famille d'un chirurgien alcoolique qui n'a pu sauver son père. La mise en scène impose une violence susurrée puis bien installée dans un cauchemar utopique invraisemblable. La beauté d'une Nicole Kidman au sommet contraste avec une monstruosité banalisée qui sonne le glas d'une génération perdue entre le bien et le mal. Une grande réussite perturbée.

A Beautiful Day de L. Ramsay Sortie le 8 novembre

Joaquin Phœnix qui déboule en Converse pour récupérer son prix d'interprétation à Cannes, c'est un peu l'histoire de sa vie rocailleuse, à l'arrache, alternant les coups de génie et de dépit. Il est, avec A Beautiful Day, formidable, imposant une violence extrême comme unique communication, déballant sa revanche de vie merdique dans un torrent de barbe sale et de sang pourpre, l'antihéros qui vient sauver sa princesse, pute de caniveau dans un réseau mafieux. C'est Mario le plombard qui vient cramer le château pour libérer sa belle à coups de marteau dans la tronche. On ne reste pas insensible à une photographie brute et froide qui n'est pas sans nous rappeler le cinéma américain scorsesien brutal des années 90. Jouissance malsaine.

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1 MOIS

4 FILMS

2017 Justice League de Z. Snyder Sortie le 15 novembre

Je ne cesse de le répéter mais le vomi numérique de Zack Snyder qui n'enchaîne que les croûtes dignes d'une galerie à cubi du 10e depuis l’excellent The Watchmen, on n'en peut plus. Persuadé de révolutionner le cinéma à chacune de ses scènes interminables, Snyder s'empiffre cette fois-ci d'une chiasse à collants moulants pour tenter de nous faire avaler la médiocrité d'une histoire écrite par un gamin de 10 ans. C'est interminable, déjà vu 1000 fois, sans idée, sans odeur. Les ralentis permanents dans des scènes de baston associés à du rock des années 2000, c'est tellement ringard que ça en devient gênant. Périmé, la date est dépassée.

Le musée des merveilles de T. Haynes Sortie le 15 novembre

Je ne comprends pas l'emballement médiatique mal à propos pour cette fable romanesque enfantine, sans grande imagination, qui tente de tirer sa rareté dans un chassé-croisé générationnel (une partie dans les années 20, une autre dans les années 60) de deux gamins muets à la recherche de leurs parents. C'est futile, bien trop humaniste pour être crédible, sans parler de ce happy end tire-larmes à rendre intelligent les téléfilms du dimanche. C’est le type de mélodrame qui se chante aussi facilement qu'une comptine d'enfant mais qui, malheureusement, n'a pas plus de contenu. Sans parler de cette transition entre les deux époques qui semble être un gadget promotionnel n'apportant pas grand-chose à une intrigue dont on devine à peu près tout jusqu'à sa conclusion.

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CINÉMA

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DIANE NGUYEN

Le vieux film du mois : Tenue de soirée

Sorti sur grand écran en 1986, Tenue de soirée n’en reste pas moins un film infiniment d’actualité. Bien avant Laurence Anyways, La vie d’Adèle ou encore le récent 120 battements par minute, le

onzième film de Blier fils aborde les thèmes toujours (très) contemporains du polyamour, de l’homosexualité, du transgenrisme et de la prostitution.

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CINÉMA

Le film s’ouvre sur une scène d’anthologie : la rencontre dans une boite de nuit d’un couple avec Bob, un ancien taulard, venu interrompre soudainement les remontrances de Monique à l’égard de son compagnon Antoine quant à leur niveau de vie modeste, en la giflant violemment. « - J'ai pas envie de terminer clodo sur une grille de métro avec une bouteille de Kiravi pour lutter contre le froid. […] Il faut que tu te tires Antoine puisque tu sers à rien. Je préfère encore me démerder toute seule. Casse-toi ! Fous le camp ! J'ai pas besoin d'un incapable dans mes jambes. Tu portes la poisse, tu fous le bourdon, termine ta limonade, eh, débile… [Gifle soudaine d’un inconnu, Bob] - Tu vas la fermer ou bien je t'en mets une autre ! Une brique ça te suffit ? Combien il faut casquer pour que tu la boucles ? » Séduite par la richesse et le charisme de Bob, Monique entraîne son couple dans les pas de ce dernier, qui s’avèrera être davantage attiré par Antoine. Le couple profite d’une élévation de leur niveau de vie grâce à Bob, leur désormais ami, qui les initie au cambriolage de maisons bourgeoises. Cet enrichissement ne sera néanmoins pas dépourvu de contrepartie : Antoine, hétérosexuel affirmé, sera encouragé par sa femme à céder aux avances sexuellement intéressées de l’inconnu salvateur. « Je vais t'enculer. Je vais t'enculer et tu jouiras. Ton fion, il en pourra plus d'extase. Ça ne sera pas la peine d'appeler au secours : en liberté il n'y a pas de gardien. Personne ne vient. T'es tout seul avec ta honte. Et moi, ta honte, je la transforme en bonheur. J'en fais un bouquet de fleurs. »

TENUE DE SOIRÉE

Le vaudeville est installé. S’ensuivra alors une série de frasques improbables, mêlant prostitution, travestissement, violences physiques, mais jamais verbales… Au regard des trente années qui nous séparent de sa sortie, nous sommes en mesure de nous interroger : quelle aurait été la réception d’un tel film de nos jours ? La femme y est ici représentée comme définitivement vénale, n’hésitant pas à donner son corps et son mari à la vue de billets, de manteaux de fourrure et de bijoux. Elle écume les gifles de ses compagnons de cavale, de ses victimes, de son proxénète, de ses clients, sans jamais s’en plaindre ni chercher à se venger. L’homme du couple, profondément entiché de sa compagne, accepte dans un premier temps de renoncer à son orientation sexuelle pour la satisfaire, et se complaira ensuite dans ce rapport dominant/dominé entretenu avec Bob, jusqu’à se travestir pour lui. L’amant Bob, adulé par Monique et adulant Antoine, exerce sur eux une douce violence tantôt psychologique, tantôt physique, qui les mènera au vol, à l’adultère, à la séparation puis à la prostitution. En abordant de front autant de thèmes tabous, on pourrait reprocher au film la vulgarité des dialogues et des scènes de sexe, et l’absence de condamnation des violences faites aux femmes, du vol et de la prostitution de soi et d’autrui. Ensuite la définition simpliste des personnages contraste avec la réalité tragique décrite : jusqu’où seront prêts à se sacrifier les personnages pour remédier à leur précarité économique ? Au-delà, certains déploreront le portrait arriéré de la femme, dépeinte comme vénale et perverse, la représentation fallacieuse 44


de l’homosexualité à travers des raccourcis indécents : le rapport homosexuel est présenté comme bestial, être homosexuel revient à devenir in fine traversti, un homophobe est un homosexuel refoulé… et le cliché du couple hétéro-normé : l’homme est viril et dominant, et la femme, son objet sexuel, attaché aux tâches domestiques. D’autres considéreront qu’il s’agit d’un film politique engagé en faveur de la reconnaissance de l’homosexualité et du transgenrisme. Mais y regretteront d’avoir manqué l’occasion de dénoncer les violences faites aux femmes, les conditions précaires de la prostitution, au même titre que l’évocation des maladies sexuelles à la fin du film.

Or sans jamais juger ses personnages sur le plan moral, le réalisateur se permet le luxe, qui nous paraît inenvisageable aujourd’hui, d’aborder un ensemble de tabous tout en excluant d’inculquer une quelconque morale au spectateur. Le trio évolue dans une suite bien huilée de scènes invraisemblables avec une simplicité déconcertante. Les dialogues gracieusement outranciers provoquent une hilarité complètement désinhibée, voire jubilatoire, malgré le sérieux des problématiques abordées. C’est bien cette liberté qui nous manque aujourd’hui : pouvoir rire de l’insolence, des pédés, des putes, et de bonnes grosses baffes dans la gueule, sans pour autant être taxés de provocateurs, d’homophobes ou de misogynes d’un côté, et sans avoir à justifier d’un engagement politique de l'autre. 45


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PHOTOS : ALEXA BEARD — 1HEURE38.COM MODÈLE : CLÉMENTINE CLOAREC

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PHOTOS : ALEXA BEARD — 1HEURE38.COM MODÈLE : CLÉMENTINE CLOAREC

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AGENDA

JEUDI 09 NOVEMBRE

SAMEDI 18 NOVEMBRE

20h Berliner Wunderbar 0€

00h Rex Club 13€

PWFM S'exporte à L'est : Leoz!nho, P2z

Cotd : MR G Live, Pablo Valentino, Creative Swing, Steven Wobblejay, Mike Stellar

VENDREDI 10 NOVEMBRE 00h30 Bus Palladium

23h Nuits Fauves 16€

Bonbon Party, invitations sur lebonbon.fr

Possession : Planetary Assault Systems Live, Kmyle Live, Räar, Parfait

23h30 Badaboum 13€ Rebolledo Album Tour - Rebolledo, Phred Noir,

MARDI 21 NOVEMBRE

Relatif Yann

19h Elysée Montmartre 33€ Thundercat live

00h Rex Club 13€ Btrax Night: Steve Rachmad, Gregor Tresher, Rob

JEUDI 23 NOVEMBRE

Malone, Benmen

00h Rex Club 18,20€ Modeselektor DJ SET + Tijana T + Simo Cell

SAMEDI 11 NOVEMBRE 00h La Machine du Moulin Rouge 13€

VENDREDI 24 NOVEMBRE

Encore La Mamie's! : Paul Johnson — DJ Deeon —

00h30 Bus Palladium

Chaos In The CBD — La Mamie's

Bonbon Party, invitations sur lebonbon.fr

00h Rex Club 13€

23h30 Badaboum 16€

Sebo K'S Scenario: Prosumer, Jus Ed, Sebo K

Nick V All Night Long

LUNDI 13 NOVEMBRE

00h Machine du Moulin Rouge 15€

19h30 New Morning 31,90€

Dure Vie présente : TBA

A.K.A x J.A.W x MCDE : Leroy Burgess Full Live Band - Mcde - J.A.W Family

SAMEDI 25 NOVEMBRE 00h Le Trabendo 16€

JEUDI 16 NOVEMBRE

Tanière Bazar : Camion Bazar et Tanière

00h Trabendo 17€ Tsugi Superclub : Maceo Plex Madben

DIMANCHE 26 NOVEMBRE 00h Rex Club 13€

VENDREDI 17 NOVEMBRE

Initial : Rhadoo, Dubtil

00h30 Bus Palladium Bonbon Party, invitations sur lebonbon.fr

VENDREDI 1ER DÉCEMBRE 00h30 Bus Palladium

22h Djoon 10€

Bonbon Party, invitations sur lebonbon.fr

San Proper All Night Long

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