Le Bonbon Nuit - 100

Page 1

DÊcembre 2019 - n° 100 - www.lebonbon.fr



DÉCEMBRE 2019

POUR GARDER LA LIGNE… Adoptez le régime Bonbon Nuit®. Oui, n’écoutez surtout pas ceux qui prônent la modération ou le juste milieu, ce ne sont que des théories de hippies. Exemple : avec les orgies de fin d’année, vous allez très certainement vous noyer dans les dindes fourrées, les blocs de foie gras, le champagne ou la vodka glacée. Et à coup sûr, avec ce bombardement calorique, vous prendrez un peu de poids, un peu de double-menton par ici, un peu de bide par là. Viendra alors le moment de la chouine et vous chercherez un moyen de vous détoxer et de perdre les lipides superflus. Que faire alors ? Élire domicile dans un hammam ? Se gaver de cachets Maigrir 3000 ? Faire des salutations au soleil ? Rien de tout ça, c’est ici qu’intervient le régime Bonbon Nuit®. Ce régime est issu d’un savoir-faire shaolin ancestral qui consiste à combattre l’excès par l’excès, une technique de surtox aussi simple qu’efficace : il suffit de ne pas dormir pendant 3 jours, de danser jusqu’à épuisement et d’enchaîner les teufs. De plus, des puissants coupe-faim comme de la farine végétale ou des pilules pour chevaux sont très largement mis à disposition par des nutritionnistes compétents pour favoriser la fonte des graisses. Enchaîner 3 ou 4 de ces marathons avec sérieux vous mènera à des résultats surprenants tant le régime Bonbon Nuit® a fait ses preuves. Bon, en perdant du poids, vous risquez aussi parfois de perdre les clefs de chez vous ou la dignité mais on s’en fout, ce ne sont que des petits effets secondaires. L’excès par l’excès, au final, y’a que ça de vrai. Car comme l’écrivait le célèbre poète anglais William Blake : “Si le fou persistait dans la folie, il atteindrait la sagesse”. Fuyons la tiédeur et gardons la ligne. Bye-bye les 2010’s.

N°100

MPK


VOUS POURREZ DIRE QUE VOUS VOUS ÊTES RENCONTRÉS

AU THÉÂTRE

*ACHETEZ VOTRE CARTE À 25€ / 10€** ET BÉNÉFICIEZ DE DEUX PLACES À 23€ / 12€** PAR SPECTACLE PENDANT 1 AN. **POUR LES –30ANS ET DEMANDEURS D’EMPLOIS

RÉSERVATIONS THEATREDURONDPOINT.FR — 01 44 95 98 21

WARM © ARNAUD BERTEREAU – AGENCE MONA

AVEC LA CARTE ADHÉRENT*, VENEZ À DEUX QUAND VOUS VOULEZ À DES TARIFS PRÉFÉRENTIELS


JEFF MILLS 15. PORTRAIT RYKO 17. DOSSIER POLYAMOUR, FUTUR LOVE 19. MAGALI CROSET-CALISTO 21. DIANE - SEXY SOUCIS 23. CHARLIE SHE 25. RAINER TORRADO 27. SARTRE ET BEAUVOIR 29. RICHARD MÉMETEAU 33. SHOOTING TRAVAILLEUSES DÉSTRUCTURÉES 37. MODE QUE LA FAMILLE 39. REPORTAGE CHESSBOXING 44. CINÉMA CLAIR OBSCUR 7. MUSIQUE

CONFISEUR JACQUES DE LA CHAISE RÉDAC’ CHEF LUCAS JAVELLE CONSULTANT MPK DESIGN RÉPUBLIQUE STUDIO GRAPHISTES CLÉMENT TREMBLOT ANTOINE MERCIER RÉDACTION APOLLINE BAZIN LISA BELKEBLA MANON MERRIEN-JOLY FLORIN SAINT-MERRI SR LOUIS HAEFFNER RÉGIE CULTURE ANTOINE KODIO RÉGIE PUB LIONEL PONSIN LE BONBON 15, RUE DU DELTA, 75009 SIRET 510 580 301 00040


Stage Entertainment France présente, en accord avec Bill Kenwright et en association avec Colin Ingram et Hello Entertainment, basé sur le film Paramount Pictures écrit par Bruce Joel Rubin

LE FILM CULTE ADAPTÉ SUR SCÈNE LIVRET ET PAROLES DE

BRUCE JOEL RUBIN -

MUSIQUE ET PAROLES DE

DAVE STEWART ET GLEN BALLARD

des places pour GHOST LE MUSICAL et des tee-shirts du show ! POUR PARTICIPER RENDEZ-VOUS SUR HTTP://BIT.LY/GHOSTJEU OU SCANNEZ CE QR CODE.

ACTUELLEMENT À PARIS  THEATREMOGADOR.COM

© Rubin, Stewart and Ballard 2011 for music and lyrics - Licences n° 2-108 85 69 et 3-108 85 70 - Photos retouchées.

TENTEZ DE REMPORTER


QUAND SCIENCE ET MUSIQUE S’EMMÊLENT

La Cité des Sciences accueille un tout nouveau format : les Éclatantes. Un mélange habile entre sciences et musique, puisqu’on y aura l’occasion de découvrir de nouvelles expositions tout en déambulant au rythme d’un genre musical. Pour la première, l’électro est à l’honneur avec des invités de renom derrière les platines. Étienne de Crécy, Yuksek, Boston Bun ou encore le concert déluré de Macadam Crocodile risquent de faire vibrer la Cité. Les Éclatantes @Cité des Sciences 6 décembre

UN MONDE OÙ TOUT EST POSSIBLE

À la Temporisation, oubliez tout ce que vous savez. Si vous aimez vous ambiancer sur des rythmes et mélodies linéaires, passez votre chemin. Ou plutôt venez prendre une leçon de musique. Parce que dans cette soirée, les codes n’existent pas, tous les genres se mélangent et la musique est pleine de secrets. Une ambiance unique qui ne pouvait pas mieux tomber pour la fin de l’année, avec Joy Orbison et Rahim en duo, Why Be et Elheist. Temporisation @La Java 13 décembre

BON TIMING

NOUVEAU QG DÉTENTE AUSSI CHIC QUE KITSCH

La Casbah, cette vieille institution parisienne tombée entre les mains de Bonjour/Bonsoir, connaît un second souffle qui ravira autant les oiseaux de nuit que les moins initiés. Au menu, une soirée tout compris avec restaurant et mini-club au sous-sol, façon 80’s, aux allures de hammam. Le mot d’ordre ? Déconnexion. L’ambiance invite à sortir de son monde (ou de son téléphone) et comme en vacances, on se laisse aller… en oubliant tout le reste. @La Casbah Ouvert du mercredi au samedi



MUSIQUE

JEFF MILLS L’HÉRITAGE

T P

LUCAS JAVELLE NAÏS BESSAIH, JACOB KHRIST


MUSIQUE JEFF MILLS 8/9

Quand on a plus de 30 ans de carrière et le regard toujours tourné vers le futur, on a tendance à se précipiter, conscient de la vie qu’il nous reste à vivre. C’est ce qui a mis la puce à l’oreille de Jeff Mills, pionnier de la musique électronique et dirigeant d’Axis Records. De là, naît une volonté de marquer le temps avec des rééditions inédites : The Dir ecto r’s C ut e t Sig ht S oun dA nd S pac e.

Une compilation de vie en plusieurs tomes, comme un recueil de compositions du maestro dont certaines n’étaient jamais sorties auparavant. Jeff Mills signe ici son héritage, entre histoire de la techno et futur de la musique électronique, plus créatif que jamais. L’occasion pour nous de faire un point avec lui sur le passé, le présent et, surtout, l’avenir.


LE BONBON : J’ai récemment découvert

la série documentaire Hip-Hop Evolution sur Netflix, et je n’ai pu m’empêcher de me demander pourquoi la techno n’avait pas encore droit à son histoire grand public. JEFF MILLS : Il faut remonter à la question originelle : pourquoi la techno n’a pas ce poids ? Parce que le genre est, pour la majeure partie, positif. Notamment lorsqu’on parle de futurisme, la plupart des gens sont frileux à ce sujet. Mais le futurisme est l’un des principaux axes de la techno, et ce depuis sa naissance. Regarde Kraftwerk, ou l’électro psychédélique des années 60 mélangée au classique… La musique électronique a toujours été progressiste. C’est une image avec laquelle peu de gens sont à l’aise. Je pense qu’au fond d’eux, le futurisme est une utopie qu’ils ne veulent pas voir à l’œuvre, à cause des conséquences que cela entraînerait. Donc quand l’Amérique a affaire au ghetto, au hip-hop et toute la négativité qui en ressort, la techno

n’a pas le même sens. Nous étions noirs comme les autres, mais issus d’une classe sociale moyenne, pas du ghetto, à faire de la musique qui ne faisait pas l’éloge des armes, du trafic de drogues ou des “bitches”. Le public a donc répondu de manière négative : il ne voulait pas voir des noirs faire quelque chose de positif. C’est comme ça qu’on a compris qu’il fallait d’abord s’orienter vers l’Europe. La France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne… ces pays ont tous eu une partie de leur histoire étroitement liée à l’esclavage, mais leur société a évolué pour devenir plus mature et plus tolérante avec ceux que leurs ancêtres traitaient sans respect.

L.B. Quelle est la conséquence de cette

popularisation péjorative de la musique électronique ? J.M. Je ne sais pas. J’ai appris à ne pas comparer mon travail avec cette industrie et le genre musique électronique. Les choses avancent trop doucement. La conversation sur la musique est bien trop creuse.


10 / 11

JEFF MILLS

MUSIQUE


“ Pourquoi le classique existe-t-il depuis si longtemps ? Comment une composition de jazz peut-elle être aussi profonde ? En comprenant tout ça, on aura alors les clés en main pour faire durer la musique électronique pendant des siècles.”

Ceux qui ont le rôle le plus important dans cette pièce n’ont finalement pas grand-chose à dire, parce qu’ils n’ont pas réalisé grand-chose – en musique même. Probablement parce qu’ils sont trop jeunes et au cœur de l’attention avant même d’avoir maîtrisé le genre, l’art. On ne laisse plus aux gens le temps de devenir eux-mêmes. C’est parce qu’on a modelé la techno sur le modèle de la culture populaire. Il fut un temps où la musique électronique voulait être plus comme le rock, un temps plus comme le punk, puis le hip-hop, et ainsi de suite… Jusqu’à présent, je n’ai pas eu l’occasion de la voir en confiance avec elle-même, simplement avec toutes ses qualités qui en font un genre unique.

L.B. Quel est son vrai visage alors ? J.M. La techno, aujourd’hui, est libre.

C’est donc difficile de la cerner, comprendre ses mécaniques, qui fait quoi et qui en est le leader. Quel son est le plus susceptible de fonctionner ? Tu ne peux pas le savoir. C’est pour cela que les majors ne se sont pas trop frottées à nous : la musique électronique est trop

diversifiée et libre. On peut alors être aussi créatifs qu’on le veut, parce que c’est un genre illusoire comme aucun autre (le jazz, le classique…). C’est ce qui m’a convaincu que nous étions en train de travailler sur quelque chose d’assez unique. Il n’y a rien que tu ne puisses pas faire.

L.B. Trop d’artistes sous les projecteurs,

c’est un fait. Mais comment se sent-on lorsqu’on en arrive à être appelé “légende vivante de la techno” ? J.M. C’est juste que je suis vieux. Je ne suis pas la première personne, j’ai juste fait carrière dans la musique électronique. Et cette carrière, fort heureusement, m’a emmené quelque part. J’ai eu la chance d’avoir été témoin de l’évolution du genre dans des pays et contextes différents. À chaque fois, le dénominateur commun, c’est cette liberté.

L.B. C’est ce qui t’a permis de ne pas te sentir comme un imposteur ?

J.M. Complètement. Quand je suis arrivé

pour la première fois en Europe, vers la fin de ma vingtaine, j’ai vu comment les Européens regardent les noirs. La plupart en avaient vu un à la


MUSIQUE JEFF MILLS

télévision mais n’avaient sûrement jamais eu de conversation avec l’un d’entre nous. Donc tu dois trouver un moyen de partager quelque chose avec les gens, pour communiquer. Tu réfléchis à ce qui pourrait les séduire. Quand je vivais à Berlin, j’étais un “invité”. C’est ce qu’ils m’ont fait ressentir du début à la fin. Une fois que je l’ai compris, j’en ai trouvé le côté positif. James Baldwin écrivait qu’il avait beau vivre à Paris, il ne voulait jamais devenir français. Parce que les Français sont encerclés par l’histoire : il n’y a aucun moyen d’y échapper. Où que tu ailles, tout est là pour te le rappeler. Un bâtiment par-ci, une place par-là, une personne connue qui a vécu dans telle ou telle maison… Ça aussi je l’ai appris en m’installant ici.

12 / 13

L.B. Dans une publication Facebook récente, tu disais que si l’on ne prend pas soin de la musique électronique, elle risque de s’évaporer. Comment faire ?

J.M. Je ne suis pas sûr que la plupart

des gens y aient pensé… mais après mes expériences à travailler avec d’autres genres comme le jazz ou le classique, je constate que nous n’avons pas développé et fait mûrir une sorte de langage universel qu’utilisent les autres musiques. Le classique peut parler au jazz parce qu’ils se comprennent via ce langage, et inversement. C’est probablement parce que la plupart des producteurs sont des programmeurs et non des musiciens. On apprend à faire de la musique différemment. C’est pour ça que je pense qu’il faut parler plus de la musique ; plus on en sait, mieux on peut l’expliquer aux autres. Et ainsi essayer de comprendre comment dialoguer avec les autres. C’est probablement la chose la plus importante, parce qu’au fond, nous devons apprendre des autres genres. Ne pas devenir comme eux, mais apprendre d’eux. Pourquoi le classique existe-t-il


depuis si longtemps ? Comment une composition de jazz peut-elle être aussi profonde ? En comprenant tout ça, on aura alors les clés en main pour faire durer le genre pendant des siècles.

L.B. Tu penses que c’est ce manque de

langage qui a poussé la techno à être le vilain petit canard de la musique ? J.M. Non, je pense que la principale cause vient du fait que tu n’as pas besoin d’être musicien pour faire de la musique électronique. Tu n’as pas besoin d’aller dans une école, d’étudier, d’apprendre les notes et les accords. On est dans un domaine créatif où il n’y a pas besoin de l’être énormément pour avoir du succès. Tout est une question de sons et de fréquences que tu peux manipuler à ta guise. J’ai toujours pensé que c’était la meilleure façon de raconter une histoire fantastique ou incroyable. Notre vrai côté futuriste. Même si on vit dans une ère spatiale depuis des décennies, on ne se sent pas vraiment en 2020. Les gens se retiennent trop, ils veulent rester attachés au passé et à comment les choses étaient avant. Parce que le futur fait peur.

L.B. Et ils disent tous que c’était mieux avant. J.M. C’est l’âge. En vieillissant, tu te rends compte que les gens sont plus à l’aise avec moins de changement et plus de spiritualité.

L.B. Ça a été le cas pour toi ? J.M. Non, je pense toujours au futur.

Parfois en bien, parfois en mal. Par exemple, je pense très souvent à l’après-mort. Après ma mort. Que va-t-il arriver à toute cette musique ? Même les choses que je fais encore aujourd’hui, je les fais dans le but que quelqu’un, d’ici une centaine d’années, puisse les avoir.

L.B. Les rééditions font partie de ce plan ? J.M. Soyons réels… je ne serai pas là

éternellement. C’est comme ça que tu commences à penser au-delà de toimême et de ton temps. Tu regardes ton travail, ta musique et le temps qu’il te reste et il y a cette urgence qui se développe. Donc tu veux créer autant que possible, parler autant que possible, même de la plus simple des manières. Avec l’idée que quelqu’un va mettre la main dessus un jour et le regarder, l’écouter. C’est une réaction normale et raisonnable.

L.B. Avec le temps, tu as pris peur de la mort ? J.M. Ça dépend comment tu la considères. Mais… oui… je pense que… c’est naturel, quoi. On naît, on vit, on meurt. C’est le cycle. Chaque personne a son rôle, qu’on le remplisse ou non. Comme tu peux le voir, je suis… je suis bien… je suis confiant. La nature est ce qu’elle est. Je n’ai pas de vieille croyance mythologique sur une vie après la mort ou la renaissance. (Rires)

L.B. Tu penses avoir rempli ton rôle ? J.M. C’est une chose à laquelle je ne

peux pas répondre. J’ai peut-être littéralement fait tout ça pour rien. C’est un peu triste comme pensée cela dit… Peut-être que les gens se souviendront de moi pour quelque chose que je n’ai pas encore fait. Ou quelque chose que j’ai fait mais dont je n’ai pas réellement eu conscience, et c’est seulement des années plus tard que les gens le découvriront.

JEFF MILLS – THE DIRECTOR’S CUT (CHAPTER 1 TO 6) JEFF MILLS – SIGHT SOUND AND SPACE (3-CD BOX SET) DÉJÀ DISPONIBLE


PORTRAIT

RYKO AKA STREET MACHINE

ILS FONT LA NUIT

PHYSIO DU REX

Moi c’est Ryko, je suis né à Paris dans le 20e et je me suis construit dans le 19e. Je mesure 1m80 pour 87 kilos et j’aime manger des bons petits plats à base de légumes et d’huile d’olive. Mon cocktail préféré, c’est la caïpirinha. Et si je devais n’amener qu’un disque sur une île déserte, ce serait The Final Frontier d’Underground Resistance. Qu’est-ce que le Rex club représente pour moi ? C’est tout simplement le temple du clubbing underground en France. Depuis 30 ans, ça a toujours été une sorte de QG, et je garde un souvenir ému des soirées Wake Up de Laurent Garnier et des Automatik. Ça va faire un an que j’y travaille comme physio. Pour tenir la porte du club, il faut être diplomate, accueillant, bien sentir les gens et savoir refuser en douceur. Le meilleur moyen pour que je te laisse entrer est que tu transpires les bonnes vibes, que t’aimes la techno et que tu tiennes debout. Organisateur de Rave Party dans les années 90 et DJ depuis plus de 20 ans, j’ai débuté aux côtés de Manu le Malin et Torgull. Je suis désormais représenté par l’agence de booking Delighted Agency. La musique, c’est tout pour moi. Et comme le dit Oxmo : « C’est du son qui coule dans mes veines, en BPM. » !

14 / 15

Ryko est à la porte du Rex du jeudi au samedi, de 23h30 à 4h30.



16 / 17

POLYAMOUR

ENQUÊTE


DOSSIER SPÉCIAL

POLYAMOUR MODE DE VIE DU FUTUR ?

Polyamour (n.m.) : Relation sentimentale honnête, franche et assumée avec plusieurs partenaires simultanément (chaque relation pouvant comprendre ou non des rapports sexuels). Quand on parle de polyamour, les réactions sont souvent très tranchées : certains y croient, d’autres jurent que c’est une utopie. Les un.e.s s’en disent capables, le vivent, d’autres brandissent des « Non jamais de la vie ». Mais de cette façon d’aimer, tout le monde peut tirer des enseignements pour sa vie affective et sexuelle. La preuve dans les pages qui suivent.

Dossier : Apolline Bazin Illustrations : Antoine Mercier


18/19

POLYAMOUR

ENQUÊTE


FRAGMENTS D’UN DISCOURS POLYAMOUREUX

MAGALI CROSET-CALISTO, SEXOLOGUE Tout le monde est-il capable de (re)tomber amoureux plusieurs fois dans sa vie ? Non seulement tout le monde est capable de tomber amoureux plusieurs fois dans sa vie, mais est aussi susceptible de se retrouver amoureux ou d’aimer plusieurs personnes en même temps, ce qui mène régulièrement à l’adultère voire au divorce ! Le polyamour est un nouveau mode relationnel qui permet de court-circuiter les mensonges de l’adultère et de proposer de nouvelles bases pour les couples. Quelles sont les conditions sine qua non pour le dépassement de la jalousie dans un couple selon vous ? Tout le monde n’est pas fait pour le polyamour. Cette approche du couple peut devenir très vite anxiogène pour les personnes fusionnelles ou insécures par exemple, lesquelles se retrouvent souvent blessées et démunies face à l’amour que leur partenaire éprouve en parallèle. La tolérance, la bienveillance et le respect des désirs d’autrui font partie des apprentissages également. Les approches en thérapie cognitivo-comportementales permettent à toute personne désireuse de travailler sur la gestion des émotions d’obtenir de bons résultats.

Les hommes (hétérosexuels) ont-ils plus de mal à devenir polyamoureux ? Si on constate que les femmes sont souvent plus ouvertes ou flexibles par rapport au polyamour, c’est surtout parce qu’elles se sont renseignées et ont beaucoup réfléchi à la chose avant de se lancer. La plupart du temps, les hommes manquent de connaissance par rapport au sujet dans une société qui, depuis #MeToo, est en train de redéfinir les codes de la masculinité. Dans votre livre, vous écrivez « l’amour de la liberté de l’autre n’est pas inclus conceptuellement dans nos codes ». Comment pourrait-on changer la vision de l’amour qu’on a en Occident ? Le message des polyamoureux est : « parce que je t’aime et que je te désire, j’aime aussi ta liberté d’être et d’aimer ». D’un point de vue socio-sexologique, le polyamour incarne une révolution dans la vie des couples. Mais le but selon moi n’est pas de changer la vision occidentale de l’amour, mais de l’ouvrir à plusieurs possibilités, de manière à ce que chacun puisse s’épanouir dans le respect de soi et d’autrui. Fragments d’un discours polyamoureux, éditions Michalon


ENQUÊTE

QUELLES SONT LES 3 RÈGLES D’OR DU POLYAMOUR ?

20/21

POLYAMOUR

DIANE ST-RÉQUIER, ANIMATRICE

Je pense que la première, c’est de réussir à être honnête avec soi-même sur ses limites. Ça peut être un peu difficile parfois, parce que quand on passe d’un modèle monogame à un modèle non exclusif, il se peut que l’on tombe dans une autre norme, à savoir tout accepter : « Si j’ai un sentiment négatif, je dois prendre tout sur moi. Sinon ça fait de nous un.e coincé.e du cul, un.e faux polyamoureux. se… » On peut avoir intériorisé des critiques qui existent dans ce milieu. Donc c’est vraiment réussir à s’examiner et discuter avec soi-même qui est important, pour savoir sur quoi on est ok ou pas. Cette réaction, qu’est-ce que ça génère pour moi ? De la colère, ou de la peur ? Cette étape introspective est la base de la base pour moi, et c’est peutêtre ce qui est le plus dur à faire. Ensuite, il y a être honnête avec les autres. Il faut qu’il puisse y avoir un terrain de compromis, de compréhension, qu’il puisse y avoir un dialogue entre les personnes concernées. La jalousie, c’est souvent la peur de l’insécurité, des choses sur lesquelles on peut agir. Comment on l’accepte ? Un ressenti ça se constate, ça s’accepte et ça se traite. À charge aux personnes de discuter. Enfin le troisième point, si je mets ma casquette prévention, le versant santé doit être abordé. C’est quoi le deal en fait ? Il faut que tout le monde soit ok pour prendre des risques. Plus on a de partenaires, plus on a de chances de choper une IST. Ce n’est pas grave et ça ne veut pas dire qu’on est une mauvaise personne. Les IST c’est comme ça, ça circule même quand on met une capote ou la Prep… Il n’y a pas de protection parfaite, alors il faut pouvoir en parler sans que ce soit une chasse aux sorcières. Plus de prévention sur : sexysoucis.fr



22/23

POLYAMOUR

ENQUÊTE


D’ABORD S’AIMER SOI POUR ÊTRE UN BON POLYAMOUREUX ? CHARLIE SHE, ARTISTE ET MILITANTE FÉMINISTE

À quel moment as-tu compris que tu étais polyamoureuse ? Est-ce que ça a toujours été une évidence ? J’ai jamais été à l’aise dans la monogamie, mais c’est vraiment dans l’exploration de ma “queerness”, dans la déconstruction du patriarcat et de la suprématie blanche, que j’ai compris l’enracinement raciste et sexiste de la monogamie dans notre société.

À quel point cultiver le self love, l’estime de soi, est essentiel pour être poly ? C’est pour moi la base du polyamour, c’est d’abord et avant tout être en relation avec soi-même, c’est questionner et prioriser ses besoins, tout en voulant se connecter avec les autres.

Se dire polyamoureux, est-ce comparable à un coming out ? Pas du tout ! Pour moi le coming out est une performance, un statement très dangereux et important, comme quoi les règles hétéronormatives ne s’appliquent pas ou plus à notre mode de vie. Se dire polyamoureux exprime seulement ma déconstruction, mon besoin de liberté et de connexion, ma fluidité dans tout, dans le genre comme dans mes relations amoureuses.

On me parle aussi souvent de la jalousie, qui pour moi n’est qu’un symptôme d’insécurité. Le polyamour, c’est pas toujours avoir plus d’un partenaire, c’est simplement comprendre que notre amoureux.se ne nous appartient pas. Que ses expériences avec d’autres ne briseront jamais le lien ou la valeur de votre relation ; elle mettra peut-être l’emphase sur vos problèmes puisque le polyamour nous pousse à nous remettre en question constamment, à être honnêtes avec les autres, mais encore plus important, avec nous-mêmes.

@charlieshe

Pour moi le polyamour c’est la déconstruction du capitalisme, du patriarcat et du racisme Photo ©nos Daphné Borenstein avec les autres. dans connexions


ENQUÊTE POLYAMOUR

RAINER TORRADO

24/25

(Photographe) @generationxxy “Il vaut mieux avoir aimé et perdu, que de ne jamais avoir aimé du tout… Mes photos décrivent parfois des trouples qui s’enlacent le temps d’une chanson, deux caresses, trois bisous. Je vois dans ces clichés tendresse et envie. Je vois les mains cèder à leurs pulsions. Je vois les têtes tourner, les bras se mêler, les bouches respirer à l’unisson. Quant à moi, j’appuie sur le déclencheur.” Photo © Rainer Torrado



26/27

POLYAMOUR

ENQUÊTE


LE JOUR OÙ L’AMANTE DE SARTRE ET BEAUVOIR À POLYMORFLÉ Si l’histoire nous raconte le couple JeanPaul Sartre et Simone de Beauvoir comme un mythe du couple libre heureux, il n’en est rien. Leur petit duo de joueurs malsains a conduit plusieurs victimes vers le vide émotionnel, laissant des séquelles irréversibles. Parmi les pauvres âmes alors esseulées, on retrouve Bianca, jeune fille de 16 ans lorsqu’elle rencontre le couple de philosophes. Enfermée dans un cercle vicieux entre les deux partenaires, elle vivra un enfer qui rappelle l’œuvre de Choderlos de Laclos. Fraîchement arrivée dans la classe de philosophie du lycée Molière de Paris, Bianca écrivait déjà ces quelques lignes : « Tout en elle respirait l’énergie. L’intelligence de son regard d’un bleu lumineux nous frappa dès le début. » De rendez-vous en rendezvous, la belle étudiante devient amour contingent de la philosophe. Bercée par les romances de son enfance, elle rêve éveillée de sa relation. Jusqu’au jour où l’affreux Sartre se décide à assujetir la pauvre enfant. S’ensuivra alors une série d’expériences non plaisantes pour Bianca. Conseillée par sa Simone, l’étudiante retrouve un Sartre passionné qui l’affuble de petits surnoms pour la séduire. Sensible au charme du plus laid des intellos, elle

finit par se faire prendre sa virginité dans un hôtel miteux par le bougre. « Je sentais bien qu’il était incapable de se laisser aller physiquement, de s’abandonner à une émotion sensuelle. » Marquée à vie, l’amour laissera place à la rancœur. « Simone de Beauvoir puisait dans ses classes de jeunes filles une chair fraîche à laquelle elle goûtait avant de la refiler », écrit Bianca, cinquante ans plus tard. De Beauvoir s’inquiètera pourtant de l’état de sa conquête et écrira à Sartre : « Elle m’a remuée et pétrie de remords parce qu’elle est dans une terrible et profonde crise de neurasthénie – et que c’est notre faute, je crois […] Elle pleure sans cesse… elle est terriblement malheureuse. ». Si Simone, rongée par le remord, décide de renouer intellectuellement cette fois-ci avec Bianca, le mal est fait. « Que Simone de Beauvoir serve de pourvoyeuse à son compagnon est étonnant. Que dire d’un écrivain engagé comme elle dans la lutte pour la dignité de la femme et qui trompa et manipula, sa vie durant, une autre femme ? » Et que dire de notre société actuelle ? Tiré de Mémoires d’une jeune fille dérangée, Bianca Lamblin - éditions Balland, 1993


28/29

POLYAMOUR

DOSSIER


UN CONCEPT EN AVANCE SUR NOTRE ÉPOQUE ? RICHARD MÉMETEAU, PHILOSOPHE

Comment définirais-tu la conception de l’amour qui prévaut aujourd’hui ? Elle est définie par des impératifs assez simples : assurer la reproduction de l’espèce, dessiner une filiation et permettre la transmission de patrimoine ou de valeurs culturelles… et peut-être, en fin de chaîne, s’épanouir personnellement. La procréation reste l’obligation centrale à partir de laquelle les autres se sont définies, et faire des enfants ne nécessite pas forcément d’être amoureux. En quoi celle-ci est en décalage avec les grandes évolutions sociétales des XXe et XXIe siècles ? La grande évolution à ce titre consiste à avoir produit un champ de sentiments, de plaisirs, de comportements de plus en plus indépendants de la reproduction sexuée. Ce qu’a apporté le XXe siècle est à la fois la reconnaissance de sexualités non reproductives et une compréhension plus large de la sexualité au-delà de sa dimension reproductive.

Qu’est-ce qui te dérange le plus dans la notion de polyamour : que l’on puisse parler d’amour romantique démultiplié ou que l’on utilise le mot amour pour parler de pulsions de désir ? Je ne pense pas que le polyamour soit une forme plus naturelle qu’une autre. Le polyamour (dans son sens le plus strict) n’est pas la relation ouverte et il revient donc encore à limiter d’une façon ou d’une autre le caractère vagabond du désir. À la limite, je trouve plus intéressant de ne jamais vivre à deux, ou de ne pas emménager avec quelqu’un pour s’épargner la vie à deux. Parler ouvertement de sex friends, admettre une multiplicité de relations, n’est-ce pas ouvrir la voie vers la possibilité de polyamour, dans un futur lointain ? La relation du sex friend est contingente, et même elle ne réclame pas d’être sacralisée par la magie de l’amour. Comme on trouve insupportable d’avoir à se prononcer sur la petite bouille mignonne d’un bébé, on devrait trouver insupportable d’avoir à trouver magique une relation amoureuse, sans même qu’on en connaisse la nature ou ce qui lie les amants. Sex Friends, comment bien rater sa vie amoureuse à l’heure du numérique, éditions Zones


30/31

POLYAMOUR

DOSSIER


POLYAMOUR LE MOT DE LA FIN

Photo © Hannibal Volkoff

Le polyamour fait sans aucun doute fantasmer, suscite conversations et curiosités un peu voyeuristes. La réalité décrite par les polyamoureux est beaucoup moins glamour que la carte postale sensuelle qu’on peut s’imaginer. Elles et ils parlent d’organisation et d’intégrité. Polyamour ne veut pas dire une foule d’amant.e.s en pagaille, et à l’intérieur de ce mot, on peut avoir plusieurs configurations, du couple qui se renouvelle à l’anarchisme relationnel le plus radical. Sujet de conversation récurrent dans les médias depuis quelques années, une question demeure : à quel point cette façon d’aimer se répand-elle ? Qui adopte vraiment ces pratiques à rebours de siècles de monogamie ? L’interrogation restera en suspend pour le moment, faute d’étude chiffrée. La sexologue Magali Croset-Calisto nous a néanmoins dit constater que le sujet était de plus en plus abordé dans ses consultations, et par des jeunes. Alors pourquoi ce changement se produit-il maintenant, pourquoi est-ce peut-être un concentré de l’époque ? À cette question, nous pouvons formuler quelques réponses. Le polyamour serait emprunt des valeurs

hédonistes et libérales de communication du XXIe siècle. Ce mode de relation serait un remède intéressant à l’échec des couples de nos parents, oncles et tantes trompés, usés et hypocrites. Admettre la possibilité d’autres flirts comme faisant partie du cours des choses est l’enseignement principal des polyamoureux. Comme l’amour dure trois ans, le philosophe André Comte-Sponville théorise ainsi trois temps dans la vie d’un couple : Eros, Philia et Agape qui pourraient ouvrir la voie au polyamour. Un autre point intéressant ressort de cette petite étude sur le paysage polyamoureux : les auteures — Françoise Simpère, Magali CrosetCalisto, Dossie Easton — le façonne. Les grandes voix du polyamour sont féminines, et ce n’est certainement pas anodin si cette forme d’émancipation est théorisée par des pratiquantes. Enfin, une dernière précision en guise de conclusion : les polyamoureux définissent parfois leurs relations comme une écologie amoureuse. Faut-il y voir un signe de concordance avec le grand enjeu du monde contemporain ? Il semblerait bien que oui.


MODE 32/33

SHOOTING

TRAVAILLEUSES DÉSTRUCTURÉES

Direction artistique & stylisme – Manon Merrien-Joly Stylisme – Sarah Sirel Photographie – Naïs Bessaih Merci à : Dresscode, Frontrow, Trends, The Hoxton, Maison Mourcel

Smoking - Andiata Colliers - Ella Zubrowska, Hypso Robe - Benoa Sneakers - No Name


Attika : casquette - Maison Mourcel, robe - Benoa, sneakers - No Name, collier - Hypso Anne-Lise : foulard - Labrume, collier - Ella Zubrowska, smoking - Andiata Océane : collier - Ella Zubrowska, smoking - Chloé Stora


MODE SHOOTING 34/35

Corsets et Casquette - Maison Mourcel Robe noire - Benoa Smoking crème - Chloé Stora Bijoux - Ella Zubrowska, Hypso Smoking gris - Andiata


Modèles @2headedmamba.jpg @Oceanelien @annelise.maulin


MODE

QUE LA FAMILLE T P

36/37

DISTYLLERIE

Si la famille est historiquement perçue comme une entité consommatrice de choix, et que l’on vous enjoint régulièrement à rejoindre « le gang » et « la tribu » pour bénéficier d’offres très « spéciales », la mode s’empare depuis plusieurs mois de la cellule familiale pour l’ériger en modèle esthétique. Le 29 mai 2013, la maire de Montpellier célébrait le premier mariage entre deux hommes de même sexe en France. Six ans plus tard, le 27 septembre dernier, l’ouverture de la Procréation Médicalement Assistée était votée par l’Assemblée nationale aux couples de femmes et aux femmes célibataires. Malgré les pratiques conservatrices que l’on peut reprocher à la mode, il est paradoxalement indéniable qu’elle devance souvent nombre de pratiques sociétales encore à l’état de niche pour les imprimer peu à peu dans les consciences. Ainsi, pour sa collection homme printempsété 2018, Balenciaga imaginait une campagne mode shootée à la façon des portraits de famille kitsch des années 1980 au travers du regard surréaliste du photographe Robbie Augspurger. En avril dernier (n°93), le collectif géorgien Berhasm mettait en scène un trouple et leur enfant dans leur collection “mother of techno” situant l’ambiance à mi-chemin entre un dîner de famille et un after, ce qui n’est pas une mince affaire on en convient.

MANON MERRIEN-JOLY ROBBIE AUGSPURGER

Plus médiatique, le label suédois Acne Studios mettait en scène en août 2017 la famille de Kaleb Anthony et Kordale Lewis, couple gay star d’Instagram entouré de leurs quatre enfants, faisant d’eux la première famille homoparentale à incarner la collection d’une marque de luxe internationale. Noël approchant, n’ayez point de complexe à savoir si votre tribu à vous passerait pour l’inspiration originale d’Acne, plus c’est beauf, plus c’est hype comme on vous le disait il y a deux numéros de ça. La famille est loin d’être une notion déconnante lorsque l’on pense que les industries créatives se réunissent souvent en collectifs pour mutualiser leurs forces, parfois au-delà d’un même secteur. C’est comme ça qu’en octobre dernier, la griffe italienne GCDS God Can’t Destroy Streetwear – collaborait avec Barilla dans une vidéo montrant l’archétype de la famiglia italienne – incarnée par une flopée de mannequins, les sœurs Hadid en tête – des années 1960 autour d’un gros plat de pâtes, s’écharpant de façon un peu plus correcte que vous et vos frangins à table. Si la mode, jusqu’alors obsédée par le jeunisme, a toujours fait appel aux futurs consommateurs en puissance, les labels appuient aujourd’hui sur le détonateur pour redonner sa juste place aux exclus, déglinguant au passage le schéma traditionnel du papa et de la maman.



REPORTAGE 38/39

ECHEC ET DROITES : UPPERCUT EN E5 P

NAÏS BESSAIH


Le samedi 9 novembre avait lieu le premier combat officiel de chessboxing en France, au Cabaret Sauvage. Les anglophones l’auront compris, l’objectif était de bourriner à la fois méninges et tempes. En pratique, il s’agit d’arriver le plus rapidement possible à l’échec et mat ou au K.O. T P

MANON MERRIEN-JOLY GABRIELLE CÉZARD


REPORTAGE

SIERRA NEON

40 / 41



REPORTAGE CHESSBOXING 42/43

Ce jour-là, quatre matches se sont enchaînés à vitesse grand V. Les compétiteurs préparaient pour certains les championnats du monde qui se tiendront à Ankara, en Turquie, le 14 décembre prochain, et n’étaient clairement pas venus pour beurrer des biscottes. Pour l’anecdote, on doit l’invention de ce sport incongru au dessinateur serbo-croate Enki Bilal, qui le dépeint dans son album Froid Equateur en 1992, dernier tome de la trilogie Nikopol qui inspirera d’ailleurs le long-métrage Immortel, ad vitam qu’il réalisera en 2004, dans lesquels le chessboxing tient le rôle du « meilleur évaluateur de l’excellence de l’humain » et représente la « combinaison de l’intelligence suprême et de l’instinct animal ». L’autre père fondateur du chessboxing est un artiste néerlandais répondant au nom de Iepe Rubingh, s’étant fait connaître par ses performances sauvages dans lesquelles il bloque des carrefours à l’aide de rubans pour créer des embouteillages monstres. Le déroulé du match est le suivant : les adversaires alternent six rounds de quatre minutes aux échecs et cinq rounds de trois minutes à la boxe. Pour les petits rigolos qui tenteraient d’ironiser sur l’improbabilité du sport, sachez que reprendre une partie d’échecs après une série d’uppercuts n’est pas à la portée du premier venu. Sur le ring, les profils des combattants sont ultrahétérogènes : des débutants Paul Ducher et Kevin Guedj qui faisaient leurs gammes et participaient à leur premier combat officiel, à Wilfried Hoareau, vice-champion du monde de boxe thaï venu se mesurer dans la catégorie poids super-lourd, en passant par le Nîmois Thomas Cazeneuve, champion du monde 2017 de la discipline. Une devise unit les 200 pratiquants de ce sport hybride recensé par la fédération francaise de chessboxing basée à Montpellier : “mens sane in corpore sano”, “un esprit sain dans un corps sain”, une maxime qui donne à ce sport au premier abord loufoque toutes ses lettres de noblesse.



CINÉMA 44/45

CLAIR OBSCUR LES 4 COMMANDEMENTS

Crapuleuse parenthèse de décérébrés en quête d’imaginaire bisounours, Noël et sa farandole d’absurdités débarquent dans un délire de paradis blanc à la Berger, sans prévenir, d’une surprise générale et totale (« Non mais attends, on est DÉJÀ à Noël ? » dit-elle d’une voix irritante). T PIERIG LERAY



CINÉMA 46/47

On s’enivre dans des bouffes à rallonge où le foie d’un animal mort et l’iode d’un vivant enorgueillissent nos désirs de sens, on se pavane dans des tricots immondes, le sourire forcé jusqu’à faire saigner nos lèvres gercées (« Qui a du Labelo ? » dit-il d’une voix zozotante), on s’extasie pour bébé, se désole devant les blagues de pépé, avant de prier qu’une fois pour toutes, Netflix rachète Noël pour en faire une mini-série à bouffer en accéléré. Mais n’ayez crainte, j’ai la solution

pour sauver votre âme enjouée de petite putain consumériste, « sale traîneau ». Mais il va falloir se sortir les moufles du fion, résister à la tentation obscure du pain surprise fromage frais, du fagot de haricots sauce gribiche et de la bûche café-calva. Voici donc les 4 commandements de décembre qui soulageront – un peu – la vue doublementon plongeant de ton miroir pourtant amincissant.


I

III

Tu n’iras pas voir le dernier Star Wars (Star Wars, The Rise of Skywalker de J.J.Abrams, sortie le 18 décembre)

Tu n’iras pas non plus voir le dernier Jumanji malgré le chantage de ta nièce qui te hurle dessus (Jumanji, next level de Jake Kasdan, sortie le 4 décembre)

Perpétuel copycat de l’ancienne trilogie avec ses deux premiers épisodes mimant la destruction de l’étoile noir dans le premier, puis l ’anéantissement de la résistance dans le second, il faut donc s’attendre à des boules de poils à lance-pierre combattant la liberté des peuples. Ou une invention marketing dans le genre, avec Rey et son accent british en guise de sauveur de la galaxie, combattant le méchant Kylo Ren, lourdaud aux fantasmes incestueux avec sa lubie de papy. Et ce n’est que le début de l’indigestion, du Star Wars partout, tout le temps, à la télé, au ciné, dans ta tasse de café. Il est donc primordial de refuser l’engrenage, de stopper cette grande bouffe galactique, et de juste profiter de L’Empire contre-attaque sous la couette d’un dimanche enneigé, chaque année.

II Tu ne t’exciteras pas du noir et blanc plombant et intello du dernier Pattinson (The Lighthouse de Robert Eggers, sortie le 18 décembre) Mais quelle beauté esthétique ! La photographie est saisissante, le réalisme terrifiant, Pattinson est vraiment un grand acteur. « Tu l’as vu ? ». Non. Typique du film que tout le monde encense mais que personne n’ira voir. Mémorisez ma première ligne, balancez-la entre la poire et le dessert, et épargnez-vous cette escalade de lenteur. Cela aura pour effet de limiter la purulence de la bien-pensance cinématographique qui envahit jusqu’à nos voisins incultes.

Tu lui avais pourtant promis de l’amener. Elle était si heureuse de partager ce tendre moment avec toi le lendemain du déballage frénétique de ses jouets par milliers. Mais tu seras ferme, et l’éducation cinématographique doit commencer dès le plus jeune âge. Donc tu ne la laisseras pas s’abrutir devant la musculature saillante de The Rock et son faciès aux 3 expressions, tu lui expliqueras que ce film est une daube, et qu’il ne faut jamais aller voir de daubes. Tu l’installeras avec toi sur le canapé familial, en lui expliquant les références godariennes dans E.T. de Spielberg.

IV Tu chialeras devant Malick en te promettant de ne plus jamais me contredire qu’il est le plus grand (Une vie cachée de Terrence Malick, sortie le 11 décembre) Indéniablement l’un des plus beaux films de l’année, Malick revient dans un scénario plus structuré à l’essence même de son cinéma transcendantaliste, virevoltant d’un génie sans commune mesure. Il aborde ici la force immuable de la conviction éthique face au sentimentalisme, de l’amour de la conscience avant celle de l’autre (notamment de sa femme). C’est un film magistral qui ne cesse à la fois d’émerveiller par sa mise en scène et la beauté du cadre (les alpages autrichiens), mais aussi de remuer son for intérieur d’un message fort et questionnant. C’est la BA de fin d’année : voir Une vie cachée, et en parler.


AGENDA

VENDREDI 6 DÉCEMBRE 23h Badaboum La 6e nuit des sosies 00h Sierra Neon 15 € 75021 #36 x Positive Education 00h Cabaret Sauvage 20 € Distrikt Paris 4 ans 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 7 DÉCEMBRE 22h à la folie 12 € à la folie fête ses 4 ans 23h La Java 5 € Trou Aux Biches 00h Dystopia 30 € I Hate Models all night long JEUDI 12 DÉCEMBRE 19h La Karambole Raclette électronique w/ Quartier Libre VENDREDI 13 DÉCEMBRE 22h à la folie 20 € ALF 002 w/ Lil Louis… 00h La Machine 18 € Chloé présente Lumière Noire 00h La Java 10 € Temporisation w/ Joy Orbison… 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr

48

SAMEDI 14 DÉCEMBRE 23h Gaîté lyrique 20 € Mézigue Album Release Party 23h Faust 25 € Mr Oizo, Panteros666… 00h Rex Club 25 € Young Ethics Tour: DJ Seinfeld… VENDREDI 20 DÉCEMBRE 19h La Karambole La Grande Loterie de Noël w/ Chabalitosse 23h YOYO Palais de Tokyo 20 € DISCO DISCO All Stars 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr

SAMEDI 21 DÉCEMBRE 23h La Java HORS-SOL : Diiing-Dindooon ! 00h Dehors Brut 15 € Circle of Live: Âme live… 00h Rex Club 20 € Club Trax: Carista, David Vunk… DIMANCHE 22 DÉCEMBRE 16h La Grande Surface 7 € Le Fabuleux Noël d’Entente Nocturne VENDREDI 27 DÉCEMBRE 19h La Bellevilloise 20 € VendrediXXL pop, house… 20h à la folie 10€ Red House QueerXmas 23h Badaboum 15 € R&S Records label night 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 28 DÉCEMBRE 23h La Machine 20 € Cocotte Club : MYST 23h Badaboum 15 € Lobster Theremin Label Night 00h La Station 10 € Spectrum w/ Kaiser, Makornik… MARDI 31 DÉCEMBRE 22h Warehouse 20 € Distrikt Paris 4 years pt. 2 22h La Bellevilloise 50 € Nouvel An Latino 22h Petit Bain Kindergarten NY2020 23h Rex Club 30 € One More: Papa est Maman… 23h Café Barge NYE Afterparty

IMPRIMÉ EN FRANCE




Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.