Le Bonbon Nuit 45

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Septembre 2014 - n째 45 - lebonbon.fr



édito Septembre 2014

© Jacob Khrist

Avec cette rentrée, c’est le retour des trucs qui stressent, et moi, contre les trucs qui stressent, j’ai un remède simple : je me tape une bonne branlette. Quoi, qu’est-ce qu’il y a ? Toi, dans le fond de la salle, pourquoi tu fais ton pète-sec ? Tu ne t’es jamais tiré sur la nouille ? Tu vas pas me faire croire qu’avec ta face de raie, tu passes ton temps le manche dans la motte : y’a bien un moment dans la journée où tu te retrouves avec ta mimine et ton mastard et que tu te fais ta petite affaire en solo, non ? Bref. Pour moi, c’est simple, au moindre coup de pression, je m’astique la colonne. Par exemple, si ma banque me harcèle car je suis complètement à découvert et que je risque la peine de mort par décapitation, et ben pas de problème, je me planque dans un coin et FAP FAP FAP, je relativise ensuite à fond mes soucis avec le monde de la finance. 3 mois de loyers impayés, appel de la proprio, menace d’être foutu dehors ? Ok, madame, ne quittez pas, je reviens dans 2 minutes. FAP FAP FAP FAP et FAP. Bien détendu du gland, je sais trouver les mots pour décongestionner la vieille. Au taf, je galère à écrire un texte que je dois rendre de toute urgence le lendemain ? On se calme, on se cale sur Pornhub au rayon #Milf #Threesome #Hardcore, et FAAAAAP, FAP FAFAFAFAP, me voilà d’attaque pour remplir de caractères cette page aussi vierge que cette petite #teen qui va se faire déflorer par un gros black. FAP FAP vous l’aurez compris FAP FAP FAP FAP se peigner la girafe FAP est la solution FAP FAP FAP contre toute mentale masturbation FAP FAP. Ouuuhhhh. ça va beaucoup mieux, là. Et quand tu me rencontres, oublie pas de me faire la bise plutôt que de me serrer la main, hein. MPK Rédacteur en chef

Rédacteur en chef — Michaël Pécot-Kleiner michael@lebonbon.fr | Directeur artistique — Tom Gordonovitch tom@lebonbon.fr Directeur de la publication — Jacques de la Chaise | Photo couverture — Tricky par Nicola Delorme Secrétaire

de

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Nuit


20h - M inuit Mercredi 24 septembre

W/ JUJU & JORDASH + テ記OHIM LIVE

Jeudi 30 octobre

W/ CUTHEAD + SSCK LIVE

LIVE

Mercredi 26 novembre

W/ VOISKI + MELJA LIVE

LIVE

LIVE


sommaire Le Bonbon Nuit

Tricky

p. 7

Alt-J

p. 11

Y’a quoi au ciné

p. 15

Le dernier ciné X

p. 17

Technopol

p. 21

Dom Garcia

p. 27

Un date à la Concrete

p. 31

Instant Arm

p. 35

Special K

p. 37

Coincée dans l’ascenseur

p. 39

75021

p. 41

Le Mojito

p. 43

playlist du mois

Camille Vouvray

p. 45

tumblr du mois

Pornésie

p. 47

à la une musique cinéma érotisme nightivisme art gonzo respiration culture et divagation égotisme les nuits de Jacob cocktail

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Le Bon

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Le choix de l’ouverture Grolsch vu par Le Bonbon

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agenda Les événements à ne pas manquer

Pot belge. Le Nouvel An Belge, c’est une bonne blague, mais une bonne blague qui fait les choses sérieusement. En journée, ce sera grosse teuf dans les alentours de Montmartre avec la fine fleur de la scène belge, et la nuit, grosse teuf à la Machine du Moulin Rouge avec entre autres Mugwump et Ivan Smagghe. Érection. Samedi 20 septembre. Montmarte ou presque.

Apostrophe. Notre Violaine Schütz internationale vient de sortir une réédition augmentée de son Daft Punk, Humains après tout. Elle y retrace avec le brio qu’on lui connaît la biographie des deux Versaillais fétichistes du casque. Le bouquin est déjà traduit en japonais et il paraît qu’il se vend comme des petits pains. Avis aux fans et aux collectionneurs. Daft Punk, Humains après tout. Ed. Camion Blanc.

La perche. Dans les années 60, Martial Raysse fut un artiste catégorisé pop art, et tout avait l’air de marcher au mieux pour lui. Et puis, le mec a tranquillement tourné la carte et s’est mis à triper sur l’art chamanique. En est sorti une série de films expérimentaux et des objets cliniquement non identifiés. Bref, la datura, y’a que ça de vrai. Jusqu’au 22 septembre. Beaubourg. Grrrrr Before by Le Bonbon #3 Save the date le jeudi 18 septembre, le Grrrrr Before revient à grrrrrand pas au Sardignac sur le Toit. Les amateurs de bières sont attendus de pied ferme pour chiller et décompresser après une dure jourDR/ DR/ DR/ DR

née de labeur. DJ Threell et DJ Guillaume Keller aux platines vous feront danser sur des sons Deep Tech House tandis que des tables de beerpong vous amuseront. Le jeudi 18 septembre de 19h à minuit Le Sardignac sur le Toit (sur le toit du cinéma étoile Lilas) - 20e 5—

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à la une T/ Hillel Schlegel P/ Denis Renard

TRICKY “Avant, je me déchirais la gueule en permanence.” Utiliser ton propre nom comme titre d’album, ça signifie en général deux choses : c’est ton premier disque et tu veux te la jouer simple, authentique et pas prise de tête, ou alors tu es un musicien accompli qui a passé sa vie à bosser dans l’ombre d’autres groupes et qui veut enfin être reconnu pour luimême. Pourtant, rien de tout ça ne s’applique à Adrian Thaws, un chouïa plus connu sous le nom de Tricky, qui sort pépouze son onzième disque, sobrement nommé… Adrian Thaws. L’album de la maturité (LOL) ? Réponse de l’intéressé : « ben c’est surtout que depuis que je fume moins de weed, j’ai arrêté de faire de la merde. » OK, on valide. Ton avant-dernier album, False Idols, date d’il y a tout juste un an. On avait d’ailleurs pas mal discuté tous les deux à sa sortie. Alors tu as l’impression d’avoir toujours quelque chose de nouveau à raconter en interview ? Comment faire pour ne pas se répéter d’année en année ?

Non, parce qu’on change, on vieillit, on pense différemment… Il se passe beaucoup de choses en un an, donc je n’ai pas l’impression d’arriver au bout de ce que j’ai à dire album après album. Tu pourrais résumer ton année ?

J’ai travaillé sur moi-même. J’ai arrêté de fumer de la weed. Je fume un petit peu sur scène maintenant, mais j’ai arrêté d’en consommer tous les 7—

jours. J’ai vachement réduit ma consommation d’alcool aussi. Quand je suis en tournée, je bois quelques bières, mais sans plus. Avant, je me déchirais la gueule en permanence, alors j’essaie vraiment d’avoir une hygiène de vie plus saine, de manger mieux… Je me suis rendu compte qu’en travaillant là-dessus, ma musique s’améliorait. J’ai besoin de mûrir, j’essaie d’être un meilleur père, un meilleur être humain, d’améliorer mes relations avec les gens, et surtout d’être en mesure d’éduquer ma fille. J’ai arrêté la weed parce que j’étais devenu un esclave. Avant, dès que j’allais quelque part, il m’en fallait. Avant un concert, à l’aéroport, j’exigeais tout le temps qu’on m’apporte de la weed à l’arrivée. Et si je n’en avais pas, je pouvais passer plusieurs heures chaque jour à passer des coups de fil à droite et à gauche pour en obtenir. L’enfer. Je veux vivre dans le présent maintenant. Arrêter d’essayer de m’échapper, de fuir. Je veux être à ce que je fais. Avant, j’utilisais la weed comme remède : je me levais, je fumais, je me recouchais. Ce truc du joint thérapeutique, c’était un cercle vicieux, parce que fumer, c’est comme prendre du Valium. Et je ne veux pas faire la même merde tous les jours, je veux arrêter de m’isoler. Prendre des drogues, au début, ça t’apprend des choses sur toi-même : à la longue, autant mettre à profit ce savoir, cette expérience acquise - mais s’enfermer dedans, c’est perdre son temps et sa vie. Nuit


Tricky

“Je ne fais pas de politique parce que j’ai un casier. […] à peine j’ouvrirais ma gueule qu’on trouverait très facilement moyen de me faire tomber.”

Silver Tongue, l’un des artistes sur ton album, est ta fille, c’est ça ?

Oui, elle vient d’avoir 19 ans. Mais j’ai rien fait de spécial pour la placer dans la musique, hein ! Son titre When You Go, c’est comme une sorte de bonus track sur mon album, pour moi. Quand je l’ai entendu, je me suis dit qu’il conclurait bien le disque. Elle a tout enregistré elle-même, mais elle le fait pour le plaisir, pas pour devenir une star ou profiter de mon réseau. C’est moi qui lui ai demandé si je pouvais l’utiliser pour mon album, d’ailleurs. C’est intéressant parce que mon premier album, je l’ai fait avec sa mère, Martina, et maintenant, c’est ma fille qui est dessus. La boucle est bouclée en fait ! Elle ne se sent pas écrasée par le fait d’être la fille de Tricky ?

Du tout. Elle s’en fout, elle a ses propres goûts - et elle n’hésite pas à me critiquer aussi, quand elle trouve que je fais un truc nul, elle me le dit. C’est une forte tête, très indépendante : elle veut être photographe et elle est en école de cinéma, mais je sens bien que la musique va la rattraper. Je suppose qu’elle finira chanteuse, mais en tout cas, ce n’est pas moi qui vais lui mettre la pression. Et puis elle est bien plus forte que moi psychologiquement ! Elle est très cultivée aussi, parce qu’on a vraiment voulu lui donner la meilleure des éducations possibles, donc on l’a envoyée dans les meilleures écoles. Et clairement, c’est une fille qui a une grande confiance en elle. Justement, toi, tu me confiais l’autre jour que tu étais passé par des états très dépressifs. Tu n’en as jamais eu marre de faire de la musique, ou perdu l’inspiration ?

Si, quand j’étais signé chez Domino. La seule logique, c’était « quel single on sort », « quand estce qu’on passe à la radio »… un putain de boulot chiant. à cette époque, je me suis d’ailleurs dit : autant arrêter la musique et prendre un vrai taf. 8—

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Tricky

Mon boulot n’était plus d’être musicien, mais de faire de la promo d’album. Même les concerts, je les faisais comme on va à l’usine. Aujourd’hui que je suis indépendant, sur mon propre label, je fais des concerts parce que j’en ai envie. énorme différence : j’ai l’impression de recommencer une vraie carrière. Parce que si tu es dans une major, tu te fais gaver d’antalgiques, pour ainsi dire. Alors que maintenant que je maîtrise toute la chaîne, je suis libre. Et s’il y a bien une chose que je veux communiquer avec ce nouvel album, c’est cette idée de liberté retrouvée. Parce qu’en particulier pour un artiste, la chose la plus importante, c’est la liberté. Cet album se veut une ode à la révolution. Sur tous les plans au final : parce qu’aujourd’hui plus que jamais, on cherche à nous distraire et à nous contrôler. Et l’un ne va pas sans l’autre : on nous distrait pour nous contrôler. On nous met des puces d’identification dans nos passeports, etc. On nous endort. L’an dernier, tu me disais de False Idols que c’était un retour aux sources après ta période de « noyade » dans le système des majors. Et je ne peux m’empêcher de penser qu’aujourd’hui, tu es resté dans cette dynamique, vu que tu as intitulé ton dernier disque de ton propre nom. C’est un statement, non ? Ca veut dire « cet album-là, il est authentique » ?

Absolument ! Tricky, en fait, c’était mon surnom à l’école. Même ma famille m’appelle Tricky. Ceux qui me connaissent sous mon nom de naissance, ce sont les gens avec qui j’étais à l’école. Donc oui, c’est un statement. Et puis Adrian Thaws, c’est un nom étrange : « thawing » signifie « dégeler ». On dit de la neige, de la glace qu’elle « thaws ». « Adrian Thaws », on peut alors le comprendre comme « Adrian fond ». Et c’est ce que je veux faire : faire fondre l’âme des gens. Changer leur attitude, ne pas faire de compromis… muer, en quelque sorte.

Fais carrément de la politique alors. Tu en as envie, non ?

Oui, à fond ! Mais je sais qu’on ne me laisserait jamais faire. C’est pas compliqué : je viens d’un milieu défavorisé, j’ai fait des conneries et j’ai un casier. Et je sais qu’un casier, en politique, c’est rédhibitoire. à peine j’ouvrirais ma gueule qu’on trouverait très facilement moyen de me faire tomber, en me collant une plainte pour viol par exemple. Entrer en politique, pour moi, ce serait tendre le bâton pour me faire battre. Un ami m’a dit l’autre jour que je pourrais être député, mais ce jeu-là serait perdu d’avance pour moi. à tes concerts, on voit autant de gens de ta génération que de jeunes de 16 ou 18 ans. Tu te sens comment à 45 ans au milieu de tout ça ?

Je me sens autant en forme qu’à 18 ans ! La grosse différence, c’est que c’est moins le bordel dans ma tête. J’ai le cerveau moins pollué par des conneries psychologiques qui te pourrissent la vie. Ma vie s’est simplifiée. J’attends moins de la vie, aussi. Quand on est jeune, on en attend tout, frénétiquement. Je me satisfais de choses plus simples désormais, comme regarder ma fille grandir. J’ai l’impression de mûrir ! Donc je ne me sens pas du tout plus fatigué physiquement, mais apaisé. J’ai réduit mes désirs. La seule chose pour laquelle je me bats aujourd’hui, c’est essayer de changer un tant soit peu ce monde où 40% des richesses appartiennent à 1% de la population. Très sincèrement, c’est devenu ma plus grande motivation dans la vie.

Tricky - Adrian Thaws (False Idols)

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musique T/ Paul Owen Briaud P/ Laura Coulson

Alt-J “L’expérimentation de substances permet de s’ouvrir à des sensations qui vous modifient à jamais.” Voix de la génération hipster pour les uns, groupe majeur des années 2010 pour les autres, les quatre gars de Leeds ne sont plus que trois, mais livrent This Is All Yours, un album qui confirme les promesses du premier. Entre rêverie cinématographique mêlée d’éclats blues/rock et lyrisme tragique empreint

Gus : à la fin du processus créatif vient le moment où l’on abandonne ce qui n’était alors qu’à soi pour le remettre entre les mains d’un récepteur. Où on doit décider qu’à un moment, il ne nous appartient bel et bien plus du tout. C’est pour ça que ce titre s’est imposé à nous.

d’accents celtiques, leur son si particulier est intact, porté dans les sphères célestes par la voix

J’y avais vu un hommage à votre bassiste, Gwil

magique de Joe Newman.

Sainsbury, qui n’est plus des vôtres depuis janvier, à la manière du Wish You Were Here de Pink Floyd, qui

Vous avez dit que l’inspiration pour An Awesome

était destiné à Syd Barrett après son départ.

Wave avait été trouvée en partie dans l’usage de

Thom : Chacun peut y voir ce qu’il veut, c’est un titre ouvert. C’est aussi le nom d’un de mes tableaux.

drogues. Les morceaux de This Is All Yours sont dans la lignée des précédents, on pourrait même mélanger les chansons des deux albums et l’atmosphère resterait la même. Doit-on comprendre que vous

Celui que l’on voit sur la pochette ?

vous en mettez encore beaucoup derrière la cra-

Thom : Non, un autre, mais celui-là est aussi de moi.

vate ?

Gus : Non, ce temps-là est bien révolu. L’expérimentation de substances permet de s’ouvrir à des sensations nouvelles qui vous modifient à jamais, et on n’a pas besoin de recommencer pour retrouver cet état de conscience. Le cerveau aborde de nouveaux territoires qui vous seront alors, pour toujours, familiers. This Is All Yours… Pouvez-vous expliquer le titre, et dire à qui il s’adresse ?

Joe : Au public, tout simplement. 11 —

Gwil n’a pas participé à l’album du tout ?

Joe : Il est présent sur deux morceaux, Every Other Freckle et Warm Foothills. Il reviendra un jour ?

Joe : Non, c’est définitif. Gus : Il n’était pas préparé à un tel succès, il n’a pas voulu passer sa vie en tournée, être loin de sa copine. Pour nous trois, à l’inverse, c’était la meilleure chose qui pouvait nous arriver, mais lui n’a Nuit


Alt-J

pas aimé ce style de vie. Joe : Il a aussi peut-être pensé qu’il valait mieux se retirer au moment où tout était au mieux pour le groupe, pour n’en garder que les bons souvenirs. (Aux deux autres) Est-ce que c’est juste de dire ça ? Thom : C’est injuste parce qu’il n’est pas là pour s’en expliquer lui-même, mais c’est fort possible… Vous comptez le remplacer ?

Joe : Non, on aura des bassistes remplaçants pour les tournées, mais le groupe ne restera composé que de ses fondateurs.

est magique, on aurait tort de s’en priver. En tout cas, je t’assure que le public semble content de nous voir ! Vous continuez dans les références cinématographiques, ici avec une chanson intitulée The Ballad Of John Hurt.

Joe  : Oui, c’est une chanson qui raconte le moment, dans Alien, où un alien surgit du ventre du personnage de John Hurt. Gus : On a pensé que c’était vraiment une bonne idée de faire une chanson sur ce thème (il sourit). Dans le premier album, vous aviez deux morceaux

Et puis, maintenant, vous êtes en trinité, et votre

sans titre. Ici, au contraire, tous en ont, et l’un

symbole, le triangle, prend tout son sens. Vous

d’entre eux, Bloodflood pt.II, fait même écho à

trouverez peut-être le parfait équilibre.

Bloodflood sur An Awesome Wave. Pour quelle rai-

Thom : Puisses-tu dire vrai…

son avez-vous donné une suite à ce morceau-là ?

à propos de tournées, vous avez rencontré un succès fabuleux dès vos débuts. Vous qui faisiez des concerts dans des bars, vous remplissez maintenant des stades. Votre son intimiste n’est il pas en inadéquation avec des salles gigantesques ?

Thom : C’est vrai, c’est un dilemme. Gus : D’une certaine façon, oui, ça change la donne. Mais le public peut ressentir une émotion immense, justement parce qu’il est entouré de milliers de personnes qui vivent la même chose en même temps. L’énergie créée par la foule est porteuse de quelque chose de très puissant. Joe : C’est la musique, ce sont les morceaux qu’on joue qui inspirent un sentiment d’unité. On le ressent de la même façon qu’avant. Le nombre de personnes présentes ne fait qu’amener cet état de communion partagé avec le public à un tout autre niveau. Et puis, on pourrait tourner dans des petites salles, cela dépend d’ailleurs des dates et des villes, on joue dans toutes sortes de lieux, mais si on ne faisait que ça, on priverait une partie du public et nous-mêmes du plaisir d’être ensemble. Et puis l’ambiance des grands festivals 12 —

Joe : Ce morceau était composé, mais n’avait ni titre ni paroles, et je me suis rendu compte que les paroles de Bloodflood pouvaient être transposées dessus. Du coup, on a gardé ce titre, et ça permet de relier les deux albums, de leur donner une unité. D’ailleurs, les deux albums sont composés de 13 morceaux, j’imagine que ce n’est pas un hasard. Vous êtes superstitieux ?

Gus : Haha, non pas du tout, c’est vraiment une pure coïncidence. (Pas le temps de leur parler des paroles, des influences de la musique anglaise ou celtique, du chant si particulier de Joe - dont le timbre de voix est sinon tout ce qu’il y a de plus normal - ni de comment il a choisi de chanter comme ça, tant pis, je me promets de les interroger un jour à ce sujet. Le problème des interviews, c’est qu’elles sont toujours trop courtes, ndlr.) Alt-J — This Is All Yours (Infectious Records)

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Cinéma T/ Pierig Leray P/ DR

Y’a quoi au ciné ? 1 mois, 4 films, 4 avis. Le pro-

Maintenant ou jamais de Serge Frydman –

blème ? On ne les a pas vus.

Dans un vent aussi réchauffé que l’air humide d’une banlieue parisienne se noie le ridicule d’une catastrophique Leïla Bekhti dans un mélodrame de braqueur amateur infantilisant. Le tout se complaît dans la médiocrité d’un Nicolas Duvauchelle qui porte un blouson noir pour jouer le faux-méchant… au XXIe siècle.

Critiques abusives et totalement infondées des meilleurs/pires films du mois.

— Sortie le 3 septembre Near Death Experience de G. Kervern et B. Delépine –

Un Michel Houellebecq à l’agonie dans une tenue de cycliste moulebite, sirotant l’eau d’une piscine dans la dépravation morale brillante et surtout redoutable des mêmes génies qui ont élevé Poelvoorde en punk des ZUP dans Le Grand soir. Ici, il transforme l’antipathie viscérale de Houellebecq en une tarte aux pommes humide et baveuse. Mais aussi Métamorphoses de C. Honoré, qui peut encore s’intéresser aux délires sexojuvéniles de Honoré ? (0/5), Gemma Bovery de A. Fontaine, il commence pas à nous agacer le Luchini avec sa danse de la pluie d’ex-bobo faux-campagnard ? (2/5), Bon rétablissement ! de J. Becker, Lanvin + Claudia Tagbo dans le nanarcomédie show à la française, daubesque (0/5), Léviathan de A. Zviaguintsev, scénario palmé pour une guerre de pouvoir par le territoire… en pleine actu’(4/5).

— Sortie le 10 septembre Mange tes morts, tu ne diras point de J-C. Hue –

Sublime immersion, entre stupeur et douceur, violence inhumaine et humanité tout entière, seule et esseulée, glaciale de véracité comme un docu-fiction arrache-cœur. L’indispensable du mois, prix Jean Vigo bien mérité. — Sortie le 17 septembre Still the Water de N. Kawase –

Théorisant les préceptes de Emerson, caressée d’un air malickien, Naomi Kawase submerge par la beauté pure et simplifiée d’une vie presque utopique, où le sentimentalisme est roi et la mort un fait accompli. Le tout sur une île désertique animée d’une force forcément transcendantale. — Sortie le 1er octobre

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érotisme T/ MPK P/ Jacob Khrist

Le dernier ciné X “le plus beau film, c’est celui qu’on se fait dans la tête” Faisons un petit calcul à la con. Le Beverley existe depuis 1970, soit 44 x 365 = 16 060 jours. Admettons maintenant que depuis sa création, il y ait une centaine de clients en moyenne par jour, et que chaque client éjacule en moyenne 4ml de semence (chiffre scientifique), on déduit donc que le Beverley a vu se deverser entre ses murs plus de (16 060

Et puis les prostituées, c’est plus ce que c’était. À la belle époque, rue Saint-Denis, on salivait devant les porte-jarretelles, les lingeries fines, les petites robes qui laissent entrevoir une cuisse, un téton furtif. Maintenant y’a plus rien de tout ça, c’est de l’abattage et les filles se couvrent pour ne pas se faire agresser.

x 100 x 0,004) 6420 litres de foutre. Respect ! De quoi nourrir une ville de 30 habitants pendant plus

Vous conseillez combien de branlettes par jour pour

d’un an ! Pour fêter ça, on est allé poser quelques

bien se porter ?

questions à Monsieur Maurice, le boss de cette ins-

Autant que l’on peut, car c’est très important pour la prostate. Et puis quand on se branle, y’a personne pour vous emmerder, si c’est mal fait, on s’en prend qu’à soi.

titution de la paluche. M. Maurice, on vient surtout chez vous pour se faire une petite branlette. Y a-t-il des codes bien définis pour se masturber chez vous ? Des choses à ne pas

Beaucoup de journaleux viennent vous interviewer

faire ?

parce que vous êtes le rescapé d’une époque, celui

Faut surtout être discret, et faire ça dans le plus grand respect des uns et des autres. J’ai pas dit l’un dans l’autre, hein.

du porno à la papa, du film de cul sur 35mm, des

C’est quoi le plaisir particulier de la branlette ? Vos clients pourraient aussi aller voir des putes ?

Déjà, se masturber, ça revient moins cher qu’une pute. Je crois que c’était Jean Carmet qui mettait 5 francs sur la cheminée, et une fois qu’il avait terminer de se branler, il reprenait les 5 francs, comme ça il était content, il faisait des économies.

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vrais nibards, des teuches poilues. Quel regard portez-vous sur le porno actuel ?

Le porno actuel est triste, c’est simplement des scènes de baise. Y’a pas d’histoires qui pourraient donner une âme au film comme à l’époque de la Brigitte (Lahaie, ndlr) ou même d’Ovidie… Bon, y’a des exceptions avec Marc Dorcel, mais en général, c’est tristounet. Ça manque de poésie au niveau des prises de vue, c’est du sexe pour du sexe.

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Le Beverley

Concrètement, qu’est-ce qui est en train de flinguer le commerce du cinéma porno ?

Ce qui nous a décimés, ce sont surtout les grosses taxes sur le cinéma porno signées en 1975. Cette loi-là, ce sont les patrons de cinémas qui l’ont demandée parce que les films pour adultes faisaient plus d’entrées que les films traditionnels. Le fait que le stationnement soit cher, ça nous a fait aussi du mal. Autrefois, entre deux rendez-vous, les gens venaient se garer ici pour se détendre un peu. Il y avait aussi pas mal de VRP mais depuis qu’il y a le téléphone portable, ils ont un GPS dans le cul, ils ne peuvent plus faire ce qu’ils veulent.

le gars était mort la queue à la main. C’est mon rêve de caner comme ça ! Y’a des meufs de temps en temps ?

C’est surtout masculin. Quand il y a des femmes, c’est surtout des journalistes. On a aussi parfois des groupes de filles qui viennent pour enterrer leur vie de jeune fille. J’ai d’ailleurs remarqué qu’elles étaient plus délurées que les hommes. Ça leur fera de beaux souvenirs quand elles auront 60 ans de plus. Je crois savoir que le samedi et le jeudi soir, les couples peuvent venir un peu se mélanger ici, c’est

Des films de boules, vous avez dû en voir défiler. Quel

bien ça ?

est celui qui vous a franchement le plus marqué ?

Oui, c’est réservé pour eux, comme ça ils sont tranquilles. Des fois, on fait aussi des soirées où on lit des poèmes érotiques. On a fait de très belles choses mais ça s’est un peu calmé depuis 10 ans parce que les gens n’ont plus le temps. La société a quand même beaucoup changé, je crois que je suis arrivé à la fin d’un bon système.

Pourquoi ?

Aucun. Je n’ai jamais vu un film en entier. Quand on travaille dans le cinéma, on ne voit JAMAIS un film en entier. C’est par la clientèle que je sais si tel ou tel film est bien. Mais je pense quand même que le plus beau film, c’est celui qu’on se fait dans la tête. Ce cinéma, c’est juste un support, à fantasmes.

On a l’impression qu’en 2014, on est plus tolérants, Pour vous, quelle est l’actrice la plus bandante ?

plus libérés sexuellement. Vous en pensez quoi,

Personnellement, j’ai bien aimé Élodie, cette nana avant de faire du porno était tourneur-fraiseur à Saint-Étienne. Elle s’est ensuite fait appeler Élodie Chérie. Elle était très belle, très nature comme Brigitte Lahaie, elles étaient d’ailleurs presque de la même époque. C’était des vraies femmes, pas des poupées. Tout était naturel et il n’y avait pas d’épilation complète.

vous ?

Pas du tout, c’est de la poudre aux yeux, le sexe ne sert qu’à faire du business ou de l’audimat. On n’est pas dans un sexe respectueux, un sexe véridique, poétique, érotique. Le sexe est un objet de consommation comme un autre. C’est dommage. Mais au fait, pourquoi ça s’appelle le Beverley ?

J’en sais strictement rien. Ce nom vient de l’ancien propriétaire. Ça reste un mystère.

En gros, qui vient se faire plaisir ici ?

Tout le monde, de 18 jusqu’à 103 ans. D’ailleurs, ce client de 103 ans était venu en voiture et on a dû l’aider à s’installer. On a même eu un mort ! C’était deux copains à la retraite qui se voyaient tous les mercredis pour se faire un resto. Ensuite, ils venaient passer une petite heure ici. Et puis un jour, un des deux ne s’est jamais relevé du fauteuil, 18 —

Le Beverley — 14, rue de la Ville Neuve - 2e

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nightivisme T/ MPK P/ Régis Grman

technopol “On essaye d’être un pont, pas une niche.” En fait dans l’univers de la techno française, l’association Technopol, c’est un peu comme ta maman. Elle est partout, elle peut te paraître étouffante

la première Techno Parade pour montrer qu’on n’était pas des animaux. L’association Technopol est la conséquence directe de ce combat.

mais en cas de grosse galère, elle est toujours là pour te récupérer quand t’as la queue entre les

Dans le Bonbon nuit 39, les mecs de Sonotown disent

jambes. Avec un mois de septembre des plus chargés

à votre sujet : « c’est facile de vouloir faire bouger

(Techno Parade avec after aux Docks de Paris puis

les choses avec des appuis politiques dans tous les

Paris Electronic Week), on s’est dit que ce serait le

sens. Les mecs de Technopol refusent que les petits

bon moment pour aller rendre visite à Tommy, le

viennent faire entendre leur voix. Ils pompent toutes

président de cette presque déjà institution.

les subventions sans aider la cause. Avec les thunes, ils font quoi ? Des gros chars avec des champignons

Tommy, pour ceux qui ne connaissent pas encore

et de la hardtech ? » Que réponds-tu ?

Technopol, peux-tu nous dire dans les grandes lignes de quelle volonté est née cette association ?

Nous existons essentiellement pour la défense et promotion des cultures et des musiques électroniques, pour l’accompagnement à la professionnalisation des Dj’s, des collectifs, des labels, des techniciens… Technopol a été créée en 1995 suite à une grosse période de diabolisation de cette musique avec la loi Pasqua, qui dans les grandes lignes était une déclaration de guerre contre la techno. Ils ont ainsi interdit une grosse teuf à Lyon qui s’appelait Polaris, et tous les orga de l’époque se sont réunis et ont bossé pendant deux ans pour faire reconnaître la musique électronique comme une culture. Finalement, on a obtenu le droit de s’exprimer, et pour fêter ça, on a organisé 21 —

Sur l’histoire des subventions, elles servent surtout à payer des salariés, des formateurs afin de faire les formations les moins chères du marché. Donc oui, on a des subventions mais elles sont fléchées pour la structuration du réseau et c’est à ça qu’elles servent. Ensuite, sur le fait qu’« on n’ouvre pas la porte aux petits », quand tu regardes les gens qui sont au conseil d’administration, il n’y a que des « petits », que des « amateurs », y’a pas de gros festival ou de gros trust. Ceux qui bénéficient des subventions pour organiser des événements, c’est en général paradoxalement ceux qui nous critiquent… Chez nous, la Techno Parade ne dépasse pas 10 à 15% du total des subventions reçues, donc c’est une connerie de dire qu’elle pompe à mort de l’argent public. Justement, on Nuit


Technopol

“La racine de la création, c’est l’underground, et en France, l’underground n’existe pas. Y’a eu des émergences, mais on n’est pas un pays d’underground.” 22 —

ne veut pas que cette manifestation soit dépendante des subventions, parce qu’on veut être autonomes par rapport à l’état. Ensuite, je trouve ça un peu dédaigneux de dire que notre finalité, c’est de mettre de la hardtech, alors que ces gens qui bossent dans des clubs ou des squats établis ne diffusent aucune réelle musique underground. Donc ouais, on assume complètement de mettre de la hardtech parce que c’est une musique sousreprésentée. Pour clôturer le débat, c’est commode de trouver un paillasson, la Techno Parade est une cible parfaite parce que vachement visible. Ça va qu’on est gentils et qu’on veut aider tout le monde, sinon on les aurait attaqués en diffamation. De quel œil vois-tu le renouveau de la nuit parisienne et les « petits » collectifs ? échappent-il à votre zone d’influence ?

J’en pense que du bien, parce qu’il y avait clairement un problème d’offre alternative. Il y avait une bonne offre clubbing, une bonne offre fête à plus de 30 euros, mais rien à moins de 15 euros. Donc tout ça est parti d’une bonne intention : faire une nuit accessible à tout le monde avec des codes un petit peu moins guindés et plus de liberté. En gros, tout ça reprend les codes de la rave party, quoi. Maintenant, ça manque encore de professionnalisation, et ça, ils n’y échapperont pas. À partir du moment où t’es exposé, tu te prends les contrôles URSSAF, les impôts… va falloir que ce nouveau souffle se structure, sinon il disparaîtra. N’as-tu pas eu l’impression que Technopol est passée à côté de cette dynamique ?

De toute façon, quand tu crées quelque chose de nouveau, tu te détaches des codes existants, et nous on fait partie de ces codes existants. Mais on voit qu’à la minute où les gens ont un problème, ils nous appellent. Et c’est pour ça qu’on est subventionnés, pour être la béquille des orgas. Nuit


Technopol

Peux-tu nous parler de la Techno Parade en quelques

S’en suivra la Paris Electronic Week.

chiffres ? Quelle est son objectif cette année ?

La Techno Parade, c’est 16 éditions, près de 100 à 150 Dj’s par édition, entre 12 et 17 chars, 3 à 4km de parcours dans les plus belles avenues de Paris, 200 000 à 400 000 personnes à chaque fois. Chaque année, on met à l’honneur un pays, et cette fois-ci, ce sera le Viêt Nam. Donc il y aura un char avec des Dj’s vietnamiens et franco-vietnamiens, et la tendance y sera surtout bass music, glitch et dubstep. Sur ce coup, notre slogan sera liberté/diversité/rythmicité, et ce dernier prend pas mal de sens par rapport à la montée du FN dans plusieurs municipalités. Enfin, notre parrain sera le groupe français Dirtyphonics, des bons représentants de la 4e vague « French touch ». Avoir fait jouer David Guetta ou Bob Sinclar n’a-t-il pas terni votre réputation ?

Nous, on ne produit pas les chars. Chaque chariste est libre de sa programmation. Si on se met à jouer le jeu des puristes et des talibans de la musique et interdire tel ou tel artiste, on va à l’encontre de la diversité que l’on prône. Et puis je suis très fier qu’on soit le seul événement au monde où il y a Guetta et Dj Radium qui jouent en même temps. On essaye d’être un pont, pas une niche. Il y aura également un after aux Docks de Paris, c’est bien cela ?

Oui, juste après la Techno Parade, on invite tout le monde à venir faire la fête jusqu’à 6 heures. Je pense que ça fait bien une quinzaine d’années qu’on n’a pas réuni à Paris sur le même plateau des esthétiques aussi différentes : transe, hardtech/ hardcore, techno, bass music… Ça va permettre à tout le monde de rester et de faire la teuf et on attendra entre 10 et 12 000 personnes.

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Oui, pendant une semaine on se concentrera plus sur l’aspect pro. Il y aura des conférences avec des syndicats, des organismes publics, des gros labels et ce sera l’occasion d’avoir des discussions sur le statut de l’artiste, la Sacem, mettre en relation les orgas avec le RIF (Réseau des salles de musiques actuelles d’Île de France), etc. Il y aura aussi un marathon des sons, un marché des disquaires, une création originale à Beaubourg, une mini-parade des enfants… On aimerait qu’à terme, ce soit un Sonar avec des tables rondes et des débats en fait. La France n’est pas un vrai pays de foot. Est-elle un vrai pays de techno ?

Non. Parce qu’on privilégie trop la musique de variété. L’artiste ici, ça a toujours été l’artiste maudit qui vit avec des subventions, on n’a jamais pu faire le lien comme dans les autres pays entre le business et la musique sans que ce soit un gros mot. Quand tu vois l’underground à l’étranger, il bouffe, et comme toute la création vient de l’underground et qu’ici on le bride, il ne se passe rien dans notre pays. La racine de la création, c’est l’underground, et en France, l’underground n’existe pas. Y’a eu des émergences, mais on n’est pas un pays d’underground. Et puis ici, il n’y a aucun soutien national, une scène se développe parce qu’elle a le soutien de son pays. Du coup, on est passé à côté de plein de trucs.

Samedi 13 septembre, Techno Parade. Dream Nation Festival le soir aux Docks de Paris. PEW, du 16 au 22 septembre. Se tenir au jus sur www.technopol.net

Nuit


Š LÊonard Butler



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Nuit


art T/ MPK P/ Dom Garcia

Dom Garcia “Voir du trash, des bites, des culs, si c’est pour rester dans l’anecdote, ça sert à rien…” Ouais, j’suis quasiment certain qu’au moins une fois

Paris 80, Paris héroïne.

dans ta vie, ta nuit a croisé celle de Dom Garcia, l’un

C’était plutôt le speed. L’héro, c’était déjà fini depuis longtemps.

des photographes attitrés du Paris underground et insomniaque. Et puis si c’est pas la cas, tire pas la tronche, rattrape-toi en lisant cette interview où il

Avant d’être Dom Garcia, tu bossais sous le blaze

te cause de ce qu’il a dans le crâne et de son actu

Dom Tom, et tu étais illustrateur dans l’édition alter-

pour cette rentrée. Voilà.

native. Tu peux nous parler de cette période ?

Dom, ça fait un bout de temps que tu arpentes la nuit parisienne mais finalement, on ne sait pas grand’chose de toi. Décline-nous date et lieu de naissance, poids, taille, régime alimentaire, addictions.

Je suis né le 9 septembre 1961 à Fontenay-auxRoses, dans le sud de Paris. Je fais 1m69 pour 50 kilos. J’aime la bonne bouffe bien française, rien à foutre des végétariens. Des addictions ? J’en ai un bon paquet : l’alcool, la drogue dure… Tout ce qui est bon, quoi.

J’ai découvert tout ce petit monde-là un peu par hasard. Je me suis rendu compte qu’il y avait deux mecs de ce milieu qui habitaient juste au-dessus de chez moi, Y5/P5 et Lombardi. Ils faisaient une revue qui s’appelait Basic. On est vite devenus super potes. C’est comme ça que j’ai connu tous les gens de Bazooka, etc… On a monté une association qui s’appelait Sortie d’usine avec une copine, et on a édité plein de petits livres. Ça a duré une dizaine d’années. J’avais pas de style particulier, je m’amusais à faire plein de choses différentes. Et puis j’en ai eu marre. C’est comme ça que je me suis remis à la photo.

T’as une tronche d’ancien punk, je me trompe ?

Tu te trompes. À l’époque du punk, j’étais un vieux baba. Le punk, je l’ai découvert assez tard, milieu 80. Et après, je n’ai plus écouté que ça. J’ai de suite été un gros fan d’Iggy Pop et d’Alan Vega. Sinon, à cette époque, j’étais aussi un habitué de l’association Barrocks : y’avait pas mal de concerts bien délirants dans le 14e, dans la salle Marius Magnin, avec toutes la génération alternative du moment. 27 —

Depuis 2000, donc, tu te consacres seulement à la photo et notamment aux portraits pris dans les soirées. Souvent, la photo de soirée est considérée comme un sous-genre, pourquoi t’être concentré là-dessus ?

C’est une bonne question ça… J’fais de la photo de soirée parce la nuit les gens se lâchent un peu. Moi, j’commence à photographier quand je suis Nuit


Nuit & société

vraiment dans l’ambiance. Il n’y a pas de différence entre la personne que je photographie et moi. On est dans le même état. Et c’est un jeu en fait, un jeu à deux, un échange. Ça, faut commencer à le faire quand la soirée est bien attaquée. On pourrait croire que la nuit les gens sont masqués, mais c’est l’inverse. C’est ce qui se passe dans les bonnes soirées en tout cas.

il a vraiment ouvert le champ de la photographie. Bon la mode actuelle, c’est Nan Goldin, ça devient pénible. Voir du trash, des bites, des culs, si c’est pour rester dans l’anecdote, ça sert à rien. Parmi les milliers de photos que tu as prises, de laquelle es-tu le plus fier ? Et Pourquoi ?

Pas de préférence. Quand je suis invité (rires). Celles que j’aimais bien, c’était les soirées PAN, parce qu’il y avait un vrai mélange des genres. Malheureusement, ces soirées n’existent plus.

J’aime beaucoup la photo de Mathilde Tixier au Garage MU en octobre 2009 (photo page 26, ndlr). Elle me plaît parce qu’elle a un côté expressionniste, elle aurait très bien pu être prise au siècle dernier, à Paris, Berlin où New York. Elle parle aussi des jeux de rôle que l’on peut avoir dans les lieux nocturnes.

Tu fais tes tofs en noir et blanc, c’est très beau mais

Le conseil à donner à un jeune qui veut faire de la

n’est-ce pas cliché ? Pourquoi ce choix esthétique ?

photo de nuit ?

Tout simplement parce que ça donne une force et ça ne garde que l’essentiel. En fait, je fais mes photos en couleur, en numérique, et les passer en noir et blanc, c’est comme si je développais la photo. Je la redécouvre et j’enlève le superflu, c’est pour ça que je fais des noirs et blancs très très durs. Bosser comme ça, ça permet d’effacer toute l’anecdote de l’image. C’est ça que je recherche.

S’approcher. Prendre des focales courtes. Et niveau alcoolémie, être au même niveau que son sujet. Tout simplement. Faut pas se planquer derrière l’appareil.

C’est quoi ta came comme soirées ?

Les critères d’un portrait réussi ?

Une photo qui ne vieillit pas. Une photo qui dépasse l’anecdote. Le problème de la photo, c’est que c’est tellement facile à faire, t’as juste à appuyer sur un bouton, donc on a tendance à en faire beaucoup. Autant, c’est facile d’appuyer sur un bouton, autant c’est très difficile de faire en sorte que la photo tienne dans le temps. Un bon photographe ne se définit pas par ce qu’il prend, mais par ce qu’il va montrer.

Ton actu pour la rentrée ?

Avec Pierre Escot, on a fait un bouquin de photos qui s’appelle Name Dropping. Il sera tiré à une centaine d’exemplaires et il sera composé de portraits de musiciens. On prévoit d’en sortir un par mois sur des séries différentes : peintres, comédiens, écrivains/journalistes, les artistes sans œuvres, femmes et natures mortes.

Le 9 septembre, sorti du premier Name Dropping avec Franck Williams au Monte en l’air - 2, rue de la Mare - 20e

Qui sont tes grands maîtres ?

Le 18 septembre aux Ballades Sonores avec Marc

Brassaï, Moriyama, William Klein. J’ai aimé Cartier-Bresson, mais maintenant je trouve ça désuet, trop gentil, c’est trop les clichés de Paris, ça vieillit mal. William Klein, avec ses flous et ses ratages,

Desse, Alice Lewis et Alex Rossi - 1, avenue Trudaine

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- 9e www.domgarcia.com

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gonzo T/ Raph La Rage P/ MPK

Un date à la Concrete “Bah je penchais que tu aimais bien cha toi les péniches…” Bonjour à tous. Alors comment ça va ? Bah ouais toi t’es bien à lire ton p’tit gonzo, ça faisait longtemps, t’es tranquillement allongé sur la banquette du Rouge, et tu profites des 10 dernières minutes qui te restent avant que le videur ne te dégage tes sales Bensimon de là-dessus. Bah ouais, ça rigole pas chez Greg le millionnaire. T’en fais pas t’as le temps, cet article t’aura saoulé bien avant… Mais bon pendant

écrit 30 000 fois. Pour tous les « élucne » qui n’ont pas compris la blague, je ne saurais trop leur conseiller de regarder Shining, du grand maître du cinéma fantastique Fabien Onteniente, adapté du chef d’œuvre de Marc Levy. C’est à ce moment là, alors que je suis en train de penser à cette tournure pourrie un dimanche matin à la Concrete, que Christiane m’appelle.

que tu te les roules dans les boites les plus chébrans de Paris, moi je suis encore coincé en plein mois d’août. Je préfère faire la fête à la Concrete et j’ai toujours pas d’idée pour mon papier de la rentrée… Oui, celui que t’es en train de lire, ouais bah désolé y’a un décalage de ouf, faut le temps d’imprimer et tout. Mon récit vient d’un temps où Robin Williams est encore vivant.

Revenons à nos angoisses de la page blanche, j’ai beau écumer le tout Paris branchouille, le Paris boring, le Paris trendy, ringard, cliché, rien de rien, aucune idée. Parler de drogues de manière détournée pour ne pas que mon patron ne fasse sauter le papelard ? Déjà fait… Aller à une soirée pérave en banlieue pour critiquer les ploucs à dreads avec des chèches qui schlinguent ? Trop loin… Trasher le Social Club ? Trop facile… Mon rédac chef va me tuer, je prie le Seigneur pour avoir fini le machtoc avant qu’il ne s’aperçoive que le word que je lui ai envoyé ne contient que le mot « élucne » 31 —

Christiane, c’est une meuf que j’ai rencontrée à une Grrrrr Session la semaine passée. Elle est comptable dans une boite de chaussures. Elle est super rigolote, super sympa, intelligente, ses seins sont superbes ! Elle a tout de suite accroché alors je lui ai pris son numéro pour lui envoyer trois jours plus tard « Tu vi1 dormir à la maison ? G un lecteur blue raie ! » auquel elle a répondu « Je préfère kon brunch dimanche aprem LOL ». J’ai envoyé un fougueux « ok », avant de m’endormir dans la cage d’escaliers. Jamais je n’aurais pu me douter qu’elle s’en rappellerait, qu’elle me relancerait, et que je serais à ce moment précis à la Concrete, un Samedi soir à 32h de l’aprèm. Comme la solution la plus simple aurait été de reporter à un autre jamais, bien sûr je lui propose de me rejoindre pour bruncher à la Concrete ! Bah ouais, c’est super adapté à la situation ! C’est un lieu idéal pour faire connaissance tout en cassant la croûte ! Nuit


Un date à la Concrete

“Moi ça me saoule cette musique de drogués ! » dit-elle, comme pour casser une ambiance déjà bien entamée.”

Le premier hic, c’est le droit d’entrée. Bah oui c’est une boite de jour, ça coûte le même prix qu’une boite de nuit, sauf que c’est le jour. Tu te rends donc compte plus aisément que mettre 20 balles dans un ticket d’entrée, ça fait mal au fion. D’entrée, la bête fait la tronche. « Mais pourquoi tu m’emmènes là ? C’est pas très très romantique ! » « Bah je penchais que tu aimais bien cha toi les péniches… » « … » La blague tombe à l’eau. Je pensais certainement me rattraper pendant le brunch romantique. Car oui, la promesse peut être remplie, la Concrete bénéficie d’un espace déjeuner très convivial. Par espace, entendez un petit bar avec sandwichs à la saucisse et frites avec huile apparente. Ma compagne ose à peine toucher à son merguez-mayo tellement ça semble dégueulasse. Et elle a raison, à peine avait-elle pris trois bouchées que son bec faisait courant d’air avec la Seine polluée. Elle refoulait tellement du gosier qu’elle ma cassé le nez la pouffiasse ! « Moi ça me saoule cette musique de drogués ! » dit-elle, comme pour casser une ambiance déjà bien entamée. « Des drogués ?? Non mais tu plaisantes ! Ici ils contrôlent vachement… Il n’y a pas de telles personnes ici, c’est ignoble ce que tu racontes ! Ils sont vachement vigilants, ils ont des yeux partout ! Les gens viennent vraiment pour la musique. Moi j’ai mis mon réveil à 5h30 un dimanche matin pour écouter Pakool, mon Dj préféré de Berlin. » « Ouais peut-être… » dit-elle, convaincue. C’est à ce moment que je rencontre mon pote Franky ! « C’est qui celui-là ? » « C’est Franky le philatéliste ! Regarde il vient me filer un super timbre Bart Simpson super rare ! Jamais cacheté le truc. Hop j’le cale en-dessous

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Un date à la Concrete

ma langue sinon j’risque de l’perdre, allez viens on va danser ! »

plat, le père de Christiane se déplace lui aussi en chaise roulante…

Christiane, ravie de découvrir ma nouvelle passion, me regarde avec le léger strabisme de l’amour. Peu après l’ambiance se détend sur le bateau. Du moins pour moi qui danse comme un pantin désarticulé polonais, sourd aveugle et muet. Parce que elle, de l’autre côté, semble s’emmerder au plus haut point. « Ce qui est bien à la Concrete, c’est que le sol est bien mou, et que les lumières du jour sont vraiment incroyables ! Tu trouves pas ? » « Non pas trop... Ça colle, c’est chiant, tu veux pas qu’on se promène au bord de la Seine ? » « Non, trop pas ! » « TU VEUX PAS QU’ON AILLE SE PROMENER SUR LE BORD DE LA SEINE ? LE SOL Y COLLE ET TOUHAAAN » « NON, TROP PAS ! »

C’est à ce moment-là que la péniche quitte le port pour une gigantesque croisière. Dj Klaus Besteigegungen, qui mixe alors, nous fait une visite guidée du port de Southampton sonore pour rejoindre les côtes américaines. À l’étage, les gens bien fringués écoutent de la musique désuète, tout droit sortie d’un best of de Charly Oleg, en fumant des clopes et en parlant comm’ et music buisness. En bas, la classe populaire chômeuse et fêtarde danse sur de la grosse techno bien violente pour oublier qu’elle travaille demain pour gagner des clopinettes qu’elle claque en boissons pour pouvoir faire la fête encore plus longtemps. La lutte des classes, le Paris-New York en bateau, la tronche de dégoût que tire ma future femme quand j’essaie de l’embrasser, il n’y a maintenant plus aucun doute : je suis sur le Titaniquepa. J’invite ma dulcinée à monter sur le pont supérieur pour que l’on puisse parler un peu.

J’ai trouvé que c’était le bon moment pour lui présenter mes amis, les habitués de la Concrete ! C’est ainsi qu’elle fit la connaissance de Barbie, la meuf qui vient tous les dimanche matins danser comme un robot pendant 18h, d’Éric, 47 ans, fan de techno et de Zazie, il a les dents pourries mais il chope plus que Strauss Kahn, de Robin, un mec de 19 ans qui s’est mis une misère comme tu connais pas, des trois petits cochons, vos 3 amis gay qui critiquent avec vous le look des gens qui passent et de Timmy, le para qui fait chier tout le monde avec sa chaise roulante. Elle a l’air gêné du coup vous refaites une autre blague détendue, comme si c’était votre pote et que son handicap ne posait aucun problème pour vous : « Dis donc tes roues elles doivent grave puer la bière quand tu rentres chez toi ?... Non ? » « … »

C’est à ce moment que la péniche heurte un iceberg géant de Crystal. En voyant les morceaux de cristaux sur le pont, certains agités se précipitent dessus en criant « Mayday » en verlan. « Aymdaaaaay, Aymdaaayy ! » C’est à ce moment-là que Grenelle qui me donnait la main depuis 5 minutes se laisse peloter puis embrasser, ça a duré quelques secondes pendant presque 15 minutes, je saignais de la langue. Après, j’ai eu beau chercher partout, impossible de retrouver ma date à la Concrete. Encore une belle histoire d’amour… Je ferai mieux dimanche prochain !

Le mec ne rigole pas et s’en va rouler ailleurs en dansant sur place. La blague tombe à nouveau à 33 —

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instaNT arm P/ Lobbiaz — lobbiaz.com

Après avoir croisé Jules et sa copine dans mon quartier plusieurs fois j’ai décidé de leur faire part des exclamations que j’étouffais. Ils étaient « trop beaux » et j’avais envie de transformer mon appétit en images. Bonne entente, gens sympathiques, on a transformé l’essai et réalisé des polas de Jules et quelques numériques pour le book de mannequin qu’il entretenait en dilettante.

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Retrouvez l’application sur lobbiaz.findrow.com

Romy Alizée Pantelidis est actrice de théâtre et modèle photographique. On s’est mis en contact sur internet car elle avait envie de participer à ce que je fais. Ce que j’aime avec les gens comme Romy, c’est qu’on fait les choses qu’on sait être justes pour nous plutôt que de céder aux caprices séduisants des modes.

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culture & divagation T/ Docteur D P/ Hillel Schlegel

Special K. Salut Tête de nœud, c’est Docteur D qui te parle. Alors comme ça, tes potes sont remontés de festoches et ont ramené dans des bouteilles de shampoing un peu de kéta liquide ? Ok, ok, là tu flambes, mais sais-tu au moins ce que tu vas te mettre dans le zen, hein ?

Tu sais Tête de nœud, la kétamine, c’est du sérieux. C’est une substance qui se respecte, rien à voir avec l’aspirine écrasée que Jean-Charles te vend pour 70 boules dans des bouts de sac plastique ED. Avant tout, il faut que tu remercies un mec qui s’appelle Calvin Stevens, car c’est lui qui a synthétisé cette molécule en 1962. Comme la plupart des prod’, son usage a d’abord été médical. On s’en est servi pour anesthésier les animaux, et puis on s’est dit que ce serait bien de tester ça sur l’humanité. Les premiers à s’en être mis plein la poire, ce sont les GI’s au Viet Nam : quand un type se faisait péter sur une mine, on lui filait un peu de kéta histoire qu’il arrête de brailler. Paraît que les GI’s aimaient bien la kéta, ils arrêtaient pas d’en prendre parce qu’ils avaient découvert que ça mettait des bonnes perches. On en vient donc à son aspect récréatif. La kétamine est une drogue dissociative, c’est à dire que ça va foutre un beau bordel dans ta tête. À dose raisonnable, tu te prendras une bonne mon36 —

tée : impression de flotter, perte d’équilibre, de sensibilité, de notion du temps, difficulté à sortir une phrase correcte, sensations non raccordées au moi… À dose plus sérieuse, bonjour les hallus, bonjour la possibilité de voir son corps en mode voyage astral, et si t’abuses trop, bonjour le fameux K-hole, un trip bien massif qui peut s’apparenter à une Near Death Experience. Du sérieux que j’te disais. Bon, la kéta, ça se trouve le plus souvent sous forme de poudre ou sous forme liquide. Dans ton cas, Tête de nœud, c’est de la liquide, il va donc falloir que tu t’amuses à la cuisiner. Ouais, ouais, la cuisiner. Au bain-marie ou dans une poêle Tête de nœud, le but étant de faire évaporer la flotte et de la cristalliser, comme ça tu pourras te faire des poutres (et tu comprendras mieux pourquoi, sur certaines photos de vieilles free parties, tu vois des chépers avec des poêles accrochées à leurs sacs à dos). Je vais rien t’apprendre, mais trop de K, c’est pas bon pour la santé, du genre à te niquer la mémoire, les reins et la vessie, alors fais pas trop le cowboy avec tes potes. Allez, j’te laisse tranquille te faire ta cuisine, et n’oublie pas que « kéta-mine, kéta-mine, bonne mi-ne, bonne mi-ne… »

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érotisme T/ Manon Troppo

sex in the lift L’été pourri monte à la tête. Et garder les habitudes d’octobre en plein mois d’août, éthyliquement parlant, c’est gage d’insolence et d’isolement. Voire d’ésotérie. Et c’est pas juste pour l’allitération approximative.

Après un calva à 15h,03 un pastis à 19h et ô combien de vodka passé minuit, le sang est trop chaud et l’humour peut se faire glacial. Avec ce garçonlà, ça n’était pas fait pour durer, ni même exister ne serait-ce que 48 heures. Mais, va savoir, Einstein ; les corps, parfois, décident d’eux-mêmes contre la volonté de fer du cerveau, qui, comme j’ai dit, se retrouve bien ramolli après 30° à l’ombre des jeunes filles que vous savez et que vous avez p’t’être même déflorées. Malgré nos prises de bec régulières, on trouvait toujours moyen de se réconcilier. Peut-être le faisions nous exprès. Ce qui est bien, quand on s’engueule, c’est qu’après, on sexeplique. C’était, faut-il en convenir, notre terrain d’entente. Comme dit l’ot’ « sur l’oreiller, on se comprend ». Aussi avait-on convenu de se voir pour une dernière-ultime-fois-plus-jamaiset- après-ça-suffit, le 14 août, à une petite nouba qu’organisait une amie trop commune, dans sa tour à 25 étages de la place d’Italie. On suait comme tout, je parlais à tout ce qui bougeait et lui, il surveillait tout ce qui bougeait à qui je parlais. Et aussi à tout ce qui me parlait juste parce que je bougeais. Je le voyais faire et il regardait que je le voyais faire. ça nous faisait beaucoup 38 —

d’activités, à l’un comme à l’autre. Tant et si bien que ça a fini par mon bras agrippé et un aboiement d’insultes dont on n’aurait pu déterminer la langue à moins d’être dans son état. - Oh, ça va, détends-toi. - Toi, détends-moi, qu’il a répondu. Gentille comme une idiote, je lui proposais qu’on finisse la bouteille de vodka que je gardais farouchement sous le bras, dans ces jardins que ces tours infectes proposent. Par ironie ? C’est ce que je lui disais quand il me suivait dans l’ascenseur. - Mais ouais t’habites dans une tour de merde, ton ascenseur a tellement de niveaux, ton appart’ si peu de confort, mais hey, tu vas pas te plaindre, t’as un super jardin au rez-de-chaussée que tu vois même pas de ta fenêtre et dont tu profites jamais sauf quand tu fais une teuf et que tes potes y vont et que tu te retrouves avec une amende de 300 balles le lendemain matin et tes charges c’est 150 balles pour qu’un jardinier fasse genre alors que t’as des mauvaises herbes et des plantes de cimetière. Comme tes voisins, quoi.  - C’est pour ça que je te kiffe. Ton cerveau me fait bander. Et ton boule aussi.Tais-toi. Quand j’allais relever la contradiction du propos, l’ascenseur rebondit, comme une sorte de bébé qui hoquette puis s’arrête. Il ne reste plus, tout à coup, , le mec et moi. que la petite lumière - Appuie dessus ! Après 5 mn de mains lancées dans le noir pour savoir où est quoi et toi t’es où et moi où suis-je, le Nuit


Coincée dans l’ascenseur

jeune homme trouve ses marques et glisse sa main depuis mon genou jusqu’à ma hanche et m’attire vers lui en m’attrapant les fesses, et ça va mieux. Les plus belles robes sont celles qu’on t’enlève dans l’ascenseur… Quand, ô Jésus Marie Patrick, une voix sort de l’interphone. - Je suis le concierge de nuit. Vous inquiétez pas. Je vous vois, je vous entends, ça va, je vais appeler le dépanneur. Le jeune homme un peu déçu dégage sa main, mais pas non plus complètement. Et il joue le jeu: - ça prend combien de temps ? (avec la voix de celui qui voudrait que le temps, précisément, s’arrête) - Ah, ça dépendra de vous ! Souffle inquiétant qui s’échappe de la grille, le même que quand, ado, je recevais chez moi des coups de fil anonymes, et que je restais innocemment à répéter « allô » avant d’être assez mûre pour comprendre ce qu’il se tramait à l’autre bout du fil. - Vous avez envie de sortir vite ? Alors vous allez faire ce que je vous dis. On se regarde avec la sensation d’être dans le film d’horreur du mois d’août, à la merci d’un psychopathe manipulateur comme il en pullule dans les mauvais scénar. Et, oui, je me souviens de ce que j’ai fait l’été dernier, j’ai zeubi dans un escalier. Ça résonnait mieux et y’avait pas un gros dégueulasse pour me dire comment le faire. - Vous avez chaud. Jeune homme, pourquoi vous ne déshabillez pas mademoiselle ? 39 —

Je n’en crois ni mes mirettes ni mes esgourdes. Ce n’est pas que je n’aime pas jouer, mais j’aime savoir avec qui. Et là, c’était juste creepy. Mon Roméo semblait perdre tous ses moyens, muet comme une carpe et mou comme un flan, tandis que mon Francis Heaulme avait le souffle de plus en plus rapide dans l’interphone, qui était au niveau de mon cou tant qu’à faire ; ça devenait étouffant. - Alors écoute, mon vieux perv’, c’est simple ; t’aimes jouer  ? Réponse A : j’appelle 15 potes en haut de la tour, ils descendent par l’escalier et te refont le portrait. Ce qui te laisse environ 5 mn pour finir de t’astiquer la nouille. Réponse B : j’appelle la police pour que tu voies avec eux ce qu’il t’en coûte d’abuser de ton pouvoir pour faire le mariole. évidemment, il choisit la réponse C, fit son boulot et 30 mn après nous étions tirés d’affaire. Lovés dans les buissons, nichés dans la pénombre à quelques mètres de sa loge, on tirait à la cacatapulte toutes les crottes de chien dont le jardinet était truffé. Les unes après les autres, elles venaient s’écraser dans son salon, derrière son canapé, pendant qu’il regardait du cul au casque sur son écran plasma. On s’est donc quittés avec le sourire, mon Roméo et moi. Le sourire complice de ceux qui ont un souvenir pour toujours, un qui s’efface pas. Bon, il a gardé ma petite culotte préf, mais quand même, meilleure rupture de l’histoire.

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les nuits de jacob © Jacob Khrist /www.jacobkhrist.com

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75021 fb.com/75021Paris

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Cocktail T/ Vincent Kreyder P/ Hillel Schlegel

Le Mojito Aujourd’hui, cher lecteur, j’ai envie de te parler de ta meuf. De ce qu’elle boit en soirée, plus précisément. Aujourd’hui, chère lectrice, j’ai envie de parler de ce cocktail que tu sirotes souvent un peu par dépit de ne rien trouver d’encore plus sucré.

En réalité, non, je n’ai pas réellement envie de vous parler du Mojito mais ça va faire un an que je dissèque pour vous, empli d’une intégrité journalistique sans faille, différents breuvages que vous retrouvez communément dans nos rades miteux. Il m’était dès lors difficile de continuer à faire semblant d’ignorer ce soda alcoolisé plus répandu en soirée que des pochons sur le sol de la Concrete. Le Mojito se prépare en pilant de la menthe fraîche au fond d’un verre après y avoir placé du sucre de canne et du jus de citron vert. Ajoutez le rhum, des glaçons, de l’eau gazeuse (pas d’Angostura pour sa version canonique). Vous pouvez décorer avec des feuilles de menthe et du citron pour rompre la monotonie gustative et tenter, avant de succomber à un coma diabétique, d’au moins regarder quelque chose de plaisant avant de passer l’arme à gauche. Enfantin à préparer, c’est très pratique pour les fins de soirées un peu trop techniques où l’on doit encore et toujours tout faire soi-même. Cette recette ne vous rappelle rien ? Mais si, bande de buveurs de 42 —

8,6 tièdes, le Mojito est bel et bien l’enfant illégitime que le Mint Julep, trop honteux pour en assumer la paternité, aurait abandonné à Cuba au crépuscule du dernier jour amer de vacances trop moites. Malgré ce torrent logorrhéique que je déverse sur le pauvre orphelin de la gnôle, je me dois bien d’admettre que le petit fut jadis prisé par le grand Hemingway, reconnaissons là un soubresaut inattendu dans la streetcred du môme. « Pourquoi s’évertue-t-il à filer la métaphore infantile tel un bas de soie centenaire pour nous parler d’une tisane qu’il méprise autant que les œuvres de Pancol et Musso ? » me demanderez-vous, confits dans une arrogance qu’on ne retrouve presque que chez les branchés de base. Eh bien, bande de cons, c’est tout simplement parce que ce cocktail est fraîchement centenaire et que c’est très jeune pour un mélange comme celui-là. Na. Et c’est d’ailleurs à l’âge précoce de dix ans que le petit Mijoto sera nommé boisson nationale à Cuba, c’est-à-dire aux alentours des années 20. Joli palmarès, non ? Si vous vous sentez d’humeur intrépide, n’hésitez pas à le préparer avec de la mandarine, comme ils le font très bien au Circus, ou à la fraise. Chers amateurs (trices) de Mojito, et je sais que vous êtes nombreux (ses), j’attends vos mails d’insultes avec impatience.

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trousse de secours Ouvert toute la nuit !

Pharmacies de garde

Épicerie Shell

Chez Tina

84, av. des Champs-Élysées - 8e

6, boulevard Raspail - 7e

1, rue Lepic - 18e

≥ 01 45 62 02 41

≥ 7/7 — 24/24

≥j jusqu'à 4h30 / v≥s jusqu'à 7h

6, place de Clichy - 9e

Minimarket fruits et légumes

Boulangerie Salem

≥ 01 48 74 65 18

11, boulevard de Clichy - 9e

20, boulevard de Clichy - 18e ≥ 7/7 — 24/24

6, place Félix-Éboué - 12

≥ 7/7 — jusqu'à 7h

≥ 01 43 43 19 03

Alimentation 8 à Huit

Livraison médicaments 24/24

151, rue de la Convention - 15e

Fleuristes

≥ 01 42 42 42 50

≥ 7/7 — 24/24

Chez Violette, au Pot de fer fleuri

Supérette 77

78, rue Monge - 5e

Urgences

77, boulevard Barbès - 18e

≥ 01 45 35 17 42

SOS dépression

≥ mardi au dimanche jusqu'à 5h

Relais Fleury

e

≥ 08 92 70 12 38

114, rue Caulaincourt - 18e

Urgences psychiatrie

Resto

Se déplace sur région parisienne

L’Endroit, 67, place du Docteur-

≥ 01 46 06 63 97

≥ 01 40 47 04 47

Félix-Lobligeois 17e 01 42 29 50 00

Carwash

Drogue, alcool, tabac info service

≥ tlj de 11h à 1h, jeudi, vendredi,

Paris Autolavage 7/7 — 24/24

≥ 08 00 23 13 13 / 01 70 23 13 13

samedi de 10h à 5h

Porte de Clichy - 17e

Livraison sextoys

Tabac

Shopping

Commande en ligne

Tabac du Châtelet

Librairie Boulinier

www.sweet-delivery.fr

4, rue Saint-Denis - 1er

20, boulevard Saint-Michel - 6e

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

≥ 7/7 — jusqu'à 3h

≥ jusqu'à 00h, m≥j jusqu'à 23h

Tabac Saint-Paul

Monoprix (Champs-Élysées)

Livraison alcool + food

127, rue Saint-Antoine - 4e

52 av. des Champs-Élysées - 8e

Nemo 01 47 03 33 84

≥ 7/7 — jusqu'à minuit

≥ du l. au s. jusqu’à 00h

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

Le Pigalle

Faim de Nuit 01 43 44 04 88

22, boulevard de Clichy - 18e

Kiosques à journaux 24/24

≥ 7/7 — jusqu'à 7h

≥ vendredi et samedi jusqu'à 5h

38, av. des Champs-Élysées - 8e

Allô Hector 01 43 07 70 70

16, boulevard de la Madeleine - 8e

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

Poste de nuit

2, boulevard Montmartre - 9e

Apéritissimo 01 48 74 34 66

52, rue du Louvre - 1er M° Louvre-

Place de Clichy - 18e

≥ 7/7 — jusqu'à 4h

Rivoli / Étienne-Marcel

Allô Glaçons

Boulangeries

53, rue de la Harpe - 5e

01 46 75 05 05 ≥ 7/7 — 24/24

Snac Time

≥ 01 44 07 38 89

97, boulevard Saint-Germain - 6e

20, rue du Fb Saint-Antoine - 12e

Épiceries

≥ 7/7 — 24/24

≥ 01 43 40 03 00

L'Épicerie de nuit

Boulangerie-pâtisserie

35, rue Claude-Bernard - 5e

99, avenue de Clichy - 17e

Envoyez-nous vos bons plans

≥ vendredi et samedi jusqu'à 3h30

≥ 7/7 — 24/24

ouverts la nuit  : nuit@lebonbon.fr

Internet 24/24

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la playlist du mois P/ Didier Roger

Camille Vouvray

Television - Marquee Moon

Groupe post punk/punk rock mythique des 70’s, Television et son titre Marquee Moon nous embarquent immédiatement dans le downtown new-yorkais des 70’s, et on y reste ! Jungle - Platoon

Sans transition, on revient en 2014 avec Jungle et sa dernière release. Danse hypnotique et nonchalante de ce nouveau groupe plus que prometteur. Une bière, un shot, un spliff ? Movement Movement - Ivory

C’est notre coup de cœur chez Beef, en live ils sont déments. Si on était sérieux, on les qualifierait d’une formation minimaliste de qualité qui vous fait planer. Pour cette rentrée, c’est la très sexy Camille Vouvray qui s’y colle.

Albert Hammond Jr - Hard To Live In The City

Co-fondatrice du prometteur

Back to the basics avec HTLC issu du premier album de notre cher Albert. Les guitares sont folles. C’est pour nous, le meilleur son du célèbre guitariste des Strokes.

label Beef Wellington, on lui a laissé un peu de place pour nous parler de son bébé : « Chez Beef, on passe du rock psychédélique,

Hubbahubbaklubb - Mopedbart

au blues, à la pop et à l’électro,

Hymne officiel de Beef à partir de 00h. Ovni norvégien. Entre l’électro, la pop et le disco. On en redemande. « la la la la la la la »

on ratisse large. En début d’année on a sorti une première compilation regroupant plusieurs

Fat White Family - Is It Raining In Your Mouth

groupes de la scène indé

Ze groupe de rock qu’on adore, après leur excellent Touch The Leather, la Fat White envoie du lourd avec leur album Champagne Holocaust. Ils sont dingues, sales et particulièrement cool.

française et anglaise : Mustang, DeadSea, Electric Discharge Machine, Paul Hazan, Yan V, Jarco Weiss et le Miracle, Marie

Tina Britt - When We Get On Cloud 9

Madeleine, Totem et Le Mépris -

Soul Sister des 60’s, son album Blue All The Way sorti en 69 n’a pas rencontré le succès escompté car à priori il mélangeait trop de styles différents. Oui, les gens sont cons parfois. Vive la soul !

qui ont repris avec talent Etienne Daho, Polnareff ou encore Nina Simone. Notre actu proche : le nouvel EP de Marie Madeleine

Marie Madeleine - Useless

sortira le 22 septembre » (release

Titre exclu qui sortira mi-septembre chez Beef. Marie Madeleine revient en force. Après la sortie du titre Highway, découvrez Useless avec les voix suaves de Jarco Weiss et d’Anna Buy.

party au Point FMR le 23).

Isley Brothers - I Turn You On

Parce que c’est juste le meilleur son du monde pour faire l’amour, et que faire l’amour c’est bien. 45 —

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© pornesie.tumblr.com 47 —

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agenda La sélection du Bonbon Nuit

Vendredi 5 septembre 16h Le Petit Bain 13€

Vendredi 19 septembre 23h La Machine 28€

Avatism (live) + Guillaume and The Coutu Dumonts

Jeff Mills - Time Tunnel 4/4

(live) Vendredi 19 septembre 00h Zig Zag 20€ Vendredi 5 septembre

00h

Social Club 15€

Art Department + Eric Volta + Maher Daniel + Brohn

Session Victim Vendredi 19 septembre 23h Cabaret Sauvage 28€ Samedi 6 septembre 23h La Machine 22€

Ricardo Villalobos + Alex + Laetitia

Panta du Prince (live) + Christian Löffler (live) + Samedi 20 septembre 23h Cabaret Sauvage 28€

Moomin

Ben Klock + Marcel Fengler + Steffi Samedi 6 septembre 00h Rex 15€ Vendredi 19 septembre 23h Cabaret Sauvage 28€

Clement Meyer + Cristian Vogel

Ricardo Villalobos + Alex + Laetitia Samedi 6 septembre 00h Badaboum 15€ Samedi 20 septembre 23h Cabaret Sauvage 28€

Andrés + Sidney & Suleiman

Ben Klock + Marcel Fengler + Steffi Samedi 6 septembre 23h La Java 10€ Dimanche 21 septembre 07h Concrete 20€

Chloé + Dactylo

Rhadoo + Moritz von Oswald Dimanche 7 septembre 00h Rex 15€

+ Cabanne + Ben Vedren

Moodymann + Nina Kraviz + Na’sayah Dimanche 21 septembre 07h Concrete 20€ Mercredi 10 septembre 23h Social Club Entrée libre

Rhadoo + Moritz von Oswald + Cabanne + Ben

Wagner x Enlace

Vedren

Vendredi 12 septembre 00h Showcase 20€

Vendredi 26 septembre 23h La Machine 20€

Matias Aguayo + Cracki Dj’s

John Talabot + Roman Flügel + Dani R. Baughman

Vendredi 12 septembre 18h Concrete 15€

Vendredi 26 septembre 23h YoYo 20€

Floating Points + Dego + Pablo Valentino

Henrik Schwarz (live) + Prins Thomas + Toshiya Kawasaki

Samedi 13 septembre 23h La Machine 20€ Samedi 27 septembre 18h Concrete 15€

Robert Hood + Psyk + Henning Baer

Magda + Grego G Samedi 13 septembre 00h La Java 10€ Keumel b2b Eugenio + Francis Inferno Orchestra +

Dimanche 28 septembre 13h Ground Control Gratuit

Nick V

Refound + Jerst & Vanderstar + Leo Man

Samedi 13 septembre 00h Rex 15€

Envoyez vos bons plans soirées à :

Tobi Neumann + Dewalta + Molly

louison@lebonbon.fr

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