Le Bonbon Nuit 50

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FÊvrier 2015 - n° 50 - lebonbon.fr



edito Hey Dieu, t’avais l’air d’un mec plutôt cool au début. Ouais, t’avais l’air d’un mec qui en voulait, avec un tas de bonnes idées, un mec du genre créatif qui s’était même mis à faire un stage poterie pour nous fabriquer avec de l’argile. Tout roulait pour toi, la moindre de tes interviews ou le moindre de tes bouquins étaient des succès d’édition, bref, tu marchais sur l’eau. Mais on va être francs : ton état de grâce n’a pas duré longtemps. Je ne sais pas si ta parole a été trahie par ton fan club le plus hardcore, en fait j’en ai rien à foutre, mais tu as rapidement commencé à nous casser les couilles avec tes histoires de péché originel, de rédemption, de culpabilité ou de guerres saintes. Du coup, avec tous tes dogmes, ça doit vraiment pas être fendard de sortir avec toi et tes potes. Pas d’alcool, pas de musique, pas de rires, pas de nanas, pas de pédés, pas de capotes… Juste des mecs qui se cognent la tête contre les murs en se lamentant, des chelous psychotiques qui crient ton nom et des hystéros un peu pédo qui cherchent à confesser nos âmes. Bref, tout ça pour te dire qu’on pensait s’être débarrassés de toi. Bah non, tu reviens en force et un peu partout on tue, on mutile, on excise au nom de ton amour et de ta sagesse universelle. Récemment à Paris, y’a même 3 de tes groupies qui ont fait un petit récital. Franchement Dieu, tu vois bien que t’assures pas un clou sur la gestion de ta fan base, ils font tous n’importe quoi. Ne penses-tu pas, s’il te reste encore un peu d’humanité et d’argile sur les doigts, qu’il serait mieux que tu leur dises enfin la vérité ? Ouais. Que tu leur dises que tu es simplement une fiction qui a mal tourné. MPK

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ours

Rédacteur en chef Michaël Pécot-Kleiner Directeur artistique Tom Gordonovitch Directeur de la publication Jacques de la Chaise Photo couverture Baxter Dury par Constantin Mashinskiy Secrétaire de rédaction Louis Haeffner Régie publicitaire regiepub@lebonbon.fr 06 33 54 65 95 Contactez-nous nuit@lebonbon.fr Siret 510 580 301 00032 Siège social 12, rue Lamartine Paris 9


sommaire

p. 7 À La Une Baxter Dury p. 15 littérature Lectures insomniaques p. 19 nuit & Cinéma La Maman et la Putain p. 21 musique Ghost Culture p. 29 ART Alex Gross p. 37 ÉROTISME Scarlett Diamond p. 46 Graphisme David Rudnick



hotspots

— La nuit carnaval électro #2 — Ça risque d’être plutôt sympathique cette petite sauterie au 104. Au programme : des Dj’s, Vj’s, performances… On notera la présence d’Apollonia (Dyed Soundorom, Dan Ghenacia, Shonky), de Clockwork & Avatism et Toilet Disco, une paire de Dj’s qui joue dans les water-closets. Samedi 14 février au 104. 5, rue Curial 75019 — écouter Carpenter — John Carpenter s’est fait plaisir en sortant son premier album sur le label Sacred Bones. Lost Themes fera mouiller la culotte à tous les fans de la première heure puisque l’ambiance creepy de sa filmographie résonne tout le long des 9 titres. Presque déjà collector. Lost Themes (Sacred Bones/Differ-Ant) — Méditer avec Witkin et Gioli — Entre 2 afters, va donc faire un tour à la très belle expo juxtaposant les œuvres photographiques de Joel-Peter Witkin et Paolo Gioli. Une occasion en béton armé pour se plonger dans des univers beaux-bizarres tendance gothicoromantique, ça te changera du « pop coloré ». Tout le mois de février à la Galerie Lebon 8, rue Charles-François Lebon 75003 — On ira clubber ici — Dans le cadre de sa résidence Lumière Noire, la toujours très classe Chloé invite pour un B2B Miss Kitin. Deux pointures derrière les platines, on pronostique une belle volée de bois vert. On en reparle juste après, vers 6h du mat’, à la crêperie ? Samedi 28 février jusqu’à l’aube Le Rex. 5, bd Poisonnière 75002

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à la une T

arnaud rollet P Margaux Ract

Baxter Dury — dandy cool Je me souviens bien de ma première rencontre musicale avec l’univers de Baxter Dury. C’était en 2011, à l’occasion de la sortie de son album Happy Soup. Au départ, j’étais circonspect : « encore un “fils de” arrivé là par copinage ou complaisance mais pas par talent » grommelais-je, forcément irrité par tout ce que la France a réussi à pondre comme rejetons insipides et bancals depuis près de 30 ans (coucou HollySiz et Izia Higelin). En effet, pour les cancres du dernier rang qui n’auraient pas fait le rapprochement, Bax-

ter est le chiard de feu Ian Dury, leader de la formation Ian Dury and the Blockheads à qui la légende (et Wikipédia) attribue l’invention de la célèbre maxime « Sex, drugs and rock’n’roll ». Heureusement, après une première écoute, puis deux, puis trois, de ce skeud (le troisième qu’il sortait, dis donc), j’ai vite compris que je devais mettre de côté ma médisance : Baxter semblait doté d’un certain talent pour accoucher d’une pop parfaitement calibrée pour se dorer la pilule sur une plage de sable fin.

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je crois qu’il y a parfois une certaine « glamourisation » de personnes complètement fracassées et ce n’est pas une bonne chose.

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Bis repetita en 2014 avec It’s a pleasure, un opus tout aussi maîtrisé qui ne se prend pas la tête et fleure bon les vacances au Lavandou ou à la Baule, un peu comme ce qu’était capable de faire le regretté Robert Palmer en son temps. D’ailleurs, sur la pochette, l’Anglais pose torse nu façon Palmer sur son dernier album, voire façon Delon dans Plein Soleil, suant et à côté d’une mouette (bon, ok, c’est un cygne). Un très bon prétexte pour alpaguer ce fan de Gainsbourg lors d’une interview à la fraîche, un dimanche en fin de journée à Paris, avant sa date à l’Olympia le 25 février prochain. C’est quoi ce cygne sur la pochette de l’album ? Pourquoi n’as-tu pas choisi une mouette ? C’est un « faux symbolisme », un fake, une photo d’un cygne que j’ai mise à côté de moi sur la photo pour attirer l’attention. Je ne voulais pas d’une foutue mouette : je trouve qu’un cygne est autrement plus awesome qu’une mouette. Le fait que la pochette fasse penser au film Plein Soleil, c’est voulu ? Pas vraiment : je n’ai même jamais vu ce film. Par contre, tu n’es pas le premier à le mentionner. Il doit y avoir quelque chose. Dans ce film, Alain Delon joue Tom Ripley, un mec charmant qui s’avère être un vrai psychopathe. Cela te ressemble-til ? Oui, sauf que mon côté psychopathe est largement plus prononcé que mon côté charmant ! Tes chansons sont souvent inspirées par ta vie ou celle de tes proches. Qu’en estil du cinéma ?

Cela arrive, bien entendu. J’adore le cinéma même si je trouve que les grands films sont de plus en plus rares. À mon avis, on gagne plus à regarder ce qui se faisait avant. Par exemple, je suis un grand fan des films de Humphrey Bogart. Le Trésor de la Sierra Madre, c’est un bijou. Les bouquins, c’est aussi une source d’inspiration ? Je ne lis pas assez, sans doute parce que je voyage beaucoup et que je suis trop paresseux pour m’y mettre. Mais oui, les livres peuvent aussi m’inspirer. Pour autant, je n’ai pas de genre favori : j’essaye de tester un peu tout. En ce moment, par exemple, je lis un livre de Graham Greene, un truc très anglais. Ta façon de chanter est plutôt proche de ta façon de parler. As-tu déjà pensé faire du rap à la Mike Skinner de The Streets ? Je ne pense pas vraiment à ça : je fais simplement ce que je suis capable de faire. Je ne suis pas du genre à bosser selon telle ou telle formule car je crois vraiment que, bien souvent, nos restrictions sont nos meilleurs atouts. Après, c’est vrai que j’aimerais « mieux chanter » mais, en général, le fait de ne pas y arriver m’oblige justement à être plus inventif. Est-ce que, de par ton style atypique, tu te verrais bien faire des collaborations avec d’autres artistes ? Même si j’en ai fait une récemment avec Étienne de Crécy (sur le Family de Super Discount 3, ndlr), ça ne me branche pas trop. Ce featuring, en plus de la présence de l’excellente Fabienne de We Were Evergreen sur le dernier album, rajoute un chapitre au grand livre consacré à ta relation particulière avec la France.

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C’est vrai. Je commence à avoir une belle collection de Français !

qui ne savent pas ce qu’ils font. C’est une histoire d’innocence.

Toujours concernant la France, tu concèdes facilement ton attrait pour l’œuvre de Serge Gainsbourg. Quelle a été ta première rencontre musicale avec son univers ?

Et comme Gainsbourg, ça t’arrive de chanter complètement bourré ?

Je suis un grand fan et, vu que j’ai toujours baigné dans la musique, j’ai découvert Gainsbourg assez tôt. Pour autant, c’est Geoff Barrow de Porthishead (un pote de longue date de Baxter, ndlr) qui est celui qui m’a particulièrement introduit à sa musique. Pour moi, le plus grand disque de Gainsbourg reste Melody Nelson. C’est même l’un des disques les plus complets qui puisse exister : il est unique en son genre et, qui plus est, a une sorte de « connexion anglaise », ce qui fait que je l’apprécie encore plus. Ce disque, c’est comme un seul et même morceau… Il est inspirant, inventif et je pense vraiment qu’il s’agit d’un pionnier dans le genre. Même dans 100 ans, il pourra toujours être considéré comme l’un des meilleurs albums jamais conçus. Pour moi, c’est en tout cas le meilleur album français. Réaliser un jour ton propre Melody Nelson, c’est l’un de tes objectifs ? Non car tenter de réaliser un disque pareil, c’est le meilleur moyen de se planter. Il faut que ça vienne naturellement. On doit se contenter de vouloir faire de la musique sans trop y penser, sinon ça devient vite une malédiction. Au fond, le meilleur moyen de ne pas arriver à faire un chef-d’œuvre, c’est de vouloir en faire un. Exactement. C’est se mettre trop de pression et ce n’est bon qu’à accumuler des énergies négatives. Il faut se libérer de ça. La plupart des meilleurs disques sont faits par des gamins

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Non, je ne suis pas un alcoolique comme lui. En plus, je ne pense pas qu’il appréciait le fait de chanter bourré : il chantait bourré parce qu’il était alcoolique, c’est tout. Je ne veux pas me la jouer trop sérieux mais je crois qu’il y a parfois une certaine « glamourisation » de personnes complètement fracassées et ce n’est pas une bonne chose. Gainsbourg se détruisait. Le truc, c’est qu’il y a aujourd’hui « une légende » autour de lui, avec la Seconde Guerre mondiale, l’Holocauste… tout ce qu’il a dû porter sur ses épaules. Compte tenu des circonstances, avec tout ce qu’il a vécu, ça ne m’étonne pas qu’il ait pu virer comme il l’a fait. Et même si Gainsbourg arrivait à tourner en dérision son alcoolisme, c’était malgré tout très triste. Tout comme lui, tu « utilises » des voix féminines pour contrebalancer la tienne sur bien des chansons. Pour autant, les femmes dans la vie de Gainsbourg différaient peu de celles qui apparaissaient à ses côtés sur microsillon. C’est la même chose pour toi ? Non, pas du tout. Je trouve même que c’est une façon cynique de voir les choses. Encore une fois, tout est une question de circonstances. Comme je suis né dans une famille rock’n’roll, j’ai toujours naturellement séparé ces deux aspects. D’ailleurs, j’aime les trucs normaux dans la vie. Je ne veux pas que tout ce que je fais s’inscrive dans une sorte de continuité d’une forme d’expression poétique : une fois que la fête est finie, je rentre chez moi. J’aime que les choses soient distinctes : je ne veux pas que ma scène soit mon salon. Je veux une tasse de thé, dormir… je ne veux pas de verre cassé, de chaos.


Baxter Dury En concert le 25 février à l’Olympia

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sondage

sondage Chaque mois, retrouvez les résultats du sondage de la nuit effectué par Radiomarais. Établissements Machine Social Rex Zig Zag Pigallion Duplex Back Up VIP Room Ballagio Alizé Mix Club Cap Rouge Memphis Red Light

Votants 73 71 64 56 26 13 2 2 1 2 1 1 1 1

Le pire fumoir Sans grande surprise, c’est le fumoir de la Machine du Moulin Rouge qui a remporté la palme de la plus belle machine à faire tousser des trucs verts. On vous aura prévenus : chaque minute passée là-bas équivaut à 3 minutes d’espérance de vie en moins.

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Établissements Rex Showcase Zig Zag Wanderlust Concrete Social Duplex Titty Twister Badaboum Mix Club Globo VIP Room Flash cocotte Moune

Votants 69 55 49 39 35 27 18 7 7 5 3 3 2 1

Le meilleur physio Le physio peut être ta plus belle histoire d’amour comme ton pire cauchemar. Oui, oui, fais pas le malin toi au fond de la salle, car comme nous tu as déjà sucké pour rentrer. À ce petit jeu-là, le physio le plus cool est selon vous Thierry du Rex.


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radiomarais

de la nuit Ils sont commentés en direct tous les 3e vendredis du mois à 18h dans l’émission Le Bureau. Établissements Zig Zag Concrete Rex Showcase Flash Cocotte Badaboum VIP Room La rue Duplex St Ouen Back Up Planches 79 Dépot

Votants 59 58 53 50 25 17 15 9 8 4 3 3 3 1

Meilleur spot pour pécho Grosse grosse compétition entre le Rex, Concrete et le Zig-Zag. C’est finalement ce dernier qui remporte le trophée du meilleur spot pour ne-pas-rentrer seul-et-se-lever-lematin-chez-un(e)-inconnu(e)-qui-sent-mauvais-de-la-bouche.

Établissements Rex Zig Zag Machine Concrete Badaboum Showcase Wanderlust Social VIP Room Mix Club Duplex Red Light Titty Twister Batofar

Votants 92 54 47 44 39 28 18 5 5 5 4 4 4 1

meilleur soudsystem Le célèbre Fonction One du Rex continue à vous procurer du plaisir auditif. C’est vrai que le bordel est réglé comme un horloge… Ce n’est pas dans le sondage, mais on a aussi un petit coup de cœur maso pour l’installation sonore bien crade et ghetto de la Java.

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littérature T

Tara Lennart

lectures insomniaques

Blanche comme une page, la nuit s’inscrit aux abonnés absents. Pas de marchand de sable à l’horizon ni de pilules magiques pour baver dans les bras de Morphée. Ne cherchez plus,

lisez. Et dans votre lit, c’est encore mieux ! Vous aurez une bonne raison de ne pas dormir…

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Vernon Subutex 1 Virginie Despentes éditions Grasset Moins de coups de poings dans la plume de Despentes, plus de lyrisme et de brutalité contenue dans une écriture implacable. Style, intrigue, déroulement, narration, tout est parfait dans ce roman qui nous parle d’un ancien disquaire qui bascule dans la lose et les plans débrouille chez ses anciens copains de jeunesse. Quand le passé refait surface, il a pris des rides, des ressentiments, et perdu de son aura rock’n’roll, Vernon l’apprendra sous nos yeux… dont les poches d’insomnie n’ont pas fini de grandir… écarlate Christine Pawlowska L’éditeur Singulier Nostalgie immédiate à la lecture de ce court roman écrit dans les années 1970 par une jeune fille de 18 ans. On retrouve la fièvre exaltée de nos 15 ans et tout le romantisme déglingue qui pouvait aller avec. Quand on voit les kids collés au porno sur leurs smartphones, on pense décidément que ça manque de Lorca, de poésie, d’absolu et d’intransigeance, choses qui caractérisaient ces années il y a encore peu de temps. L’adolescence, c’était mieux avant ! F 84.5 Camille Cornu éditions Jacques Flament Une jeune fille est diagnostiquée autiste asperger, F84.5 est sa référence. Comment se situer, après, dans le monde qui entoure et pense comprendre sans mesurer ? Comment trouver sa place avec les autres, ses amis, ses amours, les médecins, trouver sa place en soi ? Pas de clichés psy ni de blabla comportementaliste au programme de ce court roman maîtrisé. Une écriture urgente, ondulatoire et fluide pour dire, exprimer, nommer. Une baffe poétique, pourrait-on dire, même.

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Glory Owl Mandrill Johnson, Gad & Bathroom Question éditions Même Pas Mal Mauvais esprit et trash attitude en quelques strips, bonjour. Les incontrôlables graphistes de Glory Owl ne respectent rien (mais alors vraiment rien) et se moquent de tout crûment et avec un sadisme jubilatoire. Religion, inceste, pédophilie, relations humaines ou juste… rien, tout y passe, surtout une dose d’absurdité et de loufoquerie telle que notre cerveau aurait tendance à se demander s’il a bien vu avant d’exploser en petits morceaux. Saisis ta chance, Bartholomew Neil Matthew Quick éditions Préludes Ceci un best-seller qui compte tous les éléments indispensables : bien ficelé, positif, avec une touche d’humour et prochainement adapté au cinéma par Dreamworks. à la mort de sa mère, Bartholomew (38 ans) va devoir apprendre à se débrouiller seul et se construire sa propre famille, incluant Richard Gere et une brochette de gens improbables. C’est léger, fin et positif. Par les temps qui courent, c’est plutôt bienvenu ! Usage communal du corps féminin Julie Douard éditions P.O.L. Une écriture rythmée qui nous plonge dans un roman aux allures de conte mais en plus politique : quelques personnages à la fois classiques et improbables, de la putain du village à l’étudiant en philologie. à l’échelle d’une commune, les rivalités, ambitions, meurtres et manipulations de quelques anonymes révèlent un portrait cynique de la vie de province comme de la quête de pouvoir, dont ce microcosme offre une caricature pleine d’humour décalé.


« Savoir qu’on a le droit de vivre sans attendre l’autorisation. Danser, danser, hurlements et joie, pleurs de joie. Savoir qu’on est ensemble ici, et être des guerriers, rester puissants et aussi rester naïfs, et sourire quand même parce qu’il n’y a que ça qui nous sauvera, rester conscient que la haine ne construit rien, alors leur sourire quand même et peut-être leur donner envie à eux aussi, de prendre le risque d’aimer ce qu’on ne maîtrise pas, et savoir qu’être libre, c’est oser ».

Camille Cornu a vingt-six ans et vit à Paris. F84.5 est son troisième livre. Elle est elle-même autiste et a écrit ce roman comme une réponse à son propre diagnostic, comme une nécessité face aux préjugés et aux réactions suscitées par l’autisme.

F 84.5 • CAMILLE CORNU

« Je fus déclarée autiste, c'est-à-dire beaucoup trop saine d’esprit pour une société pervertie ». Ici l’autisme n’est pas une pathologie. Il est vécu de l’intérieur et ne ressent sa différence que dans le chaos du monde et la tyrannie de la normalité. À partir du moment où le diagnostic d’autisme est posé, on suit le parcours du personnage qui se découvre appartenir à une communauté, mais aussi le besoin vital de s’affranchir du discours scientifique comme du regard social sur la différence. Finalement un message d’espoir, presque un livre de combat, contre les refus, les préjugés et le formatage :

CAMILLE

CORNU

F84.5

ISBN : 978-2-36336-156-1

AMBRE Prix : 15 €

J FE

J FE

JACQUES FLAMENT EDITIONS

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nuit & cinéma T

nicolas magenham

la maman et la putain Dans La Maman et la Putain, sorti en 1973, Jean Eustache parle de lui, de ma mère, de la société de son temps, avec la liberté la plus sublime qui soit. « Si on allait prendre un petit déjeuner au Mahieu ? C’est un bistrot du boulevard SaintMichel qui ouvre à 5h25. à cette heure-là, on y voit des gens formidables. Des gens qui parlent comme des livres, comme des dictionnaires. » Ainsi s’achève l’une des nuits blanches d’Alexandre (Jean-Pierre Léaud) et Veronika (Françoise Lebrun), son aventure du moment. Des nuits qu’ils passent à baiser, à s’échanger des confidences, tout en écoutant la radio, des vieilles chansons sur la platine vinyle, et en buvant du whisky coca. Alexandre vit avec Marie (Bernadette Laffont), ils dorment ensemble, ils s’aiment sans doute, mais on ne sait pas très bien quelle est la nature de leur relation. Et du haut de notre regard de spectateur bourgeois, on a presque honte de se

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poser la question, tellement leur liberté absolue semble atteindre le sublime. Les rapports humains ne sont pas théorisés par Eustache, ils ne sont réalisés par aucun discours. Une nuit, en sortant de boite, Veronika les rejoint à l’appartement et vient faire l’amour avec eux. Rien de tout cela n’est prémédité, rien n’est nommé non plus, pas de concept vulgaire et pesant de « ménage à 3 » ou de « trouple ». Les choses se font naturellement, comme « au commencement des temps ». Alexandre se moque d’ailleurs du jargon journalistique qui range les individus dans des cases : « les classes défavorisées, l’homme de la rue, les mères célibataires… Un nom pour chaque chose ! ». Mais Jean Eustache décrit aussi les limites et la fragilité de cet état d’esprit, les regrets et les jalousies. Lorsque Marie, se sentant délaissée, va dans la salle de bain pour avaler une boîte de somnifères, elle l’annonce aux deux autres sans effet de manche, de façon « naturelle » une fois encore. Veronika veut lui laisser la


liberté de se suicider, tandis qu’Alexandre emmène Marie aux toilettes pour la faire vomir, comme dans The Apartment (Billy Wilder, 1960). Eustache, un Billy Wilder postsoixante-huitard ? Malgré le carcan rigide hollywoodien et la censure du Code Hays, Wilder filmait lui aussi la liberté absolue, celle de s’aimer lorsqu’on est deux hommes, de mettre une pute sur un piédestal, ou d’aimer un vieillard quand on a 20 ans. Dans les années 70, ma mère couchait avec deux hommes en même temps, comme dans le film d’Eustache – du moins j’aime à l’imaginer. Puis elle est tombée enceinte de moi, s’est mariée avec le géniteur, et le « troisième » s’est progressivement effacé de leur vie. Les années 80 étaient arrivées. Le Mathieu s’était transformé en fast-food. à la fin de La Maman et la Putain, Veronika annonce à Alexandre qu’elle est enceinte et il la demande alors en mariage,

avant qu’elle ne vomisse dans une bassine. Les choses reviennent dans l’ordre. J’ai revu le second amant de ma mère, l’an passé, du côté de la Maison de la Radio. Autrefois, il ressemblait un peu à Jean Eustache, le même visage à la fois sec et sensible, les mêmes cheveux longs fillasses. Quand on s’est revus, j’avais donc l’âge de ces trois-là dans les années 70, et il était ému de voir chez moi un peu de ma mère et de mon père. Et de prendre en pleine figure les images de cette époque insouciante de liberté totale, que j’ai sans doute tendance à idéaliser à travers la beauté de ce film, et d’autres. Quoi qu’il en soit, j’aime l’idée d’avoir peut-être été conçu lors d’une nuit blanche, après une soirée au Bilboquet et avant l’écoute attentive et amusée d’un disque de Fréhel. J’aime l’idée d’être un enfant de Jean Eustache.

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musique T

arnaud rollet P Nastasia Alberti

Ghost Culture — (dé) brouillard de Londres Erol Alkan a le nez creux quand il s’agit de sortir de jeunes talents sur son label Phantasy. Après avoir révélé au monde la pop alcoolisée de Connan Mockasin (dont le Caramel pue le sexe) puis la techno mutine de Daniel Avery, le célèbre Dj nous livre cette fois en pâture Ghost Culture, un petit gars de 24 ans d’une rousseur et d’un dandysme dont seuls les Anglais ont le secret. De son vrai nom James Greenwood, ce freluquet (qui officiait jusqu’alors en tant qu’ingénieur pour le compte du label) livre un premier album éponyme avec, pour seul mot d’ordre, mettre du

songwriting dans la musique de club. Un pari osé mais gagné, y compris lors de la transposition live qui l’accompagne que quelques rares chanceux ont pu admirer au Silencio le 13 janvier. Loin d’être le fruit d’une simple posture marketing savamment pensée (ce serait mal le connaître), ces 10 tracks représentent un excellent remède à la techno d’autoroute et à la deep house putassière : il n’y a qu’à écouter les entêtants Glaciers ou The Fog pour s’en rendre compte. Rencontre avec un bel esprit qui, à défaut de vouloir devenir une star, n’a pas fini de hanter vos nuits.

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C’était comment le Silencio ? J’ai adoré ! C’est vraiment un bel endroit où jouer, avec un public cool… et il y est interdit de faire des photos et des vidéos. Ça te fout les boules de voir des gens sortir leurs smartphones pendant un live ? Je trouve que ça détruit un peu l’atmosphère, surtout qu’il n’y a pas vraiment d’intérêt à filmer un live avec un tél… Si tu veux vraiment filmer un concert, ça doit être fait dans les règles. Le pire, c’est que ceux qui filment ne gardent pas forcément ces vidéos pour eux et les postent partout… Normal que cela t’irrite : tu es ingé son. Oui, ça doit probablement expliquer mon aversion ! J’aime le son, c’est pourquoi je voudrais que ces vidéos soient mieux réalisées ! C’était ton premier live à Paris après quelques Dj sets, non ? C’était même l’un de mes premiers lives, tout court. Je n’en avais fait que deux avant, à Londres. Ce n’est donc pas sa version finale ? À vrai dire, je suis plutôt satisfait de ce à quoi il ressemble aujourd’hui. S’il doit se développer par la suite, cela se fera naturellement. J’estime que j’ai un bon point de départ, facile à manœuvrer pour le show que je veux proposer. Je ne me vois pas faire dans le clinquant ou le grandiose. J’aime l’idée que ce soit un live assez simple. Ghost Culture, c’est un pseudo assez simple aussi. Tu as hésité avec d’autres noms avant celui-ci ?

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Pas vraiment. Je cherchais surtout un nom collant à ma vision de la culture qui, je pense, a pas mal changé avec l’utilisation de la technologie et cette envie démesurée de vouloir faire du profit. Je pense sincèrement qu’un artiste doit d’abord créer la musique qu’il ressent plutôt que de penser à l’argent qu’il souhaite engranger. Le nom Ghost Culture vient de là et décrit bien ma position en contradiction avec cette approche superficielle et pas vraiment « pure » de la musique. Je pensais simplement à la meilleure façon d’exprimer ça avec un nom. Par contre, Ghost Culture n’a rien à voir avec le paranormal ou le surnaturel, même si je ne suis pas contre l’interprétation que certains peuvent en faire. Est-ce que tu trouves que le monde de la musique est un milieu qui craint, avec beaucoup de connards ? Tous ceux que j’ai rencontrés et avec qui j’ai pu déjà travailler sont des gens adorables qui ont toujours été très sympas avec moi. Du coup, je n’ai rien à dire de négatif à leur propos. Pour autant, je pense que l’industrie de la musique a plusieurs facettes et qu’il y a un monde d’écart entre la musique que les artistes veulent créer et celle commercialement viable que certains veulent absolument vendre, même si, parfois, des croisements existent. J’espère seulement que, si un gamin veut quitter l’école pour faire de la musique, il essaiera de trouver sa propre voie et de suivre ses sentiments plutôt que de vouloir seulement faire du fric. Ce gamin, c’est un peu toi, non ? J’ai cru comprendre que tu n’avais pas fait de grandes études… C’est vrai : j’ai tout arrêté à 18 ans et je n’ai pas fait la fac. À la place, j’ai commencé à bosser à Londres où j’ai rencontré, par chance, les bonnes personnes.


J’ai été obsédé par mon synthétiseur Korg qui est à l’origine de cet album

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Avec tout ce que tu me dis, j’ai du mal à t’imaginer quitter un jour Phantasy pour une grosse major. Je ne l’imagine pas non plus ! En plus, j’aime vraiment les gens avec qui je bosse et je ne me vois pas du tout quitter ça pour un gros contrat. À Phantasy, il n’y a pas beaucoup d’artistes et chacun peut passer le temps qu’il lui faut sur son projet. Je ne sais pas si c’est la même chose dans une major - je pense qu’il peut y avoir de bonnes expériences comme de très mauvaises – mais cela ne me concerne pas : Ghost Culture fonctionne très bien chez Phantasy. Comment ça se passe justement au sein du label ? Vous vous aidez entre artistes ? J’ai déjà pu filer un coup de main à Daniel Avery pour la réalisation de son album, Drone Logic. Dan, ça fait plusieurs années que je le connais et c’est lui qui m’a présenté à Erol avec qui je travaille aussi de temps en temps. À Phantasy, on s’inspire tous mutuellement et on n’hésite pas à s’aider quand il le faut. J’ai beaucoup appris auprès de Dan et d’Erol par exemple. Connan est un peu à part parce qu’il fait absolument tout en solo sur ses disques – même si Erol bosse parfois avec lui. Au final, je trouve que mon album fait sens avec la musique déjà sortie par le label : ce n’est pas de la chanson façon Connan Mockasin ni de la techno instrumentale à la Daniel Avery, c’est quelque part au milieu. Même si Erol a mis la main à la pâte sur ton album, tu sembles tout seul dessus. C’est aussi une façon de te présenter ? Oui. Les paroles de mes chansons sont en plus très personnelles et ce disque est aussi un bon moyen de découvrir la musique que j’aime, de me comprendre et de voir à quel point je suis toujours à la recherche de nouveaux sons, de nouveaux équipements. J’ai été obsédé par

mon synthétiseur Korg qui est à l’origine de cet album. Erol est surtout intervenu pour me permettre de le terminer : il sait quand un morceau est fini ou non, ce qui est plutôt difficile à dire quand tu travailles seul dans ton coin. Tu assures vouloir mettre un peu de songwriting dans la musique électronique. C’est quelque chose qui te semble un peu désuet ? Je pense qu’il y a un manque, oui. D’ailleurs, je n’ai pas vraiment d’exemple à te donner qui serait similaire à ce que je fais et c’est en cela que j’ai su que mon approche était intéressante à développer. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a jamais eu de songwriting dans la musique électronique avant moi : il y en a eu, c’est sûr, mais pas des masses. A contrario, il y a un paquet de musiques électroniques instrumentales pensées pour les clubs, ce qui est cool aussi – il m’arrive même d’en faire. Et maintenant que tu es un artiste de Phantasy à part entière, tu vas continuer à travailler en tant qu’ingé au sein du label ? Définitivement. Je continue à bosser avec Dan et vais probablement faire plus de trucs avec Erol. Après, je travaille toujours avec Richard Fearless de Death In Vegas. Il a son propre label aujourd’hui, Drone, où il sort des disques sous son propre nom. Si j’aide Dan à écrire certains morceaux, avec Richard, je me cantonne surtout à appuyer sur des boutons : c’est lui qui a toutes les idées. Dans tous les cas, j’adore ça, de regarder les autres bosser et d’y ajouter mon grain de sel.

Ghost culture Ghost culture (Phantasy)

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playlist P

Johanna Benaïnous + Elsa Parra

paris

Quinze ans est le temps qu’il aura fallu pour que sorte There is a Storm, pour que les bonnes fées se penchent sur le berceau de ce bébé trop braillard. Tout était déjà là, de tout temps, il s’agissait simplement de dégrossir le bloc, pour en faire apparaître les harmonies. C’est désormais chose faite. Plus grand, plus beau, plus ample, océanique, There is a

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storm nous happe vers le ciel pour franchir la ligne d’ombre. L’intensité demeure la même, intacte : c’est elle qui a aboli le temps. Il ne reste plus qu’un lieu, où circulent musiciens et poésie. Paris est composé de Nicolas Ker, Arnaud Roulin, Maxime Delpierre et Mike Theis. Et c’est ce dernier qui nous livre ce mois-ci la playlist.


David Bowie Subterraneans (Low) Bizarrement une de mes préférées de Bowie / Eno (sans oublier les arrangements de Visconti), une sorte de perfection, tellement dépouillée et puissante que les voix ne s’autorisent à rentrer qu’à 3:50. Scott Walker Angelica (Scott) C’est important d’avoir une belle chanson de crooner dans son Walkman. S.Walker est le plus punk d’entre tous. The Doors The Crystal Ship (The Doors) Parce que Nicolas aurait très certainement choisi une des chansons du 1er album des Doors, particulièrement The Crystal Ship. Jay-Z 99 Problems (Black Album) On pourrait parler des heures du Black Album de Jay-Z. 99 Problems, Jay Z x Rick Rubin, odieusement ultime. The Micronauts The Jag (The Jag) Je me revois encore dans ma banlieue devant la télé, hébété en découvrant le son de la TB303 et ce clip bizarre du jeune Greg Araki.

John Maus Bennington (Collection of Rarities and Previously Unreleased Material) Ce type me fascine, j’aimerais bien savoir comment il fait ses trucs, on a l’impression que chacune de ses chansons peut se casser la gueule à tout moment. Celle-ci est une des plus lisibles. Deux Felicita (Felicita EP) Les années 80, la rablat, le gris, la lose, les longs imperméables. Frisson. EPMD It’s my Thing (Strictly Business) Merci Snoopy Dog d’avoir ressorti cet album sur ton label , j’arrivais plus à le trouver. Todd Rundgren Hello it’s me (Hello it’s me LP) Médicament indispensable. à prendre matin, midi et soir. The Cure It’s not You (Three Imaginary Boys) Ma base, mon socle. Morceau du tout premier disque du groupe. J’aurais pu choisir 10:15, Saturday Night, Accuracy ou n’importe lequel des titres du disque mais celle-ci est la plus frontale, la plus teenage.

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art T

paul owen briaud

Alex Gross — Vanité ta mère On pourrait croire à un bad trip mais vous êtes juste devant une peinture. Un imaginaire étrange, sinon inquiétant, teinté d’ironie et de références culturelles. Des compositions tantôt surchargées, tantôt minimalistes,

construisent un monde aux couleurs vives qui ressemble au nôtre mais se rapproche d’un eden infernal, ou de ténèbres acidulés. Rencontre avec le fils spirituel de Bosch et LaChapelle.

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Nous sommes à un moment de l’Histoire du monde où bien des choses changent très vite, et je veux parler de toutes ces choses à travers mon travail, avant de disparaître moi aussi. 30


Tes tableaux ressemblent souvent à un mix entre iconographie communiste transposée à l’époque actuelle, et représentation pop de l’American way of life : un escadron d’avions de guerre survolant Times Square, par exemple, ou deux Japonaises mangeant un yaourt glacé avec des champs en arrière-plan. Tu stipules que la culture de masse a pris le pas sur les dissensions idéologiques, mais, quelque part, ça n’a pas l’air d’être une bonne chose, de ton point de vue. C’est une interprétation intéressante, mais je ne crois pas que mon travail se résume à une seule exégèse. La plupart des pièces ont plusieurs interprétations, je crois que c’est ce qui les rend intéressantes. Il y a une différence entre assimiler des références à de la mauvaise pop par exemple (Beiber, Gaga, etc.), et inclure des objets de consommation populaires, des choses de tous les jours, comme des sodas ou des fast-food. J’essaie de parler de thèmes contemporains dans mon travail, et l’usage d’objets banals va dans ce sens. Logos, moutons, têtes de mort, personnages aux expressions neutres et aux regards vides (d’où surgissent parfois des serpents) renvoient à l’idée du péché originel et suggèrent que nous sommes condamnés, maudits, pour avoir vendu nos âmes au matérialisme. Beaucoup d’autres symboles laissent penser que tu peins des vanités modernes. Est-ce le cas ? Je crois que tu amalgames beaucoup d’idées à l’intérieur d’une seule question/affirmation. La plupart des gens n’assimilent pas un logo au péché originel, du moins pas à ma connaissance. Le symbolisme biblique comme les moutons ou le memento mori, c’est une autre histoire. On me demande souvent pourquoi je peins des gens aux expressions neutres.

Je n’ai pas de réponse satisfaisante. Il y a des raisons conscientes, et aussi le fait que je préfère ça comme ça. Les expressions vides, ou tristes, laissent plus de place à l’interprétation que des sujets heureux. Le spectateur est plus enclin à les examiner. Quand tu y penses, si tu es heureux et que tu vois l’image de quelqu’un d’heureux, ça ne prête pas à réfléchir. Mais, si comme la plupart des gens, tu as connu de la peine dans ta vie, et que tu vois l’image d’une personne, jeune et belle par exemple, qui a l’air triste, ça résonne plus profondément, et ça te fait réaliser qu’on affronte tous les mêmes difficultés en ce monde, et que tôt ou tard, nous mourrons. Tu peindrais le prophète Muhammad ? Quelle question difficile. Le peu de fois où j’ai peint des figures religieuses, c’était en référence à l’Histoire de l’art, pas pour des raisons religieuses. Des images du Christ datant de la Renaissance, ou des figures bouddhiques japonaises ou chinoises font ainsi des incursions dans mes travaux. Du coup, il semble peu probable que je peigne Muhammad puisqu’il n’y a aucune représentation artistique de lui au monde. (en fait, l’art islamique connaît de nombreuses représentations du prophète, ndlr.) Pourquoi voit-on tant de têtes flotter dans les airs dans tes tableaux ? Tu as pensé à Magritte en peignant cela ? Non, je n’ai pas vu de Magritte depuis la fin de mes études. Il peignait des têtes qui flottaient ? J’aime peindre des visages, et en me limitant aux visages sans les corps, je peux intégrer des visages à mes tableaux en m’épargnant du travail. Le visage est la partie la plus intéressante d’une personne. ça m’est venu après avoir fait une toile où je peignais des gens sortant de l’eau : je n’avais qu’à peindre leurs visages, en gros. Pourquoi ne pas faire cela dans le ciel, ou n’importe où ?

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Ton travail est marqué du sceau du péché, du temps qui passe, et de l’Humanité corrompue. Es-tu préoccupé par le Jugement dernier ? Est-il indiscret de te demander si tu es croyant ? Engagé politiquement ? C’est une question intéressante. Pour ce qui est du religieux, il est important de se dire que l’Histoire de l’art occidental est mêlée à l’Histoire de la chrétienté. Le Jugement dernier, le péché originel, la crucifixion, sont des archétypes. On ne doit pas nécessairement être chrétien pour s’y référer. Le temps qui passe, lui, concerne tout le monde. La mort est vraiment le seul grand mystère qui soit. Alors oui, je suis relativement obsédé par cela. C’est aussi un concept de la Renaissance, le memento mori. Quant à la corruption, ce n’est pas un thème qui m’intéresse plus que ça, mais je suppose que ça se rapporte à la société de consommation et au lavage de cerveau des masses, qui sont des sujets que mon travail aborde beaucoup. Au sujet de tes peintures miniatures sur des photos anciennes, que répondrais-tu à quelqu’un qui t’accuserait de vandaliser et d’altérer pour toujours un témoignage du passé ? Que tout est amené à disparaître ? J’ai déjà entendu ce genre de commentaires, et je voudrais dire ceci : d’abord, dans 99% de ces portraits, je n’interviens pas sur les visages des gens représentés. C’est le but : créer un nouveau personnage autour d’un individu. La plupart de ces peintures sont réalisées sur des photos achetées dans des brocantes ou sur des sites internet. Il y en a 35 000 sur e-bay en ce moment même. Alors, penser que de telles photos soient des trésors rares est absurde. De plus, elles coûtent en moyenne 5 dollars pièce, et sont des tirages, pas des négatifs. Si je pei-

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gnais les négatifs, ce serait différent. Il m’est arrivé d’en acheter que je retrouvais ailleurs ensuite. En faisant ce que je fais, je les amène à être vues par un grand nombre de gens, et les gens s’y intéressent. Avant transformation, elles prenaient la poussière dans des arrière-boutiques d’antiquaires et sur e-bay où personne ne les achète. Aussi, je les scanne toutes avant intervention afin qu’il demeure une trace numérique de chacune d’entre elles. Parmi tous les sujets possibles, pourquoi peins-tu ce que tu peins, et quelle direction penses-tu donner à ton œuvre dans le futur ? Je ne sais pas ce qu’il sera de mon travail futur. Je peins ce que je peins parce que ça m’intéresse, et souvent, j’ai quelque chose à dire sur le monde et les gens que je représente. Je m’intéresse aux images, et j’aime faire des images belles, et qui font réfléchir. Si je critique la société de consommation, je suis aussi un grand admirateur de la beauté et de la nature, et je crois qu’il y a autant de cela que de critique dans mon travail. Dans le futur, à un moment, les gens qui regarderont mes tableaux, s’ils les regardent, ne sauront peutêtre même pas ce qui se trouve dans les mains de mes personnages. Un téléphone portable sera peut-être quelque chose d’inidentifiable. J’aime l’idée que je laisse un témoignage de la culture qui est la nôtre aujourd’hui. Peut-être que les panneaux publicitaires auront disparu aussi, bien que ce soit plus difficile à imaginer. Nous sommes à un moment de l’Histoire du monde où bien des choses changent très vite, et je veux parler de toutes ces choses à travers mon travail, avant de disparaître moi aussi.


Alex Gross www.alexgross.com

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cinéma T

pierig leray

Y’a quoi au ciné ? 1 mois, 4 films, 4 avis. Le problème ? On ne les a pas vus. Critiques abusives et totalement infondées des meilleurs/pires films du mois.

Bis de Dominique Farugia Pourquoi en parler me direz-vous ? Parce que c’est criminel d’endoctriner la population dans un massacre à grande échelle, une bôfisation par le bas, un délabrement intellectuel honteux et répulsif, un plagiat morbide d’une bouse américaine de 2010, un plagiat d’un plagiat réussi de Lvovsky (Camille redouble) et un Dubosc qui représente tout ce qu’il faut rejeter (génération Hanouna). — Sortie le 18 février

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Hungry Hearts de Saverio Constanzo Le film branché-photographie jaunissantenouveaux parents bobos en tricots du mois, une rencontre amoureuse Instagram, un 10m2 à New York, la vie, la vraie quoi. Et puis vl’a la meuf en cloque, un déménagement en banlieue, la déprim’ et la belle pelote de tweed qui s’effiloche. Comme un sentiment de déjà vu. — Sortie le 25 février


It Follows de David Robert Mitchell Un bien beau retour en grâce imprévu d’un film d’horreur bien macéré rétro par son grain photographique, son synthé cheap brooklynien et ses blondes années 80. Mais ce que l’on retient surtout c’est le message 3e degré du cinéma amerloc donneur de leçon, « coucher c’est mal ». Se faire buter pour avoir baisé, « je suis Jay ». — Sortie le 5 février

Les Merveilles de Alice Rohrwacher La désolation d’une campagne toscane oubliée, hors du temps, l’espoir d’en sortir pour finalement y être contraint et pleurer l’oubli d’une maison abandonnée. Sublime fresque nomade, d’une humilité remarquable, les Merveilles, c’est la vie, du rêve, du désespoir, de l’amour et du dégoût, le tout sublimé par une analyse brillante d’un problème certes écumé (la fuite des campagnes). — Sortie le 11 février

Mais aussi Jupiter, le destin de l’univers des frères, enfin du frère et de la sœur-trans Wachowski le 4 février, du délire mégalomaniaque épileptique sans intérêt (1/5), L’enquête de V.Garenq le 11 février, un nom suffit à détourner son regard, Gilles Lellouche dans un nanar français (0/5), American Sniper de C.Eastwood, sortie le 18 février, que Eastwood fasse moins de films, pour parler moins de lui et de son pays étoilé ; il devient son propre cliché (1/5), Bird Man de A.G. Inarritu sortie le 25 février, le film américain faussement indépendant-cool avec Julien Lepers en guest (Micheal Keaton) (2/5).

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érotisme T

florin saint-merri

Scarlett Diamond — la fatale

La belle Scarlett Diamond est effeuilleuse/ performeuse. Nous l’avions vue récemment lors d’un show Chez Maxim’s, et le peu que l’on puisse dire, c’est qu’elle avait totalement

hypnotisé les regards. Nous avons décidé de faire connaissance avec elle à la première personne.

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La nudité, je l’aborde très bien parce que pour moi, elle est toujours justifiée. Vu que je raconte des histoires, la nudité est mise en valeur avec érotisme et sans aucune vulgarité. Je suis assez pudique dans la vie quotidienne mais sur scène, ça ne me pose aucun problème. J’ai commencé ce travail en 2004 en étant modèle photo, je faisais des photos vintage, rétro et un peu fétiche aussi parce que j’aime beaucoup le fétichisme. Je viens d’un univers artistique à la base car mon père est peintre et ma mère couturière. Petit à petit, en faisant ces photos, j’ai voulu transformer la mise en scène de ces clichés en art vivant. Mon travail est lié à plusieurs univers. Je suis autant dans le rétro avec le côté très show-girl, années 40, femme fatale que dans des choses beaucoup plus contemporaines et futuristes. Ma première source d’inspiration, c’est l’art en général : l’architecture, la peinture, le cinéma, le théâtre, la danse, la mode… En peinture, j’aime beaucoup le romantisme noir, le XIXe siècle, le néo-classique, l’orientalisme, etc… Alma Tadema, par exemple, est l’un de mes peintres préférés. Sur ma table de chevet, on retrouve le Salomé d’Oscar Wilde. Je lis aussi en ce moment Les Diaboliques, un recueil de nouvelles de Barbey d’Aurevilly. Je ne me sens pas du tout comme une femme-objet, car je considère avoir le pouvoir lors de mes numéros. C’est toute la corrélation du travail que je mets en scène avec la femme fatale : c’est une femme de pouvoir vénéneuse, séductrice, qui maîtrise vraiment l’art de la séduction. Cela n’a rien à voir avec la pin-up un peu crédule et souriante… Moi, je me retrouve beaucoup plus dans l’érotisme d’une Mata Hari, de Salomé, de Cléopâtre ou de Rita Hayworth. Une des mes meilleures expériences de travail, étrangement, ça a été en Roumanie, à

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Bucarest. Quand on m’a proposé ce bookinglà, j’étais très dubitative. En fait, j’ai été extrêmement bien traitée, j’étais dans un énorme club contenant 2000 personnes. Il y avait même des écrans géants avec mon nom écrit dessus. J’ai été reçue comme une star, c’était génial. Ce travail ne pose aucun problème dans ma vie amoureuse. La personne avec qui je suis comprend vraiment ce que je fais. Il est du même milieu que moi, donc c’est vrai que ça facilite les choses. On se connaît depuis longtemps et il a la même vision que moi de l’art. Je n’ai pas un rythme de vie « normal» car je ne suis pas matinale. Je préfère vivre la nuit. Je fais mes shows la nuit, mais je fais aussi mes costumes, ma scéno, etc… j’aime vraiment travailler la nuit, et puis il y a ce côté très mystérieux de la nuit qui m’attire depuis que je suis ado. J’aime beaucoup le Carmen à Pigalle, j’y ai d’ailleurs fait des shows, cet endroit est magnifique. Le Très Honoré, j’apprécie aussi. Je ne sors plus trop dans les clubs fétichistes, j’y allais avant lorsque j’étais très jeune, et j’ai commencé comme ça. J’allais à la Nuit Demonia, etc, à des choses très basiques… Pour moi, le latex, c’est une matière noble, c’est physique. Je pense que je suis aussi très fétichiste : je m’attache facilement aux beaux objets en général. Mes projets pour l’avenir ? En ce moment, je suis en train de monter une revue où je serai entourée d’autres artistes. Je veux vraiment concrétiser ce rêve de spectacle à Paris pour ensuite l’exporter à l’étranger — www.scarlettdiamond.com


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expo

afrika

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alain bizos

P

bambaataa

Invité en 1983 par Afrika Bambaataa pour la réalisation de son vidéo-clip, Alain Bizos a capturé dans le Bronx l’esprit Hip Hop et l’émergence d’une contreculture dont les illustres représentants (Rock Steady Crew, Keith Haring, Futura 2000…) sont encore aujourd’hui des légendes du mouvement.

Cette série d’une vingtaine de photographies totalement inédites sera présentée par Mayday Mayday Mayday. — Afrika Bambaataa par Alain Bizos Du 12 au 28 février 38, rue Quincampoix - 4e

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cocktail T

Roger de Lille P jacob khrist

jack rose

Février, des fleuristes et de l’amour. Ce mois-ci, de la romance, de la passion, des femmes sublimes et de belles histoires. Vous vous êtes bien réchauffé le cœur, le corps et l’esprit avec le Grog en janvier ? Il fait toujours froid cet hiver, mais février, c’est le mois des fleuristes, c’est le mois de la Saint-Valentin, et le 5 février, c’est aussi mon anniversaire, bande de petits veinards. Donc, février, c’est l’amour. Beaucoup d’amour, d’où mon histoire ce mois-ci. Dans un shaker préalablement rempli de glace, versez 4 centilitres de calvados, ajoutez-y 2 centilitres de jus de citron et un trait de sirop de grenadine. Frappez le tout, filtrez la glace, servez dans un verre à Martini, décorez d’un zeste de citron, et, mesdemoiselles, offrez-le à votre petit ami. Pourquoi dans ce sens et pas l’inverse ? Parce que bien que l’origine du cocktail soit - comme pour beaucoup de breuvages - controversée, une des histoires probables vient tout droit de l’année 1830. Lisa Laird-Dunn aurait connu à New York un homme séduisant portant le nom de Jack Rose. Et Jack aimait le mélange eau-de-vie de pomme et jus de citron, avec un trait de grenadine pour rééquilibrer le côté sucré de l’affaire. Pour séduire ledit Jack, Lisa aurait appelé le mélange Jack Rose.

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Plus d’amour ? Ils se marièrent, et Jack devint propriétaire d’une auberge dans le New Jersey dont le barman continua à servir le cocktail dont Jack avait gardé le nom par amour pour Lisa. L’amour c’est bon, on a eu nos six centilitres, mais qu’en est-il des fleurs ? Et bien en 1934, Albert S. Crockett constata que bien réalisé, le Jack Rose avait exactement la même teinte que la rose Jacqueminot dont l’essence est utilisée en parfumerie. Il existe d’autres histoires alternatives en vrac, comme l’attribution de la paternité du cocktail à un tueur à gages du même nom, ou que celui-ci aurait été inventé par Joseph P. Rose, champion du monde de mixologie en l’honneur d’un défenseur lors d’un procès au tribunal de Newark. Niveau variantes, on peut jouer sur le dosage. Avec 5 centilitres de calvados contre un seul de jus de citron, on obtient un Applejack. Plus viril. Également inventé par Jack Rose devenu avec les années plus mature, et probablement plus viril. Donc, pour être raccord : mesdemoiselles, on offre un cocktail à son amant, messieurs, un élégant parfum. On porte de vraies fringues, on va dans de vrais bars et on diffuse de l’amour. Au moment où j’écris ces lignes, je suis pour l’instant célibataire. [ Merci au Scandale ]


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casse-dalle + agathe suarez

T P

blinis d’amour

Aujourd’hui, célébrons dans la liesse tous ces ex-Valentin qui nous ont amenés à cet être que l’on aime. Petite mention spéciale à ceux avec qui on s’est loupés finalement pour notre plus grand bonheur : ceux qui sont toujours en after, les trichotillomanes, les toxi-

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connards, ceux un peu rougeots et toujours mariés, ceux qui peuvent pas parce qu’ils ont match (au Brébant avec Jean-Luc et Paulo), à ceux-là, oui, disons-leur vraiment merci. Bon. À la Saint-Valentin, faut que ça glisse alors je vous propose ce mois-ci les blinis d’amour.


Ingrédients et préparation 1 cœur de saumon à recouvrir de gros sel, de 2 poignées de sucre, de poivre mignonnette et d’aneth (ou pas). Pour faire la pomme Darphin : râper 2 ou 3 pommes de terre. Ne pas les laver pour conserver l’amidon qui va coller les pommes de terre entres elles. Ajouter sel et poivre. Saisir 3 minutes de chaque coté pour coloration. Finir 5 minutes au four à feu doux pour les dessécher un peu. Préparer la pâte à blinis : 2 blancs d’œufs montés en neige, on y ajoute 3 cuillères a soupe de farine de sarrasin, 4 cuillères à soupe de farine de froment, une pointe de sel, 3 cuillères à soupe de lait. Laisser reposer une demi-heure avant de s’en servir. Dans une poêle chaude avec un peu de beurre et d’huile, faire gonfler et dorer 3 minutes de chaque côté. Monter de la crème liquide épaisse et très froide au mixeur. Ajouter le jus d’un demicitron, une pointe de raifort ,des oignons rouges ciselés et de la ciboulette.

Suggestion de présentation L’accessoire le plus important est l’emportepièce que tu peux piquer à ta nièce. Avec cet ustensile, former de jolis cœurs et superposer le blinis, les pommes de terre et le saumon. À déguster avec un joli pétillant blanc naturel pour avoir les yeux qui brillent !

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graphisme

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david rudnick

Né en Angleterre, éducation américaine, autodidacte, designer reconnu dans le monde de la musique et de l’art, David Rudnick fait l’université de Yale. Il fonde ensuite son propre magazine Volume et insiste pour en faire la direction artistique alors qu’il n’a même pas ouvert InDesign. Les six années suivantes, il apprend tout seul les rudiments du métier. Ses caractéristiques : la saturation des couleurs, «la tristesse épineuse filetée avec une sorte de mysticisme». Ses phrases sont complexes, nuancées. Parfois, il semble parler en adages, comme un philosophe dans le monde superficiel de la publicité. Mais il travaille rarement dans la pub. Il fait référence à ses clients comme des partenaires ou des collaborateurs. Il ne parle pas de compétences ou de services qu’il loue mais de créations auxquelles il adhère. Parfois, ce n’est pas pour ses talents de designer mais pour ses mots qu’on fait appel à lui. Le corps du travail de Rudnick se présente comme un signal pour l’avenir du design. — davidrudnick.org

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agenda

VENDREDI 6 FÉVRIER — 23h30 Badaboum 12/15€ Circle #9 w/ Vincent Lemieux, Francesco Del garda, Le Loup, Mouloud

DIMANCHE 15 FÉVRIER — 7h Concrete 20€ Ben Klock, Silent Servant, Jared Wilson, Behzad & Amarou

SAMEDI 7 FÉVRIER — 23h30 Zig Zag 13/20€ Follow The White Rabbit w/ Soundstream, Radiq (live), Ark (live)

VENDREDI 20 FÉVRIER — 00h Le Petit Bain 13/15€ Acid Attack! #2 w/ Kosmik Kommando, Slipmatt, Minimun Syndicat, Paris Acid Boys, Kolpo

DIMANCHE 8 FÉVRIER — 7h Concrete 20€ Token Records w/ Rødhad, Oscar Mulero, Ø Phase, Ctrls (live), Kr!z, Antigone JEUDI 12 FÉVRIER — 00h Batofar 14/15€ Odd Fantastic Agency Night w/ Christopher Rau, Oracy, Ngly VENDREDI 13 FÉVRIER — 23h La Machine 13/16€ 5 Years Curated by Gouru w/ Inigo Kennedy, Milton Bradley, Bevel 00h Le Petit Bain 10/15€ Most Wanted w/ Fumiya Tanaka (Extended Set), Le Paresseux SAMEDI 14 FÉVRIER — 23h30 Zig Zag 13/20€ Objektivity w/ Dennis Ferrer, Andre Hommen, Amnaye

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SAMEDI 21 FÉVRIER — 00h Rex Club 14/15€ Sushitech presents Decade w/ Delano Smith, Makam, Yossi Amoyal DIMANCHE 22 FÉVRIER — 00h Rex Club 17/20€ Kerry Chandler & Black Coffee All Night Long VENDREDI 27 FÉVRIER — 23h Monseigneur Gratuit/10€ Willie Burns, Florian Kupfer SAMEDI 28 FÉVRIER — 23h La Machine 12/18€ 5 Years Curated by Blocaus w/ James Ruskin, Blind Observatory, Ancient Methods (live), Headless Horseman (live), Violet Poison (live), As Patria, Exal


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