Le Bonbon Nuit 34

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Nuit

Septembre 2013 - n째 34 - lebonbon.fr


Artwork © Ghislain Perez

tous les vendredis de septembre Terrasse Opéra Garnier à partir de 22h jusqu’à 4h inscription sur : www.lebonbon.fr


édito Bonne Nuit Rentrer ou sortir, il faut choisir. Car lorsqu’on revient au bureau après des vacances vécues par certains comme un springbreak, difficile de se remettre dans les dossiers. Pour assurer, il faut se lever tôt, et donc à priori ne pas faire la fête la veille et avoir mal aux cheveux le lendemain. Sauf que, bonne nouvelle pour les clubbers, une étude vient de prouver qu’aucun lien n’existe entre la durée de sommeil et la fatigue ressentie. C’est (Saint) Torbjörn Aakerstedt, un chercheur suédois, qui en est venu à cette conclusion après avoir observé les habitudes de sommeil de 6 000 personnes. Le résultat de ses recherches, qui doit être publié d’ici la fin de l’année, montre que les jeunes adultes ont besoin de huit heures de sommeil, « mais qu’il n’y a pas de moyenne globale, les gens de 20 ans peuvent dormir encore plus, tout en se sentant fatigués dans la journée ». La durée du sommeil n’est donc pas une bonne mesure pour analyser si on a assez dormi ou pas. On s’engouffre dans la brèche pour conclure, avec un peu de mauvaise foi, certes, qu’une nuit trop courte ne nous empêchera pas d’être performant en ce mois de retour en classe. La bonne excuse pour découvrir tous les lieux nocturnes de la rentrée qui devraient redonner un souffle nouveau au Paris by night. Rendez-vous page 16 pour remplir votre agenda tout sauf scolaire, et dans le reste de nos feuilles pour quelques fournitures intellectuelles comme une interview du philosophe Raphaël Enthoven qui nous apprend que « la nuit est la suppression d’un voile qui produit un changement qualitatif et qui permet un autre rapport avec autrui. » Violaine Schütz Rédactrice en chef

Rédactrice en chef — Violaine Schütz michael@lebonbon.fr

violaine@lebonbon.fr

| Rédacteur en chef adjoint — Michaël Pécot-Kleiner

| Directeur artistique — Tom Gordonovitch

tom@lebonbon.fr

| Président — Jacques de la Chaise

Photo couverture — Jackson par Nicola Delorme | Secrétaire de rédaction — Louis Haeffner Régie publicitaire — regiepub@lebonbon.fr Lionel 06 33 54 65 95 | Contactez-nous — nuit@lebonbon.fr Siret — 510 580 301 00032 | Siège social — 12, rue Lamartine 75009 Paris 1—

Nuit



sommaire Le Bonbon Nuit

Jackson

p. 07

Rentrée des nuits

p. 10

Raphaël Enthoven

p. 12

Y’a quoi au ciné ?

p. 16

Lindsay Lohan

p. 18

Franz Ferdinand

p. 20

Camgirl project

p. 24

L’étrange festival

p. 26

Sophie-Marie Larrouy

p. 30

Andy Verol

p. 32

Le punk au musée

p. 36

Océane Rose Marie

p. 38

Trousse de secours

p. 42

playlist

The sound of the season

p. 43

photos

Grolsch Session

p. 44

Partir

p. 46

musique

sorties

philosophie

cinéma

musique

tumblr

art

scènes/sorties

littérature

tendance

humour

santé

le mot de la fin

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agenda Les événements à ne pas manquer Cupidon, Propriétaire de l’Immeuble situé sur l’Enfer et le Paradis Gilbert Peyre, avec cette installation-spectacle magique et tragicomique, impose sa vision singulière du vrai et du faux : les sculptures électromécanomaniaques, en osmose avec les comédiens, se meuvent comme des automates, réécrivent l’histoire d’Adam et Ève et nous plongent dans un monde surréaliste. Du 11 au 22 septembre au Cirque Électrique

ME.017 Mercredi Production confirme encore une fois son art de bâtir des plateaux démoniaques espacés sur 2 soirées. Un line up parfait pour se gonfler à l’hélium et attaquer cette rentrée dans les meilleures conditions. Vendredi soir : Daniel Bell live / Sonja Moonear / Alex & Laetitia. Samedi soir : Ben Klock / Planetary Assault Systems Live / Dsv1 / Shifted 20 et 21 septembre au Cabaret Sauvage

Grrrrr Session by Le Bonbon #4 Pour cette édition sur la plage du Batofar, Kluper, membre du collectif Holy Bass, Keivan Fox et son pote VAT (Croustibass Crew) viendront enflammer le dancefloor sur des sons deep house et techno. Comme toujours venez nombreux déguster de la Grolsch et ravir vos écoutilles ! Le jeudi 26 septembre, de 19h à minuit sur la plage L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération

du Batofar, Port de la Gare - 13e

Chateau Marmont en concert Entrer dans la musique de Chateau Marmont c’est s’abandonner à un environnement fastueux… Formé par des amoureux de matériel vintage, véritables

DR/ DR/ DR/ DR

manipulateurs de sons doués pour les ambiances capiteuses, Chateau Marmont incarne le raffinement à la française, et ça se sent dans leur musique électro doucement puissante. Jeudi 19 septembre à la Maroquinerie - 20 € 5—

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musique ® Propos recueillis par MPK Ω Keffer & Lisa Lewis

JACKSON animal rationnel

Glow, le second et très attendu album du prodige Jackson, rassemble une multitude d’influences sans pour autant tomber dans la saturation démonstrative. Pour preuve, ce disque s’auto-suffit et ne ressemble qu’à lui-même : puissant, intelligent et psyché. On pensait Jackson perfectionniste et stakhanoviste, cette interview nous le révèle plutôt instinctif et intuitif. Extraits.

sur des périodes de 5, 10, 15, 20 ans… Ça c’est la partie inconsciente. Après, dans les partis pris et les choix que j’ai envie de faire, il y a l’idée de semer une sorte de trouble dans les apparences, les époques, les esthétiques majeures ou mineures, les trucs débiles. Moi, je veux me perdre dedans, pour faire ressortir au final une identité qui m’est propre. Il y a forcément un moment où ta nature reprend le dessus.

Jackson, tu nous as habitués à des coupes de cheveux toujours plus folles. Quelle sera ta prochaine

L’éclectisme est-il un remède pour contrer l’ennui ?

excentricité capillaire ?

La musique ne m’ennuie jamais. Par contre quand j’en fais, si j’ai pas à un moment donné 2 ou 3 défis internes, ou un peu d’inconnu et d’énigme, ouais, effectivement, je n’ai plus de désir. Pour rester dans le désir, il faut que je sois tout de même un peu perdu. Il faut que je puisse sentir les interzones et naviguer entre tout ça.

Je pense que dans l’évolution normale, je devrais finir comme Georges Michael, avec la tête pratiquement rasée. Ta musique est très transversale. Comment combines-tu autant de courants musicaux hétérogènes ?

De toute façon, ce phénomène d’absorption, c’est une chose permanente. Je pense que c’est un phénomène qui est assez long, qui ne peut pas être conscient ou littéral. Si je me réveille le matin en me disant « aujourd’hui je vais faire un morceau de funk », çe sera de toute façon raté. Par contre la volonté de faire transpirer certains moments marquants de la vie, comme écouter de la musique indonésienne, mater un live de Led Zepp ou simplement regarder le générique de Motus, toute cette mécanique d’ingurgitation s’opère 7—

Tu es un adepte du collage en musique. On sent pourtant plus de fluidité dans cet album, il y a moins d’accidents que dans le précédent. Est-ce voulu ? Une nouvelle démarche ? Un signe de changement dans ton approche ?

Oui, c’est conscient, je ne voulais pas post-produire ce disque, je ne voulais pas faire de cut-up. S’il devait y avoir des collages, ce devait être des collages écrits, des assemblages bizarres, des anachronismes, des incohérences. Je ne voulais surtout pas découper des samples. Nuit


Jackson Pourquoi avoir choisi Zdar pour mixer ce deuxième

morceau ?

album ?

Ce morceau, je le qualifierais plutôt d’épique ; l’héroïsme, ça m’a toujours fait chier en musique. Pour te dire la vérité, pour ce morceau, j’avais un grand besoin de thune et je l’ai fait il y a super longtemps. Au final, je l’ai gardé pour cet album. Je l’assume complètement. (sourire)

Il a amené une dimension organique. Il a une technique de mixe oldschool, tout en ayant une approche moderne car il s’autorise beaucoup de choses. On a eu l’idée de traiter la musique générée par un ordi comme si ça avait été un groupe. Et de tout mixer sur bande.

Des anecdotes sur Billy, l’un des meilleurs morceaux Quel est ton rapport à Prince ? On sent un peu sa

de l’album ?

touche sur GI Jane…

Pour moi, c’est l’un des tracks les plus improbables. Il y a plein de faiblesses dans ce morceau, mais il y a un truc comme ça qui déroule. Je suis un peu spectateur de ce morceau en fait. Je ne sais pas trop où il va. Ce côté énigmatique me l’a rendu attachant.

Je ne pensais vraiment pas à Prince quand j’ai fait ce morceau, et se revendiquer de ce monument, c’est assez difficile. J’ai pourtant un pote qui l’a écouté, et qui m’avait dit aussi que ça ressemblait à du Prince sous acides. Perso, moi, je pensais plus à Visage quand j’ai fait ce track-là, avec un côté déconneur. Voilà, pour moi c’est une musique de dessin animé complètement mongol qui rend hommage à Demi Moore. Blood Bust est un titre qui frise la hard tech (182 bpm), voire le gabber. Est-il vrai que tu en écoutais pas mal quand tu étais ado ?

La gabber, ça a été clairement mon introduction à la musique électronique. À l’époque, je jouais dans un groupe, et d’un seul coup, je décide à 14 ans d’aller écouter ce que mes potes appelaient de la non-musique. Je ne comprenais rien à ce que j’entendais, ça a été mon premier choc électronique. J’ai aimé le fait d’être désorienté. Ensuite, je suis allé dans les teufs hardcore, et là, il y a eu quelque chose de très théâtral qui m’a plu. Ça ressemblait presque à de l’opéra. Donc Blood Bust, c’est un petit hommage à Manu le Malin, et en même temps, c’est du gabber doux. C’est comme si un mec avait fait du gabber en 68 avec les Stooges.

C’est drôle, à t’entendre, on dirait que tu n’es absolument pas perfectionniste.

C’est ce que les gens croient, mais en fait pas du tout, la perfection n’existe pas et je ne lui cours pas après. Je suis un animal, et j’aime bien perdre le contrôle. L’instinct et l’intuition sont très importants pour moi, j’aime laisser les trucs se faire. Ce qui m’intéresse, c’est ce qui se passe indépendamment de ma volonté.

Rythmes lourds, samples héroïco-lyriques, boucles galopantes, tu te rends compte que tu as fait avec

jackson and His Computerband - Glow

Pump un hymne dance floor en puissance ? Tu peux

www.facebook.com/Jacksonandhiscomputerband

nous en dire un peu plus sur la composition de ce 8—

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sorties ® Mehdi Karam Ω DR

rentrée des nuits Pour vous guider dans vos choix

LE FANTÔME

de sorties lors de cette transition

On en entend parler de partout. Le crew du Baron, fameux club de la capitale, ouvrira à la rentrée un lieu unique, une sorte de resto/ playground constitué de bornes d’arcades et de pizzas. Sur le papier, ça fait rêver, et il est fort possible que le rêve se prolonge. Déco vintage, dancefloor souterrain, junk food luxueuse… Tous les ingrédients d’un lieu où l’on ne s’ennuie jamais, et dont on ne se lasse pas.

« saisonnière », le Bonbon Nuit vous a sélectionnés huit lieux incontournables de la rentrée 2013.

32, rue de Paradis - 75010 LE POMPON PIGALLE

Souvenez-vous, il y a quelques mois fermait Le Pompon, le petit bar/club archi cool du 10e. La raison ? Personne ne l’a comprise. Et c’est normal : le lieu ne fermait pas, il ne faisait que déménager, pour revenir à Pigalle, terre natale de ses créateurs. L’une des meilleures nouvelles de l’été quand on est familier avec l’ambiance unique du lieu. Aucune date précise, mais surveillez les de près, l’opening party s’annonce magique. Quelque part dans Pigalle… 75009/75018 LE JACKETS

Un bar qui porte bien son nom : ambiance veste en cuir, rock et bikers. Bien loin des bars gays ou des lieux sur-chers habituels du Marais. Ouvert justement par les fondateurs du Pompon, on y retrouve l’atmosphère détendue, naturelle, festive et pas snob pour un sou qui a fait le succès du club cité ci-dessus, et qui commence justement à faire celui du Jackets. De plus, les bières n’y sont pas chères. Foncez. 20, rue de Picardie - 75003

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Rentrée des nuits LE ZINZIN

Ouvert en mai dernier le Zinzin accueille tous les adeptes d’épicurisme sans limites et d’hédonisme prononcé. Un club agité qui fait l’apologie d’alcools en tous genres et promet un rude combat contre votre mauvaise humeur. S’y rendre uniquement pour boire un verre semble très difficile, bon courage. 4, rue Sainte-Beuve - 75006 LE GLASS

Celui-là, il est pour les amoureux du cocktail. Pas le vodka/redbull dosé à l’œil, non, là je vous parle de la boisson qui tient du domaine de l’art. Un exemple ? Le Tattoo You, composé de mezcal, de gingembre, de pamplemousse, de citron vert et de bière fumée. Ça a de la prestance, certes, mais il faut en payer le prix. Un bar « Pigallien » de choix pour un passage occasionnel, lorsque les finances suivent. 7, rue Frochot - 75009 L\INCONNU

Convivialité et hip-hop. Situé à deux pas du Rex, ce petit bar se démarque par son attitude. Sans prétention, tout le monde s’y connaît ou s’y reconnaît. Murs de pierre, canapés et dancefloor au sous-sol, il est une valeur sûre depuis son ouverture. Le son qui y passe est très souvent du hip-hop, que ce soit du old school ou du Rick Ross. 17, rue de Mazagran - 75010 LE COMPTOIR GENERAL

Placé en aparté des quais du canal Saint-Martin et trop souvent oublié, le proclamé « Ghetto Museum », sonne comme une ode à l’ouverture d’esprit ainsi qu’à l’abolition des frontières culturelles. Divisé en 8 quartiers distincts, on s’y rend généralement pour boire un verre avant de très vite se laisser charmer par l’endroit ainsi que par tous les trésors qui s’y trouvent. 80, quai de Jemmapes - 75010 LE NUBA

Depuis un moment déjà, concurrent tabou du Wanderlust, le Nuba a su progressivement et sagement se faire sa place dans la rude concurrence des terrasses parisiennes. Et une place de choix. Fort d’une programmation éclectique, on peut très bien y danser toute la nuit comme chiller en admirant la vue. Car oui, le Nuba est situé sur les docks de la Cité de la Mode et du Design. 36, quai d’Austerlitz - 75013

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philosophie ® MPK Ω LDD

Raphaël Enthoven La nuit et la Philosophie

Le clubbing actuel peut-il se concilier avec Cioran ? Platon craignait-il vraiment la nuit ? La philosophie des Lumières a-t-elle été un néon dans l’obscurité ? Faut-il lire Nietzsche avant de sortir en soirée ? Raphaël Enthoven apporte des éléments de réponse à ces questions futiles. Donc essentielles. Avant de sortir en soirée, quel philosophe conseilleriez-vous de lire à nos lecteurs ?

Le genre d’émotion que l’on va traquer quand on sort la nuit n’exige aucun aphorisme préalable. Ce serait malhonnête de dire « oui, lisez Nietzsche avant de sortir ! » Conduisez-vous en Nietzschéen si vous sortez, mais ne lisez pas Nietzsche avant de sortir ! On connaît l’image d’Épinal des philosophes ascètes reclus dans l’étude. Existe-t-il des philosophes débauchés et noctambules ?

Il y a en effet des philosophes fêtards et noceurs, la proportion de fêtards est la même chez les philosophes que chez le commun des mortels. Je n’aime bien évidemment pas l’image du philosophe réfugié dans sa tour d’ivoire qui mène une existence de reclus, mais le fait que le philosophe soit un fêtard n’est pas l’antidote à cette image-là. On peut complètement être reclus à la lumière du jour et sortir comme les loups, une fois la nuit tombée. On peut être un reclus noctambule. D’ailleurs, j’ai souvent observé que le noctambulisme est une forme de 13 —

mélancolie, et est propice à une certaine forme de réclusion intime. C’est aussi l’occasion que l’on a de discuter avec des gens dont on n’entend pas la réponse, à qui l’on manifeste les signes extérieurs de la discussion, mais à laquelle il manque le contenu puisque les sons ne passent pas. Donc c’est aussi une expérience de la réclusion, voire de l’exclusion. On peut donc tout à fait être en retrait de l’existence, et être noctambule. La nuit est aussi une tour d’ivoire, ou plutôt de jais. Pouvez-vous me citer un philosophe insomniaque ?

Le premier qui me vient à l’esprit, c’est Cioran. Cioran est devenu insomniaque quand il est arrivé dans la ville de Sibiu (en Transylvanie, ndlr), il avait à peu près 20 ans. Il passait ses journées à la bibliothèque, il dormait peu, et restait une bonne partie de ses nuits au bordel. Il rentrait au beau milieu de la nuit, comme ça, pétri de littérature classique du XVIIIème siècle. Une nuit, après être passé dans les bras de 2, 3, 4, 5 prostituées, sa mère l’a attendu et lui a dit « si j’avais su, je me serais faite avorter. » Cette phrase l’a privé de sommeil. L’idée que 2 aiguilles à tricoter auraient pu décider de son sort l’a complètement rendu insomniaque. Cela lui a révélé à la fois la contingence absolue de son existence, et lui a permis aussi de comprendre que ce n’est pas parce que son existence est un hasard extravagant, qu’elle n’en est pas nécessaire. En cessant de dormir, il a appris que l’aube n’est Nuit


Raphaël Enthoven

“Sans doute pouvonsnous déduire avec Cioran que le propre de la nuit, ce n’est pas l’obscurité. La nuit relève plutôt d’une disposition de l’esprit, d’un rapport au monde.” 14 —

un recommencement que pour celui qui dort. De ce point de vue, l’insomnie de Cioran a ceci d’intéressant : elle permet de penser le passage insensible de la nuit au jour, et du jour à la nuit, et leur indifférenciation. Du coup, la lecture de Cioran me fait penser aux gens qui font tellement la fête, qu’au fond ils finissent par avoir une vie normale. C’est-à-dire qu’ils commencent à sortir de plus en plus tard, et finalement, ils ne se mettent plus qu’à sortir le matin, et c’est un matin qui a valeur de nuit. Et comme ils font la fête toute la journée, le soir ils se couchent. Le véritable noctambule est celui qui sort à 9h du matin pour se coucher à 21h… Le clubbing de journée est une réelle tendance actuelle…

En illustration de cette tendance, Cioran nous apprend à penser le syndrome du jour noir, en opposition à la nuit blanche. Sans doute pouvonsnous déduire avec lui que le propre de la nuit, ce n’est pas l’obscurité. La nuit relève plutôt d’une disposition de l’esprit, d’un rapport au monde. Si l’on admet que la philosophie dialectique et rationnelle est née en Grèce antique avec Platon, la nuit et son cortège d’illusions n’a-t-elle pas d’emblée représenté une menace pour le logos ?

Complètement. Platon, c’est l’introduction de la rationalité dans la nuit, dans l’indistinction des rapports humains, dans un relativisme qui nous prive de croire en la rationalité. La nuit est la métaphore de tout ce qu’il faut combattre, éliminer, éradiquer… Il faut lui substituer la clarté sans ombre, le soleil de la vérité… On retrouve par ailleurs cette métaphore négative de la nuit dans l’Allégorie de la Caverne…

Tout à fait. Le propre d’une lumière de nuit, c’est qu’elle est artificielle. Or le feu dans la caverne est lui-même artificiel, c’est une lanterne que l’on prend pour une vessie céleste. Le dispositif impose Nuit


Raphaël Enthoven à la lumière d’être artificielle lorsqu’elle est nocturne. À cela, il faut donc substituer une lumière qui n’est pas un artifice. Tout une tradition de la pensée issue de Platon et qui associe la rationalité à la clarté du jour, lutte contre la nuit, contre les fantômes, l’étrangeté, l’altérité, l’incertitude… La nuit est une figure de l’étrange, et cela va avec une philosophie de la vision chez Platon. Puisque chez lui, ce sont les yeux de l’esprit qui voient, bien que ce ne soit qu’une conversion du regard physique. Toute philosophie du regard entend dissiper l’obscurité. Idem pour Leibniz : il faut y voir clair et l’ambition d’y voir clair se fait aux dépens de la nuit. Et il faut toute une catégorie de philosophes qui brouille les repères entre la clarté et l’obscurité, qui va d’Épicure à Parménide, d’Héraclite à Nietzsche, pour assumer la nuit comme une métaphore féconde. Sans effet de style, comment s’est symboliquement accommodée la nuit avec la philosophie des Lumières ?

Pour les Lumières, le simple fait de se désigner comme « Lumineux » signifie l’ambition de remplacer la nuit par la lumière. Mais également d’assumer les ombres que crée la lumière, car sans lumière, il n’y a pas d’ombre. La grandeur des Lumières n’est pas dans sa clarté, mais dans les ombres nouvelles qu’elles font apparaître en éclairant des objets qui jusque là étaient restés dans la nuit. Les Lumières vont donc remplacer la nuit par l’ombre, et il y a une vraie valeur ajoutée dans ce remplacement. Leur vertu est de renoncer de séparer la lumière de l’ombre. L’absence de dogmatisme est là : considérer que chaque parole qu’on prononce est elle-même l’ombre portée d’une vision du monde ou d’un discours.

victoire de la nuit, c’est surtout que l’on est sorti de la moraline, du dualisme moral. On est sorti d’une représentation morale des choses qui s’accommodait parfaitement de la distinction manichéenne du jour et de la nuit. Voir le monde en noir et blanc… C’est un coup de génie de Nietzsche d’avoir repéré une intention morale sous l’ontologie platonicienne. Platon ne parlait pas seulement de vérité et de mensonge, mais de bien et de mal. Cette idée nietzschéenne de faire la généalogie d’une ontologie, montrait que derrière un discours sur l’être il y avait avant tout un intention morale. Raphaël Enthoven, la nuit est-elle un sujet beaucoup traité en philosophie ?

La nuit comme telle, non. Par contre, c’est une métaphore récurrente : la nuit de la raison, le monde diurne et nocturne, etc… Cette métaphore a été raffinée à la seconde où l’on est passé d’une altérité totale et manichéenne à l’altérité diffuse d’une nuit que la lune éclaire… La nuit n’est dès lors plus une altération, une diminution. Elle est au contraire la suppression d’un voile qui produit un changement qualitatif et qui permet un autre rapport avec autrui.

Le Gai Savoir Sur France Culture tous les dimanches à 16h

À partir de quand la nuit a-t-elle trouvé sa puissance

affirmative ?

Philosophie

La sortie de ce paradigme date réellement du XIXe siècle, avec Nietzsche. Ce n’est pas tant une

Sur Arte tous les dimanches à 13h

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Cinéma ® Pierig Leray Ω DR

Y’a quoi au ciné ? 1 mois, 4 films, 4 avis.

White House Down de Roland Emmerich — 2 bonbons

Le problème ? On ne les a pas vus.

Un péché mignon et carrément malsain, mais un bon Emmerich dans la gueule avec fête de l’indépendance et drapeau étoilé dans le vent, ça nous ferait presque aimer le Dr Pepper. Cette putain d’Amérique, elle en a gros dans le froc et le duo Tatum-Foxx va en foutre plus d’un au tapis. Une bonne demi-molle.

Critiques abusives et totalement infondées des meilleurs/pires films du mois à venir.

≥ Sortie le 4 septembre Ma vie avec Liberace de Steven Soderbergh — 5 bonbons

Somptueuse histoire d’amour dans un Soderbergh (son dernier ?) terriblement touchant, une humilité et une sagesse de mise en scène déroutante face à cet amas de bling-bling kitch de mauvais goût. Un thème certes en vogue mais qui ne joue pas la carte attendue de la bien-pensance et qui, à l’inverse, raconte une histoire unisexe. ≥ Sortie le 18 septembre Blue Jasmine de Woody Allen — 1 bonbon

Mais aussi : No Pain No Gain de M. Bay le 11

Je n’en peux plus de ce sur-coté de Woody Allen qui nous sert sa même soupe rance d’office du tourisme (Paris, Rome) et qui enchaîne désormais avec une métaphore bulldozer sortie de la tête d’un gamin de 10 ans, « l’argent ne fait pas le bonheur » : une riche qui devient pauvre, la société est perverse. La vieillesse, c’est moche.

Bay retourne aux sources de Man on Fire pour un plaisir coupable (4 bonbons),

≥ Sortie le 25 septembre

Gibraltar de J. Leclercq le 11

On dépose les neurones, on éteint sa conscience intellectuelle et on devient l’animal qui bave, une bête sauvage qui jouit devant ce massacre sanguinolent du chicanos balafré. Machete est bien de retour, et Rodriguez dans toute sa splendeur, manie l’ironie, le second degré et l’autodérision comme personne, dans une boucherie de plaisir.

septembre,

septembre, une

daube française et première faute de goût de Tahar Rahim, (0 bonbon) et Rid-

dick de D. Twohy le 18 septembre,

Vin Diesel dans un navet, rien de surprenant (0 bonbon).

Machete Kills de Robert Rodriguez — 5 bonbons

≥ Sortie le 2 octobre

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cinéma ® Mirah Houdon Ω Scary Movie

Lindsay Lohan La remontée du Canyon

Le thriller tant attendu The Canyons écrit par l’écrivain américain culte Bret Easton Ellis, et présenté ce mois-ci à la Mostra de Venise permettra-t-il à la starlette américaine en perdition Lindsay Lohan de remonter la pente ? Cela suffira-t-il pour que cette actrice douée mais paumée ne rejoigne pas le club des 27 ? Suspense.

« La vie de cinq jeunes adultes en quête de pouvoir, d’amour, de sexe et de succès. » Des paysages somptueux, une rousse sexy, un acteur porno, des sonorités dubstep… Le trailer officiel du prometteur The Canyons, écrit par Bret Easton Ellis (American Psycho, Les Lois de l’attraction, Moins que zéro…), a de quoi séduire. Prochainement sur les écrans en France (mais aucune date n’est encore avancée), il devrait permettre à l’actrice à problèmes Lindsay Lohan, âgée de 27 ans (le chiffre maudit), de faire oublier ses démons pour rappeler à tout le monde qu’elle sait jouer. Sanglant, violent et comportant des scènes de sexe très crues, le film donne en effet le premier rôle féminin à Lilo, ex-enfant chérie de l’Amérique actuellement en rehab, qui a surtout écumé la rubrique faits divers pendant des années pour conduite en état d’ivresse, accident et addictions en tous genres… Réalisé par Paul Schrader, scénariste de Taxi Driver et Raging Bull, le film a vu son budget réduit à 250 000 dollars car aucun distributeur n’a voulu investir dans un projet ayant pour acteurs une star 18 —

du X et une comédienne pas fiable. Un article du New York Times sur le film parle de lui-même : « Voici ce qui se passe quand vous choisissez Lindsay Lohan pour votre film », décriant un véritable cauchemar. Le réalisateur a même ouvertement critiqué son actrice principale dans le magazine Film Comment : « Retards, crises de colères, absences, exigences, psychodrame (…) elle croit devoir ressentir ce qu’elle joue, ce qui conduit à des troubles émotionnels sans évoquer les retards et les mélodrames. » ou encore « Je pense que Lindsay Lohan a naturellement plus de talent que Marylin Monroe, mais comme Monroe, sa faiblesse est qu’elle ne peut pas simuler. » Effet miroir

Le long-métrage, qui nous plonge au cœur de la jeunesse dorée et paumée de Hollywood, fascine d’entrée de jeu par son histoire, vertigineuse mise en abîme de la vie de son héroïne : Lindsay Lohan est à elle toute seule le symbole de la génération de stars dépravées de Los Angeles, l’incarnation des paradis perdus. L’ex-star de Disney ne cesse de descendre une pente dangereuse, de rehab en chirurgie plastique, à l’instar de ce Canyons sulfureux. Le pitch plus vrai que nature ? Christian (joué par l’acteur porno beau comme un dieu James Deen, adulé par des milliers de jeunes filles pour son côté fleur bleue), se lance dans la réalisation d’un film d’horreur pour montrer à son père qu’il peut faire quelque chose de sa vie. Il sort d’une relation d’un Nuit


an avec Tara (Lindsay), une jeune fille qui rêve de devenir star et enchaîne les conquêtes avant d’être recrutée par le très dérangé Christian, pour son film. Christian embauche aussi une autre fille, qui est aussi son ex, Gina, chargée du casting. Cette dernière donne le premier rôle à son petit-ami du moment, Ryan, qui a aussi été l’amant de Tara. Alors, quand tous se croisent sur les plateaux de tournage, ça dégénère. « Je voudrais garder quelques parties de ma vie privée », susurre le personnage (trop maquillé et botoxé) de Tara dans le trailer. C’est peut-être bien trop tard pour la lolita qui avait le monde devant elle avec des comédies bien ficelées comme À nous quatre (1996), Freaky Friday (2003), et Lolita malgré moi (2004). La starlette a en effet accepté la proposition de la présentatrice star Oprah Winfrey, d’être filmée pour 19 —

raconter sa vie moyennant 2 millions de dollars (soit deux fois plus que ce qu’elle avait touché pour poser nue dans Playboy). Cela signifie que la reine du talk-show pourra interviewer la rouquine pendant 4 mois pour un documentaire/confession en 8 parties sur la vie tumultueuse et la luttre contre la drogue de la comédienne-chanteuse. Diffusé sur OWN (Oprah Winfrey Network) en 2014, on espère qu’il ne le sera pas à titre posthume.

The Canyons de Paul Schrader présenté à la Mostra de Venise du 28 août au 7 septembre. Sortie en France pas encore annoncée à l’heure où l’article est écrit

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musique ® Sophie Rosemont Ω Andy

Knowles

Franz Ferdinand Boy Power !

Ils présentent aussi bien qu’ils jouent : les cultissimes Franz Ferdinand sont de retour en grande

table envie de tout nous réapproprier, de tout donner. Et si ça s’entend, tant mieux !

forme avec une nouvelle usine à tubes. (Right) Action !

Écosse, Londres, Stockholm, Oslo… Il a été enregistré un peu partout, ce disque. La bougeotte ?

Quatre garçons dans le vent : Alex Kapranos, Nick McCarthy, Bob Hardy et Paul Thomson. Quatre Écossais très cultivés (trop pour un groupe de rock, leur a-t-on souvent reproché), à la répartie aisée et à l’énergie scénique décoiffante. Quatre musiciens qui avaient tout cassé avec leur premier album éponyme sorti en 2004. Les suivants avaient beau être honorables, on n’arrivait pas à y retrouver ce souffle assez démentiel qui animait leurs tubes Dark Of The Matinee ou Take Me Out. Il aura fallu attendre cette rentrée 2013 et ce quatrième album, le sémillant Right Thoughts, Right Words, Right Action. Rencontre avec le crooner Alex Kapranos et le guitariste Nick McCarthy – deux parfaits gentlemen.

A.K. : La majeure partie de l’album a été écrite puis mise en boîte en Écosse, à Black Pudding, mon studio. Nous ne sommes pas du genre à oublier nos racines. Nous sommes aussi passés par le studio de Nick à Londres. D’autant plus qu’il y avait Alexis Taylor et Joe Goddard de Hot Chip, et que nous les voulions absolument sur l’album. Travailler avec des gens que l’on admire, c’est une source d’inspiration comme une autre… Finalement, tout est question de choix humains et non géographiques. Par exemple, Bjorn Yttling (du groupe suédois Peter, Bjorn & John, ndlr) est un si bon producteur qu’il valait le détour en Suède. N.McC. : Cela tombait bien, il faut l’avouer : nous adorons la Suède. Les Scandinaves sont des gens de très bon goût.

Parlons peu, parlons bien : ce disque est si up tempo et généreux qu’on pourrait penser que c’est un pre-

À ce propos, le visuel de votre album témoigne lui

mier album…

aussi d’un goût plutôt sûr… L’image compte toujours

Alex Kapranos : C’est certain, il est beaucoup plus chaud que le précédent. Nous n’allons pas dire le contraire. Rien que son titre reflète cette énergie. En quelques mots, en quelques gestes, tu peux résoudre tous les problèmes, ou presque. Nick McCarthy : Nous étions titillés par une véri-

autant pour vous ?

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N.McC : Absolument, c’est un média comme un autre. Les couleurs de nos disques doivent traduire notre musique sans qu’on y retrouve la même chose qu’ailleurs. Le rose et le noir sont toujours abordés dans la mode, mais ne sont pas Nuit


Franz Ferdinand très recherchés du côté des pochettes d’album actuelles. Nous y avons tous participé activement, avec le sentiment de laisser chacun une trace, une direction. Paul a même fait le lettrage à la main !

avons adoré être ensemble. N.McC. : Se prendre pour une rock star, je ne vois pas bien l’intérêt… Hormis de se laisser embourber dans sa propre vanité.

Vous parlez de mode… Vous devez y être particuliè-

Alex, vous êtes la voix d’un documentaire consacré à

rement sensibles, puisque vous avez enregistré pour

l’icône du rock indé écossais Edwyn Collins, et vous

la maison Dior un titre chanté par Marion Cotillard,

avez participé avec Nick à l’élaboration de Losing

The Eyes Of Mars (2010) ?

Sleep (2010), l’album de son grand retour. J’imagine

A.K. : Il y a eu plusieurs raisons : nous aimons la mode, nous aimons Dior, Marion est une actrice plutôt sympa… Et, surtout, il ne s’agissait pas de vendre bêtement une chanson, comme on nous l’a déjà proposé (et comme nous l’avions refusé), mais de participer à un projet collectif – créatif qui plus est.

que ce n’est pas uniquement par patriotisme ?

On retrouve la patte du songwriting de Franz Ferdinand : des paroles acérées, portant à la réflexion, et

A.K. : En effet ! Edwyn a eu une grande influence sur moi. Il joue parfaitement de la guitare, il est rempli de lumière et d’optimisme. Et il écrit merveilleusement bien, sans être avare de son vocabulaire. Contrairement à d’autres qui se contentent de clichés… Je ne citerai personne, mais ce serait bien que certains groupes comprennent que ce n’est pas parce qu’on fait du rock’n’roll qu’on doit raconter des choses sans intérêt !

une musique immédiate, sans détours…

A.K. : Je pense que c’est exactement l’effet que la musique doit produire sur les gens. Un simple riff ne me suffit pas : il m’en faut plus pour être fier de mon travail. Celui qui nous écoute doit avoir une réaction primaire, avec le sang qui circule plus vite dans ses veines. Il doit ressentir des émotions. J’essaie de faire ce genre de musique avec les paroles qui vont avec… même si nous ne pouvons jamais être sûrs de la réaction des autres !

Pour terminer, que représente la nuit pour vous ?

N.McC. : Elle est faite pour jouer de la musique sur scène, surexcités et en sueur, avant de nous écrouler d’un sommeil réparateur. A.K. : Car nous avons chacun nos petites habitudes journalières. Par exemple, j’aime faire du vélo et prendre des douches. Mes meilleures idées de chansons me viennent à ce moment-là. L’eau me donne l’impression de nettoyer mon cerveau…

Après avoir connu un succès fracassant avec votre premier opus, et avoir essuyé des critiques plus tièdes par la suite tout en continuant à enflammer le public lors de vos lives dont la réputation n’est plus à faire, comment avez-vous abordé ce nouveau disque ?

A.K. : Avec sérénité. Avec de l’enthousiasme. Celui-là, nous l’avions un peu perdu à un moment donné. Le succès peut faire perdre l’essence d’un groupe. Mais notre label nous a fait confiance et laissé tracer notre chemin, sans savoir trop ce qui se passait. Nous avons eu beaucoup de chance : nous avons adoré faire cet album parce que nous 22 —

Franz Ferdinand — Right Thoughts, Right Words, Right Action (Domino). http://www.franzferdinand.com

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http://camgirlproject.tumblr.com


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art ® Raphaël Breuil Ω Ulrike Ottinger & Roy Rowland

l’étrange festival cinéma déviant

L’étrange festival nous propose cette année une programmation plus qu’alléchante. Frédéric Temps, l’un de ses créateurs, revient sur les 20 ans de ce rendez-vous qui fait la part belle au productions undergrounds. Comment a débuté l’aventure ?

Nous étions deux journalistes de cinéma à la fin des années 80, début 90, mordus d’un cinéma de genre, qui, à l’époque de l’explosion de la VHS, était en passe d’être tué par ce nouveau support. Il était en effet beaucoup plus simple d’acheter une cassette à 50 balles et de la mater à 5 entre potes avec une pizza que de se déplacer en salles. Ce qui a fait que les distributeurs de l’époque hésitaient à sortir des films sur lesquels ils n’étaient pas sûrs d’avoir un retour sur investissement. Ce qui faisait que beaucoup de films que nous voyions dans des festivals ou alors en cassettes japonaises ne sortaient jamais au cinéma. À force de se répéter que c’était vraiment trop con, on s’est remonté les manches, et on a créé un festival spécialisé dans le film de genre. Au départ nous projetions les films au Passage du Nord Ouest rue Montmartre, devenu aujourd’hui le Théâtre du Nord Ouest ; ce lieu venait d’être récupéré par une association qui s’est depuis cassée un peu la gueule. C’était une salle de concert classique avec un bar sur le côté, une scène, on pouvait encore fumer à l’époque, prendre des consomma27 —

tions pendant le film, pas comme dans une salle de ciné classique. Comme notre programmation était un peu hors-norme, ils avaient fait une déco à base de caddies déstructurés, de meubles achetés chez Emaüss et de récupérations en tous genres. À l’époque, les gens l’appelaient l’Oasis cinématographique, on venait voir les films étranges dans un environnement étrange et inédit, ce sont les vraies raisons pour lesquelles nous avons appelé le festival l’Étrange Festival, contrairement à tout ce qu’on peut lire de vos confrères dans la presse depuis 15 ans. Faites passer le mot. Les moments inoubliables ?

L’actualité me fait automatiquement penser à une grande dame du cinéma français qui vient de disparaître, il s’agit de Bernadette Lafont. Elle a été une des premières à venir nous soutenir au Passage du Nord Ouest car nous avions réalisé une rétrospective d’un de ses ex-compagnons, Diourka Medveczky, qui avait fait avec elle dans les années 60 des films plutôt singuliers qui correspondaient tout à fait à notre programmation. C’était elle qui gérait les droits d’exploitation, elle était ravie de venir présenter les films, et ça ce fut un moment inoubliable. Après il y a moult moments dont je ne pourrai vous parler par manque de temps, en 20 ans vous imaginez. Je pourrais vous parler aussi de ma rencontre avec Norman Mailer, l’écrivain américain, plus essayiste que cinéaste, mais qui a Nuit


L’étrange festival tout de même une filmo incroyablement intéressante. Nous avons réussi non seulement à obtenir les copies de ses films qui sont très rares, mais en plus, il est venu lui-même présenter ses films au public pendant des heures, c’est également un moment que je n’oublierai jamais. Des regrets ?

Le vrai regret n’est pas artistique, nous n’avons jamais regretté nos choix, on a toujours fait ce qu’on voulait, ce qu’on aimait. La seule déception c’est vraiment qu’aujourd’hui, nous sommes reconnus comme un des meilleurs festivals au monde par la presse et nous ne bénéficions pas des budgets qui vont avec. Alors que si nous pouvions avoir ne serait-ce que la moitié du budget de Paris Cinéma alloué par la mairie de Paris, par exemple, nous pourrions vous faire le festival de Cannes de l’étrange. Aujourd’hui notre budget c’est deux paquets de cigarettes et un Mars.

peut avoir été inspiré par Renoir alors qu’il a un univers diamétralement opposé. En allant tout voir on voit les mélanges possibles entre deux genres qui à la base sont complètement différents. Et c’est génial de voir que le public d’Albert qui a en moyenne entre 18 et 30 ans, puisse découvrir des films absolument formidables qu’il n’aurait jamais vu autrement, du moins pas en salle. Et c’est ça l’Étrange Festival. La conclusion de ces 20 années ?

20 ans après, le constat de départ est toujours le même, il y a toujours de magnifiques films réalisés par des magnifiques réalisateurs, qui ne trouvent pas de distributeurs et à qui il faut rendre hommage. Malgré ce que certaines personnes peuvent dire, je vous confirme qu’il y a encore du talent. Quand une fleur meurt, une autre pousse après. Le festival a toujours sa raison d’être et j’espère que ça va continuer encore longtemps. Il n’y a pas de raisons...

L’édition 2013 accueillera cette année Albert Dupontel pour une carte blanche. Racontez-nous votre rencontre.

Alors ça fait des années qu’avec Albert on se court après pour bosser ensemble mais c’est un homme très occupé. Cette année on a eu de la chance, il vient de terminer son dernier film (9 mois ferme) et est en pleine promo, donc disponible, et à Paris. Je m’attendais évidemment à des choix hautement cinéphiles de sa part, Albert étant quelqu’un de très cultivé et passionné de cinéma. Mais ce qui est le plus intéressant, c’est qu’il bénéficie d’un capital sympathie énorme auprès du public depuis Bernie qui est encore aujourd’hui considéré comme un film culte. Je trouvais intéressant, et c’est souvent le cas dans une carte blanche, de montrer des films plus classiques, que nous n’aurions pas diffusés de nous-même car ils ne correspondent pas forcément à la ligne éditoriale, mais qui ont inspiré Albert et qui ont fait de lui le cinéaste qu’il est aujourd’hui. Et c’est super de voir qu’un cinéaste 28 —

L’Étrange Festival Du 5 au 15 septembre Forum des images, 2 rue du Cinéma 75001 Paris http://www.etrangefestival.com

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Scènes/sorties ® Propos recueillis par Violaine Schütz Ω DR

SophieMarie Larrouy L’autoportrait proustien

Comédienne et humoriste, Sophie-Marie s’amuse

La dernière fois que vous avez pleuré ?

dans son one-woman-show, Sapin le jour, Ogre la

Il y a dix minutes, mais je sais pas si c’est parce que a/ les gens me contrarient en ce moment ; b/ je suis trop sensible ; c/ j’ai un problème de thyroïde.

nuit et fait rire les gens aux éclats. Repérée sur Canal+ et dans le personnage hilarant de Vaness La Bomba, SML raconte avoir « grandi à l’est, d’abord dans la forêt puis dans des 205 GTI, avant de venir

Votre film culte ?

à Paris » (mais personne ne sait pourquoi). Elle

J’ai honte un peu mais c’est toujours le même : Stealing Beauty de Bertolucci avec Liv Tyler.

défendra toujours Johnny Hallyday, supporte mal les pieds des gens et imite super bien les animaux, surtout les lions. On lui a soumis le questionnaire de

Votre écrivain favori ?

Proust, pour en savoir un peu plus sur elle.

Un seul !? Impossible ! David Sedaris, Paul Auster et Flaubert. Entre autres.

Le principal trait de votre caractère ?

Je suis gentille mais pas patiente.

Votre livre de chevet ?

Comment on se marie de Zola. La qualité que vous préférez chez un homme ?

Qu’il ait de grands yeux écartés, c’est signe d’intelligence.

Votre héros ou héroïne dans la vie ?

Et chez une femme ?

Et la figure historique que vous admirez ?

Qu’elle ne me parle pas de cupcakes.

La princesse Eugène et les vikings.

Le bonheur parfait, selon vous ?

Votre héros de fiction ?

Une maison avec du carrelage à damiers.

Shrek. Il a une sacrée volonté.

Où et à quel moment de votre vie avez-vous été le

Votre musicien préféré ?

plus heureuse ?

Il y en a 7 000, mais il y en a un qui restera toute la vie : Johnny !

Quand j’ai l’impression d’avoir tout compris. Mais après j’oublie et le bazar recommence… 30 —

Ma petite maman.

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Votre boisson préférée ?

Quel serait votre plus grand malheur ?

La grenadine avec pas trop de grenadine.

De ne plus être contente quand c’est le matin.

Que possédez-vous de plus cher ?

Et votre plus grande peur ?

Mon dictionnaire des synonymes et mon groupe de rap-oiseaux. Ce sont des hirondelles en porcelaine, ils sont quatre : Cheezy, Philly, Brian et Jean, le manager.

De ne plus jamais être amoureuse.

Les fautes pour lesquelles vous avez le plus d’indul-

Qu’avez-vous réussi de mieux dans votre vie ?

gence ?

Ge sépa tou le monde peu fère des fotes sa arive.

Je crois que je suis une bonne personne et ça c’est un travail quotidien. Sinon je fais hyper bien la blanquette.

Qui détestez-vous vraiment ?

Votre devise ?

Celle qui est censée être morte dans la série Pretty Little Liars alors qu’en fait non.

On s’en fout, on les emmerde.

Votre plus grand regret ?

Je n’ai pas été assez gentille avec moi.

Sapin le jour, Ogre la nuit — Au trois bornes Si vous deviez changer une chose dans votre appa-

Les dimanches et lundis à 20h15.

rence physique ?

32 rue des trois bornes 75011 Paris

Mes mains, ou mon nez. 31 —

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littérature ® Propos recueillis par MPK Ω Yentel Sanstitre

les nuits d’

ANDY VéROL Usine en surchauffe, styliste hors-pair, Andy Vérol

Comment as-tu découvert la nuit ? Tu te rappelles de

tronçonne sec : sa prose suinte, saigne, siffle, upper-

tes premières sorties ?

cut, revolver… L’un des écrivains les plus doués de

Je passerai sur ma période punk durant l’adolescence, et je vais droit sur l’année 1991-1992 où je pars à ma première « rave party » avec deux potes revenus de Londres, déguisés en médecin fou et en robot. Avec un autre gars avec qui j’avais fait « punk de contrefaçon » en banlieue, on se retrouve en pleine nuit, à passer un mur en béton défoncé, et à rejoindre une des premières raves en France, sous un embranchement d’autoroute. Gros son, mélange de types bourgeois branchés, d’ex-skins, d’ex-punks, de néo-hippies et de barjots, tous sous alcool, acides, extas, splifs… Je n’ai plus quitté ce milieu pendant quatre ans. Parallèlement, j’étais chroniqueur de musiques non-conventionnelles, industrielles, et autres. Je traînais donc dans des concerts où des mecs s’explosaient la gueule dans des plats de pâtes végétaliennes sauce tomate avec des microcontacts scotchés dans la bouche, des faux Elvis avec la bite enrubannée dans du papier d’alu et des producteurs de bruit blanc qui faisaient griller les amplis des Établissements Phonographiques de l’Est Mortel. Après ça, tout devient fadasse.

sa génération nous parle de ses nuits. Quelle est pour toi la production artistique (film ou bouquin ou peinture ou livre) qui incarne le mieux la nuit ? Pourquoi ?

La collection Soul Fiction des éditions de l’Olivier incarne totalement la nuit avec des auteurs comme Iceberg Slim, George P. Pelecanos, Charles Perry (Portrait d’un jeune homme qui se noie, sublime), etc… Mais aussi les éditions 13e Note, actuellement, qui te balancent des purs moments littéraires symbolisant, décrivant et restituant la nuit et son foisonnement… Quel est le passage de ton dernier livre, Seconde Chance, qui a été le plus inspiré par la nuit ?

Trésor, le personnage qui est l’obsession du narrateur, est un mec de la nuit, un traînard des nuits pseudo-underground. Il représente les nuit parisiennes telles qu’elles sont devenues : quelque chose en déclin avec encore quelques points de crépitement. Mais sans fric, et si tu n’es pas « branchouille », jeune, accompagné d’une jolie pintade, il n’y a plus grand-chose à découvrir… Ce Trésor vit une chimère, une extension des nuits de Paname des années 70-90.

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Qui sont tes partenaires de débauche ?

Je suis un solitaire, assez peu « homme de bande ». En fait, depuis deux – trois ans, je « débauche » pas mal avec l’artiste Yentel Sanstitre. Nous avons Nuit


Andy Vérol

“Le pire des cocktails c’est le « PTB » : pintes/ téquilas/ baise. T’enfiler 7-8 pintes de bière puis 2-3 shots de tequila frappée (Là, tu gerbes direct), puis tu tentes de baiser… L’horreur.”

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la même approche de la nuit et de ses dilatations spatio-temporelles. On aimerait que tu nous racontes en détail la dernière fois où tu es rentré à 4 pattes chez toi. C’était où, quand, comment ?

C’était au lancement de la revue Freakwave n°4 dans laquelle j’écris des textes courts aux côtés d’autres artistes en marge, déjantés ou/et marginalisés. Ils avaient fait le choix du « tout vodka », mais il n’y avait pas que ça au Musée de l’Érotisme où ça se déroulait. Il y avait du whisky, du rhum et toutes autres formes de désagréments alcooliques. Après une soirée d’open bar, on est allé dans un bar dans le quartier de Pigalle… Puis j’ai croisé des mecs dans ce bar, puis j’ai fait d’autres bars avec d’autres mecs rencontrés… Jusqu’à ce que je finisse au Carolus avec un pote de Daniel Darc qui venait de décéder quelques semaines plus tôt. Au petit matin, je n’étais pas à quatre pattes, j’étais en mode carpette. Qui est ton meilleur ami barman ?

Généralement, c’est l’épicier indo-pakistanais en bas de chez moi. Les afters, plutôt petit comité en appart’ ou bacchanales dans un club ?

Petit comité en appart, une console avec des jeux de baston et musique électro d’aquarium en sourdine. L’instant pub : tes 3 adresses préférées pour sortir à Paris la nuit.

Il n’y a pas plus ringard qu’un quadragénaire (défectueux en plus) qui sort à Paris. Au mieux, il entre dans n’importe quelle boîte et devient le dinosaure des années 90 qui tente une échappée moche dans les lieux « branchouilles ». J’ai une adresse où j’aimerais aller, mais ça n’est pas possible : dans les appartements de Napoléon III au Louvres avec un set de house filtrée. Mais concerNuit


Andy Vérol nant les lieux actuels, j’aime là où on propose des choses exigeantes, pas des concepts à la con. Ou alors si tu as un concept, qu’il y ait au moins de la qualité derrière ! J’aimais les squats, il n’y en a plus de dignes de ce nom. Le Batofar, c’est mon truc. Le Point éphémère est un lieu incontournable aussi. Les événements sur des bateaux/péniches, j’aime ça. Une défonce agrémentée d’un « mal de fleuve », c’est magique ! Es-tu insomniaque ?

Insomniaque, ça me fait penser à une maladie mentale de type virale. Tout le monde semble atteint de ça. La société des pousseurs de caddie a du mal à dormir ! Me concernant, je n’ai pas besoin de plus de 4 à 7 heures par nuit (ou matin), tout dépend de la saison. Je suis le genre de mec à fermer les yeux et à m’endormir. Ça sent les soucis, l’insomnie.

qu’il était le réceptacle des attitudes interlopes des clients la nuit, mais parfois, au détour d’une conversation, d’une ivresse trop poussée, il sautait certaines clientes dans la remise. S’il y a une salle, un club ou un bar où tu ne foutras plus jamais les pieds, c’est lequel ?

Je déteste les grandes salles de concert. Les festivals avec 20 000 blancs en extase devant 3-4 musicos blacks ou 2-3 gonzesses hystéro-faussesrebelles, ça me gonfle pas mal aussi. Le cocktail que tu ne boiras plus jamais ?

Le pire des cocktails c’est le « PTB » : pintes/ téquilas/baise. T’enfiler 7-8 pintes de bière puis 2-3 shots de tequila frappée (là, tu gerbes direct), puis tu tentes de baiser… L’horreur. Le truc que tu fais quand tu « débutes » dans la défonce, que tu reproduis plusieurs fois pour être sûr que c’est juste lamentable, honteux et douloureux.

Ton lit est-il ton deuxième bureau ?

Oui carrément ! Le premier bureau étant un canapé pourri sur lequel j’écris aussi. Mais le lit, c’est le meilleur. Je pense que je mettrai l’ensemble de mes droits d’auteur dans un nouveau matelas et des parures kitch de lit. Je passe parfois des journées dans le pieu, avec l’ordinateur, des cafés à gogo, des bouquins partout, un gros casque pour le son. Tu te fais un lieu de travail et une communauté à toi tout seul sur un territoire confort comme ça ! Je suis un épicurien nécessiteux, c’est donc là, entre couette et drap-housse, perclus d’acariens, de peaux mortes et de liquides corporels que tout se joue pour un Occidental moderne qui n’a plus que les écrans et les sacs de course pour exister socialement.

Ta technique contre la gueule de bois ?

Arrêter de boire… Acheter en ligne Seconde Chance, son dernier roman : http://lamatierenoire.net/boutique/ collection-the-dark-matters/seconde-chanceandy-verol Edition collector en papier à venir. — Pour la rentrée, sortie des Derniers cow-boys français , toujours achetable en ligne sur le site des éditions de la Matière Noire. — Aux éditions L’Ivre-Book, sortie prévue en septembre-octobre du second tome Les SurIntégrales d’Andy Vérol .

Parmi les métiers de nuit, quel est celui qui t’intrigue

le plus ? Pourquoi ?

Toutes ses actus, extraits gratuits et autres haillons

Veilleur de nuit en hôtel, c’est incroyable. J’ai parlé à un type qui faisait ça. Il vivait une existence de moine baiseur. C’est-à-dire que c’était morne,

sont diffusés son blog :

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http://andy-verol.blogspot.com

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Tendance ® Mirah Houdon Ω The flowers of romance de PiL

Le punk au musée Après l’expo punk du MET Museum à New-York, la Cité de la musique en organise une à Paris dès le 19 octobre. Intitulée Europunk, elle fera se croiser fondateurs du mouvement (PiL, Buzzcocks) et héritiers (Kap Bambino, Cheveu). Et si cette consécration signait la fin de la contre-culture ? Contradictions

Il y a une certaine ironie à faire rentrer le punk au musée. Tout comme le voir à la mode dans toutes les collections haute-couture de l’hiver à prix d’or. Mouvement culturel contestataire apparu au milieu des années 70 de façon spontanée, il a émergé en rupture avec tout establishment. Rébellion sans cause apparente menée par une génération désillusionnée, et réfractaire aux hippies, le punk veut faire table rase du passé et des valeurs bourgeoises. Le mot anglais « punk », signifie d’ailleurs « sans valeur ». D’où la sensation étrange que l’on ressent quand on voit combien la mode de cet hiver en reprend les codes sans les fondamentaux. Les bottes Hedi Slimane pour Saint Laurent à clous et breloques coûtent plus de 5000 euros, là où se vêtir de t-shirts troués et d’épingles à nourrice revient normalement à presque rien. Les jeunes générations ignorent sans doute presque tout de que cet anti-conformisme signifiait, avant qu’il ne meure dans les limbes de la « tendance » et de l’institution. T-shirts Sex Pistols vendus en boutiques de prêt-à-porter, 36 —

épingles à nourrice utilisées en bijoux, coupes de cheveux extrêmes et colorées arborées par des topmodels, piercing, tatouages et têtes de mort un peu partout, le punk pauvre s’est mué en « punk chic », recyclage commercial de ce qui en 77 venait de la rue. Il faut dire que Malcolm McLaren, le manager des Sex Pistols avait brouillé les pistes avec sa très controversée boutique Sex créée avec la styliste Vivienne Westwood. Le couple vendait des tenues punk à tout le monde et habillait le groupe, imposant l’esthétique qu’on connaît aujourd’hui. Philosophie de vie

Contrairement aux idées reçues, les punk n’étaient pas des débiles accros seulement à la mode. Le punk est influencé par le cynisme, philosophie de la Grèce antique fondée par Antisthène, et connue surtout pour les propos (et actes) subversifs de son disciple célèbre, Diogène. Ce dernier, surnommé « le chien », aboyait et se masturbait en public. Cette école contestataire renversait les valeurs dominantes en prônant la désinvolture et la liberté radicale face aux puissants de l’Antiquité. Les gestes provocateurs contre la morale et la culture du mouvement punk lui doivent beaucoup. Le punk est notamment proche du nihilisme, du situationnisme, du dadaïsme, de l’anarchisme et de la culture alternative (antimilitarisme, végétarisme…). Tout mouvement animé par un esprit de contestation marche sur les pas du punk. Il Nuit


s’agit avant tout pour ceux qui y croient de vivre autrement et de façon plus autonome. Tout un programme. Une musique riche

Pauvre en accords, la musique punk est pourtant dense en quantité. Comme on le croit souvent, elle ne se limitait pas aux Sex Pistols. Aux ÉtatsUnis, les Ramones ont posé, dès 74, les bases. Au Royaume-Uni, le premier groupe punk ayant sorti un disque fut The Damned avec un single datant de l’été 1976. On compte aussi parmi les groupes punk : The Clash, The Germs, Stiff Little Fingers, Buzzcocks, X-Ray Spex, The Saints…et beaucoup de nouveaux groupes qui aujourd’hui reprennent leur esprit de déconstruction et leur rapidité rythmique. Les paroles des groupes punk 37 —

séminaux parlaient aussi de choses importantes comme la politique et le social, notamment du chômage et du sexe (de façon très crue). Et s’il se voulait destructeur, le courant punk est aussi synonyme d’ énergie, de nouveauté et de créativité. Labels indépendants, do it yourself, fanzines, squats, beaucoup de (bonnes) choses ont émané de ce mouvement.

Europunk, une révolution artistique Exposition au Musée de la musique Cité de la musique de Paris Du mardi 15 octobre au dimanche 19 janvier 2014 www.cite-musique.fr

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humour ® Propos recueillis par Violaine Schütz Ω Valérie Archeno

Océane Rose Marie Tout sauf invisible

Chanteuse, chroniqueuse, humoriste, Océane, aussi

Qu’as-tu fait de ton été ?

connue sous le nom d’Oshen, a fait le buzz avec son

J’ai en partie crevé de chaud à Paris et la nuit je matais des hôtels 5 étoiles au bord de la mer sur booking.com (mon site préféré) où rien que sur les photos tu sens que la clim est hyper puissante. J’ai pas mal kiffé quoi.

one-woman-show La Lesbienne Invisible. À la rentrée programme chargé pour elle, avec des chroniques sur France Inter, une BD tirée de son spectacle, un DVD, et d’autres surprises. Le moment de lui demander de parler d’elle à travers ses nuits et de se rendre compte qu’elle est drôle dans la vie aussi. Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaîtraient pas encore ?

Je tiens d’abord à dire que je pardonne tous ceux qui ne me connaissent pas encore. J’ai quand même créé un one-woman-show qui s’appelle La Lesbienne Invisible donc faut pas venir chialer après quand on ne me reconnaît pas à la pharmacie. Le pire truc de la célébrité tu sais, c’est quand on te reconnaît à la pharmacie alors et que t’es en train de négocier une dose de Monuril sans ordonnance ou une crème pour les hémorroïdes, même si moi bien sûr ça ne m’est jamais arrivé. En pharmacie je n’achète que des crèmes Nuxe beauté, soit Merveilliance soit Luxuriance soit Magnifiance soit Prodigiance. Je sais que tu ne m’as pas demandé quelles crèmes de beauté j’utilise mais comme on ne me le me demande jamais dans mes interviews pour la presse féminine parce que les journalistes de féminins ont toujours peur que les lesbiennes ne mettent pas de crème et qu’elles veulent pas faire de gaffes, bah j’en profite. 39 —

Quels sont tes projets de la rentrée ?

Je vais faire la promo de ma BD (adaptation de mon spectacle) dessinée par la talentueuse Sandrine Revel qui sort le 2 octobre chez Delcourt. Je reprends mes chroniques hebdomadaires sur Inter (dans On Va Tous Y Passer animée par Frédéric Lopez), je finis l’écriture de mon scénario (une comédie romantique lesbienne comme vous n’en avez jamais vu) et mes producteurs (Nolita Cinema) commencent à chercher les financements. Je vais aussi faire la promo du DVD du spectacle qu’on a tourné en mars à la Cigale et qui sort mi-novembre, je prépare ma der des der de La Lesbienne Invisible à Paris à l’Alhambra le 16 décembre (je voudrais faire une entrée en hélico pour fêter ça mais mes producteurs n’ont pas l’air d’accord alors j’essaye de négocier un poney). Je prépare mon nouveau spectacle de théâtre musical qui s’appelle Femmes de pouvoir, pouvoirs de femmes dans lequel je mélange des textes de femmes que j’admire (Marina Tsvetaieva, Jeannette Winterson, Virginie Despentes et j’en passe) et mes chansons (celles de mon dernier album qui s’appelle La Nuit


Océane Rose Marie

“Je suis pas Zorro, je fais comme tout le monde.”

sûre que c’était des chips et qu’en plus je trouvais ça délicieux ? Et je précise que je ne me drogue jamais, j’étais juste très fatiguée. Où sors-tu ?

À Berlin, Londres, NY, Rio, Clermont-Ferrand et Limoges principalement. Que penses-tu du milieu de la nuit à Paris et de la théorie selon laquelle ce serait une ville fantôme ?

Pudeur sorti sous le nom de Oshen). Je voudrais aussi convaincre la fille dont je suis amoureuse qu’on s’achète une maison en Normandie avec des chevaux (mais elle n’aime pas les chevaux donc je réfléchis à des petits singes fonctionnels comme on en voit au Japon, qui servent à boire). Elle n’aime pas la Normandie donc je réfléchis à l’Italie, mais je n’ai pas les moyens pour l’Italie donc concrètement j’essaye juste de la convaincre qu’on aille en week-end chez ses parents en Bretagne (mais elle n’aime pas ses parents donc…).

Je ne vois pas du tout de quoi tu parles. Hier j’étais à une soirée de filles dans le 11e (je sais c’est redondant de préciser que c’était dans le 11e) et le bar a arrêté de servir à boire à 23h20. Après je suis rentrée à pied et il y avait plein de kebabs ouverts rue Oberkampf. Alors tu vois ! Paris est vraiment une ville géniale pour sortir la nuit. Ah oui et il y a 6 mois j’ai été danser aux Souffleurs un samedi soir, on était 19 dans la salle du soussol (on avait super chaud du coup) et j’ai voulu y retourner deux fois mais c’était fermé (c’était un mercredi faut dire, et la fois d’après c’était en été, donc bon normal quoi).

Parlons un peu nuit, le sujet de prédilection de ce

Paris est-elle une source d’inspiration ?

magazine, quel est ton premier souvenir de soirée ?

L’oppression physique est toujours une source d’inspiration. C’est pour ça que je reste. Tu me mets deux mois en province j’écris plus rien, sérieux, et je fais une dépression nerveuse en plus de devenir obèse, et ça c’est pas ce qu’on veut, c’est pas ce qu’on attend de la vie comme dirait mon amie Sophie-Marie Larrouy.

J’avais 11 ans et mes copines de 16 ans m’ont emmenée en boîte dans les Yvelines. J’étais trop fière d’avoir réussi à rentrer « under age », je me sentais grande et superpuissante, ce qui m’a permis de ne pas me rendre compte que la boîte était complètement ringarde. Je retrouve cette sensation à chaque fois que j’arrive à rentrer dans une soirée du festival de Cannes. Je pense d’ailleurs qu’ils jouent là-dessus, le côté humiliation/récompense, c’est vraiment trop facile je trouve, et c’est le bon plan pour que tout le monde trouve la soirée géniale alors qu’en vrai tout le monde est juste très soulagé d’avoir réussi à rentrer.

Écris-tu mieux la nuit ?

Seulement les lettres d’amour (où je parle de chevaux et de singes et de 5 étoiles climatisés). Un rituel avant de sortir ?

Pschit pschit, mon parfum (mais je dis pas le nom parce que je veux pas qu’on me le pique).

La chose la plus folle faite en soirée ?

Tu veux parler de la fois où j’ai mangé des morceaux de flyer dans un cendrier parce que j’étais 40 —

Un truc contre la gueule de bois ?

Je suis pas Zorro, je fais comme tout le monde, Nuit


Océane Rose Marie je bois beaucoup d’eau avec un Doliprane ou un Nurofen flash. Désolée, j’aurais bien aimé te parler d’un Matcha de racines écrabouillées du centre Guyanne qui se commande sur bioland.org mais je connais pas. La plus belle rencontre faite la nuit ?

Un dealer à Berlin d’origine sud américaine très beau et complètement mythomane. Il nous a raconté sa vie (forcément imaginaire) toute la nuit, c’était fou et passionnant. Je me demande parfois pourquoi les gens racontent leur vraie vie puisqu’elles sont quand même neuf fois sur dix d’un ennui mortel. La meilleure musique pour faire la fête ?

Les grands classiques des dix dernières années. Tu me mets les derniers tubes de MIA, Beyoncé, MGMT, Gossip, LCD Soundsystem, Metronomy, Scissor Sisters et je suis trop contente. Je suis une vraie midinette mainstream en soirée, j’aime chanter les refrains en yaourt et faire de petits mouvements de bras ridicules sur les breaks pour montrer que je les connais par cœur. As-tu une tenue fétiche pour aller danser ?

Oui, j’ai un habit de puissance par saison. Un habit de puissance c’est un habit que quand tu le mets tu deviens invincible, tu deviens un genre de X-Men quoi. Par exemple ce printemps mon habit de puissance c’est le perfecto que SophieMarie Larrouy (bisou SML) m’a offert pour mon anniversaire. Et comme après le printemps, on a directement enchaîné sur l’automne de mai à juillet, j’ai pu le mettre très longtemps et je sens que je ne vais pas tarder à le retrouver d’ailleurs. Après pour danser, au bout de dix minutes c’est super chiant un perfecto, t’as trop chaud. C’est pour ça que je reste quand même beaucoup dehors à fumer des clopes même si je préfèrerais danser. Je n’aime pas laisser mes habits au vestiaire, surtout mon habit de puissance.

41 —

Tes Dj’s préférés ?

Les gens qui savent pas mixer mais passent des bonnes chansons pour danser vraiment pour de vrai. Après j’aime bien Dj Chloé mais je crois que c’est surtout parce que je la trouve belle donc je sais pas si c’est un bon argument, et j’aime aussi Jennifer Cardini mais c’est parce que c’est ma pote, donc je sais pas si c’est un bon argument non plus. Je crois que j’aime bien Nicolas Jaar mais comme j’arrive pas à m’enlever de la tête que c’est forcément le fils de Jean-Michel Jarre, ça me provoque une résistance neuro-psychique. Le dernier CD que tu as acheté ?

Hail to the Thief de Radiohead à sa sortie en 2003 (tu vois 10 ans comme ça passe vite) mais comme j’ai été déçue parce que j’ai vite compris que je préfèrerais toujours Amnesiac, j’ai arrêté d’acheter des disques. Au moins maintenant, je sais pourquoi je me suis faite virée de chez Universal. La playlist idéale de disques à écouter la nuit ?

En ce moment j’écoute Nuit 17 à 52 de Christine And The Queens mais c’est peut-être parce qu’il y a le mot nuit dedans alors ça m’influence (je suis très influençable). Le film à voir la nuit ?

Tous les films avec Manuel Ferrara mais surtout celui où Kristina Rose est sa partenaire. Un livre à lire la nuit ?

Tous les livres de peur et de suspens (Connelly, Vargas, Cornwell, Stephen King…) parce que la nuit c’est plus dur de se concentrer sur des phrases compliquées et que c’est le moment où jamais pour avoir des frissons. BD La lesbienne Invisible chez Delcourt le 2 octobre. DVD La Lesbienne Invisible mi-novembre. Dernière de La Lesbienne Invisible le 16 décembre à l’Alhambra.

Nuit


trousse de secours Ouvert toute la nuit ! Pharmacies de garde

Épicerie Shell

Chez Tina

84, av. des Champs-Élysées - 8e

6, boulevard Raspail - 7e

1, rue Lepic - 18e

≥ 01 45 62 02 41

≥ 7/7 — 24/24

d≥j jusqu'à 4h30 / v≥s jusqu'à 7h

6, place de Clichy - 9 e

Minimarket fruits et légumes

Boulangerie Salem

≥ 01 48 74 65 18

11, boulevard de Clichy - 9 e

20, boulevard de Clichy - 18e ≥ 7/7 — 24/24

6, place Félix-Éboué - 12

≥ 7/7 — jusqu'à 7h

≥ 01 43 43 19 03

Alimentation 8 à Huit

Livraison médicaments 24/24

151, rue de la Convention - 15e

Fleuristes

≥ 01 42 42 42 50

≥ 7/7 — 24/24

Chez Violette, au Pot de fer fleuri

Supérette 77

78, rue Monge - 5e

Urgences

77, boulevard Barbès - 18e

≥ 01 45 35 17 42

SOS dépression

≥ mardi au dimanche jusqu'à 5h

Relais Fleury

e

≥ 08 92 70 12 38

114, rue Caulaincourt - 18e

Urgences psychiatrie

Resto

Se déplace sur région parisienne

L’Endroit, 67, place du Docteur-

≥ 01 46 06 63 97

≥ 01 40 47 04 47

Félix-Lobligeois 17e 01 42 29 50 00

Carwash

Drogue, alcool, tabac info service

≥ tlj de 11h à 1h, jeudi, vendredi,

Paris Autolavage 7/7 — 24/24

≥ 08 00 23 13 13 / 01 70 23 13 13

samedi de 10h à 5h

Porte de Clichy - 17e

Livraison sextoys

Tabac

Shopping

Commande en ligne

Tabac du Châtelet

Virgin Megastore

www.sweet-delivery.fr

4, rue Saint-Denis - 1er

52, av. des Champs-Élysées - 8e

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

≥ 7/7 — jusqu'à 3h

≥ jusqu'à minuit

Tabac Saint-Paul

Librairie Boulinier

Livraison alcool + food

127, rue Saint-Antoine - 4e

20, boulevard Saint-Michel - 6 e

Nemo 01 47 03 33 84

≥ 7/7 — jusqu'à minuit

v≥l jusqu'à 00h, m≥j jusqu'à 23h

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

Le Pigalle

Faim de Nuit 01 43 44 04 88

22, boulevard de Clichy - 18e

Kiosques à journaux 24/24

≥ 7/7 — jusqu'à 7h

≥ vendredi et samedi jusqu'à 5h

38, av. des Champs-Élysées - 8e

Allô Hector 01 43 07 70 70

16, boulevard de la Madeleine - 8e

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

Poste de nuit

2, boulevard Montmartre - 9 e

Apéritissimo 01 48 74 34 66

52, rue du Louvre - 1er M° Louvre-

Place de Clichy - 18e

≥ 7/7 — jusqu'à 4h

Rivoli / Étienne-Marcel

Allô Glaçons

Boulangeries

53, rue de la Harpe - 5e

01 46 75 05 05 ≥ 7/7 — 24/24

Snac Time

≥ 01 44 07 38 89

97, boulevard Saint-Germain - 6 e

20, rue du Fb Saint-Antoine - 12e

Épiceries

≥ 7/7 — 24/24

≥ 01 43 40 03 00

L'Épicerie de nuit

Boulangerie-pâtisserie

Internet 24/24

35, rue Claude-Bernard - 5e

99, avenue de Clichy - 17e

Envoyez-nous vos bons plans

≥ vendredi et samedi jusqu'à 3h30

≥ 7/7 — 24/24

ouverts la nuit : nuit@lebonbon.fr

42 —

Nuit


la playlist du mois Ω Pedro Duque Estrada Meyer

the sound of the season

Invisible Conga People Cable Dazed

Parfait pour un road trip. Cosmic dancer - T Rex

We were dancing when we were twelve… Bot’Ox feat. Anna Jean The Face of Another

Ne passez pas trop à côté des sorties de Bot’Ox et I’m a cliché. La bonne musique ça se partage. FCL It’s You ( San Soda’s Panorama Bar Acca Version )

Le titre sexxy du moment. Mount Kimbie Collectif très féminin (Sarah Joe,

Break Well

André Cymbalista et Virginie

Certain ont été déçus par leur dernier album… Pas nous !

Muys) qui sublime son savoirfaire en musique au service

It’s a Fine Line

des marques (playlists, djing,

I’m A cliché Edit service N8

installations…), The Sound of The

Une sublime touche nostalgique du son anglais qui va vous rendre nostalgique de votre été.

Season est aussi une compilation semestrielle qui retrace en musique une saison de mode.

The Rapture

Une sélection des meilleurs titres

It’s Time to Be a Man

entendus sur les défilés et des

No comment…

interludes de sons capturés sur place pour vous remettre dans

Fear of numbers

le contexte. La prochaine sort

Footprintz

le 27 septembre chez Colette et

D’aujourd’hui mais d’avant. Dépêche modesque, comme le dit André.

sur iTunes. Pour le Bonbon, elles ont fait une sélection de rentrée personnalisée !

Julia Holter

Godess Eyes

www.thesoundoftheseason.com

Parce que quand on ne danse plus, on plane. - No To Love (Ewan Pearson’s Permissive Society Remix) Pour nous ça représente le son du moment. Et comme on n’a pas pu le clearer sur la prochaine compilation, on le place ici ! Jessie Ware

43 —

Nuit


Grrrrr Session #3



Le mot de la fin ® Mirah Houdon Ω DR

“partir” Dernier jour au soleil d’hiver. Toute ma vie (25 ans) tient dans deux bagages : une valise en cuir marron et un sac à dos mou. Les rayons percent à travers les vitres sales de la gare de Marseille. Je suis tellement euphorique et triste à la fois, que je ne sens même plus le poids du sac sur mon dos. J’ai un sentiment de fuite en avant. Je m’assois sur ma valise et j’attends. Le train a 3h30 heures de retard. Je n’arrive pas à avoir plus d’informations sur mon départ. Quitter sa ville natale, c’est déjà pas évident, si en plus on vous donne encore du temps pour réfléchir à tout ça, pour renoncer, pour pleurer, hésiter… J’essaie pourtant de ne pas y penser. A côté de moi, un type aux cheveux longs noirs ondulés, barbu m’intrigue. Il porte des tongs de cuir, une chemise hippie sale, et un pantalon sans âge. Il est d’une beauté fulgurante : yeux perçants, sourire ténébreux, pose christique. Il voit que je le regarde et me propose une cigarette. Je n’aime pas trop les hippies. J’ai toujours été plutôt punk. Et cette nuit-là, je ne suis pas d’humeur «paix et amour». Pourtant j’accepte presque malgré moi, pour une raison qui tient à quelque chose comme la magie de la gare de nuit. Sa voix résonne aussi de façon terriblement attirante, chaude, profonde, un peu cassée, comme celle d’un vieux chanteur de folk, alors qu’il doit 46 —

avoir 30 ans. Il me demande où je vais. Je veux être écrivain. C’est simple, ça tient en une phrase… C’est la seule chose qui me motive pour monter à la capitale, que je rêve pleine d’opportunités, de plumes en costumes sombres, de silhouettes buvant des cafés chauds au Flore… Il me regarde d’un air moqueur. Je ne me démonte pas. Et le questionne à mon tour. Et toi, tu vas où ? Moi ? (sourire) Je n’ai pas de projet. Enfin si. (il réfléchit et me regarde, habité) : Oublier, partir, quitter, faire le deuil d’une histoire,j’ai pris un billet au hasard, dans la première ville avec mer tirée au sort. Je ne sais pas ce qu’il m’attend. Je demeure silencieuse. Je suis admirative. Tout a l’air si léger pour lui. Une odeur de tabac froid mêlée à celle du musc et de l’essence des gares flotte dans l’air devenu froid…pour la première fois, j’aime l’odeur du départ, mélangée à celle de sa sueur, perceptible des deux mètres qui nous sépare. Je souris toute seule, sans raison. Le panneau affiche alors que mon train est là. J’’ai une expression inquiète au moment de lui dire au-revoir. Les adieux, j’ai jamais su. Il me regarde avec compassion, détache le collier qu’il porte autour du cou, me prend la main, le dépose à l’intérieur, et ferme mon poing en le serrant très fort. Je ne le desserre pas tout de suite, il m’embrasse Nuit


Partir

sur la joue et ne dit rien, même pas «salut, bonne route ». Je ne décoche aucun sourire. Surprise. Assise dans le train, j’ouvre la main, et je vois les pépites turquoises incrustées sur ma peau. J’aurais aimé que ses marques ne disparaissent jamais, pour pouvoir les scruter, encore et encore, quand dans la foule parisienne, je fermerai les yeux pour respirer et écouter mon cœur battre la chamade pour un inconnu entrevu quelques secondes. Rêver à d’impossibles retrouvailles poussée par ma nature romanesque. Je ne dors pas et je pense à ça : dans les soirées germanopratines, quand les gens seront froids et la ville dehors, blanche et trop grosse pour moi…que les discours vireront blasés, ce bijou me rappellerait une chose : la vie est un voyage. La liberté aussi. J’ai de l’espoir. J’ai l’impression que la cicatrisation pourra peut-être se faire. J’ai marché dans la ville de mon enfance, celle de mon adolescence aussi pour la dernière fois. Douloureuse l’adolescence. J’ai parcouru les rues qui me semblaient beaucoup plus grandes quand j’étais plus petite. J’ai déambulé sans me soucier des autres. Parce qu’en fait, les autres on s’en fout. Les gens autour, qui me dévisageaient autrefois, n’avaient plus trop d’importance. Je me casse à la capitale, moi, bande de blaireaux ! C’est comme si pour la 47 —

première fois je sais qui je suis, que j’en ai l’intuition, fragile, mais claire. Je ne suis pas comme les autres. J’écoute de la musique triste, je lis des livres bizarres, je suis la seule à porter des collants de couleur moutarde et à regarder les autres en face. Je lis Sylvie de Nerval toute la nuit, et mes carnets cornets de textes que j’ai écrit, avec la certitude d’avoir choisi la seule voie possible. Je raconte (toutes) les premières fois, et ce je parle aussi de ce que je n’aime pas. Marseille, le vieux port, les filles vulgaires, les gens étriqués…je suffoquais là-bas. L’envie de partir était trop forte mais je m’échappais avec ces morceaux d’art, ces héros, des marginaux souvent, des grands malades la plupart du temps. Ou des jolies filles. Ils ont toujours été là. Nico, la chanteuse du Velvet Undergound comme Hervé Guibert. Ian Curtis autant que Baudelaire. Sur le même plan, pas de sous-genre, pas de sousgens. J’ai été enfermé des années dans ma Fac toute grise pour étudier des auteurs morts très classiques. Je regardais la fenêtre en me disant que ça devrait être sympa de la traverser, ce serait sans doute plus vert, et plus plein de lumière. J’imagine enfin que les choses pourront être inédites. Cette vie bien rangée à laquelle je n’avais jamais songé, mais que mes contemporains semblaient tant chérir tant, s’éloignait à mesure que le train filait.

Nuit


agenda La sélection de ParisLaNuit.fr Jeudi 05/09 23h30 La Machine du Moulin Rouge 16 €

Samedi 14/09 23h55 Le Glazart 12 €

≥ Figure Label Night : Len Faki • Johannes Heil

≥ Refraktion • Mondkopf • Pangaea • Behzad

• Ana M

& Amarou

Vendredi 06/09 18h Nüba Gratuit

Samedi 14/09 00h Le Rex Club 12 €

≥ Vertikal & Nüba Invite Smallpeople & Friends

≥ Rex Club « 25 Years » Présente Legends : Theo Parrish

Vendredi 06/09 La Machine du Moulin Rouge 15 € ≥ Wet for Me • Version 3.0 • w/ Louisahhh!!!,

Mercredi 18/09 23h30 Le Social Club Gratuit

Psycho Delia & Acid Arab

≥ ROAR! : DSL • Jurassic Fightclub • Dembowsky • Klan Guru

Samedi 07/09 14h Le Glazart 8 € ≥ La Sleek • Pit spector live • Rafael Murillo • Cesko

Vendredi 20/09 23h30 La Machine du Moulin Rouge 18 €

• Phil dark • Myako • Möggli • Jon attend •

≥ Clekclek Boom Invite Laurent Garnier

Samedi 07/09 00h Le Rex Club 12 €

Mercredi 25/09 20h La Gaité Lyrique 18 €

≥ Rex Club « 25 Years » Présente Get Underground

≥ Tristesse Contemporaine • The Stepkids • C.A.R.

: Lil’louis Jeudi 26/09 23h Le Social Gratuit Dimanche 08/09

17h

≥ Breton Dj Set & Guest

La Belleviloise 15 €

≥ LA RAFINERIE présente : TEA-TIME #8 : The Family Edition Feat GILLES

Vendredi 27/09 20h Le Social Club 18/20 €

PETERSON & Friends

≥ WOH LAB : Joris Delacroix • Oliver Schories…

Jeudi 12/09 00h Le Social Gratuit

Samedi 28/09 Le Trabendo

≥ Fitness Club : Jupiter • Anoraak • Zimmer

≥ Summer Here Kids : In Paradisum • A Ciel Ouvert

• Le Crayon

Antinote • Dawn Records • Dement3d • Get The Curse • In Paradisum • Unkown Precept

Vendredi 13/09 23h30 La Machine du Moulin Rouge 15 € Mercredi 02/10 20h La Gaité Lyrique 26 €

≥ We are the 90’s

≥ Oneness : Jeff Mills • Emanuelle Huynh (danse) Vendredi 13/09 18h Le Wanderlust Gratuit

• Downliners Sekt

≥ Sur-Mesure : Yuksek • Nancy Whang Jeudi 03/10 20h La Gaité Lyrique 26 €

• Get A Room! • Le Crayon

≥ Ombre et lumière : Black Strobe & Yan Wagner Vendredi 13/09 19h La Belleviloise Big Bang Gang Party special Bday 7ans

Jeudi 03/10 23h30 La Machine du Moulin Rouge TBA

Live: Jam session avec special guest

≥ Dial Label Night : John Roberts • Lawrence • RNDM

Vendredi 13/09 00h Le Social 12 € ≥ Voodoo : Duke Dumont • Boston Bun • Parade

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Envoyez votre prog à : jessica@parislanuit.fr

Nuit


RE B M E T P E S 6 2 Jeudi BATOFAinRuit de 19h à m VAN KLUPER - KEI FOX - VuAsTsur inscrivez-vo nbon.fr grrrrr@lebo

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTE. a CONSOMMER AVEC MODERATION


L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTé. à CONSOMMER AVEC MODéRATION


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