Le Bonbon Nuit 18

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Nuit

Février 2012 - n° 18



édito Bonne Nuit Il y a des matinées comme ça (il est 13h), on aimerait gommer ce qu’on a fait la nuit d’avant. Ouais, étouffer ces bourgeons de souvenirs avant qu’ils n’éclosent, et ne deviennent des images claires et distinctes dans notre esprit. Il suffit pour cela de produire un effort d’amnésie volontaire, d’effacer de notre mémoire les bribes confuses de nos exploits nocturnes afin d’éviter que ne tourne en boucle cette phrase bien connue : « Mais putain, qu’est-ce que j’ai encore fait ? » Finalement, la journée ne commence pas trop mal (il est 15h). Notre thérapie cognitive a relativement bien fonctionné. Il n’y a pas eu d’inconnu(e) dans notre lit. Pas eu d’after impromptu dans nos murs donc pas de carnage à déplorer. Presque heureux, la cervelle rafraîchie mais le corps un peu vaseux, on se dit qu’après tout, on a échappé au pire. L’optimisme est de mise… Jusqu’au moment fatal où l’on fouille les poches du jean de la vieille. Erreur dramatique. Entre des billets roulés et des clopes écrasés, une collection de tickets de carte bleue nous ramène au « Mais putain, qu’est-ce que j’ai encore fait ? ». La lecture de ces petits papiers à l’encre violette, comme autant de banderilles, laisse présager une semaine sous le signe de la rigueur budgétaire. Déprime (il est 18h). Un pote nous appelle et nous dit qu’il y a une soirée à ne pas louper. Les spaghettis bolognaises et les steaks surgelés pourront bien attendre un jour de plus. Après tout, ne faut-il pas boire pour oublier ? Allez, un peu de courage, fuyons ! Et comme disait le poète, les petits papiers, laissons-les brûler… Michaël Pécot-Kleiner Rédacteur en chef adjoint

Rédactrice en chef — Violaine Schütz michael@lebonbon.fr

violaine@lebonbon.fr

| Rédacteur en chef adjoint — Michaël Pécot-Kleiner

| Directeur artistique — Tom Gordonovitch

tom@lebonbon.fr

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| Photo couverture — AIR par Nicola Delorme | Secrétaire de rédaction — Anne-Charlotte Anris Merci à Emmanuelle Boucher et à la Galerie 13 | Régie publicitaire — regiepub@lebonbon.fr Géraldine 06 86 63 34 00 ou Jean 06 48 26 88 53 | Contactez-nous — nuit@lebonbon.fr | Siret — 510 580 301 00016 | Siège social — 31 bis, rue Victor-Massé, 75009 Paris 1—

Nuit


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A r t h u r – S « F l as h » D i s p o n i b l e p l a t e f o r m e s

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t é l é c h a r g e m e n t

a r t h u r – s – m u s i c . c o m l i n l assa b l e . c o m / a r t h u r – s


sommaire Le Bonbon Nuit

p. 05

le bon timing

Air

p. 07

Lana Del Rey

p. 10

J’y Etais

p. 13

Thomas Devaux

p. 17

Scratch Massive

p. 19

Krikor

p. 22

Jean-Manuel Goett

p. 25

le bon club

L’Hacienda

p.26

le bon coup

Un profond sommeil

p.28

Relatif Yann

p.31

les bonnes étoiles

le bon culte

le bon concept

paris la nuit

le bon live

le bon musicien

la bonne bd

la bonne mère

p.34

la bonne séance

la bonne incruste

le bon look

la bonne djette

la playlist de

L’art du vernissage

p.36

Amélie Chassary

p. 38

Audrey Katz

p. 40

Marie Madeleine

p. 44

p.45

trousse de secours

la bonne ombre

L’ombre de Pigalle

p. 46

p.48

le bon agenda

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03/02

COOKING WITH ELVIS + HANDCRAFTED SOUL 00H Soirée Bonbon 04/02 21H ULMANN KARAROCKÉ + PINKMIST + GASPARD ROYANT 10/02 21H PERFECT IDIOTS + NORMAPEALS 00H Soirée Bonbon 11/02 21H LIZA MANILI + JIM ROSE EXPEDITION + NATALIA MOSCOU 21H

17/02

THE PORTALIS + JIGSAW + KID WITH NO EYES 00H Soirée Bonbon 18/02 21H ELDIA + WALL OF DEATH + ARUN TAZIEFF 24/02 21H HOME & DRY + MEETING QUOTATION + TELEVOX 00H Soirée Bonbon 25/02 21H BIGMONEYMAKERS + THE SHAKING HEADS + YOU CALL IT A NAME 21H


le Bon Timing Les événements à ne pas manquer Circus Company Club Aquarius Heaven, la nouvelle signature de Circus Company, n’est pas un novice en matière de musique. Ancien chanteur de reggae, hip-hop, dancehall, il compte maintenant Jay-Z parmi ses fans. Il viendra présenter son live entouré de Sammy Dee, figure emblématique de Perlon, ainsi que de Sety, patron de l’exigeant label Circus Company. Le 11 février au Rex Club, 12€ / 15€

Visages Initiative de Joseph Ghosn, cette exposition regroupera les travaux autour du portrait dans la BD de Charles Berberian, Theo Ellsworth, Charles Burns, Philippe Dupuy, Sammy Harkham, Frédéric Fleury, Blutch, Paul Hornschemeier, Caroline Andrieu, Nine Antico, entre autres. À ne pas manquer ! Du 3 février au 30 mars à la galerie 12MAIL / Red Bull 12, rue du Mail — www.12mail.fr

Fireworks ! Festival Organisé par le tourneur-défricheur Super !, ce nouveau festival fera des étincelles dans des lieux symboliques de la musique indépendante à Paris. Une programmation au top : Gauntlet Hair, Real Estare, Youth Lagoon, Jessie Ware, Caveman et plein d’autres. Du 15 au 25 février au Point Éphémère, Maroquinerie, Nouveau Casino, Flèche d’Or et Machine du Moulin Rouge. Plus d’infos : www.supermonamour.com

Wet For Me La soirée du collectif des filles “trash but class” déménage ! Plus de place, plus de son, plus de filles… Pour l’occasion, elles ont invité la superstar de DR / DR / DR / DR

l’électro-techno d’Europe de l’Est, Xenia Beliayeva. La jeune Russe basée en Allemagne produit d’un coté des maxis pour le label Shitkatapult ou encore Datapunk. Elle sera accompagnée de Junksista, Myako et Rag. Le 25 février à la Machine, 12€ / 15€ 5—

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les bonnes étoiles ® Axel Zeppenfeld Ω Wendy Bevan

air

Objectif lune

C’est dans son élégant studio bellevillois que nous reçoit le duo de gentlemen versaillais, après une rapide visite de ces lieux cuivrés. D’étranges petites machines musicales à touches, à boutons, de tous âges attendent là d’être réemployées, détournées de leur destin muséal. Air revient le 6 février avec Le Voyage dans la Lune, disque cosmique et bande originale du classique de Georges Méliès. Vous êtes obsédés par La lune, non ? Jean-Benoît Dunckel : Étienne Daho a dit : « La Lune est pleine de promesses. » Nicolas Godin : Oui, ça revient souvent. La Lune, c’est le rêve, c’est l’enfance, c’est l’innocence, un territoire vierge. Alors que la Terre, c’est le lieu de tous nos problèmes. C’est aussi la part de féminité qu’il y a en chacun, la muse artistique. Le Soleil, c’est les combattants, Achille, la guerre de Troie. Le soir, la Lune est protectrice. La nuit, quand tu sors, elle te donne l’impression d’être à la maison, jamais vulnérable. Vous avez étudié des domaines rationnels, l’architecture et les maths, avant de devenir Air et faire cette musique très rêveuse… J.-B. D. : Notre travail sur le son a parfois un côté expérience scientifique. Par exemple, nous allons volontairement nous passer des couplets et refrains classiques. On va utiliser un tempo qui 7—

ne sera plus en 4/4 ou un motif qui va se répéter et sera la base de la chanson, on expérimente à chaque fois. N. G.  : Même si notre musique sonne plutôt contrôlée, on reste des instinctifs. Nous faisons les choses au feeling. Nous savons jouer depuis tout petits, et même si ça donne l’impression de suivre une logique, nous avons dépassé ces règles. Connaître nos instruments nous permet vraiment de jouer ce qui nous passe par la tête. Pour en venir au film, vous étiez familiers des œuvres de Méliès ?

J’avais acheté un DVD, il y a 5 ans. C’est intéressant mais pas non plus bandant. Cette époque est vraiment décalée avec la nôtre. Le défi, c’était de rendre le film excitant à regarder, comme une œuvre contemporaine. La colorisation a donné cet élan et la musique a pu enfoncer le clou, le faire passer dans une dimension plus ludique. Ce film pourrait être un clip. C’est dû à Méliès, bien sûr, et aux gens qui ont restauré le film, mais aussi parce que la musique vous prend dès la première image. Le plus bel hommage que l’on pouvait rendre à Méliès était que les gens prennent du plaisir à regarder son film aujourd’hui. C’était un blockbuster, l’équivalent de Star Wars. La musique originale de 1902 ne renvoie pas du tout à une idée de l’espace, onirique, mais soulignait le gag.

N. G. :

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Air

“Je passe de bons moments à boire des bières avec mes potes, dans les rades parisiens à l’ancienne, avec le truc en formica.”

mieux, c’est bien de travailler dans une certaine vitesse, sinon on réfléchit trop et on perd en naturel. La BO est très expressive, il y a des bruitages, des sons d’animaux, comment avez-vous procédé ? N. G. : Nous sommes très inspirés par Trevor Horn,

le producteur des années 80, qui utilisait un Fairlight (une gamme de synthétiseurs, ndlr), qui a des banques de sons d’animaux. Comme on est des gros fans de l’album Welcome to the pleasuredome, de Frankie Goes to Hollywood, où il y a des bruits de jungle du début à la fin, on a voulu lui rendre hommage. Que les hommes s’expriment avec des bruits d’animaux, c’est une idée forte de notre travail. C’était pour exprimer la violence qu’il y a chez nos congénères, une illustration de la sauvagerie que peut avoir la société, qui me débecte depuis l’école. Et ça me parle en tant que musicien, quelqu’un qui a un rêve, qui veut faire une musique originale que tout le monde va lui reprocher.

Il y avait déjà cette notion dans Moon Safari ?

Des compositeurs comme Debussy, Ravel ou Satie ne travaillaient pas pour le cinéma, ce n’était pas noble. C’est comme les jeux vidéo, aujourd’hui.

N. G. : Safari, c’était autre chose. Là, c’est un type qui fait son trajet vers la Lune, qui se retourne et qui voit que tout le monde est en train de se moquer de lui. J’ai vécu ça comme une fêlure. Je voulais vraiment faire cancaner cette foule de bien-pensants. Dans le roman de Kennedy Toole, La Conjuration des imbéciles, l’exergue dit « quand un génie apparaît dans ce bas monde, on peut le reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui ». Je ne me considère pas comme un génie mais cette phrase vaut pour toutes ces fois où – notamment en France – tu as une idée originale et tout le monde te dit que ça ne va pas être possible.

Vous avez beaucoup revu le film ou vous avez pré-

Vos influences cinématographiques ont agi sur votre

féré garder une innocence ?

musique ?

J.-B. D. : On a beaucoup regardé les images à la syn-

J.-B. D. : Oui, on a été très influencés par la sciencefiction, Star Wars, Blade Runner. La musique de films a beaucoup compté, Ennio Morricone par exemple. Il y a la musique d’Aguirre, la colère

chronisation, mais dans la genèse de composition, on ne connaissait pas bien le film. Donc ça s’est fait comme ça, à l’inspiration. D’ailleurs, c’est tant 8—

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Air de Dieu aussi, de Popol Vuh, qui est géniale ; la musique française de la nouvelle vague, également, Francis Lai, Michel Legrand, Georges Delerue. Vous avez eu beaucoup de temps pour faire la BO ? N. G. : Trois

semaines ! 21 jours pour créer toute la musique. Quand le film a été sélectionné à Cannes, ça a précipité les choses. Les producteurs nous ont contacté pour faire une musique hyper rapidement. On a accepté mais, soudainement, on a imaginé la grande salle à Cannes, avec 3 000 personnes, et le son que les gens allaient entendre, c’était nous.

Et ça a motivé l’album qui sort le 6 février ?

nous file le bourdon aussi (rires). Vous vous voyez le soir aussi ? N. G. : Oui, quand il y a des teufs, mais notre socialité est surtout faite de vernissages, de restos, de fêtes chez des gens. En général, chaque année, il y a une boîte qui émerge et on y va. J.-B. D. : J’aime beaucoup le Silencio. Il y a un super son. N. G. : On sort aussi beaucoup à l’étranger. Après les concerts, tu as l’adrénaline et tu ne peux pas te coucher. Je rentre du Japon où je sortais tous les soirs et dormais la journée. Comme nous faisons des concerts toute l’année, on se laisse souvent entraîner par les gens.

N. G. : Oui, ça lui a servi de concept. Avant, il n’avait pas vraiment d’idée directrice, ça partait dans tous les sens. On ne savait pas où on allait. Méliès nous a sauvés ! Par rapport à la BO, il y a 4 ou 5 morceaux en plus, dont deux chansons, une avec Victoria Legrand, de Beach House, et une avec Au Revoir Simone. On a réorganisé l’ordre pour permettre un trip sonore qui exprime ce voyage dans la Lune, sans les images.

N. G. : Moi qui ai connu la grande époque du showbiz (rires), j’ai trouvé un peu cheap tous ces zincs du 9e. Je connais plein de PMU aussi sympas. Je passe de bons moments à boire des bières avec mes potes, dans les rades parisiens à l’ancienne, avec le truc en formica, et je n’ai pas besoin d’aller là-bas pour retrouver ça.

Je crois que vous avez travaillé sur iPad ?

Et Versailles, ça bouge ?

Nous utilisons tous les gadgets en vogue depuis 15 ans. Là, c’est l’iPad mais dans 2 ans ça sera peut-être obsolète ; ou la nouvelle norme, qui sait ? Je ne sais pas si l’iPad tiendra le coup. On expérimente aussi sur des instruments plus classiques. Là, on a utilisé des grosses timbales d’orchestre symphonique, pour quasiment un morceau sur deux.

N. G. : (rires) Non, pas à ma connaissance, même si on a bien contribué à la vie nocturne à l’époque. On a fait quelques belles teufs.

N. G. :

Et à Paris ?

Vous sortez beaucoup ?

Un peu. Normalement, je dirais. On a un créneau difficile parce qu’on est trop vieux pour les boîtes de jeunes et trop jeunes pour les boîtes de vieux. On est pile dans un truc un peu chiant. Les boîtes pour vieux c’est un peu déprimant, mais les boîtes avec que des jeunes, ça J.-B. D. : N. G. :

9—

Air — Le Voyage dans la Lune Virgin ≥ www.aircheology.com

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Le bon culte ® Violaine Schütz Ω DR

Lana Del Rey sur mes lèvres

La néo-lolita sort enfin son premier album après six mois de hype enflant plus vite que sa moue. Dix gossips à ressortir dans les dîners pour ne pas avoir l’air bouche bée quand tout le monde aura son nom sur les lèvres.

- Avant de s’appeler Lana Del Rey, la New-Yorkaise de 25 ans s’appelait Lizzy Grant, portait des jeans et des tee-shirts, avait une bouche naturelle (qu’elle a depuis fait repulper) et chantait du folk joli mais sans grand intérêt. Son unique album a fait un flop. - Lana a été le buzz musical de l’année 2011 : tout le monde s’est partagé le clip lo-fi de Video Games, réalisé par ses soins. On compte plus de 20 millions de vues sur YouTube. Internet sert plus que jamais à fabriquer des idoles. C’est ça, la nouvelle pop-culture. - Rarement on aura vu autant de personnes se diviser sur le cas d’une pop star indé. Si d’un côté, certains sont fascinés par sa beauté lascive, d’autres n’hésitent pas à multiplier les blagues : sur le Net, on a vu une photo de Lana avec une grosse bouche photoshopée intitulée Llama Del Rey, mais aussi Serge Lama Del Rey ou encore Loana Del Rey. Monstres 2.0 aussi drôles que terrifiants. - Son look puise dans le Hollywood des années 50 autant que dans les codes de l’époque. Elle a la crinière d’une starlette, les formes d’une pin-up, les 10 —

ongles d’une cagole de L.A., des sapes de hipster (chemise Equipment, robe Mulberry), bref Lana, c’est la femme fatale 2012. - Elle est toute en émotions. Sa voix, qui flirte souvent avec le faux en concert, sonne triste et poignante et ses paroles se veulent volontiers très mélancoliques voire noires. Dans la vidéo de Born To Die, elle meurt même à la fin. - Lana se définit elle-même comme une « Gangsta Nancy Sinatra ». Tout un programme. Mais après tout, les grands artistes (Bowie, Dylan) ont toujours eu tendance à se définir et se redéfinir. - Elle est très proche du Français Woodkid, qui a réalisé le clip de Born To Die et chanté avec elle en live. - Del Rey est la fille d’un millionnaire qui aurait beaucoup fait pour sa carrière et investi dans les démarches pour qu’elle signe sur son label. - Sa prestation à la célèbre émission Saturday Night Live a déclenché les critiques de nombreux artistes dont Juliette Lewis et James Murphy. - Quoi qu’on dise, l’album est plutôt réussi et émouvant. On fera donc taire les mauvaises langues pour aller écouter Born To Die, clapet fermé, yeux clos et cœur noué.

Lana Del Rey — Born To Die Polydor/Interscope

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le bon concept ® Violaine Schütz Ω DR

J’y étais Le clubbing par procuration

Dimitri Pailhe et Julien Potart sont les deux tru-

Comment vous êtes-vous rencontrés et comment

blions derrière J’y étais, l’émission la plus drôle de

est née l’idée de J’y étais ?

la Web TV Konbini. L’idée ? Interviewer les clubbers

Dimitri : Avec Julien on se connaît depuis l’école de

pour leur demander de nous raconter la soirée plutôt

journalisme à Paris. La première fois qu’on s’est parlé, en session de rattrapage, on a parlé rap français (on est hyper fans de la Mafia k’1 Fry) et ça a tout de suite accroché. On s’est retrouvés deux heures plus tard à se faire virer de la bibliothèque de Tolbiac parce qu’on faisait trop les cons, ça y est, c’était parti ! Julien : On s’est très vite rendu compte qu’on avait pas mal de points communs, notamment le fait de mémoriser plus facilement les freestyles de rap que les leçons qu’on devait apprendre. Du coup, on a commencé à réviser ensemble pour la suite de nos examens, et finalement, on a eu notre diplôme !

que de la filmer. Ils nous disent tout sur les coulisses de leur délire visuel. Pouvez-vous vous présenter un peu tous les deux ? Dimitri : Dimitri,

32 ans, j’ai bossé à Canal+ avec Daphné Burki pendant trois ans, et je suis parti pour réaliser un rêve, faire notre premier documentaire avec Julien. On a donc coréalisé le documentaire T-Shirt Stories qui est passé en juin sur Canal et qui va être rediffusé sur Arte en juin 2012. En trois ans, nous avons fait le tour du monde à la recherche des meilleurs histoires autour des tee-shirts. Et ça fait trois ans que je tiens le micro de J’y étais. Julien : Julien, tout juste 30 ans, je suis celui qui est derrière la caméra. Pour le montage, même si c’est moi qui tient le clavier, on fait tout à deux. J’ai eu un parcours très atypique et exceptionnel pour quelqu’un de ma génération : école de journalisme, stages, petits boulots, Konbini. Et maintenant, on travaille aussi pour l’émission Entrée libre sur France 5.

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Vous avez commencé quand ? Quel est le concept ?

On a commencé J’y étais en janvier 2009 avec un premier sujet sur le Salon de l’agriculture, on s’est trop marrés direct. À l’époque, on bossait pour la téloche et on en avait un peu marre des sujets journalistiques toujours construits de la même façon : entrée, plat, dessert, avec les sempiternels clients témoins. On avait envie de remettre un peu de rugosité sans pour autant que ça soit du foutage de gueule.

Dimitri :

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J’y Etais

“Ce qu’on aime c’est explorer des territoires inconnus, rencontrer des gens qu’on ne fréquente pas tous les jours.” Le concept est très simple : couvrir un événement sans montrer aucune image et le raconter uniquement par le prisme des gens qui y participent. On ne montre jamais d’images des événements qu’on filme (ou très peu). Par contre, on essaie d’interviewer le maximum de gens pour qu’ils nous racontent ce qu’il s’y passe. Et au montage, on essaie de raconter la soirée en mélangeant les interviews. C’est comme le zapping d’un événement en particulier. On essaie de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas forcément dans les

Julien :

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médias traditionnels. Comme nous sommes d’un naturel assez sociable tous les deux, c’est toujours un plaisir de partir en tournage. On aime bien aller vers les gens et les faire parler. Comment choisissez-vous les soirées à filmer ? Dimitri : On filme de moins en moins de soirées car ça nous gave d’interviewer des gens bourrés, au bout d’un moment ça tourne un peu en rond. Ce qu’on aime avec J’y étais, c’est explorer des territoires inconnus, rencontrer des gens qu’on ne fréquente pas tous les jours comme le sosie de Claude François à la fiesta des sosies. On a fini déchirés à notre hôtel avec tous les sosies en train de boire du whisky dans les couloirs. Julien : On choisit des événements qui nous font marrer. On se demande où on aimerait bien aller, et on y va. Ça va du Salon du chat à la Cannabis Cup d’Amsterdam. Votre meilleur souvenir de soirée ? Dimitri : Mon meilleur souvenir de tournage, c’est un week-end. On est partis à trois avec notre pote Jean 2 Claw le samedi après-midi, on a shooté le Salon de la country où on a rencontré d’énormes freaks qui dansaient en ligne avec des chapeaux, des vendeurs d’armes et de santiags, le tout arrosé de Jack Daniel’s. Le soir, on a fait la route jusqu’au village appelé Saint-Valentin pour filmer la fête de la Saint-Valentin. On a atterri sous le chapiteau du village à la table du maire. Entre des présentations de dessous coquins pour la nuit de noces, et des déclarations d’amour fleur bleue, on a réussi à faire s’embrasser sur la bouche des personnes âgées. Le lendemain à 11h, le maire nous a payé son petit whisky dans son bureau et, comme on est d’humeur plutôt joyeuse, on a fait la fête avec tout le village… impossible d’enchaîner les interviews. Julien : Il y en a tellement : Halloween dans les catacombes de Paris, la fiesta des sosies dans le Sud de la France, et beaucoup d’autres… Mais je garde moi aussi un excellent souvenir de notre Nuit


J’y Etais virée dans le village de Saint-Valentin pour la fête du même nom. On était en immersion totale dans le village avec les habitants, alors forcément il a fallu se plier aux coutumes locales : la brasseuse et sa bière locale, le fleuriste et son rhum arrangé, le vendeur ambulant et sa poire maison… et ça n’est pas forcément le côté le plus vilain des tournages… (l’alcool est à consommer avec modération).

Dimitri : Au Silencio pour les cocktails, au Social Club quand c’est notre pote Arthur King qui mixe, aux soirées We Love. Julien : En ce moment, j’aime bien aller parier aux courses à Vincennes… J’adore l’ambiance, c’est un peu comme dans les bars de quartier, que j’affectionne beaucoup également.

Et le pire ?

La nuit, c’était mieux avant d’après vous ?

Dimitri : On

Dimitri :

est partis à Berlin faire un sujet sur l’anniversaire de la chute du Mur et il a plu nonstop, une pluie dense et glaciale, on a dû foutre la caméra dans un sac poubelle pour la protéger. Sinon, souvent on se dit que si on faisait analyser la mousse de notre micro, on aurait bien des surprises. La mousse a été léchée par des pornstars, bouffée par un singe, des chiens et on se l’est faite arrachée des dizaines de fois. Julien : La soirée Demonia (le plus grand rendezvous SM d’Europe). Il fallait qu’on respecte le dress code pour pouvoir entrer. On y est donc allés en leggings de skaï qu’on avait achetés l’aprèsmidi même. Pour se donner du courage, on s’était donnés rendez-vous au bar juste à côté de l’ancienne Loco, pour descendre quelques verres. Et pour ne pas être vu dans cet accoutrement, j’avais gardé mon pantalon de pluie pour mon scooter jusqu’au dernier moment…

Vous sortez où à Paris ?

Il y a toujours des bons moments la nuit, l’énergie est toujours là je trouve. En revanche, j’aimerais bien revivre quelques soirées passées au Pulp. Je me rappelle notamment d’un all night long avec Michael Mayer de toute beauté !

C’est quoi pour vous une soirée réussie ? Dimitri : Insulter Éric Naulleau en buvant du rhum et finir la soirée à la crêperie à rigoler avec les keufs ! Julien : Pour moi, c’est quand le DJ arrive à faire danser les filles… À partir du moment où elles prennent possession de la piste de danse, les garçons commencent généralement à quitter le bar, ce qui est bon signe. Où aimeriez-vous avoir été (et vous avez pas pu) ? Dimitri : Ni

remords, ni regrets. Au mariage de mes parents ou à mon conseil de classe en troisième.

Julien :

Quelle est la chose la plus dingue que vous ayez filmée ?

Des projets ?

Tous les vendredis soir, les fans de tuning se réunissaient sur le parking du Carré Sénart, un centre commercial en banlieue de Paris. Ils y exposaient leur voiture, parlaient mécanique, et parfois faisaient des courses. Au début, c’était un peu tendu de tourner là-bas, car les caméras ne sont pas spécialement les bienvenues dans ce genre d’endroit. Mais, petit à petit, on s’est fait accepter par les gens, et on a réussi à filmer des trucs assez cool.

Dimitri : Plein ! Un nouveau documentaire et surtout on a hâte de tourner le centième épisode de J’y étais !

Julien :

15 —

Julien : Oui

plein, me faire tatouer, reprendre le saxophone, lire tous les livres qui s’accumulent dans ma bibliothèque, faire la régate de Belle-Île…

www.konbini.com/jyetais

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Paris la Nuit  Thomas Devaux www.thomasdevaux.com


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le bon live ® Michaël Pécot-Kleiner Ω Zoé Cassavetes

SCRATCH MASSIVE Entre le crépuscule et l’aube

Sorti fin octobre, Nuit de rêve, le troisième album du duo parisien Scratch Massive, prend tranquillement le chemin du succès critique et grand public. L’enjeu

fait une nouvelle version plus adéquate. L’utilisation d’écrans peut aussi, jusque dans une certaine mesure, les remplacer.

est désormais pour Maud et Sébastien d’accorder leurs compositions sombres et poétiques aux exi-

Aurez-vous recours à un dispositif particulier pour

gences de la scène. En pleine préparation de leur

le VJing ?

première date le 16 février au Point Éphémère, nous

Nous avons confié ce secteur à Machine Molle, qui s’est déjà occupée de Birdy Nam Nam, de M83, d’Is Tropical et de The Aikiu. Nous leur faisons totalement confiance, ils ont un très bon background dans la scène graphique.

les avons croisés dans leur studio Agnès B., le temps d’une pause pétard. Trois mois de latence entre l’album et le premier live, pourquoi ?

Nuit de rêve a un tempo assez lent, avec des ambiances posées et relativement dark. Pour pouvoir le transposer en live, il y a eu un gros travail de relecture et de réadaptation, c’est ce à quoi nous avons occupé nos dernières semaines. Comment allez-vous gérer la présence ou non de vos guests ?

Pour le 16 février au Point Éphémère, on aura la chance d’avoir Koudlam et Jimmy Somerville avec nous. Par contre, Chloé et Daniel August ne pourront pas venir, pour des raisons d’emploi du temps. Pour compenser les absences, on fera ce qu’on fait d’habitude : on redécoupe les voix et on 19 —

En restant dans le domaine visuel, quelle est la couleur dominante de Nuit de rêve ?

Celle d’un coucher de soleil, d’un entre-deux un peu flou. Il est 19 heures, il s’est passé beaucoup de choses dans la journée, et puis le crépuscule te fait passer d’un monde à l’autre. Mais attention, quand on dit ça, n’y vois pas un côté Cafe del Mar ou Bouddha Bar ! (rires) Votre pochette est plutôt solaire, non ? D’ailleurs, qui l’a faite ?

Non pas du tout ! Elle représente à nos yeux quelque chose de totalement crépusculaire. Le Soleil justement effectue une plongée en dévorant Nuit


Scratch Massive

“Finalement, la musique électronique n’est plus aussi déroutante qu’il y a 20 ans, et c’est bien normal, puisqu’elle a trouvé une certaine forme de maturité.” 20 —

cette femme nue. On a fait pas mal de recherches pour trouver une illustration qui corresponde à ce qu’on voulait. Un jour, en parcourant les pages d’un vieux magazine qui s’appelle Plexus et qui était une sorte de Playboy en plus intello, nous sommes tombés sur cette image de Jean-Pierre Alaux. Nous l’avons contacté -le mec doit avoir dans les 85 piges aujourd’hui - et il a tout de suite accepté en nous cédant les droits gratuitement. C’est une jolie histoire… Il y a d’autres images qui ont travaillé votre imaginaire ?

Oui, les séquences d’Enter The Void de Gaspard Noé tournaient en boucle dans nos têtes. Du reste, la seule image qui était dans le studio était le poster de ce film en taille affiche. Les murs étaient peints en noir, avec seulement cette affiche… Une ambiance de boulot plutôt sombre, non ? (rires) Vous avez construit cet album comme une BO ?

C’est une piste de lecture possible. Disons que nous nous en sommes inspirés. Vous pouvez me dire lesquelles ?

Surtout des BO d’obscures séries B des années 80. Sans oublier la musique des films de John Carpenter. John Carpenter, justement. Vous avez dit de lui, dans l’une de vos interviews, qu’il était un grand compositeur qui réalisait des films. Et vous, vous vous sentez comme des réalisateurs qui composent de la musique ?

Il est vrai que nous avons fait des études de cinéma, que l’on sait monter, éditer, traiter l’image, filmer. Consciemment ou inconsciemment, cette culture est un complément et transpire dans nos productions musicales. Nous sommes venus vers la musique par passion, mais aussi peut-être par budget. Faire du cinéma coûte cher, à moins de faire quelque chose d’autoproduit comme le docuNuit


Scratch Massive mentaire qu’on avait réalisé sur Saint-Nazaire. Mais si on avait essayé de faire un film avec les mêmes exigences que Nuit de rêve, il aurait coûté des millions…

explose, c’est ce qui faisait les meilleures soirées… C’était un club à taille humaine. Désormais, on a soit des grosses machines, soit des bars de nuit. Difficile de retrouver une énergie similaire de nos

Vous parliez tout à l’heure du tempo de Nuit de rêve,

jours ?

qui est relativement lent. Cette baisse des bpm par-

Tu sais, on adore jouer au Rex, au Social ou ailleurs… Mais il n’y a plus cet esprit guinguette. Mine de rien, un club comme le Pulp ne pourrait pas exister en 2012. Les pressions politiques sont trop fortes, et les cahiers des charges trop drastiques.

ticipe-t-elle d’une tendance lourde dans la musique électronique actuelle ?

Pour ce qui est globalement de la tendance, il est difficile de te répondre. À notre échelle, on s’est rendus compte que les mixtapes que l’on réécoutait le plus régulièrement étaient celles avec un tempo plus calme. On a alors commencé à dépitcher des tracks en les faisant passer de 125 à 115 bpm et on s’est aperçus qu’il y avait un groove différent, qui peut être très lourd et très violent aussi. En ce qui concerne les productions album, la baisse du tempo libère plus de temps et d’espaces pour développer les mélodies.

Paris n’a pas la nuit qu’elle mérite ?

Complètement. Mais après tout, on peut faire un parallèle avec ce qu’il se passe dans la société : les riches se sont enrichis, et les classes moyennes appauvries. Idem pour les clubs, les gros ont prospéré, et ceux à taille humaine se sont cassés la gueule. Entre les usines et les troquets, il y a un chaînon manquant dans la nuit parisienne.

Comment percevez-vous les évolutions de l’électro ?

Aujourd’hui, on est quand même arrivé à un point où on a retourné tout, dans tous les sens. L’hyperutilisation d’Internet permet aux gens d’avoir un accès immédiat à la musique, ce qui donne des kids de 16-17 ans avec un savoir musical encyclopédique. Si l’on rajoute à cela la démocratisation et la sophistication des logiciels de production, on s’aperçoit que l’électro ne peut être que dans une phase de recyclage, de digestion et de redigestion. Oui, on a presque tout vu. Finalement, la musique électronique n’est plus aussi déroutante qu’il y a 20 ans, et c’est bien normal, puisqu’elle a trouvé une certaine forme de maturité.

Vous avez une culture after ?

On adore ! Les dernières qu’on a faites étaient chez des potes, et on a fait n’importe quoi. Sinon, on a un très bon souvenir des after Quality au Batofar. Le seul risque des after est de tomber des fois dans un truc un peu trop glauque… Pour finir, vous pouvez nous filer deux ou trois pépites que vous avez jouées dans vos derniers DJ sets ?

Attends, on va te trouver ça (ils fouillent dans leur iPad) : Accelerator de Chromatics, Shells of Silver de Japanese Pop Star, et Law Silence de Gesaffelstein.

Vous avez été des piliers du Pulp. Vous êtes nostalgiques de cette époque ?

Ouais, un peu (ils sourient). Ce qui nous manque, c’est la liberté et la spontanéité de cet endroit. Il n’y avait pas de videur, c’était autogéré, toutes les couches de la société se mélangeaient sans que ça 21 —

Scratch Massive — Nuit de rêve Pschent ≥ En concert le 16 février au Point Éphémère

Nuit


le bon musicien ® Michaël Pécot-Kleiner Ω Philippe Lebruman

KRIKOR Éloge de la rareté

Fer de lance de l’électro underground parisienne des années 2000, Krikor bluffe son monde en sortant en 2009 Land of Truth, un premier album électro-rock plus introspectif que dancefloor. Depuis, même s’il a enchaîné DJ sets et productions one-shot, l’homme s’est raréfié. Une discrétion synonyme de gestation,

quelque chose dans la lignée de mes maxis, d’ailleurs je trouve que le format album ne convient pas à la techno et il n’y a pas d’album techno que j’aime. J’assume complètement le côté bande originale, son fil narratif. Un album doit raconter une histoire. Fragmenté, il perd son sens. »

puisqu’il bosse actuellement sur son second LP, prévu pour septembre. Le Bonbon nuit a retrouvé le soldat Krikor, et décrypte les pistes de ses intentions à venir.

Flashback 3 ans en arrière. Le beau et étrange Land of Truth boucle une décennie où Krikor joue les trouble-fêtes à grands coups de maxis déglingués (les excellents Electric Grind, Pas de nom et Toujours pas de nom, entres autres.) Habituant son auditoire à une certaine radicalité, ce premier album surprend ceux qui attendent de lui des boucles sales, car plutôt que de répéter une partition déjà connue, il s’aventure avec brio dans une réinterprétation de courants aussi divers que le shoegaze, la house, le rockabilly, la pop ou l’électronica. Au final donc, un disque plus proche d’une BO de western sous héro que d’une bombe pour clubbers extasiés. Maintes fois interrogé par la presse à l’époque sur ce changement de registre, Krikor réitère sa réponse, mais cette fois avec quelques années de recul : « Je ne voulais pas faire 22 —

Saisir les orientations de son prochain LP passe ainsi par la compréhension de Land of Truth, qui prend ici la valeur d’acte fondateur. Krikor l’affirme, le second sera dans la lignée du premier : « Oui, il y aura une continuité, avec une même utilisation des guitares, une même construction pop. Cependant, le synthé et la boîte à rythmes prendront une place plus importante, et donneront aux morceaux une couleur psycho et débile que j’affectionne particulièrement. » Au jeu des différences, pas de guest, moins de titres chantés. À celui des ressemblances, toujours cette vision cinématographique comme toile de fond : « Grey Gardens avait déjà influencé en partie Land of Truth. Ce docu sur la tante et la cousine de Jacky Kennedy et ayant pour thème l’enfermement aura une incidence encore plus importante sur l’atmosphère de mon prochain album. » Et toujours cette façon de travailler, entre animalité et théorie : « J’aime la musique faite dans l’urgence. Le gros du disque est déjà enregistré depuis deux ans. J’ai réenregistré des choses durant l’été Nuit


2011. Tout a été très vite. Le piège est maintenant de ne pas trop fignoler pour ne pas perdre l’énergie première. » Fonctionnant à des vitesses différentes, Krikor détache le Krikor-album au Krikor-dancefloor. Les fans de la première heure pourraient-ils craindre que le premier prennent le dessus sur le second ? Ses goûts et ses inclinaisons semblent bien trop éclectiques pour se laisser enfermer dans un genre, comme en témoignent ses live sets puissants et sa collaboration avec sa pote Chloé sur le projet Plein Soleil (à ce propos, écoutez l’hyp23 —

notique Rendez-vous vorace.). Enfin, question qui brûle les lèvres, Krikor se cache-t-il derrière l’électronique rugueuse du dénommé Crackboy ? À ce sujet, il reste évasif et n’infirme ni ne confirme l’info en nous laissant dans un jolie flou artistique. Mais quelles que soient ses multiples et hypothétiques identités, Krikor est un mec qui suscite l’attente, signe jamais trompeur d’un talent évident.

Krikor — Land of Truth Tigersushi ≥ www.krikor.fr / soundcloud.com/krikorparis

Nuit



Jean-Manuel Goett thenakedsketch.blogspot.com


le bon club ® Marine Goutal Ω Peter Saville

L’Haçienda Usine à house

Club mythique émanant du label non moins culte

Une maison pour la house

Factory Records, l’Haçienda, qui ouvre ses portes

À la mi-temps des années 80, moins satellite du label que vrai club, l’Haçienda délaisse les spectres arty de la new-wave pour creuser le sillon d’une house balbutiante, dans une brèche ouverte par les Happy Mondays - signés par Factory en 1987 et qui font le lien entre la culture rock anglaise et la house de Detroit -, qui trouve une terre d’élection en Albion. L’Haçienda change de cap, avec les DJ Mike Pickering (de Quando Quango) et Little Martin dont les soirées Nude night du vendredi deviendront légendaires. Prémonitoire des suées que connaîtront au tournant des années 90 Tony Wilson et Alan Erasmus, directeurs de Factory Records et de l’Haçienda, le titre du troisième album des Happy Mondays (Pills’n’thrills and bellyaches) donne le ton. Moins inoffensifs que l’alcool et les cigarettes des sous-cultures punk fascinées par Factory, les nouveaux rites du public acid addict de la deuxième Haçienda carburent à la magie de la chimie. 1989 marque le début des ennuis qui conduiront à la fermeture finale en 1997, avec la mort d’une mineure, due à une pilule ecstasy. Inhérents au succès de tout club victime de son succès, les problèmes de sécurité – des fusillades à l’intérieur et à l’extérieur du club, en l’occurrence – intensifient un peu plus les effets de la descente, jusqu’à la fermeture définitive. Le 15 juin 1997, lors d’un concert des géniaux et drogués Spiritualized, les autorités saisissent simplement le « permis de divertir » de l’Haçienda.

en 1982 sur l’Everything’s gone green de New Order, les ferme en 1987, sur les beats de la house-music. Depuis, il n’a cessé d’alimenter la nostalgie d’un temps édénique du clubbing.

À l’image des autres productions de Factory Records, l’Haçienda fut numérotée et intégrée au catalogue des références du label, sous le matricule Fac 51. À l’orée des années 80, le club fait alors partie intégrante de la structure Factory et évolue comme un satellite de la maison mère. Clairement assigné à la promotion de la bouillonnante scène musicale mancunienne, se succèdent les concerts des groupes signés sur la maison de disques fondée par Tony Wilson, de Section 25 à A Certain Ratio, et des amis, comme les Smiths qui jouent trois fois, en 1983. Metteur en scène d’un décor postmoderne, le designer Ben Kelly orne cet entrepôt de briques, de piliers métalliques, de diagonales dont le code couleur jaune-noir-rouge-blanc rappelle la palette primaire des pochettes du label. Le lien de l’Haçienda à Factory Records se fait donc aussi par le visuel, dans une ambiance de fantaisie industrielle qui renvoie à l’esthétique minimaliste des pochettes de disques signées Peter Saville. La ville, jusqu’alors rayée de la carte à tout point de vue, découvre son aura. Très vite, la rumeur enfle et Manchester devient « Madchester ».

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le bon coup ® Manon Troppo Ω Titien / Vénus d’Urbino

un profond sommeil …qui durera cent ans

Ce soir-là, je voulais tomber amoureuse. Ma journée avait été ponctuée de prises de bec, de chèques non reçus, et de l’intégralité du zapping de l’année. De quoi se jeter par la fenêtre à toute berzingue. J’avais envie de gentillesse et de grands bras réconfortants, capables de me faire voler d’un bout à l’autre du matelas. J’aurais été bien naïve d’imaginer trouver mon poulain dans un de ces bars où j’use mes fonds de culotte. Je préférais donc me rendre directement chez l’habitant, à une vraie fête en appart, avec les bouteilles dans la baignoire, des cigarettes écrasées partout et des canapés trop petits. Une boum comme on les aime.

Il existe encore des gens qui, à 26 ans, vivent à quatre dans un immense appartement « prêté » par un papa ambassadeur qui paie le loyer depuis ce pays lointain où il a été appelé et qui, de surcroît, fait sauter les potentielles verbalisations pour tapage nocturne ou épanchement d’urine sur la voie publique. Ces gens sont donc dans l’obligation d’organiser des sauteries, c’est comme ça, pas de discussion possible. S’ils n’honoraient pas le contrat tacite, ils verraient leur nombre d’amis réduire comme une peau de chagrin. C’est injuste et mercantile, c’est la vie. J’arrive ni trop tôt ni trop tard. Dans l’idée d’intercepter l’homme quand il a déjà un peu bu mais avant, tout de même, qu’il confonde mon prénom 28 —

avec celui de son ex. Ma cible, mon gibier, ma proie est là, au milieu du salon, balayant la pièce d’un regard bienveillant. J’attends que ce soit sur moi que sa bienveillance s’attarde et ça ne tarde pas. J’aurais jamais cru qu’on puisse sourire autant. - Ah bein ça, je pensais pas que tu viendrais, c’est… surprenant. - Et pourquoi pas ? - Mmmh, c’est vrai. Mais pourquoi ? - Bein… pour toi. La chose étant posée de façon pour le moins couillue, je me fais cette désagréable réflexion : et si j’étais allée un peu vite en besogne ? Et si j’avais été présomptueuse ? Et s’il était fou amoureux d’une naïade aux seins lourds, aux cheveux peroxydés, au compte en banque mirobolant, qui nous surveillait d’un coin de la pièce et qu’il allait s’empresser de me présenter ? Il me prend par la main. Elle est moite. Sa main. - Viens, je vais enfin te présenter Églantine. Ce genre de prénom n’augure rien de bon, croyezen mon expérience. Amandine, Clémentine, Léopoldine… Toxines. Toutes les copines en -ine que j’ai été amenée à rencontrer étaient de fieffées salopes que les garçons s’entêtaient à trouver « troooop cool ». L’Églantine en question n’a plus grand-chose de salope. Elle est assise par terre, en tailleur, offrant Nuit


Un profond sommeil une vue panoramique sur son entrejambe. Elle hoquette. - Églantine, je te présente Manon. Manon, Églantine, ma coloc. Sa coloc, tout va bien, je respire. Chacun sait que la coloc, si elle est jolie (ce que je suis bien en peine de déterminer, là, tout de suite), est déjà passée à la casserole ou qu’elle n’a jamais tenté son jouxtant, passant directement à la trappe. À l’annonce de mon prénom, la -ine se relève difficilement, le sol semble être plus glissant sous ses pieds que sous les nôtres. Peut-être même qu’il tangue, sur 1 m2, juste pour elle. Et, une fois debout, elle se jette à mon cou. Je ne sais pas comment interpréter cet élan de tendresse, alors je ne l’interprète pas. Je fais ça, souvent, quand je ne sais que penser : je pense pas. C’est elle, maintenant, qui me tient la main. Elle est collante. Sa main. Et puis, elle m’ordonne de l’accompagner sur le canapé où il ne reste pourtant pas un quart de fesses disponible, pour qu’on papote. Quand une fille que je ne connais pas veut qu’on papote trois minutes après les présentations, j’entends et pense « pas potes », systématiquement. C’est pas avec elle que je veux papoter, nom d’une pipe ; c’est d’ailleurs pas pour papoter que je suis venue, les enfants. M’enfin. La proie surveillant gentiment notre rencontre, je fais bonne figure. Ça dure quelque chose comme l’éternité. Cinq heures plus tard, je sers à la bougresse un verre d’eau au moins quatre fois plus grand qu’elle et, miracle, un garçon mal intentionné s’accapare la demoiselle. Ma proie, ma bitch, mon poulain, celui pour lequel je suis venue, si courtois et prévenant, me demande quelque chose que je n’entends pas. C’est un appartement où quatre personnes de 26 ans habitent. Ils ont tous un iPod. Il est 5 heures. Ils ont tous branché leur iPod. Je n’entends rien. Il répète. - Je vais virer tout le monde. J’aimerais que tu restes. Et avant que je dise quelque chose pour combler le 29 —

temps pendant lequel je trouve vraiment pas quoi dire, il dit : « En fait, je vais virer tout le monde pour que tu restes. » À ça, il n’y a rien à redire. Je l’observe ramener les ivrognes vers la porte. Je l’admire rhabiller les drogués. Je le vénère quand il convainc un boit-sans-soif de ne pas s’enfermer dans les toilettes avec une bouteille de vodka. Et j’ai envie de lui donner mon château, mon portefeuille et mes clés quand il explique au couple récalcitrant que, non, ils ne peuvent pas rester là, chacun dans une chambre, vu qu’il veut toutes les chambres pour moi. Il claque la porte et déploie ses grands bras en me noyant dedans. Il n’y a presque plus de bruit et, nos respirations font la musique ; il souffle dans mon cou quand un brouhaha de tous les diables venant de l’escalier nous surprend. C’est -ine. Elle crie que le monde est dégueulasse. Elle jure qu’elle va vomir. Elle vomit. Le monde est dégueulasse. Ma proie, ma cible, mon prince, parce qu’il est gentil et bienveillant et poli et gningningnin me demande d’aller dans sa chambre, de dormir, et de me réveiller prête pour un brunch et une expo. Je monte, je m’allonge et je sais que je ne bruncherai pas demain. J’ai rendez-vous à 9h. Je pense à mes talons, démesurés. Et à la dégaine que j’aurai sur la ligne 2. The walk of shame. Son ordi est allumé, je vais pour écouter un peu de musique, le clip de Fauve raconte comment Kané a pas le droit de dérailler. Je l’écoute. Trois fois. Je me demande plein de trucs. Je me blottis sous la couette, n’y étant plus pour personne. Et, en attrapant l’oreiller, je sens un papier, déposé par le bienveillant-adorable-politout-ce-que-tu-veux qui dit : « Je t’ai imaginée dans mon lit des milliers de fois. » J’entends la -ine vomir encore. J’aimerais qu’il y ait des métros toute la nuit. Je me mets de l’autre côté du matelas. Le côté tout froid. Mais le problème du bon coup à Paris, la nuit, c’est qu’il est souvent mauvais. Nuit


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la bonne mère ® Crame Ω DR

Relatif Yann Échec et mat

La dame Noir (sans e) est un peu le côté obscur, l’équivalent disco-vaudou de Notre-Dame du Mont à Marseille. Petit bar mais grande classe, l’établissement fête ses trois ans et n’en finit plus d’étendre ses projets, son esthétique et son réseau d’amis : un

taille. On fait venir des gens de la scène locale qui est riche - de Seb Bromberger à Virgo Music en passant par Fred Berthet - et des DJ de la scène internationale qu’on aime, underground à couleur disco, qu’on ne voit pas dans les gros clubs.

blog, un label, un “dancing”, des soirées à Paris et ailleurs. Rencontre autour d’un pastis et d’un Jäger-

La dame Noir, c’est un bar, mais c’est aussi un club !

meister avec l’un des boss, Relatif Yann, 39 ans,

Oui, nous avons créé La dame Noir dancing en mai 2011. En 2010, nous avons eu des tracas administratifs dont une fermeture, car nous n’avions pas de licence de musique amplifiée. Ça ne nous a pas démoralisé, on a vachement bossé pour obtenir cette licence et dans le même temps, nous nous sommes dit qu’on avait une carte à jouer ailleurs. Le Trolleybus nous a filé une de leurs salles en concession. L’idée était de faire La dame Noir mais en version club, donc de recréer l’atmosphère du bar et d’insister sur le côté intimiste. Il y a quelques années, j’ai bien connu l’organisation de grosses soirées où tu flippes jusqu’à 3h du matin, l’heure où tu sais s’il y a eu assez de monde. Je ne veux plus de ça. Quand tu viens à La dame Noir, le bar comme le club, tu n’es pas dans une fête privée mais tu connais des gens, tu as des repères, tu n’as pas le côté impersonnel que les clubs ont développé.

depuis toujours dans la musique et la fête. On lui parle de Paris, Londres, Berlin. Il répond : Istanbul, Manchester et… Hiroshima. Comment est née La dame Noir ?

Phred et moi avons commencé à organiser des soirées Non è Possibile en 2004 au Trolleybus, un club sur le Vieux-Port. On a eu l’opportunité de monter notre propre club, le Hush Hush, qui a existé pendant un an. C’est le moment où Hugo et Phred ont voulu monter La dame Noir et investir dedans. Je les ai rejoint pour développer le lieu qui est né en février 2009. Les gens viennent à La dame Noir pour le lieu lui-même, les mojitos, l’odeur, et parce qu’ils savent que la programmation est soutenue. Même s’ils ne connaissent pas les artistes, ils nous font confiance, et on a un bon soundsystem, ce qui est rare pour un lieu de cette 31 —

Nuit


Relatif Yann

“on aime l’idée que le beau est caché et qu’il faut le découvrir … le côté vaudou, transe.”

Avec La dame Noir, vous avez créé une identité assez forte, vous parlez de musique lunaire, le logo présent partout représente une chouette. Parle-moi de ce nom et de cet univers.

Dame parce que c’est le quartier Notre-Dame du Mont, noir parce que c’est le mot qui nous correspond le mieux, à tel point qu’on en a fait une sorte de nom de famille. On préfère le côté obscur à la mise en lumière ; les ombres, l’idée que le beau est caché et qu’il faut le découvrir, et le côté vaudou, transe dans le sens originel. À part Marseille et Paris, vous aimez quelles villes ?

Istanbul et Hiroshima. Hiroshima ?

Phred a connu des Japonnais il y a longtemps à Londres. Il a gardé le contact. Ils sont souvent venus ici à Marseille et nous chez eux. On essaye de développer des choses ensemble. Ils ont des soirées là-bas, des marques de fringues. S’il y a une autre dame Noir qui s’ouvre, ce sera d’abord à Hiroshima. Et ça va vraiment se faire, d’ailleurs, d’ici deux ans. Ce sont deux villes qui se ressemblent, des villes un peu rebelles.

À Paris, tu retrouves des clubs dans cet esprit ?

Oui, Chez Moune, par exemple, ou le Paris Paris quand il existait. Bien sûr, parfois, tu as un côté hype, mais c’est normal, tu es à Paris, la ville la plus visitée au monde, dix millions d’habitants. Mais ça reste humain. Pourquoi faire des soirées La dame Noir à Paris, chez

C’est-à-dire ? Pour moi, Hiroshima, c’est juste une bombe atomique, je ne la connais pas en tant que ville.

Oui, c’est une ville à part dans le monde. Elle a dû se reconstruire, tenir bon, sans être dans le côté larmoyant, au contraire, et sans considérer que le monde est redevable.

Moune, justement ?

On a une résidence informelle chez Moune. On a beaucoup de potes à Paris. On n’est pas tout jeunes, donc au fil du temps on a rencontré beaucoup de monde. Il n’y a pas d’autre motivation que de passer des disques souls dans un club. Faire des choses à Paris, oui, je suis pour, mais en dilettante. Je suis toujours content d’aller à Paris et toujours content d’en partir ; je ne vois que le meilleur. 32 —

C’est quand même la classe de pouvoir dire « Je joue souvent à Hiroshima ». Et Istanbul ?

J’y suis allé la première fois en 1998 pour jouer dans un lieu à peine plus grand que La dame Noir, dont les résidents étaient des mecs comme Ricardo Villalobos. Ils ont développé des clubs par la suite, en particulier le Mini Müzikhol. Ils sont très respectés, avec un côté taille humaine proche Nuit


Relatif Yann de notre manière de fonctionner. J’y joue environ trois fois par an et j’y reste chaque fois une semaine tellement je m’y plais. En juin prochain, il y aura tout un week-end consacré à Marseille là-bas. J’avais pensé te parler de Londres et Berlin et toi, tu me parles d’Hiroshima et Istanbul.

Oui, je peux aussi te parler de Manchester. Comme Marseille, c’est une ville qui a un côté rebelle, décalé, et qui se raccroche à des trucs identitaires forts pour exister. Et qui revient de loin. Istanbul aussi. Il y a quelques années, quand je disais que j’allais là-bas, c’était « han » avec un ton semi-effrayé, maintenant on me dit « ah ouais, tu vas voir, c’est la folie ». Et ce ne sont pas des villes nettoyées comme peut l’être New York par exemple.

Bien sûr. Ici à Marseille, tu peux fumer dans les clubs, par exemple. Il ne faut pas trop le dire, il ne faut pas que tu le marques dans le magazine (rires). Sur des sujets comme le tabac ou les nuisances sonores, par exemple, est-ce qu’il y a une certaine tolérance de la part des autorités à Marseille qu’il n’y a pas à Paris ?

La tolérance n’est ni naturelle ni décidée, elle existe jusqu’à ce qu’un comité d’intérêt de quartier aille jouer son petit rôle de délateur et fasse jouer ses petites relations auprès de la mairie. Et fasse par exemple déplacer le festival Marsatac quatre mois à peine avant sa date. Ça représente peutêtre 1 000 signatures, obtenues par 10 personnes, ce n’est rien. Mais en France, en ce moment, depuis 2003-2004, ces associations savent que l’ambiance est propice à ce qu’on les écoute elles et pas d’autres. Marseille a des atouts énormes, notamment au niveau du tourisme. Mais on est bloqués par des gens comme ça.

Qu’est-ce qui t’importune, te déprime à Marseille ?

Les gens aiment beaucoup leur ville, il y a un lien social fort, et en même temps, ils n’en prennent pas soin. Avec un peu plus d’efforts, Marseille serait terrible. La manière dont elle est gérée est catastrophique. Tu as des dynamiques culturelles fortes - à la Friche ou ailleurs, beaucoup de lieux dans des styles très différents, mais pas assez reconnus, pas assez encouragés par le public. Autre exemple. Je travaille à Radio Grenouille ; je m’occupe de l’événementiel et de deux émissions. Je sais que beaucoup de Marseillais pensent que Radio Grenouille existe dans toutes les villes et que dans toutes les villes, c’est bien meilleur qu’à Marseille. Alors que ça n’existe qu’à Marseille. La comparaison avec Paris revient souvent et elle est débile. On n’a pas les mêmes moyens, pas la même population. Par contre, depuis le TGV, les deux villes ont appris à se connaître. Qu’est-ce que tu aimes bien à Paris ? Qu’est-ce que tu n’aimes pas ?

J’aime la ville elle-même. Quand j’y vais, je finis toujours la tête en l’air. Et il y a une bonne dynamique des lieux de nuit. J’aime autant aller à la Féline qu’au Baron ou dans des rades. Je n’aime pas le temps qu’il fait. Les gens sont pressés par le temps et par la vie, il y a un truc qui leur tape sur le moral et ça se voit. Sur les dix millions d’habitants, il ne doit y en avoir qu’un million qui profite de la ville. Le reste n’a que les inconvénients.

La dame Noir 30, place Notre-Dame-du-Mont - Marseille 6 e ≥ ladamenoir.wordpress.com ≥ twitter.com/Relatifyann

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La bonne séance ® Violaine Schütz Objet filmique hypnotique, la nuit a inspiré bien des cinéastes. Chaque mois, on sélectionne quatre films à voir (ou à revoir) après le jour. Parce que la fin de Megaupload ne signifie pas la fin des séances de chambre.

night on earth Jim Jarmush (1991)

la nuit du chasseur Charles Laughton (1955)

LES NUITS DE la PLEINE LUNE Éric Rohmer (1984)

Une nuit en enfer

Robert Rodriguez

(1996)

Dans ce beau film à sketchs, on suit des trajets en taxi dans des grandes villes de nuit. Notre passage préféré, à Los Angeles une femme très classe (interprétée par Gena Rowlands) monte avec une jeune chauffeuse de taxi (Winona Rider). La première tente de convaincre la deuxième de laisser tomber son job pour devenir une star de cinéma. Mais elle aime trop la mécanique pour rêver de paillettes. D’une grande poésie. Avec : Winona Ryder, Gena Rowlands, Giancarlo Esposito, Rosie Perez, Isaac de Bankolé, Béatrice Dalle, Roberto Benigni… Difficile de faire plus mythique que cet unique film de Charles Laughton dans lequel le charismatique Robert Mitchum tient le rôle de sa vie. L’histoire ? Sur fond de grande crise économique, un prêcheur psychopathe poursuit sur les routes américaines deux enfants dont le père vient d’être condamné pour vol et meurtre. Ce dernier leur avait confié dix mille dollars. Le film qui vous donnera envie, si ce n’est pas déjà fait, de vous faire tatouer. Avec : Robert Mitchum, Shelley Winters, Lillian Gish, Billy Chapin, Sally Jane Bruce, James Gleason, Peter Graves. Louise se détache peu à peu de Rémi, décide de louer un studio pour éprouver sa nouvelle liberté, s’amuse avec les sentiments des autres. Couleurs primaires, BO d’Elli & Jacno, l’élégance de Pascale Ogier, l’influence de la peinture, la scène culte aux 120 Nuits, une discothèque parisienne éphémère, tout est parfait et au service d’un propos fascinant : l’influence des nuits de pleine lune sur les instincts humains… Avec : Pascale Ogier, Tchéky Karyo, Fabrice Luchini, Virginie Thévenet, Christian Vadim, Lisa Garneri, Elli Medeiros. Qui n’a pas vu danser Salma Hayek dans ce film n’a jamais rien vu de hot dans sa vie. Mais dans ce film complètement fou, il n’y a pas que ça qui vaut le détour. Cette histoire de dingue (deux criminels qui prennent une famille en otage et se rendent tous ensemble dans un bar pour routiers peuplé de vampires, le Titty Twister) est un délire visuel nocturne des plus vivifiants. Avec : George Clooney, Quentin Tarantino, Harvey Keitel, Juliette Lewis, Ernest Liu, Salma Hayek… 34 —

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la bonne incruste ® Mister IG aka Pierig Leray Ω DR

l’art du VERNISSAGE Ne jamais hésiter et ne pas faire

Les premiers gestes

La reconnaissance

demi-tour face à un videur. Y aller

Un peu de tenue voyons, ne vous jetez pas comme un dératé sur l’alcool à volonté. Un seul petit tour voir les toiles, on survole et vient demander dans un premier temps : « Vous auriez un Perrier ? » La réponse sera forcément non et vous serez parfaitement à même de récupérer votre coupelle tant espérée.

Plus on vous verra dans des vernissages, plus les mains se tendront devant vous. Mais attention, toujours rester humble, ne jamais parler trop fort et ne pas tomber dans le syndrome VRP. De plus, il y a certaines personnes que vous devrez éviter à tout prix, les tubes de colle, le mec qui te parle à deux centimètres du visage avec une haleine de bouc et j’en passe.

franc du collier, la tête haute, sûr de son charlatanisme. Une exception, toujours vérifier s’il y a du monde et si la galerie n’est pas un minuscule trou à rat, mais ça vous l’avez normalement déjà vérifié via Google street. À la limite, envoyer un émissaire bizuth un peu con qui se tape la honte à votre place. Personne ? Cassos boire une mousse en lisant Le

La position

Parisien au Progrès. Blindax ?

Ne jamais rester le verre vide en plein milieu de la pièce comme un poireau à emmerder les fashionistas, un risque d’ailleurs trop élevé de se faire renverser du Champomy sur la tête. Bougez, souriez et mettez-vous dehors dès que possible. Sinon, les recoins, une demie-fesse sur les rebords.

Here we go.

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L’état de boisson

On ne vient jamais ivre à un vernissage, et on n’y va jamais trop tard. Les horaires sont généralement 18h - 22h, ne jamais débarquer à l’ouverture comme un rapace attendant de se remplir le gosier de limaces alcoolisées. Ni trop tard, car c’est les culs-de-bouteille que vous dégusterez. Disons que 19h30 est un horaire parfait. Une personne ivre dans un milieu de coincé fionfion ça se remarque et ça dégoûte. Alors un effort, on entre sobre. Mais on sort bourré.


L’art du Vernissage

Le style

L’instinct masculin

Ce qu’il y a de terrible est bien sur l’over-sappage. Excepté les lieux de prestige, on évite les fringues garçon de café, et on reste sobre avec élégance. Chemise, évidemment, veste en velours et jean cigarette. Point trop n’en faut au risque de se ridiculiser.

Il faut savoir sentir, ressentir le plan. Une ballade un jeudi soir dans le Marais ou à SaintGermain vaut mieux qu’une programmation préétablie de vernissages. Se laisser aller au gré du champagne, sentir la coupe, la chasser et délaisser le trio infernal cubi-chips-verre en plastique. Tout un art mais avant tout c’est de l’observation fine et une attitude je-m’en-foutiste totale. Car, nous sommes au-dessus des lois, des listes. Si tu le sais, ils le sauront.

L’expopulaire

S’intéresser à une exposition semble dépassé. On n’est pas là pour ça et les regards perçants sur une toile, les interrogations vaporeuses qui en découlent sont à prohiber. On n’est pas au MAC-Val, 95 % des vernissages sont pour des artistes ratés, des expositions bâclées ou sans intérêt alors on ne se la joue pas intello de comptoir à décortiquer une croûte. Ça va de soi mais ne jamais aborder la gente féminine avec un lamentable « Que penses-tu de l’expo ? » On s’en branle.

La grande bouffe

La cerise sur la gâteau, petits fours ou wrap Monoprix, ça c’est la classe. On crève la dalle et pour éviter de dégobiller de la bile acide le soir venu, ne pas hésiter à se jeter sur la nourriture. Savoir repérer les endroits stratégiques et notamment la sortie des serveurs, l’endroit du ravitaillement… Il faut jouer des coudes, en prendre plusieurs et se gaver. Plus de réserve pour 37 —

Nuit

l’alcool, par contre la bouffe, on se lance. Le départ

Ne jamais rester trop longtemps car finir les culs-debouteilles avec les nouveaux crevards, c’est la loose. Comme les nouveaux riches, les nouveaux crevards sont faciles à identifier, sans gêne, sans complexes mais surtout sans valeurs. Déguerpir et rejoindre l’after que vous aurez préalablement dégotté dans vos discussions futiles et superficielles. L’air est froid, le temps maussade, il fait triste. Alors il est grand temps de retrouver nos lettres de noblesse, reconquérir les galeries, les infester et les partager. Communautaristes capitalistes, bougeons-nous le fion pour gagner du terrain et devenir omniprésents, que l’on nous paye pour faire la fête, que l’on nous vire pour l’avoir trop faite et qu’enfin, l’art ne soit pas qu’une question d’open bar.


le bon look Création & Photographie Ω Amélie Chassary — Stylisme 7 Anthony Lee Watson

38 —

Nuit


Le Bon Look

Cerise Diva Champomy Effeuilleuse burlesque Robe : Cacharel Bibi : Paname / Jane Schmitt Collier : Corpus Christi Chaussures : Nando Muzi Arnaud Duroy Consultant Chemise : Nuur Pantalon : Mohsin Ali Chaussures : Converse Églantine et Léopold Chiens Robes : Kitten Dolls

39 —

Nuit


la bonne djette ® Sophie Rosemont Ω Philippe Mazzoni / Yahel Chirinian (Disco Ganesh) Courtesy Galerie 13

Audrey Katz Signé Katz Eyes

Attention les yeux. Couleur de cheveux flamboyante, rouge à lèvres carmin et look affûté : Audrey Katz en impose visuellement – et musicalement, puisque c’est l’une des Djettes parisiennes les plus actives du moment.

Née à Paris dans les années 80, Audrey Katz a rapidement compris qu’elle n’était pas tout à fait comme les autres. « Enceinte de moi, ma mère regardait les petites filles rousses en rêvant d’en avoir une. Résultat : je suis blond vénitien. C’est une couleur particulière car on te remarque plus que les autres. On peut même te montrer du doigt ! Je me suis donc forgée du répondant. » Après le bac, elle rentre au Conservatoire de réalisation puis enchaîne sur les cours Simon. Pendant trois ans, elle apprend à jouer la comédie – à travailler son articulation, son jeu, son assurance face au public. Et quand on parle de comédie, c’est bien de ça dont il s’agit : « Dès le début des cours, on m’a collé une étiquette, on me disait que j’étais une future Chantal Ladesou. » Cette envie de faire rire les gens ne l’a jamais quittée, et il est rare de passer plus de quatre minutes avec elle sans qu’elle balance, avec une désinvolture déconcertante, une pique pleine d’ironie. 40 —

Après avoir fait un peu de mise en scène, de radio et d’écriture de programmes courts audiovisuels, elle a le coup de foudre de sa vie : le deejaying. Comment ? « En allant assidûment au Baron, en me collant à la cabine du DJ et en partageant son amour pour les machines. Lorsque l’un d’eux m’a donné des cours, je suis devenue folle. Je m’applaudissais comme une gamine ! Très vite, j’ai commencé à mixer pour de bon. » Pourquoi l’électro ? « J’ai réalisé qu’on pouvait prendre son pied sur des beats électro, qu’ils me permettaient d’extraire de moi une espèce de rage. C’était une nouvelle manière de m’exprimer. Plus ça tape fort, plus je suis heureuse. » D’où son surnom de Jean-Micheline Turbine (sic !), trouvé par Matthieu Gazier, du label Ekler’o’Shock. Voir la foule sauter à l’unisson sur ses martèlements synthétiques ravit plus que de raison Audrey, qui ne lâche plus une minute ses platines depuis maintenant cinq ans. Elle s’attelle aussi à sa propre production en travaillant avec Toxic Avenger, façonne des remixes pour Make The Girl Dance, Nasser, Leonard, Séverin, The Killer Rabbits ou même les Beach Boys, « histoire de montrer de quel bois on peut se chauffer quand on est DJ ! ».

Nuit


Le premier EP, c’est Howlin (2010), dont le titre est trouvé « entre deux pistes de ski ». À la grande surprise d’Audrey, il est très bien accueilli. L’année suivante, c’est au tour de Rave Solution de faire son petit effet – sans doute grâce à son clip, remake du fameux Bushes de Markus Nikolai. Réalisé par Grégory Ohrel et Lionel Hirlé, la vidéo s’avère aussi troublant que drôle. À regarder impérativement jusqu’au bout. Quant au son, il est au diapason : « Je voulais qu’il y en ait pour tout le monde, j’ai donc convoqué d’autres DJ pour des remixes versant dans l’instrumental (Tulip81), dans l’électro pure (Ikki), dans la drum’n’bass (Sweet Chocolate Cookie) ou bien dans la house (Xeum) ». 41 —

Après quelques mois de réflexion, elle va se lancer dans un nouvel EP, un nouveau projet de duo, de nouvelles dates… et pourquoi pas monter sur les planches. Sa devise pour 2012 ? « Casse-toi pauv’ con ! » Hum. Et plus sérieusement ? « C’est jamais assez. » En effet, Audrey Katz semble être une éternelle insatisfaite. Tant mieux pour nous, elle ne semble pas prête de s’éclipser. Ne quittez pas vos lunettes de soleil, elles pourront servir plus longtemps que vous pensez… Audrey Katz — Rave Solution Leonizer ≥ www.soundcloud.com/audreykatz

Nuit



Bonbon Party | Tous les vendredis au Bus Palladium â„Ś Antoine Garnier / Face de Bus


la playlist de Ω DR

marie madeleine

Death in june — Because of him

L’ensemble de l’album sonne de manière tellement étrange, c’est toujours sur le fil, entre le romantique et le glauque. Sensational & Kouhei — Dekadance

Minimaliste et sombre comme un bon vieux Wu-Tang, mais complètement défoncé et froid. En fait, c’est un peu comme si le cadavre d’Ol Dirty Bastard sortait encore des disques. Nino Rota — Canto della Buranella

Pour le film (Il Casanova di Fellini) et l’ensemble de l’OST. Joakim — Forever young

Ça avance comme un morceau rock, ça remue comme un bon titre disco, tout en distillant quelque chose de contemplatif et nostalgique, le tout dans un tube pop. C’est fort. Sunns — Sweet Nothing Le trio parisien sort un deuxième EP de disco wave, No Love, sur

Du rock ? De l’electro ? Une grosse claque venue du Canada ! Vu et revu en concert tellement c’est bon à voir et à écouter…

le label Ekler’o’Shock. Ils nous livrent leur playlist nocturne.

Johnny Cash — Redemption Day

Quand le père se met à reprendre Sheryl Crow, tous les enfants s’assoient et écoutent…

www.ekleroshock.com

The Only Ones — Another Girl Another Planet

Nous avions pris notre claque avec Television. Mais voilà que nous tombons sur The Only Ones qui te sortent un hybride de punk-rock mélodique qui te reste dans le crâne toute la journée. Baron Retif & Concepcion Perez — Beijos seus labios (feat. Tita Lima)

Un live onirique, batterie-synthé. Nos copains de Musique Large, LE label à suivre de près ! Connan Mockasin — Please Turn Me into the Snat

Une des grosses claques de l’année dernière. Si Marie Madeleine était le yin, Connan Mockasin serait le yang. Danger Mouse & Daniele Luppi — Black (feat. Norah Jones)

Un très bon morceau aux influences gainsbouriennes, sublimé par la série Breaking Bad (morceau de clôture de la dernière saison).

44 —

Nuit


trousse de secours Ouvert toute la nuit ! Pharmacies de garde

Épicerie Shell

Chez Tina

84, av. des Champs-Élysées 8e

6, boulevard Raspail 7e

1, rue Lepic 18e

≥ 01 45 62 02 41

≥ 7/7 — 24/24

d≥j jusqu'à 4h30 / v≥s jusqu'à 7h

6, place de Clichy 9 e

Minimarket fruits et légumes

Boulangerie Salem

≥ 01 48 74 65 18

11, boulevard de Clichy 9 e

20, boulevard de Clichy 18e ≥ 7/7 — 24/24

6, place Félix-Éboué 12

≥ 7/7 — jusqu'à 7h

≥ 01 43 43 19 03

Alimentation 8 à Huit

Livraison médicaments 24/24

151, rue de la Convention 15e

Fleuristes

≥ 01 42 42 42 50

≥ 7/7 — 24/24

Chez Violette, au Pot de fer fleuri

Supérette 77

78, rue Monge 5e

Urgences

77, boulevard Barbès 18e

≥ 01 45 35 17 42

SOS dépression

≥ Mardi au dimanche jusqu'à 5h

Relais Fleury

e

≥ 08 92 70 12 38

114, rue Caulaincourt 18e

Urgences psychiatrie

Resto

Se déplace sur région parisienne

L’Endroit, 67, place du Docteur-

≥ 01 46 06 63 97

≥ 01 40 47 04 47

Félix-Lobligeois 17e 01 42 29 50 00

Carwash

Drogue, alcool, tabac info service

≥ tlj de 11h à 1h, jeudi, vendredi,

Paris Autolavage 7/7 — 24/24

≥ 0800 23 13 13 / 01 70 23 13 13

samedi de 10h à 5h

Porte de Clichy 17e

Livraison sextoys

Tabac

Shopping

Commande en ligne

Tabac du Châtelet

Virgin Megastore

www.sweet-delivery.fr/

4, rue Saint-Denis 1er

52, av. des Champs-Élysées 8e

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

≥ 7/7 — jusqu'à 3h

≥ jusqu'à minuit

Tabac Saint-Paul

Librairie Boulinier

Livraison alcool + food

127, rue Saint-Antoine 4e

20, boulevard Saint-Michel 6 e

Nemo 01 47 03 33 84

≥ 7/7 — jusqu'à minuit

v≥l jusqu'à 00h, m≥j jusqu'à 23h

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

Le Pigalle

Faim de Nuit 01 43 44 04 88

22, boulevard de Clichy 18e

Kiosques à journaux 24/24

≥ 7/7 — jusqu'à 7h

≥ Vendredi et samedi jusqu'à 5h

38, av. des Champs-Élysées 8e

Allô Hector 01 43 07 70 70

16, boulevard de la Madeleine 8e

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

Poste de nuit

2, boulevard Montmartre 9 e

Apéritissimo 01 48 74 34 66

52, rue du Louvre 1er M° Louvre-

Place de Clichy 18e

≥ 7/7 — jusqu'à 4h

Rivoli / Étienne-Marcel

Allô Glaçons

Boulangeries

53, rue de la Harpe 5e

01 46 75 05 05 ≥ 7/7 — 24/24

Snac Time

≥ 01 44 07 38 89

97, boulevard Saint-Germain 6 e

20, rue du Fg-Saint-Antoine 12e

Épiceries

≥ 7/7 — 24/24

≥ 01 43 40 03 00

L'Épicerie de nuit

Boulangerie pâtisserie

Internet 24/24

35, rue Claude-Bernard 5e

99, avenue de Clichy 17e

Envoyez-nous vos bons plans

≥ Vendredi et samedi jusqu'à 3h30

≥ 7/7 — 24/24

ouverts la nuit : nuit@lebonbon.fr

45 —

Nuit


la bonne ombre ® Camille Emmanuelle (Texte issu du concours Le Bonbon Nuit / Welovewords.com)

l’ombre de pigalle Il est là. Plusieurs soirs par semaine. Été comme hiver. De 23h à 6h. À Pigalle. Dans les boîtes de strip et les bars de hipsters, dans les clubs échangistes et les salles de concert, dans les bars à hôtesses et les hôtels d’hommes d’affaires : il voit tout, entend tout, connaît tout sur tout.

Il, c’est monsieur Mondaine de Pigalle. Au sein de la Brigade de répression du proxénétisme, il fait partie du groupe Cabaret. Ce groupe qui a été créé au départ pour surveiller les maisons closes. Aujourd’hui, il n’y a plus de bordels officiels et M. Mondaine ne fait pas, comme cela se faisait à l’époque, des « fiches » sur les grands de ce monde et leurs mœurs dépravées. Son travail, c’est l’information. Celle qui permet la lutte contre le proxénétisme et les stupéfiants. Et c’est aussi la délivrance d’autorisations. Car il possède, lui et son groupe, un pouvoir important : celui de délivrer ou non l’autorisation de nuit aux établissements parisiens. Ce pouvoir créée du fantasme. Le film récent Une Nuit, est un témoin de cette fantasmagorie autour de cet univers. Mais laissons la fiction dans les salles obscures, et voyons de plus près la réalité de cette bonne ombre. Suivez-moi… Il arpente Pigalle, toujours accompagné d’un collègue, dans une vieille voiture. Une vieille Renault, ou une Peugeot, je n’y connais rien, bref une voiture qui ressemble à rien. À mon avis, c’est fait 46 —

exprès, c’est pour passer inaperçu. Lui, par contre, ne passe pas inaperçu. Bel homme, silhouette à la fois massive et élégante, costard 60’s, cheveux gominés, yeux noirs et foulard en soie. Don Draper meets Audiard. Sous la chemise impeccable les tatouages. Sous l’homme de loi le mod... Premier stop des lieux de nuit : le Carmen. Nouveau repère de la hype Pigallienne avec le SansSouci, le Mansart, le Lautrec. Cet ancien hôtel particulier, au décor soigné et aux cocktails parfaits, accueille un public de beaux-gosses-graphistes-DJ-stylistes-community-managers et de jolies-meufs-bloggeuses-chanteuses-attachéesde-presse. M. Mondaine de Pigalle regarde avec une distance amusée cette faune, et repart dans sa tournée. Il passe devant l’Indifférent, à côté du Mansart, une discothèque, un « night-club » comme on disait à l’époque. Notre homme discute avec Mouss, le gérant. Mouss aimerait bien que le public du Mansart finisse ses soirées chez lui, mais ce n’est pas évident, son lieu est sûrement encore trop identifié R’n’B. Les deux hommes discutent nuisances sonores, et autorisations de nuit. Je ne comprends pas tout. Non pas que je ne suis pas intelligente, mais Mouss ne parle pas dans ma direction, et M. Mondaine articule un mot sur deux. J’entends plusieurs fois le mot « horrible ». Nuit


L'ombre de Pigalle

Je me dis : « Oh, une affaire ! » Mais je comprends vite que dans sa bouche, ce mot ponctue une phrase sur deux. L’homme, qui cite aussi bien Henry Miller que Leslie Nielsen, a fait des études de sociologie et a été assistant social, avant d’être flic. Cela l’aide, dit-il, à avoir un regard ouvert sur ceux qui font la nuit. « Pigalle appartient à tout le monde », m’explique-t-il sur le chemin, avec son accent de Parigot d’adoption. « Mais il faut savoir l’apprivoiser. C’est une insoumise. » Direction le Fox Club. Un ancien bar à hôtesses, devenu bar tout court, géré par la belle Johanne. Johanne est l’ancienne gérante de Chez Moune. Elle connaît Pigalle, ses femmes et ses hommes par cœur. Elle parle très fort, rit très fort, vit très fort, je l’aime bien. Elle a de bons rapports avec M. Mondaine. Un rapport certes très professionnel, mais ponctué de quelques éclats de rire et de plusieurs vannes cinglantes. Je compte les points. Sur le boulevard, arrêt au LOVE, un petit cabaret de pole dance et lap dance. On parle avec Wahby, un des gérants. Il y a cinq danseuses, trois au comptoir, et deux sur scène, autour de la barre de pole dance. Je scotche sur les fesses de l’une d’entre elles. Magnifiques. Mais je suis apparemment la seule à scotcher. Je regarde mon interlo47 —

cuteur de la BRP, il ne voit pas du tout les filles. Il ne les voit plus, surtout. Des nuits à arpenter des lieux où les corps sont dénudés (les clubs échangistes), des années à travailler à la surveillance de la production porno l’ont « habitué » à des scènes et des images qui feraient rougir les grenouilles de bénitier. En parlant de bénitier, Wahby a une tête d’enfant de chœur et une voix très douce. On a envie, quand on le voit, de lui faire un câlin. C’est fou, on l’imagine plus étudiant en lettres que patron de stripteaseuses. L’habit ne fait pas le gérant de cabaret. Lui et M. Mondaine voient Pigalle changer. Ils voient des Franprix et des Naturalia remplacer les clubs de strip et se posent des questions sur l’avenir du quartier. Sainte Rita, patronne de Pigalle, priez pour elle. Priez pour nous. Le Boulevard. Deux heures du matin. Je commence à me les cailler sévère (et à maîtriser l’argot). Les deux flics sont appelés dans le Marais. Je les quitte pour prendre le bus de nuit. À l’arrêt, des loulous me collent et me saoulent. Je suis tentée de rappeler M. Mondaine, pour qu’il débarque dans sa vieille Peugeot et impressionne les loulous (pas avec sa caisse, mais avec sa plaque de police et son gun…). Mais je me ravise, et me rappelle que ce n’est pas moi que cette ombre discrète protège, mais un quartier, un quartier de nuit, unique, magique, et magnifique : Pigalle. Nuit


le bon agenda La sélection de ParisLaNuit.fr Jeudi 02/02 23h30 Rex Club 12 €

Mercredi 15/02 19h30 Le Nouveau Casino 16,80 €

≥ Rex Club Re-Opening Party avec Jeff Mills &

≥ Concrete Knives

Cassy Jeudi 16/02 00h Le Nouveau Casino Gratuit Vendredi 03/02

23h

≥ Snatch Party : Set & Match, DJ Fab & DJ Simbad

Le Social 13 €

≥ Furie : Julio Bashmore, Motor City Drum Ensemble 23h30

Vendredi 17/02 23h Le Social 13 €

Le Showcase 10 €

≥ Form Label Night, Popof & Maetrik 23h30

≥ NUMBERS avec Joy Orbison, Feadz, Jackmaster & Numbers Crew

Bus Palladium Gratuit

≥ Bonbon Party Vendredi 17/02 19h30 Machine du Moulin Rouge 22€ Samedi 04/02

23h

Machine du Moulin Rouge 17 €

≥ SBTRKT Live

≥ Wide Style #12 : DJ Krush vs DJ Vadim 23h30

Samedi 18/02 23h Le Social 15 €

Le Point Éphémère 12 €

≥ Cockorico Orgia : Jennifer Cardini, Aurélie, Maxime

≥ Black Moon avec The Shoes DJ set, Tensnake,

Iko & Nox

Blondes live & Hybu 23h

La Bellevilloise 15 €

Mercredi 08/02 19h30 La Flèche d’Or 12 €

≥ Poyz’n’Pirlz spécial Dre Day (Arthur King, DJ Gero,

≥ Howler + Made Man + The Static Jacks

Dabaaz, Matt Primeur, Drixxxe, Kazey)

Jeudi 09/02 23h Le Social Gratuit

Mardi 21/02 23h Le Social Gratuit

≥Jerkin’n’Out avec Shlohmo et Salva

≥ Trust The Buzz avec Acid Washed DJ set, Anteros & Thanaton & Clara 3000

Vendredi 10/02 20h Le Point Éphémère 13 € ≥ Sonotown présente Tri-Angle avec Balam Acab, Holy Other, oOoOO 21h

Samedi 25/02 23h30 Le Showcase 10 € ≥ A Night with Fritz Kalkbrenner & Zander VT

Bus Palladium Gratuit

00h

Le Nouveau Casino 10 €

≥ Perfect Idiots + Normapeals

≥ Headman aka Robi Insinna (Wagon Repair) &

≥ Bonbon Party

Class B Band

23h30

Le Showcase 10 €

≥ Brodinski presents Fake Blood, Riton & Noob 01h

Dimanche 26/02 19h Le Glazart 18 € ≥ Souls Of Mischief, Doppelgangaz, Tisme et Dj Kozi

Machine du Moulin Rouge Gratuit

≥ Les Nuits zébrées de Radio Nova avec Am & Mercredi 29/02 19h La Maroquinerie 21 €

Shawn Lee, R-Wan, Mike Ladd et Darabi

≥ Chairlift + o F F Samedi 11/02 21h Bus Palladium 5 € ≥ Liza Manili + Jim Rose + Expedition + Natalia

Vendredi 02/03 00h Le Glazart 14 €

Moscou

≥ We Are Family avec Max Cooper, Rafaël Murillo,

23h59

Fantomette

Rex Club 13 €

≥ Circus Company Club avec Aquarius Heaven Live, Envoyez votre prog à : emmanuel@parislanuit.fr

Sammy Dee & Sety

48 —

Nuit



cli

tre

montmar chy

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