Le Bonbon Nuit 47

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Novembre 2014 - n째 47 - lebonbon.fr


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ÉDITO Novembre 2014

© Jacob Khrist

J’me souviens, y’a un petit bout de temps, j’avais interviewé Guido d’Acid Arab et je lui avais posé la question : « Quel est le métier nocturne qui t’intrigue le plus ? » Le mec m’avait répondu « les casse-couilles de soirée ». J’avais ri un bon coup et gardé dans un coin de ma tête cette réponse, tout en tentant de répondre à une autre question : « À quoi ça ressemble un casse-couilles de soirée, hein ? ». Le casse-couilles de soirée est-il le type bourré qui te tire la manche et qui vient te parler à deux centimètres du nez avec une haleine de chiottes ? Ou bien est-ce la nana qui vient 20 fois relouter un Dj pour qu’il mette « un truc que tout le monde aime et qui bouge » ? Tiens, ça pourrait très bien être le trouduc qui reste 10 plombes aux toilettes, « on sait pas ce qu’il y fait », mais ça rend les gens bien hystéro dans la fil d’attente. Grand classique aussi : le type-qui-parle-tout-seul et qui s’est évadé de son hôpital psychiatrique. N’oublions également pas le videur qui fait de l’abus de pouvoir, le barman qui met 3 heures à te servir parce qu’il n’aime pas ta gueule ou encore le patron de club qui se fout de la direction artistique parce que son seul trip, c’est de vendre de l’alcool... Bon, comme tu peux t’en apercevoir, le casse-couilles de soirée prend de multiples visages mais j’en ai quand même déduit un truc : si tu pues de la gueule, que tu fais chier les Dj, que tu te poutres dans les WC, que t’as fait un peu d’HP, que tu as été dans ta vie videur, barman snobinard ou patron de club radin, hé bien je vais te dire : toi, tu dois pas être loin des premières places du classement de la casse-couillerie internationale. MPK Rédacteur en chef

Rédacteur en chef — Michaël Pécot-Kleiner michael@lebonbon.fr | Directeur artistique — Tom Gordonovitch tom@lebonbon.fr Directeur de la publication — Jacques de la Chaise | Photo couverture — Chloé Raunet par Nicola Delorme Secrétaire

de

rédaction

Louis

Haeffner

|

Régie

publicitaire

regiepub@lebonbon.fr

06 33 54 65 95 Contactez-nous — nuit@lebonbon.fr | Siret — 510 580 301 00032 | Siège social — 12, rue Lamartine Paris 9e 1—

Nuit


TOUS LES CHEMINS MÈNENT À LA NUIT…

le Bonbon.fr


SOMMAIRE Le Bonbon Nuit

Chloé Raunet

p. 7

Starck

p. 11

roadtrip

Y’a quoi à Belleville

p. 15

musique

Vidal Benjamin

p. 17

internet

Radiooooo.com

p. 21

cinéma

Y’a quoi au ciné ?

p. 23

tumblr

Polanski

p. 25

O’Sullivans

p. 27

Caouettes vs. Popcorn

p. 29

nightivisme

Magie Noire

p. 31

casse-dalle

Won Ton Clon

p. 37

White Lady

p. 39

métier de l’ombre

Bonnet C

p. 43

playlist

Para One

p. 47

à la une rencontre

4e dimension humeur

cocktail

3—

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DR/ DR/ DR/ DR


AGENDA Les événements à ne pas manquer

Grosse mouille pour la Wet for me. Voilà une une bonne grosse teuf comme on les aime. Cette fois-ci, les filles du collectif Barbi(e)turix ont décidé de mettre la soirée sous le signe de la diva. Nickel pour se repoudrer le zen sur un line-up canon (Karin Park, Kate Simko, Billie Ray Martin...) Samedi 29 novembre à la Machine du Moulin Rouge. Minuit jusqu’à l’aube.

On ne ratera pas. Un peu de beauté dans ce monde de putes, ça ne fera pas de mal. On guettera donc la sortie du CD/ DVD Biophilia live de Björk, mixe entre son concert live capté à l’Alexandre Palace et un film multidimensionnel. Bouche en cœur devant la scéno et la perruque chelou de la chanteuse. Sortie le 24 novembre.

Marcel Duchamp Celui que tout le monde connaît pour avoir foutu le bordel dans le monde de l’art traditionnel avec ses ready made (dont la fameuse pissotière) tâtait aussi des pinceaux. Y seront donc exposés ses tableaux, ses dessins, ses croquis... Tu n’as pas le droit de rater cela, t’entends ? Tout le mois de novembre. Centre Pompidou.

Grrrrr before by le Bonbon #4 Le Grrrrr before revient au Willow, métro Pont Marie. Les amateurs de bières sont attendus de pied ferme pour chiller et décompresser après une dure journée DR/ DR/ DR/ DR

de labeur. DJ Aldric aux platines vous fera danser sur des sons electro et house tandis qu’une illustratice viendra tirer vos portraits. Le jeudi 13 novembre de 19h à 00h Le Willow - 14, quai de l´Hôtel de Ville - 75004 5—

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À LA UNE T/ Hillel Schlegel P/ Michael Kelly

CHLOÉ RAUNET “JE NE SUIS PAS PARTICULIÈREMENT PERFECTIONNISTE.” Ivan Smagghe ? «Il a plus ou moins produit tout mon album». Red Axes ? «Je les adore, d’ailleurs j’ai bossé avec eux.» Cosmo Vitelli, Tim Paris ? «Je les connais bien, on est quasiment dans la même équipe.» Aucun doute à avoir : l’ex-chanteuse de Battant Chloé Raunet fait bel et bien partie de ce qu’on appelle une famille musicale. Une famille plutôt darko-technoïdo-coldwavesque, quoiqu’avec son nouveau projet solo C.A.R., elle-même reven-

ceaux «pop». Je n’ai pas particulièrement étudié la musique, je n’ai pas de formation musicale spécifique - j’ai juste fait un tout petit peu de violon quand j’étais petite. Mais écrire des chansons me vient naturellement ; même si j’ai grandi en écoutant de la dance, je trouve ça plus intimidant de faire de l’électro. Je pense que j’aurais plus de mal à faire des titres orientés club. La structure pop me convient spontanément.

dique «une électro-pop bizarroïde et sombre, mais plus lumineuse qu’auparavant.» Hem. Comme tout

Ton son est particulièrement «granuleux» je trouve,

ça n’avait pas l’air très clair, à l’occasion de la sor-

très brut. Si autrefois, faire de la musique consistait

tie de My Friend, son premier album sous le nom de

avant tout en une recherche d’harmonies, produire

C.A.R., nous sommes allés rencontrer cette Londo-

des textures sonores et créer des sonorités inédites

nienne d’adoption de passage à Paris, et sommes

est devenu aujourd’hui prédominant sur le plan de la

revenus avec une certitude : Chloé Raunet est une

production musicale. Tu confirmes ?

putain de survivante.

Oui - mais moi, je dirais que ma musique surgit «par accident». Je laisse souvent sur mes titres des erreurs, des imperfections aléatoires qui arrivent lors de l’enregistrement ou en bidouillant des machines. Je laisse la musique se paver d’accidents heureux. Je trouve ça plus intéressant de laisser ces textures sonores se développer d’elles-mêmes. Ceci dit, depuis le temps que je fais de la musique, je commence à prendre des habitudes de production - grosso modo, quand je veux un certain son, je sais comment l’obtenir relativement rapidement sans trop me prendre la tête.

Tu mixes à la radio, tu composes, tu chantes… et avec ton nouveau projet C.A.R, tu élabores une pop à la fois sombre, électronique et très structurée. Pourtant, c’est bien connu : «faire de la pop», avec tout ce que ça comporte comme contraintes, est un exercice complexe. Vu ton parcours musical, ne trouves-tu pas plus ardu de faire des morceaux pop que des titres purement électro ?

En fait, c’est le contraire : je trouve ça plus naturel de faire des chansons qui rentrent dans les schémas classiques couplet-refrain, donc des mor7—

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Chloé Raunet

“INTRINSÈQUEMENT, ÉCRIRE UN MORCEAU REVIENT À CAPTURER UN INSTANT. […] L’IMPORTANT, C’EST DE GARDER UNE MATIÈRE BRUTE.”

Ta musique a un côté punk, justement, qui doit découler de son côté «accidentel», en plus de ton background musical propre, qui est très anglosaxon. Du coup, question classique : tu commences par quoi quand tu composes ?

Généralement, je commence par la basse. Je possède une basse un peu bizarre, que j’ai à moitié fabriquée à la maison, et puis c’est le seul instrument que je maîtrise à peu près. Parfois je pianote un petit peu sur un clavier aussi, mais la plupart du temps, je retranscris des chansons qui me viennent en tête. La véritable première étape, c’est ça : des mélodies émergent dans ma tête… et quand c’est le cas, je m’assieds, je réfléchis et j’essaye d’écrire des paroles qui vont avec. Ensuite, je brode autour. Finalement, je te disais que je commence par la basse pour tout ce qui est production musicale, mais je crois qu’en réalité, je commence par la voix. Et à mon avis, c’est probablement dû au fait que je n’ai pas de formation musicale digne de ce nom, comme je disais. Mon niveau de piano ou de basse me permet de m’en tirer, mais je ne suis pas assez bonne pour improviser à partir de zéro sur ces instruments… En fait, je ne suis pas une musicienne ! (Rires) Ton nom de scène relève aussi de l’accident : C.A.R., c’est censé signifier «Choose Acronyms Randomly» («choisir des acronymes au hasard» en VF), c’est bien ça ?

Ah, excellent ! Je n’y avais jamais pensé mais oui, bien observé. Hé bien tu vois, tout ça est tout à fait cohérent, non ? (Rires) Beaucoup de musiciens disent également procéder «par accidents». J’avais interviewé il y a quelques temps le duo israélien Red Axes, et ils déclaraient exactement la même chose à propos des «imperfections heureuses» que l’on finit par garder…

Oh, mais je les connais et je les adore ! Figure-toi que justement, j’ai fait quelques morceaux avec les Red Axes qui vont sortir très prochainement. J’ai 8—

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Chloé Raunet

très hâte que ça se fasse, ces types sont vraiment géniaux. Ca ne m’étonne pas qu’ils disent cela aussi. Je les aime, tout simplement. Votre collaboration me semble couler de source : je trouve que vous avez un son très similaire. En parlant de texture, de granularité du son… Il y a une vraie cohérence entre vos deux «univers». Ca te frappe aussi ?

(Pensive) Hum, c’est drôle… mais est-ce que ça m’a frappé, moi aussi ? Dur à dire. Ca ne m’a pas forcément frappé quand je les ai entendus pour la première fois, mais en revanche, je me suis mise à travailler avec eux - et là, dans leur studio d’enregistrement à Tel-Aviv, c’était effectivement frappant de voir à quel point nous procédons de manière similaire pour écrire des morceaux ! L’idée qui sous-tend notre façon de composer, c’est qu’intrinsèquement, écrire un morceau revient à capturer un instant. Un instant tel qu’il est, sans fard, sans trop d’artifices rajoutés en post-production. L’important, c’est de garder une matière brute. Aujourd’hui, faire de la musique passe évidemment majoritairement par les ordinateurs. Tu ne te sens pas obligée d’être un peu ingé-son aussi ?

son deuxième album, ndlr) ?

Par l’action. Ce qui m’a maintenue à flot, c’était justement de devoir faire la tournée, la promo… notre album sortait deux semaines plus tard. J’aurais pu tout annuler et tout laisser tomber : c’eut été la solution de facilité, et aussi l’issue la plus évidente. Mais je trouvais que ce n’était pas lui faire honneur : même sans lui, même profondément dévastée, c’était mon devoir, pour moi et surtout pour lui, de continuer la tournée. De ne pas arrêter de vivre. Ce qui m’a sauvée, c’est d’honorer nos dates : ça m’a donné une structure, quelque chose sur lequel me concentrer, quelque chose qui m’obligeait à agir. Mais du coup, c’est vrai que les premiers morceaux que j’ai composés après sa mort étaient extrêmement sombres, très… (elle fait mine d’extirper quelque chose de désagréable, ndlr) C’est certain, d’une manière ou d’une autre, il y avait un truc horrible qui devait sortir de moi, et forcément, j’ai choisi de l’exprimer par la musique pour ne pas complètement sombrer. J’ai dû être très disciplinée, sinon, j’étais foutue. En même temps, au début, je suis repartie sur une musique assez ironique, sarcastique… presque cynique, je dirais. Mais maintenant, je crois pouvoir dire que j’ai retrouvé quelque chose d’un peu plus coloré sur le plan musical.

Je déteste ça, je touche très peu aux boutons ! J’ai quelqu’un qui est très bon et qui s’occupe de tous les bidouillages, mais moi, non seulement ce n’est pas mon truc et je ne sais pas le faire, mais surtout, je n’en vois pas trop l’intérêt. Je me contente de proposer une vision artistique, musicalement parlant. Je ne suis pas particulièrement perfectionniste. Une dernière chose, si ça ne te dérange pas d’en parler… Comment t’en es-tu tirée sur le plan psychologique après le drame qui a mis fin à ton premier groupe, Battant, en 2011 (Joel Dever, son partenaire dans ce duo, a mis fin à ses jours à l’âge de

CAR — My Friend Kill The DJ

25 ans alors que le groupe était sur le point de sortir 9—

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RENCONTRE T/ Elsa Anikinow P/ Nicole Marnati

PHILIPPE STARCK “MA VRAIE NUIT, CELLE DES RÊVES […] EST PEUT-ÊTRE MA VRAIE VIE.” Né en 1949 à Paris, Philippe Starck étudie a l’école

Tu te décris toi-même, adolescent, comme un

Nissim de Camondo (l’une des meilleures écoles

autiste qui passait son temps à rêver dans sa

d’architecture intérieure et de design), se fait

chambre. À ton avis, que penserait l’adolescent que

connaître en relookant des boîtes de nuit, se fait

tu étais du monsieur adulé et voyageur que tu es

remarquer par Lang et Mitterrand, se fait aimer des

devenu ?

Costes et conquiert finalement le monde entier. Chaises, brosses a dents, maisons, immeubles, hôtels, voitures ou bateaux… Starck dessine presque tout, partout.

Il est subtil, charismatique, il a la blague facile, le pas leste, et… Malheureusement l’âme matinale. Car pour chasser le Starck, il faut se lever tôt. Le soleil se lève (et j’en rajoute à peine) quand je me retrouve devant la Cocotte du coco en question. Ce n’est pas une poule de luxe comme on pourrait le croire, mais l’un des restos chaleureux et confortables qu’il a conçus, situé au cœur des puces de Saint-Ouen. Avec enthousiasme, il nous parle de la nouvelle ligne de bagages élégante qu’il a imaginée en partenariat avec Delsey. Sachant qu’il passe plus de la moitié de sa vie en voyage, il doit savoir de quoi il parle... Et ses valises reflètent ses idées : techniques, esthétiques, pratiques, écologiques. Même leur prix reste démocratique. Car c’est cela Starck : du beau, mais à la portée de tous. Loué sois tu, Philippe, car en ces temps troubles, tu véhicules avec panache des valeurs éthiques qui semblent bien souvent manquer à nos politiques. 11 —

Oui, j’étais partiellement autiste, je m’évadais par le rêve. Je ne savais pas ce que j’allais devenir car le survivant n’a aucune idée de ce qu’il sera quand il aura survécu. Ce manque total de projection et d’ambition m’a poursuivi et existe encore. Je savais que je serai un créatif. Que le parcours serait solitaire, et qu’en aucun cas je n’envisagerais l’idée d’un statut social. À postériori, ceci me paraît une bonne base car les gens qui projettent une vie sont souvent déçus et ceux qui veulent une position sociale sont des imbéciles. La nuit, qu’est-ce que cela t’inspire ?

Il y a deux nuits : ma vraie nuit, celle des rêves, qui, je commence à le croire, est peut être ma vraie vie. Il n’y a nulle part de preuve que la vie diurne serait plus importante ou plus vraie que la vie nocturne. Mes rêves sont tellement plus passionnants que ma vie, tellement plus fatigants aussi, que je vais me coucher en disant à ma femme : « Au travail ». Je visite des lieux qui n’ont jamais existé, je respire des airs inconnus, je reçois des lumières étranges, Nuit


Starck

“J’AI EU UNE TRÈS LONGUE PÉRIODE DE « SEX, DROGUE ET ROCK AND ROLL ». J’AI TOUT BU, TOUT VU, TOUT FUMÉ, TOUT AVALÉ, POUR LE PIRE ET POUR LE MEILLEUR.”

je parle à des gens que je n’ai jamais vus, je vois des inventions merveilleuses, je parcours des villes inénarrables. En gros, ces nuits sont moi et peutêtre même le centre de moi, la source de toute mon imagination dont on voit la version affaiblie par le jour et la faiblesse de la matière. L’autre nuit, la nuit éveillée, où la simple différence est que le soleil n’est plus là, ne peut être que d’une façon ou d’une autre amoureuse : sur le pont d’un bateau, une nuit étoilée partagée avec la personne que l’on aime. Les Bains Douches furent ta première réalisation. Tu étais bon client ? As-tu eu une période « sex, drugs and rock and roll » ?

Non, je n’étais pas un bon client car je ne suis bon client de rien. J’aurais aimé ; c’est là ou l’on s’amusait, où cela se passait, c’est là où il y avait les filles. Mais on ne peut pas rêver les lieux de vie des autres, et y vivre sa propre vie. J’ai toujours été un homme de projet ; le projet exclut le vécu. Mais oui, j’ai eu une très longue période de « sex, drogue et rock and roll ». J’ai tout bu, tout vu, tout fumé, tout avalé, pour le pire et pour le meilleur. Mais à cette époque les produits étaient, si l’on peut dire, sains et non pas encore truqués par diverses mafias. Le résultat, pour moi qui m’en suis sorti vivant et sans addiction, a été plutôt positif. Mais j’ai tant d’amis souvent talentueux, qui sont morts d’overdoses, de suicides, du sida ou laissés pour compte à l’état néo-végétatif. Ce qui a été ne sera plus, et je déconseille à qui que ce soit d’essayer de faire la même chose aujourd’hui. Il paraît que tu habites désormais une maison en préfabriqué ?

Oui. Nous habitons – avec ma femme et ma plus jeune fille - maintenant une maison préfabriquée de très haute technologie, (cf starckwithriko. com, ndlr) qui produit plus d’énergie qu’elle n’en 12 —

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Starck

consomme. C’est le résultat industriel d’un long processus de création et de développement qui permet aujourd’hui de donner au juste prix une juste maison. Ce n’est qu’une étape : j’aimerais pouvoir créer une maison qui ne coûterait pas plus chère qu’une automobile. Y a-t-il des projets que tu refuserais ?

Quand j’ai créé ma société il y a à peu près 30 ans, le mot « éthique » n’était pas si courant, mais j’avais la certitude inconsciente que le producteur avait un devoir moral. Ma compagnie ne travaille donc pas pour les armes – étrangement, on m’en a proposées - pour les alcools durs, le tabac, la religion, les compagnies pétrolières ou l’argent sale. C’est une position coûteuse, quelquefois même un peu dangereuse, mais je ne peux pas gagner ma vie en causant la mort des autres.

Tu t’intéresses donc à l’intelligence artificielle ?

Évidemment. Nous verrons bientôt les premiers conflits théoriques et pratiques entre l’intelligence artificielle développée pour notre propre usage, et l’intelligence artificielle des robots qui, jusqu’à un certain moment, nous servirons. Différents scénarios sont en train de s’élaborer sur cette cohabitation entre hommes et machines. Si tous ont l’air sensés, certains se terminent mal pour notre espèce. Il n’est pas impensable en effet de dire que les robots prendront un jour leur indépendance et n’auront plus besoin de nous. C’est à la fois terrifiant et comique, mais c’est un futur possible. Notre humanité sur terre n’est pas forcément éternelle et peut même être guettée par une fin assez proche. Ces scenarios sont fascinants ; essayer de trouver des solutions est obligatoire. Qu’est-ce que t’inspire la situation du monde d’au-

As-tu déjà entendu parler du Transhumanisme ?

jourd’hui ?

J’en ai entendu parlé, je crois surtout avoir été l’un des premiers à en parler il y a déjà 30 ou 40 ans, non pas sous le nom de Transhumanisme, qui est récent, mais sous le nom de « Bionisme » : c’est la même chose quand il est utilisé au profit de l’humain et non pas au profit de la robotique. Le « Bionisme » n’est pas une question, il sera. C’est une étape obligatoire, dans un délai assez bref, pour la continuation, la protection de la qualité et de la vitesse de l’évolution de notre espèce. Nous commençons à voir les limites de notre corps, elles doivent être repoussées d’urgence et ce par l’ingestion de différents « services » qui nous rendront plus puissants, mais surtout plus intelligents. Car la capacité de raisonnement est la clé de la sagesse et donc de la paix.

Notre évolution a toujours été une courbe constante mais faite de hauts et de bas, de lumière et d’ombre, de civilisation et de barbarie. Aujourd’hui, nous sommes dans une période négative. C’est juste un cycle. Il faut comme d’habitude arriver à se surpasser. Et cela devient de plus en plus ardu de par la complexité même de notre monde.

www.starck.com

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ROADTRIP T/ www.lebonbon.fr/night

Y’A QUOI À BELLEVILLE Jeudi minuit, tu zones à Belleville et tu ne sais toujours pas où tu pourrais te caler.

Il y a pourtant de quoi se faire un programme chargé. Entre bars, clubs et soirées bitume, ce quartier a le don d’en offrir pour tous les goûts (ou presque…). Pour débuter le périple, commençons soft avec deux bars bien connus des rues de Belleville. Le Café Chéri (44, boulevard de la Villette 75019) avec ses néons rouges et son ambiance toujours décontractée est parfait pour débuter le périple. À volume modéré, l’esprit est plutôt au bavardage (malgré certains Dj sets qui peuvent parfois avoir lieu). L’Happy hour offre des pintes à 3.50 mais est malheureusement fini depuis 20h. Ensuite direction le bar Aux Folies (8, rue de Belleville 75020), cadre underground, avec une population plus jeune qu’au Café Chéri, où on a la chance de trouver des bières à 2.50 ! Cette allée ornée de graffitis avec aux alentours ateliers d’artistes et troubadours en tous genres reste une des rues les plus animées de Belleville. Après cette mise en bouche, l’envie d’écouter du son se fait pressante. Pour répondre à nos attentes le 9b (68, boulevard de la Villette) est une belle alternative aux clubs. Avec son babyfoot et son écran géant, l’atmosphère y est toujours bon enfant. La musique est axée tech-house et une cave est à la merci des plus gros teuffeurs. 14 —

À présent bien entamé, fini les bars. Il est temps d’aller titiller les enceintes et de se mettre au son. La Java (105, rue du Faubourg du Temple 75010), salle culte de Belleville ouverte quasi toute la semaine a une programmation super éclectique. Des soirées généralistes en passant par la chanson française, la Java accueille également le plus souvent derrière ses platines des pointures de la musique électronique. La Bellevilloise (19-21, rue Boyer 75020) a une programmation toujours à la hauteur mais dans des styles musicaux bien différenciés. Grosses soirées hip-hop et têtes d’affiche house sont souvent au programme. Tout comme à La Java, le prix des entrées varie en fonction des soirées. Il est maintenant 6h du mat’, tu commences à être super torché mais tu ne veux absolument pas que la soirée s’arrête… Le Zorba (137, rue du Faubourg du Temple 75010) est là pour toi ! Ce petit bar ouvre à 5h, parfait pour les afters, de plus les prix sont vraiment attractifs. L’ambiance est plutôt bonne et on y trouve la crème des oiseaux de nuit. Une soirée éprouvante où l’alcool et les substances t’ont fait oublier si tu t’es amusé ou pas. Il fait désormais jour et le métro 2 ligne bleue n’attend plus que toi...

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MUSIQUE T/ Sur une idée de Nicola Delorme P/ Gilbert Cohen & Douglas Lee

VIDAL BENJAMIN “J’AI TOUJOURS VU EN BROCANTE DES CAILLERAS DU DISQUE QUI TRIPAIENT SUR DE LA FUNK FRANÇAISE.” Ce 10 novembre, Vidal Benjamin sort sur Versatile la

DJ Ringardos : Peux-tu décrire le processus qui a fait

compilation Disco Sympathie, un petit bijou rassem-

que ces disques oubliés de tous soient devenus pour

blant tout un pan obscur de la production musicale

toi objets de curiosité et de plaisir sincère ? Com-

française des eighties, époque bénie où l’on n’avait

ment as-tu pu pousser les frontières de ton seuil de

pas peur de revisiter à la sauce hexagonale les stan-

tolérance musicale à l’égard de ce qu’au mieux les

dards du disco, du boogie U.S. et de la synth-wave

profanes n’appréhendent que sous un angle kitsch ?

anglaise ou allemande. Nous avons demandé à tous

Quel titre a eu pour toi l’impact émotionnel le plus

les artistes et aux personnes du label qui ont col-

fort, et pourquoi ?

laboré au projet de poser à Vidal une question de

Ces disques je les aime parce qu’ils portent une part de moi, celle d’un nihilisme naïf et un peu sépharade. Je me suis donc petit à petit intéressé à ces petites merveilles. Je n’ai jamais été seul sur le coup. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours vu en brocante des cailleras du disque qui tripaient sur de la funk française. Quant au seuil de tolérance, il est naturel pour moi de pousser les gens à s’interroger sur le présent en regardant en arrière. C’est à la fois régressif et édifiant. Sinon, les vibratos de Laurie Destal m’émeuvent profondément.

leur cru. Gilb’r (Boss de Versatile) : Sur quels critères te bases-tu pour choisir un disque que tu ne connais absolument pas ?

La pochette, toujours. Dès que je vois des couvertures eighties, avec des titres qui contiennent les termes disco, funky et/ou toute une série de mots-clés exprimant le concept suprême qu’est la sympathie, je tente le coup. Et quand j’ai un doute, je sors mon tourne-disques Fisher Price et je vérifie si les promesses musicales de la pochette sont bien tenues.

Alexis Le-Tan : Parmi tous les disques de ce genre que tu possèdes, comment as-tu fais la tracklist

Question subsidiaire : dans le paysage musical fran-

pour Discosympathie ? Par la même occasion, peux-

çais d’aujourd’hui, entends-tu quelque chose qui

tu nous dévoiler des anecdotes sur la façon dont tu

serait susceptible de devenir disco sympathique

as trouvé ces pépites ?

dans 25 ans ?

Je les ai choisis parce qu’ils me donnaient envie de danser dans mon appartement, un peu comme Tom Cruise dans Risky Business. Et puis ils

Dans le monde d’aujourd’hui, y a-t-il encore une place pour la sympathie ? 17 —

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Vidal Benjamin

marchaient très bien en club aussi. Ce ne sont pas nécessairement les disques les plus introuvables qui sont dans la compilation. Le seul critère a été émotionnel. Pour les anecdotes de digging je pense qu’il faudra un jour que nous écrivions nos mémoires. Jean-Marc Misère : Quel producteur disco mériterait la prison ?

C’est plutôt l’administration pénitentiaire qu’il faudrait confier aux producteurs disco. Rien de tel que leur philosophie pour créer les conditions optimales d’une réinsertion sociale des détenus.

musique actuelle se confronte à une certaine saturation créative qui a besoin de se nourrir des vestiges du passé ?

Le souci, c’est que tant de choses ont vu le jour entre les années 70 et 80, voire 90, qu’il est difficile de s’en abstraire pour faire des œuvres qui portent en elles une nouveauté de toute pièce. La nu-disco était très nostalgique. Le revival house actuel n’a rien à lui envier de ce point de vue-là. Dans les années 90, j’ai fini par m’ennuyer en club à force d’écouter les nappes deep qui étaient en vogue à l’époque. C’est pour ça que j’ai commencé à chercher dans le « vieux ». Du coup j’ai le sentiment d’une boucle qui se referme aujourd’hui.

Reverend P : Vidal, tu es le plus versatile de mes amis Dj. Tu vas toujours au fond des choses lorsque

Anna (qui s’est occupée des clearances des titres

tu t’intéresses à un style, du soulful à la Larry Levan

présents sur la compilation) : Faire une compila-

à l’Eurodisco. Cette versatilité laisse-t-elle sa place

tion, le meilleur moyen pour enfin rencontrer tes

à un dénominateur commun entre les morceaux de

fantasmes féminins en couverture de tes 45 tours ?

la compilation ?

C’est vrai, j’ai un faible pour les beautés sympathiques…

En vérité, cette compilation, comme toute la musique que j’aime, s’inscrit dans un ensemble. La dance music qui voit le jour dès le début des années 70 est le fruit d’une révolution copernicienne. Tout ce qui se fait aujourd’hui y puise ses sources. Après, dans ce cadre rythmique, chacun a cherché à exprimer ses émotions, et la vie n’est pas la même à Harlem et à Juvisy. Un des liants de la compilation c’est cette idée d’adaptation de ce raz de marée venu des States à un cadre hexagonal (cf. Harlem de Nicolas Skorsky).

Ygal Ohayon (label manager de Versatile) : Tu es naturellement associé à la scène disco/baléarique, mais on connaît un peu moins l’amour équivalent que tu portes a des styles plus nerveux comme la new beat, l’early techno ou l’EBM. Ce sont pour toi des esthétiques qui se rejoignent ou juste une schizophrénie musicale ?

Je pense que ces différents styles puisent tous dans le disco, ou du moins dans sa partie la plus sombre. Ce qui ne les empêche pas de rester déconnants.

Pilooski : Vidal, tu es connu pour ton élégance sauvage et ta diplomatie légendaire en toute circonstance, penses-tu qu’une compilation Disco Courtoisie pourrait avoir un sens ou un impact sur la scène Dj internationale aujourd’hui ?

Why not… mais penses-tu en confier la sélection aux animateurs de la radio éponyme ? Jeff Lasson (Get A Room !) : En tant que passionné

Vidal Benjamin — Disco Sympathie Versatile Records

décomplexé de la musique rétro, penses-tu que la 18 —

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INTERNET T/ Nicola Delorme P/ Ferst & Moreau

RADIOOOOO. COM Benjamin Moreau, artiste, membre du collectif Kolkoz (Galerie Perrotin), Alexandre Grynszpan, producteur (Polo & Pan), tout deux Dj’s et férus de musique en tout genre et en tout risque, sont amis au travail et dans la vie. Main dans la main, ils ont conçu et réalisé une radio pour la part encore disponible (s’il en est) de ton cerveau gavé à la musique formatée des grandes majors : Radiooooo.

Le concept est simple comme les enfants de ta sœur et limpide comme l’eau de seltz. Une page internet, un planisphère du monde subdivisé en pays. Une timeline en lieu et place de l’Antarctique, qui s’étend de 1900 ap. J.C. à aujourd’hui de notre ère. Timeline, subdivisée elle-même par tranches de dix années. L’association d’un clic/pays et d’un clic/décennie et une série de musiques correspondantes à ces critères s’affiche dans une pop up avec le nom du contributeur qui l’a soumise. Car l’enjeu est là : c’est une radio participative et communautaire à l’échelle mondiale. Chacun peut ouvrir les portes de sa discothèque et proposer à l’équipe d’uploader ses secret weapons selon le pays et l’époque où elles furent produites. De l’utilisateur lambda français à la plus fine gâchette des diggers zaïrois, de 7 à 107 ans, chacun peut participer à constituer ce qui, à terme, pourrait devenir la discothèque 3.0 du futur. Il va 21 —

sans dire que les choix sont soumis à l’appréciation de la direction et il n’est pas ici question de pouvoir télécharger illégalement, mais de naviguer à sa guise, d’écouter et d’acheter. Car ce en quoi pourrait bouleverser Radiooooo, c’est d’inciter les plateformes de vente online à rendre accessible à l’achat tout un pan d’une culture musicale de niche ou qui n’existe plus aujourd’hui que sous la forme de vieilles K7 ou d’éditions limitées en pressage vinyle original. Ce qui était réservé jusqu’alors à des initiés et s’échangeait à prix d’or sous le manteau ou dans les bonnes crèmeries spécialisées du monde deviendrait désormais accessible à tous pour peu qu’on daigne traîner ses guêtres sur cet excellent site. Alea jacta est ! Deux actualités en valent mieux qu’une : Polo & Pan, groupe composé de Alexandre Grynszpan (Peter Pan) et de son acolyte Paul Armand-Delille (Polocorp) vient juste de sortir l’EP Dorothy, sur les labels Hamburger records et Ekler’o’shock, avec des remixes de Inflagranti et de Get A Room!. Un voyage initiatique discoïde et tropical, hommage au magicien d’Oz et à l’enfance qui sommeille en chacun de nous... radiooooo.com

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CINÉMA T/ Pierig Leray P/ DR

Y’A QUOI AU CINÉ ? 1 mois, 4 films, 4 avis. Le pro-

Une nouvelle amie de F. Ozon –

blème ? On ne les a pas vus.

Ozon est malsain, il se délecte de musique Bleu marine (France Gall) pour mieux épouser la prétention des formes féminines, la bave qui coule (Jeune et jolie). Ici, avec un Romain Duris exaspérant comme jamais, genre chien battu faussement ténébreux, le dernier Ozon c’est du bidon : une histoire de « uc » à 3 ficelée comme un gigot cramé d’un dimanche après-midi devant Drucker.

Critiques abusives et totalement infondées des meilleurs/pires films du mois.

Respire de M. Laurent –

L’erreur de casting mythique de Tarantino (Inglorious Basterds) tente désespérément de nous sortir un cinéma faussement réaliste d’une relation de deux collégiennes sans charisme qui tourne à l’obsession. Déjà qu’en comédienne, c’est la cata, alors derrière une caméra, c’est l’apogée du vide, des clichés mal filmés, faussement pertinents et à contretemps. Mais aussi Interstellar de C. Nolan, j’ai bien peur que Nolan s’écroule dans un SF bis repetita sans idée (2/5), A girl at my door de J. Jung, premier film spectaculaire d’angoisse, perversité et déchéance sociale filmée avec une douceur froide (4/5), Hunger Games, la révolte de F. Lawrence, depuis qu’on a vu Jennifer Lawrence à poil, plus aucun intérêt (1/5), Eden de M. Hansen-Love, film de parigots sur la French Touch des années 90, autant le dire, aucun intérêt (0/5)

L’incomprise de A. Argento –

Du trash, du cul, du sang ! Et bien NON, Asia Argento filme avec une douceur amoureuse une bande de gamins jalousant une gosse de riche (Giulia Salerno, vraie révélation archi-juste) perdue entre sa mère pianiste cocaïnée et un ringard de père acteur pour minettes. Intelligent, parfois brillant, rarement suffisant, Asia Argento câline avec allégresse la difficulté d’être riche. The Search de M. Hazanavicius –

C’est l’histoire d’un minuscule metteur en scène qui se persuade d’être un grand, un oscar muet en poche. Il se dit qu’il est temps de produire un master piece. Comme les plus grands (Coppola, Kubrick, Malick), il choisit LA GUERRE. Mais le boulard démesuré de Michou nous sert une daube archi-prétentieuse (Bérénice Béjot ridicule, un enfant mal casté, des décors en carton-pâte). Alors Michou, retourne à tes blagues racistes dans tes comédies (OSS 117), tu y es bien plus à l’aise. 22 —

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polanski.tumblr.com 25 —

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4e DIMENSION T/ Vincent Kreyder P/ Hillel Schlegel

O’ SULLIVAN’S Pour l’avènement de cette nouvelle rubrique venimeuse, il me fallait frapper très fort. J’ai donc choisi de vous parler d’un lieu dont les murs empestent la dignité perdue de la minorité de gens qui en avait une avant d’en fouler l’entrée.

Situé au 92, boulevard de Clichy, le O’Sullivan’s BTM constitue un point de convergence pour deux types de clientèle bien distincts. Le premier, majoritaire, se compose essentiellement de banlieusards désireux de s’offrir une virée parisienne en semaine pour claquer leur paye de chef de chantier. De préférence sur le rythme endiablé des beats de David Guetta et autres remixes pourris de Rihanna. Chemises trois boutons au col, gomina et mise en valeur d’origines italiennes ou portugaises sont les bienvenues, donc. La seconde, à laquelle votre serviteur s’identifiera bien plus volontiers, sera le soiffard de semaine dont les menus projets sont trop souvent avortés par la fermeture réglementaire des établissements à deux heures de la nuit. En effet, si il y a bien une raison d’aller au Sullivan’s de Blanche, ce n’est pas la musique, ni l’amabilité des serveurs, ni l’odeur, mais bien sa fermeture tardive ! De temps à autres, des serviteurs dévoués du rock’n’roll organisent des concerts avec after dans la salle arrière qui, par surprise, possède une acoustique correcte et intelligible. « Mais pourquoi nous escagasse-t-il les 26 —

neurones à bourlingue avec son rade pouilleux si il en pense tout ce mal ? » vous demandez-vous confits dans votre arrogance. Eh bien tout simplement parce qu’en cohérence avec la ligne éditoriale de cette nouvelle thématique, cet endroit, ou plutôt sa clientèle, me rappelle occasionnellement mes propres (et rares, avouons-le) imperfections. Je garde un souvenir ému de ce Jean-Friendzone sous MD croisé un soir de Rock My Thursday. Aussi ivre qu’éconduit, il fut incapable de rassembler les miettes tristes de son amour-propre nécessaire à hurler « espèce de bitchy-biatch » au visage de son amour éternel qui galochait tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un humanoïde de sexe masculin. Vous l’aurez compris, cet endroit est un avant-poste stratégique du tragi-comique. On peut également citer, parmi les personnalités touchantes que j’y ai croisées, Jean-Rudy, le petit con en perfecto qui se met sur la tronche parce qu’il a renversé de la bière sur les pompes à 500 d’un gonze et Jean-Pietro, la synthèse du rital moulant dont une nana émerveillée me glisse à l’oreille qu’il a « fait Secret Story », et surtout JeanCostard qui cherche à renifler du poppers contre un billet de dix et une coupe de Champ’. Bref, entre cynisme sociologique, fascination pour le nadir et embuscades auto-infligées, on a tous une mauvaise raison d’y aller. En plus, les toilettes sont très pratiques. Nuit


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HUMEUR T/ Arnaud Rollet P/ MPK

CAOUETTES VS. POP-CORN L’apéro, c’est l’aube de la nuit. Ce moment décisif qui marque la fin de la journée routinière et lance une fois sur deux une nouba d’enfer. Une étape clé pour les noctambules que nous sommes. Mais voilà, cette tradition bistrotière perd de sa superbe à cause d’une habitude de plus en plus fréquente consistant à accompagner votre demi d’une coupelle remplie de maïs boursouflé. Ouais, je parle de ce putain de pop-corn. Explications.

Avoir un apéro à la fraîche sans trucs à picorer (ou piter pour les Sudistes), c’est comme un burger sans frites ou du sexe sans session buccale. C’est incomplet, voire quasi-insultant. Il y a donc deux catégories de troquets : ceux qui passent outre cette règle (et qu’il convient d’éduquer ou de déserter) et ceux qui font simplement leur job (et fournissent ces mini-victuailles). Si la première catégorie peut allègrement se faire foutre, l’autre mérite un premier applaudissement. Mais pas trop quand même, les brebis galeuses étant légion, il ne faut pas les encourager dans leur connerie. En effet, peut-être sont-ce les effets de la crise, mais votre serviteur a de plus en plus l’impression de se faire prendre pour un né de la dernière pluie : où sont passées nos cacahuètes fétiches que la légende urbaine présente comme un nid d’urines ? 28 —

Et je ne parle pas là des lupins, olives, amandes, chips, crackers, machins japonais, noix de cajou et autres pistaches, déjà trop rares à apparaître sur le comptoir à proximité de votre pression. Est-ce que ces denrées sont devenues trop chères pour les tauliers d’établissements ? Ce serait invraisemblable vu que, un bon kilo de cacahuètes, ça vaut peanuts chez tout bon grossiste de la restauration qui se respecte. Et bien qu’on ne connaisse pas la raison de cette disparation, on en connaît la conséquence : l’arrivée massive du pop-corn dans nos coupelles. Du pop-corn quoi. Un truc de cinéma qu’on essaye de travestir pour l’apéro et qui est surtout devenu le symbole même de la mesquinerie. Tu as cru que je voulais me mater un film de Clovis Cornillac en terrasse ? Non ? Alors ben casse-toi avec ton maïs à la con et ramènes moi un vrai compagnon d’apéro. Bordel. Terrasse & comptoirs vs salles obscures Le pop-corn, c’est pas cher et c’est surtout salé, ce qui pousse le consommateur à vouloir se désaltérer toujours plus. Un peu comme les caouettes, mais en plus pernicieux. Déjà, contrairement aux reines de l’apéro, le pop-corn se conserve mal et devient vite dégueulasse (comprenez mou, sans goût, avec une texture de carton). La plupart du temps, le pop-corn amené par le serveur provient Nuit


d’un sachet ouvert il y a plusieurs lunes de ça et mal isolé depuis. Autant bouffer une boîte de tampons. L’autre grande arnaque autour du pop-corn, c’est la quantité. Bien sûr, on ne demande pas au bar de filer un grand bol rempli à ras bord de merdes à grignoter avec chaque breuvage, mais il y a une nette différence entre une coupelle remplie d’une trentaine d’arachides et une coupelle contenant dix boulettes blanches à tout casser. Si ce n’est pas de la radinerie pure et dure qui force le bar à 29 —

choisir le maïs, c’est quoi alors ? Le résultat d’une campagne rondement menée par le surpuissant lobby du maïs ? Un complot des producteurs de ciné pour nous faire regretter sournoisement d’avoir téléchargé des navets et de ne plus foutre un pied dans une salle obscure ? Le mystère reste entier. En attendant de le résoudre, restez sur vos gardes et faites passer le message aux hommes et femmes qui peuplent l’arrière des comptoirs de Paname : n’oubliez pas les fondamentaux et rendez-vous nos caouettes à l’urine pour le salut de vos âmes. Car l’apéro, c’est sacré. Nuit


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NIGHTIVISME T/ MPK P/ Yann Morrison

MAGIE NOIRE CE QUI EST IMPORTANT, C’EST : « EST-CE QUE TU DANSES ? » Le collectif Magie Noire aurait pu être une secte composée de fans de Robert Majax pratiquant des

de foules, etc... Pour nous, le mouvement techno ne se limite pas à la musique.

rites sataniques. Mais non, disons plutôt que c’est la réunion de cinq vrais passionnés de musique tech-

Par rapport à ceux qui se revendiquent comme les

nologique qui ont l’art de monter des line up tou-

« dépositaires de la techno », c’est quoi toi, ta

jours chiadés et de bon goût. Preuve implacable de

« techno credibility » ?

nos propos, l’excellent Abdullah Rashim sera convié à leur grosse teuf du 8 novembre. Greg a été choisi par les astres pour répondre à nos questions. Greg, quand et comment s’est créé le collectif ?

La première Magie Noire, c’était le 31 août 2013 avec Margaret Dygas, Dyed Soundorom, Makam et John Dimas. Ça faisait un bout de temps que je bossais déjà avec Anne-Claire (Dactylo, ndlr) et avec Simon, Lucas et Vivien, on s’est dit que tous les cinq, ce serait bien d’organiser des soirées techno au sens large du terme. D’ailleurs, maintenant je fais attention, je dis « technoish », histoire que les puristes ne viennent pas me tomber dessus en disant que ce sont eux, les dépositaires de la techno. Beaucoup de gens ces derniers temps revendiquent ça comme leur propriété... Bref, pour revenir à nos motivations de départ, on voulait aussi mélanger du visuel à la musique parce que la techno, c’est passé par nos oreilles mais ça a été aussi des images qu’on a eues dans la tête. Perso, j’ai des sensations très imagées de regards, 31 —

Jeune, je faisais beaucoup de raves, j’étais aussi pote avec les Elektroniktou à Lyon. J’ai aussi écouté beaucoup de drum’n’bass, de breakbeat, de hardcore, de la transe... Bref, tout ça, c’était les années 90. Mais je n’ai pas envie de rentrer dans le jeu du « Qui a le plus de crédibilité ? ». Pour moi, la crédibilité, elle vient juste de l’amour que tu mets dans ta passion, c’est tout. Mon kif total, c’est d’être au fond de la salle et de voir les gens s’éclater. Magie Noire, votre nom est plutôt chargé en fantasme et en significations...

Le côté émotionnel de la techno ressemble vraiment à de grandes messes œcuméniques, d’où notre nom. Il y a vraiment cette idée de communier. Magie Noire, c’est pour mettre l’accent sur le rassemblement de communautés qui se mélangent dans de mystérieuses bacchanales.

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Magie Noire

Tu me parlais tout à l’heure de l’importance du rapport entre la musique et l’image... J’ai entendu parler de votre projet Arte/Tekne. Tu peux nous le décrire ? Vous en êtes où ?

Là, on a rediffusé notre première expo à notre dernière soirée. Toute l’idée, c’est de lier l’art et la technique, l’art et la techno. Donc, on fait faire des vidéos à des artistes contemporains comme Chloé Curci, Marine Brutti, Cedric Diomède de Night Patrol... On leur donne un thème, le dernier étant justement « la magie noire », et on leur donne carte blanche pour qu’ils nous livrent leur vision. Ensuite, ces vidéos, on ne les fait pas tourner en boucle durant nos soirées, on préfère les diffuser à un horaire précis en général au début de chaque set. On ne veut vraiment pas que leur boulot soit un simple papier peint mais vraiment que ce soit perçu comme une expo. Vous avez fait plusieurs salles (Yoyo, Showcase, ZigZag, la Machine du Moulin Rouge, le Social Club...) Quelle est celle qui a le meilleur sound system ?

C’est compliqué. Globalement, entre la Machine, le Zig-Zag et le Showcase, ça reste un son relativement correct. Quel est le meilleur, je ne pourrais pas te répondre. Nous, ce qu’on fait, c’est que l’on fait venir un sondier qui prend toutes les fréquences. Ça coûte cher mais en même temps, ça améliore le son de chaque lieu. Mais le son, ce n’est pas tout, il vaut mieux avoir une soirée chanmée dans un bistro ou une cave avec un petit défaut de son, qu’un truc tout lisse avec le meilleur sound system au monde. Ce qui est important, c’est : « Est-ce que tu danses ? »

quelqu’un qui surprend à chaque fois, elle est là pour donner toujours autre chose de ce qu’on attend d’elle. Elle déstabilise, ça, j’aime bien. J’ai adoré aussi Makam, Marcellus Pittman, Green Velvet... et Funkineven qui était moins attendu que les deux précédents m’a juste rappelé pourquoi j’aimais autant le clubbing. Un line up, chez vous, il se bâtit comment ?

Y’a toujours l’utopie et la réalité. Dans l’utopie, tu veux le must, et puis il y a la réalité où tu te débrouilles avec tout ce que les autres ont booké déjà, avec la disponibilité des Dj’s, avec les exigences de la salle, etc... Après, tu composes et ce n’est que du compromis. Après, notre ligne artistique est justement de ne pas être à la recherche d’une crédibilité « pointue » en se prenant pour des sur-esthètes de la musique. Des artistes comme Maya Jane Cole, Margaret Dygas, certains nous diront que ce n’est pas de la techno, et bien nous on s’en branle. Ce qui nous intéresse, c’est d’explorer plusieurs facettes des choses. Deleuze disait : « le grain de folie, c’est ce qui fait le charme des gens. » Pareil dans la musique, moi, ce que je veux voir, ce sont les marges. Il y a des collectifs que tu ne peux pas blairer ?

Je n’aime surtout pas les haters. J’aime bien les Katapult pour ça. Alex Katapult avait posté un truc très juste sur son fb : haters gonna hate, lovers gonna love and fakers gonna fake. Tout est dit.

Le plateau dont vous êtes le plus fier ?

Je suis surtout fier de continuer à en faire ! Après, c’est la troisième fois qu’on booke Margaret Dygas, cette artiste est vraiment adorable, c’est 32 —

Prochaine Magie Noire : le 8 novembre au Favst + d’infos : facebook.com/pages/MAGIE-NOIRE

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Sortant du club à l’aube, quand tu marches sur la plage Sache que tout ce que tu vois n’est seulement qu’un mirage Et si tu crois, naïve, que la nuit t’appartient Sache que dans quelques siècles, il ne restera rien. Ni ces immeubles abjects, ni ces amours futiles Ni les sombres affects, hérités des reptiles Ni ce dancefloor high-tech, que des lights enluminent Ni les energy drinks, aux extraits de taurine Ni ce parking désert où je t’ai embrassé Ni tes larmes qui coulèrent, sur ce hit de l’été Ni ces échos lointains d’un kick à 50 Hertz Qui rappellent aux humains cette vérité funeste : Dans cinq milliards d’années, comme tu le sais peut-être Le Soleil en mourant ne laissera rien renaître. Ni l’éclat d’un lens flare, ni les drogues de synthèse Ni les bombes nucléaires, ni les glaces à la fraise Ni le son cristallin d’un solo de guitare Ni ton corps similaire à celui d’une porn star Ni ces traces sur la mer, que dessinent les jets-ski Ni cette carcasse mauve, Diablo Lamborghini Ni ces dieux oubliés ornant la voûte céleste Qui rappellent aux humains cette vérité funeste : Dans cinq milliards d’années, comme tu le sais peut-être Le Soleil en mourant ne laissera rien renaître. Un jour, tous ces immeubles que les hommes érigèrent Collapseront par ensemble, dans un nuage de cendres Pyroclastiques - et sous les décombres de la Terre Par millions, les reptiles reviendront se répandre Là où les êtres humains finirent par disparaitre, Leur misérable règne ne lassant qu’une strate Géologique - de seulement quelques millimètres, Un tas de boue où les reptiles viendront s’ébattre. Tara, extrait de l’EP S01E02-05 facingthesunset.com

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CASSE-DALLE T+P/ Agathe Suarez

LE WON TON CLAN On est en 1997, près de Quimper, c’est samedi. J’ai chaussé mes Buffalo douze centimètres, avec ma meilleure amie Charlotte on compte bien en découdre avec le dancefloor : ce soir c’est Paul Johnson qui va électriser une bonne partie du pays Bigouden...

Le warm up de Nico Nucci (Scream) délicieusement garage et acidulé met tout le monde d’accord. Mon ulcère et moi ce soir-là, on prend cette décision d’arrêter le Gin Pamp. Madj, le Dj résident, est celui qui est à l’origine de ces incroyables programmations. On a voyagé avec les Smoking Beats venus avec 14 synthés, Kojak de la hard house chevelue, Roussia, ou encore l’incroyable Jeff Mills que j’ai vu la première fois ado. Du rêve. On a dansé, dansé, dansé et « le Calao nous a dit bonsoir ». Chateaubranlant avec Charlotte après un petit after, on est rentrées au petit matin entre l’Odet et la mer qui se réveille. On a alors dégusté cette soupe de raviolis avant d’aller se coucher épuisées. Madj a rendu accessible à plusieurs générations la musique électronique dès ces début-fin 80´s avec ce bon gros son légendaire de Chicago la House Funky, le garage. Et nous sommes plusieurs milliers à le remercier. À l’époque les gens dansaient et ne se contentaient pas d’avoir une mèche, un pochon, et de faire la gueule. C’était pas minimal. C’était de la grosse artillerie. On peut aujourd’hui retrouver Madj en chef d’orchestre brillantissime à la Perle, Paris 3. 36 —

Ingrédients : 15 queues de crevettes bien membrées 2 jus de citron 1 gousse d’ail écrasée 1 petit morceau de piment frais 4 cuillères à soupe d’huile de sésame Sel, poivre Gingembre et combawa 5 bouchons d’un flash de vodka 2 sachets de bouillon ariaké légume ou volaille 1 demi-bâton de citronnelle bien bandé Pluches de coriandre, basilic thaï, menthe, ciboule Sésame torréfié Épinards Tom-pouce Un paquet de pâte à raviolis chinoise fraîche ou congelée

En Bretagne on les aurait faits en toute simplicité avec des langoustines, ici faisons les avec des crevettes, entières c’est meilleur. Faire mariner au moins 15 crevettes entières dans le jus de 2 citrons, une gousse d’ail écrasée, un dé de piment frais, une bonne rasade d’huile de sésame, du sel, du poivre, du gingembre râpé frais, un zeste de combawa et évidemment 5 bouchon du flash de vodka planqué sous ton lit. On laisse mariner 6h00. Façonner les won tons (trouver un tutoriel simple sur Youtube). Faire le bouillon, mettre à cuire les épinards dedans. Réserver. Faire cuire les raviolis 4-5 minutes. Dresser. Servir brûlant. Nuit


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COCKTAIL T/ Roger de Lille P/ Hillel Schlegel

WHITE LADY Arme secrète personnelle en tant que barman lorsqu’une fille me plaît un peu et approche le comptoir pour me commander un cocktail sans trop savoir ce qu’elle désire boire, ce short drink a une histoire intéressante qui vaut le coup d’être racontée.

Inventé par Harry MacElhone en 1919 au Ciro’s Club à Londres, la première version comportait de la crème de menthe. Crème de menthe qui sera remplacée par du gin dans la version ultérieure de 1923, année où il achètera son propre bar, le très connu Harry’s Bar, et donnera naissance à son fils. Ce cocktail trouve un équilibre assez subtil et aura tendance à être assez traître après trois exemplaires pour une jeune fille de constitution standard. Donc, shakez deux centilitres de gin à deux centilitres de triple sec et deux centilitres de jus de citron vert. Filtrez les glaçons, servez dans un verre de type « verre à martini ». Si vous vous sentez l’âme d’un décorateur, un zeste de citron vert sur le bord du verre fera son effet, certes mais pas seulement. Vous êtes barman, le bar est votre scène et vous, jeune homme, vous avez repéré la jolie brune assise seule au bout du comptoir. Elle est jolie, jette un œil à votre carte des cocktails mais est relativement désargentée et prendra probablement un mojito si vous ne lui parlez pas. 39 —

C’est donc à ce moment que je commence à te tutoyer. Va la voir. Sois élégant. C’est ton comptoir, c’est ton public et même si tu as les mains fripées par la glace et que tu sens vaguement le shot de gin/whisky/tequila/vodka/rhum que tu auras offert a tes clients sympathiques - les polis, qui lâchent des tips, on appelle ça « fidéliser une clientèle », je développerai ce point une prochaine fois – tu la trouveras forcément moins sexy avec son gros verre plein de salade. C’est toi la rock star. Raconte une histoire. Trouve la poésie qui fait la force de ton métier, et fais-lui avaler ce breuvage blanc qu’elle trouvera délicieux pour peu qu’elle ait un minimum de goût. Elle ne rentrera pas forcément avec toi, sauf si tu sais avoir du charisme même par coup de feu. Si tu te trouves de l’autre côté du comptoir, ça marche exactement pareil sauf que tu expliqueras la recette au barman – si celui-ci veut bien te le servir – et raconteras l’histoire à l’objet de tes désirs. Ça se fait donc en deux étapes et non en une seule. Et vous penserez à me remercier plus tard les enfants. La prochaine fois si l’envie m’en prend je vous apprendrai comment avoir de l’élégance avec un œil au beurre noir et un trench coat sale auquel il manque un bouton, mais d’ici là, buvez des trucs corrects ou descendez des pintes. Nuit


LOOK DE NUIT Photos / Valentin Fabre Stylisme / Reno - House of Moda Texte / Crame - House of Moda

↖ Clara vous reçoit sans chichis. Belle, avec ses grands yeux blancs qui vous ensorcellent. ← Aswad n’est pas le genre de gars qu’on aime croiser en rentrant du volley-ball à 22h30. Le hoodie bien trop grand et bien trop pointu dévoile la vraie nature du hoodie : une tenue de mage, de fantôme, de ninja et de tout ce qui est ténèbres. → Jeunesse éternelle, Connaissance, Glamour et Protection UV : un pacte avec le diable en quatre points. Et l’accessoire clin-dœil, la pomme rouge qui porte en elle le péché originel.

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House of Moda Sorcellerie - 29 novembre 2014 à partir de minuit à la Java — houseofmoda.tumblr.com

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MÉTIER DE L’OMBRE T/ Paul Owen Briaud P/ Jacob Khrist

BONNET C SYSTÈME D “JE VENDS PAS LA MORT.” Dans son corps de métier, on ne rend pas la monnaie ; dans les clubs à la mode, tout le monde la connaît. De la D plein les poches et la C dans le bonnet, elle apprécie le son mais ne vient pas pour zoner. Si elle presse le pas quand la sécu approche, elle tient la dragée haute à celui qui s’y frotte. L’ennemie de ta détox a appris sur le pouce, pas de saloperie en stock et plus de prix pour les potes, elle fournit ta déchire et de ton pèze te détrousse. Elle te valide ou pas selon ta discrétion, dans les odeurs de pisse t’attire sans sommation, et par un tour de passe-passe elle te sort un pochon à la va-commeje-te-pousse à la consommation.

Ado, grosse fumeuse de joints, elle a quand même compris qu’elle pouvait joindre l’utile à l’agréable. « Pour moi c’est une évidence, si tu consommes, il faut bicrave. En plus, ça t’oblige à rester maître de toi-même. » À 17ans, elle tombe amoureuse d’un dealer qui l’emmène dans les free-party, portières de Renault 5 truffées de stupéfiants. Ils se séparent mais restent amis. « Il m’avait présenté ses fournisseurs, je pouvais faire mon truc toute seule. Je l’ai fait. » Elle pèse. Avec son minois et sa dégaine, on ne penserait pas à s’adresser à elle, mais le petit bonhomme a des kilos au compteur. Elle ne se laisse plus attendrir, et ne se berce plus d’illusions. « Au début, je m’attachais à des gens, et j’ai eu des 43 —

déceptions. » Le jour où ses poches étaient vides, plus personne ne la connaissait. Si ses clients étaient parfois pour elle plus que des clients, elle n’a jamais été rien d’autre à leurs yeux qu’une vendeuse. « Essentiellement de C et de D. Parfois du bédo, voire de la kéta, selon les arrivages. Mais l’héro, non, il y a marqué ‘mort’ dès le début. Je vends pas la mort. » Chacun voit midi à sa porte. À sa fenêtre, des feuilles de journaux aveuglent les carreaux et témoignent d’une existence en marge. « Les règles de la société ne m’intéressent pas, j’ai les miennes. Oui, le risque, je l’assume. On choisit ce mode de vie et tout ce qui va avec. » Pas de scrupules à profiter d’un système construit sur la violence ? « Tu me poserais la question si je bossais dans une banque ? Pour moi, c’est pareil. Sauf que je ne déclare rien. » Pour elle, la plupart des métiers contribuent à écrabouiller des vies, alors qu’importe. « Ce que je fais m’a peut-être même amenée à me poser des questions que beaucoup n’ont pas l’air de se poser. Pour me donner meilleure conscience, je compense en étant plus responsable dans mes choix citoyens, en consommant local par exemple. » Alors pourquoi ne pas produire sa coke, comme elle le faisait avec la beu ? « Figure-toi que j’essaie de me faire ramener des graines de coca d’Amérique du Sud pour cultiver chez moi et gérer tout le processus. J’aimerais être la première qui propose de la coke équitable ! » Espérons. Nuit


LES NUITS DE JACOB © Jacob Khrist /www.jacobkhrist.com

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JOEYSTARR & FRIENDS Faust, Paris - 23 Octobre 2014

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TROUSSE DE SECOURS Ouvert toute la nuit !

Pharmacies de garde

Épicerie Shell

Chez Tina

84, av. des Champs-Élysées - 8e

6, boulevard Raspail - 7e

1, rue Lepic - 18e

≥ 01 45 62 02 41

≥ 7/7 — 24/24

≥j jusqu'à 4h30 / v≥s jusqu'à 7h

6, place de Clichy - 9e

Minimarket fruits et légumes

Boulangerie Salem

≥ 01 48 74 65 18

11, boulevard de Clichy - 9e

20, boulevard de Clichy - 18e ≥ 7/7 — 24/24

6, place Félix-Éboué - 12

≥ 7/7 — jusqu'à 7h

≥ 01 43 43 19 03

Alimentation 8 à Huit

Livraison médicaments 24/24

151, rue de la Convention - 15e

Fleuristes

≥ 01 42 42 42 50

≥ 7/7 — 24/24

Chez Violette, au Pot de fer fleuri

Supérette 77

78, rue Monge - 5e

Urgences

77, boulevard Barbès - 18e

≥ 01 45 35 17 42

SOS dépression

≥ mardi au dimanche jusqu'à 5h

Relais Fleury

e

≥ 08 92 70 12 38

114, rue Caulaincourt - 18e

Urgences psychiatrie

Resto

Se déplace sur région parisienne

L’Endroit, 67, place du Docteur-

≥ 01 40 47 04 47

Félix-Lobligeois 17e 01 42 29 50 00

Carwash

Drogue, alcool, tabac info service

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Poste de nuit

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Rivoli / Étienne-Marcel

Allô Glaçons

Boulangeries

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97, boulevard Saint-Germain - 6e

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Épiceries

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L'Épicerie de nuit

Boulangerie-pâtisserie

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≥ vendredi et samedi jusqu'à 3h30

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ouverts la nuit  : nuit@lebonbon.fr

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Place de Clichy - 18e Internet 24/24

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Nuit


LA PLAYLIST DU MOIS P/ Caroline Deloffre

PARA ONE

Julee Cruise - Into The Night

Julee Cruise chante et apparaît dans Twin Peaks. Elle a également enregistré des albums composés par Badalamenti et écrits par Lynch. J’adore le mystère qu’elle arrive à faire planer autour d’elle. Mary Jane Girls - All Night Long

Le classique des classiques, idéal pour commencer la soirée, ou pour ramener tout le monde sur le dancefloor. Je jouerai ce morceau toute ma vie. Joe Jackson - Steppin’ Out Depuis une quinzaine d’années,

J’ai besoin d’écouter cette chanson régulièrement depuis qu’elle est sortie, quand j’avais 3 ans. C’est thérapeutique.

Para One – Jean-Baptiste de Laubier de son vrai nom – a

The Cars - Heartbeat City

imposé sa patte à la musique

Je me rappelle avoir écouté ce morceau magnifique en boucle dans un bar à whisky à Tokyo avec un ami, au milieu de la nuit, il y a quelques années.

électronique française. Dès ses débuts dans le hip-hop, et sa participation à l’aventure TTC (et du label Institubes), Para

The Smiths - There Is A Light That Never Goes Out

One s’est toujours moqué des

Le genre de titre où les émotions de toute une vie finissent par s’accrocher au fil des ans. Je ne sais même plus de quoi je dois être nostalgique quand je l’écoute.

étiquettes ou des genres, faisant du grand écart sa marque de fabrique. Récemment, on lui doit la B.O du film Bande de

The Knife - Forest Families

filles, disponible en digitale chez

C’est la nuit, mais en hiver, en Suède, à traverser une immense forêt en voiture, en roulant très vite.

Because.

Duke Ellington - Fleurette Africaine

J’ai passé mes nuits d’été allongé sur mon toit à écouter des morceaux comme celui-ci. Massive Attack - Lately

La nuit, c’est aussi le sexe. Et s’il y a bien un morceau qui évoque le cul, c’est celui-là. Chopin - Nocturne Op. 15 No. 3 in G minor

Comment ne pas parler des Nocturnes quand on évoque la nuit ? Chaque composition de Chopin est un monde d’émotions, et quand il m’arrive d’en redécouvrir une que j’avais négligée, elle ouvre un nouvel espace. Celle-ci est ma préférée depuis toujours.

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Nuit


AGENDA La sélection du Bonbon Nuit

Jeudi 2 octobre 00h La Java 5€

Vendredi 21 novembre 20h La Gaîté Lyrique 29€

Minuit w/ Céline & Myako

Aufgang (live) + Theo Parrish 23h30

La Machine du Moulin Rouge 20/26€

Mercredi 5 novembre 00h Rex Club 8€

Marcel Dettmann + Cosmin TRG + Bambounou

Daniel Bortz + The Mekanism + Nozen

23h30

Showcase 8/20€

APM001 + Clark (live) + Perc Jeudi 06 novembre 00h Batofar 5€ Samedi 22 novembre 23h30 ZigZag 10/20€

Mugger + Hans Dickinson

Mathias Kaden + Daniel Stefanik vendredi 7 novembre 20h Concrete 15€ Jeudi 27 23h30 La Machine du Moulin Rouge 20€

Chris Liebing + Asile (live) + Youcef 23h30 Badaboum 15€

Vitalic + Daniel Miller

Lowris + Lamache + Mouloud

00h

La Java 5€

Coni + Souleiman Samedi 8 novembre 23h Espace Pierre Cardin 15€ Vendredi 28 novembre 23h30 Belushi’s GDN 10€

Alien Rain + Abdulla Rashim + more 23h30

ZigZag 20€

Back to School Party

Lexer + Dirty Doering + Stephan

23h30

Showcase 15/25€

Maceo Plex + Gardens of God + Shall Ocin Lundi 10 novembre 23h30 Badaboum 15€

00h

Rampue + Ryan Mathiesen + Brenn & Cesar Edouard

Kermit Dee + Losoul + Tom Joyce + more

Jeudi 13 novembre 00h Rex Club 8€

Samedi 29 novembre 23h30 ZigZag 15/25€

Sammy Dee + Leo Pol (live) + Psykoloco

La Java 5/10€

Todd Terje (live) + Vakula + more 00h

Rex Club 12/15€

Vendredi 14 novembre 00h Le Tunnel 20€

Apollonia All Night Long

Midland + Remain + Vril

00h

23h30

Showcase 20€

Point Ephémère 12/15€

Akufen + Grego G + MoMs

Claptone (live) + Synapson + The Mekanism

00h

La Java 8€

Remain + Fleischer Samedi 15 novembre 22h00 Petit Bain 12€ Dimanche 30 novembre 07h Concrete 20€

OY Debruit + Mawimbi + Soulist 00h

Rex Club 15€

Dvs1 + Rodhad + Johannes Volk + more

Marc Houle (live) + Cormac + Mlle Caro

00h

Rex Club 15/20€

Laurent Garnier All Night Long Dimanche 16 novembre 7h00 Concrete 20€ Vendredi 5 décembre 23h30 ZigZag 15/20€

Jus Ed + Nina Kraviz + Fred P + Jenifa M

PanPot All Night Long Jeudi 20 novembre 00h Rex Club 5/8€ Kollectiv Turmstrasse + Sucré Salé and more to be

Envoyez vos bons plans soirées à :

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louison@lebonbon.fr

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Nuit



Novembre 2014 - n째 47 - lebonbon.fr


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