Le réveil des combattants 760 mars 2010

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19 mars 1962 un beau 48e anniversaire

la lutte pour la décolonisation

le réveil Mars 2010 - N°760 - 5 e

hommage à jean ferrat

des combattants

Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix

0 0 0 0 0 8 s n o ti é s u o n , rs a Le 23 m , s e it a tr re s o n , s e ir la a s pour nos

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Cahier spécial - 12 pages e

54 Congrès

Le journal des droits de tous les anciens combattants et victimes de guerre


LE RÉVEIL initiatives comités

Adieu Jean Ferrat Depuis plusieurs années sa santé l’avait éloigné de la scène, mais ses chansons couraient toujours et elles courent encore. Aujourd’hui où nous allons commémorer la libération des camps de concentration et d’extermination nazis, Nuit et brouillard reste plus que jamais l’expression du sacrifice de nos aînés victimes de la barbarie. Mais nos têtes sont aussi habitées par La Montagne, Aimer à perdre la raison, Que serais-je sans toi, Potemkine, Le sabre et le goupillon, Je ne chante pas pour passer le temps, C’est beau la vie… et d’autres. On le disait artiste engagé : il l’était avec nous pour « un autre avenir ». Lui, le poète de l’amour et de la nature, s’est trouvé plus d’une fois contesté et censuré mais il n’en n’oubliait pas pour autant de chanter la vie sous tous ses aspects : ses désagrément comme ses joies, ses drames comme ses plaisirs, sa vilenie comme sa beauté . Fidèle au combat de son peuple, à ses valeurs républicaines qu’il défendait, il restait profondément démocrate. Quelles que soient les circonstances. Chez lui l’amitié n’était pas qu’un mot, c’était aussi un engagement vers les autres. J’en sais quelque chose, moi qui l’est vécue personnellement dans une discrétion que nous avons toujours gardée l’un comme l’autre. Avec tous mes amis de l’ARAC, que dis-je, avec ses amis de l’ARAC, je présente nos condoléances à tous les siens et les assure de notre amitié et de notre solidarité. Adieu Jean, tes chansons sont aujourd’hui ta présence à nos côtés. Paul Markidès

Rassemblement national de l’ARAC à Chartres (Eure-et-Loir) Place du Général-de-Gaulle et de Jean-Moulin

Samedi 29 mai 2010, de 9h30 à 13h00 Anniversaire de la première réunion du Conseil national de la Résistance (CNR) dans Paris occupé

Programme prévu • Accueil des participantes et participants par Monsieur le Député-Maire de Chartres • Prestation des jeunes élèves des établissements scolaires du second degré • Saluts des personnalités présentes • Hommage à Jean Moulin • Intervention de la direction nationale de l’ARAC • Contribution de l’Harmonie municipale de Chartres • Dépôts de gerbes au monument Jean Moulin

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ÉDITO LE RÉVEIL

La France en colère

SOMMAIRE Actualités p. 4 Immigration, sécurité et droits de l’homme.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Combat pour la Poste.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Afghanistan : une dangereuse escalade.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 19 Mars 1962 : un beau 48e anniversaire.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 International p. 6 Barack Obama et le lien transatlantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Espagne : quelle sortie de crise ?.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Le Cameroun, vous connaissez ?.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Vos droits p. 32 L’ARAC et sa Mutuelle à l’Assemblée nationale.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 L’impôt opprime et la loi triche.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Campagne double. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 OPEX : la France en guerre.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 Essais nucléaires français : les cobayes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 Résolutions de l’UFAC.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 Vie de l’ARAC p.27 Initiatives des comités départementaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Magazine p. 37

P. 13 D ossi e r

La lutte pour l’indépendance des anciennes colonies françaises Indochine - Maghreb - Afrique noire

Cahier spécial

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e Congrès national

LE RÉVEIL DES COMBATTANTS Fondé en 1931 par Henri-Barbusse Mensuel de l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre. Commission paritaire n° 0713-A 06545 Édité par les Éditions du Réveil des Combattants SARL au capital de 45 734,41 - Siret : 572 052 991 000 39 2, place du Méridien, 94807 Villejuif cedex Téléphone : 01 42 11 11 12 Télécopie : 01 42 11 11 10 reveil-des-combattants@wanadoo.fr Gérant-directeur de la publication : Raphaël

VAHÉ • Directeur délégué : Patrick STAAT • Rédacteur en chef : Raphaël VAHÉ • Directeur promotion et publicité : Claude Delevacq • Secrétariat de rédaction, conception graphique : Escalier D Communication • Impression : RIVET P.E. - 24 rue Claude-Henri-Gorceix, 87022 Limoges cedex 9 Tirage : 60 000 exemplaires Ce numéro du Réveil a été tiré le mardi 30 mars et remis le jour même à la Poste. Il devrait donc parvenir à chaque abonné le 3 avril au plus tard. Merci de nous faire part de vos observations.

L’ ARAC ne laissera pas remettre en cause le socle des conquêtes sociales de la Libération e 23 mars, nous étions huit cent mille. Huit cent mille dans les rues de France pour les retraites, les salaires, la défense des services publics. Autant de relais de luttes qui confirment l’inquiétude et le rejet de la politique du gouvernement. Mais le président est aussi contesté dans les urnes. Certes, il y a une forte abstention qui porte, quoi que l’on en dise, le rejet de cette politique, mais aussi l’abattement, l’isolement, le manque de confiance dans l’avenir d’une partie de la population. Ces élections, de par leurs résultats, constituent une véritable sanction pour le Président de la République. Ces deux événements majeurs en trois jours sont des messages forts en direction du pouvoir. S’y côtoient à la fois, l’exigence d’une autre politique sociale et la colère, devant les difficultés de plus en plus grandes. Alors que l’Etat a déboursé des milliards pour sauver les banques, le pouvoir persiste à vouloir pressurer les salaires, les retraites, les moyens de vie et d’existence du plus grand nombre. Sa loi, c’est plus pour les plus riches, rien pour le peuple. La suppression de la taxe professionnelle, c’est 6,5 milliards de cadeaux aux entreprises, le bouclier fiscal c’est 15 milliards de cadeaux supplémentaires aux plus riches de nos concitoyens. Autant d’inégalités, d’injustices ne peuvent perdurer. Le gouvernement et le Président tournent le dos aux valeurs de la République. Le besoin d’unité, de rassemblement, de perspectives sociales et politiques à travers la journée du 23 et le vote du 21 mars s’y exprime de manière différente mais complémentaire, le besoin de vivre autrement, dignement, comme le besoin de se sentir plus nombreux pour être plus forts, plus efficaces. De la même manière, nous y retrouvons la violence de la crise, la souffrance et l’inquiétude de la majorité des français Alors oui, à la suite de notre congrès, tout naturellement à l’ARAC, nous contribuerons, nous prendrons part à ce que grandisse l’espoir de changement car, au plus profond de nos convictions, de nos valeurs, notre combat c’est d’œuvrer au bienêtre de l’humanité.

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LE RÉVEIL ACTUALITÉS

Lois sur l’immigration et la sécurité Des outils de dictature … Interview de Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l’homme et professeur de droit constitutionnel, au Nouvel Observateur du 18-24 janvier 2010 Le Nouvel Observateur : Le gouvernement prépare de nouveaux textes sur l’immigration et la sécurité. Dans son avant-projet, Eric Besson propose de restreindre les droits des sans-papiers. Vous attendiez-vous à de telles annonces avant les élections régionales ? Jean-Pierre Dubois : Les élections poussent à la surenchère, mais c’est - hélas ! beaucoup plus grave que cela. L’extrême droite s’est installée comme un ténia dans les esprits UMP. Même si les lois sont inefficaces, on en vote de plus dure encore pour faire oublier les précédents échecs. C’est une machine folle. A cette allure, plus de la moitié du programme de Jean-Marie Le Pen en 2002 a déjà été votée. Quant à la méthode d’Eric Besson, elle est désormais bien connue : on annonce une horreur pour faire passer, in fine, une demi-horreur. Les sans-papiers sont les boucs émissaires évidents, surtout en temps de crise, alors que ce sont eux qui soutiennent la démographie d’une Europe vieillissante. On ne peut tout de même pas transformer ce continent en maison de retraite géante entourée de bunkers ! Mais M. Besson fait son petit Berlusconi. Cet avant-projet va très loin : allongement de la durée de rétention, sabotage du contrôle juridictionnel… L’intervention du juge des libertés est repoussée de 2 à 5 jours après la mise en rétention. Pire que pour les terroristes ! La redéfinition des zones d’attente est aussi délirante : cette mesure vise à créer une zone en fonction de l’endroit où sont interpellés les étrangers. Imaginez qu’on crée un commissariat de police sur la scène de chaque nouveau crime. Je me demande ce que le Conseil constitutionnel va bien 4-

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pouvoir faire de ça ! Besson s’est pris un revers avec l’identité nationale et n’a pas supporté la claque que lui ont mis les juges dans l’affaire des 123 Kurdes débarqués en Corse (ils ont été libérés parce que leurs droits ne leur ont pas été notifiés dans les délais NDLR). Le ministre de l’Immigration voulait sa revanche. Derrière tout ça, il y a toujours la même obsession : détruire le pouvoir judiciaire en passant en force, désarmer le juge indépendant au profit de l’administration hiérarchisée. Et cette dérive ne se limite pas à la politique d’immigration. N.O. : Vous êtes aussi très critique visà-vis de la loi sur la sécurité intérieure, dite Loppsi… J.P. Dubois : Ce grand fourre-tout cache de véritables menaces. Loppsi tire dans tous les sens : vidéosurveillance, couvrefeu pour les moins de 13 ans, aggravation des peines pour les cambriolages et les agressions de personnes âgées, fichage… Je suis attaché à la sécurité, je ne suis pas un angéliste, et je n’ai aucune envie de voir mes enfants se faire agresser. Mais cette loi ne répond en rien aux problèmes. Son fil conducteur, c’est le contrôle social total. Il s’agit encore de se débarrasser des organes de contre-pouvoir. Le gouvernement s’en est pris à la CNDS (Commission nationale de déontologie de la sécurité), à la défenseure des enfants, au juge d’instruction… Et voilà qu’avec cette loi Loppsi, il passe outre la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés). Cet organisme clé qui veille à la protection de la vie privée est dépossédé au profit d’une structure directement rattachée à Brice Hortefeux. Ainsi,

c’est l’État qui aura indirectement la main sur le fameux projet Périclès. Ce programme, c’est la consécration du flicage, le croisement tous azimuts de données personnelles : les fichiers, mais aussi les factures payées sur internet, les renseignements donnés par les opérateurs de mobiles, les données GPS, celles des pass comme Navigo… Veut-on le système de la Chine ? N.O. : Ne trouvez-vous pas la comparaison exagérée ? J.P. Dubois : Nos dirigeants nous disent : « Nous ne sommes pas des dictateurs ». Alors pourquoi mettent-ils en place des outils de dictature ? Même certains élus modérés de la majorité commencent à s’inquiéter. Il est temps. A Calais, à présent, les policiers en sont à déchirer les duvets des sans-papiers au couteau ! Propos recueillis par Stéphane Arteta et Marie Lemmonier


ACTUALITÉS LE RÉVEIL

Le combat pour la poste

c’est œuvrer pour une conception de société Du fait de la nouvelle loi votée au pour faire travailler les enfants dans le portage et la publicité non adressée. Parlement par la droite, la Poste a Elle envisage de supprimer 11 000 emvu, le 1er mars, son statut changer plois (sur 59 000) dans les prochaines en société anonyme avec partici- années. 70 % de sa main-d’œuvre travaillent à temps partiel et il ne subsiste pation majoritaire de l’État. C’est le que 500 à 800 bureaux sur 1300. début de la privatisation. La privatisation, c’est : L’argument pour la justifier ? Le respect des directives européennes sur la libre concurrence. Mensonge ! C’est le même argument qui sert à casser la santé, la Sécurité sociale, l’Éducation nationale, le logement social, EDF, GDF, SNCF… les acquis du CNR. Depuis plusieurs décennies, l’absence de courage des successifs gouvernements, leur soumission devant le tout marché se cachent derrière ces subterfuges. En France, Parlement et gouvernement sont décideurs. Ils pourraient refuser ces directives en s’appuyant sur le refus de cette construction ultra-libérale de l’Europe exprimé lors du référendum de 2005. Pourtant nous avons besoin d’un véritable service public, d’une poste publique. S’il fallait s’en convaincre les exemples européens de privatisation sont éloquents de gâchis humain et financier. • En Suède, la poste est transformée en SARL en 1994. Elle conserve 90 % de parts de marché. Le prix du timbre a augmenté de 90 % de 1993 à 2003. La réduction de 2000 à 500 agences et du tiers des emplois a été opérée. • Au Royaume-Uni, privatisée en 1999 par Tony Blair, l’échec est tel que la Poste doit être renationalisée avec une perte évaluée à 1,5 milliard de livres réglée par le contribuable. La « réorganisation » entraîne la fermeture de 2 500 bureaux et une réduction massive de l’emploi. • Aux Pays-Bas, transformée en 1989, la poste fusionne avec le groupe australien TNT en 1996. TNT est connu

- supprimer la distribution du courrier en zone rurale (c’est le cas de Correos en Espagne), - réduire la distribution du courrier à 5 jours au lieu de 6 actuellement, - augmenter le délai d’acheminement sans changer le prix du timbre, - p oursuivre les fermetures de bureaux, - supprimer des milliers d’emplois, 300 000 dans l’Union européenne, 10 000 par an en France. Alors pourquoi privatiser et renouveler les erreurs commises dans les autres pays ? La Poste a fait 650 milliards de bénéfices en 2008, 1 milliard en 2007, n’est-ce pas un début de réponse ! La privatisation n’est pas un passage obligé. La concurrence ne baisse pas les prix et n’améliore pas la qualité des services. L’expérience nous l’enseigne. Ainsi, la privatisation du rail en GrandeBretagne a engendré une augmentation des tarifs, doublée d’une augmentation des accidents ferroviaires en raison d’un manque d’entretien. Tournons-nous plutôt vers ce qui peut être fait au service des populations. Un nombre croissant de communes municipalisent la distribution de l’eau et proposent des prix plus bas que les entreprises privées, contraintes de dégager des marges plus importantes pour satisfaire les actionnaires. La bataille de la Poste n’est pas terminée, elle garde tout son sens. Le règlement par l’État de sa dette envers La Poste suffirait à couvrir sa modernisation. 2,3 millions de Français ont, le 3

octobre dernier, exprimé leur refus de la privatisation lors du référendum citoyen. Nous sommes une force, nous allons nous faire entendre car rien n’est définitivement figé, des actions se poursuivent actuellement, des grèves et actions de porteurs se multiplient. Ce qu’une mauvaise loi a fait, le peuple peut le défaire. Nous vous appelons à poursuivre l’action car c’est une conception du service public, des rapports sociaux, de lien social, d’aménagement juste et équilibré des territoires qui sont en jeu. Une question de société. Patrick Staat

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LE RÉVEIL actualités

C’était en mars dernier, un caporal du 27e BCA, Nicolas Belda, jeune soldat de 23 ans, était touché par un tir de roquette sur son véhicule blindé alors qu’il était en opération. Il est mort dans la vallée d’Alasaï, au nord-est de Kaboul. Sébastien, un Cagnois de 21 ans, était l’un de ses compagnons d’armes. Le matin de cette opération, il racontait à sa mère : « On part, on va reprendre une vallée. On nous a promis de ne pas y rester jusqu’à la nuit. » Le jeune caporal, qui assurait le soutien depuis la colline aux côtés des autres chasseurs alpins, a eu la chance d’en revenir. Et de pouvoir raconter à Françoise, sa mère, qu’il a attendu 6-

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Afghanistan

La mère d’un soldat dénonce « la publicité mensongère » de l’armée Lu dans Var Matin les hélicos pendant des heures sous les feux nourris des talibans. Que durant plusieurs moments de solitude accompagnant les trois jours d’attente, il s’est dit : « Cette fois, c’est non, j’y passe ».

Plus de pitié Le caporal aura stationné sur le front afghan. Mais c’est le jour de cette embuscade « que les choses ont basculé pour Séb », selon cette Azuréenne de 48 ans. « Je l’ai entendu à sa voix, il était dans un sale état ! » Il était « usé, fatigué, peureux » et s’est même emporté contre elle : « Il y a pire que de voir tomber un collègue,

c’est de devoir tuer quelqu’un, même un ennemi ». « Après avoir trompé la mort, il est passé de l’autre côté », souffle sa mère, « il a vu ou fait des choses en contradiction avec ce qu’il a appris pendant des années. Il disait même que les gamins ne lui inspiraient plus la pitié. Que s’il recevait l’ordre de tirer sur un enfant, il le ferait sans hésiter car même eux portent sur les soldats de la coalition un regard haineux. » Françoise a attendu que son fils revienne de « l’enfer » pour s’exprimer. Et maintenant, c’est la colère contre l’armée française qui domine ses sentiments.


ACTUALITÉS LE RÉVEIL

La mort, le suicide ou la désertion « Quand la Grande Muette communique ou recrute, elle ne dit pas la vérité aux jeunes. On les trompe vraiment. Ils ne signent pas en connaissance de cause. De nos jours, la guerre, c’est inimaginable pour les Français. On vend au public des campagnes humanitaires ou des opérations de maintien de la paix comme au Kosovo et en Côte d’Ivoire. Mais en Afghanistan, c’est la vraie guerre », s’emporte cette travailleuse associative sur sa terrasse plombée de soleil en pointant l’index. « C’est un pays pauvre, envahi, dont la population n’a plus peur de rien, où il est impossible de distinguer un villageois d’un insurgé, un paysan d’un taliban. Ce n’est pas un jeu vidéo et dans le quotidien des soldats, les frappes chirurgicales, c’est de la blague ! » Lors des forums sur l’orientation des jeunes et les salons de l’emploi, Françoise dénonce la publicité mensongère des militaires : « Les jeunes sont très bien préparés physiquement mais psychologiquement, ils ne sont pas prêts à tuer. » Elle déplore surtout l’impasse dans laquelle s’engagent les volontaires. Ils ne peuvent pas démissionner : « On ne leur dit pas qu’ils sont prisonniers jusqu’à la fin d’un CDD » d’une, trois ou cinq années. L’échappatoire ? Françoise se désespère : « La mort, le suicide ou la désertion ».

La dangereuse escalade « Conquérir le cœur et les esprits des Afghans en évitant au maximum les pertes civiles », c’était la mission assignée par le président américain Barack Obama au commandant en chef des forces internationales, le général Douglas Mc Chrystal il y a un peu plus d’un an. Échec total…

Depuis, les choses ont bien changé. Le chef suprême de l’armée américaine, accessoirement prix Nobel de la Paix et locataire de la Maison-Blanche, a renforcé de 40 000 hommes son dispositif militaire et demande toujours plus à ses alliés de l’OTAN. D’attentats en bavures, le peuple afghan paie au prix fort l’ingérence des puissances étrangères. Les morts civiles s’accumulent. En février 2010, deux « erreurs » de l’OTAN ont coûté la vie à sept policiers et cinq civils. Depuis le début de l’offensive dans le Hemland au moins quinze personnes ont été tuées, dont neuf par un tir de roquettes. Dimanche 21 février, près de vingt-sept civils ont perdu la vie dans un bombardement. Quatre femmes et un enfant figurent parmi les victimes. Les avions ont pris pour cible Romain Maksym trois véhicules qu’ils soupçonnaient de Var Matin - 29 août 2009 transporter des insurgés « s’apprêtant à commettre une attaque » contre une unité des forces afghanes de l’ISAF (les forces de l’OTAN). Il s’agissait en • 22 août 2008 : plus de 90 civils, dont une cinquantaine réalité de civils d’enfants, sont tués dans un bombardement américain dans circulant en mila province de Farah. nibus. Même le • 3 novembre 2008 : 37 civils sont tués dans un bombargouvernement dement américain pendant un mariage dans la province afghan, qui Kandahar. n’existe que par • 5 mai 2009 : 97 victimes dans un bombardement américain la volonté de dans la province de Farah, selon une commission d’enquête Washington, indépendante. a fermement • 4 septembre 2009 : 30 personnes tuées par une frappe condamné aérienne de l’Otan dans la province de Kunduz. cette attaque, la

jugeant « injustifiable ».Cette nouvelle bavure de l’OTAN (voir notre encadré) pose la question de la présence des forces occidentales sur le terrain. Pour de nombreux observateurs, cette situation risque à terme de favoriser les talibans. Le massacre de populations innocentes, femmes, enfants, vieillards, ne poussera-t-il pas les familles et proches des victimes a rejoindre les rangs de l’ « insurrection » même intégriste ? D’autant que le régime Karzai, extrêmement discrédité et impopulaire, peut également pousser dans les bras des talibans de nombreux Afghans écœurés par la corruption et le laxisme. Pour ce peuple en souffrance depuis des dizaines d’années, il est de plus en plus clair que la guerre menée sur leur sol au nom du rétablissement de la démocratie et de la justice contre les extrémistes, pourrait bien avoir d’autres buts que les intentions affichées. La pérennisation de l’occupation, l’installation de bases militaires permet à Washington et à ses alliés de garder la mainmise sur une région du monde riche de ressources naturelles. Elle assure également une position stratégique aux troupes US installées non loin de pays comme l’Iran, l’Ouzbékistan, la Russie où encore le Pakistan. «Toutes les troupes étrangères doivent partir et les milices des seigneurs de guerre démantelées. La démocratie ne peut être obtenue par une occupation qui ne fait qu’étendre et renforcer la talibanisation de mon pays. Et c’est mon peuple qui en souffre ; si les ÉtatsUnis et les troupes de l’OTAN ne quittent pas volontairement l’Afghanistan dans un délai raisonnable, ils vont être confrontés à encore plus de résistance ». Cette phrase de la jeune député afghane, Malalai Joya, bannie du parlement de Kaboul, inféodé au régime du président Karzaï et aux Américains, retentit comme un avertissement. Jean-Pierre Delahaye

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LE RÉVEIL international

Barack Obama

et le lien transatlantique Un an après l’élection de Barack Obama, quel bilan d’étape peut-on dresser dans le domaine des relations euro-américaines ? L’arrivée d’un nouvel hôte à la Maison-Blanche a été perçue avec beaucoup de satisfaction par les Européens, car ils attendent l’établissement de nouvelles relations entre les deux rives de l’Atlantique. Depuis le début des années 2000, le fossé s’est creusé de manière sensible entre les États-Unis et l’Europe. Des divergences stratégiques concernant la sécurité se sont manifestées, les États-Unis privilégiant l’aspect militaire, les Européens comptant d’abord sur l’action diplomatique. Elles se sont notamment manifestées avec éclat en 2003 lors de la guerre en Irak. Un souhait d’autonomie s’est manifesté au niveau de plusieurs pays européens. Au fil de chaque période, la relation a été marquée par des éloignements, puis par nécessité des rapprochements. On a à l’esprit la formule de Robert Aron, « divorce impossible, accord improbable ». L’attitude du nouveau président américain, dégagée de l’arrogance de son prédécesseur, plus ouverte au dialogue, a visiblement séduit les capitales européennes. L’attribution du prix Nobel de la paix n’a fait que confirmer cette appréciation positive. Toutefois le moment de liesse passé, l’expérience d’une année de mandat a montré qu’il convenait de se garder de tout enthousiasme excessif. Certes l’héritage pesant de l’administration Bush, renforcé par le poids des lobbies influents aux États-Unis, a constitué d’évidence un obstacle sérieux aux avancées envisagées. Cependant on ne peut qu’être inquiets concernant les collaborateurs directs dont le nouveau président s’est entouré, comme particulièrement Robert Gates à la Défense, déjà en poste sous G. Bush, Hillary Clinton aux Affaires étrangères, sans doute 8-

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démocrate mais dont les orientations diplomatiques tranchent peu avec le passé. Mais on ne saurait oublier que Barack Obama, comme ses prédécesseurs, centre son activité sur les orientations stratégiques permettant la restauration du leadership exercé par les États-Unis dans les relations internationales, car dans le monde aujourd’hui cette suprématie est contestée. Les positions exprimées en plusieurs circonstances, en particulier lors de la réunion du G 20 et du sommet de l’Otan à StrasbourgKehl en attestent. C’est dans ce cadre qu’il conçoit essentiellement les relations transatlantiques. Robert Gates s’est exprimé très clairement à ce sujet lors du sommet de l’Otan, appelant de manière directe les Européens à soutenir la guerre américaine en Afghanistan. Ainsi, Barack Obama suit de très près le nouveau concept stratégique de l’Otan élaboré sous l’impulsion de son secrétaire général, Anders Fogh Rasmussenen, et qui devrait voir le jour au sommet de Lisbonne en octobre 2010. L’orientation d’une organisation à vocation globale s’inscrit pleinement dans le « rééquilibrage » de la stratégie de défense américaine. Ainsi la Revue quadriennale de défense américaine, présentée par Robert Gates, souligne l’engagement des ÉtatsUnis dans l’Otan et la convergence nécessaire entre Américains et Européens

sur l’importance cruciale d’intégrer un large spectre d’instruments civils et militaires dans une « approche globale ». Les pressions américaines sur les Européens concernant l’Afghanistan en sont déjà le reflet. Les illusions sur la possibilité pour les Européens d’influer sur la dynamique ne sont pas de mise. D’ailleurs, en refusant de participer au sommet UE/États-Unis en mai 2010, Barack Obama signifie aux Européens qu’ils ne comptent guère. Les États européens, dans la mesure où ils le souhaitent, ont du pain sur la planche. L’autonomie européenne ne sera pas octroyée, elle doit se gagner. Dans cet esprit, la pression des peuples apparaît nécessaire et même urgente. Jacques Le Dauphin Directeur de l’IDRP


international LE RÉVEIL

Espagne

Pas de sortie de crise

sans remise en cause de la finance Fin janvier et début février, à quelques jours d’intervalle, le gouvernement espagnol a annoncé une réduction de 50 milliards d’euros des dépenses publiques et une nouvelle hausse du chômage qui franchit la barre record de 4 millions de personnes. Ces deux événements montrent toute l’actualité du diagnostic du prix Nobel 2001 d’économie, l’Américain Joseph Stiglitz, qui déclarait récemment en évoquant les politiques d’austérité en Europe : « Ces décisions de réduire les dépenses de l’État vont aboutir à ce que l’on voulait éviter. Le chômage va exploser, la dette s’alourdir et ne pas permettre la relance économique si indispensable actuellement ». Cela souligne tout l’enjeu à la fois des luttes sociales en cours et des recherches d’alternative politique. Pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir en 2004, le gouvernement Zapatero est confronté à une contestation populaire de sa politique. Entre le 23 février et le 3 mars, des dizaines de milliers de salariés, à l’appel des deux principaux syndicats, les Commissions ouvrières (CCOO) et l’UGT, ont pris part à des rassemblements contre le projet du gouvernement socialiste de relever de 65 à 67 ans l’âge légal du départ à la retraite. « Nous allons défendre bec et ongles les droits des retraités actuels et futurs et nous ne permettrons pas qu’en plein milieu de la crise il y ait un nouvel et injustifié transfert de revenus du travail vers le capital », a déclaré Ignacio Fernandez Toxo, dirigeant des CCOO.

Le ministre du Travail, Celestino Corbacho, a tenté de son côté de minorer le sens de ces manifestations en affirmant qu’elles « ne sont pas incompatibles » avec la recherche d’un accord. Pour sa part, la droite du Parti populaire a déclaré que les manifestations « n’ont pas semblé très suivies ». Le coordinateur fédéral de Izquierda Unida, Cayo Lara, a lui exigé que Zapatero « jette immédiatement son projet à la poubelle ». Comment en est-on arrivé à cette situation? S’ajoutant aux causes globales de la crise du système capitaliste mondialisé, il y a des raisons spécifiques à l’Espagne. A l’occasion de l’intégration du pays à la construction européenne et de la création de l’euro, la péninsule a offert à tout ce que le continent compte de spéculateurs à la fois son soleil, ses plages et son boom immobilier. En 1997, l’encours des crédits aux promoteurs immobiliers représentait moins de 5 % du PIB, 10 ans plus tard, il approchait les 30 %. Durant cette période, les prix immobiliers ont grimpé de 200 % ! Comment a été financé ce soufflet spéculatif ? Pour l’entretenir, l’épargne intérieure a été insuffisante, le système financier espagnol s’est massivement endetté à l’étranger. Lorsque la crise internationale a pointé son nez courant 2007, ce financement s’est sensiblement réduit, le soufflet s’est dégonflé. Comment réparer les dégâts ? Le gouvernement Zapatero vole au secours des promoteurs, du système financier, mais sans conditionner son aide à un changement du modèle productif et financier permettant de lutter contre le chômage pour la création d’emplois de qualité et l’engagement d’un grand plan de formation. Tout au contraire, il présente l’addition de la spéculation et de la crise au peuple espagnol.

Il faudrait plutôt tourner le dos à cette politique, notamment en engageant une profonde réforme du système financier espagnol, de telle façon que l’argent serve enfin au développement humain. La coalition politique rassemblée au sein d’Izquierda Unida a cette ambition, mais cela suppose de rassembler une majorité politique nouvelle qui permette d’échapper à l’alternance stérile entre la droite et un Parti socialiste social-libéralisé. Ces enjeux vont évidemment au-delà des Pyrénées. Ils supposent aussi des transformations profondes de la construction européenne et du rôle de la BCE. Pierre Ivorra

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LE RÉVEIL actualité

19 mars 1962 - 19 mars 2010 A travers la France des milliers de commémorations …à l’Arc de Triomphe (75)

La direction de l’ARAC, à l’Arc de Triomphe

… à Pessac (33)

… à Villejuif (94)

… à Bordeaux (33)

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LE RÉVEIL - N° 760 - mars 2010

… à Fontenay-sous-Bois (94)


LE CAHIER MÉMOIRE

le réveil

N° 760 Mars 2010

des combattants

Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix

ÉDITO Par Paul Markidès La lutte pour l’indépendance des anciennes colonies françaises Les peuples des colonies françaises ont apporté une grande contribution aux combats contre le fascisme, que ce soit contre l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste, le Japon et leurs alliés et complices. Ils ont payé cher en vies humaines cette solidarité. Il était juste, une fois la victoire acquise, qu’ils veuillent eux aussi profiter de la liberté reconquise, demandant notamment en priorité l’égalité des droits civiques et sociaux. C’était, par exemple, en Algérie, l’objet des manifestations de Sétif, de Guelma et d’autres communes avoisinantes, le 8 mai 1945, malheureusement réprimées dans le sang par les troupes françaises. Par la suite, ne voyant jamais leurs justes revendications prises en considération, ils se sont décidés à engager la lutte pour l’indépendance, pour s’assurer la libre disposition d’eux-mêmes à tous les niveaux de leur vie nationale. C’est à évoquer cette lutte pour l’indépendance des anciennes colonies françaises que nous consacrons ce Cahier de mémoire, obligatoirement incomplet du fait du nombre de pages dont nous pouvons disposer. Mais nous poursuivrons dans une autre édition l’information historique sur ce combat.

Édité par le Réveil des combattants - 2 place du Méridien - 94807  Villejuif - Tél. 01 42 11 11 12


LE RÉVEIL DOSSIER

HENRI Barbusse et la question coloniale Henri Barbusse, le fondateur de notre association, a dénoncé, dès le lendemain de la guerre de 1914-1918, le colonialisme, ses pratiques, ses effets et ses conséquences. Il exprime de manière constante sa solidarité et son respect pour les peuples des pays colonisés. Nous citons quelques lignes extraites de ses œuvres, Clarté, notamment et des conférences internationales où il a pris la parole. Malgré ses actions permanentes pour combattre la guerre et promouvoir la paix, Henri Barbusse n’a pris conscience de la question coloniale que tardivement, malgré son constat dans Le Feu de la présence de troupes de soldats des pays colonisés par la France. Il est vrai que dans l’ambiance de l’époque, même les grands noms socialistes, y compris Jules Ferry et même Jaurès l’admettent et parfois même l’organisent. Ne parlons pas des positions de l’Église catholique pour laquelle la religion chrétienne fait partie prioritaire des « bienfaits de la civilisation ». Il fait bien allusion à ce phénomène en 1919, à la fin de Clarté, dans le projet de Simon Paulin d’établir une nouvelle société : « Tu n’admettras pas 12 -

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la propriété coloniale des États, qui fait tache sur la mappemonde et ne se justifie pas par des raisons avouables, et tu organiseras l’abolition de cet esclavage collectif… » Il commence vraiment à le différencier des autres questions vers 1925 et tout de suite condamne la colonisation avec autant de force que le fascisme et cette condamnation a le même motif que celui de son combat permanent : tous les hommes se ressemblent et il n’y a aucune raison que l’un soit supérieur à l’autre. Il s’adresse aux colonisés comme aux autres exploités : « Nous disons au peuple, vous pouvez tout ! Vous êtes la vie, vous faites le pain, les usines et les choses... Pourquoi obéissez-vous encore ? Levez-vous ! » La période qui a déclenché chez

Barbusse sa pleine compréhension du colonialisme est la guerre du Rif. A sa lutte prioritaire contre le fascisme et la guerre, il ajoute le colonialisme. Quand l’acte de colonisation institue un droit du plus fort, militairement ou financièrement, sur un plus faible obligé d’accepter des lois et une religion qui ne sont pas les siennes, Barbusse, selon son habitude, s’adresse aux intellectuels pour qu’ils se rangent à côté du prolétariat : « Les tragiques événements du Maroc mettent en demeure les écrivains, les travailleurs intellectuels, de dire si oui ou non ils sont d’accord avec des iniquités politiques dont la trame est trop visible. » Pour lui, il ne fait aucun doute que le colonialisme trouve sa source dans l’impérialisme : « Nous avons trop médité l’expérience de l’histoire et surtout l’histoire des guerres coloniales, pour ne pas dénoncer l’origine impérialiste, ainsi que les conséquences internationales de cette guerre. » Henri Barbusse ne se contente pas seulement d’écrire. Il donne aussi de sa personne et de son temps. On le retrouve le 10 février 1927 au congrès de Bruxelles contre l’oppression coloniale qui va créer la Ligue internationale contre l’impérialisme et l’oppression coloniale dont Barbusse prend la direction. L’invasion de l’Éthiopie par l’Italie de Mussolini lui donne l’occasion de s’adresser directement à la SDN, malgré sa défiance envers cette institution et d’unir les intérêts des ouvriers italiens à ceux du peuple éthiopien : « Nous formons tous le vœu que la SDN accomplisse son devoir strict, étant certains d’être auprès d’elle interprètes des sentiments de tous les peuples et en première ligne des ouvriers d’Italie qui désapprouvent les plans agressifs de leur gouvernement… C’est par solidarité et solidarité pour le peuple d’Éthiopie qui défend son sol et sa liberté , que nous demandons justice. »


DOSSIER LE RÉVEIL

Indépendance en Indochine Au Vietnam, un petit homme auparavant inconnu, Hô Chi Minh, à la tête du Front national Viet Minh, proclame l’indépendance du pays, le 2 septembre 1945. Comment la France issue de la Résistance va-t-elle réagir ? Comprendra-t-elle le désir d’indépendance de ce petit peuple ? Hélas, la majorité des gouvernants croient que le temps des colonies va revenir. Plutôt la guerre que l’éloignement, même partiel, de la « Perle de l’Empire ». Et puis, ce sont des communistes qui sont à la tête de ce Viet Minh… Raison largement suffisante, en ces débuts de guerre froide, pour accroître les méfiances. Les incidents se multiplient. Le plus grave a lieu en novembre, à Haiphong (plusieurs milliers de victimes vietnamiennes). En décembre, le Viet Minh réplique. Une guerre commence. Les maquis du général Giap sont certes isolés, mais ils sont solides, compacts. De plus, tous les services de renseignements en témoignent, Hô Chi Minh jouit d’une immense popularité. Les Français doublent l’offensive militaire d’une initiative politique : ils choisissent un nouvel interlocuteur, plus « docile », l’exempereur Bao Dai. Mais c’est avec

la plus grande méfiance que la population voit revenir l’ancien souverain dans les fourgons de l’armée française. Des événements extérieurs au théâtre d’opérations viennent encore compliquer la situation. En Chine, le rapport des forces a basculé définitivement en faveur des communistes en 1949. Un lien physique est désormais établi entre les maquis Viet Minh et le monde « socialiste », permettant des livraisons d’armes et de matériel. A l’opposé, les ÉtatsUnis, plutôt réservés jusque-là, soutiennent désormais puissamment l’effort de la France. En France, si tous les partis gouvernementaux, du MRP à la SFIO, justifient la guerre, l’opposition se mobilise. Les communistes, les catholiques de gauche, de nombreux intellectuels (dont Sartre) dénoncent la « sale guerre ».

Alain Ruscio est historien

C’est cependant sur le terrain que tout se joue. Les mois passent, et le contrôle du territoire par l’armée française est peu à peu grignoté. Les maquis Viet Minh se renforcent. L’envoi, fin 1950, du prestigieux général de Lattre de Tassigny, permet un temps d’entretenir des illusions (1951). Mais de Lattre mort (janvier 1952), la situation se dégrade de nouveau. Désormais, malgré une aide de plus en plus massive des États-Unis, le cours de la guerre ne peut plus être inversé. La zone contrôlée par le Viet Minh s’étend chaque jour un peu plus. Le « plan Navarre », du nom du nouveau commandant en chef, en 1953, tend à mettre fin à cette dégradation, frapper un grand coup afin de « casser du Viet ». Navarre porte son choix sur une bourgade au nom auparavant inconnu : Dien Bien Phu. Durant six mois, l’élite des deux armées s’affronte. Mais les calculs français et américains - ont sous-estimé la détermination des combattants et la capacité manœuvrière de Giap. Le 7 mai 1954, c’est la chute du camp retranché, au terme d’une résistance héroïque. Pierre Mendès-France, critique depuis 1950 de la guerre, apparaît au printemps 1954, comme l’homme providentiel. Nommé Président du Conseil un mois après le désastre, il reprend de main de maître, et non sans courage, des négociations déjà entamées à Genève. Les négociations, tendues, aboutissent finalement à la partition du Vietnam à hauteur du 17e parallèle et à la neutralisation du Cambodge et du Laos. De fait, Mendès a accepté le départ de la France de la région et l’abandon du leadership aux États-Unis. En Indochine, une autre guerre peut commencer, autrement plus destructrice…

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LE RÉVEIL DOSSIER

Madagascar

Combats pour l’indépendance et la liberté

Madagascar, ancrée dans l’océan Indien, au sud-est de l’Afrique, 5 820 000 km², 5 millions d’habitants en 1945, a pour principales richesses la vanille et le caoutchouc. A la fin du XIXe siècle, les troupes de Galliéni mirent fin au gouvernement royal malgache. Comme la colonisation, le régime colonial sera dur et violent. Durant 60 ans, les colons pilleront la grande île, exploiteront les populations contraintes à un travail forcé (3 800 000 journées pour l’année 1943) et réduites à l’indigénat. Très tôt, le mécontentement couve. Le 19 mai 1929, le VDS, dirigé par Ralaimongo, avait organisé plusieurs manifestations, exigeant l’arrêt de la spoliation des terres et la fin de l’indigénat. 14 -

LE RÉVEIL - N° 760 - mars 2010

Pierre Outteryck est professeur agrégé d’histoire et président de l’association CRIS

Peu à peu, les travailleurs s’organisent, structurés dès 1937 par la CGT dirigée par Ravoahangy. Sous Vichy, la misère s’accroîtra. 1945 aurait pu ouvrir une ère nouvelle, mais de Gaulle reprendra les vieux discours sur le rôle civilisateur de l’homme blanc : « Les peuples s’élèveront jusqu’au niveau où ils seront capables de participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires ». Le socialiste Guy Mollet, ministre des colonies, est dans la même philosophie. La constitution de 1946 n’offrira aucune possibilité d’indépendance. L’égalité promise avec les citoyens de la métropole sera formelle. A Madagascar, les luttes prendront une ampleur nouvelle : l’administration française, soutenue par les colons, va tout faire pour les étouffer. Pourtant, deux partis malgaches vont s’organiser : le Parti démocrate malgache, modéré et le Parti de la restauration de l’indépendance malgache, fortement structuré en comités locaux. Ravoahangy et Raseta furent élus à l’assemblée constituante. En 1946, leur parti prendra le nom de Mouvement démocratique de la rénovation malgache. Tous deux s’inspiraient de l’accord franco-Viet-Minh conclu avec Hô Chi Minh pour réclamer l’indépendance au sein de l’Union française ; jamais ces propositions ne seront mises en débat. Ces luttes avaient entraîné la suppression du travail forcé et l’abolition de l’indigénat. L’indépendance demeurait tabou. Malgré les pressions, les vexations, les charcutages électoraux, le MDRM remportera tous les

scrutins de l’année 1946. Pourtant l’administration coloniale avait divisé le mouvement en utilisant les populations côtières pour créer le Parti des déshérités (PADESM). Dès le 25 novembre 1946, le gouvernement français décide d’utiliser la force pour réduire le MDRM. Des moyens militaires considérables furent envoyés dans la grande île. Exaspéré par les manœuvres des colons et de l’administration locale, le MDRM attaqua dans la nuit du 29 au 30 mars 1947 le camp de Moramanga. Une répression terrible s’abat sur les populations. On dénombra 90 000 victimes. L’horreur de la répression rappela aux rares observateurs présents les exactions les plus atroces commises sur le sol français par les divisions SS en 1944. Pourtant, bien que désorganisé, le MDRM n’était pas abattu. Pendant 10 ans, les progressistes malgaches, soutenus par le PCF et aidés par le SPF (Secours populaire français) vont exiger l’amnistie, mais les procès continueront jusqu’en 1956. L’administration continue à privilégier le PADESM. En 1958, lors du référendum, les partisans du « non » pro-indépendantistes sont bâillonnés. Pourtant, l’empire colonial français se lézarde : le 26 juin 1960, Madagascar est enfin indépendante. Mais la puissance coloniale a réussi à imposer son favori, le leader du PADESM, Tsiranana.


54 e congrès national

le réveil

Supplément au N° 760

Mars 2010

des combattants

Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix

Le journal des droits de tous les anciens combattants et victimes de guerre


LE RÉVEIL 54e Congrès national

Le rapport d’ouverture Présenté par Claude Delevacq (extraits)

A l’ARAC, nous le savons par notre histoire et notre engagement, chaque avancée, chaque pas pour la défense des droits et des acquis démocratiques est l’objet d’un combat. Nous assistons à une attaque en règle contre le droit au travail, à la santé, à l’éducation, contre les services publics, le logement ; l’emploi, le droit à réparation n’échappent pas à cette attaque. Nous assistons à la privatisation et à la délocalisation des entreprises, la France est dépecée, livrée aux seules lois du profit des marchés. Au plan international, la France s’aligne sur les Etats-Unis, singulièrement en Afghanistan et y perd son rayonnement. Nous avons la responsabilité et le devoir de contribuer, d’apporter des contributions aux questions posées, d’ouvrir des débats, de rassembler, de nous opposer à la RGPP1, de défendre les valeurs de progrès qui fondent la République et la Nation. Nous allons nous y atteler durant ces trois journées et demie de travail, en commun, en séances plénières. 16 -

LE RÉVEIL - N°760 - mars  2010

Notre Congrès sera le reflet de ces enjeux, de ces débats nationaux. Au moment où le gouvernement veut museler l’histoire, la mémoire, nous aurons à cœur de nous tourner vers les générations qui composent la France d’aujourd’hui et de demain dans leur diversité, pour mieux préparer, mieux œuvrer à un monde de paix dans une société plus juste, humaine et solidaire. L’intrusion de l’État dans la définition de la Nation, institutionnalisée à travers la création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, est un fait grave. Avec les chercheurs et intellectuels ne doit-on pas, solennellement, en demander la suppression, car on ne peut présenter l’immigration comme une menace pour la France. Pour autant, la Nation n’est aucunement tabou à l’ARAC, depuis sa fondation. Pour nous, la Nation est une construction permanente, une volonté

des citoyens de participer à un projet progressiste et émancipateur. La Nation est une histoire, mais bien plus encore, un avenir commun. Au nom de quoi limiterait-on aujourd’hui les droits civiques de ces citoyens étrangers résidant en France, alors que de riches Français s’excluent volontairement de la solidarité nationale par l’évasion de leurs revenus dans les paradis fiscaux ? Notre Nation, c’est celle du Conseil national de la Résistance et de son pacte social. Or, du démantèlement du droit du travail à la privatisation des services publics, la politique du gouvernement renie cette République sociale, véritable ADN de la France. Comme le rappelait Jaurès, cet internationalisme-là ne nous éloigne pas de la Nation. Il nous en rapproche, à l’inverse d’un capitalisme mondialisé qui met les peuples en concurrence, attise hier les guerres coloniales, aujourd’hui les guerres économiques et impériales. L’ARAC ne peut rester neutre face à cette question. Paul Vaillant-Couturier, l’un de nos fondateurs, nous a donné un éclairage, toujours bien utile dans un des récents numéros du Réveil. Nous devons faire connaître autour de nous que notre Nation est un creuset de cultures, une terre ancienne d’immigrés. Près d’un quart des jeunes Français ont un grand parent né à l’étranger, ne l’oublions pas. Non, l’immigration n’est pas un danger. Elle est une richesse, pour peu que l’on sache lui donner une juste place. Tandis que nos concitoyens découvrent les frasques d’une petite bande organisée qui s’octroie des salaires équivalents à 300 ans de SMIC, des bonus et stock-options à volonté, des retraites « chapeaux », le pouvoir annonce pour le peuple du sang et des larmes… Le débat budgétaire 2010 pour les ACVG s’est terminé le 2 décembre dernier au Sénat. Celui-ci a adopté les crédits tels qu’ils avaient été votés le 2 novembre précédent par l’Assemblée nationale. Dans les deux cas, les parlementaires de la majorité présidentielle et le gouvernement ont rejeté les amendements présentés par l’opposition en


54e Congrès national LE RÉVEIL

vue d’améliorer concrètement les droits des ACVG. Ces décisions s’inscrivent dans la casse gouvernementale dans tous les domaines, ACVG compris, qui s’inspire d’une logique capitaliste extrême cassant les hommes, leur liberté de penser, leur dignité, leur existence présente et à venir.

L’ONAC amputé de ses fleurons ? Créées dès 1915, les Écoles de reconversion professionnelles de l’ONAC sont aujourd’hui des fleurons incomparables, modernes, efficaces, diplômant des enseignements longs au même titre que l’Éducation nationale et ayant un taux de placement professionnel définitif des stagiaires de près de 92 à 93 %. Dans le cadre de la RGPP et de la disparition de la DSPRS, le gouvernement a décidé d’aller plus loin encore en sortant les ERP et les maisons de retraite de l’ONAC pour les offrir gracieusement à une fondation de droit privé ( à créer) chargée de la solidarité et de la mémoire du monde combattant. Depuis près de deux ans, le (les) secrétariat(s) d’État aux Anciens Combattants ont agi pour faire avaliser cet abandon par le Conseil d’administration de l’ONAC. De refonte du code des pensions PMI en projet de loi et de statuts de la dite fondation, ils viennent de franchir un nouveau pas. Le 19 janvier 2010, le projet de loi a été soumis aux deux commissions statutaires de l’ONAC réunies ensemble (commission des affaires financières générales et sociales et commission mémoire et solidarité) qui, au terme de la présentation des textes, ont décidé de les présenter au Conseil d’administration de l’ONAC (à l’unanimité moins six abstentions). Évincé des commissions lors de la mise en place du CA de l’ONAC (vote à bulletins secrets) je ne pouvais voter. Il est clair que l’ARAC est sérieusement isolée, en opposition même avec les leaders de l’UFAC qui sont en même temps vice-président ou président du CA de l’ONAC et de ses commissions. Si notre position est bien reçue, en général dans les UDAC, celles-ci ne réa-

gissent pas pour autant face à l’attitude de la direction nationale de l’UFAC. La réaction des UDAC est sans doute une piste à explorer.

La lutte pour la paix Le congrès doit alimenter la lutte pour la paix et l’action citoyenne contre la guerre et pour la défense des conquêtes sociales, au quotidien, en donnant connaissance rapide des réalités des événements historiques pour permettre une meilleure compréhension de l’actualité notamment chez les jeunes. Ne faut-il pas aussi ouvrir une réflexion sur ce que nous avons appelé dans nos résolutions antérieures « la mémoire collective » et préciser ainsi notre orientation : - le 70e anniversaire de l’Appel du 18 juin et de 1940 (le 11 novembre 1940 ne sera pas oublié), - le cinquantenaire des indépendances africaines, - l ’installation d’une Commission nationale pour la réhabilitation des fusillés de la Première Guerre mondiale. L’ARAC en coopération avec la Libre Pensée et la Ligue des droits de l’Homme agit beaucoup pour la connaissance et la réhabilitation. En séance plénière, demain après-midi, nous pourrons préciser, - le lancement de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie dont le mouvement ACVG, l’UFAC est soigneusement mis à l’écart. Notre Association n’est pas passive face à ces initiatives puisque, après les deux derniers rassemblements nationaux, celui de Dieppe en 2008 et de Nanteuil-leHaudouin de 2009, nous allons tenir à Chartres, ville de Jean Moulin, le 29 mai prochain un nouveau grand rassemblement sur la thématique de l’apport considérable du programme du CNR au progrès humain. Nous allons rappeler qu’à côté de l’Appel du 18 juin, il y a eu d’autres appels, moins connus, mais importants et qui illustrent la diversité de la Résistance française et qu’il est indispensable de faire connaître… Un mois plus tard, le 5 décembre, s’est

déroulée à Paris, quai Branly, la cérémonie annuelle entrant dans le cadre de la Journée nationale d’hommage aux « morts pour la France » pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie. Intervenant au nom du Président de la République et du gouvernement, Hubert Falco a réaffirmé les aspects positifs de la présence française en Algérie (éducation, santé, valorisation de la terre…), dans le droit fil des dispositions de la loi du 23 février 2005, écrites sous la dictée des plus revanchards au sein du lobby nostalgique (rappelons que notre association demande l’abrogation de cette loi inique). Dans le même temps, il a annoncé l’inscription du nom des victimes civiles de la fusillade de la rue d’Isly, le 26 mars 1962, sur la colonne centrale du Mémorial national de la guerre d’Algérie devant lequel il s’exprimait : cette initiative tend à conférer un quasi-statut de « mort pour la France » à des personnes ayant répondu à un mot d’ordre insurrectionnel lancé par l’OAS dans le but de renverser le gouvernement qui venait de signer les accords d’Évian. Par contre, jusqu’à présent ont été oubliées de l’hommage les victimes des jusqu’au-boutistes de l’Algérie française agissant au sein des commandos de la mort de l’OAS, comme si la reconnaissance de la Nation devait exclure les civils, les représentants des forces de l’ordre, les magistrats, les fonctionnaires de l’Éducation nationale restés fidèles à la République jusqu’au sacrifice de leur vie. A la gloire de ceux qui l’ont loyalement servi, l’État préfère, semble-t-il, célébrer celle de personnes ayant violé les lois et la démocratie pour assurer le maintien du régime colonial en Algérie. C’est inadmissible, Une telle stratégie ne peut, en toute hypothèse, que nuire au développement entre la France et l’Algérie, entre les peuples français et algérien. Honorer le souvenir des victimes de la guerre d’indépendance de l’Algérie exige impartialité et neutralité. L’État donne une image négative de lui-mêmars  2010 - N°760 - LE RÉVEIL

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LE RÉVEIL 54e Congrès national

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54e Congrès national LE RÉVEIL

me lorsqu’au mépris de l’égalité et de la fraternité, il méconnaît une catégorie de victimes au profit d’une autre et introduit des discriminations dans le respect dû aux morts et dans la douleur des familles : c’est, alors, aux plus hautes valeurs de la République qu’il porte atteinte. La Nation ne saurait se laisser imposer une mémoire étatique, sauf à se mentir à elle-même vis-à-vis de sa propre histoire. Le combat pour la paix est l’un des objectifs fondamentaux de notre association depuis sa création. C’est plus que jamais un objectif de travail actuel, à tous les niveaux de l’association. Si nous ne vivons pas de conflits militaires sur notre territoire, ils sont nombreux sur la planète, la paix mondiale est à gagner. Notre ARAC a réagi vigoureusement (pétitions massives, envois de missives aux plus hautes autorités françaises, participation aux manifestations unitaires) dans la dernière période pour :

- le conflit israélo-palestinien où le secrétaire général de l’ARAC est allé dans le cadre de la délégation des 100 personnalités en avril dernier apporter notre solidarité au peuple palestinien, - le conflit en Afghanistan où nous demandons le retrait rapide des soldats français et la recherche d’une solution politique avec un rôle de l’ONU élargi … L’analyse du rapport de forces au plan mondial dans les conditions d’aujourd’hui, avec les effets néfastes de la réintégration de la France dans le commandement de l’OTAN ; et surtout comment nous allons démultiplier nos initiatives et démarches, dans le cadre du vaste mouvement qui s’organise pour relancer le désarmement notamment avec la renégociation prochaine du Traité de non prolifération nucléaire.

Notre organisation L’état d’organisation de notre association… la chute démographique non

suffisamment compensée par les adhésions d’OPEX et de non ACVG est un grand problème, les valeurs fondatrices et les orientations de l’ARAC demeurent d’une vivante actualité. Nous n’avons pas décidé de nous éteindre paisiblement, nous voulons garder et transmettre la flamme que nous ont laissée nos aînés : pour cela il y lieu de faire beaucoup d’efforts, d’abord sur soi-même et collectivement, pour assurer à chacun et chacune sa place, une présence utile, active, audible, visible de notre belle association à tous les échelons pour la défense des valeurs républicaines, démocratiques, sociales, pour la défense du droit à réparation dont la rente mutualiste, pour le combat pour la paix, pour le combat pour la vie… « Résister, un verbe qui se conjugue au présent » : cette belle parole de Lucie Aubrac nous va bien ! (1) Révision générale des politiques publiques.

Venu saluer le 54e Congrès, Jacques Goujat, président de l'UFAC, souligne l'utilité de la diversité de l'UFAC pour assurer l'efficacité de son action, à laquelle l'ARAC contribue constamment.

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LE RÉVEIL 54e Congrès national

Deux dirigeants nationaux, André Fillère et Chantal Degraeve passent le relais Deux camarades quittent le Secrétariat national : André Fillère et Chantal Degraeve. André Fillère André, le plus ancien dans notre équipe, vice-président pendant 10 ans. À l’UFAC et à l’ONAC, André est reconnu comme un des meilleurs experts du droit des anciens combattants et victimes de guerre. Et tous savent avec quelle ardeur et quel brio il défend la cause des anciens combattants et victimes de guerre. Même si André ne sera plus présent à nos réunions ordinaires de direction, aucun d’entre nous ne doute qu’il sera toujours disponible pour éclairer un problème dans la bataille des droits. André continue d’être un des représentants de l’ARAC à l’UFAC. Et nous aurons toujours à travailler avec André, président de notre Mutuelle de retraite de l’ARAC. Au nom de l’ARAC, Raphaël Vahé a remercié André pour le travail accompli durant tant d’années et celui que nous accomplirons encore ensemble… André entre au Conseil national d’honneur de notre association.

Chantal Degraeve Chantal Degraeve passe aujourd’hui à l’honorariat. Voilà maintenant 23 ans qu’elle assumait la très lourde responsabilité de la trésorerie de notre associa-

À l’occasion du 54e Congrès, un certain nombre de camarades ont quitté le Bureau national ou le Conseil national. Certains sont aujourd’hui à l’honorariat. Un hommage leur sera rendu dans le prochain Réveil.

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tion et du Réveil des Combattants. Chantal a été en première ligne pendant 25 ans, au point crucial des batailles à ne pas perdre. Bien souvent l’ARAC a su franchir des étapes dificiles grâce à la solidarité de quelques comités départementaux et d’un certain nombre de militants de notre association. Raphaël Vahé a remercié chaleureusement Chantal de tout ce qu’elle a vécu,

pour assumer le plus efficacement possible cette lourde tâche de trésorerie nationale. Elle continue à se consacrer à l’activité de direction de l’ARAC des Yvelines. Chantal entre au Conseil national d’honneur. C’est Annick Chevalier qui a été élue trésorière nationale.


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Ensemble résistons et agissons ! Je me souviens comme si c’était hier du congrès de décembre 2007 qui célébrait avec émotion le 90e anniversaire de l’ARAC. Nos propos étaient tournés vers l’avenir, conscients que cette association que vous aviez reçue des mains de vos pères fondateurs, Henri Barbusse et Paul Vaillant-Couturier, avait encore son rôle et sa place dans le monde d’aujourd’hui, de par la modernité, la vigueur que vous aviez su, au fil des décennies, lui instiller. Selon mon souvenir, nous étions optimistes, en ce jour anniversaire : vigilants, mais optimistes. C’est sur un ton plus grave, et je le regrette, que je voudrais m’adresser à vous aujourd’hui, en vous remerciant tout d’abord de m’associer depuis des années à vos combats comme à vos joies. Le 15 mars 1944, sous l’occupation, le programme du Conseil national de la Résistance est adopté. Nous connaissons tous ce texte visionnaire et l’espoir qu’il engendra parmi les hommes et les femmes. Nous avons tous ces phrases en mémoire : « L’établissement de la démocratie la plus large, la pleine liberté de penser, le respect de la personne humaine, l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, le droit au travail, un plan complet de sécurité sociale, une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours… » De grandes heures de notre histoire ont ainsi été écrites : la Sécurité sociale, bien sûr, mais également, dans la même lignée, mai 68 et les accords de Grenelle, la retraite à soixante ans, les 35 heures, de nombreux acquis sociaux issus des luttes d’un peuple toujours combatif qu’il serait trop long de détailler ici. Puis un jour, cela s’accélère avec une avalanche de réformes rétrogrades : creusement sans précédent des inégalités entre riches et pauvres, explosion

du chômage, précarité, salaires modestes, franchises médicales, forfait hospitalier, les dépassements d’honoraires, ouvriers mis au chômage, minima sociaux, entreprises sacrifiées sur l’autel de la mondialisation, délocalisation, profit érigé en dogme, jeunesse abandonnée à la violence. Pourquoi, me direz-vous, ce propos peut sembler déplacé lors d’une telle assemblée ? Parce que tout cela participe d’une même politique que je veux dénoncer ici, et pour vous montrer que tout est lié. Cette politique menée par le gouvernement de M. Sarkozy atteint tous les domaines de la vie quotidienne, ceux-là mêmes que le Conseil national de la Résistance avait à cœur de préserver, d’enrichir. La fameuse RGPP, ou Révision générale des politiques publiques, s’attaque à tout et ne craint pas de mettre à mal y compris les institutions du monde combattant : disparition de

la DSPRS, démantèlement de l’ONAC, restrictions par touches successives des droits des anciens combattants et victimes de guerre, abandon des maisons de retraite et des écoles de réinsertion à une fondation privée, qu’elle seule l’ARAC a dénoncé. Réappropriation des thèses négationnistes fascistes : un portrait de Pétain dans une mairie, des édifices à la gloire des activistes de l’OAS dans des cimetières ou sur des places, le gouvernement de la France qui envisage de faire graver, le 26 mars prochain, sur le mémorial des Morts pour la France en Algérie des noms de personnes ayant soutenu des criminels, des débats nauséabonds sur l’identité nationale. Alors, dans l’ARAC d’aujourd’hui et de demain, je suis convaincu que le progrès moral et intellectuel de l’humanité sera au cœur des vôtres, ces hommes et ces femmes épris de justice qui, comme des points d’ancrage, sauront faire vivre et reconquérir les nobles et indispensables valeurs. Ensemble résistons et agissons ! Guy Fischer Vice-président du Sénat…

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La RGPP

contre la solidarité et la citoyenneté Extraits de l’intervention d’Anicet Le Pors, ancien ministre

L’existence en France de services publics importants, mis en œuvre par des salariés régis non par le contrat mais par des statuts, c’est-à-dire par la loi, expression de la volonté générale, représentant un quart de la population active est l’une des « anomalies » que le pouvoir entend réduire ; de même qu’un système de protection sociale et de retraite acquis au fil d’une longue histoire de luttes, mais aussi d’une recherche rationnelle en faveur de l’égalité et de la justice sociale. La mise en place de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) est à contre-courant de cette histoire et de l’effort de rationalisation des politiques publiques. Dès le 10 mai 2007, le Premier Ministre a lancé la Révision générale des politiques publiques (RGPP) : 166 mesures mettant l’accent, en dehors de toute problématique d’efficacité sociale et de service public, d’une part sur la réduction de la dépense publique recherchée à travers le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, d’autre part la révision des politiques d’intervention concernant notamment le logement, l’emploi, la formation professionnelle, la santé et la sécurité ; et, le 22 -

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11 juin 2009, il annonçait 69 nouvelles mesures concernant notamment les administrations de l’État au niveau départemental, soit au total plus de 300 mesures… Il faut rechercher les origines de la RGPP dans les techniques de gestion des grandes entreprises privées. Elle repose sur une dissociation de la décision stratégique, qui est politique, de la gestion opérationnelle qui relève de l’appareil d’État et qui tend, de plus en plus, à être mise en œuvre par des contrats de prestation de service. Dès lors le fonctionnaire n’est plus un serviteur de l’intérêt général qui suppose qu’il en ait une haute conscience, mais un prestataire qui n’a pas de spécificité et peut donc être remplacé par un agent privé au métier équivalent. Plutôt que de se situer dans une démarche de satisfaction des besoins, il s’agit au contraire de s’installer dans une gestion d’économie de moyens, de pénurie… La RGPP doit être principalement combattue sur le plan politique en tant qu’elle installe dans notre pays un modèle de société contraire tout à la fois à notre histoire, à la démarche de rationalisation des politiques publiques, à l’éthique qui doit guider la responsabilité publique…

La France n’est pas sur-administrée Les dépenses de personnel de l’État sont en baisse dans le budget général : 43 % pour 119,6 milliards d’euros en 2008 dans un budget de 278,2 milliards. Le total des dépenses des administrations

centrales de l’État s’établit à 6 % du PIB (1 950 milliards d’euros) en 2008… Le CAC 40 a progressé de 120 % en vingt ans contre seulement 15 % pour les salaires à temps plein… Il n’est pas sans intérêt, pour les fonctionnaires, de marquer l’origine de cette évolution. Pour ma part, je la situerais au 16 mai 1983, lorsque Jacques Delors, alors ministre de l’Économie et des Finances, accepte de signer un accord à Bruxelles par lequel il obtient un prêt de 4 milliards d’écus en échange d’un engagement du gouvernement français de supprimer l’indexation des salaires et des prix. C’était marquer la fin de la pratique des négociations salariales dans la fonction publique et qui ne s’en est jamais véritablement remise. Dans ce domaine comme en d’autres, on peut regretter qu’aucun des gouvernements qui se sont succédé n’ait remis en cause ce funeste engagement…

Une démarche obscure et irrationnelle Le fondement scientifique de la rationalisation de la gestion publique devient ainsi un enjeu car tout l’effort du Président de la République et du gouvernement semble être aujourd’hui de trancher la « main invisible » pour laisser le champ libre…

Une contre-offensive nécessaire Le démantèlement des services publics et de la fonction publique, môle de résistance au marché, n’a pas commencé avec l’actuel Président de la République : citons la loi Galland du 13 juillet 1987.


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Le changement de statut de la Poste et de France Télécom en 1990 (Paul Quilès), d’Air France en 1999 (Jean-Claude Gayssot), le rapport du Conseil d’État 2003 proposant de faire de la contractualisation une « source autonome du droit de la fonction publique », les lois de modernisation du 2 février 2007, sur la mobilité du 3 août 2009. Constatons que les gouvernements de gauche ne reviennent pas sur les atteintes de la droite lorsqu’ils reviennent au pouvoir. Le Président de la République avait annoncé une « révolution culturelle », le 19 septembre 2007. Il avait diligenté à cet effet le Livre Blanc de J.L. Sillicani (le contrat contre la loi, le métier contre la fonction, la performance individuelle contre l’efficacité sociale). La crise, à l’inverse, a été révélatrice du rôle d’ « amortisseur social » du service public (emploi, pouvoir d’achat… éthique). Le « Grand soir statutaire » n’aura pas lieu. La réforme des collectivités territoriales est un autre exemple de la volonté de normalisation de la France historique. Il n’y a pas de « mille-feuilles » mais deux triptyques : l’ensemble commune-département-nation (politique) contre l’ensemble agglomération-région-Europe (économique)… Il faut sans doute défendre les services publics, mais surtout inscrire leur promotion dans une perspective. En premier lieu, se positionner sur les valeurs et principes. En deuxième lieu, faire

des propositions constructives à tous niveaux. Ce pouvoir peut être tenu en échec. Des dissensions existent, on le sait, sur la taxe professionnelle, l’élection des conseillers territoriaux. Il faut généralement entreprendre un approfondissement de questions majeures : planification, nationalisations, institutions, laïcité, etc., dans l’esprit des « États généraux du service public ». En troisième lieu, ne devons-nous pas affirmer le service public comme « va-

leur universelle » ? Notre époque peut être considérée comme marquée par la montée de l’ « en commun ». Le service public, dans ces conditions, pourrait être érigé en valeur universelle. La contribution de la France à la conception et à la mise en œuvre pourrait être éminente. Le XXIe siècle peut et doit être l’ « âge d’or » du service public… Cérémonie au monument de la Résistance, à Gennevilliers

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Le souffle du 54 Congrès national de l’ARAC e

La municipalité de Gennevilliers a eu le plaisir d’accueillir le 54e Congrès national de l’ARAC du 18 au 21 février 2010. Ce fut, comme à chaque congrès, un grand moment d’échanges, de construction commune, de fraternité, mais peut être, cette fois-ci, plus encore… A un moment où est remis en cause le socle des conquêtes sociales de la Libération, l’ARAC appelle de toutes ses forces toujours bien vives, à retransmettre l’héritage de ses fondateurs Henri Barbusse, Paul Vaillant-Couturier, Georges Bruyère 1, Raymond Lefebvre, l’héritage de la Résistance et de ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle. La commémoration lors de notre Rassemblement national à Chartres, le 29 mai prochain, de la première réunion dans Paris occupé, du Conseil national de la Résistance présidé par Jean Moulin, va nous permettre de rappeler ce qu’exprimaient fortement treize anciens du CNR de 1944, dans un appel lancé en 2004 2. Ils appelaient « les éducateurs, les mouvements sociaux, les collectivités publiques, les créateurs, les citoyens, les exploités, les humiliés, à célébrer ensemble l’anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944 : Sécurité sociale et retraites généralisées, contrôle des “féodalités économiques”, droit à la culture et à l’éducation pour tous, une presse délivrée de l’argent et de la corruption, des lois sociales ouvrières et agricoles, etc. Comment peut-il manquer aujourd’hui de l’argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l’Europe était ruinée ? Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l’ensemble de la société ne 24 -

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doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l’actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie… » Le 54e Congrès de l’ARAC a fait le choix de porter haut et fort cette ambition. Ils appelaient « les mouvements, partis, associations, institutions et syndicats héritiers de la Résistance à dépasser les enjeux sectoriels, et à se consacrer en priorité aux conséquences, à définir ensemble un nouveau « Programme de Résistance » pour notre siècle, sachant que le fascisme se nourrit toujours du racisme, de l’intolérance et de la guerre, qui eux-mêmes se nourrissent des injustices sociales… » Le 54e Congrès de l’ARAC en fait plus que jamais une tâche urgente, avec la volonté de construire l’unité, même si nous avons conscience des obstacles pour y parvenir… Nous n’acceptons pas que les principaux médias soient désormais contrôlés par des intérêts privés, contrairement au programme du Conseil national de la Résistance et aux ordonnances sur la presse de 1944. L’ARAC se doit d’occuper toute sa place dans une construction solidaire qu’elle appelle de tous ses vœux, fidèle à ses engagements depuis sa création en 1917… « Créer c’est résister, résister, c’est créer ». Voilà notre devise…

Les droits Les droits des anciens combattants et victimes n’échappent pas à cette casse de tout ce qui a été construit par des gé-

nérations de combattants, de militants syndicalistes et politiques, et nécessitent que nous appelions inlassablement le mouvement ACVG à résister, avec nous, le plus unitairement possible partout où c’est possible, à l’UFAC, dans les UDAC, dans les conditions d’aujourd’hui, pour exiger le respect des engagements présidentiels pour les budgets 2011, 2012, imposer la plus grande vigilance sur tout ce qui va être mis en œuvre à l’ONAC dans le cadre du Contrat d’objectif n° 2 mis en place… La France doit aussi reconnaître totalement ses responsabilités relatives aux essais nucléaires et aux irradiés.

Le combat pour la paix Vingt ans après la chute du mur de Berlin, l’espoir d’une ère pacifiée qui s’ouvrait est sacrifié. Le monde qui naissait en 1989 n’était pas un monde de liberté et de paix, mais l’avènement d’un capitalisme triomphant qui a depuis démantelé les systèmes de solidarité sociale, aggravé la pauvreté et les inégalités dans le monde… Le retour de la France dans le commandement de l’OTAN, décidé par le Président de la République est un aspect de la pérennisation d’une politique de type impérial. La doctrine de l’OTAN, sans aucune légitimité depuis la chute du mur de Berlin, tente de se réinventer. Ne nous méprenons pas à l’ARAC : les nouvelles orientations de l’OTAN visant à prévenir les conflits et lutter contre le terrorisme ont toujours pour objectif la mainmise des États-Unis sur les ressources stratégiques de la planète. L’ARAC dit NON à la France dans l’OTAN et s’engage résolument dans le combat pour le désarmement universel. Dans les toutes prochaines semaines,


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Jacques Bourgoin, maire de Gennevilliers et Raphaël Vahé

elle sera dans l’action commune pour la révision du traité de non prolifération nucléaire à l’ONU, à New-York. L’ARAC va poursuivre son action pour le retrait des soldats français d’Afghanistan et pour la recherche d’une paix juste et durable au Moyen-Orient.

Le travail de mémoire Le 54e Congrès national a aussi pointé, à un moment où le gouvernement veut museler l’histoire, la mémoire, laisser libre cours à des initiatives révisionnistes, le nécessaire changement de braquet de notre travail de mémoire : la volonté des militants et militantes de l’ARAC est de se tourner avec audace vers les générations qui composent la France, dans leur diversité d’origine, pour mieux faire connaître l’histoire, la mémoire, le passé, l’antifascisme, les combats de la Nation, pour œuvrer à un monde de paix dans une société plus juste, plus solidaire… Aussi, les congressistes ont exprimé unanimement leur totale désapprobation concernant les propos tenus par le secrétaire d’État, Hubert Falco, dans son discours prononcé le 5 décembre dernier. Il a réaffirmé les aspects posi-

tifs de la présence française en Algérie, dans le droit-fil des dispositions de la loi du 23 février 2005, écrites sous la dictée des plus revanchards au sein du lobby nostalgique. L’ARAC confirme qu’elle demande clairement l’abrogation de cette loi inique. Le 54e Congrès national a dénoncé vivement la scandaleuse décision d’inscrire, le 26 mars prochain, le nom des victimes civiles de la fusillade de la rue d’Isly sur la colonne centrale du Mémorial national de la guerre d’Algérie devant lequel il s’exprimait : Cette initiative tend à conférer un quasi-statut de « mort pour la France » à des personnes ayant répondu à un mot d’ordre insurrectionnel lancé par l’OAS dans le but de renverser le gouvernement qui venait de signer les Accords d’Évian. C’est inadmissible. Une telle stratégie ne peut, en toute hypothèse, que nuire au développement entre la France et l’Algérie, entre les peuples français et algérien, aux rapports authentiques d’amitié sincère et véritable dans une coopération multiforme où chacun trouverait son intérêt et des raisons d’espérer dans l’avenir, pour lesquels l’ARAC milite depuis longtemps.

Honorer le souvenir des victimes de la guerre d’indépendance de l’Algérie exige impartialité et neutralité, surtout en période préélectorale, par nature chargée d’arrière-pensées idéologiques et partisanes. Le partage de la mémoire est la condition de l’unité de la Nation. Nous sommes disponibles, le 26 mars prochain, pour participer à toute initiative unitaire contre cette décision inique. L’État donne une image négative de luimême lorsque, au mépris de l’égalité et de la fraternité, il méconnaît une catégorie de victimes au profit d’une autre et introduit des discriminations dans le respect dû aux morts et dans la douleur des familles : c’est alors aux plus hautes valeurs de la République qu’il porte atteinte. La Nation ne saurait se laisser imposer une mémoire étatique, sauf à se mentir à elle-même vis-à-vis de sa propre histoire. Dans un esprit unitaire, l’ARAC par son Appel s’engage à faire du « 19 mars » une grande commémoration, seule date historique, et à réaffirmer, à cette occasion, notre attachement indéfectible à une journée du souvenir et du recueillement, à la mémoire de toutes les victimes françaises et algériennes… Mars  2010 - N°760 - LE RÉVEIL

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L’engagement militant L’engagement militant dans tous ces combats nous oblige à rechercher en permanence l’arrivée de forces nouvelles individuelles et collectives dans notre association, pour nous permettre de définir de manière attractive, plus créative nos activités, surtout en direction des plus jeunes, la façon dont nous menons nos luttes, nos formes d’actions, notre fonctionnement, nos moyens de communication : le Réveil des Combattants rénové avec son Cahier mémoire dont il faut élargir la diffusion à la hauteur de nos ambitions et la dynamisation du site Web de l’ARAC vont être des atouts majeurs pour cela. C’est maintenant de l’engagement de chaque comité et chaque section que va dépendre la réussite de ces initiatives dans une bonne articulation de l’ensemble des composantes de l’ARAC. Ne comptons que sur nous-mêmes pour les construire, les populariser et les mener à bien.

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Le mandat des congressistes du 54e Congrès n’est pas totalement terminé puisqu’il consiste aussi à rendre compte des travaux auprès de ceux qui leur ont confié la responsabilité de les représenter. Une note d’analyse sur la préparation, le déroulement, le bilan du Congrès afin que nous puissions tirer tous les enseignements utiles pour l’avenir sera élaborée par le Bureau national de fin mars et mis à la disposition de tous nos animateurs. Alors, en avant ! Allons-y, tous ensemble ! Vive l’ARAC !

(1) Georges Bruyère repose au cimetière de Bagneux. Le Comité départemental de l’ARAC 92 honore chaque année sa mémoire. (2) Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Gingouin, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, JeanPierre Vernant, Maurice Voutey. Ils appelaient enfin « les jeunes, les parents, les anciens et les grands-parents, les éducateurs, les autorités publiques, à une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation marchande, le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous ».

Raphaël Vahé

Les photos du congrès ont été prises par Ingrid Merlinc et JeanClaude Fèvre. Avec les remerciements du Réveil des Combattants. Le nouveau Secrétariat national, de gauche à droite : Claude Delevacq, Raphaël Vahé, Patrick STAAT, Paul Markidès, Annick Chevalier, Pierre Bussonne, avec les invités du Congrès : Guy Fisher et Léo Figuière.


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L’Algérie avant 1954

Une situation bloquée et explosive Avec la guerre d’Algérie, le voile est levé sur ce qu’a été le système colonial, disait en substance le jeune soldat appelé en Algérie, Pierre Bourdieu, celui qui deviendra un éminent sociologue après ses premiers travaux menés justement dans l’Algérie en guerre. Le voile enfin levé. Et pourtant… combien de fois encore le voile n’est-il pas retombé sur la vérité des faits ? Étrange oscillation entre opacité et visibilité, entre révélations que l’on voudrait définitives et difficulté à faire la lumière. Que l’on reprenne quelques jalons posés par ceux qui voulaient en finir avec « l’Algérie des cartes postales ». Rappelons-nous le reportage d’Albert Camus en Kabylie en 1939, décrivant l’effroyable misère de la population rurale, publié par Alger Républicain. Rappelons-nous les courageux reportages de l’intellectuel et journaliste chrétien Robert Barrat, qui comprit, dès 1950, que la situation en Algérie était non seulement inique mais explosive. Il était atterré par les chiffres et par la difficulté à se les procurer : 80 % des familles sous le seuil de pauvreté, des paysans dépossédés ou ne survivant que sur des lopins exigus, tandis que les bonnes terres sont

Anissa Bouayed est historienne, auteur de L’art et l’Algérie insurgée, Alger, ENAG, 2005

aux mains de 25 000 Européens, 300 000 émigrés, chassés des villages par la faim et tous ceux qui ne survivent en ville que de petits boulots… « La vérité sur l’Algérie, dit-il, il y avait peu de chances de la découvrir dans les études du gouvernement général ou dans les journaux de MM. Blachette et De Sérigny. Il fallait beaucoup de patience et d’obstination pour obtenir des chiffres et des statistiques qui (…) fournissaient une première idée, tout approximative, de l’ampleur des problèmes posés. » En Algérie même, les pouvoirs publics réprimaient les voix discordantes. Henri Alleg, directeur du seul journal anticolonial, Alger Républicain, a connu, avec les autres rédacteurs, les comparutions, les condamnations et les amendes, pendant que le journal subissait censures et saisies. La presse nationaliste, existant depuis les premiers journaux de l’Emir Khaled au début du siècle, subissait le même sort. Plus grave encore, le leader historique Messali, fondateur des premières organisations politiques algériennes de type moderne, a été condamné aux travaux forcés en 1941. Il n’a pas été libéré alors que, dès le débarquement des Alliés en Afrique du Nord en novembre 1942, Alger était devenue la capitale de la France libre. La libération de Messali était d’ailleurs l’un des mots d’ordre des manifestants du 8 mai 1945 dans le Constantinois. La répression, inhérente à l’arbitraire qui sévissait outre-mer, devint plus brutale encore à partir de 1945, date de non-retour. Albert

Camus, toujours très mesuré sur la présence française en Algérie, avait pu dire alors : « Est-il possible de prétendre au rôle d’instituteur de civilisation lorsqu’on se présente avec la Déclaration des droits de l’homme dans la main gauche et dans la main droite le gourdin de la répression ? » La répression des manifestations du 8 mai 1945 sonna le glas des réformes en transformant ce jour de victoire des Alliés en un terrible massacre dans la région de Sétif. Répondant par l’intransigeance aux aspirations des Algériens, la France renoua dans tout son Empire avec « la politique de la canonnière » face au mouvement de décolonisation perpétrant d’autres bains de sang, en 1946 à Hanoï en Indochine, en 1947 à Madagascar. Le grand intellectuel André Mandouze, enseignant à l’Université d’Alger, percevait lucidement cette dérive et son résultat contre productif en disant alors que l’Algérie était entrée depuis 1945 « en état de résistance. » Autre observateur sans illusion, Albert Memmi dit en ces mêmes années, dans son célèbre Portrait du colonisé : « Plus l’oppression augmente, plus le colonialisme a besoin de justification, plus il doit avilir le colonisé. Comment en sortir, sinon par la rupture, l’éclatement, tous les jours plus explosif, de ce cercle infernal ? » Et pourtant, le concert des nations qui avaient lutté pour s’affranchir du nazisme allait dans le sens des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes : charte de l’Atlantique en 1941, charte mars  2010 - N°760 - LE RÉVEIL

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de San Francisco en 1945 créant l’ONU. Les Algériens avaient saisi ce vent de liberté par un appel sans équivoque : Le Manifeste du peuple algérien porté à la connaissance de la France nouvelle et des Alliés dès sa parution en mars 1944. Le mouvement national algérien, depuis l’Étoile nord-africaine née dans l’émigration autour de Messali, dès les années 1920, avait fait mûrir les idées d’autonomie, puis d’indépendance. Et pourtant… Malgré tous ces signes avant-coureurs, la nécessaire transformation du rapport colonial ne vint jamais. La répression systématique, de même que la crise du mouvement national algérien partagé entre la voie politique ou la lutte armée expliquent sans doute la décennie de latence qui sépara la fin de la Seconde Guerre mondiale du début de l’insurrection, le premier novembre 1954. Dans le même temps, les autres pays du Maghreb, au travers de leurs mouvements nationaux, le Néo-Destour en Tunisie, l’Istiqlal au Maroc, exigent aussi l’indépendance. Jouissant d’une relative autonomie interne, et d’un mouvement national structuré autour de leaders incontestés, le sultan Mohammed V pour le Maroc et Bourguiba pour la Tunisie, ces pays obtiennent relativement vite leur indépendance, en 1956. En Algérie, l’intransigeance de la France, refusant de reconnaître le FLN, de négocier, menant une guerre coloniale sans issue, entraîne sept années de conflit dont la dureté marque encore la mémoire des deux peuples.

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26 mars 19 Les négociations engagées entre la France et la délégation algérienne pour aboutir à la cessation d’un conflit qui dure depuis sept ans entraînent un durcissement du discours de l’OAS (Organisation armée secrète). Les termes utilisés par le général Salan, chef suprême de l’organisation séditieuse, dans son instruction n° 29 du 23 février 1962, relèvent de la déclaration de guerre contre la France : « … il serait souhaitable qu’entre le 15 mars et le 20 mars, l’ensemble du territoire soit jalonné et carroyé par des zones insurrectionnelles ». L’idée

criminelle consistant à utiliser la foule est exprimée formellement : « Sur ordre des commandements régionaux, la foule sera poussée dans les rues à partir du moment où la situation aura évolué dans un sens suffisamment favorable ». Avec l’entrée en vigueur du cessez-le-feu le 19 mars, l’OAS se déchaîne :


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962 - 26 mars 2010 - 20 mars, tirs d’obus de mortier sur la place du Gouvernement provoquant 24 morts et 59 blessés, - 22 mars, embuscade contre un convoi de gendarmes mobiles occasionnant 18 morts et 25 blessés, - 2 3 mars, guet-apens dirigé contre un camion d’appelés à Bab el-Oued, causant 7 morts et 15 blessés. En quatre jours, on comptera 49 tués et une centaine de blessés du fait de l’OAS, dont 25 morts et 40 blessés parmi les militaires. Dans son ultimatum adressé aux unités françaises, le 20 mars 1962, l’ancien sous-préfet Jacques Achard, ami personnel de Salan, avait déclaré : « CRS, gendarmes mobiles, soldats du quadrillage, vous avez jusqu’au jeudi 22 mars, à 0 heure, pour ne plus vous occuper des quartiers…. Passé ce délai, vous serez considérés comme des troupes servant un pays étranger. Le cessezle-feu de M. de Gaulle n’est pas celui de l’OAS. Pour nous, le combat commence. » (1) Les autorités, ne pouvant tolérer que le secteur de Bab el-Oued leur soit interdit, décident de désarmer ses habitants. La reprise en main du quartier se fera au prix de 15 tués et 77 blessés parmi les forces de l’ordre : aucun chiffre de victimes parmi la population de Bab el-Oued n’est disponible. Le 26 mars, les Algérois sont invités à se rendre à Bab el-Oued, où, selon l’OAS, leurs concitoyens sont injustement assiégés par l’armée : le mot d’ordre en ce sens est lancé par l’ex-colonel Vaudrey et diffusé en matinée par tract. La manifestation est proscrite, mais les pieds

noirs d’Alger y participent, défiant les autorités civiles et militaires. En début d’après-midi, des tirs de fusils-mitrailleurs, servis par des insurgés embusqués notamment dans les étages supérieurs de deux immeubles bordant la rue d’Isly, en particulier celui du n° 64, siège de la Warner Bross (2),

déclenchent la riposte des soldats du 4e Régiment de tirailleurs algériens. Les victimes sont au nombre d’une cinquantaine, dans leur quasi totalité des civils pieds noirs, instrumentalisés par l’OAS et n’ayant rien à voir avec des activistes. Par ailleurs, deux militaires sont mortellement blessés.

26 mars 1962 : l’ARAC s’adresse à M. Falco Monsieur le Secrétaire d’État, (1) Appel cité par Rémi Kauffer in OAS : histoire d’une guerre franco-française, Seuil, 2002. (2) Yves Courrière, La guerre d’Algérie (vol IV, Les feux du désespoir), Fayard, 1971.

Nous avons dû constater avec une profonde consternation, lors de la commémoration du 48e anniversaire de la fin de la Guerre d’Algérie hier, du Mémorial du Quai Branly que vous n’aviez pas entendu l’appel à la raison que vous a adressé l’UFAC, le 10 mars dernier, ne laissant porter l’inscription des victimes civiles de la manifestation interdite de la rue d’Isly à Alger, du 26 mars 1962. Vos prédécesseurs avaient su préserver cette sagesse. L’ARAC élève une très vive protestation, et persiste à demander le retrait des noms de ces victimes de la colonne centrale du Mémorial, réalisé à la demande du mouvement combattant. Votre décision tend à conférer un quasi statut de «Mort pour la France» à des personnes ayant répondu à un mot d’ordre insurrectionnel lancé par l’OAS dans le but de renverser le gouvernement qui venait de signer les accords d’Évian, et qui ne peuvent être confondues avec les membres de l’armée française qui ont servi loyalement la République. L’ARAC se félicite d’avoir apporté sa part à la grande réussite de la commémoration associative du 48e Anniversaire du 19 Mars 1962, seule date historique et légitime à laquelle nous sommes indéfectiblement attachés comme une journée du souvenir et du recueillement, à la mémoire de toutes les victimes françaises et algériennes durant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de Tunisie, une journée qui célèbre la victoire de la Paix. Daignez agréer, Monsieur le Secrétaire d’État, l’expression de nos salutations républicaines. Raphaël VAHÉ - Président national Villejuif, le 22 mars 2010

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LE RÉVEIL Dossier

L’actuel secrétaire d’État aux Anciens Combattants, M. Hubert Falco, envisage d’inscrire les noms des victimes civiles de la fusillade de la rue d’Isly sur la colonne centrale du Mémorial national de la guerre d’Algérie, présent quai Branly à Paris : si ce projet devait être mis en œuvre, des personnes mortes au nom et pour le compte de l’OAS se verraient conférer un statut similaire à celui de soldats tombés, victimes du devoir, au service de la France en Algérie et dont les noms défilent déjà sur les autres colonnes du Mémorial. On ne pourrait qu’y voir une dénaturation d’un monument dédié aux « morts pour la France en AFN ». Pire, le cabinet et les services d’Hubert Falco n’écartent pas l’idée d’étendre à d’autres catégories de victimes civiles de la guerre d’Algérie le bénéfice de ce qu’ils considèrent comme une hommage dû par la Nation. Mais, s’agissant notamment des victimes de l’OAS, la mesure ne s’appliquerait en toute hypothèse ni à celles ayant trouvé la mort sur le territoire métropolitain ni aux Français d’origine non européenne. On le voit, l’administration en charge de la mémoire a de celle-ci une conception bien éloignée de l’équité et de la morale publique et, pour tout dire, une conception partisane, évoquant un racisme d’État. Jean-François Gavoury

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L’indépendance en Afrique noire L’éveil à la notion d’indépendance en Afrique noire française (AOF et AEF) a été plus lent à se dessiner qu’en Asie ou au Maghreb. Certes, le Rassemblement démocratique africain avait, depuis 1946, émis un certain nombre de propositions ; mais l’indépendance, même à moyen terme, n’était pas alors envisagée. Alain Ruscio est historien

Cependant, l’Histoire, en ces décennies, va vite : la guerre d’Indochine, l’accession du Maroc et de la Tunisie à l’indépendance, puis les débuts de la guerre d’Algérie, amènent bien des Africains à réfléchir. De leur côté, les milieux coloniaux comprennent que la seule répression des mouvements politiques « indigènes » serait stérile. Le ministre de la France d’outre-mer de 1950, François Mitterrand, le premier, entame le dialogue avec les leaders les plus modérés du RDA (Félix Houphouët-Boigny…). En 1954, la guerre d’Algérie éclate. La métropole ne peut se permettre un front supplémentaire. Il faut prendre des initiatives : « Ne laissons pas croire que la France n’entreprend de réformes que quand le sang commence à couler », dit le nouveau ministre, le socialiste Gaston Defferre. Il fait voter par le Parlement, en juin 1956, une loi-cadre très libérale. Cette loi est plus considérée comme une garantie contre des indépendances « prématurées » que comme une sortie du système colonial. Lorsque les événements algériens ramènent de Gaulle au pouvoir, le Général doit, certes, accorder une priorité absolue à ce qui reste du Maghreb français. Mais il a également des ambitions africaines plus vastes. Il est décidé à mettre en place une politique plus hardie que celle de la IVe République. Il crée une notion nouvelle, la « Communauté » : plus d’autonomie interne pour les possessions outre-mer, des Assemblées locales représentant les « élites »,

le gouvernement métropolitain restant maître de la politique étrangère et de l’économie. Un article, le 78, prévoyait pourtant une porte de sortie, en cas de vœu de l’Assemblée locale. Dès septembre 1958, de Gaulle propose aux Africains un référendum : si vous votez Oui, vous entrerez de plainpied dans cette Communauté ; si vous votez Non, vous obtiendrez votre indépendance, mais la France sera libre de briser ses liens avec vous. A l’exception de la Guinée, où Sékou Touré a mené bataille contre le projet gaulliste, tous les pays d’Afrique noire française votent Oui. Mais, comme souvent en histoire coloniale, ce qui apparaît comme un achèvement à la métropole n’est qu’une étape pour les leaders de l’outre-mer. « La Communauté, dit alors Léopold Senghor, n’est pour nous qu’un passage et un moyen, notamment celui de nous préparer à l’indépendance ». Rapidement, cette aspiration, qui embrase alors toute l’Afrique, balaie les réticences. Dès septembre 1959, le Mali sort de la Communauté. En 1960, tous les autres pays des ex-AOF et AEF suivent. Contrairement à ce qui s’était passé ailleurs, et conformément aux souhaits gaullistes, ces pays ne sortent cependant pas de l’aire d’influence française. Indépendance politique formelle, certes, mais maintien de liens solides avec l’ex-métropole. De Gaulle avait réussi son pari. L’ère de la « Françafrique » pouvait commencer.


international VIE DE L’ARAC LE RÉVEIL

Le Cameroun, vous connaissez ? Du haut de l’Élysée, il a été décidé de faire de 2010 l’année anniversaire de la décolonisation « en douceur » de l’empire français en 1960. Les chefs d’États africains seraient invités à siéger dans la tribune officielle pour applaudir le défilé militaire du 14 juillet 2010. Outre qu’en 1960, la guerre d’Algérie faisait encore rage et que les émeutiers européens ultras (préparant l’OAS) assassinaient 14 gendarmes en toute impunité, que se passait-il donc au Cameroun ? Certes, Paris octroya son indépendance au Cameroun en 1960, ainsi qu’à quelques autres ex-colonies françaises. Dans le calme et sans violence, nous assuret-on… Il est vrai que, embourbé dans la guerre d’Algérie qui monopolisait l’essentiel de son armée et coûtait à la France une fortune quotidienne empêchant tout réel développement et la reléguant en queue de peloton européen, le gouvernement n’avait pas les moyens de mâter par la force toutes les revendications d’indépendance qui montaient de ses colonies africaines. Pas ouvertement, certes, mais en catimini ? • Cameroun 1955 : répression meurtrière des manifestations indépendantiste, en mai, notamment à Douala. Et interdiction de l’Union populaire du Cameroun (UPC) contrainte de prendre le maquis.

•C ameroun 1958 : septembre, Ruben Un Nyobé, dirigeant de l’UPC, est capturé par les militaires français et abattu. •C ameroun 1960 : indépendance et mise en place du gouvernement Ahidjo, imposé, contrôlé et soutenu par Paris. Sur fond de violence, l’armée française mène une vraie guerre (parallèlement à celle en Algérie) contre les militants nationalistes opposés à Ahidjo. Dans son livre Ok Cargo (Ed. Grasset 1988), Max Bardet, pilote d’hélicoptère du corps expéditionnaire français au Cameroun, écrit sans être démenti : « En deux ans, de 1962 à 1964, l’armée régulière a complètement ravagé le pays bamiléké. Ils ont massacré 300 000 à 400 000 personnes. Un vrai génocide. Ils ont pratiquement

anéanti la race. Les Bamilékés n’avaient aucune chance ». Sagaies contre armes automatiques à grand renfort de napalm, l’armée régulière est encadrée par l’armée française qui la soutiendra jusqu’en janvier 1971, lorsque sera exécuté Ernest Ouandié, le dernier dirigeant maquisard.

Néocolonialisme à la sauce sarkozienne Derrière le « bling-bling » de l’invitation à célébrer avec l’Afrique le 14 juillet de la « décolonisation », ce que veut N. Sarkozy, à travers la présence sur les Champs Élysées des chefs d’États de l’Afrique dite francophone, c’est prolonger son discours de Dakar (reçu comme une insulte par les Africains), en faisant la démonstration publique que, quoiqu’ils en disent, l’ex Afrique française continuerait de vivre dans un système de nature coloniale, néocolonialiste. Les Français, et encore moins les ACVG et leurs associations, ne sauraient se prêter à cette mascarade insultante pour les peuples africains et en dénonceront la manœuvre au nom de l’amitié, de la coopération, de la vérité, de la mémoire et de l’histoire partagée entre les peuples. AF.

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Ci-joint un chèque de 28 e libellé à l’ordre du Réveil des Combattants

Ci-joint un chèque de 100 e libellé à l’ordre du Réveil des Combattants Mars  2010 - N°760 - LE RÉVEIL

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L’ARAC et sa Mutuelle à l’Assemblée nationale Le contrôleur général des armées, Patrice Van Ackère, conseiller du président de la Commission de la défense nationale et des forces armées, souhaitant consulter la Mutuelle de l’ARAC, André Fillère (président national de la Mutuelle et vice-président honoraire de l’ARAC) a rencontré celui-ci le 1er février 2010.

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Au cours de l’entretien qui dura plus d’une heure et demie, le contrôleur général des armées se fit l’écho des points de vue respectifs du ministre du Budget et de celui de la Défense, ainsi que du Premier Ministre. En bref, la partie gouvernementale est préoccupée par le régime fiscal des rentes mutualistes qui, selon nos gouvernants, serait dépassé… la loi le créant datant de 1924 et le régime de retraite ayant changé depuis. De plus, le gouvernement, sans le sou bien sûr, ne pourrait faire plus et resterait guidé par la logique du nombre. A de tels arguments, les réponses de l’ARAC et de sa Mutuelle coulaient de source : - moins que jamais, la retraite dans la dignité n’est assurée par un gouvernement qui veut en baisser les montants et faire travailler au-delà de l’âge légal du droit au repos, - seule une loi pourrait remettre en cause celle qui créa les rentes mutualistes. La majorité parlementaire serait-elle prête à un tel forfait ? Rien n’est moins certain, - si l’engagement écrit de Nicolas Sarkozy relatif à la rente mutualiste AC n’est pas tenu, ce sont tous les principes républicains qu’il reniera en jetant aux orties le respect dû aux électeurs, la probité et la droiture de l’élu, - quant à la logique du plus grand nombre et l’aide aux plus démunis, il suffirait au gouvernement de respecter le droit à réparation en rattrapant le retard de 43 % qu’il a infligé à tous les pensionnés, aux titulaires de la retraite du combattant et aux bénéficiaires de la rente mutualiste. C’est la quasi-totalité des ACVG qui sont ainsi lésés et ne perçoivent que 50 % de ce qui lui est dû ! Le contrôleur général des armées a pris bonne note de nos propositions et les transmet au président de la commission. Nous attendons avec lui les réponses et les concrétisations qu’elles appellent. Faute de « retour », nous saurons nous faire entendre, avec l’appui de tous les intéressés.


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L’impôt opprime et la loi triche Nous l’avions annoncé à nos lecteurs et le gouvernement l’a fait : à partir de cette année, trois millions de contribuables vont perdre la demi-part supplémentaire dont ils bénéficiaient pour le calcul de l’impôt. Fin 2008, la majorité parlementaire UMP a adopté une mesure, dans le cadre du projet de loi de finances, qui modifie le calcul de l’impôt sur le revenu. Jusqu’alors, tout contribuable vivant seul, célibataire, veuf, veuve ou divorcé (e), bénéficiait d’une demi-part supplémentaire s’il avait élevé un enfant. A partir de 2010, pour continuer d’avoir droit à cette demi-part, le même contribuable doit avoir élevé un enfant pendant au moins cinq années depuis qu’il vit seul. Sur les 4,3 millions de bénéficiaires de cette actuelle demi-part, 3,2 millions, parmi lesquels de nombreux retraités, risquent de la perdre. Avec pour conséquences de rendre imposable ceux qui ne l’étaient pas ou d’augmenter le montant de l’impôt jusqu’à plus de 800 euros pour les autres.

De plus, en devenant imposables, ou en voyant leur revenu fiscal augmenter, certains des contribuables concernés seront encore plus pénalisés : ils perdront le bénéfice de l’exonération ou de l’allègement d’impôts locaux, l’exonération de la redevance télé, pourront être assujettis à une cotisation maladie sur leur pension, des aides pourront leur être supprimées telle la prise en charge d’une aide ménagère, la gratuité des transports, etc.

Fisc, traders et bouclier fiscal Si les contribuables vont payer la note, 1,2 million d’euros de rentrée en plus pour le fisc, d’autres ne seront pas logés à la même enseigne. Ainsi, la BNP annonce un bénéfice de 6 milliards d’euros en 2009, en augmentation de 93 % sur l’année précédente. Et la

banque d’annoncer qu’elle va verser « 1 milliard d’euros aux 4 000 traders » - lisez “spéculateurs” - à qui elle doit ce super profit. Soit 250 millions par tête. Mais les 50 000 employés de la BNP en France, ils devront se contenter, eux de… 1 % d’augmentation de salaire en 2010 ! Quant à la poignée de nantis de la fortune, ils continueront d’être privilégiés par le fisc. 19 000 d’entre eux, assujettis à l’ISF (impôt sur la fortune) se sont vu restituer 600 millions d’euros en 2008, au titre du « bouclier fiscal ». Pour ceux-là, demi-part ou pas, la vie continuera d’être belle ; et l’impôt ne les opprimera pas plus… puisque la loi triche à leur bénéfice. André Fillère

A déclarer

Impôt à payer avec la ½ part

Impôt à payer sans la ½ part

Différence à payer

15 600 e (1300 e mensuels)

0

298 e

+ 298 e

16 800 e (1400 e mensuels)

0

525 e

+ 525 e

18 000 e (1500 e mensuels)

83 e

752 e

+ 669 e

19 200 e (1600 e mensuels)

172 e

941 e

+ 769 e

20 400 e (1700 e mensuels)

261 e

1092 e

+ 831 e

21 600 e (1800 e mensuels)

442 e

1243 e

+ 801 e

22 800 e (1900 e mensuels)

669 e

1394 e

+ 725 e

24 000 e (2000 e mensuels)

886 e

1546 e

+ 660 e

25 200 e (2100 e mensuels)

1196 e

1856 e

+ 660 e

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LE RÉVEIL vos droits

Campagne double Une étape significative ? Depuis la fin de la guerre d’Algérie, le mouvement AC revendiquait l’attribution du bénéfice de la « campagne double » en matière de retraite professionnelle pour les fonctionnaires, travailleurs de l’État et assimilés, anciens combattants de la guerre d’Algérie, des combats de Tunisie et du Maroc (19521962). Sous l’impulsion de nos camarades de l’Association nationale des cheminots anciens combattants, que l’ARAC a toujours soutenue avec force, le Conseil d’État, saisi par l’ANCAC, vient de rendre « Au nom du peuple français » une décision datée du 26 mars 2010 (n° 328282) dont nous résumons les deux articles essentiels : • Les ministres de la Défense et du Budget doivent accorder, en application de l’article R19 du code PMI, le bénéfice de la campagne double aux intéressés titulaires de pensions civiles et militaires ayant accompli des services militaires en opérations de guerre, en

Allocation différentielle

fonction de la nature et de la durée de ces services en AFN. • Une astreinte de 500 euros sera infligée à l’État par jour de retard après le délai de 4 mois fixé par la mise en œuvre de la décision. Cette décision n’est pas négligeable, mais elle ne correspond pas encore, sur le fond, à l’attente de tous les intéressés puisqu’elle ne prend en compte que les pensionnés et laisse persister les notions d’opérations de guerre, de nature et de durée des services, etc. Rappelons que la carte du combattant est attribuée sur la base de 120 jours de présence sur le terrain avant le 2 juillet 1962 et que, par conséquent, la reconnaissance de la campagne double devrait concerner l’ensemble des participants et reposer sur les mêmes bases : le temps de présence réelle en Afrique du Nord durant la guerre d’Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc.

Le plafond relevé à 817 euros

Un communiqué du secrétariat d’État aux Anciens Combattants, en date du 24 mars 2010, annonce que le plafond de ressources permettant le bénéfice de l’allocation différentielle mensuelle de solidarité destinée aux conjointes survivantes (veuves d’anciens combattants) les plus démunies sera porté de 800 à 817 euros à compter du 1er avril 2010. C’est un pas en avant. Rappelons cependant que le mouvement AC revendique un relèvement à 887 euros, c’est-à-dire au niveau du seuil de pauvreté défini par l’INSEE. Et que, pour l’ARAC, le montant des loyers devrait être déduit du total des ressources des intéressées comme cela est pratiqué pour l’attribution des aides sociales de l’ONAC.

NOS PEINES mars 2010 Le Réveil des Combattants adresse aux familles et aux amis de nos camarades décédés ses sincères condoléances. BOUCHES-DU-RHONE (13) Berre-l’Étang : Roger RACCA, AC 39-45. Cornillon-Confoux : Christian MICHEL, AC ATM, vice-président et trésorier de la section. Marseille centre : Miguel MARTINEZ, AC 39-45. Mme Annie SAVINO, amie Velaux : Christian GADEYNE.

GARD (30) Cévennes : Clément DOMERGUE, 93 ans, AC 39-45. Lédignan : Elie RIGAL, STO

CORREZE (19) Égletons : Julien VIALLE, réfractaire STO, Résistant.

LOIRE-ATLANTIQUE (44) Rezé : Gilbert RICKLIN, 87 ans, AC 39-45, Résistant, libérateur de Rezé.

COTE-d’OR (21) Vonges : Mme Georgette BARBIER, amie. DORDOGNE (24) Excideuil : Mme Irène ROUSSEAU. Mussidan : René PAYENCET. Jacques PROUT. Raymond STONA. Périgueux : André DANEDE Villars : René BESSE

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HAUTE-GARONNE (31) Lévignac : Jean JACQUEMIN, 81 ans, Engagé volontaire à 18 ans, croix de guerre des TOE. André MONGAY, 90 ans, AC 39-45, Résistant.

LOIRE (42) Saint-Etienne : Jean-Pierre BONGARCON, AC ATM. Louis BOST, AC ATM. Louis BROUILLET, AC ATM. Gustave COTTE, AC 39-45. Jean-Louis DERAIL, AC ATM. Henri FAURAND, AC ATM. Mme Marcellina FERNANDEZ, veuve ATM. Jacques ICEK, AC 39-45,

déporté-résistant, président d’honneur. Mme Yvette LARTIGUE, veuve ATM. Mme Boudjamaa MNII, veuve 39-45. René OLLIER, AC ATM. Jean SALICHON, AC ATM. Mme Adrienne VALSECCHI, veuve ATM. LOIRET (45) Montargis : Lucien ALMERAS, 87 ans, AC 39-45. NORD (59) Halluin : Mme Ernestine BAUDE, veuve. Somain : Mme Alfreda LARGILLER-BRIOUX, 84 ans, Résistante. Jean VILLAIN, 91 ans AC 39-45. RHONE (69) Lyon 8e : Henri ALLINEI, 88 ans, AC 39-45. PARIS (75) Isolés : Robert GROS.

SEINE-ET-MARNE (77) Compans : Bernard GUERIN, 72 ans, AC ATM. ESSONNE (91) Épinay-sur-Orge : Jean CHARPENTIER, AC ATM. Les Ulis : Dominique DEFENDINI, AC 39-45. HAUTS-DE-SEINE (92) Asnières : René BORDET, AC 39-45. SEINE-SAINT-DENIS (93) Romainville : André LOISEAU, ACPG 3945. VAL-DE-MARNE (94) Fontenay-sous-Bois : Marcel GAUTHIER, 101 ans, AC 3945, président d’honneur du comité.


vos droits LE RÉVEIL

OPEX La France en guerre Le 5 novembre 2008, le Ministère a reconnu une liste officielle des conflits OPEX dans lesquels la France a été engagée. Elle est révélatrice quant au nombre de combattants des OPEX en attente de leurs droits. En voici la liste par ordre chronologique : • Madagascar : 30 mars 1947 - 1er octobre 1949. • Méditerranée orientale, crise de Suez : 30 octobre 1956 - 31 décembre 1956. • Cameroun : 17 décembre 1956 - 31 décembre 1958, puis 1er juin 1959 - 28 mars 1963. • Zaïre (ex Congo belge) : 31 mai 1978 12 mars 1981. • Tchad : 15 mars 1969 - 31 décembre 2009. • Mauritanie : 11 janvier 1957 - 31 décembre 1959. • Mauritanie : 1er novembre 1977 - 30 octobre 1980, puis 3 décembre 2002 - 2 décembre 2008. • Liban : 22 mars 1978 - 22 mars 2007. • République centrafricaine : 20 septembre 1979 - 19 septembre 1982, puis 18 mai 1996 - 17 mars 1999. • Golfe persique et Golfe d’Oman : opérations maritimes 30 juillet 1987 - 29 juillet 1993, puis opérations terrestres 30 juillet 1990 - 29 juillet 2003. • Cambodge : 1er novembre 1991 - 31 octobre 1994. • Irak : opérations Ramare et Libage, 1er avril 1991 - 20 juillet 1991. • Somalie : 3 décembre 1992 - 2 décembre 1995. • Yougoslavie : 1er janvier 1992 - 31 décembre 2009. • Congo : 19 mars 1997 - 18 mars 2000. • Rwanda : 15 juin 1994 - 14 juin 1997. • Timor oriental : 16 septembre 1999 15 septembre 2001. • Afghanistan : 2001 à quand ? • Côte d’Ivoire : opérations Licorne et Onuci, 19 septembre 2002 - 18 septembre 2008.

• Gabon : 2 juillet 2003 - 1er juin 2009. • Ouganda : 2 juillet 2003 - 1er juin 2009. • République démocratique du Congo : 2 juin 2003 - 1er juin 2009. • Liban et Israël : opérations Daman (FINUL) et Baliste, 2 septembre 2006 - 1er septembre 2008. • République centrafricaine : 20 septembre 1979 - 19 septembre 1982, puis 18 mai 1996 - 17 mai 1999. Et 3 décembre 2002 - 2 décembre 2008. Que de guerres trop souvent qualifiées de « simples conflits » ; que de morts, de blessés militaires et civils, que de veuves, d’ascendants, d’orphelins ; que de ruines, de gaspillages… Outre l’Afghanistan, guerre contre la-

quelle s’élève l’ARAC qui réclame le retour des soldats français et le remplacement de l’OTAN par l’ONU, et le conflit israélo-palestinien qu’il importe de régler au plan de la souveraineté et de la sécurité des deux États officiels, n’est-il pas inquiétant que l’ensemble des conflits reconnus depuis l’an 2000 soient tous situés en Afrique ? Ne faut-il pas réfléchir à la politique africaine de la France et à ses engagements armés répétitifs tout au long des années et avant même la fin de la guerre d’Algérie, depuis le Cameroun (1956 à 1968) jusqu’en Ouganda, au Gabon et en République Démocratique du Congo (2009) et, bien sûr, l’Afghanistan en cours…

Essais nucléaires français Les cobayes !

Selon le journal Le Parisien du 16 février 2010, un rapport « confidentiel défense » - baptisé La genèse de l’organisation et les expérimentations au Sahara révélerait que les appelés du contingent auraient été volontairement exposés aux effets des bombes atomiques expérimentées en 1961. Selon le rapport cité par Le Parisien, ces expositions avaient pour but des « expérimentations tactiques » pour mesurer les capacités de combat des soldats soumis aux retombées nucléaires et « d’étudier les effets physiologiques et psychologiques produits sur l’homme par l’arme atomique ». Ce rapport, rédigé en 1998 et qui pourrait compter un 2e tome, souligne avec force la véracité des accusations portées par les anciens combattants en Algérie, présents sur les sites de tirs atomiques au Sahara. Ainsi, il est rapporté que des fantassins ont été amenés à approcher à 700 mètres du point zéro de l’explosion, seulement quelques dizaines de minutes après celle-ci le 25 avril 1961. Une heure après le tir, une patrouille de véhicules blindés était à son tour envoyée sur le site contaminé et parvenait à 250 mètres du point zéro. Ce document établirait également que les appelés et les cadres militaires exposés n’avaient que de dérisoires protections et qu’il leur a été ordonné de

manipuler des substances dont les responsables de ces manœuvres connaissaient la dangerosité.

Le Ministre ne sait rien ! Pour sa part, Hervé Morin, ministre de la Défense, déclare tout ignorer de ce rapport et même de son existence. Il va répétant que « les doses reçues étaient faibles » et a promis à l’AFP que « toute la transparence serait faite »… De telles révélations ne peuvent pourtant que conforter les victimes des irradiations des essais nucléaires français dans leur volonté d’obtenir justice. Et leur contestation de la loi d’indemnisation, injuste et insuffisante, ne pourra aller qu’en s’amplifiant jusqu’à ce que justice et réparation leur soit enfin reconnues. Ils peuvent compter sur l’appui résolu de l’ARAC dont le 54e Congrès national du 18 au 21 février dernier a confirmé l’orientation résolue pour la défense et l’amélioration du droit à réparation.

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UFAC I La situation internationale Résolution du 10 mars 2010 En rappelant les motions adoptées par son Assemblée générale, tenue les 8 et 9 octobre 2009, l’Union française des associations de combattants et de victimes de guerre (UFAC) constate que la période qui s’est déroulée depuis lors a été marquée par une ambivalence. D’une part, une forte prise de conscience de la nécessité d’une solidarité active, face aux catastrophes naturelles, comme celle dont Haïti vient d’être victime ou résultant des activités humaines comme l’effet de serre et les atteintes à la biodiversité. Mais, d’autre part, l’interdépendance des problèmes auxquels les pays sont confrontés, notamment la crise économique et financière, requiert, en raison de la mondialisation, une approche collective à long terme, prenant en compte les intérêts des populations, ce qui n’est pas actuellement le cas. D’ailleurs, même pour la solidarité importante qui s’est manifestée à propos d’Haïti, on risque, comme ce fut le cas pour d’autres catastrophes, de privilégier le court terme sous l’effet de l’émotion amplifiée par les médias et d’oublier la nécessaire solidarité à long terme. Il semble également qu’il y ait, dans le même esprit, un scepticisme croissant sur l’efficacité des Nations unies pour apporter des solutions aux conflits que connaît le monde. Lors de la Conférence des Nations unies sur l’environnement qui s’est tenue à Copenhague en décembre 2009, cette ambivalence a été marquée par : - une prise de conscience des questions à l’ordre du jour, illustrée par la présence des chefs d’État ou de gouvernement de quelque 180 États membres des Nations unies, - le refus d’engagements fermes et significatifs sur l’action à poursuivre à long terme. L’UFAC réaffirme sa conviction, exprimée à plusieurs reprises, du rôle capital

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et irremplaçable des Nations unies et de ses institutions spécialisées pour favoriser et renforcer l’action collective, dans le respect des principes de la Charte de San Francisco. Elle rappelle à cet égard que l’efficacité des Nations unies dépend de la volonté politique des États membres et souligne le rôle important que peut jouer à cet effet l’opinion publique ainsi que la responsabilité citoyenne qui en découle. L’UFAC exprime à nouveau sa préoccupation sur la situation au Proche et au Moyen-Orient. Elle lance un appel à tous les intéressés pour qu’aucune mesure ne soit prise qui empêcherait ou compromettrait la création d’un État palestinien viable et sa coexistence pacifique avec l’État d’Israël dans une sécurité mutuelle. En ce qui concerne les autres questions nationales et internationales, évoquées à son Assemblée générale, l’UFAC déplore les violations du Droit international humanitaire, notamment en Afghanistan.

Considérant les conflits dits « orphelins » parce qu’oubliés par les médias, comme ceux de la République du Congo, de la Somalie, l’UFAC rappelle aussi sa conviction que le seul recours à la force ne peut ni apporter une solution au conflit ni assurer la sécurité. Enfin, en ce qui concerne le désarmement nucléaire, l’UFAC se félicite de la détermination exprimée par le président des États-Unis de poursuivre les négociations vers cet objectif et rappelle l’impérieuse nécessité que le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) soit strictement appliqué. L’UFAC, fondatrice en 1950 de la Fédération mondiale des anciens combattants (FMAC), lui adresse tous ses vœux à l’occasion de son 60e anniversaire qui sera célébré en novembre prochain à Paris. L’UFAC s’honore de représenter la France au sein de la FMAC qui rassemble, sur les 5 continents, 40 millions de membres ressortissants de 83 États.

L’UFAC appelle à la plus grande vigilance Résolution du 10 mars 2010 L’Union française des associations de combattants et de victimes de guerre (UFAC) a pris acte que les maisons de retraite et les Écoles de reconversion professionnelle (ERP) de l’ONAC seront transférées à la « Fondation mémoire et solidarité du monde combattant ». Ce faisant, elle affirme avec force qu’elle veillera et n’acceptera pas que ce transfert soit un prélude déguisé du démantèlement de l’ONAC au-delà de 2013. • L’UFAC s’insurge contre la diminution du budget des Anciens Combattants et Victimes de Guerre dans la loi de Finances 2010, masquée en partie et en trompe-l’œil par le transfert de

différents services en provenance de la DSPRS. La disparition progressive des ayantsdroit ne peut justifier la désaffection de l’État envers les anciens combattants et victimes de guerre, trop de sujets intimement liés au droit à réparation restant à solutionner. • L’UFAC exige le maintien d’un interlocuteur ministériel privilégié, ainsi qu’un budget réellement autonome doté des moyens indispensables pour la mise en application pleine et entière des lois qui fondent le droit à réparation auquel l’UFAC demeure viscéralement attachée. • L’UFAC, consciente que des anciens


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combattants vivent dans des conditions de précarité extrême, demande pour eux la création d’une mesure similaire à l’Allocation différentielle en faveur des conjoints survivants (AD-CS), ceci en rappelant la promesse écrite de M. Nicolas Sarkozy (alors candidat à l’élection présidentielle), contenue dans sa lettre adressée à l’UFAC le 2 avril 2007 : « … et mettrai à l’étude une disposition similaire pour les anciens combattants dont les ressources seraient insuffisantes ». • L’UFAC rappelle avec force la décision prise par le groupe de réflexion sur la création d’un Mémorial de la guerre d’Algérie, décision entérinée par les autorités gouvernementales, stipulant que ne doivent défiler dans les colonnes lumineuses du Mémorial que les noms des militaires et supplétifs « morts pour la France » durant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie. En conséquence, l’UFAC s’oppose à ce que d’autres noms de victimes, si dramatiques soient les circonstances de leur mort, soient intégrés dans le dispositif de défilement et, dans l’hypothèse où des précédents auraient eu lieu, elle demande que les noms litigieux soient retirés. Aussi, l’UFAC appelle ses 42 Associations nationales et les 93 Unions départementales à la plus grande vigilance afin que les intérêts moraux et matériels du monde combattant soient intégralement respectés.

Nos ancêtres les Pygmées Didier Daeninckx et Jacques Fernandez, éd. Rue du monde, 19,80 euros

Encore une BD signée Didier Daeninckx et Jacques Fernandez et qui marque le début d’une série intitulée, non sans ironie : Enfants des Colonies. Lucie et Salam vivent à Marseille dans les années 1950. A l’école, ils doivent apprendre l’histoire « nos ancêtres les gaulois », alors que leurs parents viennent du Sénégal, colonie française. Ousmane, le père, et Dialikatou, la mère, vivent à Marseille depuis 10 ans et « travaillent » dans un « restaurant des colo-

nies » de la Canebière où on les déguise en petits noirs. Ousmane ne supporte plus le racisme, l’injustice et il raconte à ses enfants l’histoire de Sarraounia, la reine du pays Houssa, la Jeanne d’Arc africaine. Et le lendemain, à l’école, Lucie interrogée récite avec aplomb : « Nos ancêtres… les pygmées vivaient dans des cases de bois ». A Marseille, les dockers sont occupés à décharger d’étranges fardeaux : des cercueils revenant de la guerre d’Indochine. Et déjà se prépare celle d’Algérie. Voici donc le premier tome d’un duo d’albums qui abordent enfin le colonialisme dans le livre jeunesse. Didier Daeninckx signe le texte de ce témoignage pour la mémoire collective et Jacques Ferrandez, à travers ses illustrations fidèles à la réalité de l’époque des années 1950.

Un livre à acheter et à offrir

La Résistance de la jeunesse française Ce livre très intéressant et très émouvant écrit par Raphaël Delpard, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, vient d’être publié chez « Pygmalion ». 1940 : des adolescents meurtris par la défaite, par la débâcle, blessés par l’inertie de leurs parents et grands-parents, refusent le confort des compromissions de la collaboration sous l’autorité et la puissance de l’Allemagne nazie. Peu à peu, les collèges, les lycées, les facultés deviennent des centres de résistance dont l’âge des animateurs oscille entre 14 et 18 ans. La manifestation du 11 novembre 1940 est le premier acte important de cette résistance, acte démontrant la volonté de ces jeunes de ne pas soumettre à l’occupant. Ce jour-là plus de 2 500 lycéens et étudiants, malgré l’interdiction faite, veulent déposer des fleurs sur la tombe du Soldat Inconnu à l’Arc de Triomphe

à Paris. Bien entendu, ces jeunes devront affronter et la police parisienne et la Wehrmacht. Il y aura des arrestations, des blessés et un mort. Cette répression n’arrêtera pas l’élan de cette jeunesse, bien au contraire, car la résistance de ces jeunes va s’étendre rapidement à l’ensemble du territoire. C’est ce mouvement, souvent injustement oublié que Raphaël Delpard met aujourd’hui en lumière avec émotion et rigueur historique. N’oublions pas que ces adolescents de 1940 sont les grandsparents d’aujourd’hui et qu’ils ne doivent pas oublier, comme ils le font bien souvent par modestie, de transmettre à leurs enfants et petits-enfants ce qu’ils ont vécu et fait pour leur pays. Le devoir et le travail de mémoire s’imposent à ceux-ci en priorité. Posez-leur des questions, ils vous répondront.

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Réflexions sur la guerre d’Algérie « Avant et après, qui a trompé qui ? » de Jacques Floch Jacques Floch a été secrétaire d’État chargé des Anciens Combattants et Victimes de Guerre. Il a été, pour l’ARAC, avec Jean-Pierre Masseret, notre ministre le plus à l’écoute des AC en général et le plus respectueux des engagements de notre association, le plus proche également des engagements de l’ARAC dans ses efforts pour la mémoire. Le livre que Jacques Floch a écrit et publié cette année ne renie pas ses prises de positions, exprimées lors du colloque que l’ARAC a organisé à l’Hôtel de Ville de Paris, en 2002. Il en est le développement et l’enrichissement. Cet ouvrage a plusieurs qualités. Après avoir brièvement raconté sa propre expérience d’appelé en Algérie en 1958 et 1959, l’auteur a eu l’excellente initiative d’intégrer un aperçu de l’histoire de l’empire colonial français depuis le XVIIIe siècle, démontrant clairement la contradiction entre la Déclaration des droits de l’homme de la Révolution et la politique esclavagiste du colonialisme du XIXe siècle. Il rappelle aussi comment l’apologie de la politique coloniale était faite dans les écoles et les publications officielles. Jacques Floch nous raconte le début et toute la suite de l’occupation française, de la colonisation, puis toute la réalité de l’Algérie 38 -

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française, enfin, tout le déroulement militaire et politique de la guerre d’Algérie. Et Jacques Floch, comme l’ARAC, démontre bien que « dans nos têtes, la guerre d’Algérie n’est pas finie ! » Dans ce contexte, tous les drames vécus par toutes les catégories de victimes sont cernés : les drames des harkis, des pieds noirs, des anciens combattants jetés dans cette guerre coloniale, inhumaine comme toutes les guerres, mais encore plus marquée par le mépris, la xénophobie et le racisme qui, hélas ne sont toujours pas éradiqués dans la tête de trop de nos citoyens. L’ancien ministre a fait effort d’objectivité tout au long de son ouvrage. Un petit bémol cependant ; il est muet sur la responsabilité des gouvernements socialistes particulièrement après les élections du 2 janvier 1956, alors qu’une majorité de gauche avait été élue par

les citoyens français « pour faire la Paix en Algérie » Mais on peut comprendre qu’il est difficile de critiquer et de ne pas défendre ses amis. Et pourtant ! C’est souvent le meilleur service à leur rendre. Mais ce bémol ne m’empêche pas d’affirmer que cet ouvrage de Jacques Floch est un outil précieux pour mener à bien notre combat pour la mémoire de la guerre d’Algérie, pour l’éducation à la paix, à la solidarité et à la fraternité. Et je loue Jacques Floch d’avoir, dans le droit-fil de ses réflexions pacifiques et humanistes à la dimension de tous les continents, pris l’initiative de jumeler Rezé, sa ville, avec la ville algérienne d’Aïn Delfa. Je laisse la plume à Jacques Floch, en tirant des extraits de la conclusion de son livre : « Aïn Delfa, « les lauriers », ville de la vallée du Chelif, était entreprenante et voulait s’ouvrir au monde. Nos premières rencontres furent chaleureuses et efficientes,


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tournées surtout vers nos concitoyens car il semble difficile de faire devenir xénophobe un jeune garçon ou une jeune fille de quatorze, quinze ans lorsqu’il ou lorsqu’elle a vécu un mois ou deux dans une famille algérienne. Il est impossible de raconter n’importe quoi sur les races, les religions, les modes de vie alors qu’ils ont vécu de l’intérieur à la fois les différences et les points de rencontres. Les associations d’anciens combattants d’Algérie furent consultées, elles répondirent présentes à une large majorité en utilisant le même vocabulaire que les anciens de 1939-1945 sur la nécessaire réconciliation avec un ancien adversaire. Le drapeau algérien flotta sur le parvis de la mairie et dans les collèges qui accueillaient nos jeunes amis d’Aïn Delfa. Au monument aux morts, il était mélangé avec le drapeau français, une gerbe verte, blanche et rouge fut déposée, tout comme cela avait été fait quelque temps auparavant dans la ville algérienne où j’avais déposé une gerbe de fleurs agrémentée d’un large ruban bleu, blanc et rouge. C’est au citoyen de nos deux pays qu’il faut faire appel pour construire la paix nécessaire d’autant que l’immigration algérienne vers la France ne s’est pas tarie, au contraire (en 2006 1 516 000 immigrés sont originaires du Maghreb dont 677 000 Algériens). De nouvelles familles algériennes, aujourd’hui, s’assurent par leur travail une réelle qualité de vie et souvent leurs enfants, en choisissant la France pour patrie, l’enrichissent de leur double culture. La France, celle que j’aime, doit participer plus qu’activement à ce grand moment de paix, de concorde et de solidarité .» Georges Doussin

Rompre le silence, je t’accuse, Pinochet ! De Martha Helena Montoya Vélez, traduit de l’espagnol par Françoise Escarpit. Éditions Elytis. Diffusion Harmonia mundi, 19 euros.

Martha Helena Montoya Velez, colombienne, a 24 ans lorsqu’elle est enfermée, plusieurs semaines durant en septembre 1973, au stade national de Santiago, suite au coup d’État du général Pinochet au Chili. Aujourd’hui, enseignante chercheuse dans diverses universités colombiennes et au Mexique, elle parle, elle écrit : Rompre le silence, je t’accuse Pinochet ! Elle était arrivée le 15 juillet 1973, pour rejoindre une jeunesse qui venait des quatre points cardinaux, avec des sacs plein de rêves pour aider Salvador Allende à construire un monde nouveau, joyeux, juste et productif, un monde dans lequel chacun serait semblable à l’autre, sans qu’importe sa religion, sa nationalité, sa race ou ses opinions politiques. Le 18 septembre, deux mois plus tard, elle est arrêtée, emmenée au commissariat de Huerfanos, avant d’être interné au stade national. A sa famille qui la recherche, comme aux diplomates, représentants de la Conférence épiscopale, à la Croix Rouge internationale, aux employés de Nonciature apostolique et aux civils, les militaires du coup d’État et les civils qui les appuient opposent outrages, humiliations et une xénophobie digne de l’Allemagne hitlérienne. Retrouvée par son ambassade et rentrée en Colombie clandestinement par ses propres moyens, Martha se heurte alors à sa mère, représentation symbolique de la collusion entre la dictature et les gouvernements de transition, qui lui donne l’ordre péremptoire de se taire. Durant vingt ans, elle ne parlera jamais de ce qu’elle a vécu dans ce lieu de la mort, de la torture, de la violence. Mais

l’âme rongée par ses hantises, elle commença à rédiger quelques souvenirs, puis à écrire, à témoigner, à refuser un silence que la transformerait en une disparue de plus, victime de la dictature. Ces fragments de récits sont un cri lucide débouchant sur un témoignage individuel rejoignant, à travers le temps, l’expérience collective faite de parole et de mémoire, instrument de la compréhension de l’histoire et dénonciation des crimes de la dictature de Pinochet. Rompre le silence est un livre qui reste imprimé au plus profond de nous. Un livre d’amour, de respect et de vérités pour toutes les femmes qui luttent.

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Une délégation de l’Arac, composée de Patrick Staat, Fernand Gélin et Ingrid Merlinc était présente aux obsèques.

Merci, Jean Ferrat

Ma France - Jean Ferrat De plaines en forêts de vallons en collines Du printemps qui va naître à tes mortes saisons De ce que j’ai vécu à ce que j’imagine Je n’en finirais pas d’écrire ta chanson Ma France

Picasso tient le monde au bout de sa palette Des lèvres d’Éluard s’envolent des colombes Ils n’en finissent pas tes artistes prophètes De dire qu’il est temps que le malheur succombe Ma France

Au grand soleil d’été qui courbe la Provence Des genêts de Bretagne aux bruyères d’Ardèche Quelque chose dans l’air a cette transparence Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche Ma France

Leurs voix se multiplient à n’en plus faire qu’une Celle qui paie toujours vos crimes, vos erreurs En remplissant l’histoire et ses fosses communes Que je chante à jamais celle des travailleurs Ma France

Cet air de liberté au-delà des frontières Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige Et dont vous usurpez aujourd’hui le prestige Elle répond toujours du nom de Robespierre Ma France

Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien Du journal que l’on vend le matin d’un dimanche A l’affiche qu’on colle au mur du lendemain Ma France

Celle du vieil Hugo tonnant de son exil Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines Celle qui construisit de ses mains vos usines Celle dont monsieur Thiers a dit qu’on la fusille Ma France

Qu’elle monte des mines descende des collines Celle qui chante en moi la belle la rebelle Elle tient l’avenir, serré dans ses mains fines Celle de trente-six à soixante-huit chandelles
 Ma France

Tu étais celui qui, autour de ses vers, de ses chansons, crée une atmosphère intime, chaleureuse, fraternelle. En te chantant, en t’écoutant, toute la vie des hommes et femmes de notre pays, toutes leurs luttes trouvent vie, trouvent sens. Au-delà des difficultés, des échecs, tu savais nous donner le courage, la force de persévérer. Tu savais mieux que quiconque donner de l’espoir, nous porter au-delà du quotidien, pour imaginer, construire, échafauder une utopie si indispensable à chacun d’entre nous. Tes textes, ceux d’Aragon, étaient notre vie, nos amours, nos combats, nos espérances. Alors Jean, nous pouvons dire que tes chansons, ta musique, tes poèmes porteront encore des générations d’hommes et de femmes comme toi, épris de liberté, de vraies valeurs, chères à notre pays la France dont tu savais si bien nous parler. Celle qui « monte des mines, descend des collines, celle qui chante en moi, la belle, la rebelle. Elle tient l’avenir serré dans ses mains fines. Celle de trente-six à soixante-huit chandelles, Ma France. »


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