Le réveil des combattants 759 février 2010

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Haïti, un reportage exceptionnel de notre correspondante

Qui était Henri BarBusse ?

le réveil Février 2010 - N°759 - 5 e

65e anniversaire de la liBération des camps

des combattants

Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix

l’avenir Un congrès tourné vers

Gennevilliers, 18-21 février

Le journal des droits de tous les anciens combattants et victimes de guerre


LE RÉVEIL initiatives comités

Mémoire-Histoire Une fin d’année 2009 et un début 2010 très riches en initiatives Du 10 novembre au 15 janvier, de nombreuses projections conférences-débats ont été organisées par des sections et des amis de l’ARAC. Nous en évoquons quelques-unes ici. • Romainville (93) : plusieurs classes de troisième du collège Gustave-Courbet, en trois séances, ont visionné le film d’Alain Moreau Les fusillés pour l’exemple et débattu une heure à chaque fois, avec nos amis Paul Markidès et Pierre Gilbert, en présence de leurs professeurs. Conséquence de cette initiative, une délégation d’élèves de ce collège, ac-

compagnée d’enseignants et de leurs principaux, a participé aux cérémonies du 11 Novembre organisées par la municipalité. • D’autres initiatives de cette nature ont eu lieu, à cette même période, en Bretagne avec notre ami Jean Salaud à Vannes avec 12 représentants d’associations d’une part et 25 personnes d’autre part. A Hennebont, avec 170

élèves de 3e du collège Saint-Félix. A Fouesnant, avec 50 élèves du lycée Agricole, 2 professeurs et 85 personnes. • Encore à Bagnères-de-Luchon (HauteGaronne) avec 40 personnes. Aussi à Gueugnon avec 50 personnes au cinéma associatif Écran. • En outre à Périgueux avec nos amis du comité départemental de l’ARAC de Dordogne au 2e salon régional Mémoire, Résistance et Déportation organisé par l’association Périgord-MémoireHistoire, les 14 et 15 novembre 2009 dans le théâtre de l’Odyssée, environ 400 personnes. Une séance présentait les associations présentes et les trois autres ont porté sur les thèmes de la déportation des femmes, la fin de la guerre d’Espagne, la « retirada » et les étrangers dans la Résistance. L’ARAC a été présentée et ont été exposées les positions de notre association sur ces thèmes. • Le 7 janvier 2010 à Nanteuil-le-Haudoin (Oise), ce sont 220 personnes qui ont suivi la même projection conférence-débat sur Les fusillés pour l’exemple. D’autres initiatives sont déjà programmées pour les mois qui viennent.

Appel à la souscription ! Pour la réussite du nouveau Réveil mensuel : de nouveaux moyens financiers… Ensemble, faisons vivre les valeurs de l’ARAC Le comité départemental : ......................................................................................................................................................... La section :................................................................................................................................................................................... M. ou Mme :................................................................................................................................................................................ Fait un don de :........................................................................................................................................................................ e • Joindre un chèque au nom du Réveil des Combattants • Envoyer votre souscription au Réveil des Combattants - 2 place du Méridien - 94807 Villejuif cedex

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LE RÉVEIL - N° 759 - Février 2010


ÉDIto LE RÉVEIL

L’aRac a-t-il un avenir ?

sommaIRE Actualités p. 4 Logement : une réalité indigne de notre pays . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 65e anniversaire de la libération des camps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Pour Bachelot, la santé doit être rentable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Taxe carbone, le vert de trop. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 La Bourse prospère, la crise aussi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Retraites : le dossier 2010 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 International p. 10 Haïti : une histoire sans fin ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Obama : la grande illusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 L’Afrique à la croisée des chemins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Gaza au cœur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Hongrie : retour au nationalisme radical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Vos droits p. 22 Allocation différentielle de solidarité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Indemnisation des victimes des essais nucléaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Loi de finances 2010 et les ACVG . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Vie de l’ARAC p.27 Initiatives des comités départementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Magazine p. 30

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Qui était

Henri Barbusse ? Un éclairage sur sa vie et son engagement antifasciste

LE RÉVEIL DES COMBATTANTS Fondé en 1931 par Henri-Barbusse mensuel de l’association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre. commission paritaire n° 0713-a 06545 Édité par les Éditions du Réveil des combattants saRL au capital de 45 734,41 - siret : 572 052 991 000 39 2, place du méridien, 94807 Villejuif cedex Téléphone : 01 42 11 11 12 télécopie : 01 42 11 11 10 reveil-des-combattants@wanadoo.fr Gérant-directeur de la publication : Raphaël

VaHÉ • Directeur délégué : Patrick staat • Rédacteur en chef : Raphaël VAHÉ • Directeur promotion et publicité : Claude Delevacq • Secrétariat de rédaction, conception graphique : Escalier D communication • Impression : RIVEt P.E. - 24 rue claude-Henri-Gorceix, 87022 Limoges cedex 9 Tirage : 60 000 exemplaires ce numéro du Réveil a été tiré le mardi 16 février et remis le jour même à la Poste. Il devrait donc parvenir à chaque abonné le 20 février au plus tard. merci de nous faire part de vos observations.

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’entrée, j’affirme que non seulement l’ARAC a un avenir, mais que son rôle actuel, notamment sur les enjeux du débat de la Nation et des valeurs républicaines, comme sur la bataille de la mémoire, est irremplaçable. C’est sur les valeurs ancrées sur les choix de 1917 lors de la création de l’ARAC, de 1936, comme nos combats de 39-45, des actions pour la construction du CNR, la défense des droits de tous ses combattants qui ont depuis 93 ans été de toutes les luttes d’indépendance nationale, de liberté, d’avancées sociales et démocratiques que se construit l’ARAC d’aujourd’hui. Ces valeurs, ces choix, ces combats sont plus actuels que jamais, ils interpellent toutes les générations d’aujourd’hui et de demain. Qui serions-nous si notre engagement quotidien n’était pas tourné vers l’avenir, pour que le monde de demain soit un monde de paix, de démocratie, de liberté, un monde où il fasse bon vivre, où chaque homme, chaque femme, chaque famille pourrait s’épanouir ? Notre Congrès s’attache à faire face à ces enjeux, à contrer les choix de Nicolas Sarkozy, que ce soit sur les droits, la RGPP(1), les acquis du CNR(2), la retraite, la santé, l’histoire, etc. Oui, nous voulons rassembler, mobiliser, expliquer, décortiquer ; oui, nous voulons répondre à l’agression idéologique, à la casse des valeurs républicaines engagée par le gouvernement. Notre pays traverse des moments difficiles, mais la dureté de la bataille ne doit pas nous faire peur. Dans notre histoire, dans le combat de chacun d’entre nous, nous avons connu des périodes difficiles. Avions-nous tort d’avoir mené ces luttes avec détermination et courage. Non ! Nous avons défendu inlassablement le progrès humain et, surtout, ouvert l’engagement, le chemin pour les générations qui arrivent. L’ARAC a de l’avenir parce que notre Congrès porte ses valeurs, ses débats, ses combats, en direction de toutes les générations, celles d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Parce que notre raison d’être c’est l’épanouissement humain. Patrick Staat (1) RGPP : Révision générale des politiques publiques (2) CNR : Conseil national de la Résistance

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LE RÉVEIL ACTUALITÉS

Logement

Une réalité indigne de notre pays Le rapport de la Fondation de l’Abbé Pierre sur l’état du mal logement décrit une réalité indigne de notre pays, de ses richesses et de ses potentiels. L’urgence ? Construire des logements sociaux aux loyers abordables ! Est-ce possible ? La réalité est une véritable bombe à retardement : 10 millions de personnes souffrent d’une manière ou d’une autre de ce que l’on appelle maintenant le mal logement. Avec le chômage, la précarité et les bas salaires, le logement est une des causes principales de l’insécurité sociale. Les conditions pour se loger illustrent l’exploitation du salariat d’aujourd’hui, et pis elles participent à cette même exploitation : l’emploi, les salaires, le logement, comme des moyens fantastiques de précarisation, de pression voire, de soumission ! Mais on ne peut plus masquer la crise du logement et ses conséquences. La réponse gouvernementale avec la loi Molle, dite loi Boutin, aggrave la crise car elle en exacerbe les causes. Un exemple, elle oblige les organisations HLM à vendre chaque année 1 % de leur patrimoine. Cette crise trouve son origine dans trois dimensions portées ces dernières décennies par les politiques gouvernementales et jamais remises en cause: la financiarisation (très poussée dans le foncier et l’immobilier en général), l’appropriation privée et la marchandisation généralisée (y compris dans le secteur social). Comment dès lors s’étonner que les organismes HLM, fers de lance du logement social, suivent ou subissent de manière croissante des logiques financières de gestion ! Ainsi la politique de logement menée est fondée sur une relance par les mécanismes de marché et une forme de privatisation rampante des outils de financement (le livret A libéralisé) et de la gestion de ces orga4-

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nismes. Alors, le sous-ministre du logement, M. Apparu, peut toujours agiter la somme de 4,7 milliards d’euros destinée au logement et annoncer la construction de 150 000 logements en 2010… Cela deux jours après la remise du rapport de la Fondation de l’Abbé Pierre… Cela serait une véritable galéjade s’il ne s’agissait pas de la vie de millions de nos concitoyens. Il n’est pas possible de construire des logements sociaux, c’est-à-dire avec des loyers suffisamment bas, sans aide à la pierre conséquente. Or l’aide à la pierre prévue dans le budget de l’État est en baisse. De plus, l’essentiel des sommes annoncées reprend des allègements fiscaux automatiques, existants depuis fort longtemps pour les logements sociaux. Rappelons que lorsque l’État dépense 21 milliards pour le logement, il en récupère 31. En voilà une belle cause nationale ! Responsabiliser l’État qui se désengage de plus en plus est une exigence incontournable qui permettrait de construire en rapport avec les besoins. Pour mémoire, combler le déficit actuel nécessiterait de construire un million de logements. Cibler l’État certes, car se loger est un droit constitutionnel, un objectif fondamental de la solidarité nationale, mais ne faut-il pas aussi émanciper le logement des marchés financiers ? Laurent Marchand

Spéculation sur le logement social Pendant une cinquantaine d’années, la SCIC (Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations) a constitué le plus gros bailleur social du pays, contrôlé par l’État via la Caisse des dépôts et consignations. Sous sa houlette, plus de 40 000 logements à loyers modérés ont été financés notamment grâce aux fonds sociaux. Introduite en Bourse en 2006, Icade (nouveau nom de la SCIC) change de cap. Elle se déleste désormais de ses logements sociaux pour se concentrer sur l’immobilier commercial et les cliniques privées. Dans son bilan de l’année 2006, Icade évaluait son patrimoine locatif de 42 000 logements à 1,4 milliard d’euros. Fin 2008, comme par miracle, son parc de 32 000 logements (10 000 ont été vendus entretemps) était estimé à... 2,9 milliards d’euros. + 120 % en trois ans pour des logements mal entretenus, un placement en or ! En novembre 2009, un protocole d’accord est signé entre Icade et la Société nationale immobilière (SNI), autre filiale de la Caisse des dépôts, contrainte de s’endetter pour l’occasion. Plus de 2 000 logements sociaux vont ainsi changer de mains, et parfois de statuts. Il s’agit ni plus ni moins que de la plus grosse opération immobilière locative jamais réalisée en France. 42 000 toits financés par les fonds du logement social (et amplement amortis) seront rachetés par... des organismes de logements sociaux. D’un côté, Icade a réalisé une opération boursière idéale : rémunérer ses actionnaires au prix fort, faire monter le cours de son action et dégager du cash pour investir dans des activités plus efficaces, le tertiaire en l’occurrence. De l’autre côté, le monde HLM paie une deuxième fois pour des logements initialement bâtis grâce à des fonds publics.


ACTUALITÉS LE RÉVEIL

65e anniversaire de la Libération des camps Témoignage de Marie-José Chombart de Lauwe Marie-José Chombart de Lauwe est entrée en résistance contre l’occupant nazi et ses complices à l’âge de 17 ans. Elle est arrêtée le 22 mai 1942. Elle a moins de 19 ans. Emprisonnée à Rennes, à Angers, à la prison de la Santé à Paris et enfin à Fresnes, elle sera déportée à Ravensbrück et Mauthausen. Nous présentons ici une partie de son témoignage sur sa libération paru dans son ouvrage Toute une vie de résistance (1). Madame Chombart de Lauwe est présidente de la Fondation pour la mémoire de la déportation, co-présidente de la FNDIRP et co-présidente de l’Amicale de Ravensbruck 21 avril Un après-midi, une Aufseherin (gardienne) arrive en courant et crie : « Faites sortir toutes celles qui peuvent marcher. » En tremblant, nous obéissons pensant qu’il s’agit seulement d’un transport noir, d’une sélection. J’aide une petite malade à marcher jusqu’aux barbelés et là, nous voyons deux hommes, deux véritables êtres à expression humaine, portant un brassard blanc à croix rouge avec l’inscription « Comité international de la Croix-Rouge ». Ils parlent en français : « Mesdames, vous allez être rapatriées par la Suisse, vous partez demain matin ». Larmes de joie, puis, de nouveau, l’inquiétude s’abat sur nous. Ne s’agit-il pas d’une dernière ruse des Allemands ? Partirons-nous ? Tout l’après-midi, nous aidons à transporter les grandes malades dans des camions qui les montent au revier (infirmerie) du camp. Le soir, toutes les Françaises, Belges et Hollandaises sont groupées. Les grandes malades au revier. Je les veille la moitié de la nuit, dans le grand silence coupé par le râle d’une mourante. Il y a dans l’air une folle espérance à laquelle se mêle une grande inquiétude.

Enfin, la porte du camp s’ouvre, des camions blancs, sous le sigle de la CroixRouge, viennent jusqu’à nous. Doucement, nous nous éloignons pour nous regrouper sur l’esplanade, devant le camp. Là, une infirmière suisse nous demande si nous sommes bien ; il y a si longtemps qu’on ne nous avait pas parlé ainsi, avec une telle expression ! Nous sommes touchées aux larmes. Enfin, nous partons… Le soir nous coucherons dans une grange, au milieu du foin qui sent bon ; nous nous réveillerons libres, sans savoir en être encore heureuses. Notre convoi est escorté de soldats et de SS. C’est toujours la guerre.

Nous roulons trois jours à travers l’Autriche, très belle, merveilleuse pour nous, mais je ne réalise pas bien, sauf peut-être un après-midi : nous étions arrêtées près d’un petit torrent ; je suis allée toucher l’eau. Au-dessus de moi, des arbres fleurissaient, tout blancs ; plus haut, la terre sentait bon au soleil, plus haut encore, un peu de neige. Alors, un peu de vie s’est glissée en moi. Le soir du troisième jour, nous devions arriver à la frontière, mais une avalanche barre le passage. Nous empruntons un tunnel, ce qui allonge notre route. Enfin, quand nous touchons au but, la frontière est fermée… Les Allemands refusent de nous laisser entrer en Suisse, Himmler est revenu sur sa parole de nous libérer… Nous sommes dans l’angoisse. Plutôt que de retourner là d’où nous venons, nous préférons nous battre, nous révolter et mourir ici. Enfin, au matin, les barrières se lèvent. Et quand la dernière des treize voitures se trouve sur le sol suisse, en sanglotant, nous entonnons une Marseillaise inouïe, qui fait pleurer les Suisses euxmêmes. Nous roulons en chantant jusqu’à Saint-Gall, où nous retrouvons nos camarades et Maman. (1) Toute une vie de résistance. Éditions FNDIRP, 2007

22 avril

Les bien-portantes doivent partir très tôt ; les malades et celles qui s’occupent d’elles à 8 heures. A 8 heures, tout le monde est prêt, mais il y a contrordre : il faut attendre midi. Partirons-nous ? février  2010 - N°759 - LE RÉVEIL

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LE RÉVEIL actualités

Pour Bachelot, la santé doit être rentable Le gouvernement se livre à un chantage à l’égard des personnels infirmiers : c’est le dernier volet du plan Bachelot de soumission de ce secteur à la loi d’airain de la rentabilité privée. La mise en concurrence des hôpitaux avec les cliniques, propriétés de fonds de pension, va de pair, dans le processus de dévitalisation en cours, avec un déficit chronique d’infirmières et d’infirmiers. Il revient alors à ceux qui doivent supporter ce manque d’effectif organisé de jongler avec des conditions de travail des plus pénibles, un stress permanent de l’accident et une vie privée en miettes, en particulier pour les plus jeunes. C’est à ces femmes et à ces hommes-là que la ministre de la Santé ose proposer la remise en question de leur droit à la retraite à cinquante-cinq ans en échange de la « reconnaissance » de leur qualification. Cette version hospitalière

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du « travailler plus pour gagner plus » élyséen révèle tout un pan masqué du vrai visage du modèle de société auquel aspire la contre-révolution conservatrice accélérée depuis plus de deux ans. Soumettre toutes les ressources du pays aux appétits de la finance et dépecer à cette fin celles qui relèvent d’une logique publique ou de solidarité. Tout pour les amis du bouclier fiscal et les coups les plus durs pour le monde du travail. Au cynisme sans borne d’une droite décomplexée, tel que l’illustre le chantage fait aux infirmières, s’ajoute l’inhumanité d’une société déjà largement mise à mal dans laquelle le mot « retraite » devrait perdre son sens. Les retraites seront le « grand rendez-vous social » de 2010, avait claironné le chef de l’État devant le Congrès, l’an passé, se gardant bien d’en fixer la date avant le rendez-vous des élections régionales… « Il faudra que tout soit mis sur la table, l’âge de la retraite, la durée de cotisation, la pénibilité », disait-il. La manière dont

sa ministre de la Santé traite le volet « pénibilité » du travail infirmier lance un singulier coup de projecteur sur des négociations patronat syndicats qui traînent en longueur, du fait du Medef, depuis 2007. Quel mauvais esprit irait à parler de complicité ! Quelle retraite digne les salariés pourraient-ils escompter dès lors que six sur dix d’entre eux ne sont déjà plus en activité lorsqu’ils « liquident » leurs droits ? « Tout sur la table », disait Nicolas Sar­ kozy ? Mais alors aussi d’autres sources de financement ? Les entreprises ont gagné 50 milliards d’euros en quinze ans grâce à la baisse de 2,5 % de leurs cotisations sociales dans les richesses produites. On continue dans les cadeaux indistincts ou on module en fonction de celles qui investissent dans l’emploi, la formation et la qualification ? On privilégie la retraite par capitalisation, qui profite avant tout à la finance, puisqu’il faudrait, nous dit la Fédération française des sociétés d’assurances, y placer un mois de salaire par an dès l’âge de trente ans pour gagner en plus 15 % d’une pension amputée de plus de la moitié de son ancien salaire ? Ou, comme le propose la CGT, on met dans la balance les durées de formation, de chômage ? On mène une politique industrielle ambitieuse, créatrice d’emplois et de cotisations ou on laisse la précarité devenir la règle ? Le chantage ou la solidarité ? D’un autre côté, on ne peut que regretter la position de Martine Aubry pour qui « on doit aller, on va aller très certainement vers 61 ou 62 ans » à propos de l’âge légal de départ en retraite. Dans un contexte de casse de grande ampleur de notre protection sociale, la droite n’avait pas besoin d’un tel renfort. En tenant de tels propos, Martine Aubry répond à l’appel au consensus de Nicolas Sarko-


ACTUALITÉS LE RÉVEIL

zy. À cet argument, toujours le même, qui consiste à présenter aux Français la facture de l’allongement de leur espérance de vie, l’ARAC oppose une toute autre logique. Il faut verser à la solidarité nationale les gains de productivité et les profits qui continuent de battre des records malgré la crise financière. Aussi l’ARAC propose de faire cotiser les entreprises en taxant les revenus financiers des entreprises en fonction de leur politique en matière d’emploi et d’investissement. Même modérément, cette cotisation est susceptible de financer les 70 ou 100 milliards d’euros manquants. La retraite à 60 ans est un acquis social précieux pour tous les Français. La retraite a 60 ans a besoin d’être défendue, l’ARAC prendra toute sa place. Claude Delevacq

Taxe carbone Le vert de trop « Rupture d’égalité devant les charges publiques. » Par ces quelques mots de motivation sans équivoque, le Conseil constitutionnel, en retoquant sévèrement le projet de loi sur la taxe carbone, a caractérisé la nature profonde du sarkozysme : une rupture d’égalité. Mais ce n’est pas tout. Au passage, le Conseil inflige l’un des plus retentissants échecs personnels du président en exercice. Ne boudons pas notre contentement. Le choc ressenti à l’Élysée, juste avant l’entrée en vigueur du dispositif législatif présenté comme la « mesure phare du projet de budget 2010 », et à trois mois d’une échéance électorale, sonne comme le glas d’un plan de com surjoué dont la principale victime restera l’environnement… Il était en effet injustifiable que 93 % des émissions d’origine industrielle soient dispensés par cette nouvelle taxe et que, au final, cette contribution carbone soit devenue un impôt supplémentaire sur les carburants. Les pauvres de nouveau taxés ; les puissants épargnés. Même pour les sages, peu exempts de reproches ces dernières années, trop c’était trop. Qu’attendent-ils, d’ailleurs, pour interdire le bouclier fiscal ou la taxation des indemnités journalières des accidentés du travail ? Reste toutefois la vraie question : après le fiasco du sommet de Copenhague, dont Sarkozy porte la coresponsabilité, la France estelle capable d’enfanter une fiscalité qui respecte l’égalité des contribuables tout en étant cohérente avec des objectifs de développements sociaux respectueux de l’environnement ? Avec les logiques actuelles de taxation des menages et d’exonération des grands groupes capitalistes, poser la question, c’est déjà y répondre… Le Conseil constitutionnel n’avait pas d’autre solution que de censurer cette

taxe carbone injuste : la loi ne peut créer des inégalités flagrantes entre les citoyens ! En ce domaine, 2010 promet de nombreux rendez-vous importants. Du dossier des retraites à la « réforme » des territoires, en passant par celle des lycées ou la carte judiciaire, etc., l’année promet quelques batailles sérieuses. Nous éloigneront-elles pour autant du pseudo-débat sur l’identité nationale, qui ne sert qu’à détourner l’opinion de la question sociale ? Face au gouvernement le plus réactionnaire depuis Pétain, rien n’est moins sûr. Car pour Sarkozy, un lien idéologique existe entre la revendication identitaire et l’atomisation sociale en cours, entre l’exaltation d’une France définitivement chrétienne et un élitisme entrepreneurial. Dans les deux cas, c’est l’exacerbation d’une pensée profondément ultra droitière qui opère. Une sélection par le sang et l’argent… Choc de classes, choc des civilisations, choc des mémoires : le néonationalisme à l’œuvre (française) conduit à la stigmatisation, à la division des uns contre les autres, à la haine, autrement dit à une griffure insupportable à notre pacte républicain. Or, que souhaiter de mieux sinon un retour ardent et impérieux aux obligations sociales et républicaines ? L’an III du sarkozysme débute par un revers. Certes. Mais notre résistance et nos combats doivent s’intensifier. Tel est notre principal vœu pour 2010 ! CD

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LE RÉVEIL actUaLItÉs

La Bourse prospère, la crise aussi Mais l’ambiance sera sauvée par le CAC 40, qui a clos l’année au beau fixe. La Bourse de Paris passe le seuil des 4 000 points. Depuis plus d’un an, pareil résultat n’avait pas été atteint. Le « rallye » de fin d’année, selon l’expression en usage chez les « happy few » du capitalisme financier, s’annonce déjà comme un succès, de quoi exciter l’appétit du monde des actionnaires. Cette embellie, qui ne profite qu’à ceux qui profitent déjà, serait-elle annonciatrice d’une sortie de crise pour toute la société ? L’histoire a appris aux salariés ce qu’il fallait penser de la célèbre phrase d’Helmut Schmidt : « Les profits d’aujourd’hui sont les emplois de demain. » Tout porte à prévoir bien au contraire que 2010 ne promet pas au monde du travail des lendemains qui chantent. Le bilan désastreux de l’année qui

s’achève se solde par la destruction nette de près de 380 000 emplois. Les pressions actionariales pour obtenir le maximum de profit dans le délai le plus court possible, au détriment des investissements en fort recul cette année, les destructions d’emplois industriels vont se poursuivre. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour le prévoir… La Bourse flambe, les boursicoteurs prospèrent et, à l’autre bout de la chaîne, le chômage augmente, la précarité s’étend. Ce qui pourrait sembler un paradoxe ou une immoralité est à la base du capitalisme : quand une direction d’entreprise restructure, licencie, délocalise, elle suscite un intérêt accru du monde financier. Car ce sont des signes de détermination à augmenter la marge de

profit, à faire bouger toujours davantage la répartition de la richesse créée au profit des actionnaires. Le secteur de l’automobile, qui a bénéficié d’un plan de soutien de la part du gouvernement, voit la valeur des actions monter en flèche alors que les constructeurs mettent en place des plans de suppressions d’emplois, six mille chez PSA et huit mille chez Renault, intensifient la production, soumettent les salariés à du chômage partiel. Pour qui se place dans une perspective de transformation progressiste, la question d’un autre financement des entreprises ne peut être esquivée. On ne peut se satisfaire d’un système qui mette celui qui avance de l’argent en achetant des actions dans une si-

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actualités LE RÉVEIL

Retraites

Le dossier 2010 tuation de contradiction antagonique avec ceux qui produisent les richesses. Armé d’une volonté politique, il serait possible de commencer à changer la donne et de réduire dans un premier temps l’omnipotence de l’actionnariat dans le destin de l’entreprise et de ses salariés. C’est tout autre chose que les mots creux de Nicolas Sarkozy sur la « moralisation » du capitalisme. Une démarche de gauche doit mettre l’accent sur deux leviers : la démocratie, qui garantit des droits nouveaux pour les salariés à intervenir sur la stratégie de l’entreprise ou du groupe, et l’accès au crédit, sélectif, dont bénéficieraient les entreprises qui font le choix de l’emploi et des investissements productifs. Un dispositif que seuls rendraient possible un pôle public financier et des politiques régionales tournées vers ces objectifs. Puissent de tels débats marquer la campagne des élections régionales. La démocratie y gagnerait. Claude Delevacq

Le dossier des retraites est le sujet social de l’année 2010 le plus sensible et le plus lourd de dangers, si la société n’oppose pas une résistance farouche aux menaces du gouvernement. En effet, le droit à la retraite est bien davantage qu’une seule question sociale. C’est une conquête de civilisation que la société française doit à plus d’un siècle de luttes du mouvement ouvrier. Les intentions de l’Élysée, au fond, sont assez claires. L’allongement des cotisations aboutira à une baisse générale des pensions. L’entrée plus tardive dans la vie active, en raison des études ou du chômage qui frappe massivement la jeunesse, rendra aléatoire le versement d’une retraite à taux plein, quand les entreprises, trop souvent, ne laissent pas aux salariés le loisir d’achever leur carrière. L’enfer libéral que nous prépare la droite sera peuplé d’une majorité de retraités pauvres côtoyant une minorité de pensionnés aisés qui auront ajouté à leurs revenus une part de capitalisation. Au passage, la droite aura piétiné la solidarité entre générations, entre les actifs et ceux qui les ont précédés dans le monde du travail. Alors que les sherpas de l’Élysée affûtent dans le plus grand secret leur tactique avant de dévoiler le plan après les élections régionales, prudence oblige, les propos de Martine Aubry, au micro de RTL, ouvrant la porte à une remise en cause de l’âge légal donnant droit à la retraite, ne sont pas passés inaperçus. En déclarant comme une évidence : « Je pense qu’on doit aller certainement vers 61 ou 62 ans », la première secrétaire du PS ne donne pas le signal que le monde syndical,

que les salariés inquiets de l’avenir attendent de la gauche. Au demeurant, on reste perplexe devant cette insistance à présenter la remise en cause de l’âge légal de la retraite comme une mesure nécessaire pour garantir les retraites de demain. Au contraire, cela ressemble fort à un leurre, à une provocation, pour ne pas évoquer les ressources nouvelles à mobiliser pour leur financement, du côté des profits et de la spéculation. Le Figaro ne boude pas son plaisir, au point d’avoir surdimensionné en première page la déclaration de la dirigeante socialiste, qu’il traduit comme « la fin d’un tabou ». De son côté, Laurence Parisot, la patronne des grands patrons, était aux anges en recevant la presse à l’heure des croissants chauds, se félicitant d’un « consensus » pour retarder l’âge de la retraite. C’est sans doute aller un peu vite en besogne, et plus certainement encore une tentative de la part d’une organisation inspiratrice du gouvernement, de décourager l’opinion, d’en faire rabattre au monde du travail et à la gauche sur la hauteur des ambitions. Ainsi, après avoir aboli de facto la loi sur les 35 heures en libéralisant et en défiscalisant les heures supplémentaires, la droite tente de faire passer pour une nécessité de jeter aux oubliettes une revendication syndicale, qui avait abouti sous le premier mandat de François Mitterrand. Ni la durée du temps de travail ni la retraite à soixante ans ne sont des tabous mais des jalons permettant à la société de mesurer le chemin parcouru dans la voie du progrès et de la civilisation. L’enjeu du bras de fer qui s’annonce entre le gouvernement et les salariés est d’une telle ampleur que rien ne doit être négligé pour réussir le rassemblement de tous ceux qui refusent de remonter le temps. CD février  2010 - N°759 - LE RÉVEIL

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LE RÉVEIL INTERNATIONAL

Haïti : une histoire sans fin ? Haïti Ayiti chérie… Le 12 janvier, un séisme de magnitude 7,1 sur l’échelle de Richter a ravagé Port-au-Prince, la capitale, et les principales villes du sud et sud-ouest. Il n’aura fallu que trente-cinq secondes pour plonger cet État dans un deuil et une désolation insondables. Officiellement 200 000 Haïtiens ont péri, mais sous les décombres des centaines de cadavres pourrissent encore. Des centaines d’autres ont été jetés dans des fosses communes, faisant craindre un nombre de morts autrement plus conséquent que le bilan officiel avancé. Haïti compte plus de 500 000 blessés, trois millions de sinistrés, un million de sans-abri, 500 000 exilés en province et à l’étranger. Des milliers d’autres ont été amputés… Il n’aura fallu que trentecinq secondes pour mettre à genoux les symboles de la République : le palais national, la direction générale des impôts, l’assemblée, la police nationale ont été détruits, voire pulvérisés. Il n’aura fallu que trente-cinq secondes pour anéantir des milliers de vies et d’espoirs, ensevelis sous les gravats des écoles et des universités. Il aura fallu trente-cinq secondes pour faire voler en éclats 60 % du pays, démontrant la fragilité de l’économie, et surtout son hypercentralisation dans la capitale. Il n’aura fallu que trente-cinq secondes pour rappeler aux grandes puissances qu’une catastrophe naturelle met également à nu l’appauvrissement dans lequel elles ont délibérément plongé ce pays.

Pour une solidarité à la hauteur des enjeux

Il faudra des mois, voire des années pour prendre la mesure de la tragédie du 12 janvier et de ses conséquences immédiates. Aux béton-villes et bidonvilles ont succédé des « tissu-villes » de déplacés qui ne résisteront pas à la saison des pluies qui arrive en avril. Des sinistrés ont commencé à rebâtir, dans un sursaut de semblant de vie, là où des maisons menacent encore de s’écrouler. 10 -

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Mais qu’en sera-t-il dans quelques mois, passé l’effet de mode médiatique ? La reconstruction d’Haïti, omniprésente dans les palabres officielles et autres entrepreneurs privés déjà sur le qui-vive, risque, on le sait déjà, de laisser sur le bas-côté les laissés-pour-compte de toujours. C’est sur ce terrain là que se joue l’horreur des lendemains incertains. Il n’y aura pas de refondation de cette nation sans des gestes à la hauteur de ses besoins actuels, et du handicap qu’elle affichait auparavant, à savoir l’abîme de la pauvreté : 80 % des Haïtiens survivent avec moins de deux dollars par jour, seuil d’extrême pauvreté, selon l’ONU. La projection d’une société inclusive implique dès à présent l’annulation de la dette prétendument due par Haïti aux pays riches. Pour mater ce pays rebelle, à l’origine d’une révolution atypique en 1804, qui vit des esclaves briser leurs chaînes et mettre en déroute la puissante armée de Napoléon, Paris ne trouvera rien de mieux que presser les toutes jeunes autorités d’indemniser les colons. Outre le caractère scandaleux du chantage - des victimes contraintes d’indemniser leurs bourreaux - le montant du « dédommagement » sera fixé à 150 millions de franc-or, soit l’équivalent aujourd’hui de 21 milliards de dollars. La misère haïtienne n’est pas le fruit de la fatalité ni d’une quelconque malédiction comme on a pu l’écrire honteusement. La réalité est qu’Haïti n’a jamais eu les coudées franches. La dette à l’égard de la France a pris à la gorge cet État. La fuite de capitaux a hypothéqué la structuration de l’État. Les autorités nationales, mimant à outrance l’Occident, ne sont pas non plus exemptes de critiques. Plus tard, les États-Unis

s’en mêlent. Coups d’État, dictatures, débarquement de GI’S, occupations… Haïti s’enfonce dans l’instabilité politique. Le rachat du reliquat de la dette par les banques américaines accentue la dépendance. Le soulèvement populaire de 1986 chasse la dynastie dictatoriale des Duvalier, mais n’efface pas le passif des prêts souscrits auprès des organismes financiers internationaux. Jean-Claude Duvalier, dit Bébé Doc, coule d’ailleurs des jours paisibles en France, grâce aux sommes volées. Peu à peu le pays a perdu de sa souveraineté économique sous l’injonction des politiques d’ajustements structurels, anéantissant, notamment, le secteur agricole, alors qu’au début du XXe siècle, le pays jouissait d’une presque autosuffisance alimentaire. La libéralisation de l’économie a eu pour conséquence de creuser les inégalités sociales au point que 1 % seulement de la population blanche et métisse détient presque la moitié des richesses nationales. Les infrastructures sont désuètes, voire inexistantes. Le budget de l’État dépend à 60 % des fonds étrangers. Aujourd’hui, la dette injuste est estimée à 1,2 milliard de dollars en 2009. Suite au tremblement de terre, Christine Lagarde, la ministre de l’Économie, a déclaré l’annulation de 58 millions d’euros de dette, et demandé au Club de Paris, groupe informel des principaux pays créanciers, d’emboîter le pas. Mais depuis, silence radio. L’ampleur du désastre du 12 janvier est une loupe grossissante de l’asservissement économique et politique.

Pourquoi ce déploiement militaire aujourd’hui ?

C’est dire dès lors combien le déploiement militaire des Etats-Unis, mais également du Canada, au milieu de ruines encore fumantes, est grossière et choquante. Les États-Unis ont beau argumenter qu’il s’agit d’un coup de main pour faciliter la distribution et l’achemi-


international LE RÉVEIL

nement militaire, personne, et encore moins à Port-au-Prince, ne peut croire que le débarquement de 20 000 soldats était indispensable. L’extension de ce drôle de convoi est désormais totale sur les lieux stratégiques : l’aéroport international, le port, les principales routes. En 1915, en 1934, en 1994, ou encore en 2004, Washington a pris la sale habitude de transformer ce petit pays de la Caraïbe en son porte-avion de prédilection. Aujourd’hui, nombre de voix, à commencer par les nations latino-américaines, se sont offusquées d’un tel déferlement, n’hésitant pas le qualifier d’ingérence et d’occupation. Dans les conséquences dramatiques à l’œuvre figure déjà cette présence. A moyen terme, elle pourrait bien fomenter une nouvelle crise sociale et politique.

Courage et dignité Face à la tragédie qui l’a frappée, la société haïtienne a fait preuve d’une dignité et d’une entraide sans commune mesure. Ce courage devrait servir de leçon. Par le passé, ce peuple a démontré qu’il ne se laissait ni démonter ni humilier. Ayiti meurtrie… mais vertueuse. Cathy Ceïbe Correspondante de l’ARAC à Haïti

Obama - Politique internationale

La grande illusion Il y a un peu plus d’un an, l’élection de Barack Obama à la MaisonBlanche était accueillie comme un soulagement et suscitait chez les peuples du monde un immense espoir. A bien y regarder, un gouffre se creuse entre les bonnes intentions et la réalité. Certes, l’image de l’Amérique c’est métamorphosée. L’arrogance du texan «va-t’en-guerre» fait place à une intention affichée de dialogue et de respect. Obama incarne une Amérique moins belliqueuse, plus prête au compromis pour répondre aux problèmes de la planète. Reste que les faits sont têtus. Le prix Nobel de la Paix vient d’envoyer 40 000 soldats supplémentaires en Afghanistan. Chaque jour des civils, femmes, enfants, vieillards meurent sous les bombes. Cette sale guerre est de moins en moins populaire aux ÉtatsUnis mais Obama persiste. En Irak, le retrait des troupes se fait au comptegoutte, tandis que le pays s’enfonce dans l’instabilité, que les attentats se multiplient. Comme si la superpuissance faisait ses bagages à reculons, bien triste de quitter une région si riche

en pétrole. Quant à la base de Guantanamo, la perspective de sa fermeture semble s’éloigner au fil du temps… La stratégie suivie au Moyen-Orient est une catastrophe. La demande de Washington, présentée comme un acte de fermeté à l’égard d’Israël, de gel de la colonisation des terres palestiniennes tourne au ridicule. L’administration américaine bafouée par le Premier Ministre israélien a cédé. La déception est immense chez les Palestiniens, tandis que les faucons israéliens et américains sont confortés. Le discours du Caire en direction du monde musulman est resté lettre morte, tandis que les négociations avec l’Iran, la Corée du Nord n’aboutissent à rien. Concernant la Chine, en dépit de son refus de rencontrer le Dalaï-lama, Obama n’a pas imposé sa marque, pas plus qu’avec la Russie. En Amérique Centrale et Latine on assiste plutôt à un retour aux vieilles méthodes de soutien à des régimes et à des dirigeants proaméricains. Les négociations sur le bouclier nucléaire et le souhait d’un monde sans armes nucléaires a relancé le débat sur le désarmement certes, mais les bonnes intentions sont suivies de peu de faits et l’on attend que les États-Unis, au-delà d’une reconnaissance formelle, permettent à l’Organisation des Nations unies (ONU) de jouer tout son rôle. Cette politique ne répond ni aux attentes, ni aux espoirs. Elle ne favorise pas l’émancipation des peuples et la justice. Le prix Nobel de la Paix, s’il veut honorer et mériter sa distinction, a du pain sur la planche. Jean-Pierre Delahaye février  2010 - N°759 - LE RÉVEIL

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LE RÉVEIL international

L’Afrique à la croisée des chemins

Nouveau colonialisme ou nouveaux développements ? Paradoxalement, c’est par le biais du sport que l’on reparle de l’Afrique. Dans quelques mois le continent noir et plus particulièrement l’Afrique du Sud, en effet, va accueillir l’une des plus populaires rencontre : la coupe du monde de football. Bien qu’il s’agisse de sports, on a assisté à un déferlement sans précédent de remarques et autres objections. Les bonnes âmes, peu émues par la délinquance et la violence urbaine lorsque les manifestations se déroulent en Europe ou aux États-Unis, découvrent, lorsqu’il s’agit de l’Afrique les dangers afférents au regroupement de centaines de milliers de personnes et aux questions de sécurité qui y sont liées. C’est qu’en réalité les mêmes persistent dans leur vision coloniale et xénophobe de ce continent. Pourtant, le pays de Nelson Mandela, peut-être plus que d’autres, a montré sa capacité à organiser des coupes du monde de rugby, de cricket, et tout annonce une coupe de monde de football d’un grand cru. Ce préambule ne doit rien au hasard. L’Afrique est aujourd’hui, d’une certaine manière, à la croisée des chemins. Va-t-elle continuer à s’enfoncer dans la misère ou, au contraire, arrivera-t-elle à utiliser tous les atouts qui sont les siens, ressources humaines, minières, agricoles, pour prendre toute sa place dans le concert des Nations. Si ce n’est pas encore le cas, ce n’est pas comme osait le déclarer le président français Nicolas Sarkozy parce que « l’homme africain (ne serait pas) entré dans l’histoire » (il suffit de lire les ouvrages de chercheurs et historiens de ce continent pour se convaincre du contraire), mais bien parce que depuis des siècles le maître mot est « pillage ». Pillage des 12 -

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hommes, pillage de toutes les richesses. Le sous-sol africain renferme du diamant, du cuivre, du cobalt, de l’uranium, du tantale, de l’or. Au large des côtes, le pétrole abonde. De quoi attirer les grands prédateurs de la finance et du commerce international. Le continent est mis en coupe réglée. Depuis la chute de l’Union soviétique, les alliés d’hier se déchirent la proie. La France, un temps gendarme de l’Afrique - en tout cas dans ce qui était ses colonies - doit réformer (pas abandonner) son système, la « Françafrique », parce que la concurrence est rude. Les États-Unis, qui ont déjà établi des bases militaires et un centre de commandement central, n’entendent pas continuer à être tenus à l’écart. Les récents déplacements du président américain Barack Obama et de sa secrétaire d’État Hillary Clinton, ne laissent aucun doute. Avec cette particularité, qu’ils poussent à la création de zones franches (salaires de misère, emploi de populations les plus fragiles comme les femmes ou les migrants, usines qui ferment du jour au lendemain) pour l’installation d’entreprises dont l’objet est la satisfaction du marché états-unien. Depuis quelques années maintenant, la Chine a fait une entrée en force sur le continent. Elle le fait d’autant plus facilement qu’elle n’a pas de passé colonial dans cette région du monde. A tel point qu’on parle maintenant de la « Chinafrique ». Cette présence est particulière-

ment perceptible lorsqu’on se rend dans les capitales africaines. Les boutiques chinoises se multiplient jusqu’à créer de véritables quartiers. Sur le plan économique, la Chine remporte de grands contrats de construction avec une particularité : les entreprises chinoises arrivent avec leur main-d’œuvre. On sait que la plupart des objets artisanaux africains que l’on trouve sur les marchés sont en fait fabriqués en Chine ! Penser un autre développement de l’Afrique n’est pourtant pas utopique si les relations sont basées sur le respect réciproque et la recherche d’un bonheur commun. Pierre Barbancey


LE CAHIER MÉMOIRE

le réveil

N° 759 Février 2010

des combattants

Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix

ÉDITO Par Paul Markidès

Qui était Henri Barbusse ? Nous ne serions pas les dignes héritiers de notre fondateur Henri Barbusse si nous ne révélions pas à nos lectrices et à nos lecteurs qui il était et ce qu’il fit, puisque nous poursuivons son œuvre et son action. Et dans les circonstances politiques et sociales où se trouvent aujourd’hui notre Nation, voire d’autres Nations et la planète entière, nous sommes conscients que les combats d’Henri Barbusse peuvent nous aider à éclairer les événements que nous vivons, à comprendre les enjeux de la marche du monde à notre époque. Certes, il ne s’agit dans ce Cahier de la Mémoire que d’un aperçu sur quelques-uns des aspects de la vie, de l’œuvre et de l’action d’Henri Barbusse, mais ce sont ceux qui nous sont apparus les plus à même d’ouvrir la réflexion de tous et de chacun sur les évènements du moment présent. Il se peut que certains mots ou certaines expressions d’Henri Barbusse surprennent la lectrice ou le lecteur. L’homme utilisait le langage de son temps et la lecture complète de chaque texte permet de comprendre le sens. Quoi qu’il en soit, il n’est pas interdit de nous questionner à leur propos comme sur leur choix, au contraire, le dialogue ne peut que nous enrichir les uns et les autres.

Édité par le Réveil des combattants - 2 place du Méridien - 94807  Villejuif - Tél. 01 42 11 11 12


LE RÉVEIL DOSSIER

Qui était Henri

De nombreuses rues, avenues, squares, établissements scolaires, centres de santé, centres culturels, commerces mêmes portent le nom d’Henri Barbusse. Il a donc fallu que cet homme marque par ses actes et son comportement la société de son époque pour qu’il en soit ainsi. Mais, si son nom est resté sur des plaques et des murs, son œuvre et son action sont loin d’être aussi connues. 14 -

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(1) Lettre au directeur du journal l’Humanité, organe à l’époque du Parti socialiste ouvrier français, le parti de Jaurès.

De son vivant, il n’a pas manqué de détracteurs, après sa mort non plus. Cette méconnaissance de sa personne résulte donc non seulement de son action rigoureuse pour la reconnaissance du droit à réparation des combattants de la guerre 1914-1918 mais aussi, et surtout, du choix sans équivoque qu’il fit pour la justice sociale et le progrès de la société, pour la liberté, l’égalité et la fraternité des hommes et du comportement conséquent qu’il entraîna chez lui l’accord constant entre la parole et les actes. Ceux qui l’ont maintenu sous le boisseau, quels qu’ils soient, lui ont ainsi fait payer son courage politique. Henri Barbusse a 41 ans lorsque la guerre de 1914-1918 éclate. C’est un journaliste et un écrivain qui s’affirme, mais sa renommée n’est pas encore assurée. C’est un homme de gauche qui défend ses idées, admirateur de Jaurès dont l’assassinat le touche profondément et le révolte. Comme nombre de personnes de sa sensibilité politique de l’époque, il pense que l’obstacle majeur à la paix et à l’évolution politique et sociale en Europe réside dans l’existence du pouvoir militariste en Allemagne. En conséquence, il s’engage pour aller combattre « le militarisme et l’impérialisme, le sabre, la botte, et j’ajouterai : la couronne » (1). Sur le front, il reste un écrivain, tient un journal d’où il tirera un ouvrage Le Feu qui obtiendra le prix Goncourt en novembre 1916 et le rendra célèbre. Et c’est dès son retour à la vie civile qu’il s’engage dans son œuvre littéraire comme dans l’action militante pour la paix, pour la


DOSSIER LE RÉVEIL

Barbusse ? justice sociale et le progrès de la société, pour une société nouvelle humaine et fraternelle. Qui était donc cet homme ? Henri Barbusse est d’abord un homme à l’écoute des autres. L’un de ces biographes, Philippe Beaudorre (2), lui rend ainsi hommage dans son évocation de l’écriture et de l’impact de son livre Le Feu (3) : « … Il observe avec bienveillance, avec curiosité, avec compréhension ceux qui l’entourent, « les copains » écrit-il ; il les désignent par leurs noms et leurs manies, il les décrit avec une tendresse retenue, pudique, qui ne juge personne, qui met chacun au niveau de tous, sans hiérarchie, sans condescendance mais sans illusion ou naïveté, avec une lucidité, une clairvoyance qui n’excluent pas la tolérance, la solidarité, l’amour. » Henri Barbusse, c’est aussi l’homme conséquent qui n’en reste jamais aux paroles. S’adressant à ses camarades de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC), lors de son congrès de Lyon le 7 septembre 1919, il les engage dans cette démarche : « L’Association républicaine est trop réaliste et pratique pour se contenter uniquement de provoquer et de défendre les revendications spéciales, professionnelles des victimes de la guerre. Elle sait que les avantages de cette nature ne seraient qu’apparents, sans un ordre social réellement démocratique, et alors, fidèle à sa méthode claire et positive, elle veut cet ordre, et puisqu’elle le veut, elle y travaille. » En s’adressant à l’homme de lettre italien Gabriel d’Ammuzio (4), aussi soucieux que lui de justice sociale et de progrès, il

s’exprime ainsi : « L’écrivain, le penseur, le guide doit voir plus loin que les prétendus avantages immédiats, mon cher Maître, et plus loin que les temps présents. Par-delà la complication des démarcations illusoires que l’orage emportera, il doit se saisir de la plus noble et de la plus vaste des causes, celle des pauvres et des souffrants, celle des millions de soldats et des milliards d’hommes qui, quelle que soit la teinte de leur uniforme, le son de leur langage et le coin de terre où ils souffrent, savent désormais qu’il y a entre eux tous une effrayante ressemblance. » Henri Barbusse est le « pionnier français de la lutte antifasciste » ainsi que le qualifia au rassemblement d’Aumont (5) l’historien Claude Willard (6) lors de l’hommage qu’il lui rendit. Deux textes témoignent de la détermination et du combat antifasciste de Barbusse : tout d’abord l’article qu’il fit publier fin 1926, sur « Le fascisme international » dans le périodique japonais Kaizo que nous présentons dans cette édition du Cahier de la Mémoire, et d’autre part la lettre qu’il adresse à ses collaborateurs, le 11 février 1935, alors qu’ils préparaient un rassemblement national antifasciste décidé pour le mois de mai. En voici un extrait : « Si les masses savaient exactement où les mènera le fascisme qui les absorbe méthodiquement, si une mise au point tout à fait nette leur montrait le mal-fondé de la méfiance que leur inspire instinctivement le socialisme et les dangers de guerre et d’asservissement fatal que leur réserve le nationalisme réactionnaire qui les appelle à grands cris et a besoin d’eux, nous amorcerons

(2) Philippe Beaudorre, Barbusse, le pourfendeur de la Grande Guerre. Grandes Biographies, Flammarion 1995. (3) Discours d’hommage au rassemblement d’Aumont, 15 juin 1996. (4) Henri Barbusse, Paroles d’un combattant. Éditions Flammarion, 1921. (5) A Aumont, dans l’Oise, se trouve la maison d’Henri Barbusse actuellement en travaux de réhabilitation dans le parc de laquelle se déroule en juin de chaque année un rassemblement d’hommage à l’écrivain.

quelque chose de plus décisif que ce que nous pouvons attendre d’une ample vague de manifestations et de démonstrations diverses. » (7) Enfin, aujourd’hui où « la communication » a pris une place déterminante dans nos vies, il n’est pas inutile de prendre connaissance de l’avis que Barbusse à sa manière formulait à son propos : « Méfietoi des grands mots. Il leur arrive de donner brillamment et bruyamment asile soit à de mauvais instincts, soit à des préjugés. Méfie-toi aussi de ce qui est écrit, ne crois aucune parole sur parole. Sois le juge de ce que tu lis et de ce que tu entends. Méfie-toi des politiciens, des historiens de détails, et des documentateurs hypnotisés par les marottes des cas particuliers, et des avocats, et des diplomates et, en général, de tous ceux qui cuisinent les faits isolés. » (8)

(6) Les cahiers Henri Barbusse, 1993. Éditions le Réveil des Combattants. (7) Lettre citée par Annette Vidal dans Henri Barbusse, soldat de la paix, pp. 299-300. EFR 1953 (8) Henri Barbusse, Paroles d’un combattant, p. 12. Éditions Flammarion, 1921.

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Le fascisme international En 1926 s’ouvrait à Paris le procès de deux communistes, Clerc et Bernardon , accusés d’avoir tué quatre membres des Jeunesses Patriotes et en avoir blessé cinquante. La bagarre avait été causée par ces Jeunesses Patriotes, venus armés de gourdins troubler une réunion électorale de la rue Danrémont à Paris. Appelé comme témoin, Henri Barbusse s’attacha à démontrer la culpabilité des Jeunesses Patriotes. Approfondissant ce procès, il vit dans ce fait divers un des événements d’une importance capitale : la preuve de la création et de l’évolution du fascisme. Dans un article du journal japonais Kaizo (1), il s’explique sur ce qu’est le fascisme. Aujourd’hui, rien n’est à changer de ce texte rapproché de la situation actuelle. Qu’est-ce exactement le fascisme ? La création et l’évolution du fascisme résultent de l’état de malaise et d’incertitude, des difficultés grandissantes de la vie, des menaces économiques et autres, qui surgissent de toutes parts, en un mot de la situation précaire où se débattent actuellement dans presque tous les pays toutes les couches moyennes de la population. Le vrai moteur du fascisme, ce sont les pouvoirs d’argent, qui ont su et qui ont pu, grâce aux moyens gigantesques de publicité, de propagande et d’action dont disposent ceux qui disposent des richesses, attacher à leur politique la petite et la moyenne bourgeoisie en canalisant dans le sens de la conservation et de la réaction sociale son mécontentement, ses appréhensions et ses souffrances. Nul ne peut contester que de nos

jours, et dans les institutions actuelles, tout ce qui est fait d’essentiel est plus ou moins conduit par les grands détenteurs du capital. Si le capitalisme, c’est-à-dire la main-mise de l’oligarchie de l’argent sur les choses sociales, a toujours plus ou moins conduit les affaires humaines, cette emprise est arrivée aujourd’hui à toute sa plénitude. Ce ne sont pas seulement les capitalistes américains qui l’affirment (et ils ont autorité de le faire), ce sont tous les économistes et tous les observateurs, à quelque opinion ou à quelque caste qu’ils appartiennent. Or, partout le capitalisme a suscité le fascisme. Il l’a mis sur pied et lui a donné l’élan. Et n’est un secret pour personne que le fascisme italien et tous les autres fascismes nationaux sans exception se sont accrus grâce à l’appui financier de la grande bourgeoisie riche, de la grande industrie et des banques.

(1) Journal périodique japonais

Le fascisme sort du capitalisme. Il en est la résultante logique, le produit organique. C’est l’armée qu’il jette dans la lutte sociale pour maintenir coûte que coûte ce qu’il appelle ses droits et ce que nous appelons seulement ses profits. Le fascisme est en somme la réaction suprême et brutale, et poussée dans ses extrêmes conséquences, de l’ordre ancien contre un ordre nouveau. En conséquence de ses principes constitutifs, le fascisme a deux buts, l’un politique qui est l’accaparement de l’État, l’autre, économique, qui est l’exploitation du travail.

L’exploitation du travail L’exploitation du travail est sa raison d’être. Le déchaînement fasciste tend à faire rentrer dans l’ordre, selon l’expression consacrée, la masse immense des producteurs, des travailleurs des villes et des champs, qui sont en réalité Février  2010 - N°759 - LE RÉVEIL

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la substance même et la force vitale de la société. C’est qu’à notre époque, les yeux des masses ont commencé à s’ouvrir, elles ont commencé à s’étonner de cette anomalie prodigieuse que ceux qui font tout ne sont rien, et que la multitude produise et peine et soit jetée dans des guerres, pour les intérêts, contraires aux siens, d’une minorité de profiteurs. Ayant commencé à ouvrir les yeux et à s’étonner, les travailleurs ont commencé à s’organiser, à s’unir pour résister à un destin inique. Donc, le vrai fait social est celui-ci : il y avait un prolétariat exploité et inconscient depuis des siècles, et voici qu’il devient conscient. On peut même dire que la guerre des classes n’est pas quelque chose de nouveau qui est survenu de notre temps, mais plutôt quelque chose que l’on s’est mis à discerner et à comprendre. La guerre des classes a en réalité toujours existé du fait de l’oppression de la majorité par une minorité privilégiée. A cette guerre d’écrasement, le prolétariat organisé oppose un arrangement basé sur l’égalité politique de tous, sur la juste souveraineté du travail et sur la solidarité des divers peuples par-dessus les frontières qu’il estime artificielles et néfastes. La guerre des classes, comme l’a dit Lénine, doit aboutir par la prépondérance, par la victoire du prolétariat, à l’abolition des classes. Elle doit aboutir également à l’abolition des guerres entre les Nations puisque cette victoire referait entre les hommes une autre classification plus profonde, plus rationnelle, plus réelle que les divisions géographiques, et une alliance plus solide que les alliances diplomatiques.

L’accaparement de l’État C’est pourquoi le deuxième but du fascisme est l’accaparement de l’État. Il s’agit de maintenir en l’aggravant le vieux régime dicta18 -

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(2) Miklos Horthy, dirigeant de la Hongrie depuis 1919, installé au pouvoir par la Roumanie et la France.

torial d’oppression, enchevêtré étroitement avec le nationalisme et l’impérialisme, il s’agit de faire triompher, comme par le passé, le principe de la concurrence à outrance et de la lutte, du chacun pour soi, aussi bien entre les individus qu’entre les nations, il s’agit d’imposer la continuation du règne de la loi de guerre et de destruction. A l’heure qu’il est, on ne peut pas dire que le fascisme ne soit pas partout le même. Il a partout le même objectif essentiel : l’étouffement de la libération des peuples. Même lorsque des groupements fascistes sont séparés, de pays à pays, par les convoitises nationales, ils sympathisent et ils se soutiennent de par le parallélisme de leurs tendances. Ce ne sont pas par exemple les revendications des fascistes hongrois à propos de la Transylvanie, annexée par la Roumanie, qui ont empêché les fascistes roumains de défendre seuls dans la presse roumaine les faux monnayeurs fascistes de Budapest. Et ce ne sont pas les déclarations agressives et menaçantes pour la France de M. Mussolini qui empêchent les fascistes français de prôner et de le prendre comme modèle. Et cela est dans l’ordre des choses. Les fascistes de Bucarest sont plus fascistes que Roumains. Et les fascistes français sont plus fascistes que Français. Selon les pays où il opère, le fascisme est plus ou moins fort et en conséquence plus ou moins cynique. Partout, en proportion de sa réussite matérielle, il bénéficie déjà soit de la complicité, soit de la complaisance des gouvernements constitués. Partout il fait montre, tout du moins à ses débuts, de la même hypocrisie. Il ne dit pas : je suis le fascisme, il dit : je suis le parti de l’ordre, ce qui est le plus commode de tous les mensonges démagogiques, ou bien il dit : je

suis républicain national patriote, ou bien il arbore quelque autre étiquette. Il prend toutes sortes de noms différents. Il nous éberlue avec des mots. Il forme beaucoup de catégories, mais au fond de tout cela, c’est la même espèce d’hommes. Nous voyons le fascisme camouflé en associations patriotiques ou en associations sportives et, dans la seule Hongrie dont l’armée nationale a été réduite par le traité de Trianon à 35 000 hommes, il y a de la sorte toute une armée fasciste clandestine de 400 000 hommes qui, en attendant un autre emploi, besogne dans la guerre civile. Elle reçoit des armes de l’Italie et même tout dernièrement, elle en a reçu des uniformes et en a commandé en Angleterre . Sans doute, en France, le fascisme n’a pas osé encore relever complètement la tête. Mais il suffit peutêtre de peu de choses pour qu’il se décide à le faire s’il continue à jouir d’une impunité et d’une tolérance scandaleuses. Et cette éventualité de coups de force est d’autant plus menaçante, que le fascisme multiforme entretient perfidement la confusion dans l’opinion publique sur les vrais buts de son organisation antiprolétarienne et impérialiste, puisqu’il lui met même, ce qui est un comble, un masque tricolore de démocratie. On ne saurait trop déplorer, à l’époque où nous vivons, l’inertie et la béatitude de l’opinion publique qui ne voit les cataclysmes que lorsqu’ils sont déclenchés. Il a fallu l’assassinat de Matteotti qui n’est pourtant qu’un épisode entre mille - pour que l’opinion pût voir la vraie face de Mussolini. Il a fallu cette inimaginable affaire des faux billets de banque pour que l’on discernât la physionomie authentique et les agissements réels du régent Horthy (2) et de son entourage.


DOSSIER LE RÉVEIL

J’ai conjuré les hommes dont dépendait la sentence de voir la situation telle qu’elle est dans toute son ampleur et de se rendre compte que la classe ouvrière est aujourd’hui dans notre pays comme dans tous les autres, en état de légitime défense. Car c’est à cette constatation qu’il faut en venir si on veut voir les choses face à face et ne pas se payer de mots. Bien réellement devant de formidables mesures d’organisation brutale et policière de la bourgeoisie capitaliste, la masse des travailleurs est acculée à se défendre. Elle ne provoque et elle n’a pas provoqué. Elle ne commet pas les attentats qu’on lui impute ni les complots dont on l’accuse. Il peut plaire à des rhéteurs d’essayer d’établir que les doctrines prolétariennes avancées, socia-

lisme ou communisme, constituent un complot contre l’ordre établi. C’est là un simple jeu de mots qui, si l’on y réfléchit, porte à faux. Bien entendu, les socialistes proprement dits, et ces socialistes intégraux que sont les communistes, envisagent une réfection du statut social tout entier et s’assignent pour but de discréditer et combattre le régime actuel. Mais on peut remarquer que cela est le propre de tous les partis politiques qui ne sont pas au pouvoir. Chaque parti a son programme qui ne peut être imposé que sur la disparition des programmes adverses. Et on peut remarquer aussi que beaucoup de sophismes et beaucoup de mensonges sont tissés autour de cette question de la violence par ceux-là même qui

emploient la violence pour empêcher les grands développements naturels du peuple. Ses ennemis prennent les devants. Ils ne veulent pas de l’unité ouvrière. Ce sont eux qui, devant la grandeur imposante de l’organisation universelle des multitudes, se servent de tous les procédés de menace et de contrainte dont ils peuvent disposer. Au cours du procès Clerc et Bernardon, M.Taittinger a reconnu que la raison de la création des Jeunesses Patriotes, ce fut le déploiement considérable des forces populaires lors de la cérémonie de translation des restes de Jaurès au Panthéon.

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LE RÉVEIL DOSSIER

Quelques-uns contre tous En 1924, dans la préface de son roman Les Enchaînements, Henri Barbusse livre son analyse sur la marche du monde à cette époque. N’y a-t-il pas là matière à réflexion sur ce que nous vivons aujourd’hui et sur la « terrible homogénéité de l’Histoire » ? … « J’ai parlé des évidences qui sortent du panorama mouvant des choses. La première de ces évidences, que l’on voit se former dans le collectif aussi bien que dans l’individuel, et dans le temps comme dans l’espace, ce sont les similitudes essentielles qui relient entre elles les principales situations humaines. C’est la terrible homogénéité de l’Histoire. Entre les crises et les institutions qui marquent les phases de l’évolution des ensembles, les différences sont presque toujours superficielles ou purement apparentes, les ressemblances toujours profondes. Si l’on creuse la réalité des masses vivantes et pensantes, on trouve de la souffrance, du malheur et toujours la même espèce de malheur : celui qui aggrave les fatalités naturelles de la vie, par l’écrasement social. A travers les 20 -

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disparates pittoresques qui sautent aux yeux, on se heurte à l’invariable mécanisme fondamental qui les fabrique : quelques-uns contre tous. … Nous sommes pris comme des rouages, par le déroulement des événements, dans la phase aiguë, définitive, du traînant antagonisme de l’autocratie et de la république. L’autocratie, c’est le régime social et politique artificiel qui a régné jusqu’ici sous des noms divers, au moyen de la violence et de l’imposture grossies successivement l’une par l’autre et du morcellement de la multitude. C’est le règne de l’intérêt particulier de quelques grands personnages - haussé aujourd’hui par l’appareil financier à son dernier perfectionnement de cynisme et de dévotion. L’autre recoupe dans le monde, avec la rigueur d’un phénomène physique, une

nouvelle division charnelle, et dessine la convergence vers un centre unique d’une même sorte d’hommes : les pauvres, les exploités, les opprimés de la terre entière, à travers les mosaïques puériles des nations, la géométrie sauvage des cartes. (Je ne parle pas, bien entendu, de ce républicanisme de parade dont la cohue de conservation sociale s’affuble présentement dans nos pays comme d’un oripeau de théâtre). Et tant que le vaste habitant du monde n’aura pas tout, il n’aura rien. Ne vous détournez pas en disant : « Voilà de la politique ». La question est plus haute que vous ne le croyez. Affaire de politique, c’està-dire de réalisme, soit, mais surtout affaire de logique impérieuse, de moralité, qui doit secouer la génération présente et la faire sortir des mensonges millénaires en même temps que des perspectives d’abîme qui se précisent autour d’elle : et c’est pourquoi j’adresse par ce livre un appel désespéré à la conscience des hommes. »…


international LE RÉVEIL

Gaza au cœur

Rompre l’accord Europe/Israël Comment les chefs d’État des principaux pays de ce monde peuvent-ils continuer à fermer à ce point les yeux sur la tragédie que vivent les enfants et tous les habitants de Gaza un an après l’injustifiable agression guerrière israélienne ? Un carnage, et aucune sanction n’a été prise contre l’armée et le pouvoir israéliens. Pourtant, un important rapport du juge sud-africain Richard Goldstone a qualifié l’offensive militaire israélienne de « crime de guerre », voire de « crime contre l’humanité ». Depuis, les grands États et l’Union européenne n’ont rien fait. Ni demande d’explications, ni demande de réparations de la part de tous ceux qui ne cessent de se gargariser des mots de « démocratie » et de « liberté ». Les Palestiniens de Gaza sont toujours cadenassés derrière des murs et cet insupportable blocus. Ils ne peuvent toujours pas reconstruire leurs maisons démolies, les services publics, les infrastructures civiles, parce que l’entrée des matériaux de construction reste interdite. Près du quart de la population dort toujours dans la rue. Plus de 80 %

d’entre elle disposent de moins de trois dollars pour vivre par jour. D’ailleurs, la population attend toujours les milliards de dollars d’aides promis lors de la conférence de Charm-el-Cheik. Cette diplomatie mondiale du cœur sec sème là-bas, chaque jour un peu plus, la désespérance et le malheur. Comment croire que cette population puisse tolérer de continuer à survivre ainsi sans se révolter? Rendre service à la paix, à la sécurité, à la justice dans la région passe non seulement par une condamnation claire de l’attitude du pouvoir israélien, mais par de nouveaux actes politiques internationaux pour imposer la création d’un État pour le peuple palestinien, de telle sorte qu’il puisse vivre en paix, en harmonie, en coopération aux côtés du peuple israélien. C’est urgent ! Ces jours-ci, l’armée israélienne a encore assassiné de sang-froid par tirs de missiles plusieurs Palestiniens au nord de la bande de Gaza et trois autres à Naplouse en Cisjordanie. Un rapport des chefs de mission de l’Union européenne est accablant pour la stratégie israélienne dans la partie orientale de Jérusalem. La présidence suédoise du Conseil européen a fait adopter, il y a quelques semaines un texte intéressant. Cette attitude est bien plus positive que celle de la présidence française de l’Union

européenne qui s’apprêtait à « rehausser » les accords de coopération avec l’État d’Israël. Mais il faut maintenant des actes politiques et diplomatiques clairs : l’Union européenne peut et doit éteindre l’accord d’association qui la lie à Israël tant que la colonisation se poursuit, tant qu’on détruit les maisons des Palestiniens à Jérusalem Est, tant qu’on ne libère pas les prisonniers politiques, tant qu’on ne fait pas droit au retour de tous les réfugiés, tant que le mur de la honte et ces abominables points de passage resteront debout. M. Obama doit passer des discours aux actes. Les autorités françaises doivent agir avec la même énergie pour obtenir la liberté pour le soldat Shalit et pour Salah Hamouri. Cette région du monde sera une poudrière tant que le droit du peuple palestinien ne sera pas respecté. Le temps presse ! Ceux qui se taisent se rendent complices d’une tragédie aux conséquences incalculables pour l’humanité tout entière. La justice et la paix n’ont plus le temps d’attendre. N’oublions pas Gaza ! Claude Delevacq

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LE RÉVEIL international

Hongrie

Raisons d’un retour au nationalisme radical Le Mouvement pour une Hongrie meilleure concourra aux élections législatives d’avril. Le moins qu’on puisse dire c’est que Jobbik, c’est ainsi qu’il s’appelle en hongrois, porte mal son nom. Cette force d’extrême droite a obtenu trois députés et 15 %, lors des dernières européennes en juin 2009. C’est le plus fort parti d’extrême droite des pays de l’Est. Il souhaite retrouver les frontières de la Grande Hongrie, celle d’avant le traité de Trianon qui, en 1920, laissa certaines minorités hongroises hors des frontières (en Slovaquie et Roumanie notamment). Pire que son résultat électoral, c’est le venin que ce parti injecte à la société magyare qui inquiète. Depuis plus de deux ans maintenant, cette formation fait flotter sur le pays un parfum des années trente : exécutions de Roms, parades paramilitaires, tirades antisémites. Dernière exaction de la bête immonde en pays Magyar, les menaces proférées à l’encontre de Vilmos Hanti, responsable de l’association antifasciste Measz. Lors de commémorations à l’occasion du 65e anniversaire de la mort du résistant Endre Bajcsy-Zsilinsky, le 23 décembre dernier, Vilmos Hanti n’a pas hésité à faire un parallèle entre extrême droite contemporaine et fascistes d’hier. De 1944 à 1945, installé par Hitler, le Parti des croix-fléchées a dirigé le pays. Il existait depuis 1935. Suite à sa comparaison, Vilmos Hanti s’est fait traiter de « juif traître à la patrie » sur un site Internet d’extrême droite. Si dans ce cas précis le Jobbik n’est pas directement impliqué, on voit ses responsables s’en prendre directement aux juifs, au nombre de 150 000 dans ce pays de 10 millions d’habitants. Ainsi Krisztina Morval, étoile montante du Jobbik est coutumière du fait, en des termes que nous ne reproduirons pas 22 -

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ici. L’antisémitisme est assumé. Un groupe de motards proche du parti se dénomme les « motards goy » au motif que les juifs eux-mêmes appellent les non juifs des goys… En mars dernier, en pleine crise politique, un journal d’extrême droite, Magyar forum, faisait sa une sur le « danger Suranyi ». Quoi que l’on puisse penser de la politique de György Suranyi, cet ancien gouverneur de la Banque de Hongrie pressenti pour être premier ministre, l’attaque est indigeste. La photo était auréolée d’une étoile jaune. Mais la principale cible du parti est la population Rom, accusée d’être criminelle, pauvre et assistée. Ils sont cinq cent mille dans ce pays de dix millions d’habitants. Et, selon les statistiques, leur taux de chômage était en 2007 de 60 %, contre 7,2 % pour le reste de la population. Les attaques verbales régulières commencent à produire leurs pires effets. 50 % des Hongrois pensent que les Roms sont génétiquement criminels, estime le chercheur Andrazs Kovaks dans Le Monde (1). En 2008, on comptait au moins seize attaques aux

cocktails Molotov, aux grenades ou autres armes contre des villages Roms. Pis, depuis novembre 2008, les meurtres non élucidés au sortir des villages se multiplient. En février 2009, un père rom et son fils de quatre ans étaient tués à coup de fusil. Le corps du garçonnet était criblé de 17 balles. Cet été une autre rom, Maria, était exécutée par balle. Ce climat inquiète jusqu’aux autorités. A la mi-2009, elles ont fait interdire la Garde hongroise, une véritable formation paramilitaire qui compte des milliers de membres et n’est pas sans rappeler les Croix fléchées. La Garde hongroise s’est notamment fait connaître en défilant en uniforme dans les agglomérations peuplées à majorité de Roms. Cette résurrection du pire nationalisme hongrois, celui en vigueur dans les années 1930 et 1940, qui touche une partie de la population hongroise ne vient pas de rien. Après la césure du Rideau de fer, les réformes économiques libérales ont secoué ce pays. Certaines zones, comme dans le nord-est du pays ont été laissé dévastées, sans investissements sérieux. Ces dernières années, l’état social hérité de la période socialiste a été fortement attaqué. Tel le système de soin, de relativement bonne qualité. On a ainsi vu en 2008 la droite organiser un référendum contre la mesure du gouvernement socialiste d’instaurer une franchise médicale… et le gagner. La politique du gouvernement socialiste de Ferenc Gyurcsany n’aura fait que nourrir l’extrême droite. Pour ramener les déficits publics de 9,2 % en 2006 à 3,3 % en 2008 avec le secret espoir de


INTERNATIONAL LE RÉVEIL

rejoindre l’euro, Gyurcsany a instauré une politique d’austérité : suppression du 13e mois pour les fonctionnaires, diminution des pensions des retraités, augmentation de la TVA. Des mesures d’autant plus mal acceptées que le premier ministre avait menti sur la situation financière du pays pour se faire réélire en 2006. L’affaire avait été révélée par la suite. En 2006 et 2007, l’extrême droite en avait fait un cheval de bataille, convoquant des manifestations violentes. L’épisode l’a laissé sans soutien populaire et a surtout nourri les forces populistes. L’espoir européen s’est évanoui. Les citoyens pensaient rejoindre le niveau de vie de l’Allemagne. La crise leur a montré que la solidarité continentale n’était qu’un leurre. En 2008-2009, il a été parmi les pays les plus gravement touchés par la crise financière avec l’Islande et les Pays Baltes. Au Conseil européen de mars 2009, Gyurcsany a proposé un plan d’aide de 180 milliards d’euros de la part de l’UE en faveur des pays de l’Est. Il a été gentiment éconduit par les autres États, y compris ceux dirigés par la gauche, qui l’ont renvoyé vers le FMI. C’en était trop, il a démissionné. Et laissé la place à la droite. Le nouveau premier ministre Gordon Bajnai n’améliorera guère la situation. Pour financer sa dette, le gouvernement a dû contracter un prêt de 25 milliards auprès de la Banque mondiale et du FMI. Ce qui conduit le nouveau chef de l’exécutif qui ne promet que « du sang et des larmes » à son peuple à poursuivre la politique de son prédécesseur. Gaël De Santis (1) Édition du 18/07/2009

De graves menaces antisémites ont été proférées par un site d’extrème droite à l’égard de notre ami Vilmos Hanti, militant antifasciste hongrois. Avec la Fédération internationale des résistants, nous l’assurons de notre entière solidarité.

Pour un nouvel ordre monétaire

international Comme souvent, le Président de la République aborde de vrais problèmes et leur apporte des réponses inadaptées, répondant, pour l’essentiel, aux intérêts de la grande bourgeoisie française. À l’occasion du colloque Nouveau monde, nouveau capitalisme, il a évoqué deux thèmes appelés à rester à l’ordre du jour : l’avenir du système monétaire international et la capacité des États à faire face à une nouvelle crise. « Le monde est multipolaire, le système monétaire doit devenir multi monétaire », a déclaré Nicolas Sarkozy. La pique contre le roi dollar est évidente. Pour autant, le propos vise moins à contester sa domination qu’à réclamer pour l’euro une place à ses côtés. Il témoigne néanmoins de la maturation de la revendication d’une émancipation du système monétaire international vis-à-vis du billet vert, devenue une question politique mondiale. Quatre-vingt-dix pour cent des exportations et 93 % des importations chinoises sont libellées en dollar. Le tiers des échanges extérieurs de la zone euro est aussi dans ce cas. On comprend que cette situation de dépendance crée des problèmes : ainsi, en Europe, quand le dollar baisse, cela fragilise les exportations ; quand il augmente, cela renchérit la facture énergétique. En même temps, personne n’a intérêt à un effondrement du dollar. La Chine, par exemple, subirait un préjudice considérable. Il faut créer un front à l’échelle internationale à partir de mobilisations populaires, les États seuls ne parviendront pas à élaborer une alternative favorable au bien commun des peuples. La construction d’un nouvel ordre monétaire international à partir d’une monnaie commune de coopération et de développement est impérative pour éviter qu’une nouvelle crise ne survienne.

En second lieu, Nicolas Sarkozy a déclaré : « Si la crise devait repartir, les États ne seraient plus la digue qu’ils ont été car nous avons utilisé la plus grande part de nos marges de manœuvre. » Sacré aveu ! Le premier dirigeant de l’État reconnaît que la puissance publique a tiré l’essentiel de ses cartouches. Il essaie, lui, de reconstituer son stock de munitions par la réduction de la dépense publique. Cela fait mal aux Français et c’est inefficace. La crise que nous venons de vivre résulte d’une suraccumulation de titres de dettes privées qui se sont effondrés et ont été pris en charge par les États et les banques centrales, au point que l’on en vienne à constater une suraccumulation de titres de dettes publiques. Si cela s’écroule de ce côté-là aussi, cela risque de faire très mal. La voie à défricher doit donc à la fois éviter l’austérité drastique et le krach. Cela suppose des réformes radicales mettant en cause le système. La solution n’est pas dans un « nouveau capitalisme » mais plutôt dans une rupture. Claude Delevacq

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LE RÉVEIL Vos droits

Allocation différentielle de solidarité 2010 pour les conjoint(e)s survivant(e)s de ressortissants de l’ONAC L’ONAC vient d’adresser aux préfets et aux directeurs et directrices de ses services départementaux, une instruction relative à l’attribution de l’ADSCS pour 2010. Cette circulaire officialise le plafond de 800 euros (au lieu de 750) en matière de ressources mensuelles des demandeurs. Elle rappelle les quatre conditions d’éligibilité qui se conjuguent : - justifier de la qualité de conjoint(e) survivant(e) de ressortissant de l’ONAC, - être âgé(e) de 60 ans minimum au moment de la demande, - ne pas avoir plus de 800 euros de ressources mensuelles, - avoir une résidence stable, effective et régulière en France, soit au moins 9 mois sur 12.

Conditions de résidence • Les étrangers non ressortissants de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen doivent être titulaires, depuis au moins 5 ans, d’un titre de séjour les autorisant à travailler. • Les ressortissants de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Suisse doivent remplir les conditions d’obtention d’un droit de séjour et avoir résidé en France durant les 3 mois précédant leur demande de RSA.

Détermination des conditions de ressources L’ADSCS s’ajoute à l’ensemble des ressources, à l’exception de l’aide au logement, soit, selon les cas, salaires, allocations chômage, RSA (revenu de solidarité active), indemnités journalières, pension PMI ou pension d’invalidité Sécurité sociale, rente accident du tra24 -

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vail, Allocation adulte handicapé, prestations familiales perçues (allocations familiales, de parent isolé, de soutien familial, etc), Allocation personnalisée d’autonomie (APA), pensions alimentaires perçues, retraite principale et de réversion, Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), retraites complémentaires, revenus immobiliers, de capitaux mobiliers, autres rentes, revenus, indemnisations et allocations, etc. Et le total de tout cela ne doit pas dépasser les 800 euros ! On comprend qu’il y ait un nombre restreint de demandes, d’autant que le montant du loyer (de 300 à 600 euros bien souvent) n’est toujours pas déduit des ressources. Cette allocation tient plus de l’aumône que de la solidarité… D’autant que, si la ou le demandeur doit justifier de ses ressources (avis d’imposition ou de non-imposition 2008, déclaration pré-remplie 2008, ses trois derniers relevés de compte bancaire ou une attestation de son organisme bancaire indiquant le montant des ressources perçues, une notification de ses droits à l’APA ou une déclaration sur l’honneur de non perception de l’APA, une photocopie du livret de famille), le montant de l’ADSCS n’est pas des plus mirobolants. • De 60 à 65 ans ADSCS/800 euros - RSA/405 euros = 395 euros/mois Si ressources plus importantes que RSA : 800 euros - x = la différence.

• 65 ans et plus ADSCS/800 euros - ASPA/677 euros = 123 euros/mois Si ressources plus importantes que ASPA : ADSCS/800 euros – x = la différence.

Attribution, rejet, versements Les décisions d’attribution ou de rejet relèvent de la commission compétente du service départemental de l’ONAC. En cas de rejet de la demande, la décision peut faire l’objet d’appel devant ce service départemental. Si celui-ci confirme le rejet, un recours peut être interjeté auprès de la Commission nationale des conflits de l’ONAC (2 réunions par an). L’allocation est versée trimestriellement terme à échoir (versée au début de la période pour laquelle elle est due). Par contre, tous les versements inférieurs à 30 euros par mois seront payés annuellement terme à échoir.

Attention A compter du 1er avril 2010, le montant de l’ASPA sera revalorisé à 708 euros/mois (au lieu de 677 actuellement). D’où une baisse différentielle de l’ADSCS = 800 – 708 = 92 euros/mois (au lieu de 123). Soit une hausse faramineuse… ramenée à 6 centimes d’euros par jour !


Vos doits LE RÉVEIL

Victimes des essais nucléaires Parution de la loi sur l’indemnisation

La loi n° 2010-2 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français a été promulguée le 5 janvier 2010 et est parue au Journal officiel du 6 janvier. Cette loi comprend 8 articles dont nous résumons ci-dessous la teneur.

• Article 1

Affirmation du droit à réparation intégrale pour toute personne souffrant d’une maladie radio-induite résultant d’une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français. Si la personne est décédée, la demande peut être présentée par ses ayants droit.

• Article 2

Il définit les dates et les lieux retenus : - 13 février 1960 au 31 décembre 1967, au centre saharien des expérimentations militaires, - 7 novembre 1961 au 31 décembre 1967, au centre d’expérimentations militaires des oasis ou dans les zones périphériques à ces centres, - 2 juillet 1966 au 31 décembre 1998, atolls de Mururoa et Fangataufa, - 2 juillet 1966 au 31 décembre 1974, dans des zones de Polynésie française inscrites dans un secteur angulaire, - 2 juillet 1966 au 31 décembre 1998, dans certaines zones de l’atoll de Hao, - 19 juillet 1974 au 31 décembre 1974,

dans certaines zones de l’Ile de Tahiti. Les zones et secteurs angulaires seront délimités par un décret en Conseil d’État.

• Article 3

Il traite de la justification, par le demandeur, de son séjour ou de sa résidence dans les zones définies, ainsi que de la maladie de référence dont il est atteint.

• Article 4

Il décrit le processus de demande et le traitement du droit à réparation. - Les demandes individuelles d’indemnisation sont soumises à un comité d’indemnisation. Les ayants droit des victimes décédées peuvent saisir ce comité d’indemnisation durant un délai de 5 ans à compter du 5 janvier 2010. - Le comité examine si les conditions de l’indemnisation sont bien réunies. Le comité fait procéder à toute investigation scientifique ou médicale utile. Le principe du contradictoire est respecté et le demandeur peut être assisté par une personne de son choix. - Dans les 4 mois qui suivent l’enregistrement de la demande, le comité présente au ministre de la Défense une re-

commandation sur les suites à donner. Ce délai peut être porté à 6 mois en cas d’expertises médicales. Le ministre a alors 2 mois pour notifier au demandeur son offre d’indemnisation… ou le rejet motivé de sa demande. Les délais d’instruction des demandes seront portés à 8 mois à partir de 2011. - Un décret du Conseil d’État déterminera la composition du comité d’indemnisation, son organisation, les éléments du dossier de demande, les modalités d’instruction de celle-ci, notamment pour le respect du contradictoire et des droits de la défense.

• Article 5

L’indemnisation est versée sous forme de capital… d’où seront retenues toutes les réparations déjà perçues, notamment le montant actualisé des pensions éventuellement accordées.

• Article 6

L’acceptation de l’offre d’indemnisation… rend irrecevable toute autre action juridictionnelle visant la réparation du même préjudice.

• Article 7

Le ministre de la Défense réunit au moins deux fois par an une commission consultative de suivi des conséquences nucléaires. Cette commission comprend 19 membres désignés selon les modalités d’un décret en Conseil d’État. Cette commission peut se réunir sur décision de la majorité de ses membres et peut adresser au ministre de la Défense et au Parlement des recommandations quant à l’application de la loi et des modifications éventuelles de la liste des maladies radio-induites.

• Article 8

Il traite de l’introduction de ce droit à réparation par un article 33 ter dans l’article 81 du code général des impôts.

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LE RÉVEIL Vos droits

Mention « Mort en déportation »

Un nouveau décret Le décret n° 2009-1756 du 30 décembre 2009 (paru au JO n° 0303 du 31 décembre) modifie le décret n° 86-66 du 7 janvier 1986 portant application de la loi n° 85-528 du 15 mai 1985 sur les actes et jugements déclaratifs de décès des personnes mortes en déportation. Ce décret modifie le premier alinéa du texte existant et précise que désormais : « La demande tendant à faire porter sur un acte de décès la mention « Mort en déportation » et, le cas échéant, à faire rectifier cet acte, est déposée auprès du service départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre du domicile du demandeur. Elle est accompagnée d’un acte de décès. »

Loi de finances 2010

C’est maigre pour les ACVG La loi de finances pour 2010, telle que votée par le Parlement, a été publiée au Journal officiel du 31 décembre 2009. Elle contient dans le chapitre II (autres mesures) trois articles concernant les anciens combattants et les victimes de guerre. Nous en résumons ici le contenu. • Article 113 A compter du 1er juillet, la retraite du combattant sera calculée sur l’indice 43 au lieu de 41.

• Article 114 Le gouvernement remettra au Parle26 -

LE RÉVEIL - N° 759 - Février 2010

ment, au plus tard le 31 décembre 2010, un rapport évaluant les dispositifs de prise en charge des conjoints survivants ressortissants de l’ONAC et du code des pensions PMI. Et il proposera, le cas échéant (souligné par nous, Réveil) des mesures en faveur des conjoints survivants aux revenus les plus modestes. Le gouvernement, on le voit, ne prend pas de risque !

- à 400 (au lieu de 350) l’indice de majoration de pension pour les veuves de grands invalides bénéficiaires de l’article L18 et de l’allocation n° 5 bis (b), - à 310 (au lieu de 260) l’indice de majoration de pension pour les veuves dont le défunt bénéficiait de l’article L18 et de l’allocation n° 5 bis (a).

• Article 115

Voilà, n’en cherchez pas plus : c’est tout. Quand on vous le disait qu’il était bien trop maigre ce budget.

L’article L 52-2 du code des PMI est modifié afin de porter :

AF


VIE DE L’ARAC LE RÉVEIL

Saint-Vran (Côtes-d’Armor)

Exposition « Sur Sur les pas d’Henri Barbusse » Barbusse Faire connaître Henri Barbusse : un nécessaire travail de mémoire. Du 9 au 15 novembre 2009 a été présentée l’expo intitulée « Sur les pas d’Henri Barbusse » pour la commémoration de la fin de la guerre de 14/18 , en partenariat avec la municipalité de Saint-Vran. Monique Delevacq, animatrice de l’expo et dirigeante départementale de l’ARAC, a remercié le maire, Armelle Dessaudes et la municipalité. Brigitte Petereau, conseillère municipale, nous a épaulés pendant toute la durée de l’exposition. Un bon nombre de visiteurs ont apprécié notre initiative et nous réfléchissons déjà à faire une autre exposition sur un autre thème. La section de l’ARAC Laurenan/SaintVran a été la première section des Côtes-d’Armor. Il nous faut maintenant militer pour la paix, l’amitié, la solidarité entre les peuples, la mémoire, l’antifascisme pour les plus jeunes qui ne sont pas anciens combattants mais qui veulent garder l’esprit et les valeurs de l’ARAC. Le titre de « Reconnaissance de la Nation » à été décerné à Guy Bourdin.

Comité départemental de la Nièvre

Le 19 mars 1962 :

Seule date historique du cessez-le-feu en Algérie

Daniel Berthelot, membre du Bureau national de l’ARAC, a été interviewé dans le magazine Nevers ça me botte ! Du bon travail de communication pour faire connaître et faire rayonner notre association dans la ville de Nevers et son engagement solidarité grâce à l’ARAC. Daniel Berthelot, dont la jeunesse fut marquée par le conflit algérien, s’investit naturellement depuis près de quarante ans au sein de l’ARAC : « Aujourd’hui la lutte continue pour les droits fondamentaux. Nous nous efforçons de perpétuer le souvenir. D’ailleurs, j’insiste sur le fait que la date historique du cessez-le-feu en Algérie ne peut être que celle du 19 mars 1962. Je me bats pour les droits des ACVG, en terme de pensions, de retraites, pour les

conjoints, mais je veux travailler surtout sur le travail de mémoire, pour que personne n’oublie, en tachant de sensibiliser au maximum les nouvelles générations. Pour que la paix soit un mot d’ordre… »

ARAC 91 Un OPEX à l’honneur Lors de la cérémonie du 11 novembre 2009 au monument aux morts de Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne), le maire, Olivier Léonhardt, assisté du président local de l’ARAC, Jacques Defresne, a remis la Croix du combattant

à notre camarade (OPEX) Jao de SousaFerreira. De nombreux amis étaient présents ainsi que sa famille, venue spécialement du Portugal, et une délégation de l’Association portugaise intercommunale.

ARAC Bouches-du-Rhône

Solidarité au député honoraire L’ancien député des 15e et 16e arrondissements de Marseille, Frédéric Dutoit est cité en justice pour avoir « justifié » de l’appellation 19 mars 1962 fin de la guerre d’Algérie. Nous l’avons déjà soutenu de notre présence et de nos drapeaux, afin d’agir contre ce véritable déni de l’histoire, des accords d’Evian, du cessez-le-feu, précédés par le référendum sur l’indépendance de l’Algérie voté à 91 % par la Nation. février  2010 - N°759 - LE RÉVEIL

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LE RÉVEIL VIE DE L’ARAC

Ils nous ont quittés Georges Esquerré Notre camarade Georges Esquerré qui s’était retiré à Cosne-sur-Loire (Nièvre) où il animait activement la section de l’ARAC, nous a quittés le 17 janvier dernier. Georges était bien connu des membres du Conseil national dont il était devenu membre d’honneur depuis 2007, après des années de participation à la direction. Le Secrétariat national présente ses condoléances émues à tous les membres de sa famille au nom du Conseil national.

Michel Favre Notre camarade Michel Favre, qui fut longtemps président du comité départemental de l’ARAC Charente, membre de son Conseil national, ancien président de l’UDAC et du Bureau national de l’UFAC nous a quittés le 7 janvier 2010. C’est un militant de valeur qui vient de disparaître. A son épouse et à ses deux filles, le Secrétariat national présente ses sincères condoléances au nom du Conseil national.

Afghanistan / Refuser tout nouveau renforcement des troupes françaises! L’ARAC exprime son émotion suite à la mort de sept soldats en Afghanistan dont trois Français. D’autres soldats sont dans un état critique. 
Contrairement aux déclarations consternantes du général Mac Chrystal, qui commande les forces internationales, la situation en Afghanistan n’a jamais été aussi grave depuis l’envoi des troupes, avec des pertes record en 2009 : 520 tués pour l’ensemble de la coalition et 39 soldats français sont morts depuis 2001, dont 12 en 2009. Cette hécatombe dramatique et inacceptable doit s’arrêter. Il n’y a pas de solution militaire. Même le chef d’étatmajor américain, Michael Mullen, a récemment prévenu qu’il y aurait davantage de pertes avec l’arrivée des renforts décidés par Obama. Cette situation particulièrement grave montre l’impasse de la guerre de l’OTAN en Afghanistan. Le Président Nicolas Sarkozy doit en tirer immédiatement les conséquences qui s’imposent

et refuser tout nouveau renforcement des troupes françaises, sous quelque forme que ce soit. Nicolas Sarkozy a entamé le crédit de la France en ayant adopté déjà trois 
positions différentes sur le rôle français en Afghanistan. Aujourd’hui, il doit assumer l’échec d’une stratégie militaire sans issue. C’est la stratégie de l’OTAN et l’instrumentalisation des Nations unies pour la légitimer qui sont en cause. L’ARAC réitère son exigence du retrait des troupes de l’Alliance atlantique et en particulier des troupes françaises.

 Il faut ouvrir une autre perspective au peuple afghan fondée sur la sécurité et la paix par la reconstruction, dans tous les domaines, par la recherche d’une solution politique avec l’ensemble des pays concernés dans la région, par une aide massive au développement et l’implication de l’ONU sur la base des principes de sa Charte. Communiqué du 14 janvier 2010

NOS PEINES février 2010 Le Réveil des Combattants adresse aux familles et aux amis de nos camarades décédés ses sincères condoléances. AISNE (02) Hirson : Jean DRUBIGNY, 74 ans, AC ATM. ALPES-MARITIMES (06) Peymeinade : André PARRAS, AC 39-45. ARDECHE (07) Aubenas : Mme Paulette CHOLVY, 73 ans, Résistante. AUDE (11) Narbonne : Gabriel, Pierre CORDEILLA, AC ATM. BOUCHES-DU-RHONE (13) Fos-sur-Mer : Pierre CLASTRIER, 72 ans, ami. Raymond VANDENDRIESSCHE, 69 ans, AC ATM, porte-drapeau. Pelissanne : François DURANTI, 84 ans, AC 39-45. Francis PERRIN, 86 ans, AC 39-45. Raymond ROUSSET, 72 ans, AC ATM. FINISTERE (29) Brest : Jean L’HOSTIS, 72 ans, AC ATM.

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HAUTE-GARONNE (31) Launaguet : Jacques GUILHEM, AC 39-45. Toulouse centre : Aimé CAZETTES, 94 ans, AC 39-45. GIRONDE (33) Bordeaux 1er : Mme Raymonde PARTARRIEU, 89 ans, veuve. Elle fut la trésorière du comité départemental pendant plus de 20 ans. Elle a été inhumée le 21 janvier accompagnée par 12 drapeaux. HERAULT (34) Lodève : Mme Solange ALINAT, veuve. LOIRE ATLANTIQUE (44) Orvault : Gilbert HAMON, 74 ans, AC ATM. LOT-ET-GARONNE (47) Fourques-sur-Garonne : JeanClaude LAMOTHE, AC ATM. Layrac : Paul CORNUT, 93 ans, AC 39-45.

Miramont : Pierre SUBLÉ, 88 ans, AC 39-45. NIEVRE (58) Fourchambault : Maurice BARON, AC 39-45. Serge BRAEMS, AC ATM. Antoine ESTELVINO, AC 39-45. Christian TERRADE, AC ATM. OISE (60) Thourotte : Mme Ginette MAILLET-FALORNI, amie. HAUTES-PYRENEES (65) Soues : Roger SABALZA, 74 ans, AC ATM. PYRENEES-ORIENTALES (66) La Tour-de-France : Elie COLOMES, 90 ans. SAONE-ET-LOIRE (71) Gueugnon : Mme Lazarette PERRIN, veuve. Mme Marie RENAUD, veuve de déporté. HAUTE-SAVOIE (74) Annecy : Louis SILVA, 95 ans, Résistant.

PARIS (75) RATP : Sante SEGRETO, AC 39-45. SEINE-MARITIME (76) Le Havre : Serge GERETTO, 76 ans, AC ATM. SOMME (80) Saint-Blimont : Guy QUENNEHEN, 72 ans, AC ATM, vice-président et porte-drapeau de la section. VAUCLUSE (84) Bollène : Charles MONIER, AC 3945. Pierre SOLER, AC ATM. Monfavet : Baptistin FERARRIS, AC 39-45. VIENNE (86) Usseau : Marcel FARVAULT, 93 ans, AC 39-45. YONNE (89) Migennes : Raymond DERAT, AC 39-45.


VIE DE L’ARAC LE RÉVEIL

ARAC 72

Dernière minute

Les victimes des essais nucléaires

Témoignages communs de Jacques Rocheteau, de l’ARAC Sarthe et du Collectif AVEN 72 (Algérie / Sahara - Reggane Sahara 1961-1963) et de Michel Rousseau ARAC 72 – AVEN 72 Pacifique (Mururoa 1969-1972). 5 janvier 2010, promulgation d’une loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Près de 50 ans d’attente pour obtenir une reconnaissance officielle de l’État français envers ces victimes militaires et civiles suite aux essais nucléaires en Algérie/Sahara et en Polynésie française. Mais cette loi est trop restrictive et ne permettra que l’indemnisation d’une minorité de victimes. 13 février 1960, un essai nucléaire en atmosphère (Gerboise Bleue, voir film) à Reggane. 1er mai 1962, un essai à In Ekker au Sahara (Beryl avec accident et nuage radioactif sortant de la montagne) soit 17 essais au Sahara. 2 juillet 1966, un essai en Polynésie (Mururoa, Fangataufa, 193 essais) soit au total 210 essais. D’après les autorités militaires « essais propres, rien à craindre des retombées radioactives », « secret défense ». Aujourd’hui grâce aux actions des associations AC, de l’ARAC et des AC Amies, de l’AVEN (Association des vétérans des essais nucléaires en France créé en juin 2001) de Nornora et Tatou (Ass-cu Polynésie créé en juillet 2001), du soutien des médias (films-colloques), du dépôt de 18 projets de loi par des parlementaires, nous espérions une loi de justice et de vérité totale mais de

nombreux points importants restent à faire évoluer : • La présomption d’origine • La création d’un fonds d’indemnisation indépendant • La révision des zones géographiques des retombées • La désignation explicite des associations membres de la commission de suivi de l’application de la loi • La prise en compte des conséquences environnementales • L’élargissement de la liste des maladies (au même niveau que la liste reconnue internationalement et en fonction de l’évolution des recherches médicales • Un titre de reconnaissance • Un point très important : - l’accès pour les ayants droit (veuves et enfants malades) à l’indemnisation concernant leurs préjudices propres (voir témoignage), - un suivi médical indépendant pour l’ensemble du personnel civil et militaire ayant séjourné sur un site d’essai jusqu’en 1998 (au nom du principe de précaution). Extrait du témoignage de M. Duranoet, présent sur zone en Polynésie pour les cinq tirs de 1968 (embarqué sur AE Henry) : « Mon fils (unique) de 30 ans est polyhandicapé la source et la souche sont inconnues, maladie non étiquetée, apparemment non évolutive. Le professeur Aicardi de Necker nous a simplement recommandé de ne pas avoir d’autres enfants après lui avoir signalé mes antécédents sur les essais nucléaires (réflexion faite en 1998). La loi ne parle pas de maladies radio-induites transmissibles et c’est là que nous ne pouvons être d’accord avec le texte. » Cher(e)s adhérent(e)s de l’ARAC, apportez tous vos soutiens aux actions de l’AVEN et de Mururoa et Tatou afin d’améliorer cette loi restrictive pour le droit à réparation envers ces victimes doit être respecté.

ONAC Manifestation des personnels devant le conseil d’administration à Paris

Le mercredi 3 février, un nombre important de personnels des écoles de réinsertion professionnelle de l’ONAC ont manifesté, devant le Cercle national des Armées où siégeait le conseil d’administration, leur colère et leur refus de voir les ERP et les maisons de retraite quitter l’ONAC au profit d’une fondation de droit privé. Dans le cadre de la RGPP (Révision générale des politiques publiques) et de la disparition de la DSPRS du secrétariat d’État aux Anciens Combattants (Direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale) mise en oeuvre par la volonté du Président de la République en décembre 2007, un projet de loi et une série de décrets prévoient de sortir de l’ONAC les ERP et les maisons de retraite pour en faire cadeau à une « Fondation pour la solidarité et la mémoire combattante » soumise à l’approbation du Parlement à l’automne prochain. Ce projet de loi a été présenté au conseil d’administration de l’ONAC, le 3 février dernier, qui lui a donné son aval (38 pour, 3 contre et 6 abstentions) sans porter une réelle attention aux protestations des personnels, à la grève dans les ERP, aux déclarations de tous les syndicats représentatifs de l’ONAC, ni aux mises en garde successives d’André Fillère, administrateur de l’ONAC et vice-président honoraire de l’ARAC. Le projet de loi devrait venir devant le Parlement en octobre prochain. Sans attendre, l’ARAC lance donc un appel à l’ensemble du Mouvement AC et à l’opinion publique pour soutenir les personnels en lutte pour la pérennité de leurs missions au sein de l’ONAC. février  2010 - N°759 - LE RÉVEIL

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LE RÉVEIL magazine

Blanche Maupas La veuve de tous les fusillés* fusillés Macha Séry et Alain Moreau. Ed l’Archipel. 17,95 euros.

Souain, en champagne, 1915… Déjà plus d’un million de morts, des ordres d’assauts irréalisables. Le général Reveilhac (dit Pipe-en-bois) commandant la 60e division, donne l’ordre à son artillerie de tirer sur les tranchées françaises du 336e régiment. Le Colonel Bérubet refuse. L’armée est enlisée. Les noms de quatre caporaux sont alors tirés au sort : Théo Maupas, Louis Lefoulon, Louis Girard et Lucien Lechat. Ils seront fusillés « pour l’exemple » le 17 mars après un simulacre de jugement. Théo était instituteur et secrétaire de mairie à Chefresne et Blanche le remplacera lors de sa mobilisation. Elle n’accepte pas la déclaration officielle : « a été passé par les armes après dégradation militaire pour refus d’obéissance ». Elle refuse cette « mort ignominieuse » qui fait que tout le village, ou presque, tourne le dos à la « femme du traître », dont le corps est refusé au carré . Elle est elle-même menacée d’être destituée de son poste d’institutrice. Elle se bat, recueille les témoignages de compagnons de Théo, reconstitue les faits.

Le combat de Blanche Aidée par la Ligue des droits de l’homme, les syndicats d’instituteurs, les francs-maçons du Grand-Orient de France, des associations d’anciens combattants (dont l’ARAC qui éleva alors des monuments à la mémoire des fusillés, tel celui de Riom en 1922 à la mémoire de ceux de Vingré, Fleury, Fontenay, Monteauville et Souan). Blanche, 30 -

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dont toutes les requêtes officielles ont été rejetées des années durant, finit par obtenir que soit constitué un tribunal spécial pour la révision des sentences des conseils de guerre. Il est constitué d’anciens combattants et va siéger du 27 mai 1933 au 12 janvier 1935. Sur 41 affaires, 26 aboutiront à la réhabilitation des victimes, dont celle des 4 caporaux de Souain, le 2 mars 1934, soit 19 ans après le crime, 14 ans après la fin de la guerre.

Les sentiers de la gloire… et de la lutte contre l’oubli En 1935, l’américain Humphrey Cobb, engagé à 17 ans dans l’armée canadienne pour combattre en France, lit dans son journal que « les Français réhabilitent quatre fusillés pour désobéissance en 1915. Les veuves obtiennent chacune un franc de dommages et intérêts ». Il écrit alors un roman inspiré de cet épisode, Paths of Glory, que le grand réalisateur Stanley Kubrick adaptera au cinéma sous le titre Les sentiers de la gloire, interprété notamment par Kurk Douglas. Près de 600 soldats français ont été exécutés « pour l’exemple ». Moins de 40 seulement ont été réhabilités. En 1997, Lionel Jospin, alors Premier Mi-

nistre, demande que les victimes des conseils de guerre soient réintégrées dans la mémoire collective. Jacques Chirac, Président de la République, le rappelle à l’ordre. Son successeur, Nicolas Sarkozy, les évoque à son tour, dans son discours qui vise, en fait, à faire sur eux retomber le rideau du passé. Le 1er décembre 2007, la ville de Suippes, où siégea le Conseil de guerre en 1915, a inauguré un monument à la mémoire des caporaux de Souain. Le nom de Théo Maupas a été donné à des rues de Villeurbanne, Brehal et Sertilly. L’école de Percy (Manche) est devenue école Blanche et Théophile Maupas en 1938. Et toujours, inlassablement, l’ARAC, la Libre Pensée, la Ligue des droits de l’homme multiplient les initiatives publiques pour amener le gouvernement et le Président de la République, redevenu muet, à s’engager enfin sur le chemin de la réhabilitation des centaines de fusillés pour l’exemple français, seuls au monde à n’avoir pas encore été réhabilités, contrairement à leurs frères d’armes anglais, américains et allemands. * De ce livre émouvant a été tiré un téléfilm tout aussi émouvant interprété par Romane Bohringer, diffusé sur France 2 et disponible en DVD chez Koba Films Vidéo.

Séverine Vie et combats d’une frondeuse (1855-1929) Evelyne Le Garec. Ed L’Archipel. 19,95 euros Première journaliste et grand reporter, elle combat pour les droits de l’homme, pour l’abolition de la peine de mort et rêve avec Jules Vallès (dont elle fut la collaboratrice et l’amie) d’une Ligue des droits de l’enfant. Féministe, elle réclame pour les femmes le droit d’étudier, de divorcer et d’avorter. Engagée, elle l’est aux côtés des « pauvres de toujours », considérant que « la misère tue plus de gens que la mitraille ». Libertaire et antimilitariste, elle prend parti dans l’affaire Dreyfus, contre le mensonge. Pionnière

de l’antiracisme, elle appelle à « libérer la race blanche des fers du préjugé » et dénonce, dès 1925, le fascisme et ses « troupes fanatisées ». Rencontrant Henri Barbusse, elle se jette spontanément dans ses bras pour lui dire combien Le Feu l’a guidée dans son évolution. « Il faut toujours dire la vérité » seront les dernières paroles de Caroline Rémy, dite Séverine, dont un choix de 19 articles publiés entre 1886 et 1903 complète ce livre.


VIEMagazine DE L’ARAC LE RÉVEIL

Paris est tout petit

drôle d’étoile, c’est une triste vie ». Avec Les clefs de la ville, c’est au capitalisme que Prévert s’en prend :

Jacques Prévert. Ed. Le Cherche Midi. 5 euros

Les clefs de la ville sont tachées de sang…

Et Jacques Prévert si grand ! Qui raconte Paris à sa manière : poèmes, chansons, souvenirs, feuilletons, chacun de ses textes est né d’une rencontre avec un lieu, un être, une silhouette, une image, une odeur, une couleur en 128 pages et 60 textes en vers ou prose. Outre l’excellente introduction, Prévert sur Seine, de Jean-Paul Liegeois, ce livre a le grand mérite de nous situer les textes présentés. Par son exemple, on y retrouve Prévert avec le groupe théâtral Octobre durant les grèves de 1936 (Commémorons la Commune, Citroën, synonyme de Vive la grève). On y côtoie ses complices Henri Crolla, Yves Montand, Joseph Kosma, leur talent, leur pacifisme (La Fontaine des Innocents : combien d’innocents qui vivaient à Paris sont morts à Verdun ? La gare de l’Est sera toujours une antichambre de la guerre). Et Desnos aussi, mort en déportation le 8 juin 1945 : Aujourd’hui, véritable « tombeau » pour le poète, écrit le 10 novembre 1955. Et encore La lettre à Boris (Vian), puis Mai 1968 et La fleur du joli mois de mai parisien de 1968, fleur poussée entre les pavés du boulevard Saint-Michel et des autres chaussées parisiennes dépavées dans la nuit du 7 au 8 mai 1968. Le 30 mai, Prévert écrit Renault au boulot, soutenant la manif populaire du 13 mai (« Dix ans, ça suffit ») et répliquant par la plume à la démonstration gaulliste du 30 mai, texte paru dans La Vie Ouvrière, hebdo de la CGT, le 12 juin 1968. Mais Prévert sait aussi remonter le temps pour dénoncer Pétain et ses sbires. Vel d’Hiv où furent parqués plus de 8 000 juifs raflés par la police française : « Au Vel d’Hiv concentrationnaire, c’est les six jours de la douleur, les avantcoureurs de la mort… » Avec Nocivité de l’imbécilité, Prévert fait la guerre à la guerre et dénonce les bellicistes de 1870 et 1914, en même temps que la guerre américaine au Vietnam.

« Je vois dans la misère le pied nu d’un enfant, la poussière des ruines de la guerre, des maîtres de forges des maîtres de ballet dirigent un quadrille immobile et glacé Unies, de pauvres familles Debout devant le buffet (…) Regardent sans rien dire leurs frères libérés A nouveau menacés Par un vieux monde sénile exemplaire et taré Et je te vois Marianne Pendue encore une fois Dans le cabinet noir de l’histoire Et je vois Barbe bleu blanc rouge Impassible et souriant Remettant les clefs de la ville Aux grands serviteurs de l’ordre L’ordre des grandes puissances d’argent ».

« Jacques Prévert, conclut Jean-Paul Liegeois, n’a pas mis Paris en bouteille. Il l’a mis sur le papier, sur les planches, sur la pellicule et les écrans, sur les portées de quelques amis musiciens et à la portée de tous (…) Il l’a raconté en rencontres, en révoltes, en poings levés, en baisers volés, en solitude insupportable, en liberté perdue puis retrouvée. » Il dénonce la misère, la violence, le racisme à travers la voix si émouvante de Juliette Gréco chantant A la belle étoile, celle qui voit Richard Leblanc perdant son sang tabassé par les flics, celle qui voit un Espagnol fouillant les ordures pour trouver un crouton (« encore un sale youpin qui vient manger notre pain », dit un monsieur très bien), celle qui voit un nouveau-né dans une boîte à chaussures, dormant de son dernier sommeil… « Au jour le jour, à la nuit la nuit, à la belle étoile c’est ainsi que je vis, où est-elle l’étoile, moi je ne l’ai jamais vue, elle doit être trop belle pour le premier venu (…) c’est une

Paris est si petit… et Prévert si grand à travers le temps.

Scènes de la guerre d’Algérie en France, automne 1961/ Jean-Luc Einaudi. Éd Le Cherche Midi. 19 euros Cet ouvrage est le 3e, après La bataille de Paris (1991) et Octobre 1961, un massacre à Paris (2001), que Jean-Luc Einaudi consacre à la période de l’été et de l’automne 1961 ; notamment aux manifestations algériennes du 17 octobre contre le couvre-feu, manifestations où la répression sanglante fut orchestrée par le préfet de police d’alors, Maurice Papon (criminel collaborateur de l’occupant nazi) et les éléments OAS de cette police. De nouveaux témoignages d’une vérité crue, l’accès aux archives inédites de l’ex-fédération de France du FLN éclairent particulièrement la véritable guerre sans merci que se livraient le FLN et la MNA de Massali Hadj dans le Nord et l’Est de la France.

13 février 1962 : immense hommage aux neuf personnes assassinées par la police du préfet Papon, le 8 février au métro Charonne, lors d’une manifestation contre la guerre en Algérie et la montée du fascisme.

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appel de L’ARAC

19 mars 1962 Nous commémorons, ce 19 mars 2010, le 48e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Les Accords d’Évian, signés le 18 mars 1962 par le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la République Algérienne, furent approuvés par 91 % des citoyens français lors du référendum le 8 avril 1962. Le 19 mars 1962 a permis la fin de cette guerre qui fit près de 30 000 morts et plus de 300 000 blessés, mutilés et psychotraumatisés du côté français. Le peuple algérien pleurait plus de 800 000 tués. Cette date est pour l’ARAC la seule date historique et officielle de commémoration de la fin de la guerre d’Algérie. Aujourd’hui, nous associons dans un même hommage toutes ces victimes d’une guerre qui aurait pu être évitée si le gouvernement de l’époque avait compris que l’ère du colonialisme était terminée et qu’était venue l’ère de l’indépendance de tous les peuples de la Terre. La mémoire de toutes les victimes de la guerre d’Algérie doit nourrir la volonté de paix et de solidarité des citoyens de notre pays. Elle doit aussi éclairer la coopération et l’amitié entre les peuples algérien et français. C’est avec ces convictions pacifistes et solidaires que l’ARAC s’opposera toujours à toutes les tentatives de réhabilitation de tous ceux qui, par la violence et par le crime, ont tenté de s’opposer à un retour de la paix et à la fin d’un colonialisme condamné par les peuples et l’Histoire. Nous condamnons toutes les manœuvres présentant les auteurs de l’attentat du Petit Clamart contre le Général de Gaulle, tous les crimes de l’OAS et des émeutiers des barricades d’Alger contre la République Française, comme des héros « morts pour la France » à honorer devant les monuments érigés en mémoire des victimes de la guerre d’Algérie. Nous attendons des élus de la Nation et de la population qu’ils condamnent et ne se prêtent à aucune de ces manifestations révisionnistes, qui entretiennent, encore aujourd’hui, l’esprit de revanche colonialiste, la xénophobie et le racisme. Nous appelons le peuple de France à agir aujourd’hui pour un monde de paix, un monde respectueux de tous les peuples de la Terre, un monde solidaire, gage nécessaire pour la survie de l’humanité.


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