Le journal le réveil des combattants - novembre 2012

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PALESTINE-ISRAËL LA POUDRIÈRE

17 OCTOBRE 1961 LA RÉPRESSION ENFIN RECONNUE

1914-1918 LA GUERRE

le réveil Novembre 2012 - N°788 - 5 e

des combattants

Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix

1 MA 9 R

S

FIN DE LA GUERRE D’ALGÉRIE : 19 mars, journée officielle de commémoration

50 ans de luttes unies Le journal des droits de tous les anciens combattants et victimes de guerre


LE RÉVEIL ACTUALITÉ

Souscription nationale 6e liste de souscripteurs (7 novembre 2012) Comité départemental Charente-Maritime (17) : 150 €

Sections Arcueil (94) : 150 € Brétigny (91) : 50 € Corbeil (91) : 180 € Limours (91) : 100 € Epinay-sur-Orge (91) : 40 € Fouesnant (29) : 100 € La Courneuve (93) : 100 € Saint-Chamond (42) : 200 € Villejuif (94) : 200 €

AUDE (11)

INDRE (36)

HAUTE-SAVOIE (74)

Pages Serge – 10 €

Lelot Lucienne – 20 €

Sublet Simon – 50 €

BOUCHES-DU-RHÔNE (13)

LOIRE (42)

PARIS (75)

Comti Marius – 20 € Iride Benoit – 50 € La Capria François – 20 € Richard Claude – 50 €

Montagne Louis – 50 €

Huard Raymond – 50 €

NIÈVRE (58)

SEINE-MARITIME (76)

Boyer Guy – 100 € Vavon Henri – 50 €

Lefebvre Michel – 50 €

EURE (27)

PAS-DE-CALAIS (62) PUY-DE-DÔME (63)

Carcenac Gérard – 10 € Podechard Claude – 50 € Vanbesien Jean – 50 €

Pédard Fernand – 50 €

HAUTS-DE-SEINE (92)

RHÔNE (69)

Maurice Albert – 100 €

Besset Etienne – 50 €

VAL-DE-MARNE (94)

SAÔNE-ET-LOIRE (71)

Demaya Sauveur – 100 € Krouck Sam – 100 € Le Guellec Marie-Hélène – 30 €

Girard Stella – 43 € Rautureau Claude – 50 € HAUTE-GARONNE (31)

Larrieu Jean – 100 € GIRONDE (33) :

Abonnés Réveil

Dominguez Hugues – 50 €

ALPES-MARITIMES (06)

HÉRAULT (34)

Ipponich Henri – 60 €

Cano Joseph – 100 € Houles Suzanne – 50 €

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Grevet Jules – 50 €

Gaydon Georges – 40 € Marquis André – 50 € Rey Raymond – 50 € SARTHE (72)

Lethielleux Gaston – 50 € Vuillemin Maurice – 50 €

ESSONNE (91)

CONSEIL NATIONAL (99)

Aragon Roger – 50 € Boitelet Christian – 50 € Delhoume Michel – 20 €

Vous êtes Ancien Combattant titulaire de la Carte du Combattant et/ou du Titre de Reconnaissance de la Nation (TRN), veuve, orphelin, ascendant de “Mort pour la France”.

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LE RÉVEIL - N°788 - NOVEMBRE 2012

RC

*Dans le cas d’un capital réservé viagèrement.


ÉDITO LE RÉVEIL

NATIONALISER ? UN CHOIX RESPONSABLE !

SOMMAIRE Actualités p. 4 Valeur du point PMI : un léger relèvement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 La misère persiste en France. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Sauver l’aide alimentaire européenne.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Le 19 Mars : reconnaissance officielle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Souverainiste, souveraineté ?.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Non à la guerre ? Certes ! Mais… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 International p. 10 Argentine : perpétuité pour 6 tortionnaires.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 L’Allemagne, pays riche, peuplé de pauvres.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Nobel de la paix : le prix de la honte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Palestine-Israël : la poudrière.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Vos droits p. 21 Conseil d’administration de l’ONAC. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Tableau des pensions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Vie de l’ARAC p. 22 Vie des comités.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 17 octobre 1961 : la répression enfin reconnue.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Nos peines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Magazine p. 31

P. 13 D O S S I E R

1914-1918 La guerre Ses causes, ses effets, ses conséquences.

LE RÉVEIL DES COMBATTANTS Fondé en 1931 par Henri-Barbusse Mensuel de l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre. Commission paritaire n° 0713-A 06545 Édité par les Éditions du Réveil des Combattants SARL au capital de 45 734,41 - Siret : 572 052 991 000 39 2, place du Méridien, 94807 Villejuif cedex Téléphone : 01 42 11 11 12 Télécopie : 01 42 11 11 10 reveil-des-combattants@wanadoo.fr

Tirage : 60 000 exemplaires Gérant Directeur de la publication : Raphaël Vahé • Directeur délégué - Rédacteur en chef : Patrick Staat • Comité de Rédaction : Brigitte Canévêt, Hervé Corzani, Jean-Pierre Delahaye, André Fillère, Laurence Gorain• Service photos : JeanClaude Fèvre • Administratrice : Annick Chevalier • Secrétariat de rédaction, conception graphique : Escalier D Communication • Impression : RIVET P.E. - 24 rue Claude-Henri-Gorceix, 87022 Limoges cedex 9

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l est temps de poser la question des nationalisations, pour la sidérurgie comme pour d’autres activités industrielles pour résister à la pression des marchés. N’en déplaise à certains, et le MEDEF n’est pas le seul à s’en offusquer, l’idée de la nationalisation fait son chemin. Des économistes trouvent du sens à cette initiative en raison de son caractère hautement stratégique. Il est indispensable pour l’avenir de la France de préserver et de développer une filière sidérurgique et métallurgique solide. Croire que nous pourrions nous approvisionner auprès des pays émergents est dangereux. Dangereux pour les secteurs industriels comme les transports (automobile, ferroviaire, aéronautique…), l’énergie (nucléaire, énergie durable), la construction navale, l’armement, le bâtiment… Il s’agit de préserver et de dynamiser l’ensemble de ces entreprises pour garder et développer nos compétences, notre savoirfaire. L’enjeu stratégique est tel qu’il y a urgence à réinstaller dans les écoles et les universités des formations de métallurgistes, d’ingénieurs, en contact étroit avec le monde industriel. Seul un effort volontariste permettra de former des ingénieurs et techniciens de haut niveau. Rappelons-nous que c’est dans les périodes de redressement de la France que nous avons nationalisé des entreprises, et qu’à chaque fois elles se sont accompagnées d’avancées sociales et de nouveaux droits pour les salariés. Pourquoi les nationalisations nuiraient-elles à l’attractivité de la France alors que la sauvegarde par nationalisation temporaire de groupes bancaires ou automobiles a été menée aux États-Unis, en GrandeBretagne, aux Pays-Bas de 2009 à 2010 pour préserver leur outil, sans que personne n’y trouve rien à redire ? Ce qui serait bon pour les autres ne serait pas bon pour la France ? Allons-nous avoir le courage et la détermination pour prendre la décision qui s’impose ? Cette volonté d’indépendance constitue un obstacle à la construction d’une Europe fédérale, mais est un atout pour la nation. Nous défendrons résolument l’indépendance industrielle de la France. A la veille du 70e anniversaire du CNR, l’ARAC dit : « Oui, deux fois oui, aux nationalisations qui préservent et garantissent la souveraineté et l’avenir de la France ». Rendre à la nation la maîtrise des principaux moyens de production et d’échanges, mettre le monde du travail au centre de la nation, tel était le sens du CNR en 1943.

Patrick Staat

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LE RÉVEIL ACTUALITÉS

Valeur du point PMI et retraites du combattant

Un léger relèvement Un arrêté du 12 octobre 2012 a officialisé un relèvement de 4 centimes d’euro de la valeur du point d’indice servant au calcul du montant des pensions PMI, de la retraite du combattant, du plafond majorable des rentes mutualistes AC, à compter du 1er janvier 2012. Le point PMI vaut donc 13,91 euros (au lieu de 13,87) à compter du 1er janvier 2012, et les pensions et retraites du combattant bénéficieront donc d’un « rattrapage » de 4 centimes par point sur l’année. Le plafond majorable des rentes mutualistes AC se trouve, de ce fait, porté à 1 739 euros. Cette très modeste « rallonge » vient « récompenser » l’intense travail fourni par l’ARAC et sa Mutuelle auprès du nouveau gouvernement et des députés à qui nous nous sommes adressés individuellement à plusieurs reprises, tandis que nous entretenions un dialogue soutenu avec certaines et certains élu(e)s de tous les groupes. Si nous apprécions cette mesure, elle ne saurait faire oublier pour autant que, suite au détournement depuis 1989 du système de « rapport constant » devant régir harmonieusement l’évolution du point PMI en fonction d’un traitement de référence de la fonction publique, le retard du point PMI est de 41,80 % et devrait se situer à 19,725, soit une perte de 5,815 euros par point PMI ! Plus que jamais donc, et fort du geste « symbolique » obtenu du nouveau gouvernement, poursuivons notre campagne publique pour obtenir un nouveau rattrapage dès le 1er janvier 2013 et la réunion d’une commission tripartite (gouvernement, élus, mouvement anciens combattants) pour faire le bilan du système, le remettre à plat et reconstruire un véritable rapport constant, respectueux du droit à réparation de tous les anciens combattants, de toutes les victimes de guerre, hors guerre et civils de guerre. 4-

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19 Mars, 50 ans, la victoire de la paix Déclaration de l’ARAC

Le 19 mars 1962 prenait officiellement effet un cessez-le-feu qui mettait fin à huit ans de guerre en Algérie. Un double référendum venait bientôt conforter cette décision. Le 8 avril 1962, les Français approuvaient à plus de 90 % le choix du Président de la République d’alors, le Général de Gaulle. Le 1er juillet 1962, les Algériens se prononçaient, eux aussi, pour l’indépendance de leur pays qui fut proclamée le 5 juillet. La vie politique française sera longtemps marquée par les séquelles de cette guerre. Ainsi durant 50 ans, l’ARAC, la FNACA et l’ANCAC, chacune à leur façon, ont apporté leur contribution pour obtenir la reconnaissance officielle du 19 mars comme Journée nationale du souvenir et du recueillement, en mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie. L’adoption par le Sénat, ce 8 novembre 2012, de la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale, le 22 janvier 2002, relative à cette journée du 19 Mars, constitue une victoire républicaine. L’ARAC, comme la FNACA demandent au Président de la République de promulguer cette loi sans délai et d’abroger le décret du 23 septembre 2003 qui a fait du 5 décembre la date de commémoration en hommage aux morts d’Afrique du Nord. L’ARAC exprime sa reconnaissance à tous ses adhérents et amis, à tous les élus dans leur diversité républicaine, qui ont appuyé en permanence cette action commune permettant d’obtenir cette reconnaissance. Villejuif, le 9 novembre 2012


ACTUALITÉS LE RÉVEIL

La misère persiste en France

QUATRE ASSOCIATIONS S’UNISSENT

Deux millions de personnes vivent avec l’équivalent de 645 euros par mois pour une personne ou 960 euros pour deux, après prestations sociales, selon l’INSEE (données 2009). Ces chiffres correspondent au seuil de pauvreté à 40 % du niveau de vie médian. Pour ces personnes, il est quasiment impossible de se loger sans compter sur l’aide des parents ou amis. 3,6 millions de personnes sont allocataires de minima sociaux, dont 1,4 million perçoivent le RSA, selon la Caisse nationale des affaires familiales (données 2011). Si l’on comptabilise les ayants droit (conjoints, enfants…) ce sont plus de 6 millions de personnes qui vivent de ce dispositif. Le RSA vaut 742 euros pour une personne. Il est de 712 euros pour un couple. 3,6 millions de personnes sont mallogées selon la fondation Abbé Pierre, parmi lesquelles 685 116 sont privées de domicile personnel, dont la majorité, 411 111 sont hébergés chez un tiers. On estime à 113 000 le nombre de sans domicile fixe, auxquels on peut ajouter 85 000 personnes occupant un habitat de fortune. 2,8 millions de personnes vivent dans des conditions de logement très difficiles, insalubres ou surpeuplés. 1,8 million de personnes indiquent ne pas avoir pris de repas complets au moins une journée au cours des deux dernières semaines, selon l’INSEE. 3,5 millions de personnes ont recours à l’aide alimentaire (sous la forme de colis, bons, repas…) dont 1,3 million en bénéficient par le Secours populaire français, selon le Conseil national de l’alimentation (données 2010).

Les pouvoirs publics ne doivent pas arrêter l’aide alimentaire européenne, surtout au moment où toujours plus de familles de l’Union européenne basculent dans la pauvreté à cause de l’aggravation de la crise économique.

pour sauver l’aide alimentaire européenne

C’est le message délivré, le lundi 15 octobre au matin, par les quatre associations habilitées à distribuer cette aide, appelée PEAD (Programme européen d’aide aux plus démunis) : le Secours populaire, la Croix-Rouge, les banques alimentaires et les Restos du cœur. « C’est un signe fort de voir ainsi main dans la main des associations aux histoires si différentes lancer un véritable SOS afin d’empêcher une catastrophe programmée pour janvier 2014 », a alerté Julien Lauprêtre, président du Secours populaire. Depuis 1987, le PEAD permet aux Européens les plus pauvres (retraités modestes, mères célibataires, etc.) de ne pas se retrouver à court de vivres. Ce dispositif est indispensable à 18 millions d’Européens, dont 4 millions de Français, mais a été bloqué au printemps 2011 par plusieurs pays, au premier rang desquels l’Allemagne. Un accord a été conclu, à l’automne 2011, entre Paris et Berlin : le PEAD a été prolongé jusqu’à janvier 2014. Il représente entre un quart et la moitié de la nourriture donnée par les associations françaises. « Nous allons être mis en difficulté, mais ce n’est rien par rapport à des pays comme la Pologne dont les distributions de vivres vont fondre de 80 % », remarque Alain Seugé, président de la Fédération française des Banques alimentaires. Les quatre associations souhaitent que l’Union européenne mette sur pied un

successeur au PEAD. Les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne devraient statuer sur la question le 23 novembre. « Nous ne comprendrions pas que l’Union européenne se fixe un objectif de réduction d’un quart du nombre de pauvres en son sein d’ici à 2020 et qu’elle commence par démanteler l’un des seuls outils qui lui permettent de lutter contre la pauvreté », insiste Olivier Berthe, président des Restos du cœur. Même en cas d’accord, tout danger ne serait pas écarté pour autant. La Commission européenne travaille sur un projet dont la taille serait 30 % inférieurs à celle du PEAD. « La solidarité ne peut pas être invoquée par les différents gouvernements européens uniquement lorsqu’il s’agit de sauver le système financier », tonne Didier Piard, directeur de l’action sociale à la Croix-Rouge française. Les associations humanitaires veulent créer une grande chaîne de solidarité autour de la sauvegarde de l’aide alimentaire. Elles ont ainsi rencontré leurs homologues allemands qui leur ont témoigné leur soutien et ont lancé une campagne de sensibilisation auprès de l’opinion publique. « Il faut que les Européens de tous les pays fassent pression sur leur gouvernement et sur la Commission européenne », a souhaité Julien Lauprêtre. B.C.

Brigitte Canévêt

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LE RÉVEIL ACTUALITÉS

LE 19 MARS Date officielle de la journée commémorative de la guerre d’Algérie L’action pour la reconnaissance officielle du 19 Mars comme Journée nationale du souvenir et du recueillement, en mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie aura duré 50 ans avant d’aboutir à ce résultat le 8 novembre 2012, lors de l’adoption par le Sénat de la proposition de loi, votée par l’Assemblée nationale le 22 janvier 2002, relative à cette journée du 19 mars. Cette adoption, à l’image des débats qui se sont souvent produits dans tout le pays durant ces 50 dernières années, s’est caractérisée par un affrontement recherché par des sénateurs de la droite et du centre bien que quelques-uns d’entre eux aient voté la loi. Le résultat du scrutin a été le suivant : votants : 341, suffrages exprimés : 336 ; majorité absolue des suffrages exprimés : 169 pour l’adoption de la loi L181, contre 155. C’est donc évidemment une victoire de la raison et de la République qui résulte du long travail de mémoire que nous avons réalisé durant ces années écoulées. Elle constitue un pas décisif vers la reconnaissance des responsabilités de la France dans cette guerre qui assume ainsi ses effets dramatiques sur ses appelés du contingent comme sur la population algérienne. Elle ouvre aussi le chemin vers la compréhension mutuelle et l’ouverture de négociations pour une coopération entre l’Algérie et la France qui pourra conduire à la signature d’un traité de paix. A propos de cette loi, l’ARAC ne pouvait laisser l’occasion de donner connaissance des explications de vote positif des sénateurs qui l’ont toujours soutenue. C’est pourquoi vous pourrez lire leurs interventions ci-après. PAUL MARKIDÈS 6-

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Extraits des interventions des sénateurs Guy Fischer et Alain Néri après l’adoption de la loi le 8 novembre 2012. Guy Fischer, sénateur communiste L’ancien gouvernement nous a fait adopter à la sauvette un projet de loi, qui plus est en procédure accélérée, prévoyant de rendre hommage à tous les morts pour la France à l’occasion du 11 Novembre, jour anniversaire de l’armistice de 1918. Ce texte était prémédité pour faire obstacle à l’adoption de la date du 19 mars et pour en venir au bout du compte à une date unique dont certains souhaiteraient l’avènement. En confondant les mémoires et les événements, en amalgamant des engagements qui n’ont pas la même portée historique et humaine, le risque est grand d’aboutir à une vision aseptisée de l’histoire et de la mémoire collective, qui ne permette plus de comprendre

le passé ni de construire lucidement l’avenir. S’agissant du 19 mars, j’affirme que les auteurs de la proposition de loi dont nous défendons l’adoption ne prétendent en aucun cas privilégier certaines catégories de victimes ou instaurer une sorte de hiérarchie dans la perte, la mort, la souffrance. Les historiens s’accordent sur le fait que cette guerre aura fait 25 000 morts et 65 000 blessés dans les rangs de l’armée française, essentiellement composée d’appelés du contingent, des dizaines de milliers parmi les harkis, 150 000 morts dans les rangs du FLN et de l’ALN. La population française ne fut pas épargnée et la population algérienne paya le lourd tribut de 300 000 à 400 000 victimes. Je n’omettrai pas non plus les psycho-

La reconnaissance du 19 mars, une exigence de l’ARAC enfin reconnue : ici aux cérémonies à Paris, quai Branly, et à Saint-Quentin.


ACTUALITÉS LE RÉVEIL

traumatismes de guerre, non pris en compte et non traités, qui ont durablement marqué nos jeunes appelés - toute une génération ! - dès leur retour en France. Je souhaite enfin évoquer les victimes de l’OAS, dont le symbole est pour moi le commissaire central d’Alger, Roger Gavoury, assassiné le 31 mai 1961 par les sicaires de cette association criminelle et antirépublicaine. Son fils Jean-François Gavoury, présent dans les tribunes, a relevé le flambeau et se bat avec une ténacité qui force l’admiration pour faire reconnaître le tribut payé par les forces de l’ordre durant la guerre d’Algérie pour que ne soit pas occultée, comme elle l’est souvent, la responsabilité de l’OAS dans les événements de l’après 19 mars, et enfin pour que les nostalgiques, revanchards et autres tenants

de l’Algérie française ne réécrivent pas impunément l’histoire et n’érigent pas des mausolées aux bourreaux. Toutes ces victimes, à des titres divers, méritent une date unique pour se recueillir et panser leurs plaies. La mémoire a besoin d’un point d’ancrage. Des deux côtés, des exactions furent commises après le 19 mars 1962, nous en sommes tous d’accord. De même, il y eut des victimes à déplorer après le 11 novembre 1918 et le 8 mai 1945. Je suis convaincu que toutes les familles de victimes civiles ou militaires peuvent se recueillir et se souvenir à la même date, si celle-ci est véritablement en lien avec les événements vécus. Sauf peutêtre ceux qui attisaient les braises et ne voulaient pas la fin de cette guerre… Oui, en vertu de ce parallélisme des formes, le 19 mars est, qu’on le veuille

ou non, la date que l’histoire légitime ! Le 19 mars doit être la date de la troisième génération du feu et c’est la raison pour laquelle le Groupe communiste républicain et citoyen adoptera cette proposition de loi identique à celles qu’il avait si souvent déposées sur le bureau de notre assemblée par le passé.

Alain Néri, sénateur socialiste Nous voilà au bout d’un long cheminement : la date du 19 mars est officiellement reconnue comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire de tous ceux qui, lors de la cruelle guerre d’Algérie, ont souffert et fait le sacrifice suprême de leur vie. Nous avons enfin une date historique et symbolique pour rendre hommage à toutes ces victimes. Il aura fallu cinquante ans pour obtenir ce résultat, pour que la nation, la République, la France rendent enfin honneur et dignité à la troisième génération du feu, à ces enfants de la guerre qui ont connu les privations non seulement matérielles, mais aussi affectives, nombre d’entre eux n’ayant connu leurs parents qu’à l’âge de cinq ou six ans, du moins pour ceux qui eurent le bonheur de voir revenir leur père ou leur mère de la Seconde Guerre mondiale. Dans cet hommage que la nation doit rendre à tous ceux qui ont souffert, notre vœu est de rassembler et, parce que nous le voulons très fort, je suis sûr que nous parviendrons à unir autour du 19 mars ceux qui ont eu vingt ans dans les Aurès comme ceux qui ont souffert après le cessez-le-feu, les harkis qui ont été odieusement abandonnés, nous l’avons assez dit, ceux qui ont été amenés à quitter cette terre d’Algérie qui les avait vu naître, en un mot tous ceux qui ont fait le sacrifice soit de leur vie, soit de leur jeunesse, dans la loyauté envers la République. Merci à tous, mes chers collègues. Aujourd’hui, la France s’honore de rendre hommage à cette génération qui a tant souffert.

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Souverainiste, souveraineté ? « Souverainiste ! » L’anathème est lancé, et le débat est clos. Si l’on se risque à oser militer pour le respect de la souveraineté nationale, on est accusé de souverainisme, étiquetage infamant de droitisme maximum, parce que le souverainisme, associé à un critère de nationalité ne pourrait être que du nationalisme. Alors, avec toute la précaution qu’il faut prendre avec les contempteurs d’hérésie, on se risque à rappeler que la « souveraineté » est l’attribut du « souverain », que le souverain est celui qui a le pouvoir, qu’il faut bien que dans toute société il y ait un pouvoir, et donc un souverain, et donc que la question n’est pas de partir en croisade contre le « souverainisme », mais de savoir qui est le souverain… Et ce n’est pas une querelle de puristes du langage : depuis que la Révolution

française a, en 1789, décidé de substituer à la monarchie la démocratie, toute la bataille pour soustraire ses conquêtes à leur confiscation par la bourgeoisie a été une bataille pour donner à cette démocratie son contenu étymologique (démo-cratie = pouvoir du peuple), celui de la souveraineté populaire. Ainsi était devancée l’ambition programmée plus tard par la Charte des Nations unies, du droit des peuples à être les maîtres de leurs affaires. Mais aussitôt cette bataille pour la souveraineté populaire prenait

sa dimension nationale : pour être les maîtres de leurs affaires, les peuples devaient non seulement se libérer de leurs tyrans, mais se garder de tomber sous la férule de tyrans étrangers prêts à venir au secours et à la suppléance des maîtres déchus. Oui : contre les émigrés de Koblenz, les sans-culottes étaient souverainistes. Ce n’est quand même pas à ce moment de l’histoire où les émigrés de Koblenz ont pris la maîtrise du capitalisme mondial que ce souverainisme aurait perdu de son actualité.

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ACTUALITÉS LE RÉVEIL

Bien au contraire, c’est bel et bien une valeur révolutionnaire, une valeur tellement moderne qu’elle est encore à son aube, telle que la Charte des Nations unies l’a promue, en 1945, au rang de valeur universelle. Quand son magnifique préambule, suffisamment connu et diffusé, proclame « Nous, peuples des Nations unies (...) avons décidé d’unir nos efforts (...) En conséquence nos gouvernements...», il affirme que ce sont les peuples qui ont le pouvoir et que leurs gouvernements ne doivent être que les instruments de leur pouvoir. C’est bien affirmer que ce sont eux qui sont les souverains et donc promouvoir au rang de valeur universelle la notion de souveraineté populaire, la légitimité de la souveraineté des peuples sur leurs affaires. Mais, en même temps, la Charte prend acte de ce qu’il n’y a pas un peuple mondial mais des peuples, répartis sur des territoires différents, avec des moyens, des possibilités, et une histoire différents. D’où « Nous peuples des Nations...». Mais ces différences n’ont aucune raison d’être antagonistes. La société internationale doit donc être fondée sur le pouvoir des peuples, mais dans le respect mutuel de leurs différences. C’est pourquoi la souveraineté populaire se répartit entre les compétences des souverainetés nationales. Plus actuelle que jamais, renforcée de sa reconnaissance dans des textes fondamentaux la célèbre phrase de Jaurès : « Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie beaucoup d’internationalisme y ramène ». Il suffit de remplacer « patrie » par « souveraineté nationale » pour y retrouver la dénonciation du cosmopolitisme des nouveaux émigrés de Koblenz qui ne peuvent pas accepter la souveraineté nationale parce qu’elle n’est que le parachèvement mondial de la souveraineté populaire. Mais les peuples, eux, ne doivent pas s’y laisser piéger. Roland Weyl

POINT DE VUE

Non à la guerre ? Certes ! Mais... On ne dira jamais assez qu’il n’y a pas de guerres justes, y compris et notamment en réponse aux apôtres de l’ingérence humanitaire. Comme le disait Anatole France dans L’Ile des pingouins, « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels », l’expérience vérifie que, quand on croit mourir pour les Droits de l’homme, on meurt aussi pour les industriels. L’article 2.7 de la Charte interdit à l’ONU ellemême de s’immiscer dans ce qui relève de la compétence d’un État, et c’est sur la base de cette pierre angulaire de la Charte qu’est le droit exclusif de chaque peuple à la maîtrise de ses affaires dans le respect mutuel de tous. Même la résolution « Responsabilité de protéger », qu’on a beaucoup mis en avant à propos de la Libye, ne comporte aucune prévision d’intervention militaire, qui ne serait d’ailleurs pas rendue légale par une simple résolution, car il faudrait alors une réforme de l’article 2.7. Mais il en est tout autrement d’une intervention militaire pour aider un peuple à résister à une agression ou à s’en libérer. Et c’est même la compétence essentielle du Conseil de sécurité, dont la fonction est (et doit être seulement) le maintien (en s’interposant, comme par exemple la FINUL à la frontière israélo-libanaise) ou le rétablissement (en intervenant) de la paix dans les relations internationales. La Charte prévoit même que, si un peuple est victime d’une agression, d’autres peuvent intervenir en aide, mais seulement en urgence, le temps que le Conseil de sécurité prenne le relais. Certes le Conseil lui-même ne peut recourir à la force armée qu’en dernier recours, après que les tentatives diplomatiques aient échoué ou si les mesures économiques sont insuffisantes. Et encore son intervention doit-elle procéder

des principes fondamentaux de la Charte, dont la mission de « sécurité collective » est fondée sur les principes d’universalité et d’égalité. C’est pourquoi, quand le Conseil décide d’intervenir, ce sont les États membres qui doivent lui fournir des forces et c’est son état-major (international constitué sur la base de « l’égalité des nations grandes et petites ») qui doit établir le programme de son intervention. Il en résulte que les bases militaires étrangères de certaines puissances (dont la France) ou les alliances ou coalitions (dont l’OTAN) sont illégales au même titre qu’une bande armée au regard d’une législation nationale, parce qu’elles sont des appropriations de cette sécurité collective, et que la résolution sur la Libye était non seulement illégale parce qu’elle violait l’article 2.7 mais parce qu’elle déléguait le droit d’intervention à des États membres. Mais l’aide militaire à un peuple pour l’aider à se défendre ou se libérer d’une agression est juste, parce que ce n’est pas une guerre, mais une fonction de police au service de la paix. Concrètement, la première intervention en Irak était légale pour libérer le Koweit de l’agression irakienne. Elle est devenue illégale lorsqu’une fois le Koweit libéré, l’action s’est poursuivie sur le territoire irakien. De même, une intervention française ou autre au Mali serait illégale, mais quand le Mali demande l’aide du Conseil de sécurité pour chasser les agresseurs, si le Conseil refuse il manque à son devoir... Roland Weyl LE RÉVEIL - N°788 - NOVEMBRE 2012

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LE RÉVEIL INTERNATIONAL

Argentine La perpétuité pour 6 tortionnaires Pour les familles de victimes, la déception l’emporte sur la satisfaction. Le procès d’anciens militaires et policiers accusés de violations des droits de l’homme sous la dictature, dans les années soixante-dix à Mar del Plata (à 400 km au sud de Buenos-Aires) s’est tenu le 1er octobre et a abouti à la condamnation à la prison à vie pour six de ces accusés. Le tribunal de Mar del Plata avait à juger 14 anciens militaires et policiers en poste dans cette région sous la dictature. Les prévenus devaient répondre pour leur responsabilité présumée dans 85 cas de disparitions, assassinats et tortures. Six ont été condamnés à perpétuité, un septième à 25 ans, cinq autres s’en tirent avec des peines comprises entre cinq et douze ans. Et deux anciens policiers ont été purement et simplement relaxés. Les familles des victimes regrettent et dénoncent ces condamnations légères et ces relaxes. A l’issue du verdict, le secrétaire d’État aux Droits de l’homme, Martin Fresneda, a déclaré vouloir étudier certaines sentences qui ont abouti, a-t-il dit, à des peines sans rapport avec les souffrances des hommes et des femmes qui ont été torturés dans les cachots de Mar del Plata. Depuis la reprise (en 2003) des procès pour les crimes commis sous la dictature, 328 bourreaux ont été condamnés, beaucoup à perpétuité, comme l’ancien chef de la junte Jorge Videla, ou à des peines de 25 ans et plus. Mais, rançon d’une justice qui entend se prononcer, 35 ans après les faits, sur des preuves sans discussions, certains prévenus échappent sans doute au châtiment qu’ils mériteraient.

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L’Allemagne, pays riche peuplé de pauvres Profits record mais bas salaires, précarité et soupe populaire pour les travailleurs : une étude récente du ministère du Travail allemand reconnaît officiellement l’aggravation drastique des inégalités dans le pays au cours des 30 dernières années, en particulier dans les deux dernières décennies. L’étude, intitulée Richesse et pauvreté, montre que l’Allemagne est l’un des pays où le transfert de richesses du travail vers le capital a été le plus prononcé, générant des inégalités sociales atteignant un niveau inédit jusqu’alors. Ainsi, en seulement 20 ans, les actifs privés (le patrimoine privé) ont plus que doublé, passant de 4 600 milliards d’euros à 10 000 milliards. Or, comme l’observe le correspondant du journal espagnol La Vanguardia, Rafael Poch, si l’on divise ce montant colossal par les 40 millions de ménages allemands, chacun recevrait une petite fortune de 250 000 euros. Cependant, on ne parle pas de redistribution mais bien au contraire d’une concentration croissante. Dans le détail, les statistiques fédérales, pour 2008, montrent que 53 % des actifs privés étaient entre les mains de 10 % des Allemands les plus fortunés. Les autres 46 % du patrimoine privé sont détenus par 40 % de la population, tandis qu’il ne reste que 1 % des actifs pour la moitié des Allemands. Les chiffres de 2011 révèlent que les 10 % les plus riches détiennent 66 % du capital. Pour certains hommes politiques et observateurs, cités dans ce même journal, l’aggravation des inégalités ces dix dernières années est la conséquence d’une politique de gel des salaires, au même moment où les profits des grandes entreprises ont plus que doublé. L’intensification de l’exploitation fut, en grande partie, actée par l’ensemble de lois connues sous le nom de « Hartz IV », qui défendaient une politique de bas salaires et la généralisation de la précarité du travail. Dans le même temps, les revenus les plus élevés bénéficiaient d’exonérations fiscales depuis le début du siècle. Les entreprises, par exemple, ont vu leur taux d’imposition baisser de 51 %, à l’époque de Helmut Kohl, à

29,6 % (dans les faits 22 %), au moment des coalitions social-démocrate/verts (1998-2005). Le résultat est visible : si dans les années 1980 l’Allemagne était un des pays avec le pourcentage le plus faible de bas salaires (14 %), aujourd’hui, le taux d’emplois précaires, toujours mal payés, s’élève à 25 %, comparable aux chiffres relevés aux États-Unis. Avec ces politiques favorables au capital, les femmes sont les premières à souffrir. Des chiffres récents, issus des statistiques fédérales, indiquent qu’en Allemagne les femmes gagnent en moyenne 22 % de moins que les hommes, la différence étant plus forte encore dans les postes de direction, où elles gagnent un tiers moins que ce que gagnent les hommes, et moins perceptible dans les emplois administratifs non qualifiés, où la différence est de 4 %. Les chiffres officiels indiquent l’existence en Allemagne de 13 millions de pauvres, mais cette couche de la population augmente de jour en jour, comprenant chômeurs, personnes âgées, mais aussi travailleurs précaires, dont les salaires ne leur permettent pas de vivre et les contraignent à avoir recours à des organisations de bienfaisance. Une de ces organisations, Deutsche Tafel, a révélé que ses centres ont déjà aidés 200 000 personnes dans le besoin en plus cette année, par rapport à 2011. La même organisation affirme qu’au moins 1,5 million de personnes fréquentent les cantines sociales en territoire allemand. La Deutsche Tafel a plus de 20 années d’activité, offrant gratuitement des produits alimentaires récupérés de restes de supermarchés et de boulangeries. Selon son président, Gerd Häuser, « la politique de lutte contre la pauvreté a été un échec en Allemagne ». Aujourd’hui, « avoir un travail ne signifie plus être protégé contre la pauvreté ». B.C.


INTERNATIONAL LE RÉVEIL

Nobel de la paix

Le prix de la honte Le Nobel de la paix pour l’Union européenne : une véritable insulte aux peuples du vieux continent…

Le prestigieux prix Nobel de la paix a été cette année attribué à l’Union européenne. Interrogé sur ce choix, le président du comité norvégien, Thorbjoern Jagland, a déclaré : « L’UE et ses ancêtres contribuent depuis plus de six décennies à promouvoir la paix, la réconciliation, la démocratie et les droits de l’homme en Europe ». Évidemment, les capitales européennes se sont félicitées. La gauche « bien-pensante », celle de Maastricht, du traité de Lisbonne, tous les tenants de la ratification des plans d’austérité, les défenseurs des marchés financiers ont accueilli la nouvelle comme du pain béni. Un vrai rayon de soleil dans un univers de paupérisation marqué par l’austérité, le chômage, la misère, où règnent les technocrates pour la plupart issus de la banque d’affaires Goldman Sachs, comme l’Italien Mario Monti, aujourd’hui à la tête du gouvernement italien, ou encore Mario Draghi, chef de la Banque centrale européenne, ancien directeur de Goldman Sachs international, Karel Van Miert, ancien commissaire à la concurrence de l’UE, ex- conseiller international de Goldman Sachs… Le Nobel de la paix à une Europe qui a déclaré la guerre économique à tous les peuples de l’espace européen, on croit rêver ! Qu’en pensent les Grecs, les Espagnols, les Portugais, les Irlandais, les Italiens, tous les salariés français victimes des plans sociaux, les retraités, les sans couverture sociale, les sans toit, les sans

avenir du Vieux Continent ? Cette annonce est pour eux une formidable gifle. N’ontils pas le droit de se sentir bafoués par une décision qui sacralise une union politique européenne toute puissante, imposant toujours plus de sacrifices ? Une guerre économique existe bel et bien et pèse chaque jour sur les plus fragiles, ceux qui ont perdu leur travail, n’ont plus aucune perspective d’avenir, sont condamnés à l’exil…

Guerre économique contre les peuples du vieux continent et alignement sur Washington Le 12 octobre dernier, on pouvait lire sur le site d’Attac : «Il est complètement déplacé de récompenser l’Union européenne, alors même que ses institutions imposent de vastes plans d’austérité sociale dans le dos des peuples, renforcent les capacités militaires de l’UE et la chasse aux migrants, mènent une politique commerciale agressive.» Pourquoi récompenser l’UE qui mène une politique de fermeture de ses frontières faisant des milliers de victimes? Qui stigmatise ses minorités comme les Roms ballottés de pays en pays. Une Union européenne qui a mis en place le dispositif -frontex- pour repérer les clandestins en mer, les traquer et les chasser… Qui s’engage à « améliorer progressivement ses capacités militaires » (art. 42.3 du TUE) et reconnaît la suprématie de l’OTAN ? L’Europe prix Nobel de la paix ! Mais de quelle paix nous parle-t-on ? Les « sages » d’Oslo souffriraient-ils d’amnésie ou seraient-ils touchés par un Alzheimer précoce ? La question se pose !

Récemment sur le site de l’hebdomadaire Le Point et sous le titre: « Nobel de la paix à l’UE un acte politique fort au prix d’une amnésie », on pouvait lire : « Ce choix s’accompagne aussi d’une part d’amnésie du comité Nobel. Car le blason pacifique de l’Europe est entaché d’un gigantesque échec: la guerre dans les Balkans (…) Surtout, l’Union européenne a manqué à tous ses devoirs en étant incapable pendant 9 ans d’arrêter cette guerre sanglante sur son propre continent qui a fait 200 000 morts, un million de déplacés et un génocide, celui de Srebrenica ». Plus près de nous, l’Europe récompensée à Oslo s’est ralliée inconditionnellement à Obama, un autre Nobel de la paix, pour mener des guerres honteuses en Irak, en Afghanistan avec l’ISAF, composé d’Européens, de Canadiens, d’Américains, et en Libye avec l’OTAN dont la France a été un des fers de lance. La même Europe apporte son soutien au gouvernement de Benyamin Netanyahou en Israël, votant systématiquement les sanctions contre Téhéran sans rien exiger en retour de Tel-Aviv, notamment sur la question palestinienne. Hélas, on pourrait multiplier les exemples qui prouvent que décidément non, cette Europe-là ne mérite pas une telle distinction. Jean-Pierre Delahaye

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LE RÉVEIL INTERNATIONAL

Conflit Palestine-Israël

La poudrière Toutes les conditions sont réunies pour une contagion et une extension du conflit à toute la région. Il est temps pour Obama de tenir les promesses du Caire et d’adopter une attitude équilibrée vis-à-vis de toutes les parties. Leila Shahid renvoie la communauté internationale à ses responsabilités.

« Iran, Syrie, Proche-Orient : des dossiers à déminer. A peine élu en 2008, Barack Obama avait reçu le prix Nobel de la paix. Mais si c’était à refaire, le jury d’Oslo y réfléchirait sans doute à deux fois tant son mandat a été décevant sur le plan international. Le processus de paix au ProcheOrient n’a pas avancé d’un pouce (…) ». Ce constat, publié dans Le Parisien au lendemain de l’élection américaine, est d’une brûlante actualité. L’auteur y énonçait d’autres grands dossiers chauds comme le nucléaire iranien, l’agressivité d’Israël, les massacres en Syrie, le rôle de la Russie… Quelques semaines après, la réalité revient au grand galop. L’escalade de violence a repris entre Israël et la Palestine. Depuis la mi-novembre, les bombes pleuvent, les enfants meurent. C’est l’heure des assassinats ciblés par 12 -

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drones interposés façon « Obama », des bombardements aveugles dont les civils sont les premières victimes. De part et d’autre, les pires extrémistes sont à la manœuvre. En Israël Netanyahu, allié aux intégristes religieux, joue la carte de la peur à quelques semaines d’une nouvelle élection législative qu’il espère bien remporter. Il affirme par la terreur son rôle de gendarme de la région au risque assumé d’une extension du conflit. Manière également de montrer à l’Iran qu’il est prêt à attaquer. De l’autre côté, le Hamas fait également le pari dangereux de l’escalade et montre l’efficacité et la modernité de son nouvel arsenal. Sur le plan politique, il tente de pousser les nouveaux gouvernements issus des « printemps arabes », où les islamistes ont désormais des postes importants quand ils ne gouvernent pas, à rompre toutes relations avec Israël. Un dénominateur commun à ces deux attitudes : par leurs actions respectives, Tel-Aviv et le Hamas tentent de discréditer, aux yeux de la communauté internationale, la candidature de l’Autorité palestinienne à un statut d’État non membre des Nations unies qui devrait être examiné fin novembre.

Obama : soutien unilatéral à Israël C’est dans ce contexte que le locataire de la Maison-Blanche a, dès le début des bombardements, réaffirmé le soutien des États-Unis à Israël et « son droit

à se défendre »... Une déclaration dans le droit-fil de la politique américaine depuis des décennies, que l’administration soit démocrate ou républicaine. Une manière, aussi, de remercier les électeurs juifs américains qui se sont prononcés à 69 % en sa faveur lors du dernier scrutin, selon une enquête publiée sur le site Huntington Post. De l’avis de certains observateurs aux Nations unies, pour les États-Unis, le problème majeur est plutôt le renforcement du Hamas, qui a reçu la visite de l’émir du Qatar, celle du Premier Ministre égyptien... Dilemme, on ne peut pas affaiblir le Hamas sans renforcer l’Autorité palestinienne à Ramallah. A l’heure où nous écrivons ces lignes, la médiation égyptienne, sous contrôle de Washington, a abouti. Les armes se sont tues. Mais à quel prix ? Obama at-il donné des assurances à Netanyahu sur l’Iran comme on le murmure déjà ? Interrogée sur RTL le 20 novembre, Leila Shahid, déléguée générale de Palestine au Parlement européen a estimé que les responsabilités « sont partagées, non seulement par le Hamas et Israël mais aussi par la communauté internationale (…) Vous tolérez depuis 45 ans une occupation militaire insupportable pour la population palestinienne, d’un État qui est votre meilleur client économique, commercial et diplomatique (…) Nous exigeons d’être reconnus comme État sous occupation et que la communauté internationale, comme elle le fait en Afrique ou dans les Balkans, mette en œuvre les résolutions qu’elle a votées dont celle qui reconnaît à la Palestine le droit de mettre fin à l’occupation militaire ». Pour Leila Shahid, il est temps que l’on sanctionne Israël. Jean-Pierre Delahaye


LE CAHIER MÉMOIRE

le réveil

N° 788 Novembre 2012

des combattants

Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix

ÉDITO Par Paul Markidès

1914 - 1918

LA GUERRE Édité par le Réveil des combattants - 2 place du Méridien - 94807  Villejuif - Tél. 01 42 11 11 12

En 2014, nous commémorerons le 100e anniversaire de cette première guerre mondiale qui fut une véritable hécatombe, avec l’emploi d’armes nouvelles particulièrement meurtrières, et un cataclysme pour la société française et au-delà. Cet usage des armes nouvelles avait été permis par les progrès techniques apparus précédemment qui ouvraient par ailleurs de nouvelles possibilités techniques, économiques et sociales. Et si celles-ci avaient provoqué un développement industriel important, celui-ci s’accompagnait d’une exploitation renforcée des travailleurs, de la misère et des inégalités. Dans ce contexte, les puissances capitalistes qui s’étaient partagées les ressources et les marchés restaient tout de même insatisfaites. Et dès que les forces de paix baissèrent la garde après l’assassinat de Jean Jaurès, elles voulurent repartir par la guerre à la conquête de nouveaux marchés et de nouveaux territoires. C’est ainsi qu’une situation géopolitique devait s’établir en Europe et en Afrique notamment, au terme du conflit dont nous héritons encore aujourd’hui, tandis que les décisions du traité de Versailles, prises au mépris de l’avis des populations concernées, ouvraient la porte à la volonté de revanche. Les conséquences de cette guerre ont marqué tout le XXe siècle et nous en héritons encore aujourd’hui. Il n’est donc pas inutile de se saisir de cet anniversaire pour dénoncer non seulement les choix de guerres pour régler les différends entre Nations car, comme l’a écrit Henri Barbusse, « deux armées qui s’affrontent, c’est une grande armée qui se suicide » mais aussi leurs causes, leurs effets et leurs conséquences. C’est ainsi que nous répondrons effectivement à l’appel de Henri Barbusse : « Faites la guerre à la guerre ! » LE RÉVEIL - N°788 - NOVEMBRE 2012

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LE RÉVEIL DOSSIER

Les grandes nations en 1914

La Première Guerre mondiale ou l’impérialisme révélé

Bruno DRWESKI

« Il existe dans l’histoire humaine quelque chose qui ressemble à la rétribution ; et c’est une règle de la rétribution historique que ses instruments soient forgés non par les offensés mais par les offenseurs eux-mêmes. » Karl Marx, New York Daily Tribune, 16 septembre 1857. Sur la révolte antibritannique des Cipayes aux Indes. Si, pour beaucoup, la guerre qui commença à l’été 1914 fut comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, tel ne fut pas le cas pour les observateurs attentifs. Car le « long XIXe siècle » (1789 – 1914) avait vu s’accumuler les contradictions à l’échelle mondiale. D’un côté, l’humanité avait découvert des possibilités inespérées aupa14 -

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Bruno Drweski est historien, maître de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO)

ravant de progrès scientifique, technique, économique, social. D’un autre côté, c’est à un rythme industriel que s’accrurent l’exploitation, la misère, les inégalités. La Première Guerre mondiale fut l’aboutissement d’un processus d’accélération de l’histoire. Comment le mécanisme guerrier se mit-il en marche ? Comment se déroula-t-il ? Quels changements entraîna-t-il ?

Le monde en 1914 Un seul monde : l’expansion de la civilisation moderne Les « grandes découvertes » européennes ont inauguré le processus de mondialisation, en reliant toutes les régions du monde. Mais les puissances capitalistes ne sont parvenues à dominer toute la planète qu’avec la seconde phase de la mondialisation, au XIXe siècle. En 1914, elles s’étaient partagées les ressources naturelles et les

marchés. Ce colonialisme devint alors un « système-monde ». Les classes sociales dominantes de quelques pays avaient imposé, pour le meilleur et pour le pire, leur système social et économique, censé assurer le progrès de l’industrie, de la science et de la raison. Des territoires auparavant désolés voyaient affluer des investissements permettant aux productions agricoles, minières, industrielles d’augmenter à des rythmes inimaginables auparavant. Bienfaits de la colonisation ? Presque toute l’Europe y croyait, et beaucoup de colonisés étaient fascinés par ces fleuves domestiqués, ces déserts qui reculaient, ces usines, ces trains, cette organisation, cette science qui dépassait la magie. Mais derrière ces progrès, combien de tragédies ! Dans les colonies et au cœur des empires. À la violence coloniale répondait la violence de classe. Les bataillons exploités de « l’armée indus-


DOSSIER LE RÉVEIL

trielle ». Les damnés de la terre se pressaient vers les colonies ou vers les Amériques. L’Europe, c’était alors 1/3 de la population mondiale. Les contradictions étaient en place pour mener au premier conflit de la mondialisation, à la guerre interimpérialiste pour les ressources naturelles et les marchés. Cette Europe croyait apporter au monde « la civilisation ». Ses États faisaient avant 1914 des guerres courtes, les victimes étant surtout militaires. Les lois de la guerre y veillaient, aucun État ne serait entré en conflit sans avoir d’abord engagé de minutieuses tentatives de règlement, d’ultimatum et finalement de déclaration de guerre à heure annoncée d’avance. La Russie, encore autocratique, avait obtenu la création du tribunal international de La Haye pour tenter de régler les différends entre États… civilisés. Les pogroms antisémites du tournant du siècle qui soulevaient l’horreur ne faisaient que quelques dizaines de victimes. Rien en comparaison des hécatombes qu’on allait connaître après 1914 ! L’Europe, c’était aussi les enfants travaillant dans les mines, les discours martiaux, chauvins, exterminateurs. L’Europe du Kaiser massacrait 80 % du peuple Herrero, le roi des Belges fit régner la terreur sur le Congo, la France extermina des villages entiers en

Algérie, les Britanniques réprimaient aux Indes avec la cruauté de gentlemen croyant dépecer une hyène. L’Europe des banquiers, des industriels, des aristocrates décatis et des petits-bourgeois comptables avait exporté aux quatre coins du monde les violences séculaires qu’elle pensait avoir maîtrisé chez elle. L’autre Europe, celle de la sueur et de la misère, aspirait à la paix, comme la plupart des jeunes « coloniaux » qui se pressaient dans les rares écoles ouvertes pour eux. Déséquilibres et développements inégaux D’un côté, « le fardeau de l’homme blanc » porteur de civilisation, de progrès scientifique, technique, moral, de rationalité, de respect pour l’égalité. De l’autre, une barbarie décuplée par rapport aux vieilles féodalités. Les optimistes voulaient croire que l’impérialisme apporterait en bout de course un monde pacifié. Mais la masse des travailleurs ne pouvait y croire, aussi les bourgeois rationalistes faisaient tantôt appel à l’espérance dans un progrès « en soi », déconnecté des contradictions sociales, utilisaient tantôt le vieux reflex d’une religiosité de pacotille. Aux côtés des armées, de la police et des instituteurs mobilisés pour la « civilisation », on soutenait les missionnaires d’un Assassinat de l’archiduc d’Autriche, le 28 juin 1914

christianisme vidé de son souffle prophétique. La contradiction entre rationalité revendiquée et « religiosité à papa » démontrait que la route vers les Lumières s’était arrêtée en rase campagne. Voilà une des causes de la guerre. Contradictions aussi entre poids du passé et implications du présent : restes de féodalisme contre poussées capitalistes ; survivances monarchiques contre exigences démocratiques ; principes aristocratiques contre réalisme bourgeois ; mode de vie rural contre rythmes urbains ; Occident développé contre Orient « archaïque » ; centre(s) contre périphérie(s). Contradictions entre les présents : entre impérialistes, entre nationalismes. C’est entre les libéraux perdant leurs illusions sur le progrès graduel pour tous et les socialistes incapables d’entraîner la majorité des sociétés en mutation que se forgea l’idéologie nationaliste. Il fallait « donner » aux prolétaires une patrie pour qu’ils renoncent à la révolution et dirigent leur ressentiment contre leurs semblables de l’autre côté des frontières. Dernière venue au club des grandes puissances, l’Allemagne reprit les conceptions racistes développées en France et en GrandeBretagne pour les systématiser et légitimer sa course à la prééminence. Les très bonnes universités allemandes formèrent à ces conceptions ethnicistes les élites de l’Europe du Centre-Est. Au pangermanisme, par mimétisme, allaient répondre le panslavisme, le pantouranisme, le nationalisme hongrois « hun », le nationalcatholicisme polonais, le sionisme, etc. En 1914, les contradictions étaient trop diverses pour être perçues et résolues d’un seul coup. Comment prôner l’égalité des êtres humains et justifier les comportements « civilisés » des armées en Europe, barbares dans les colonies ? Comment prôner LE RÉVEIL - N°788 - NOVEMBRE 2012

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LE RÉVEIL DOSSIER

la démocratie en séparant les habitants d’un même « empire » en citoyens et en sujets ? Pourquoi l’alliance de la troisième République avec le tsar autocrate ? Pourquoi celle de l’Allemagne fière de sa sécurité sociale avec l’Empire ottoman aux structures archaïques ? Des perceptions différentes de la réalité selon les pays Sept puissances rivalisaient alors : Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie, Russie, États-Unis, Japon. La Grande-Bretagne, la France et des pays comme la Belgique avaient en gros terminé leur mutation vers la démocratie bourgeoise, alors que l’Allemagne restait marquée par des raideurs monarchistes. Plus à l’Est, les pouvoirs s’adaptaient mal aux règles du capitalisme. Les pays balkaniques voulaient imiter les grandes puissances, en se faisant le jouet de leurs intérêts. La Russie était une « prison des peuples », l’Autriche et l’Empire ottoman recherchaient une légitimité de rechange face à la déliquescence des principes féodaux portés par les Habsbourg ou ceux d’un islam en crise portés par les sultans ottomans. De plus en plus de peuples se sentaient opprimés : Irlandais, Polonais, Arméniens en particulier. La déliquescence des vieilles

puissances amenait d’autres groupes ethniques à se considérer comme des peuples à part entière : Tchèques, Slovaques, Ukrainiens, Juifs, Lituaniens, Arabes, etc. Si pour l’opinion progressiste, la guerre semblait une catastrophe évitable, pour certains « petits » peuples, elle semblait une porte vers la liberté. Les Serbes, menacés par la poussée germano-autrichienne, eurent de fortes raisons de croire que la guerre de 1914 avait commencé pour la défense de leur liberté. Hormis quelques pays européens neutres, l’Amérique latine devenue « l’arrière-cour » des États-Unis et quelques États semi-coloniaux (Abyssinie, Perse, Afghanistan, Siam, Chine), le reste du monde faisait partie d’empires. Aux appelés des pays belligérants allaient s’ajouter les troupes coloniales. La Chine sans moyens apporta ses bataillons de main-d’œuvre pour remplacer dans la misère les ouvriers partis au front. On connaît les conditions horribles qui régnaient au front. On doit aussi rappeler la misère, la surexploitation, parfois la famine qui touchait les ouvriers, les travailleurs coloniaux, les femmes. Les moteurs de la guerre On connaît le mécanisme de déclenchement de la guerre qui comCi-après : Reprendre l’Alsace ! Ci-contre : Honneur au « 75 », la meilleure de nos armes !

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mença par l’ultimatum de Vienne à Belgrade, et qui s’étendit, par le jeu des alliances, à l’ensemble des grandes puissances européennes, suivies par le Japon, l’Italie, les États-Unis et plus fictivement, par plusieurs États d’Amérique latine. Les fauteurs de guerre sont connus : les « marchands de canons », les intérêts impérialistes jouant, à l’occasion, sur les frustrations de « petits peuples ». Le jour venu, peu osèrent se rebeller contre les ordres de mobilisation ou fraterniser avec les troupes adverses. La propagande voulut démontrer l’existence d’un consensus guerrier. Les partisans de la paix furent isolés par les bureaucraties de partis, « l’aristocratie ouvrière », « le crétinisme parlementaire ». La discipline, qui fut une arme de la classe ouvrière dans ses luttes, fut retournée en son contraire. « Les démocraties ne se font pas la guerre ». Rien ne fut plus faux que cette affirmation au moment où les Parlements élus selon les règles de la démocratie bourgeoise votèrent les crédits militaires. Comme l’avait pressenti Karl Marx, la « rétribution » eut lieu en Europe, une barbarie rodée dans les colonies, décuplée par les techniques modernes. La Première Guerre mondiale « remit à niveau » les contradictions du capitalisme. Les dynasties qui tentèrent de survivre par la fuite en avant dans la guerre tombèrent : Romanov, Habsbourg, Ottomans, Hohenzollern. Les puissances plus modernes s’engagèrent sur la pente de l’affaiblissement. Seuls les États-Unis, et dans une moindre mesure le Japon, tirèrent profit du conflit. La Russie allait tenter seule, dans le feu de sa grandiose révolution, une voie alternative vers la modernité, créant le premier contrepoids antiimpérialiste de l’histoire. La rivalité entre Londres qui voulait conserver sa prééminence


DOSSIER LE RÉVEIL contre Berlin fut le moteur du conflit. La France se joignit à Londres pour préserver son rang. Ces calculs étaient chimériques. En 1913, Grande-Bretagne, Allemagne et France ne représentaient plus, ensemble, que 1/3 de la production industrielle mondiale, contre un autre tiers pour les seuls États-Unis. Le « concert européen » faiblissant sombrait dans la cacophonie. Les élites européennes perdaient le contrôle de ce qui avait justifié leur domination.

La guerre ! Ce fut une guerre de masse, industrielle, longue. Le contraire des prévisions. Des masses d’hommes furent broyées sous des « orages d’acier ». 10 millions allaient périr. Une guerre sans but précis. Certains purent croire qu’ils défendaient leur nation. Comme les Serbes. Quand l’ennemi se rapprocha du cœur de la mère patrie, Allemands aux portes de Paris, Anglais aux portes de l’Anatolie, le soldat pouvait croire à la défense de sa patrie en danger. Mais dans l’ensemble, ce ne fut pas une épopée. Les soldats belges flamingants mouraient car ils ne comprenaient pas les ordres de leurs officiers francophones, les soldats austro-hongrois, russes, allemands, découvraient dans la boue des tranchées les solidarités « tribales » avec ceux qui parlaient comme eux. La Première Guerre mondiale enracina les idéaux de paix et de justice sociale chez beaucoup d’ouvriers ou parfois de paysans, elle incrusta l’égoïsme ethnique chez ceux qui, arrachés à leur terroir, découvrirent à la fois le vaste monde et ses horreurs. D’autant plus qu’ils ne furent pas « recasés » dans une société déstructurée par la guerre. Ce fut surtout le cas dans les pays vaincus, mais le phénomène des an-

Derniers adieux sur le quai de la gare, vers le front : « une promenade de santé ! »

ciens combattants de droite allait traverser toute l’Europe, face aux anciens combattants pacifistes. Cette guerre fut horrible pour les civils, surtout ceux qui subirent l’occupation. Belges accusés d’être des francs-tireurs par l’armée allemande, Ruthènes soupçonnés de sympathie pour la Russie par les détachements hongrois, Juifs accusés de fuir le service militaire, Arabes hésitant à soutenir un empire de moins en moins musulman et de plus en plus turc, et surtout Arméniens qui par plusieurs centaines de milliers au moins payèrent de leur vie le soupçon de sympathiser avec la Russie. Ce fut surtout une guerre de position, après les premières semaines, quand les Allemands furent stoppés aux portes de Paris et que les Russes furent arrêtés à l’intérieur de la Prusse orientale. La retraite serbe, Verdun et Przemysl furent les symboles des combats les plus durs. D’autres noms firent la une des journaux : la Somme, Gallipoli, Caporetto, etc. Les pertes au front furent massives : 20 % des hommes en France, 13 % en Allemagne. Le conflit systématisa l’interventionnisme d’État au

profit des capitalistes… la Russie révolutionnaire allait prendre cet exemple au profit des ouvriers. Il y eut des cascades d’innovations : aviation, sous-marins, gaz, blindés. La généralisation du travail féminin démontra irréversiblement la capacité des femmes à faire des travaux jusque-là jugés irréalisables par elles. Une guerre pour rien 1914 stoppa l’essor du commerce international, délégitima les prétentions des élites possédantes à représenter « la civilisation » et le progrès en soi. Les Européens s’entretuèrent plus brutalement que des « sauvages ». Les plus conservateurs se raccrochèrent aux mythes réactionnaires, surtout au racisme, pour expliquer ce drame. Les mutineries, fraternisations, grèves qui s’étaient multipliées après les révolutions russes de 1917 éveillaient chez le bourgeois la peur du « bolchevik avec son couteau entre les dents ». Plus on allait vers l’Est, plus les tentatives de créer des « États bourgeois » étaient marquées par un radicalisme, de façade au moins. Les États naissants adop-

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tèrent au départ des constitutions démocratiques entérinant l’ingérence de l’État en faveur de lois sociales et le droit de vote pour les femmes (en France, il ne sera accordé qu’en 1945). Cette guerre n’assura aucune victoire durable, ce que la Seconde Guerre mondiale puis la décolonisation allaient démontrer. Les causes profondes du conflit persistaient : inégalités entre États, nations, classes sociales. Même si la nouvelle Russie allait tenir un discours imposant les principes de paix, de désarmement et de sécurité collective. Un peu partout, il y eut des mouvements qui s’en inspirèrent. Allemagne, Hongrie, Pologne, Cuba, Espagne, Chine, etc. eurent leurs soviets, les révolutions mexicaine et chinoise se radicalisèrent, le mouvement musulman indonésien se bolchévisa, etc. L’ordre versaillais se forma aussi contre le camp politique qui avait prôné « la guerre à la guerre ». Partout les révolutionnaires qui n’avaient aucune responsabilité dans la tuerie de 1914 furent combattus, pourchassés, assassinés. Les puissances s’accordèrent pour créer un « cordon sanitaire » autour de la Russie, dès que leurs interventions échouèrent à assurer le retour au pouvoir des contre-révolutionnaires. L’idée en principe généreuse de Société des nations proposée par les États-Unis était viciée dès le départ. On doit réfléchir pour savoir pourquoi la fin de la vieille Russie déboucha, dans la douleur, sur la création d’une nouvelle entité politique multinationale, alors que l’effondrement des empires austro-hongrois, ottoman et allemand entraîna la naissance d’États-nations séparés. Les États décadents avaient laissé se développer des nationalismes ethniques concurrents pour prolonger leur agonie. Les frontières dessinées à Versailles furent le 18 -

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résultat de rapports de force entre les grandes puissances au profit de leurs « États clients » respectifs. C’est ainsi que naquit « la petite Entente » qui « régla ses comptes » à la Hongrie vaincue mais surtout tentant une Révolution. La Pologne dut se contenter de compromis défavorables à l’Ouest (la « ville libre » de Dantzig), car elle était vue de Londres comme une protégée de Paris au moment où, fidèle à son traditionnel jeu de bascule, l’impérialisme britannique voulait que la puissance allemande soit maintenue comme contrepoids face à la France. Cette même Pologne bénéficia en revanche des appuis occidentaux à l’Est où elle refoula le bolchevisme. Les Arabes ne furent pas libérés, mais partagés entre les deux puissances « mandataires » du Moyen-Orient, tandis que, dans la foulée du nationalisme colonial européen, Londres promettait aux sionistes d’ouvrir la Palestine à la colonisation de Juifs venus d’Europe où ils constituaient une masse pauvre et potentiellement rebelle. L’ordre versaillais visait à retourner certains peuples anciennement opprimés en agents des grandes puissances contre d’autres peuples « dangereux ». On imposa aux nouveaux États (mais pas à l’Allemagne pourtant vaincue, et moins encore aux puissances victorieuses) un traité des minorités qui tuait Dans les tranchées, avant l’assaut

dans l’œuf les tentatives de créer des nations politiques non ethniques, mais qui permettait de justifier les ingérences dans leurs affaires intérieures. L’Allemagne fut humiliée autrement. Jugée seule responsable de la guerre, elle dut payer des réparations et les industries rhénanes furent soumises aux vainqueurs. Alors qu’on tolérait les corps francs allemands, auteurs de meurtres massifs contre les populations rebelles et creuset des futurs militants nazis, on imposa la démilitarisation unilatérale du Reich. Les guerres civiles ou ethniques se prolongèrent à l’Est après 1918. Dans la foulée eurent lieu les premiers déplacements de populations qui touchèrent environ 5 millions de personnes. Seuls les États-Unis virent leur position renforcée par la ruine de leurs concurrents endettés. Le capitalisme peina à se relever. En 1948 seulement, les échanges internationaux rattrapèrent leur niveau de 1913, encore qu’il faille tenir compte de l’augmentation de la population mondiale et de la multiplication des frontières qui rendaient « internationaux » des échanges qui n’auraient pas été comptabilisés comme tels en 1913. On peut donc estimer que la mondialisation s’est arrêtée en 1914, pour ne reprendre qu’à la fin du XXe siècle.


DOSSIER LE RÉVEIL

Fusillé pour l’exemple : l’une des très rares photos d’exécution

Les fusillés pour l’exemple Alain MOREAU

On le sait, l’histoire officielle ment : monumentalement. Quatre-vingt-dix ans ont passé depuis la fin de la Première Guerre mondiale et, malgré les travaux historiques considérables qu’elle a suscités, d’immenses champs d’horreur demeurent à explorer, notamment celui des fusillés pour l’exemple, et plus enfoui encore, celui des exécutions sommaires.

Alain Moreau est l’auteur de Fusillés pour l’exemple, documentaire réalisé avec Patrick Cabouat et Jacques Tardi pour France Télévisions.

De temps à autre cependant surgit l’imprévu : après l’ouvrage de l’historien Guy Pedroncin (1), après la remarquable étude de Nicolas Offenstadt (2), le général André Bach (3), et oui un général alors chef du Service historique de l’armée de terre, engage les travaux les plus exhaustifs jamais

(1) Les mutineries de 1917, PUF, 1996. (2) Les Fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-1999), Odile Jacob 1999. (3) Fusillés pour l’exemple, Tallandier, 2003.

conduits sur le sujet tabou des fusillés pour l’exemple de la Grande Guerre. Une gageure quand on sait que les archives militaires ont été cadenassées pour un siècle, c’est-à-dire rendues légalement indisponibles jusqu’en 2018. Cent quarante mille dossiers de soldats traduits en jugement entre 1914 et 1918 sont passés au crible par une équipe de six historiens. Le résultat de leurs travaux bouscule toutes les idées reçues : alors qu’on estimait à une cinquantaine le nombre d’exécutés, et principalement en 1917, il apparaît qu’au terme de deux mille cinq cents condamnations à mort, c’est en réalité cinq cent cinquante hommes qui ont été passés par les armes, dont trois cent cinquante la première année du conflit. Des recherches semblables ontelles été lancées dans les autres pays belligérants ? De l’ampleur de celles entreprises par André Bach, peut-être pas ; on sait tout

de même que cette justice de temps de guerre n’est pas une exclusivité française. Pour l’Angleterre, d’août 1914 à novembre 1918, les tribunaux militaires ont fait procéder à l’exécution de trois cent quarante-trois soldats et de trois officiers. Sur les cent vingt-et-un Australiens punis de la peine de mort durant leur service dans les Australian Imperial Forces, si aucun n’a été fusillé, trois le furent alors qu’ils étaient volontaires dans les forces britanniques ou néo-zélandaises. Pour le contingent canadien, ce sont vingt-neuf soldats qui seront passés par les armes. Notons qu’ils étaient tous engagés volontaires. L’armée belge a fusillé douze des siens sur les deux cent dix-neuf condamnations à la peine capitale. En ce qui concerne l’Italie, avec sept cent quarantequatre exécutions pour quatre mille ving- deux verdicts de mort, LE RÉVEIL - N°788 - NOVEMBRE 2012

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sa justice militaire paraît de loin la plus féroce du champ de bataille. Quant à l’armée allemande, pour un engagement identique en hommes à celui des Français, c’est quarante-huit de ses soldats qu’elle exécuta. Mais les historiens allemands sont-ils allés jusqu’au bout de leurs recherches ? Voir. L’histoire fantasmée contredit si souvent la réalité que les nations chassent de leur mémoire ce qui dérange. Petit à petit toutefois la mémoire collective se réapproprie l’histoire, la vraie. Après la parole apeurée des témoins, après celle des familles des martyrs est venu le temps des livres, souvent des chefs-d’œuvre signés Barbusse, Dorgelès, Giono, Duhamel, Genevoix, Céline, Remarque, Faulkner. Puis celui du cinéma, d’abord censuré, avec Les sentiers de la gloire de Kubrick, Pour l’exemple de Losey, et Les hommes contre de Rosi ; plus tard Un long dimanche de fiançailles. Aujourd’hui la bande dessinée avec Jacques Tardi en particulier, la Série noire avec Didier Daenninckx, la télévision avec Le pantalon d’Yves Boisset, et de rares documentaires, contribuent à la vulgate de ces martyrs de la Première Guerre mondiale. Cependant, tout n’a pas été dit. Si nous connaissons désormais le nombre de victimes des conseils de guerre, d’autres crimes échappent encore aux travaux des historiens : les exécutions sommaires. De temps à autre, toutefois, un document émerge qui laisse pressentir une autre face cachée de l’horreur : « J’ai tué de ma main douze fuyards et ces exemples n’ont point suffi à faire arrêter l’abandon du champ de bataille par les tirailleurs », rapport du général Auguste Blanc du 23 septembre 1914 (Service historique de l'Armée de terre, carton 24 N 18 ). À suivre…

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La chanson de Craonne

Fraternisation entre Français et Allemands

Cette chanson pacifiste est née pendant la guerre. Dès 1914 une Chanson de Lorette (en référence à la bataille de Lorette) annonce la future Chanson de Craonne. La forme actuelle du chant date de la bataille du Chemin des Dames, près duquel est situé Craonne : la chanson naît donc avec l’offensive du général Nivelle et les mutineries qui s’en suivirent. Après la guerre, la chanson sera popularisée par Paul Vaillant-Couturier dans son livre La guerre des soldats. Quand au bout d'huit jours le r'pos terminé On va reprendre les tranchées, Notre place est si utile Que sans nous on prend la pile Mais c'est bien fini, on en a assez Personne ne veut plus marcher Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot On dit adieu aux civelots Même sans tambours, même sans trompettes On s'en va là-haut en baissant la tête

Refrain : Adieu la vie, adieu l'amour, Adieu toutes les femmes C'est bien fini, c'est pour toujours De cette guerre infâme C'est à Craonne sur le plateau Qu'on doit laisser sa peau Car nous sommes tous condamnés C'est nous les sacrifiés

Fraternisation entre Russes et Allemands

Refrain

Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance Pourtant on a l'espérance Que ce soir viendra la r'lève Que nous attendons sans trêve Soudain dans la nuit et le silence On voit quelqu'un qui s'avance C'est un officier de chasseurs à pied Qui vient pour nous remplacer Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes

Refrain

C'est malheureux d'voir sur les grands boulevards Tous ces gros qui font la foire Si pour eux la vie est rose Pour nous c'est pas la même chose Au lieu d'se cacher tous ces embusqués Feraient mieux d'monter aux tranchées Pour défendre leurs biens, car nous n'avons rien Nous autres les pauv' purotins Tous les camarades sont enterrés là Pour défendr' les biens de ces messieurs-là

Refrain

Ceux qu'ont le pognon, ceux-là reviendront Car c'est pour eux qu'on crève Mais c'est fini, car les trouffions Vont tous se mettre en grève Ce s'ra votre tour messieurs les gros De monter sur l'plateau Car si vous voulez faire la guerre Payez-la de votre peau


VOS DROITS LE RÉVEIL

Conseil d’administration de l’ONAC

Ça accroche financièrement sur l’ADCS Le conseil d’administration de l’ONACVG s’est tenu le 23 octobre 2012 dans les salons du gouverneur des Invalides, à Paris. André Fillère y participait. Dernier conseil d’administration de 2012, la séance de travail avait pour but de dresser le bilan de l’année qui se termine, d’ajuster les comptes financiers du budget de l’ONAC en cours et de préparer celui de 2013, en liaison avec le contenu du projet de budget des ACVG pour l’an prochain.

L’ADCS devra-t-elle être interrompue courant 2013 ? A l’occasion du point de l’ordre du jour évoquant le bilan 2012, André Fillère intervint fermement pour dénoncer une situation lourde de périls et qui, si le budget ACVG demeurait en l’état, porterait un tort considérable aux veuves et aux Anciens Combattants. • Bilan 2012 Depuis le 1er janvier 2012, les services départementaux de l’ONAC ont instruit 5 434 dossiers de demandes d’Aide différentielle pour les conjoints survivants (ADSC), dont 4 747 ont été réputés éligibles. La moyenne d’âge des bénéficiaires est de 76,8 ans. 5,5 % sont âgés de 60 à 65 ans et 94,5 % ont plus de 65 ans. Le montant total des aides accordées dès fin 2012 (dont l’effectif devrait approcher les 5 000 bénéficiaires) est estimé - sur la base du plafond de ressources à 900 euros - à 6,05 M€… alors que le budget voté par la loi de finances était de 5 M€. Seul le report de 1,42 M€ inemployés en 2011 a donc permis de « boucler » l’année 2012 qui verra un reliquat estimé à 0,3 M€ reporté sur 2013. • 2013, un budget inacceptable ! La seule reconduction du budget 2012 auquel s’ajoutera le reliquat de 0,3 M€ aboutit donc à un financement du dispositif de 5,3 M€… déjà en retrait de 1 M€ sur le montant utilisé en 2012 (6,05

M€), alors que l’effectif 2013 estimé serait de 4 900 bénéficiaires pour un montant total de 7 M€, soit un manque de 1,97 M€ pour assumer l’ADCS en année pleine. A la demande d’abonder cette somme par amendement au projet de budget 2013, le secrétaire général du Gouvernement (Jean-Paul Bodin qui siège au conseil d’administration de l’ONAC) opposa un rejet catégorique, affirmant que le gouvernement n’acceptera aucun amendement parlementaire, qu’il nous faut être « raisonnable » et prendre nous-mêmes les mesures qui s’imposent pour rester dans le cadre de l’enveloppe actuelle. Pour ce faire, il suggéra même de durcir les critères réagissant l’aide sociale accordée par les services départementaux de l’ONAC aux ressortissants nécessiteux. Une attitude et des propositions contre lesquelles André Fillère réagit avec véhémence, dénonçant la notion de « raisonnable », celle d’avoir à faire le « tri » entre les ACVG « méritants » et ceux qui peuvent être « largués » dans un coin, s’élevant avec force contre le langage déshumanisé des techniciens de la finance, alors qu’il s’agit avant tout d’hommes et de femmes envers qui il y a dette de la Nation ! Et de réclamer la garantie que l’Assemblée nationale abonderait bien le budget dans le sens voulu.

Diminuer le nombre de veuves bénéficiaires Il faut savoir que l’ADCS est fondée sur le principe de la subsidiarité par rapport aux dispositifs sociaux de droit commun, à savoir le RSA pour les bénéficiaires de 60 à 65 ans, et l’ASPA pour les plus de 65 ans. Or un certain

nombre de ces dernières ne demandent pas l’ASPA parce qu’elles ont un bien quelconque qui pourrait être hypothéqué, voire vendu lorsque, à leur décès, il faudra rembourser l’ASPA. Il pourrait donc être envisagé, début janvier 2013, que la direction de l’ONAC nationale modifie de façon très restrictive les critères d’accès à l’ADCS, afin d’expulser du système une part de ses bénéficiaires actuels et de faire barrage à l’entrée de nouveaux postulants. Par exemple, en interdisant l’ADCS aux veuves de plus de 65 ans qui pourraient bénéficier de l’ASPA, mais refusent de la demander pour ne pas pénaliser leurs héritiers. En clair, non seulement le gouvernement refuse d’accorder un système identique aux anciens combattants les plus démunis et refuse de porter le plafond à hauteur du seuil de pauvreté (964 euros), mais s’ajoute désormais la volonté de réduire le nombre de bénéficiaires pour rester dans l’enveloppe budgétaire, plutôt qu’abonder les crédits de 2 M€. En clair, le « changement » c’est le recul sur les acquis de l’an passé. La majorité PS à l’Assemblée nationale s’est laissée manipuler et compromettre dans cette manœuvre, et a refusé l’adoption d’amendements en faveur de l’ADCS ! André Fillère

ONAC, DÉPART Celui du préfet directeur général Rémi Enfrun de la direction de l’ONAC, qui a annoncé être « atteint par la limite d’âge » en avril 2013. Bien que pas toujours d’accord avec lui, c’était pourtant un homme ouvert avec qui l’on pouvait relativement travailler. Nous le saluerons avec respect le moment de son départ venu.

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Verrières-le-Buisson (Essonne) Hommage à la délégation vietnamienne ayant signé les accords de paix

C’est à l’initiative de l’ARAC- 91 et du comité départemental de l’Essonne du Village de l’amitié de Van Canh que s’est tenue une très belle manifestation à Verrières-le-Buisson, les 12 et 13 octobre dernier. Cette ville a accueilli de 1969 à 1973 la délégation du Front national pour la libération du Sud-Vietnam sous la direction de Madame Nguyen Thi Binh.

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Cette délégation a négocié et signé les accords de paix de Paris, le 27 janvier 1973 qui ont mis fin en 1975 à la guerre menée par les USA contre le Vietnam et son peuple héroïque. Une plaque commémorative a été apposée devant la propriété qui a hébergé la délégation vietnamienne le samedi 12 octobre en présence de l’ambassadeur du Vietnam en France, de Monsieur Joly, conseiller général de la ville et d’André Fillère, représentant le Village de l’Amitié et l’ARAC, en présence de nombreuses personnes. La veille, une soirée débat était organisée sur le double thème de la guerre du Vietnam, et de la dioxine, et du Village de l’amitié de Van Canh, avec la participation d’Alain Richard, sous la prési-

dence de Lucien Duverger-Chatellet, responsable départemental de l’ARAC et du Village. Une triple exposition remarquable accompagnait cette manifestation, consacrée à l’histoire de Verrières-le-Buisson (et de la propriété qui a hébergé la délégation vietnamienne), à la guerre du Vietnam et au Village de l’amitié. La vente d’objets artisanaux vietnamiens ainsi qu’une table de littérature a été organisée. Tous nos remerciements à M. Gautier, responsable de l’historique de Verrières-le-Buisson et aux militants de l’ARAC et du Village de l’amitié de l’Essonne qui ont contribué à la réussite de cette belle manifestation de mémoire, de paix et d’amitié entre les peuples vietnamiens et français.


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Le travail de mémoire de la section de Romainville Corrèze Congrès départemental de l’ARAC

Le travail de mémoire de la section ARAC de Romainville se développe cette année dans deux directions, outre la participation de ses membres au rassemblement national annuel de l’ARAC en mai et au rassemblement Henri Barbusse de juin à Aumont. • Première direction L’initiative vers l’ensemble de la population concernant les cérémonies commémoratives du 11 Novembre, 19 Mars et 8 Mai et la tenue d’un stand avec exposition à la fête de la ville de Romainville. Ont été programmées une soirée de projection-débat pour préparer chaque commémoration (le 8 novembre cette année) et une distribution de tracts d’information et d’invitation à la population. • Deuxième direction Trois programmes d’initiatives sur thèmes au collège Gustave-Courbet de Romainville (750 élèves) conçus avec la direction et les professeurs de l’établissement : - La guerre de 1914-1918 et l’armistice du 11 novembre 1918 (octobre-novembre 2012), - La guerre d’Algérie et sa cessation le 19 mars 1962 (février-mars 2013), - L’écrivain combattant Henri Barbusse, soldat de la paix et le mouvement Amsterdam-Pleyel (mai-juin 2013).

Ces trois programmes ont été mis au point en juin 2012 par plusieurs réunions de travail au collège entre l’ARAC, la direction et les professeurs.

Déroulement de l’initiative « guerre 1914-1918 et armistice du 11 novembre 1918 » - Information à tous les élèves par les professeurs et les principaux. - Projection du film A l’Ouest, rien de nouveau tiré du roman de Erich-Maria Remarque, suivi d’un débat, assuré par des militants de l’ARAC, avec les sept classes de troisième (181 élèves), avec appel, en conclusion, à participer à la cérémonie du 11 Novembre en préparant panneaux, objets souvenirs, lettres de poilus et poèmes. - Démonstration, dans la cour du collège, pour les 750 élèves, après la projection du film, le débat et le repas, par les principaux, quelques professeurs, quelques membres de l’administration, habillés en tirailleurs sénégalais, algériens, en poilus et en infirmières assistés par des militants de l’ARAC.

Cérémonie du 11 novembre 2012 - Exposition des travaux des élèves sur la guerre 1914-1918. - Participation des élèves au défilé et au dépôt de gerbes et à la prise de parole en mairie de Romainville dans le cadre de l’intervention du président de la section de l’ARAC.

Le congrès départemental de l’ARAC Corrèze s’est déroulé fin octobre à Chanteix en présence de Patrick Staat, secrétaire national de l’ARAC. C’est Marie-Josée Capoën, présidente du comité départemental, qui a ouvert le congrès. A l’issue des travaux, les congressistes se sont rendus au monument aux morts de Chanteix pour un dépôt de gerbes en hommage à toutes les victimes des conflits du XXe siècle. La matinée s’est terminée par la remise de l’étoile des mérites civils et militaires argent à Jean-Pierre Peyrat, président de la section ARAC de Vigeois, celle de bronze à Jean-Marie Monéger, président de la section ARAC de Saint-Jal. Les diplômes de porte-drapeaux, attribués par le service de l’ONAC, ont été remis à Jean Marliac et M. Monteiro.

NON À TOUT HOMMAGE OFFICIEL AU GÉNÉRAL BIGEARD L’ARAC, au moyen d’une pétition (qui a recueilli près de 10 000 signatures) portée par son président Raphaël Vahé et son vice-président Paul Markidès, a exprimé son opposition à propos de l’inauguration d’une stèle à Fréjus devant accueillir les cendres du général Bigeard et a demandé que soit proscrit tout hommage au général Bigeard dont on connaît les positions et les actes pour ce qui est du passé colonial de la France et les pratiques les plus détestables de l’armée française.

Paul Markidès LE RÉVEIL - N°788 - NOVEMBRE 2012

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50 ans après Un colloque sur les accords d’Évian * Les samedi 17 et dimanche 18 mars dernier, s’est tenu au Palais des Festivités de la ville d’Évian un colloque intitulé : « Sortir de la guerre d’Algérie : regards croisés, regards apaisés », l’ARAC y a participé, représentée par Henri Evrard, membre du Bureau national. Au cours de ce colloque, a été réaffirmée la demande aux autorités françaises qu’elles formulent une véritable reconnaissance des injustices fondamentales qui ont marqué cette époque. Cela permettra de tourner cette page tragique de notre histoire et de construire avec les peuples du Sud de la Méditerranée un avenir de paix et de progrès. * Camille Blanc, maire d’Évian à l’époque des accords, disparaissait le 31 mars 1962 victime d’un attentat de l’OAS.

Conseil national de l’ARAC Au conseil national des 13 et 14 octobre où était discuté le projet d’orientation pour le 55e Congrès, une partie de ses membres avec le nouveau tee-shirt de l’ARAC.

GRANDE TOMBOLA DE NOËL 2012 Pour soutenir notre journal Le Réveil des Combattants Cette année encore, UNE VOITURE à gagner ! C’est la 3e ! Pour participer au tirage, retournez au siège national (Réveil des Combattants - 2 place du Méridien - 94800 Villejuif), la ou les souches remplies et accompagnées de votre règlement (2 à 20 euros ou plus) et gardez vos tickets. La date butoir pour le retour des souches est fixée au 31 décembre 2012. Le tirage aura lieu début janvier 2013 !

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Inauguration de la place du 17 Octobre 1961 par la municipalité, le samedi 20 octobre 2012

Villejuif

PLACE DU 17 OCTOBRE 1961 Extraits du discours de Jean-Claude Fèvre au nom de l’ARAC de Villejuif. Le 17 octobre 1961, c’est un crime d’État qui s’est produit. Des milliers d’Algériens, hommes et femmes, manifestent pacifiquement pour la paix en Algérie et contre un couvre-feu instauré à leur encontre par le gouvernement de l’époque, couvre-feu décrété par Maurice Papon, alors préfet de police de Paris. Ce même préfet qui avait, en Gironde, fait le choix de la collaboration avec les nazis et envoyé dans les camps d’extermination de centaines de juifs. Ce même préfet qui quelques mois plus tard, le 18 février 1962, faisait tuer au métro Charonne, neuf manifestants dont Daniel Ferry alors âgé de 16 ans et Édouard Le Marchand, dirigeant de l’ARAC. Ces hommes et ces femmes ont subi une répression brutale : des arrestations massives, des noyades dans les eaux glacées de la Seine, des tortures et des déportations. Partout, aux portes de Paris, aux bouches de métro, la police a traqué ces Algériens avec une brutalité sans nom. Ce ne sont pas seulement les violences du 17 octobre 1961 qui ont longtemps été recouvertes d’une chape de silence et d’oubli, c’est l’ensemble des crimes de la police et de l’armée françaises pendant cette « opération de maintien de l’ordre ».

Certes, un pas vient d’être franchi, pour la première fois, le chef de l’État a reconnu la réalité du massacre du 17 octobre 1961. Mais cela ne peut suffire, car c’est bien d’un crime d’État qu’il s’agit et donc être reconnu comme tel. Ce devoir de mémoire est décisif pour refuser l’oubli. C’est travailler à ce que l’histoire ne reproduise plus ces horreurs.

Comment, dans cet esprit, accepter que soit réhabilité aujourd’hui des anciens de l’OAS ? Comment ne pas être outré que l’on érige une stèle à la mémoire du général Bigeard, bourreau du peuple vietnamien et du peuple algérien, en présence du ministre de la Défense, M. Le Drian, le 20 novembre prochain ? Le Président s’honorerait que la République ne cautionne pas une telle initiative, alors que la question est au rapprochement entre les deux pays avec l’élaboration d’un traité de paix et d’amitié. C’est notre histoire à tous, alors ayons le courage de le reconnaître et d’en parler. Ayons le courage de reconnaître les faits, ayons le courage d’employer les mots justes, ayons le courage de les transmettre aux jeunes générations. Un tel acte aurait dans cette région du monde un impact significatif pour la paix. N’oublions jamais que l’histoire de la France est le fruit de l’engagement commun de milliers d’hommes et de femmes de tout horizon sur les valeurs de la révolution de 1789.

17 octobre 1961

La répression sanglante enfin reconnue Le 17 octobre 2012, de nombreuses associations auxquelles s’était joint le Parti communiste français se sont groupées sur le pont Saint-Michel à Paris pour rendre hommage aux centaines d’Algériens massacrés et jetés dans la Seine le 17 octobre 1961 et renouveler l’exigence d’une reconnaissance par l’État de ce crime. L’ARAC y était représentée par Paul Markidès, vice-président national et Henri Pouillot membre du Conseil national qui y prit la parole. Au début de la manifestation, les participants apprenaient la reconnaissance de ces actes odieux par le Président de la

République qui venait de déclarer : « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes ». C’est une prise de position conséquente qui permettra de faire un pas important pour créer les conditions nécessaires à la signature d’un traité de paix et d’amitié entre la France et l’Algérie. Le Sénat a voté quant à lui, le 23 octobre une résolution reconnaissant officiellement cette répression sanglante. LE RÉVEIL - N°788 - NOVEMBRE 2012

- 25


LE RÉVEIL VIE DE L’ARAC

Henri Patard nous a quittés Terrassé par une attaque cérébrale alors qu’il se trouvait à Toulouse, Henri nous a quittés brutalement le 27 octobre dernier. Il avait 79 ans. Cet ancien capitaine de corvette des commandos de fusiliers marins avait combattu en Indochine et il en était revenu avec la haine de la guerre et une considération sans faille pour le peuple vietnamien, qu’il était encore venu saluer le 14 octobre, quelques jours avant sa mort, à Verrières-le-Buisson, à l’occasion de l’hommage rendu à la délégation de Mme Nguyen-Thi Binh qui séjourna dans cette ville de 1968 à 1973, lors des pourparlers qui mirent fin à la guerre d’agression américaine envers ce pays. Sa soif de justice sociale et son amour de la paix l’avait conduit tout naturellement à l’ARAC, où ses talents d’analyse et d’organisation étaient un pilier du bureau départemental au sein duquel il animait la commission financière. Sa force, son entrain, sa bonhomie et sa gaîté naturelle faisaient de lui un camarade incomparable, et son engagement de tous les instants avait fait de la section de Chilly-Mazarin, dont il était l’animateur, l’une des plus actives de l’Essonne dans tous les domaines.

Il a été inhumé le 2 novembre à La Tourd’Aigues (Vaucluse) et une cérémonie religieuse d’hommage à sa mémoire s’est tenue le 9 novembre à Chilly-Mazarin. Il était médaillé militaire, titulaire de la Croix de guerre, de l’Ordre national du mérite, de la Croix du combattant, du TRN, de la médaille de la

Jeunesse et des Sports et de diverses commémoratives. Que Monique son épouse et les siens trouvent ici l’expression de nos condoléances attristées, l’assurance de notre chaleureux et fraternel soutien. Henri continuera de vivre au cœur de l’ARAC.

Marcel Caille n’est plus Notre camarade Marcel Caille, membre de l’ARAC héraultaise, nous a quittés le 14 octobre dernier à l’âge de 90 ans. Cet ouvrier hautement qualifié en mécanique de précision a été dirigeant national du PCF, secrétaire confédéral de la CGT et membre du Conseil économique et social. Son expérience du combat ouvrier l’avait amené à dénoncer avec force l’exploitation salariale conduite avec férocité par les hommes de main à la solde des patrons, notamment dans deux livres, Les truands du patronat et L’assassin était chez Citroën. En 1940, son père, résistant, tombe dans son combat antinazi et meurt en déportation à Auschwitz. Marcel entre immédiatement à son tour dans le combat clandestin. Et c’est sur ces bases antifascistes qu’il mènera l’action contre la

guerre d’Algérie, puis pour la solidarité avec le peuple palestinien. Combats qui l’amèneront à l’ARAC, pour le droit à réparation et la transmission de la mémoire. Il travaillera notamment avec le service juridique national de l’ARAC sur la reconnaissance et les droits à la qualité de résistant et de combattant volontaire de la Résistance. Un hommage public lui fut rendu le 18 octobre à Béziers et l’inhumation eut lieu le 19 au cimetière de Valras-Plage. Nos camarades Henri Moitrier, au nom de la Mutuelle, et Maurice Moréno pour l’ARAC ont assuré son épouse et sa famille de nos sincères condoléances respectueuses.

NOS PEINES OCTOBRE 2012 Le Réveil des Combattants adresse aux familles et aux amis de nos camarades décédés ses sincères condoléances. ALPES-MARITIMES (06) Nice : Francis VACHIE, AC ATM. Saint-Martin-du-Var : Mme Louisette BAILET-MAIFFREDI, 90 ans, participe activement à la Résistance dans le département, ancienne présidente de la section. BOUCHES-DU-RHÔNE (13) Le Canet : René FERRINI, AC ATM. Marseille centre : Paul BRIGANDO, AC 39-45.

26 -

CORREZE (19) Chamberet : André NADIRAS, AC 39-45, président de la section. Lagraulière : Jean LACOUR, AC ATM, portedrapeau. DORDOGNE (24) Le Lardin : Pierre FAUCON, AC 39-45. Périgueux : Roger HASSAN, AC 39-45. Saint-Priest : Mme Denise TOURAINE, épouse. Jean TOURAINE, AC 39-45.

LE RÉVEIL - N°788 - NOVEMBRE 2012

Vertaillac : Yvon AZARD, AC 39-45. GARD (30) Alès : Marc MERCIER, AC ATM, Médaille Militaire. GIRONDE (33) Bassens : Paul RUADEL, 73 ans, AC ATM, portedrapeau de la section. Pessac : Jean-Claude BAUDRY, 75 ans, AC ATM, porte-drapeau de la section. ISÈRE (38) Bourgoin-Jallieu : Joseph

BRISSAUD, 94 ans, AC 39-45. François VARGAS, 96 ans, AC 39-45. PARIS (75) 13e : Gisèle MOREL. SOMME (80) Cayeux-sur-Mer : Yves MASSET, 69 ans, Combattant pour la paix, Maire de Cayeux, Chevalier de la Légion d’Honneur, Officier de l’ONM. Dargnies : Jacques BEAURAIN, AC ATM.

VIENNE (86) Chatellerault : Mme Jeannine VANDERSCHUEREN, 88 ans. ESSONNE (91) Épinay-sous-Sénart : Roger FOULON, AC 39-45. VAL-DE-MARNE (94) Villejuif : Jean-Louis FLAGEUL, AC ATM. VAL-D’OISE (95) Bezons : Michel GUERIN, combattant pour la paix.


LE RÉVEIL VIE DE L’ARAC

UFAC Assemblée générale annuelle à Paris La direction nationale de l’ARAC était représentée, parmi les invités, par Raphael Vahé, président de l’ARAC, le mercredi 3 octobre, et par Patrick Staat, secrétaire national, le jeudi 4 octobre. Kader Arif, ministre délégué à la Défense et aux Anciens Combattants, est venu présenter le projet de budget ACVG 2013 du gouvernement.

Toulouse Assemblée générale de l’ANPNPA Extraits de l’intervention de Patrick Staat, secrétaire national de l’ARAC, directeur du Réveil des Combattants lors de l’assemblée générale de l’ANPNPA (Association nationale des pieds noirs progressistes et leurs amis) le 6 octobre à Toulouse. « Cette rencontre devrait en ouvrir de nouvelles et nous permettre des initiatives communes. Bien des sujets, des préoccupations, des valeurs nous sont communes (…) Cette volonté de s’attaquer aux causes de la première guerre mondiale a fait de l’ARAC, dès sa création, une association politique, engagée (…) Or, les causes politiques et économiques sont les mêmes qui, en 39-40, ont conduit à la deuxième guerre mondiale (…) Les tensions internationales et les risques d’explosion entre pays n’ont jamais été aussi grands depuis 65 ans… notamment en Afrique et en Asie (…) En ce 50e anniversaire du cessez-le-feu en

Algérie, je dis bien « cessez-le-feu » et non pas traité car il est temps qu’un traité de paix et d’amitié voit le jour entre nos pays (…) Ce combat doit être commun. Nous devons peser pour que le gouvernement français, le Président François Hollande, ouvrent la porte du dialogue, engagent les initiatives pour une nouvelle ère au rapport franco-algérien. Cela compterait et contribuerait, dans cette région du monde, à donner des signes positifs pour résoudre la situation dans un moment où en Afrique du Nord, de l’Atlantique à la Syrie, les peuples vivent sur un volcan, où les risques de conflits et de guerres pouvant embraser la méditerranée

et le monde n’ont jamais été aussi grands. Le rapprochement et la réconciliation sincère et durable entre Français et Algériens est une nécessité. Il est temps, pour peser sur le présent et l’avenir, de tourner avec courage, lucidité et responsabilité, la page de 130 années de domination coloniale (…) Nous avons encore en ces moments, chers amis, des combats à mener, ensemble, pour la paix, la démocratie et les valeurs républicaines. » Propos recueillis parJean-Claude Fèvre

Le décès de Pierre Capdevielle Notre camarade Pierre Capdevielle nous a quittés récemment. Président du comité départemental de l’ARAC, membre du Comité national d’honneur de notre association, il était, en Vendée et au-delà, une grande figure respectée du mouvement ancien combattant. Pierre fut un résistant de la toute pre-

mière heure face à l’invasion hitlérienne, un militant exemplaire, toute sa vie durant, pour l’amitié et la solidarité entre les peuples, pour l’antifascisme, le travail de mémoire, la paix. Son souci de faire connaître, par son action à l’ARAC, les vérités d’hier - comme la force des idées du programme du CNR, aux ré-

sistances citoyennes et républicaines d’aujourd’hui, restera un bel exemple d’engagement. Comme nous l’avons exprimé dans un message de condoléances à sa famille et à ses camarades, nous continuons son combat pour la paix, son combat pour la vie.

LE RÉVEIL - N°788 - NOVEMBRE 2012

- 27


LE RÉVEIL VOS DROITS

PENSION D’INVALIDITE

Valeur du point 13,91 e à partir du 1er janvier 2012 Pourcentage

Indices

Montant mensuel

INVALIDITE de 10 à 80 % 10 %

48

55,64

15 %

72

83,46

20 %

96

111,28

25 %

120

139,10

30 %

144

166,92

35 %

168

194,74

40 %

192

222,56

45 %

216

250,38

50 %

240

278,20

55 %

264

306,02

60 %

288

333,84

65 %

312

361,66

70 %

336

389,48

75 %

360

417,30

80 %

384

445,12

INVALIDITE de 85 à 100 % avec all GI 1,2,3 et 4 selon taux 85 % ss all GM av all GM

489

566,83

625

724,48

90 % ss all GM av all GM

522

605,09

745

863,58

95 % ss all GM av all GM

574

665,36

872

1 010,79

100 % ss all GM av all GM

628

727,96

1000

1 159,17

INDEMNITE DE SOINS AUX TUBERCULEUX

Invalidité 100 %

947

1 097,73

1180

1 367,82

966

1 119,76

100 % + art l16 et l18 + all gi n°5bis (a) et gi 6

1221

1 415,34

985

1 141,78

1° sans all G.M. avec all G.M.

1262

1 462,87

5° sans all GM avec all GM

1004

1 163,80

1303

1 510,39

6° sans all GM avec all GM

1023

1 185,83

1344

1 557,92

7° sans all GM avec all GM

1042

1 207,85

1385

1 605,45

8° sans all GM avec all GM

1061

1 229,88

1426

1 652,97

9° sans all GM avec all GM

1080

1 251,90

1467

1 700,50

10° sans all GM avec all GM

1099

1 273,92

1508

1 748,02

2° sans all GM avec all GM 3° sans all GM avec all GM 4° sans all GM avec all GM

Par degré en plus de 10 sans all GM avec all GM

19

22,02

41

47,53

LES PENSIONS D’ASCENDANTS Ascendants âgés de moins de 65 ans Taux plein

213

246,90

Demi-taux

106,5

123,45

Ascendants de plus de 65 ans Taux plein

243

281,68

458

530,90

Demi taux

121,5

140,84

au taux réduit

275

LE RÉVEIL - N°788 - NOVEMBRE 2012

318,77

(1) INVALIDITÉ à 100 % avec article l 18 + all gi 5 bis (a) + all gi n°6

1 320,29

de ménagement

796,35

Montant mensuel

1139

1061,80

687

Indices

1 075,71

916

au taux plein

Catégories

928

1° sans all GM avec all GM

de soins

de reclassement et de ménagement

28 -

INVALIDITE à 100 % avec degrés de surpension (art l.16) et avec all. GI N°5

Majoration pour chaque enfant décédé en sus du premier

100 % + art L.18 + all GI n°5 bis (a) sans all GM avec all GM

1 838

2130,55

2 189

2537,42

1908

2 211,69

2289

2 653,33

1978

2 292,83

2369

2 746,07

3° sans all G.M. avec all G.M.

2048

2 373,97

2449

2 838,80

4° sans all G.M. avec all G.M.

2118

2 455,12

2° sans all G.M. avec all G.M.

2529

2 931,53

2188

2 536,26

2609

3 024,27

6° sans all G.M. avec all G.M.

2258

2 617,40

2689

3 117,00

7° sans all G.M. avec all G.M.

2328

2 698,54

2769

3 209,73

8° sans all G.M. avec all G.M.

2398

2 779,68

2849

3 302,47

9° sans all G.M. avec all G.M.

2468

2 860,82

2929

3 395,20

10° sans all G.M. avec all G.M.

2538

2 941,97

3009

3 487,93

5° sans all G.M. avec all G.M.

Par degré en plus de 10 sans all G.M. avec all G.M.

70

81,14

80

92,73

(1) A ces totaux s’ajoute éventuellement l’une des all. G.I. N° 8 (de 368 à 800 points selon le taux ou la nature de l’infirmité). L’all.G.M servie est soit l’all. prévue selon le taux, soit certaines all. spécifiques (ex: 982 points pour aveugles) si cette all. est plus avantageuse.

RETRAITE DU COMBATTANT 45

52,16

Annuelle Semestrielle

48

667,68 333,84


VOS DROITS LE RÉVEIL

Catégories

Indices

Montant mensuel

INVALIDITE à 100 % (1) Aveugles, bi-amputés, paraplégiques 100 % + L18 + all. GI n°5 bis (b) sans all G.M. avec all G.M.

1929

2 236,03

2280

2 542,20

100 % + art L18 + art L16 + all G.I. n°5 bis (b) + all G.I. n°6

PENSIONS DE CONJOINTS SURVIVANTS AU TAUX DE SOLDAT A tous ces indices s’ajoutent depuis le 1er janvier 2004 (art.121 de la loi de finances 2004) 15 points uniformes pour tous.

Indices

Montant mensuel

Conjoints survivants de victimes militaires (de guerre ou hors guerre) et de victimes civiles de guerre, quel que soit leur âge, dont le droit à pension découle de l’imputabilité ou dont le conjoint était pensionné à 85 % avec all. G.M.

500

579,58

Conjoints survivants de victimes militaires (guerre ou hors guerre) et de victimes civiles de guerre, quel que soit leur âge, dont le conjoint était pensionné à 85 % sans allocation G.M.

489

566,83

333

371,30

Catégories AU TAUX NORMAL

1999

2 317,17

2380

2 758,82

2° sans all G.M. avec all G.M.

2069

2 398,32

2460

2 851,55

3° sans all G.M. avec all G.M.

2139

2 479,46

AU TAUX DE REVERSION

2540

2 944,28

4° sans all G.M. avec all G.M.

2209

2 560,60

Conjoints survivants de victimes militaires (guerre ou hors guerre) de moins de 40 ans bénéficiant du taux de reversion

2620

3 037,02

5° sans all G.M. avec all G.M.

2279

2 641,74

2700

3 129,75

6° sans all G.M. avec all G.M.

2349

2 722,88

2780

3 222,48

7° sans all G.M. avec all G.M.

2419

2 804,02

2860

3 315,22

8° sans all G.M. avec all G.M.

2489

2 885,17

2940

3 407,95

9° sans all G.M. avec all G.M.

2559

2 966,31

3020

3 500,68

10° sans all G.M. avec all G.M.

2629

3 047,45

3100

3 593,42

1° sans all G.M. avec all G.M.

Par degré en plus de 10 sans all G.M. avec all G.M.

70

81,14

80

92,73

Conjoints survivants de victimes militaires (guerre ou hors guerre) de plus de 40 ans,bénéficiant du taux de reversion, dont le conjoint était pensionné au taux de 70% …

… au taux de 70 %

336

374,64

… au taux de 75 %

360

401,40

… au taux de 80 %

384

428,16

Conjoints survivants de victimes militaires (guerre ou hors guerre) quel que soit leur âge,bénéficiant du taux de reversion, dont le conjoint était pensionné…

… au taux de 60 %

288

333,84

… au taux de 65 %

312

361,66

Veuves de déportés morts en déportation, et de prisonniers du Viet-Minh morts en captivité, sans condition d’âge et de ressources

667

773,16

Conjoints survivants âgés d’au moins 50 ans ou infirmes remplissant la condition de ressources

667

770,94

AVEC SUPPLÉMENT EXCEPTIONNEL

MAJORATION POUR LES TITULAIRES DE L’ARTICLE L18 (tierce personne) Conjoints survivants pensionnés justifiant de 15 ans de mariage et de soins, dont le conjoint était bénéficiaire de l’article L18 (tierce personne) avec l’allocation n° 5 bis (b) et était donc : aveugle, ou amputé de deux membres, ou paraplégique

350

405,71

Conjoints survivants (autres que ceux ci-dessus) pensionnés justifiant de 15 ans de mariage et de soins, dont le conjoint était bénéficiaire de l’article L 18 (tierce personne) avec l’all. n° 5 bis (a)

260

301,38

(1) A ces totaux s’ajoute éventuellement l’une des all. G.I. N° 8 (de 368 à 800 points selon le taux ou la nature de l’infirmité). L’all.G.M servie est soit l’all. prévue selon le taux, soit certaines all. spécifiques (ex: 982 points pour aveugles) si cette all. est plus avantageuse.

LES IMPLAÇABLES L’Allocation aux grands invalides n°9, dite allocation aux implaçables, n’est pas d’un montant fixe. En effet, elle représente pour le bénéficiaire la différence entre ses revenus (pension et autres) et le montant produit par la multiplication de la valeur du point et de l’indice 1500 s’il est âgé de 65 ans ou de l’indice 1200 s’il a plus de 65 ans. Ainsi par exemple, un pensionné à 90 % sans allocation G.M. bénéficie d’une pension d’inva-

lidité calculée sur l’indice 522. S’il n’a pas d’autres ressources que sa pension, et s’il est âgé de moins de 65 ans, le montant mensuel de son allocation n°9 sera calculée comme suit : • 522 x 13,91 / 12 = 605,09 e • Les ressources globales autorisées sont fixées sur la base de l’indice 1500 multipliées par la valeur du point de pension en vigueur : Indice 1500 = 20 865,00 par an, soit 1 738,75 par mois.

• En retranchant de cette somme le montant mensuel de cette pension : 1 738,75 - 605,09 on obtient la valeur mensuelle de l’allocation n°9 : 1 133,66 • montant mensuel des ressources autorisées

Indice 1500 = 1738,75 Indice 1200 = 1391,00 LE RÉVEIL - N°788 - NOVEMBRE 2012

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DOSSIER LE RÉVEIL MAGAZINE

Fusillés pour l’exemple, un cas extraordinaire !

Fusillé vivant Odette Hardy-Hémery, Ed NRF-Gallimard, 22 euros

L’auteur, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université Lille 3, nous relate l’histoire extraordinaire de François Watrelot, 27 ans, mineur du Nord, fusillé pour l’exemple avec six de ses camarades du 327e régiment d’infanterie le 7 septembre 1914, sur ordre du général Boutegourd. Trois des sept ne furent pas tués. L’un décéda de sa blessure quelques jours après, un second, blessé à la cuisse, fut soigné secrètement par ses camarades et disparu dans la nature ; quant à Watrelot, qui s’était jeté à terre, il ne fut pas touché et échappa au coup de grâce, l’adjudant Théras ayant commencé par là gauche (alors que Watrelot se trouvait à droite) et refusant d’aller plus loin après les deux premiers coups de feu. Watrelot, avec la solidarité complice de ses camarades, rejoignit son unité, fut gracié et écrivit plus de 250 lettres aux siens entre le 8 août 1914 et le 10 juin 1915 où il fut tué au front. Grâce à ses lettres, on sait précisément ce que fut une exécution, racontée par celui qui était du côté du canon. On découvre aussi une facette nouvelle de ce que furent les « fusillés pour l’exemple », la solidarité silencieuse, mais sans faille, des combattants et… l’impunité du commandement. On suit également l’engagement des familles et de leurs soutiens pour la réhabilitation des victimes. Et notamment l’action de municipalités socialistes

et du tout nouveau Parti communiste créé après 1920 - la section française de l’Internationale communiste - de la Ligue des droits de l’homme et des associations d’anciens combattants, l’UNC, l’UF, et plus particulièrement, de l’ARAC qu’évoque avec force Odette Hardy-Hemery. Ainsi, on peut lire, pages 171-172 : « L’incessante activité de la Ligue, de l’ARAC et des soutiens réunis entretient et relance une mobilisation d’ampleur nationale d’autant plus forte qu’elle est relayée par de nombreux comités locaux (…). Les associations de ce monde étroitement solidaire que forment les anciens combattants se démultiplient dans chaque localité (…) 20 000 manifestants dans les rues de Lille, le 11 septembre 1922, puis à Marly-les-Valenciennes, huit jours après lors de la remise du drapeau à la section de l’ARAC de cette ville. Dans un conseil au maire d’Anzin pour l’inauguration du monument aux morts, François Gruzon, secrétaire de la section ARAC, imagine pour cette occasion une cérémonie toute spéciale (où le général Boutegoud serait accusé)… ». Toutes ces manifestations demandent la réhabilitation des fusillés. Elles sont très spectaculaires et souvent marquées politiquement, la concurrence entre communistes et socialistes pour apparaître les plus combatifs conduisant à la division. En déroulant ce fil, c’est non seulement la guerre de 14-18 que l’auteur fait défiler devant nos yeux, mais aussi toutes les actions engagées et le développement des luttes politiques de l’après 1918 à travers la revendication des réhabilitations - qui demeurent encore à obtenir pour tous - et la condamnation des commandements bénéficiant toujours de l’impunité. Un combat d’actualité pour notre ARAC en cette période des centenaires de la guerre 1914-1918.

Le déni d’histoire Sous la direction d’Angelo del Boca, Éditions Delga

Nous sommes en temps de restriction des dépenses publiques. Pourtant la région du Latium a trouvé les fonds pour financer un mausolée au général Graziani, criminel fasciste qui, à la Libération, fut condamné à 19 ans de prison pour crimes de guerre et collaboration. C’est dans ce contexte que sort en France le remarquable livre Le déni d’histoire. Usage public de l’histoire et réhabilitation du fascisme en Italie aux éditions Delga, où dix des meilleurs historiens de la période illustrent avec une grande rigueur scientifique et une remarquable force pédagogique à quoi sert le révisionnisme historique en œuvre en Italie depuis une trentaine d’année et comment cela a préparé la réhabilitation du fascisme. Angelo del Boca(1), qui dirige cet ouvrage, a déjà rappelé l’une des « prouesses » de Graziani : le massacre de 1 600 personnes à Debre Libanos en Éthiopie. Nous n’allons pas détailler tous les crimes qu’il a commis dans l’Afrique orientale italienne et en Libye. Mais pourquoi aujourd’hui rend-on hommage à ce sinistre personnage ? Que veut-on justifier dans le passé et que préparet-on dans l’avenir ? C’est donc un livre utile parce qu’il aide à comprendre que le déni de l’histoire est aussi un déni criant de ces morts et la préfiguration des désastres à venir. Ludmilla Acone (1) Ancien résistant il est spécialiste du colonialisme italien et également l’auteur du Italiani brava gente ? (Italiens, braves gens ?) Neri Pozza, 2005. LE RÉVEIL - N°788 - NOVEMBRE 2012

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