Le réveil des combattants - Mai 2012

Page 12

LE RÉVEIL international

Pétrole

La souveraineté argentine Les ressources énergétiques sont au cœur d’une course acharnée à laquelle participent les grandes puissances capitalistes mondiales, qui n’hésitent pas à intervenir directement par les armes ou à inciter des peuples à s’affronter entre eux pour protéger les « intérêts » en place ou procéder à un nouveau partage des richesses : Afghanistan, Irak, Libye, voire le Soudan du Sud et le Soudan, où la compagnie Greater Nile Pétroléum Opérating Compagny (GNPOC) est détenue à 40 % par la CNCP (Chine), à 30 % par la compagnie indienne ONGC et à 5 % par SUDAPET (compagnie soudanaise) et le site pétrolier de Heglig sont au cœur des combats. Mais qu’un État décide de renationaliser son industrie pétrolière, c’est tout un chœur de protestation qui s’élève alors. L’Argentine veut son pétrole Lorsque le 16 avril dernier, la Présidente Cristina Kirchner, déjà au bras-de-fer pour le pétrole des îles Malouines que veut truster la colonialiste Angleterre, annonce qu’elle va renationaliser 52 % des actions de la société pétrolière YPF, ce sont 90 % des Argentins qui l’acclament et reçoivent le soutien du Brésil, de l’Uruguay, de l’Équateur, du Paraguay, du Venezuela, de la Bolivie, du Chili, avec la CELAC, la toute jeune confédération des États d’Amérique et des Caraïbes. Seul, au Sud, le Mexique est contre car il défend les « intérêts » de sa société nationale Permex qui détient 10 % du capital de la firme espagnole Repsol dont dépend l’YPF argentine.

A la reconquête de la souveraineté nationale Dans les années 1990, Carlos Menem, alors Président de l’Argentine, avait bradé toutes les richesses du pays, les privatisant et les vendant à l’étranger. Avant lui, YPF et son pétrole avaient historiquement participé au développement de l’intérieur du pays en y créant des routes, des villages et des villes… toutes choses insupportables à Menem qui la vendit à l’espagnole Repsol en 1999. Mais, depuis 2003, une politique de « récupération » renationalisait les transports aériens (Aerolinas), le système de retraite, de l’éducation, de la santé. Restaient encore au privé les mines, les télécoms, l’électricité, les banques et… le pétrole. De fait, l’Argentine était le 12 -

LE RÉVEIL - N°783 - MAI 2012

seul État producteur du monde à ne pas contrôler son propre pétrole !

Repsol, une exploitation effrénée Malgré les 1 600 stations service argentines lui appartenant, Repsol n’exploite que 30 % des 200 000 puits de pétrole du pays, dont 6 000 totalement inutilisés et les autres relevant de Total, Chevron, BP ou Pétrobas. Et ce, avec des profits immenses redistribués aux actionnaires étrangers, alors que Repsol n’a investi dans aucun nouveau forage, exploitant ceux en production jusqu’au quasi épuisement (en 1999, les réserves estimées étaient de 35 années de production. Aujourd’hui, elles seraient de 5 ans seulement), laissant l’Argentine au bord de l’épuisement et la contraignant à importer pour 10 milliards de pétrole en 2011, sans doute 15 milliards en 2012, ce qui représente 50 % du total de ses importations !

Les USA et l’Union européenne contre les souverainetés nationales Les USA et le gouvernement espagnol espéraient une vive condamnation internationale de l’Argentine. En fait, seule l’Union européenne, dont la France, est montée au créneau. Alors que le Sénat argentin a adopté le projet à une très large majorité, l’UE s’ingère indûment dans les décisions politiques d’un gouvernement souverain et s’apprête à voter une résolution contre l’Argentine, accusée de s’en prendre à la « sécurité juridique des

investissements européens en dehors de l’Union européenne », entendez « les intérêts espagnols ». Or, plus de 54 % du capital de Repsol sont détenus par des actionnaires étrangers à l’Espagne ; et l’entreprise elle-même n’y déclare que 25 % de ses bénéfices. Aujourd’hui, elle réclamerait 10 milliards de dédommagement à l’Argentine alors que, selon le Financial Times, Repsol étudiait une offre d’achat d’YPF par une société chinoise pour 15 milliards de dollars !

Un signal fort envoyé aux exploiteurs des peuples En récupérant son pétrole, l’Argentine assure non seulement son avenir, mais elle envoie aussi un signal fort aux transnationales dont elle rejette les instances et les règles internationales édifiées pour protéger les investissements et les capitaux des principales puissances de la planète. Cette mesure s’inscrit dans la politique de souveraineté qui entre en contradiction avec les règles du capitalisme financier et du néolibéralisme qui ont mené la Grèce, l’Italie, l’Espagne et le Portugal aux crises aiguës que l’on sait. Notre pays, sur qui pèse aussi cette menace, devrait au contraire soutenir le choix de l’Argentine et coopérer avec le pays comme avec l’ensemble de l’Amérique latine, plutôt que suivre l’UE et l’OTAN dans leurs exactions colonialistes contraires à ses intérêts nationaux et à son devenir. André Fillère


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.