Le réveil des combattants - Juin

Page 1

CE QUE L'ON NOUS TAIT SUR LES OPEX

LE CHANT DES PARTISANTS INTERDIT !

le réveil JUIN 2012 - N°784 - 5 e

GRÈCE : UN COMPLOT INTERNATIONAL

DES COMBATTANTS

Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix

LA soUveRAineTé De noTRe PAys en DAngeR

Le journal des droits de tous les anciens combattants et victimes de guerre


LE RÉVEIL ACTUALITÉS

Afghanistan

En Syrie

A l’heure où les autorités de l’État, les associations d’anciens combattants et victimes de guerre rendent hommage aux quatre militaires français tués en Afghanistan, l’ARAC s’incline devant ces hommes sacrifiés, présente ses sincères condoléances aux familles des disparus et leur exprime sa solidarité ainsi qu’à leurs camarades blessés. Notre association, comme elle n’a cessé de le répéter, exprime de nouveau son opposition au règlement des problèmes internationaux par l’usage des armes. La guerre tue, sème souffrance et désespoir, mais ne règle rien. L’Afghanistan, la Libye en sont des preuves. En ces douloureuses circonstances, l’ARAC rappelle à Monsieur le Président de la République la position qu’il a prise à ce propos : « Le devoir de la France est de continuer à prévenir la guerre et à construire la paix, par le droit, la négociation, la coopération, et l’action quand elle est nécessaire ». Par conséquent le retrait complet du corps expéditionnaire français engagé en Afghanistan s’avère absolument nécessaire.

La situation critique actuelle impose d’urgence la recherche de solution, l’ouverture de la négociation dans le cadre de l’application du plan Annan. Le Président de la République a évoqué l’éventualité d’une intervention militaire sous l’égide du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce n’est pas la solution. L’ARAC rappelle que toutes décisions de guerre ne pourraient aboutir qu’à la souffrance et à une impasse. Le risque serait grand alors d’un éclatement meurtrier dans toute cette région. Comme le Président de la République l’a affirmé dans la réponse qu’il a faite à l’ARAC durant la campagne électorale : « Le devoir de la France est de continuer à prévenir la guerre et à construire la paix par le droit, la négociation, la coopération, et l’action quand elle est nécessaire ». Pour ne pas ouvrir la voie à une démarche suicidaire en Syrie, nous affirmons que le chemin de la paix par le droit et la négociation est la seule issue. Nous prendrons toutes les initiatives qui nous paraîtront nécessaires pour préserver la paix. Villejuif, le 31 mai 2012.

Hommage aux soldats disparus

Mercredi 13 juin 2012.

le sang continue de couler

Dix jours de détente, de mémoire, de découverte !

Tombola ARAC 2012 Avec le calendrier de cette année, particulièrement chargé en cette longue période électorale, nous constatons que le placement des bons de soutien 2012 a pris du retard dans les comités départementaux, les sections locales et chez nos adhérents isolés. La direction nationale a jugé utile de reporter le tirage de la tombola à la fin août 2012, afin de permettre un placement des bons à l’occasion des initiatives de l’été. Les résultats seront publiés dans le numéro du Réveil des Combattants de septembre 2012. 2-

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012


ÉDITo LE RÉVEIL

mAinTenAnT : CoURAge eT DéTeRminATion

SoMMAIRE Actualités p. 4 Air France : plus de 5 000 postes supprimés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Augmentation de la retraite du combattant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Quand des maires interdisent le Chant des partisans . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Suppression de 45 000 emplois industriels. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Hausse des tarifs du gaz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 PSA Aulnay-sous-Bois : non à la fermeture. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Les effets de la crise sur la pauvreté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 international p. 9 Obama - Iran : cyberwar. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Afghanistan : ayons le courage du changement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Asie : la flotte américaine renforcée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Chicago : un sommet peut en cacher un autre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 vie de l’ARAC p. 22 La vie des comités. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Pétition pour le droit des OPEX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Georges Doussin reçoit le prix Georges Dimitrov. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 vos droits p. 26 Entrevue entre les directions de l’ARAC et de l’ONAC . . . . . . . . . . . 26 Ce qu’on tait sur les OPEX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 mémoire p. 30 Hommage à René Sahors. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

P. 13 D o S S I E R

grèce

Un complot international Des éléments pour comprendre le sort peuple grec et l’appel à la résistance de Mikis Théodorakis.

LE RÉVEIL DES COMBATTANTS Fondé en 1931 par Henri-Barbusse Mensuel de l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre. Commission paritaire n° 0713-A 06545 Édité par les Éditions du Réveil des Combattants SARL au capital de 45 734,41 - Siret : 572 052 991 000 39 2, place du Méridien, 94807 Villejuif cedex Téléphone : 01 42 11 11 12 Télécopie : 01 42 11 11 10 reveil-des-combattants@wanadoo.fr

Tirage : 60 000 exemplaires Gérant Directeur de la publication : Raphaël Vahé • Directeur délégué - Rédacteur en chef : Patrick Staat • Comité de Rédaction : Brigitte Canévêt, Hervé Corzani, Jean-Pierre Delahaye, André Fillère, Laurence Gorain• Service photos : Jean-Claude Fèvre • Administratrice : Annick Chevalier • Secrétariat de rédaction, conception graphique : Escalier D Communication • Impression : RIVET P.E. - 24 rue Claude-Henri-Gorceix, 87022 Limoges cedex 9

François Hollande va-t-il sacrifier la France sur l’autel du capitalisme allemand ? Va-t-il accepter d’installer une suprématie politique et un droit de tutelle sur la politique des nations au profit de Mme Merkel ? Le résultat serait pauvreté et angoisse pour les uns, et bénéfices au nom du marché pour une minorité qui construit son opulence sur la misère. La France avec son histoire, ses valeurs, ses combats démocratiques, sa Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, n’est pas à vendre. Notre pays doit être maître de son destin, maître de ses décisions et doit redevenir maître de son rôle dans le monde. Le sujet de la souveraineté nationale devient aujourd'hui une question primordiale. Cela ne s’oppose pas à l’Europe des peuples où les nations doivent être respectées, leur histoire également. C’est pour cela que nous sommes opposés au fédéralisme cher à la chancelière qui verrait cette souveraineté de la France disparaître au profit du leadership allemand. Tous ceux qui aujourd’hui prônent plus d’intégration politique, plus d’intégration économique, la mise sous tutelle de la Commission européenne des budgets nationaux, ne visent qu'une politique d’austérité. Le respect de la souveraineté des nations de la communauté européenne, c’est la garantie que les peuples puissent s’engager dans une construction politique tournée vers la croissance, vers la préservation des droits sociaux, démocratiques. Plus de démocratie et de respect des opinions publiques, c’est la garantie de répondre à l’intérêt de l’immense majorité des habitants de l’Europe. Une position ferme de la France face à Mme Merkel pourrait incarner un espoir pour les peuples d’Europe. Jusqu’à quel point les peuples accepteront-ils que les choix liés à la mondialisation se traduisent pour un grand nombre de pays d’Europe du sud par une aggravation de la récession ? Le Président Hollande doit, dans notre pays, miser sur le débat démocratique et soumettre tout traité à un référendum. Ce que craint le plus le capitalisme, c’est l’expression et la voix des peuples. L’heure est à la lutte. Il en va de notre vie, de celle de nos enfants et petits-enfants. L’ARAC, attachée aux valeurs républicaines, contribuera avec ses adhérents au rassemblement nécessaire, à la définition d’un nouveau programme de résistance, fidèle au programme du CNR qui, contribuera au développement et au rayonnement de la France. Patrick Staat LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

-3


LE RÉVEIL ACTUALITÉS

Air France

supprime 5 122 postes La compagnie veut baisser ses effectifs de 5 122 personnes. Il n'y aura pas de licenciements secs. La direction table sur 1 710 départs naturels. Pour résorber le sureffectif de 3 410 personnes, des incitations au départ volontaire et des mesures de temps partiel seront mises en place. Si les syndicats ne signent pas de nouveaux accords d'entreprise, Air France procédera à des licenciements secs. La direction d'Air France a présenté en comité central d'entreprise (CCE) son estimation du sureffectif et les mesures pour le résorber. La compagnie estime la baisse des ressources humaines, qui étaient de 49 301 personnes fin 2011, à 5 122 personnes d'ici à fin 2013. Les prévisions tablent sur 1 710 départs naturels auxquels il faut ajouter une baisse complémentaire portant sur 3 410 postes. Ces derniers se répartissent en 2 056 personnels au sol, 904 navigants commerciaux et 238 pilotes.

Les navigants ne seraient donc pas touchés par le plan de départs volontaires. Les 904 personnes en sureffectif identifiées pour les hôtesses et stewards seront absorbées par les départs naturels, le partage du temps de travail mais aussi par des transferts chez Transavia, la filiale à bas coûts du groupe appelée à passer de 8 à 22 avions d'ici à fin 2015. Cette dernière doit recruter 200 PNC (personnel navigant commercial) au sein d'Air France et des compagnies régionales (Regional, Britair) et 140 pilotes.

Les navigants transférés chez Transavia

La menace des licenciements

Pour résorber ce sureffectif, la compagnie prévoit comme mesures d'accompagnement « une aide au départ volontaire à la retraite, une aide au départ volontaire de l'entreprise, une incitation au passage au temps partiel et un partage du temps d'activité pour le personnel navigant », selon un document communiqué aux syndicats.

4-

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

La direction met la pression sur les syndicats. « Si les nouveaux accords sont signés, les modalités de traitement des sureffectifs excluront le recours à des départs contraints d'ici à fin 2013 », a précisé Air France dans un communiqué. Direction et syndicats négocient de nouveaux accords collectifs pour augmenter l'efficacité économique de la compagnie

de 20 %. Un nouveau CCE est prévu fin juin. La direction présentera le projet finalisé du plan Transform, avec un accord à signature courant juillet. Le 26 juillet, un nouveau CCE présentera la GPEC (gestion prévisionnelle de l'emploi) affinée et consultera les élus sur un éventuel PSE-Plan de départs volontaires. Si les accords ne sont pas signés, la compagnie prévient qu'elle sera contrainte de fermer des lignes et les départs volontaires ne pourraient pas être évités.

Augmentation de la retraite du combattant A compter du 1er juillet, conformément au vote de la Loi de Finances 2012 par le Parlement, l’indice de la retraite du combattant est relevé de 4 points et passe à 48 points. De ce fait, le montant annuel de la retraite du combattant s’élève à 665.28 € (+ 66,44€) soit 332.64 € par semestre perçu (+ 31.72 €). Rappelons que, pour bénéficier de la retraite du combattant, il faut être titulaire de la carte du combattant, laquelle est délivrée selon certains critères et sur demande de l’intéressé. Rappelons également que la carte du combattant - et le Titre de reconnaissance de la nation (TRN) - permettent d’accéder à un avantage spécifique des plus intéressants (réservé aux seuls anciens combattants et familles de « Mort pour la France ») : la rente mutualiste ancien combattant. Pour toutes démarches (demander la carte du combattant, le Titre de reconnaissance de la nation et rente mutualiste ancien combattant...), s’adresser à la Mutuelle de l’ARAC ou à l’ARAC au 2 place du Méridien, 94807 Villejuif cedex. Tél. 01 42 11 11 00. mutuarac@mutuarac.com. www.mutuellearac.com


ACTUALITÉS LE RÉVEIL

Quand les maires de Bollène et d’Aix-les-Bains Interdisent le Chant des partisants

Ami entends-tu ?

Les scandales de Bollène et d’Aix-les-Bains ou « Quand des élus UMP et de la Ligue du Sud prennent des initiatives insultantes pour la mémoire de la France ». A Bollène, le 18 juin, cérémonie commémorative de l’Appel du Général de Gaulle. Comme d’habitude, les anciens combattants et leurs amis, unis, commencent à chanter le Chant des partisans. Des agents municipaux et des élus municipaux représentant le maire (Mme Bompard de la Ligue du Sud, dissidente du FN) s’interposent violemment par la parole et des gestes agressifs. Ci-joint la lettre adressée à Mme Bompard par notre camarade Georges Sabatier, ancien maire de Bollène, président d’honneur du comité local de l’ANACR, et membre du

comité départemental de l’ARAC. A Aix les Bains, le 23 juin, le maire UMP et le député UMP de Savoie inaugurent un square et une stèle en l’honneur de Marcel Bigeard, colonel tortionnaire pendant la guerre d’Algérie, après s’être illustré pendant la guerre d’Indochine contre les patriotes vietnamiens luttant pour l’indépendance de leur pays. Dans le Vaucluse, en face du scandale de Bollène, le comité départemental de l’ARAC prépare pour la rentrée de septembre une riposte unitaire des associations d’anciens combattants et

de leurs amis, au nom des valeurs de la République et des combats qui ont été menés pour les défendre et pour sauver la France du fascisme hitlérien et pétainiste. En face des manœuvres de plus en plus dangereuses des activistes d’extrême droite et du FN, l’heure n’est plus seulement à la vigilance mais à l’action offensive pour le respect de la mémoire est des valeurs républicaines. « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la chose immonde », hélas, plus encore aujourd’hui qu’hier. Plus nous serons à résister, plus nous aurons de chance d’arrêter sa croissance, avant qu’il ne soit trop tard. Georges Doussin

La lettre de Georges Sabatier au maire de Bollène Le 20 juin 2012 Mme Marie-Claude Bompard Maire de Bollène Madame le Maire, C’est au nom du bureau de l’ANACR que je vous adresse cette lettre afin de condamner avec la plus grande vigueur ce que votre directeur de cabinet, soutenu en cela par votre adjoint M. Beck, a provoqué de manière indigne lors de la cérémonie en l’honneur de l’appel du 18 juin du Général de Gaulle. Les anciens combattants souhaitaient entonner le Chant des partisans lors de cette cérémonie. Cela s’est toujours fait. Pourquoi ne pas accepter leur apport à cette commémoration, à cette mémoire commune ? Monsieur Fruleux, qui n’est pas un élu de Bollène, en s’opposant à l’interprétation du Chant des partisans par les anciens combattants par la violence de ses actes et de ses propos et de ses me-

naces vis-à-vis de Mme Massonet, M. et Mme Boudil, de moi-même et d’autres personnes présentes, a commis un acte grave notamment vis-à-vis de citoyens médaillés militaires. Cette attitude intolérable a été cautionnée par une partie des élus de votre majorité, notamment votre adjoint aux finances, M. Beck. Par ailleurs je déplore que leur idéologie et leur haine anticommuniste, que l’on retrouve encore dans vos communiqués de presse, qui dénaturent le sens de l’histoire et de la Résistance française à laquelle ont participé les communistes. Dans cet aveuglement,vous en oubliez même que le Chant des partisans n’est pas un chant communiste. Il a été écrit par Joseph Kessel et Maurice Druon en 1943. Gaulliste, ministre des Affaires culturelles de 1973 à 1974 sous la Présidence de Georges Pompidou, il est le chant de toute la Résistance. C’est une œuvre marquante de notre patrimoine

immatériel classée comme monument historique depuis 2006. Devant cette situation inadmissible je vous demande, Madame le Maire, au regard de la faute commise et du statut de la fonction publique concernant le droit de réserve des agents des collectivités territoriales, de prendre les sanctions nécessaires qui s’imposent. Vous comprendrez aisément qu’au regard des faits incriminés et de leurs publications dans les médias locaux je rende publique la lettre que je vous adresse ce jour. Veuillez croire, Madame le Maire, à mon entier dévouement à la mémoire de la Résistance ainsi qu’aux valeurs de la République. Georges Sabatier Président du comité de Bollène de l’ANACR, membre du comité départemental de l’ARAC 84

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

-5


LE RÉVEIL actualités

Suppression de 45 000 emplois industriels

Un enjeu de société

Les rapaces sont encore aux manettes : dès le second tour des élections présidentielles passées et l’éviction de Nicolas Sarkozy du pouvoir annoncé, les patrons sans perdre une minute passent à l’attaque. A l’échelle du pays déjà, à titre d’avertissement au mouvement populaire, au gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault. Les patrons, dis-je, annoncent sans ombrage et avec la plus grande arrogance, la suppression de 45 000 emplois industriels dans les mois qui viennent. 45 000 suppressions d’emplois dénoncés par la CGT en amont des élections. C’est dire, entre autres, aussi la responsabilité de la droite, de Sarkozy, qui avait caché ces plans patronaux. Enfin, on pouvait considérer tout cela derrière nous avec l’arrivée de François Hollande au pouvoir. Il n’en est rien, évidemment les capitalistes, sous le fallacieux prétexte de la crise en Europe, des marges de profits insuffisantes, de la compétitivité plus pertinente ailleurs, exigent encore et toujours de notre peuple des sacrifices, encore des sacrifices, toujours plus de sacrifices. Pour le coup, la suppression de 45 000 emplois, en attendant le reste. D’ailleurs, Laurence Parisot, la patronne du MEDEF, pose cette question au nouveau gouvernement en termes d’obligation de gestion, de rentabilité, de compétitivité à l’échelle européenne. Pour elle, les mêmes causes appellent les mêmes conséquences, le problème c’est que les conséquences amènent dans la logique patronale les mêmes raisons. C’est le serpent qui se mord la queue et nous n’en sortons pas. En fait, la seule vraie réalité de cette logique mortifère pour l’emploi mais aussi pour le pouvoir d’achat des salariés, le pouvoir vivre de l’ensemble de la société, c’est bien le taux de profits réalisés par le grand patronat. C’est là le véritable seul intérêt du système capitaliste. Cette logique, le maximum de profits dans le plus court laps de temps, voilà, non seulement la seule vérité révélée de ce système, mais encore le seul vrai problème et la véritable cause de la crise de notre pays, de l’Europe. Il faut avoir le courage politique d’affronter fermement, durement, frontalement 6-

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

ce pouvoir de l’argent qui met en pièces notre société et ce, sur tous les terrains, politique, social, économique, industriel. Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, a déclaré récemment qu’il serait du côté des salariés de Fralib si ceux-ci n’avaient pas gain de cause devant la justice pour le maintien de leur site. Vous parlez d’une belle jambe pour les salariés de cette entreprise que d’avoir le soutien d’un ministre en même temps qu’il ne leur restera plus que les yeux pour pleurer et que leur emploi aura définitivement disparu. Ce dont notre pays, notre société ont besoin aujourd’hui c’est de décisions politiques majeures, fortes sans ambiguïté, qui ramènent le patronat à la raison, le contraignent à cesser les licenciements boursiers dans l’intérêt du pays et des salariés. Il faut briser l’accord MerkelSarkozy de misère programmé pour les peuples. Casser l’austérité, porter le plus rapidement possible le SMIC à 1 700 € par mois. Contraindre à produire en France. Remettre les banques à leur place. Étendre très largement les droits des salariés, en particulier leur donner de réels pouvoirs d’intervention dans la gestion de leur entreprise. En un mot, il faut prendre l’argent où il se trouve, faire payer fortement les riches, les capitalistes, casser leur système. Rendre aux Français ce qui leur appartient et à notre pays sa souveraineté. Le nouveau pouvoir en place en France a aujourd’hui les moyens politiques de cela.

Il n’y a pas à tergiverser avec ceux qui sont prêts à tout pour mettre notre peuple à genoux, pour redonner à la droite, voire à l’extrême droite, des couleurs et le pouvoir. Les socialistes doivent comprendre que les Français n’accepteront pas une politique de bas étage politique à la Papandreou ou à la Zapatero, politiques qui ont fait le lit des intérêts des banques, de la finance, des systèmes capitalistes en place et qui au bout du compte se sont retournés contre les peuples. Nous avons trop largement souffert, et trop longtemps, de tout cela. Il est temps, grandement temps de renverser la vapeur. C’est pour cela que François Hollande a été élu et rien d’autre. Il faut briser l’arrogance patronale et faire encore reculer la droite, il faut donner au mouvement populaire toute sa force, sa dimension et les moyens d’intervention à la hauteur de l’enjeu historique de la bataille de classe qui se déroule aujourd’hui dans notre pays. Chacun serait bien inspiré de prendre la réelle dimension de cet enjeu. Dans ce combat, l’ARAC sait où se trouve sa place, mais aussi qu’elle doit être sa contribution au combat général émancipateur de notre société, comme toujours et dans tous les combats. C’est présent que nous répondons et c’est bien debout que nous apporterons nos bras pour défendre notre pays aujourd’hui contre un ennemi mortel, le système capitaliste. Hervé Corzani


actualités LE RÉVEIL

Deux hausses des tarifs du gaz en vue cet été Les tarifs du gaz en France pour les particuliers devraient connaître cet été deux hausses successives en application de la réglementation en vigueur, a déclaré une source proche du dossier, confirmant des informations de presse. Ces hausses pourraient être suivies d'une augmentation rétroactive de 10 % de la facture déjà payée sur la période octobre-décembre 2011 si le Conseil d'État, autour du 20 juillet, suit l'avis de son rapporteur public. Celui-ci a en effet préconisé d'annuler le gel des tarifs décidé par le précédent gouvernement pour cette période et proposé un nouvel arrêté prévoyant « une facture rectificative par voie de complément de prix ». La source, confirmant des informations du quotidien Le Parisien, a déclaré que la facture des ménages inclurait cet été dans un premier temps la hausse des tarifs d'utilisation des infrastructures gazières au 1er juillet, validée par l'État. Selon Le Parisien, elle devrait alourdir les prix de 2 %

environ. La révision trimestrielle des tarifs devrait en outre se traduire, à partir du 12 juillet, par une augmentation proche de 5 % correspondant à la répercussion des coûts d'approvisionnement de GDF Suez, a ajouté la source, selon laquelle l'énergéticien a transmis cette semaine une demande dans ce sens à la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Si le gouvernement, à l'instar du précédent exécutif, décidait de passer outre la validation de la hausse par la CRE et de geler une nouvelle fois les tarifs, il s'exposerait à un nouveau recours de GDF Suez ou de ses concurrents devant le Conseil d'État. Sur la période allant du 1er octobre au 31 décembre 2011, l'opérateur historique

a estimé que le gel des tarifs du gaz en France lui avait coûté près de 290 millions d'euros de manque à gagner. L'actuelle formule de calcul des tarifs du gaz permet une plus grande prise en compte des prix du marché que la précédente, et doit donc actuellement permettre de modérer les hausses, mais les coûts du gaz importé en France restent majoritairement indexés sur le pétrole. B.C.

PSA d’Aulnay-sous-Bois I Non à la fermeture sident de la République, son gouver-

L’ARAC de la Seine-Saint-Denis salue et apporte son soutien aux nement, à réagir de toute urgence salariés de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois en lutte contre le projet en s’appuyant sur l’orientation du programme du Conseil national de de fermeture de l’entreprise. Au cours de sa longue histoire, l’ARAC n’a jamais détaché sa propre action de défense des droits des anciens combattants et victimes de guerre, des luttes de la classe ouvrière. Évidence d’une liaison profonde : « la lutte des mêmes contre les mêmes ». Rien, sinon son intarissable gloutonnerie lucrative, n’autorise PSA Peugeot Citroën à agir de la sorte : 11 milliards d’euros de réserve, 250 millions d’euros distribués aux actionnaires. Quant à la famille Peugeot elle-même : 3 milliards d’euros en Suisse, 600 millions d’euros de

bénéfice. A ce tableau idyllique s’ajoute l’immorale décision patronale : la fermeture de l’usine PSA d’Aulnaysous-Bois avec 3000 emplois directs supprimés et 10 000 emplois induits ! Eh bien, non ! L’ARAC de la SeineSaint-Denis ne peut accepter la fermeture de l’entreprise du 1er employeur privé du département. A la situation présente, très compliquée du 93, viendrait s’additionner, si cela se réalisait, une véritable catastrophe !

la Résistance qui, contrairement au patronat de PSA d’Aulnay, ouvrait la voie au développement des entreprises industrielles en s’efforçant d’instaurer une véritable démocratie économique et sociale. L’ARAC participera et prendra toutes les initiatives pour que la voix des salariés soit entendue et les intérêts de la France préservés. Le pouvoir républicain doit faire entendre raison chez PSA.

L’ARAC appelle le nouveau Pré-

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

-7


LE RÉVEIL actualités

Les effets de la crise sur la pauvreté Bilan : avec la crise, l’emploi s’est davantage précarisé et le chômage a progressé. Ces facteurs expliquent en partie la hausse de la pauvreté. Quels ont été les effets de la crise sur le marché du travail et sur l’évolution de la pauvreté ? C’est à cette question que s’est attaché le rapport 2011-2012 de l’ONPES (Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale). Celui-ci souligne d’abord une baisse depuis le début de la crise, de la part de la population bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée (CDI). Le taux d’emploi en CDI (rapporté à l’ensemble de la population des 15-64 ans, active ou non) est ainsi passé de 50,5 % fin 2008 à 48,7 % fin 2011. Inversement, les embauches en CDD et en intérim, après avoir nettement diminué au début de la crise (ces postes étant les premiers sacrifiés en cas de ralentissement de l’activité), repartent à la hausse. Or, le taux de pauvreté est plus élevé pour les salariés en contrats précaires : il atteignait 13 % pour les salariés en CDD en 2009, contre 4,5 % pour ceux en CDI ; et 11,5 % pour les salariés à temps partiel, contre 6 % pour ceux à temps plein. Le rapport note également une forte hausse du chômage de longue durée : en janvier 2012, plus de 1,6 million de personnes étaient inscrites depuis un an et plus, en catégories A, B, C sur les listes de Pôle Emploi, soit 600 000 de plus qu’en janvier 2008 ! Ces demandeurs d’emploi étant peu ou pas indemnisés, la hausse du chômage de longue durée entraîne logiquement une hausse de la pauvreté. Le cas de la France n’est pas isolé. La tendance à la dégradation du marché du travail a été la même dans tous les pays européens, à l’exception notable de l’Allemagne. Le taux de chômage de ce pays est en effet passé de 8,7 % 8-

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

en 2007 à 5,9 % en 2011. Néanmoins, souligne le rapport, cette baisse du chômage s’est accompagnée d’une forte hausse du nombre de travailleurs pauvres outre-rhin, une hausse liée à des réformes structurelles adoptées au début des années 2000, avec notamment le développement des fameux « mini jobs », emplois à temps partiel payés 400 euros par mois. Résultat : le temps partiel atteint 22 % de l’emploi en 2010, contre 14 % en 1995, et le taux de pauvreté allemand est passé de 12,2 % en 2005 à 15,6 % en 2010. Conclusion : Berlin n’est pas un modèle à suivre, estime l’ONPES. En France aussi, la crise a vraisemblablement entraîné une hausse de la pauvreté. Il est difficile d’en mesurer l’ampleur exacte, car les dernières statistiques sur la pauvreté datent de 2009 : le taux de pauvreté monétaire était alors de 13,5 %, contre 13,4 % en 2007. Le rapport donne néanmoins une estimation plus récente du taux de pauvreté « en conditions de vie » - une autre façon de mesurer la pauvreté - qui atteindrait 13,3 % en 2010, contre 12,4 % en 2007.

Une protection sociale insuffisante. Si l’augmentation de la pauvreté a été moins élevée qu’en Allemagne, c’est

notamment parce que le système français de protection sociale a joué un rôle d’amortisseur. La qualité de ce système « tend néanmoins à s’éroder », regrette Jérôme Vignon, président de l’ONPES. Ainsi, les effets du Revenu de solidarité active (RSA) en matière de lutte contre la pauvreté ont été limités. Notamment parce que le taux de non-recours au RSA activité (complément de revenu versé aux travailleurs pauvres) est très élevé (68 %), mais aussi parce que le montant RSA socle (ex RMI) reste de 50 % inférieur au seuil de pauvreté. Son montant n’étant revalorisé que de l’inflation chaque année, sans aucun coup de pouce particulier, il s’éloigne continûment du niveau du SMIC. D’où la recommandation récente du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, présidé par un député UMP, d’augmenter de 25 % cette allocation, « le plus rapidement possible et au plus tard sous cinq ans ». Avis au président de la République. Alternatives Economiques Mai 2012 - Camille Dorival


international LE RÉVEIL

Obama - Iran Cyberwar

Depuis plusieurs années, sur les conseils de Bush, Obama mène une guerre secrète contre l’Iran. Les ÉtatsUnis se sont engagés dans la cyberguerre… «Jamais, depuis Lyndon Johnson et le choix des cibles à bombarder au Nord-Vietnam, un président n’avait été impliqué d’aussi près dans l’escalade, pas à pas, d’une attaque contre les infrastructures d’une nation étrangère. » Ce commentaire, publié sous la plume de David Sanger, journaliste au New York Times, fait suite à la parution, d’un livre du même auteur. L’ouvrage fait grand bruit aux Etats-Unis, car il montre l’implication directe d’Obama dans une agression contre une autre nation, attitude en totale opposition avec l’image du prix Nobel de la paix. Jusque-là restée secrète, l’affaire remonte au tout début de la mandature Obama. A quelques jours de son intronisation, le tout nouveau président élu rencontre à la Maison-Blanche, dans la plus grande discrétion, le sortant George W. Bush. Le Texan insiste sur deux points déterminants à ses yeux pour la protection de l’Amérique : poursuivre les assassinats ciblés contre Al-Qaida au Pakistan par l’utilisation des drones et mener la cyberguerre contre l’Iran commencée en 2008 après avoir été testée grandeur nature en 2007 sur le territoire des États-Unis. Obama s’acquittera, avec zèle, de ces deux recommandations. Début juin, le New-York Time titre: « La cyberguerre a déjà commencé ». L’article révèle que Washington et Israël ont utilisé des virus informatiques contre le nucléaire iranien. L’article explique : « A travers un programme secret, nom de code « Olympic Games », qui date des dernières années du mandat de Georges W. Bush, les États-Unis ont lancé des attaques répétées avec les armes cybernétiques les plus sophistiquées jamais développées par infiltration dans les contrôleurs informatiques qui assurent le bon fonctionnement des centrifugeuses nucléaires iraniennes pour les détraquer ».

manœuvre Toujours selon le quotidien, les USA et Israël, partenaires dans cette offensive, auraient utilisés ces armes comme « alternative à un bombardement aérien ». Dans cette opération américano-israélienne, on retrouve côte à côte, les programmateurs de la National Security Agency (NSA), de Fort Meade (Maryland), près de Washington, et une unité spéciale de guerre électronique de Tsahal, (l’armée israélienne) connue sous le nom d’Unité 8 200. Initialement baptisé « The Bug » par ses créateurs, le virus a préalablement été testé avec succès sur des centrifugeuses libyennes d’un modèle semblable, saisies en 2003. Ne restait plus qu’à l’introduire dans le très secret système informatique du programme nucléaire iranien. Notons que ces opérations n’ont fait l’objet d’aucun contrôle, d’aucun débat à la Chambre des représentants ou au Sénat. Seul le locataire de la Maison-Blanche pilote… Selon David Sanger, Obama sera omniprésent dans la conduite des opérations. Il écrit : « Le président démocrate exige un briefing hebdomadaire sur l’état de l’offensive en cours, donnant son aval à chaque nouvelle cyberattaque contre l’Iran ». Après quelques tâtonnements et incidents, notamment en 2010, Obama autorise deux nouvelles cyberattaques. L’outil de destruction a été perfectionné et porte désormais le nom de code « Flame ». Selon les experts, près de 1 000

centrifugeuse iraniennes dernier modèle seront détruites… Dans le même temps, Washington et Tel-Aviv, relayés par les diplomates occidentaux, chefs de gouvernement et média parleront « de l’intransigeance iranienne, de la folle course au nucléaire etc.». Il n’est pas illégitime de penser qu’à plus long terme d’autres puissances se trouveront dans le cybercollimateur de l’Amérique. Pour le moment Washington refuse d’évoquer son nouvel arsenal informatique. Mais certaines indications doivent nous alerter. Interrogé sur ses agissements, un porte-parole du Pentagone, le capitaine John Kirby, s’est refusé à commenter dans le détail l’article du New York Times. Il a toutefois indiqué que le Président Obama et le secrétaire à la Défense, Léon Panetta, avaient fait des cyberattaques une priorité. « Comme nous l’avons dit à de nombreuses reprises, et le président et le secrétaire (à la Défense) ont été clairs là-dessus, les cyberattaques constituent un domaine que nous devons surveiller et réévaluer constamment, ainsi que nous devons tenter d’améliorer l’éventail des options dont nous disposons dans le cyberespace ». Les choses sont claires, la cyber guerre devient une option prioritaire dans l’arsenal guerrier des États-Unis. Jean-Pierre Delahaye

Oba m a e t T e l - A v i v à la

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

-9


LE RÉVEIL INTERNATIONAL

Asie

La flotte américaine renforcée La réorientation stratégique américaine en Asie-Pacifique, dont nous avons déjà parlé dans les précédents numéros, se confirme au fil des rencontres internationales et des mesures diplomatiques et militaires mises en place par Washington. Elle se traduit concrètement par un renforcement des moyens militaires déployés dans la région. C’est le message que le secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, a délivré à Singapour, lors du 11e Shangri-La Dialogue, la conférence internationale sur la sécurité réunie à l’initiative de l’International Institute for Strategic Studies. Il s’appuie sur un document de la Maison-Blanche intitulé Les priorités pour la défense du XXI e siècle, et qui souligne « la nécessité d’un rééquilibrage vers la région Asie-Pacifique (…) car, sur le long terme, l’émergence de la Chine comme une puissance régionale a le potentiel d’affecter l’économie et la sécurité américaines ». Pour mémoire le commandement US du Pacifique compte déjà 180 bateaux, 2 000 avions et 140 000 hommes. Le dispositif américain sera renforcé grâce à une task force des Marines implantée en Australie et, pour la première fois, un stationnement permanent de navires de combat côtiers à Singapour.

10 -

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

En Afghanistan aussi, ayons le courage du changement ! Le Président Hollande a l’opportunité de modifier le cours tragique des événements en Afghanistan pour diriger enfin ce pays vers la stabilité et rappeler par la même occasion la singularité de la France. Il lui faut admettre l’échec de la mission civile de l’ONU, la Manua, et de la mission militaire, la Fias, confiée depuis 2003 à l’OTAN. La première a mis en œuvre un modèle politique centralisé avec des gouverneurs désignés par le président Karzaï et ses mentors pour imposer l’ordre de Kaboul. La seconde, au service de la première, aura tout essayé : de la distribution de brouettes et de médicaments aux opérations psychologiques douteuses, en passant par les assassinats «ciblés», les opérations «spéciales». La dernière idée des généraux de l’OTAN est la mise en chantier d’un État policier avec des centaines de milliers de fonctionnaires afghans composant des «forces de sécurité nationales» censées réussir là où l’alliance militaire la plus puissante de tous les temps échoue malgré ses moyens sophistiqués et son écrasante domination aérienne. Cette stratégie dispendieuse, qui inscrit l’État afghan dans un endettement structurel et laisse la portion congrue aux autres dépenses publiques, est la conséquence des errements d’une communauté militaire qui refuse ses responsabilités dans l’essor de l’insurrection, qui trompe les opinions publiques (ce serait «une guerre de l’information») et qui justifie ses mauvais résultats par un « manque de volonté politique », réclamant toujours plus de troupes, de moyens

ou de temps. En fait, l’Afghanistan rejette viscéralement l’occupation étrangère et les ambitions politiques d’une élite xénophile qui méprise les masses rurales. Face à des étrangers en armes dont les objectifs n’ont jamais été clairs - s’agit-il de « redessiner la carte du Moyen-Orient », de convertir les musulmans au christianisme, de s’emparer de ressources naturelles, de se positionner contre tel voisin ? - les Afghans se replient sur leurs valeurs traditionnelles qui, à défaut de qualité de vie, accordent aux morts l’accès au paradis et aux survivants la fierté d’une histoire glorieuse. Nos experts de l’administration négligent malheureusement les solutions d’organisation et d’équilibre des pouvoirs, de décentralisation, de démocratisation, pour recommander des coups d’épée dans l’océan des problèmes de rivalités ethniques, de pauvreté, de drogue, de frontières, de prolifération nucléaire, voire de religion. Car, avec l’asservissement stratégique, l’autre cause de rejet est le modèle de gouvernement centralisé et autoritaire, tant il y a de communautés dont aucune ne renonce à sa part de pouvoir. C’était le constat que faisait Napoléon pour la Suisse en 1803, après cinq ans de tentatives françaises infructueuses pour renforcer une République qui s’appuyait sur des préfets de région pour apporter le «progrès social» aux populations disparates des vallées. Le pays a heureusement retrouvé sa stabilité en retournant à une organisation cantonale et à sa neutralité historique. Le Projet socialiste 2012 l’énonce clairement : «Toute stabilisation durable


international LE RÉVEIL

passe par la fin des ingérences […] Elle implique un accord négocié entre tous les États concernés pour doter l’Afghanistan d’un statut de neutralité internationalement garanti et prévoir une sortie concertée des forces étrangères.» François Hollande a été élu sur l’engagement d’un « retrait immédiat de nos troupes d’Afghanistan : il n’y aura plus de troupes françaises dans ce pays à la fin de l’année 2012. » Pourtant, avant même d’être élu, le Président a semblé hésiter en évoquant, lors du débat du 2 mai, le simple retrait des «troupes combattantes». Cela rappelle le stratagème de son prédécesseur qui, n’osant s’opposer à la demande américaine d’un « surge », laissait accroire aux Français la mobilisation de simples formateurs non-combattants, tout en envoyant sur le théâtre le meilleur de nos hélicoptères de combat et de notre artillerie de campagne. L’effondrement du système en place n’est pas un risque à craindre, mais une étape nécessaire dans un nouveau projet. Par un retrait résolu et un changement de régime, l’insurrection sera dirigée vers le délitement. Les Afghans qui soutiennent les rebelles ne se battent pas pour rétablir cet émirat islamique auquel ils ont déjà goûté. Les talibans sont protégés, renseignés par la population du fait du seul impératif catégorique de la guerre sainte contre les étrangers. Surtout ne pas négocier avec l’ennemi, à raison si décrié ! Sans le soutien du peuple qui demande à reprendre son destin en main, les talibans seront eux-mêmes rejetés, à condition que notre désengagement soit sincère et ne cache aucune manœuvre, telle cette funeste idée de bases permanentes protégées par un État policier… La France n’a pas vocation à s’aligner derrière l’Amérique quand celle-ci se trompe. Le Président Obama avait lui aussi « revu le dossier » après son investiture mais n’avait bougé que quelques lignes vis-à-vis du Pakistan. Pour le reste, il s’en était remis aux militaires qui, après avoir obtenu plus de moyens, réclament encore aux

politiques plus de détermination et de temps. Nourrie de nos prétentions, l’insurrection n’a cessé de croître, la logistique de l’OTAN a fini par défoncer les routes que nous avions asphaltées, et l’Amérique a obtenu, sur le texte d’un partenariat bien mal inspiré, la seule signature d’un régime essoufflé. Le président Hollande, dont la nouveauté est une force - mais à usage unique sur chaque sujet ! - doit affirmer la responsabilité politique et sortir les militaires de l’ornière en ordonnant désormais la marche arrière. Il faut éteindre le feu en retirant à la population la motivation principale et presque unique qu’elle a de se battre : la présence d’étrangers en arme au service d’« agendas cachés ». Aujourd’hui, à Camp David, Hollande peut aider Obama dans ses rapports de force intérieurs. L’Afghanistan doit être rétabli sur ses équilibres anciens plutôt que maintenu dans l’instabi-

lité au prix d’une débauche d’énergie. « Nous n’avons rien d’autre à craindre que la peur elle-même », disait Franklin Roosevelt. Pour que le retrait ne soit pas un renoncement et pour qu’il participe à la défaite des talibans, le courage du changement, c’est maintenant ! Johan Freckhaus Ancien officier français, impliqué dans le secteur privé en Afghanistan depuis 1979. Otage des talibans pendant trois semaines en 2008 - Libération du vendredi 18 mai 2012.

Libye L’OTAN sommée de s’expliquer

L’ONG Human Rights Watch (HRW) réclame l’ouverture d’une enquête sur certains bombardements. Plus de sept mois après la fin de la guerre en Libye, on ignore toujours combien de civils ont été tués par les frappes de l’OTAN. Dans un rapport publié fin mai, cette ONG s’étonne que les puissances occidentales ayant participé à l’opération n’aient toujours pas reconnu l’existence des morts par bombes et qu’elles n’aient toujours pas diligenté d’enquêtes sur certains raids. HRW s’est longuement penché sur huit opérations qui, entre juin et septembre 2011, ont causé la mort de 72 civils, dont 44 femmes et enfants. L’ONG rappelle que les pays coalisés ont mené plus de 25 900 sorties ariennes et largué 7 642 bombes. Dans certains cas, de graves questions restent posées sur la nature réelle des cibles que l’OTAN visait, affirme Fred Abrahams, l’auteur du rapport.

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

- 11


LE RÉVEIL international

Chicago | Un Sommet

peut en cacher un autre Au sommet de l’OTAN de Chicago, Obama réactive le concept de guerre des étoiles, accroît les tensions avec la Russie et encourage la course aux armements. Du sommet de l’OTAN à Chicago, les médias auront surtout retenu les discussions entre nations bien pensantes sur l’avenir de l’Afghanistan, le calendrier du retrait des troupes occidentales rangées derrière la bannière étoilée, fixé par Washington pour 2014, et bien évidemment la volonté réaffirmée du nouveau Président Hollande d’accélérer le retour des militaires français. Rien que de très convenu. On sait aujourd’hui que des émissaires du locataire de la Maison-Blanche ont rencontré l’équipe du candidat quelques jours avant le scrutin afin de déblayer les obstacles (voir le Monde du 12 mai) … Campagnes électorales obligent (en France comme aux ÉtatsUnis) pas question de perdre la face… Ni à Paris pour le nouvel élu, ni à Washington pour celui qui brigue un second mandat ! A Chicago, l’essentiel n’était pas là, mais bien, sous l’impulsion d’Obama, la mise en place d’un bouclier nucléaire en Europe censé protéger le vieux continent de tirs provenant du Moyen-Orient, en particulier d’Iran (?) « Se défendre contre les missiles est indispensable. Nous faisons face à des menaces réelles », a affirmé le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen.

La guerre des étoiles, bis repetita Lancé au sommet de Lisbonne en 2010, le système de défense antimissile devrait être achevé à l’horizon 2020. Le projet repose sur un puissant radar en Turquie, des missiles SM3 installés sur des frégates en Méditerranée et des intercepteurs en Pologne et en Roumanie. Pour piloter

12 -

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

ce dispositif, bien que dans le cadre de l’Alliance, un seul acteur aux commandes: les États-Unis. Washington a engagé des milliards de dollars dans cette nouvelle version de la guerre des étoiles de Ronald Reagan, ressuscitant ainsi les vieilles logiques de la guerre froide. Un premier retour sur investissement est déjà envisagé pour l’industrie militaire américaine puisque c’est elle qui possède la technologie. Les Européens, eux, sont appelés à mettre la main à la poche. Ils financeront pour l’essentiel les équipements et les structures de contrôle. Pour l’Otan aujourd’hui la principale menace vient du Moyen-Orient ou de pays ayant acquis des armes capables de frapper l’Europe. Une trentaine de nations seraient dans ce cas, mais l’une d’elles, l’Iran, a clairement été identifiée comme le danger potentiel. Selon les Américains et leurs alliés, les Iraniens seraient en possession de missiles balistiques d’une portée de 2 000 à 2 500 kilomètres, capables d’atteindre le sud-est de l’Europe. Il reste que ce projet a des effets secondaires graves sur l’équilibre international et contribue à la relance de la course aux armements. En effet, la Russie de Vladimir Poutine, qui a refusé l’invitation à Chicago, le considère comme une menace pour sa sécurité. Moscou exige d’être associé au système ou, à défaut, de recevoir des garanties. Les Russes veulent être sûrs que la mise en place du « bouclier » ne vise pas leur capacité de dissuasion. Sous prétexte de « garder sa marge de manœuvre stratégique », l’OTAN refuse, à ce jour, tout compromis. Le

ministre russe de la Défense, Anatoli Serdioukov, a averti, début mai, que les négociations entre les deux parties étaient « quasiment dans l’impasse ». La Russie a menacé d’activer des systèmes de défense antimissiles et de déployer notamment des missiles Iskander à Kaliningrad, aux portes de l’Union européenne. On peut s’interroger sur l’éventualité d’un processus d’escalade. De plus, certains experts européens semblent réservés sur l’efficacité de ce projet onéreux. « Il existe encore de très nombreuses inconnues techniques », souligne Nick Witney, de l’European Council on Foreign Relations, en pointant aussi les doutes sur les capacités d’États « voyous » à frapper le territoire européen. Côté français, il faut bien constater un certain alignement. Après s’être déclaré « réticent » durant la campagne électorale, le nouveau président, François Hollande, aurait, selon le quotidien Libération affiché son « pragmatisme ». Il faut que « toutes les précautions soient prises, toutes les conditions soient respectées », a-t-il dit, jugeant indispensable la participation des industriels européens et français et « qu’ils puissent y trouver leur compte ». Ce qui ne l’a pas empêché de ratifier le traité. Quant à la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, initiée par Nicolas Sarkosy, il n’en a pas été question. Jean-Pierre Delahaye


Le CAhieR mémoiRe

le réveil

N° 784 Juin 2012

DES COMBATTANTS

Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix

GRÈCE, Un ComPLoT inTeRnATionAL ÉDITO - Par Paul Markidès Le sort fait au peuple grec, depuis que ce pays est indépendant, est véritablement scandaleux. Face aux situations éprouvantes qui lui ont été imposées, le peuple de ce pays s’est toujours courageusement rebellé. Pour quelques petits moments d’espoirs en une vie meilleure, au terme de l’occupation germano-italo-bulgare sous domination nazie qu’il contribua amplement à maîtriser par un important mouvement de résistance de

masse, quelles souffrances il dut supporter : pillages, famine, déportations, répression, massacres! Jusqu’à notre époque, sous des formes diverses, le peuple grec s’est vu imposer des gouvernements aux services des affairistes ou bienveillants à leur endroit. Aujourd’hui, ce « peuple patriote et rebelle », comme le nomme dans son article Bruno Drweski doit fait face à « un véritable complot international », ainsi que le grand compositeur Mikis Théo-

Édité par le Réveil des combattants - 2 place du Méridien - 94807 Villejuif - Tél. 01 42 11 11 12

dorakis qualifie le traitement infligé au pays par le Fonds monétaire international (FMI) et l’Eurogroupe notamment. Nous ne pouvions rester sans agir devant le sort fait à ce peuple et c’est pourquoi nous avons décidé d’éclairer nos lecteurs sur le sort qui lui est fait. D’autres initiatives viendront selon les nécessités. Nous lui resterons solidaires.

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

- 13


LE RÉVEIL dossier

Grèce

Une émancipation inachevée Bruno Drweski

Depuis qu'elle s'est libérée au XIXe siècle d'un empire ottoman en décrépitude, la Grèce s'est retrouvée coincée entre des pressions venant de trois directions : - la Turquie voisine, devenue un État moderne, nationaliste, - l'impérialisme continental d'une Allemagne en expansion vers l'axe Berlin-Bagdad, - le colonialisme venu de la mer, d'abord britannique puis étasunien, et soucieux de dominer la Méditerranée. Cette position stratégique d'une Grèce habitée par un peuple patriote et rebelle explique la succession dans ce pays de régimes monarchique, dictatoriaux et d'occupation depuis l'indépen-

14 -

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

dance jusqu'à la fin de la dictature des colonels en 1974. L'histoire de la Grèce contemporaine, c'est l'histoire d'une lutte constante de son peuple pour tenter de desserrer, et parfois même de casser, les liens qui lui ont été imposés. La période la plus tragique de l'histoire grecque récente fut sans nulle doute celle de la triple occupation germanoitalo-bulgare sous domination nazie (1940-1945). Période qui vit pillage du pays, famine de masse, déportations, répressions, massacres... Et qui s'accompagna du développement d'un mouvement de résistance de masse qui parvint de lui-même à libérer une

Bruno Drweski est historien, cofondateur du Réseau européen d’économie alternative et solidaire, directeur de la Pensée libre.

partie du pays. Mouvement de résistance qui fut assez largement dominé par le Parti communiste, ce qui explique que les forces conservatrices favorables au retour de la monarchie voulurent s'opposer aux tendances démocratiques désormais nettement dominantes, en s'appuyant parfois sur l'occupant puis, dès 1943, sur la puissance britannique. Le traité de Yalta ayant en effet placé la Grèce sous l'influence des puissances anglo-saxonnes. Dès 1944 donc, l'armée britannique débarqua en Grèce non pas tant pour repousser les troupes nazies restantes, mais pour empêcher les forces démocratiques de prendre le pouvoir et d'imposer une République réellement indépendante. C'est par la force brutale donc que s'opéra le retour de la monarchie et que le processus démocratique fut stoppé, car il apparaissait alors clairement que des élections libres auraient amené au pouvoir le Parti communiste et ses alliés. Élections libres qui n'eurent donc jamais lieu et qui furent remplacées par une propagande martiale ultranationaliste et anticommuniste, sous protection étrangère. Une guerre civile sauvage s'ensuivit de 1946 à 1949. Ponctuée de répressions brutales, de massacres, de l'expulsion des citoyens grecs d'origine albanaise, puis de la fuite de plusieurs centaines de milliers de citoyens grecs d'origine hellénique ou slavo-macédonienne vers les pays socialistes. Intégrée dès lors à l'OTAN, et sous surveillance constante d'une armée créée de toutes pièces par les Britanniques, la Grèce ne connut alors, comme son « frère ennemi » turc, qu'une « démocratie sous surveillance » qui dura de 1949 à 1967. Lorsque la montée des revendications populaires amenèrent les hauts gradés de l'armée à opérer un coup d'État bénéficiant de la caution des États-


dossier LE RÉVEIL

Unis et de l'OTAN. Coup d'État qui entraîna répressions, terreur et tentatives d'éradication définitive de toutes les forces démocratiques. Dictature qui ne résolut aucun des problèmes sociaux et économiques du pays et qui allait s'écrouler comme un château de cartes en 1974, lorsque les colonels grecs échouèrent dans leur entreprise visant, en agitant encore une fois le prétexte du nationalisme anti-turc, à prendre par le biais d'un coup d'État, le contrôle de l'île stratégique de Chypre, État indépendant qui menait alors une politique de non-alignement mal vue par l'OTAN. Ce coup d'État fut rapidement défait mais servit de prétexte pour l'invasion de 40% de l'île par l'armée turque qui fit dès lors de l'île, pour son compte, un des points d'appui de l'OTAN en Méditerranée orientale. Le régime des colonels, lui, déconsidéré par cette aventure, même pour ses partisans, s'effondra, laissant la place à un régime qui allait empêcher finalement le retour de la monarchie. Cette démocratie resta néanmoins longtemps « sous surveillance », d'autant plus que la Grèce contemporaine n'avait jamais vraiment connu la liberté politique au cours de son histoire contemporaine. Après 1974, le pays oscilla constamment entre un conservatisme oligarchique craintif s'appuyant sur les puissances occidentales et des poussées d'une gauche socialisante, parfois tentée par un rapprochement avec les États progressistes voisins de l'Est européen et du monde arabe. Mais les rouages de l'État et de l'économie restèrent bien aux mains d'une oligarchie souvent corrompue et liée aux puissances de l'OTAN, ce qui explique pourquoi elles poussèrent à l'arrimage de la « fragile » démocratie grecque à la Communauté puis à l'Union européenne, et

finalement à l'euro. Cette évolution d'un petit pays qui n'appartenait pas au « noyau dur » des économies occidentales fut jugé néanmoins comme une garantie nécessaire de stabilité pour les élites locales et leurs parrains occidentaux. Stabilité « oligarchique », coûteuse pour le contribuable européen, mais nécessaire pour des raisons stratégiques et rentable pour les « investisseurs » occidentaux. Il s'agissait aussi de transformer l'économie grecque, jusque-là appuyée sur des ressources productives locales, agricoles, industrielles, artisanales, en une plate-forme de la mondialisation. Processus facilité par le passage de l'immense capacité commerciale navale grecque aux pavillons de complaisance et par la fermeture des chantiers navals grecs ou l'accaparement de ses restes. La Grèce, au sein de l'Union européenne, devint ainsi une plate-forme de « services », de transit de fonds publics européens à destination « d'investisseurs » privés ouest-européens, mais aussi un espace de corruption et d'achats douteux effectués pour le bénéfice de « barons locaux » facilement corruptibles et de financiers occidentaux associés, parmi lesquels de nombreux banquiers et industriels allemands ou la fameuse banque opaque Goldman Sachs où l'on falsifia les comptes du pays pour permettre de justifier son adhésion à l'euro. Au sommet, nous avons donc affaire en Grèce à une élite affairiste très liée depuis le XIXe siècle aux intérêts du capital allemand puis anglo-saxon et, à la base, à un peuple qui a subi, depuis l'adhésion de son pays à l'UE, les conséquences de la transformation de son pays, passé d'une économie productive à une économie « de services » précarisés et de petits boulots. Ce qui fut d'abord rendu possible grâce au financement par

l'UE « d'infrastructures » qui ont permis à des investisseurs étrangers de faire des bénéfices et de drainer la force de travail locale libérée par le saccage des entreprises locales. Avant que la crise ne mette ces employés au chômage ou ne les pousse vers l'émigration. D'autres subsides ont été utilisés pour acheter des biens d'une utilité douteuse, tels que les cinq sous-marins commandés à l'Allemagne, commande immédiatement suivie par celle de cinq sous-marins identiques par « l'ennemi turc ». C'est désormais aux deux peuples concernés... de payer la facture. Alors que les spéculateurs internationaux remportent la mise des intérêts de l'endettement grec (1). L'histoire de la Grèce contemporaine : c'est l'histoire d'une entreprise de domestication d'un peuple fier. (1)

Manifestation de soutien au peuple grec au Trocadéro en mai 2010

Pour comprendre l'endettement et l'effondrement économique de la Grèce, voir les deux vidéos suivantes : http:// www.silviacattori.net/article3222.html.

>>> LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

- 15


LE RÉVEIL dossier

Notre pays s’enfonce dans les ténèbres du Moyen Âge Mikis Theodorakis « Un complot international est en cours, visant à mener à terme la destruction de mon pays. Les assaillants ont commencé en 1975, avec comme cible la culture grecque moderne, puis ils ont poursuivi la décomposition de notre histoire récente et de notre identité nationale et aujourd’hui ils essaient de nous exterminer physiquement par le chômage, la famine et la misère. Si le peuple grec ne se soulève pas pour les arrêter, le risque de disparition de la Grèce est bien réel. Je la vois arriver dans les dix prochaines années. Le seul élément qui va survivre de notre pays sera la mémoire de notre civilisation et de nos luttes pour la liberté. » Il est évident que ces deux grandes plaies auraient pu être évitées si les dirigeants des deux parties politiques proaméricains n’avaient pas été infiltrés par la corruption. Cette richesse, pro16 -

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

Le compositeur Grec Mikis Theodorakis, ancien résistant et héros de la lutte contre le régime des colonels, aujourd’hui âgé de 87 ans, lance un appel à l’opinion internationale, le 12 février 2012.

duit du travail du peuple grec, était ainsi drainée vers les coffres-forts de pays étrangers. Les politiciens ont essayé de compenser cette fuite d’argent par un recours à des emprunts excessifs qui résultaient en une dette publique de 300 milliards d’euros, soit 130 % du PNB (Produit national brut). Par cette arnaque, les étrangers gagnaient doublement : d’une part, par la vente d’armes et de leurs produits et, d’autre part, par les intérêts sur l’argent prêté au gouvernement (et non pas au peuple). Comme nous l’avons vu, le peuple grec était la principale victime dans les deux cas. Un seul exemple suffira pour vous convaincre : en 1986, Andreas Papandreou a emprunté un milliard de dollars à une banque d’un grand pays européen. Les intérêts de cet emprunt n’ont été remboursés

qu’en 2010 et ils s’élevaient à 54 milliards d’euros. L’année passée, M. Juncker a déclaré qu’il avait remarqué luimême l’hémorragie financière massive de la Grèce qui était due aux dépenses excessives (et forcées) pour l’achat de matériel de guerre - de l’Allemagne et de la France en particulier. Et il a conclu que ces vendeurs nous conduisaient à un désastre certain. Hélas, il a avoué qu’il n’a rien fait pour contrecarrer cela, afin de ne pas nuire aux intérêts des pays amis ! En 2008, la grande crise économique est arrivée en Europe. L’économie grecque n’a pas été épargnée. Cependant, le niveau de vie qui était jusque-là assez haut (la Grèce se classait parmi les 30 pays les plus riches du monde), est resté pratiquement inchangé, malgré une augmentation de la dette publique. La dette


dossier LE RÉVEIL

publique ne se traduit pas nécessairement par une crise économique. La dette des grands pays, tels que les États-Unis et l’Allemagne est estimée à des milliers de milliards d’euros. Les facteurs déterminants sont la croissance économique et la production. Si ces deux facteurs sont positifs, il est possible d’emprunter auprès des grandes banques à un taux d’intérêt inférieur à 5 %, jusqu’à ce que la crise soit passée. En 2009 (en novembre), au moment de l’arrivée de G. Papandreou au pouvoir, nous étions exactement dans cette position. Pour faire comprendre ce que le peuple grec pense aujourd’hui de sa politique désastreuse, je cite deux chiffres : aux élections de 2009, PASOK - le parti politique de G. Papandreou - a remporté 44 % des voix. Aujourd’hui, les sondages ne lui donnent plus que 6 %. M. Papandreou aurait pu faire face à la crise économique (qui reflétait celle de l’Europe) avec des prêts de banques étrangères au taux habituel, c’est-à-dire inférieur à 5 %. S’il l’avait fait, notre pays n’aurait pas eu de problème. Comme nous étions dans une phase de croissance économique, notre niveau de vie se serait amélioré. Mais M. Papandreou avait déjà commencé sa conspiration contre le peuple grec en été 2009, lorsqu’il a rencontré secrètement M. Strauss-Kahn, dans le but de passer la Grèce sous la tutelle du FMI. Cette révélation a été divulguée par l’ancien président du FMI. Pour y arriver, la situation économique de notre pays devait être déformée, afin que les banques étrangères aient peur et augmentent les taux d’intérêt de prêt à des montants prohibitifs. Cette opération onéreuse a commencé avec l’augmentation artificielle

du déficit publique de 12 % à 15 % pour l’année 2009 (n.d.t. : Andreas Georgiou, président du conseil d’administration de l’Institut national de statistique, ELSTAT, a subitement décidé en 2009, sans demander l’accord, ni informer son conseil d’administration, de comptabiliser dans le calcul du déficit public certains organismes et entreprises publiques qui ne l’avaient jamais été auparavant dans aucun autre pays européen, excepté la Norvège. L’objectif était de faire passer le déficit de la Grèce au-dessus de celui de l’Irlande (14 %), afin que ce soit elle qui joue le rôle de maillon faible de l’Europe). Pour ce forfait, le procureur M. Pepònis a déféré M. Papandreou et M. Papakonstantinou (ministre des Finances) à la justice, il y a 20 jours. Ensuite, M. Papandreou et le ministre des Finances ont mené une campagne de discrédit pendant 5 mois, au cours de laquelle ils ont essayé de persuader les étrangers que la Grèce est, comme le Titanic, en train de couler, que les Grecs sont corrompus, paresseux et donc incapables de faire face aux besoins du pays. Après chacune de leurs déclarations, les taux d’intérêt montaient, afin que la Grèce ne puisse plus faire des emprunts et afin de donner un caractère de sauvetage à notre adhésion au FMI et à la Banque centrale européenne. En réalité, c’était le début de notre fin. En mai 2010, un ministre, celui des Finances, a signé le fameux Mémorandum (Mnimònio, en grec), c’est-à-dire notre soumission à nos prêteurs. D’après le Droit grec, l’adoption d’un tel accord nécessite d’être mis aux voix et d’être approuvé par les trois cinquièmes des députés. Donc, le Mémorandum et la Troïka qui nous gouvernent, fonctionnent

illégalement - non seulement par rapport au Droit grec, mais aussi au Droit européen. Depuis lors, en supposant que notre parcours vers la mort soit représenté par un escalier de 20 marches, nous avons déjà parcouru plus de la moitié du chemin. Imaginez que le Mémorandum accorde aux étrangers notre indépendance nationale et le trésor public, à savoir : nos ports, nos aéroports, le réseau routier, l’électricité, l’eau, toute la richesse naturelle (souterraine et sous-marine) etc. Même nos monuments historiques, comme l’Acropole, Delphes, Olympie, Epidaure, après avoir renoncé à tous nos droits. La production a été freinée, le taux de chômage a grimpé à 18 %, 80 000 magasins ont fermé, tout comme des milliers d’usines et des centaines d’artisanats. Un total de 432 000 entreprises ont déposé leur bilan. Des dizaines de milliers de jeunes scientifiques quittent notre pays qui s’enfonce de plus en plus dans les ténèbres du Moyen Âge. Des milliers de personnes qui étaient aisées jusqu’à un temps récent, sont maintenant à la recherche de nourriture dans les ordures et

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

- 17


LE RÉVEIL dossier

dorment sur le trottoir. Entre-temps, nous sommes censés vivre grâce à la générosité de nos prêteurs d’argent, les banques européennes et le FMI. En fait, l’intégralité du paquet de dizaines de milliards d’euros versé pour la Grèce, retourne à son expéditeur, tandis que nous sommes de plus en plus endettés à cause des intérêts insupportables. Et parce qu’il est nécessaire de maintenir en fonction l’État, les hôpitaux et les écoles, la Troïka charge la classe moyenne et inférieure de notre société de taxes exorbitantes qui mènent directement à la famine. La dernière fois que nous avons vécu une situation de famine généralisée dans notre pays c'était au début de l’occupation allemande, en 1941, avec près de 300 000 morts en six mois seulement. De nos jours, le spectre de la famine revient dans notre pays infortuné et calomnié. Si vous pensez que l’occupation allemande nous a coûté un million de morts et la destruction complète de notre pays, comment pouvons-nous accepter, nous les Grecs, les menaces de Mme Merkel et l’intention des Allemands de nous imposer un nouveau Gauleiter... mais cette fois-ci, il sera porteur d’une cravate... La période de l’occupation allemande, de 1941 jusqu’à octobre 1944, prouve à quel point la Grèce est un pays riche et à quel point les Grecs sont travailleurs et conscients (conscience du devoir de liberté et de l’amour pour la patrie). Lorsque les SS et la famine tuaient un million de personnes et la Wehrmacht détruisait notre pays, confisquait toute la production agricole et l’or de nos banques, les Grecs ont pu survivre grâce à la création du Mou-

18 -

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

vement de solidarité nationale et d’une armée de partisans comptant 100 000 soldats, ce qui a retenu 20 divisions allemandes dans notre pays. En même temps, non seulement les Grecs ont-ils survécu grâce à leur application au travail, mais il y a eu lieu, dans des conditions d’occupation, un grand développement de l’art grec moderne, en particulier dans le domaine de la littérature et de la musique. La Grèce a choisi la voie du sacrifice pour la liberté et la survie en même temps. Nous avons été attaqués, nous avons répondu avec solidarité et résistance et nous avons survécu. Nous faisons maintenant exactement la même chose, avec la certitude que le peuple grec sera finalement vainqueur. Ce message est envoyé à Mme Merkel et M. Schäuble, en soulignant que je reste un ami du peuple allemand et un admirateur de sa grande contribution à la science, la philosophie, l’art et la musique en particulier. La meilleure preuve de cela est le fait que j’ai confié l’intégralité de mon œuvre musicale à deux éditeurs allemands, Schott et Breitkopf, qui sont parmi les plus grands éditeurs dans le monde, et ma collaboration avec eux est très amicale. Ils menacent de nous expulser de l’Europe. S’ils ne veulent une fois pas de nous, c’est dix fois que nous ne voulons pas faire partie de l’Europe de MerkelSarkozy. Aujourd’hui, dimanche 12 février, moi et Manolis Glezos - le héros qui a arraché la croix gammée de l’Acropole, donnant ainsi le signal du début, non seulement de la résistance grecque, mais aussi de la résistance européenne contre Hitler - nous nous préparons à participer à une ma-

nifestation à Athènes. Nos rues et nos places vont être remplies de centaines de milliers de personnes qui manifesteront leur colère contre le gouvernement et la Troïka. J’ai entendu hier le premier ministre-banquier dire, en s’adressant au peuple grec, que nous avons presque touché le fond. Mais qui nous a amenés à ce point en deux ans ? Ce sont les mêmes qui, au lieu d’être en prison, menacent les députés, afin qu’ils votent pour le nouveau Mémorandum pire que le premier, qui sera appliqué par les mêmes personnes qui nous ont amenés là où nous sommes. Pourquoi ? Parce que c’est ce que le FMI et l’Eurogroupe nous obligent à faire, en nous menaçant que, si nous n’obéissons pas, c’est la faillite... Ici l’on joue du théâtre de l’absurde. Les cercles qui nous haïssent (grecs et étrangers) et qui sont les seuls responsables de la situation dramatique de notre pays, nous menacent et nous font du chantage, afin de pouvoir poursuivre leur œuvre destructrice, jusqu’à notre extinction définitive. Au cours des siècles, nous avons survécu dans des conditions très difficiles. Il est certain que, non seulement les Grecs vont survivre, mais ils vont aussi revivre s’ils nous amènent de force à l’avant-dernière marche de l’escalier avant la mort. A présent je consacre toutes mes forces à unir le peuple grec. J’essaie de le convaincre que la Troïka et le FMI ne sont pas une route à sens unique. Qu’il y a une autre solution : changer l’orientation de notre nation. Se tourner vers la Russie pour une coopération économique et la formation de partenariats qui nous aideront à mettre en valeur la richesse de notre pays en des


dossier LE RÉVEIL

termes favorables à notre intérêt national. Je propose de ne plus acheter du matériel militaire des Allemands et des Français. Nous allons tout faire pour que l’Allemagne nous paie les réparations de guerre dues. Ces réparations s’élèvent, avec les intérêts, à 100 milliards d’euros. La seule force capable de faire ces changements révolutionnaires, c’est le peuple grec uni en un Front de Résistance et de Solidarité pour que la Troïka (FMI et banques européennes) soit chassée du pays. En parallèle, il faut considérer comme nuls tous ses actes illégaux (prêts, dettes, intérêts, impôts, achat de la richesse publique). Bien sûr, leurs partenaires grecs - qui ont déjà été condamnés dans l’esprit de notre peuple en tant que traîtres -, doivent être punis. Je suis entièrement concentré sur ce but (l’union du peuple en un front) et je suis persuadé que nous l’atteindrons. Je me suis battu les armes à la main contre l’occupation hitlérienne. J’ai vu les cachots de la Gestapo. J’ai été condamné à mort par les Allemands et j’ai miraculeusement survécu. En 1967, j’ai fondé PAM (Patriotikò Mètopo - front patriotique), la première organisation de résistance contre la junte militaire. Je me suis battu dans la clandestinité. J’ai été arrêté et emprisonné dans « l’abattoir » de la police de la junte. Finalement, j’ai encore survécu. Aujourd’hui, j’ai 87 ans, et il est très probable que je ne serai pas vivant le jour du sauvetage de ma patrie bien-aimée. Mais je vais mourir la conscience tranquille, parce que je continuerai jusqu’à la fin de faire mon devoir envers les idéaux de liberté et de droit.

Des Athéniens devant une agence pour l’emploi. Après 3 ans d’austérité, le chômage, en Grèce, atteint officiellement 22 %.

Et si les riches armateurs venaient en aide au pays en crise ?

Problème : ils ne voient vraiment pas pourquoi...

« Si le gouvernement commence à nous imposer, il sera assez simple pour nous de déplacer les sièges de nos sociétés ailleurs, aux îles Caïmans, à Chypre ou à Malte. » A bord de son luxueux caïque en bois, Nikos Vernikos est l'un des rares armateurs à s'exprimer librement. Ce soir-là, à la marina Zea, l'atmosphère est détendue. Dans cette partie du port du Pirée, dont les quais s'étendent de manière tentaculaire, les yachts s'entassent, plus grands et prestigieux les uns que les autres. A bord, des skippers ou des employés chargés de l'entretien, souvent d'origine sri lankaise ou philippine. Ils veillent sur ces mastodontes marins jour et nuit. Nikos Vernikos, l'un des grands de la profession, propriétaire de dizaines de tankers, est à la tête de la première société de remorqueurs du pays. Le teint hâlé, le geste ample et le sourire aux lèvres, il ne comprend pas que les armateurs soient pris pour cible. « Les armateurs sont les chauffeurs de taxi de la mer. Le commerce maritime est mondial, pas seulement grec. Nous voguons en permanence et nous préférons donc avoir notre siège social dans un pays où il n'y a ni contrôles ni taxes », explique-t-il. Evangelos Venizelos, le ministre grec

des Finances, englué dans une crise sans précédent, ne voit pas les choses de cette façon : « Participer à l'effort national de manière directe et immédiate, c'est maintenant et c'est pour tous », a-t-il lancé le mois dernier devant un parterre trié sur le volet qui comprenait nombre d'armateurs pas vraiment désireux de payer des impôts, même pour sauver leur pays du naufrage.

Exemptés de toute taxe... Les descendants d'Onassis sont protégés par la Constitution hellénique, qui les exempte de toute taxe, directe ou indirecte. Une immunité qui leur a été accordée pour qu'ils ne soient pas tentés de poursuivre leurs activités ailleurs qu'en Grèce. « C'est tout à fait normal », assure Mia Jensen, directrice de la communication de la société Marine Marketing. « Les armateurs représentent l'aristocratie de la Grèce, ils sont l'effigie du pays, un mythe vivant. En chiffres, la marine marchande représente 6,7 % du PIB, plus que le tourisme ! » Les armateurs LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

- 19


LE RÉVEIL dossier

grecs détiennent la première flotte marchande mondiale. Avec plus de 3 000 bateaux d'une capacité totale de 190 millions de tonnes, ils assurent près de 15 % du tonnage de la planète et contrôlent près d'un quart des pétroliers au monde. Les familles Latsis et Niarchos figurent dans le classement Forbes des grandes fortunes. « La marine est une affaire de famille qui restera longtemps une affaire grecque », affirme Yannis Pahoulis, président de l'association des agents maritimes. « La nouvelle génération des armateurs est bien plus éduquée que la précédente. Elle a profité de l'expérience des pères et des grands-pères pour mettre en valeur la marine grecque. Une trentaine de compagnies sont cotées en Bourse. »

Ce paradis fiscal intérieur fait polémique. Pressé par la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et FMI), le gouvernement grec impose à son peuple des mesures d'austérité implacables. Et sans grand résultat jusqu'ici, car le pays s'enfonce dans la récession et le taux de chômage explose. L'amputation à trois reprises des salaires et des retraites n'a pas vraiment permis de réduire la dette publique (370 milliards d'euros). « C'est perturbant de voir qu'aujourd'hui, avec la crise, d'un côté, un Grec sur quatre vit au-dessous du seuil de pauvreté et, de l'autre, les armateurs ne cachent pas leurs voitures de luxe, bateaux et hélicoptères privés », explique Takis Bratsos, analyste économique. « Difficile d'imaginer que les milliards d'euros gagnés par les armateurs ne se retrouvent pas dans l'économie réelle du pays ». « Les armateurs sont intouchables. Ils ont tout pouvoir ici. C'est un peu comme l'Église, qui ne paie pas non plus d'impôts. La proposition de Warren Buffett de taxer les riches ne fait pas vraiment un tabac en Grèce », ironise Bratsos. « Et tant pis si, dans les manifestations qui fleurissent un peu partout dans le pays, des banderoles et des calicots dé-

20 -

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

noncent les privilèges des plus riches, et donc, bien sûr, des armateurs ». Sacrifiant au réalisme, Michalis Chryssohoïdis, le ministre du Développement, se range sans aucune hésitation du côté des armateurs. « Ils ont certes un statut privilégié, mais il faut reconnaître qu'ils emploient des milliers de personnes et rapportent au pays plus de 15 milliards d'euros par an ». Les compagnies de shipping emploieraient en effet près de 150 000 personnes. Oui, mais... « Les armateurs créent de l'emploi mais ne contribuent pas à l'économie du pays », explique le conseiller d'une grande compagnie maritime sous couvert d'anonymat. « Pourquoi ? Parce qu'ils ne déclarent qu'un cinquième des salaires de leurs employés. Chacun d'entre eux ne déclare que 12 000 euros de revenus par an, et le reste du salaire est donné en argent liquide, à l'abri du regard des contrôleurs fiscaux. Ces pratiques touchent toute la profession et contribuent largement à la fraude fiscale qui coule la Grèce. » « Si les autorités grecques veulent nous garder, elles doivent nous aider à faire rayonner le port du Pirée » : Nikos Vernikos, en bon marin, sait naviguer en eaux troubles et ne trouve qu'un responsable à la situation actuelle : l'État. Pour lui, ce qui compte, c'est de faire du port du Pirée un grand centre de commerce international. Il se trouve que c'est aussi l'objectif déclaré du chinois Cosco, l'un des géants mondiaux du maritime. Déjà installée au Pirée avec deux quais où s'alignent des montagnes de conteneurs, cette entreprise asiatique a signé, en 2008, un contrat de concession du port de 3,4 milliards d'euros pour trente-cinq ans. Aujourd'hui, les armateurs grecs sont sous le charme des Chinois. Treize contrats de collaboration entre la Grèce et la Chine ont été signés, dont sept entre Cosco et les armateurs grecs pour la commande de sept cargos, avec une option sur huit autres, et l'affrètement de six bateaux. Pour Yannis Yannidis, le président

de la Chambre de commerce grécochinoise, « la Chine veut devenir le premier partenaire commercial de la Grèce d'ici quelques années. Un fonds de soutien aux armateurs va aussi être créé avec un apport de 5 milliards d'euros pour les inviter à faire construire leurs bateaux en Chine », souligne-t-il.

Où est l'Europe dans tout ça ? Pour la Grèce, l'appel du large est le plus fort, ce qui n'exclut pas tout sentiment patriotique. « Ces grandes familles veulent le bien de leur pays », reprend Mia Jensen. « Certaines ont fait des donations pour venir en aide aux sinistrés des incendies ravageurs de 2007, d'autres investissent dans des hôpitaux, d'autres encore dans des projets culturels de grande ampleur ». C'est vrai les armateurs grecs sont fiers de leurs origines. Ils aiment leur pays. Même si Nikos Vernikos reconnaît que la plupart d'entre eux commencent à douter de l'avenir de la Grèce. « S'ils étaient assurés de la stabilité politique, la plupart des grands armateurs garderaient leur argent en Grèce et investiraient davantage. Un malaise, qui n'a pas lieu d'être, s'est installé dans nos affaires, et c'est dommageable pour tous », dit-il. Voilà pour le politiquement correct, mais... « Nous n'allons tout de même pas vivre dans la misère par simple solidarité ! Je ne comprends pas pourquoi il serait tabou de rouler avec ma voiture de luxe ou d'aller en yacht sur mon île ». Et de s'en prendre au gouvernement Papandreou : « C'est cela, l'ADN des socialistes ? Il leur faut pourtant réaliser que la richesse du pays, c'est nous. La peur et l'insécurité n'attireront pas les investisseurs en Grèce. Au contraire, ils se rendront en Sardaigne ou à Monte-Carlo », conclut l'armateur, originaire de l'île de Siphnos, dans les Cyclades. Naviguant entre les vagues de ces intérêts croisés, les armateurs, prenant exemple sur la superbe de leur dieu tutélaire Poséidon, attendent paisiblement que l'accalmie revienne. Et que l'État, dos au mur, se ressaisisse. Eux ne font que passer... Source : Le Point


VOS DROITS LE RÉVEIL

Communiqué du 18 avril 2012 La CGT exclue du CA de l’ONAC « Ah ! Transparence ! Quand tu nous tiens ! » La CGT qui, lors du précédent conseil d’administration, siégeait à l’ONAC avec la CFDT et FO, à titre d’observateur, a été exclue de cet organisme… alors qu’elle représente 25 % des personnels. L’ARAC était intervenue à plusieurs reprises auprès du directeur général de l’ONAC pour que la CGT retrouve sa représentation. Le Réveil a également dénoncé ce déni de justice. Mais, RGPP exige, le mauvais coup a été mis en place le 18 avril dernier et le conseil d’administration de l’ONAC s’est réuni sans qu’elle y soit invitée. En publiant ce communiqué, l’ARAC et le Réveil réaffirment leur soutien à la légitime revendication de la CGT de l’ONAC. Le conseil d’administration de l’ONAC siège le 18 avril dans sa nouvelle constitution. Conformément à ce qui nous avait été annoncé, deux syndicats siégeront avec voix délibérative. L’ONAC s’est basé sur la représentation au CTPC en choisissant les deux syndicats les plus représentatifs et non pas l’ensemble des syndicats représentatifs des personnels. Ce qui revient à dire que la CGT, qui représente environ 25 % des personnels, ne sera pas représentée.

Nous avions, lors du CTPC, relayés par la CFDT d’ailleurs, fait valoir qu’une telle décision entraînait l’exclusion d’une partie conséquente des personnels et était contraire à une réelle représentativité syndicale à l’intérieur d’un établissement public. L’administration de l’ONAC nous avait alors d’abord affirmé que la CGT pourrait assister aux conseils d’administration en tant qu'observateur. Mais récemment, la situation a quelque peu évolué. Sollicitée, la direction générale nous a, dans un premier temps, affirmé qu’« aucune trace n'a été trouvée d'un engagement qui aurait été pris pour la participation d'une organisation syndicale en tant qu'observateur au conseil d'administration ». Et devant notre insistance, et le compterendu du CTPC du 2 décembre 2010, dans lequel il était précisé la position de la direction générale, nous avons reçu une nouvelle réponse : « Il est vrai qu'en 2010, dans le cadre des pourparlers interministériels, nous cherchions à obtenir cette possibilité d'un siège d'observateur; ça n'a pas pu finalement être obtenu et les textes approuvés par les différents ministères concernés et le conseil d'État interdisent totale-

ment cette possibilité. Or le nouveau décret et le nouvel arrêté organisant le conseil d'administration sont les textes qu'il nous faut dorénavant appliquer. » Nous regrettons vivement que les textes fondateurs du nouveau conseil d’administration aient méprisé près d’un quart des personnels et refusé à la CGT-ONAC un siège d’observateur. La transparence aurait voulu que les textes qui appliquent une telle décision nous soient communiqués, mais il est vrai que si l’on ne demande rien… en l’absence de toute boule de cristal, nous ne pouvions pas deviner ! Les changements de décision, les nouvelles orientations encore une fois se passent sans que les syndicats soient mis au courant ! La CGT déplore que l’ONAC fasse fi de l’esprit des accords de Bercy portant sur la rénovation du dialogue social et instaure une opacité regrettable tout en revendiquant la transparence ! Le syndicat CGT-ONAC continuera cependant à faire entendre sa voix, celle de près d’un quart des agents, à défendre les agents et leurs conditions de travail, les missions et le service publics.

Le réveil des Combattants - Bulletin d’abonnement

A retourner au Réveil des Combattants - 2, place du Méridien - 94807 Villejuif cedex Tél. 01 42 11 11 12 - reveil-des-combattants@wanadoo.fr Individuel

Collectivités (lycées, collèges, centres de documentation, bibliothèques…)

10 numéros - au prix de 28,00 e par an

10 numéros (5 exemplaires par parution) au prix de 100,00 e par an

Nom. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Nom (collectivité) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Personne à contacter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

..................................................................................................

Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code postal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code postal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Téléphone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Téléphone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . @. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . @. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ci-joint un chèque de 28 e libellé à l’ordre du Réveil des Combattants

Ci-joint un chèque de 100 e libellé à l’ordre du Réveil des Combattants LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

- 21


LE RÉVEIL VIE de l’arac

Essonne Célébrer l’union et les valeurs de la Résistance, le 27 mai de chaque année

• Pour la 5e année consécutive, l’UFAC Essonne a rappelé, le 27 mai dernier en préfecture à Evry, le souvenir de la création du Conseil national de la Résistance, son programme et les valeurs républicaines qui permirent l’union de la Résistance et le redressement de la France après la guerre. Ce rassemblement présidé par Raymond Gamel (UDAC), accompagné d’une vingtaine de drapeaux, permit à Jacques Varin, secrétaire général de l’ANACR, de rappeler - en présence d’élus et de personnalités - l’actualité du CNR créé le 27 mai 1943 dans Paris occupé, sous la présidence de Jean Moulin. Puis André Fillère, vice-président honoraire de l’ARAC et président de l’ARAC

22 -

LE RÉVEIL - N°782 - AVRIL 2012

Essonne, proposa le texte d’un appel au Président de la République et au gouvernement à faire du 27 mai de chaque année une journée nationale d’hommage et de souvenir de la Résistance et de ses valeurs républicaines. • A Vigneux (91), une cérémonie identique, présidée par Jean Le Saout pour les ACVG, a permis ce même rappel autour de la municipalité, par Lucien Lagrange, président délégué de l’ARAC 91, André Fillère et Martine Garcin (Les Amis essonniens du Musée de la Résistance nationale). A cette occasion fut présenté le livre consacré aux Fusillés de l’Essonne au Mont-Valérien 1940-1944, réalisé par les Amis du Musée avec le concours de l’ANACR 91, l’ARAC 91, l’Association mémoire d’Aincourt, les Familles de fusillés et massacrés, Mémoire vive des 45000 et 31000, avec le concours du Conseil général.

ARAC Gironde

Notre section a tenu une permanence à la fête de l'Huma de la Gironde. De gauche à droite, Jacqueline Braconnier, responsable de la Mutuelle du Comité ARAC 33, Christian Élie, président de la section de Pessac, Hugues Dominguez, président du comité ARAC 33.


LE RÉVEIL VIE de l’arac

Pétition

Pour que Nicolas Chouan et tous ses camarades retrouvent leurs légitimes droits D’autres noms s’ajoutent aux listes publiées dans les précédents Réveils : Allemand Michel (13), Almodovar Jospeh (66), Ardilley Alain (33), Bassot Michel (92), Bessonnet Gilbert (76), BottaloGambetta Marcel (73), Brejon Marcel (13), Catelain Josiane (76), Chatelus Eugène (89), Chatelus Josette (89), Clauss Daniel (77), Coutant James (94), Delaubier Jacques (13), Depierre Michel (61), Depierre Paul (61), Desrue Michel (Directeur départemental honoraire Onac 53), Dominici France (13), Dominici François (13), Duh Henri (13), Durin Jean (45), Elie Christian (33), Fardeau François (92), Forté Mado (66), Franc André (58), Gerbet Jeanine (21), Hellio Francis (93), Hily Yvette (29), Jochum M et Mme (45), Jumelle Michel (13), Kapychev Alexis (75), Kapycheva Galina (92), Le Calvez M. et Mme (22), Leclercq Danielle (13), Legoué Yves (66), Legrand Jean (13), Lombard Cyprien (83), Lopez André (13), Marco Joseph (13), Marot Marie-Danielle (36), Marot Roger (36), Marquis (71), Martines Manuel (13), Masseglia François (13), Mercier Paul (73) Mignemi Antoine (13), Natale Gilbert (13), Nevers Maurice (42), Nguyen Jacques (13), Parisot Daniel (36), Pira André (13), Pourcher Marcel (76), Robert Raymond (74), Roy Jean (33), Ruchon Jean-Pierre (76), Saintenoy Patrick (13), Sentuc Marthe (92), Sigg Bernard (94), Sureau Marcel (92), Tardieux (13), Tesseire Jean (13), Thibault Derge (45), Truaisch Jean-Claude (21), Vesse Edmond (34). Nous avons été nombreux à expri- Il est reconnu que les conditions des la dimension et assume ses responsamer notre indignation devant le refus opérations en Afghanistan, comme bilités pour venir en aide à ces jeunes opposé par le ministère des Armées dans toutes les opérations extérieures laissés à l’abandon. de reconnaître que l’état de Nicolas constituent en elles-mêmes des cir- Nous voulons espérer que le chanChouan est consécutif aux épreuves constances particulières contribuant à gement annoncé lors des élections subies dans les OPEX de Côte d’Ivoire la multiplication dans des psychotrau- présidentielles se manifestera dans et d’Afghanistan. matismes. L’importance de cette réa- ce domaine, qu’un revirement minisNous saluons comme une première lité est telle que, suite au rapatriement tériel rendra le procès inutile et, qu’à de Nicolas Chouan, il a été institué défaut, la Cour d’appel rendra à Nicosatisfaction que laDix Courjours d’appelde de détente, de mémoire, deà découverte ! Paris n’ait pas fait sienne la scanda- Chypre un sas de décompression. las Chouan la justice qui lui est due. leuse décision d’abord rendue par le Cette situation concerne des dizaines tribunal, et renvoyée à une audience de milliers de soldats, de jeunes OPEX au 5 octobre, pour qu’il puisse être de notre pays sur les cinq dernières répondu aux arguments soulevés par décennies. Il est temps que l’État en prenne toute le commissaire du Gouvernement. Nom, prénom

Profession

Adresse

Tél. / Mail

Signature

A retourner à : ARAC, 2 place du Méridien, 94800 Villejuif cedex Ou par mail : reveil-des-combattants@wanadoo.fr LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

- 23


LE RÉVEIL VIE de l’arac

Villepinte

Un monument aux victimes de la guerre d’Algérie des deux côtés de la Méditerranée

Rennes

Mai 2012 : partage d’histoire et de mémoire Sétif, la ville des hauts plateaux à l’Est de l’Algérie est jumelée depuis 1982 avec le chef-lieu de la Bretagne. Ce rapprochement de nos deux villes entraîne un climat d’amitié qui nous permet d’échanger sereinement sur des périodes souvent dramatiques de notre histoire commune, tout spécialement en cette année 2012 marquant le 50e anniversaire la fin de la guerre d’Algérie

L’autre 8 mai 1945 commémoré en après-midi

Samedi 2 juin 2012 à Villepinte, sous la présidence de Jean Porta, conseiller municipal délégué, président de la section de l’ARAC, était inauguré par Nelly Rolland-Irribery, maire de la ville, un monument aux victimes de la guerre d’Algérie des deux côtés de la Méditerranée. Parmi les nombreux participants à cette cérémonie, on remarquait la présence de François Asensi, député, d’Hélène Erlingen Creste et de Mohamed Zerouki, auteurs communs d’un livre titré Nos pères ennemis - sur leurs deux pères qui ont participé à la guerre d’Algérie, chacun dans le camp opposé - dont les paroles émouvantes ont particulièrement été remarquées par l’assistance. Karima Malki, citoyenne française et algérienne, maire-adjointe de Villepinte devait alors expliquer : « Mon histoire est l’histoire de centaines de familles de Villepinte. Je l’évoque sans ressentiment aujourd’hui car je sais, aussi ce que nous devons à la France… Aujourd’hui je milite de

24 -

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

tout cœur pour l’amitié franco-algérienne. Mais cette amitié sera d’autant plus forte que l’histoire de cette guerre, que beaucoup d’entre nous ont gardée en eux sans pouvoir l’exprimer, pourra être publiquement racontée. » Nelly Roland-Iriberry devait ensuite prendre la parole pour souligner, en cette année du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, que « les traces sont encore profondes dans nos consciences respectives française et algérienne. Mais 50 ans après, il est temps de tourner la page de la guerre d’Algérie pour en ouvrir une nouvelle, celle du dépassement et de la réconciliation. » Et avant de procéder à l’inauguration proprement dite, Madame le Maire tint à affirmer : « Un traité d’amitié entre la France et l’Algérie n’est pas seulement nécessaire mais il est inéluctable au regard de notre histoire commune ».

Comme chaque année, après les commémorations officielles de l’Armistice, à l’appel de l’Association de solidarité algérienne et de l’Association de jumelage Rennes-Sétif, un rassemblement se tenait à Rennes, square de Sétif. Des associations culturelles et humanistes locales, le Mouvement de la paix, le MRAP et bien sûr l’ARAC d’Ille-et-Vilaine apportaient leur soutien et leur participation dans un appel commun : « Alors que la France avec les peuples du monde fêtait la fin du nazisme, la liberté et la paix retrouvées, des milliers d’Algériens furent massacrés le 8 mai 1945 à Sétif et dans l’Est de l’Algérie. Une nouvelle période de guerres et conflits coloniaux commençait. Si nous nous taisons, les murs pleureront ». Devant plus d’une soixantaine de personnes, on notait cette année, avec les représentants des associations, la présence officielle d’élu(e)s représentants la Ville de Rennes et le Conseil général. Venus du Mans, des représentants d’associations culturelles algériennes participaient également avec les familles de la région rennaise. Par la suite, la grande salle d’une MJC locale s’avérait trop étroite pour contenir les participantes et participants, notamment de nombreux jeunes, rassemblés pour un débat qui suivit. Il est vrai que le témoignage


LE RÉVEIL VIE de l’arac

Villejuif (94)

L’appel du 18 Juin A Villejuif, l’ARAC a répondu présent à la commémoration, de l’appel du général de Gaulle du 18 juin 1940. Mais aussi à la mémoire de ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas, et qui ont donné leur vie pour arracher la France au fascisme, cette bête immonde dont le ventre est toujours fécond.

d’Abdelmadjid Bousbah, 79 ans, un des derniers survivants de la manifestation de Sétif en 1945 était particulièrement attendu. Avec émotion, cet ancien scout musulman, qui deviendra ensuite militant de la CGT, puis de l’UGTA, apporta ses souvenirs sur la manifestation et la répression qui embrasa les villes et villages de la région, comme nous l’avions écrit dans Le Réveil de février 2012. Des échanges amicaux suivirent, dont entre autres ceux de nos camarades anciens combattants. La rencontre se termina autour des traditionnels desserts et du thé algériens.

Le 14 mai Avec Alain Ruscio « Regards partagés sur les causes d’un conflit meurtrier » Pratiquement ces mêmes associations et trois associations amies d’anciens combattants soutenaient la semaine suivante l’initiative de l’ARAC d’Ille-et-Vilaine pour le 50e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. La conférence de l’historien, auteur et journaliste Alain Ruscio, enrichie par le débat qui suivit, invitait à réfléchir sur les causes profondes de cet épisode sanglant qui déchira nos deux pays. Dans la grande salle du centre culturel Carrefour 18, au cœur du quartier populaire du Blosne où se déroulait cette rencontre, l’ARAC présentait les derniers numéros du Réveil avec nos cahiers mémoires et notre nouvelle exposition sur l’Algérie. Devant plus de 80 personnes partici-

pant à cette soirée, Alain Ruscio apporta plusieurs éléments de ses recherches d’historien sur le colonialisme français. De l’Exposition coloniale à Paris de 1931, aux journaux, revues, livres, discours politiques, on exhibait couramment et sans retenues la discrimination entre des colonisés jugés inférieurs et les colonisateurs se prétendant supérieurs. Dans les départements français d’Algérie, un statut différent visait les populations appelées « musulmanes » ou « indigènes ». Pour lui aussi, la guerre d’Algérie commença dès mai 1945, avec les milliers de massacres de Sétif; les conflits coloniaux, la guerre d’Indochine s’ensuivirent, puis ce fut novembre 1954. Les interventions et témoignages, notamment des personnes venues d’Algérie comme de nos camarades anciens combattants, contribuèrent lors du débat à apporter des éléments parfois émouvants sur les situations en Algérie pendant cette guerre, ou sur les responsabilités politiques en France, l’attitude des dirigeants du FLN. La cristallisation des pensions d’anciens combattants, la situation des militaires français en Afghanistan ont également été évoqués. La proposition de l’ARAC pour un traité de paix et d’amitié entre l’Algérie et la France a été fortement applaudie par ce public dont chacun a remarqué, par-delà sa diversité, une volonté commune de solidarité.

Brest (29) 27 mai

Au cours de son allocution Charles Paperon, membre de l'ARAC, coprésident de l'ANACR du Finistère, a rappelé le rôle de la Résistance, la réunion fondatrice du CNR et l'exigence de l'Histoire : faire du 27 mai une journée nationale de la Résistance.

Georges Ploteau

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

- 25


LE RÉVEIL VIE de l’arac

Fondation Georges Dimitrov

Georges Doussin reçoit le prix international 2012 A l’occasion du 130e anniversaire de la naissance de Georges Dimitrov, célébré le 17 juin 2012 à Sofia, devait être remis à Georges Doussin le Prix international de la Fondation Georges Dimitrov. Le deuxième tour des élections législatives ayant lieu à cette même date, Georges Doussin a envoyé le message cidessous à nos camarades de la Fondation. « Message à tous mes camarades de la Fondation internationale Georges Dimitrov. Vous voici, en ce 17 juin 2012, réunis pour le 130e de la naissance de Georges Dimitrov. A tous, j’adresse mon salut fraternel et mes souhaits les plus solidaires pour le succès des luttes que vous menez toujours contre le fascisme et pour la mémoire de ce grand héros bulgare, dont sont héritiers aujourd’hui tous les combattants antifascistes du monde entier. Les combats de Georges Dimitrov ne sont pas seulement des pages glorieuses d’un passé dont nous sommes fiers. Hélas, ils sont terriblement d’actualité dans cette période dramatique où la « bête immonde » revient puissante en Europe et dans le monde et particulièrement en France, en Autriche, en Hongrie, en Croatie, en Grèce, en Belgique, et dans bien d’autres pays ! Je relisais ces jours derniers le rapport

prononcé par Georges Dimitrov au 7e Congrès mondial de l’Internationale communiste de 1935. Dimitrov, dans ce rapport, y déclarait : « Le fascisme, c’est le pouvoir du capital financier luimême. C’est l’organisation de la régression terroriste contre la classe ouvrière et la partie révolutionnaire de la paysannerie et des intellectuels. Le fascisme en politique extérieure, c’est le chauvinisme sous sa forme la plus grossière, cultivant une haine bestiale contre les autres peuples. Il est nécessaire de souligner avec une vigueur particulière ce véritable caractère du fascisme, parce que ce que le masque de la démagogie sociale a permis au fascisme d’entraîner à sa suite, dans une série de pays, les masses de la petite bourgeoisie désaxée par la crise, et même certaines parties des couches les plus arriérées du prolétariat qui n’auraient jamais suivi le fascisme si elles avaient compris son caractère de classe réel, sa véritable nature… Quelle est donc la source de l’influence

du fascisme sur les masses ? Le fascisme réussit à attirer les masses parce qu’il en appelle, de façon démagogique, aux plus sensibles de leurs besoins et de leurs aspirations. » Depuis 1935, l’eau a coulé sous les ponts, l’histoire ne se répète jamais à l’identique, mais, fondamentalement, les analyses et les combats de Georges Dimitrov doivent toujours éclairer nos luttes, notre lucidité, nos espoirs, nos résistances et nos rêves qui doivent, un jour plus ou moins lointain, se réaliser pour nos patries et pour le monde entier. Où alors le capitalisme, par la misère des peuples et la guerre, créera les conditions de la fin de l’humanité. Ensemble, comme Dimitrov nous en a montré le chemin, résistons, faisons un front uni de tous les peuples pour sauver la démocratie, la justice et la paix, aujourd’hui menacées.

NOS PEINES JUIN 2012 AIN (01) Génissiat : Jean MARGUERETTAZ, 74 ans, AC ATM. ALPES-MARITIMES (06) Grasse : Roger BROCHARD, AC ATM. AUBE (10) Saint-Julien-les-Villas : Pierre DEMEY, AC Indochine. BOUCHES-DU-RHÔNE (13) Pelissanne : Gilbert GASS, AC ATM. CHARENTE (16) Gond-Pontouvre : Jean

26 -

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

HAUT-RHIN (68) Mulhouse : Marcel GOLAY, 75 ans, AC ATM, Vice-Président départemental.

SAVOIE (73) Aix-les-Bains : Marc CHARPENTIER. Saint-Avre : Antoine PELLISSIER, AC 39-45.

LOT-ET-GARONNE (47) Layrac : Mohand Said CHAOUATI.

RHÔNE (69) Chavanay : Georges GERMAIN, 79 ans, AC ATM. Lyon 8e : Marcel MARGERIT, 72 ans, AC ATM. André SOUSI, 94 ans, AC 39-45, Chevalier de la Légion d’honneur.

HAUTE-SAVOIE (74) Annecy : Bernard CHATEL, 75 ans, AC ATM. Thonon-les-Bains : Claude BAR, 90 ans, Résistant. Viuz-en-Sallaz : Jacques GIOVANETTI, 81 ans, AC Indochine, trésorier de la section.

MOSELLE (57) Yutz : Henri NAWROCKI, 71 ans, AC ATM.

SARTHE (72) Allonnes : Claude CHAUVAUD, 72 ans, AC ATM.

LADAME, AC ATM. CHER (18) Saint-Saturnin : René LEFAIX, 73 ans, AC ATM. FINISTERE (29) Fouesnant : Jacob MENDRES, 95 ans, Résistant.

SEINE-MARITIME (76) Le Havre : Roger BONNEVILLE.

SEINE-ET-MARNE (77) Melun : Roger PROUT, AC ATM. VAL-DE-MARNE (94) Alfortville : Robert BARRA, AC 39-45. Joinville-le-Pont : Georges HOWA. Villejuif : Emilienne POINSOT, veuve, ancienne responsable locale, membre du bureau. VAL-D’OISE (95) Bezons : Mme Jeanine BOUCHOUX, amie.


VOS DROITS LE RÉVEIL

Entretien entre la direction nationale de l’ARAC et le directeur général de l’ONAC A sa demande, une délégation du Secrétariat national de l’ARAC composée de Raphaël Vahé, président national, Paul Markidès, viceprésident, Patrick Staat, secrétaire national, accompagnée d’André Fillère, administrateur national de l’ONAC, s’est entretenue avec Rémy Enfrun, préfet directeur général de l’ONAC, de différentes questions relatives au présent et au devenir de l’ONAC, telles qu’évoquées dans le Réveil des Combattants de mai 2012. Cette rencontre de près de deux heures, à laquelle participait aux côtés du directeur général, Jacques Goujat, premier vice-président du conseil d’administration de l’ONAC, a tout d’abord porté sur les retards inadmissibles (depuis près de 2 ans) en matière de délivrance des cartes du combattant et des TRN, ainsi que sur « l’implosion » du service initial devenu un obstacle à un fonctionnement concret. La direction de l’ONAC a assuré avoir repris la situation en main (après la démission de la responsable concernée), sous l’autorité directe du préfet Enfrun, assistée du service de traitement des cartes de Caen. Déjà l’édition des cartes et TRN a été relancée, le logiciel Kapta fonctionne enfin correctement et les Services départementaux de l’ONAC retrouvent leur vocation à remettre en main propre les cartes et TRN aux demandeurs. Selon la direction de l’ONAC, l’ensemble du retard devrait être absorbé en novembre prochain au plus tard. La 2e partie de la rencontre porta sur l’ONAC aujourd’hui et demain, à travers ses missions de solidarité et de mémoire. Le 2e Contrat d’objectifs et de moyens arrivant à terme fin 2013, l’ARAC a rappelé sa position quant à la RGPP (qu’il faudrait abroger), son hostilité à toute « Fondation » sortant du sein de l’ONAC ses établissements de rééducation professionnelle et ses maisons de retraite. Elle s’est également déclarée plus que réservée quant au projet de déménagement

du siège de l’ONAC, même si elle comprend les besoins de l’Institution nationale des invalides. Abordant le fonctionnement de l’ONAC, l’ARAC a souhaité que le conseil d’administration et chacun de ses administrateurs jouent leur rôle véritable et ne deviennent pas une chambre d’enregistrement. Elle s’est déclarée également préoccupée par le nombre important de généraux au sein du CA (plus de 25 %), le fait que le 3e collège soit uniquement réservé à des représentants d’associations, alors que des individualités qualifiées au plan mémoire et lien entre la nation et son armée devraient pouvoir y siéger et, plus généralement, la question de « quelle mémoire pour une France souveraine ? » aujourd’hui fondamentalement posée. La mémoire doit en effet être diverse et ne saurait être seulement « militaire » et encore moins « officielle » comme ce fut le cas lors du quinquennat précédent, la DMPA (Départe-

ment de la mémoire, du patrimoine et des archives dépendant du ministère de la Défense) détenant à la fois le monopole de la mémoire et la tutelle de l’ONAC, qui n’en est plus qu’un simple exécutant… Ce que l’ARAC considère inacceptable. L’ONAC et les associations d’ACVG doivent demeurer maîtres de la mémoire ACVG et représenter l’un des éléments de la mémoire globale de la France et de ses valeurs républicaines. La délégation de l’ARAC s’est ensuite entretenue avec Anita Roth, responsable de la Division des missions extérieures, qui lui a présenté les diverses activités de ses services et leurs objectifs. Au terme de ces rencontres, l’ARAC, demeurant vigilante quant au devenir de l’ONAC et de ses ressortissants, entend s’employer à servir et à défendre leurs intérêts, en œuvrant pour que se concrétisent les changements attendus des nouvelles autorités en matière de satisfaction des droits à réparation, de désengagements militaires des troupes françaises et d’une politique sociale et souveraine sur tous les plans, y compris la coopération avec les autres peuples et la recherche permanente de solutions pacifiques sous l’égide de l’ONU.

Pension d’orphelins majeurs ou mineurs infirmes Le code des pensions militaires d’invalidité prévoit le versement d’allocations aux enfants mineurs de pensionnés, ainsi que des pensions aux orphelins mineurs remplissant les conditions prévues pour l’attribution de pensions d’ayants-cause. Ces droits sont maintenus aux enfants et orphelins majeurs étant atteints, avant leur majorité, d’une infection incurable les empêchant de se procurer un salaire supérieur à un montant fixé par décret. Le décret n° 2012-535 du 20 avril 2012 fixe donc le montant du salaire au-dessous duquel les allocations et pensions concernées peuvent toujours être versées aux intéressés. Ce salaire de référence s’élève, à compter du 1er janvier 2012, à 877 euros par mois, soit 10 524 euros par an. LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

- 27


LE RÉVEIL vOS DROITS

Ce qu’on nous tait sur les OPEX, tués, blessés, psychotraumatisés L’armée a organisé, en 2011, plusieurs conférences internes dont la teneur n’a pas été popularisée. Mais un coin du voile commence à se lever ; et ce qu’il cachait vient confirmer l’horreur et la nécessité d’aider les OPEX, mission dans laquelle l’ARAC s’est engagée dès 1975 (pour les ancien combattants en Afrique du Nord) jusqu’à aujourd’hui. Les pertes en OPEX Selon les statistiques américaines, il y a un mort pour sept blessés en Irak et en Afghanistan. L’armée de terre française pour sa part estime que 40 % des morts au combat se produisent dans les deux heures suivant la blessure, surtout par hémorragie. Quant au nombre de tués, elle annonce le nombre de 25 morts en 2009 et 28 en 2010. Mais rien n’est dit quant à ceux qui décèdent après leur rapatriement, suite de leurs blessures. Ce qui laisse craindre un nombre élevé, qui est tu afin de minimiser l’impact des pertes sur l’opinion publique, laquelle exige, majoritairement, le retrait des troupes françaises d’Afghanistan.

Les blessures physiques Mais il n’y a pas que l’Afghanistan. Il y a quelques années, une étude officielle du ministère de la Défense révélait que la France était intervenue militairement dans 228 pays depuis 1963 et qu’elle était encore présente dans 38 d’entre eux. Ce que soulignent d’ailleurs les rapatriements sanitaires. On en a compté 441 en 2008, puis 382 en 2009 et 303 en 2010. Mais déjà 141 pour le seul premier semestre 2011, en provenance notamment d’Afghanistan, de Côte d’Ivoire, de Djibouti, des DOM et TOM, du Gabon, de Bosnie/Kossovo, du Liban et du Tchad. Pour le seul Afghanistan, ces rapatriements sont en hausse : 66 en 2008, puis 93 en 2009 et 87 en 2010. Mais 78 pour les 6 premiers mois de 2011. Et combien depuis ? Les blessés : depuis 1993, la Cellule d’aide aux blessés de l’Armée de Terre

28 -

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

(CABAT) a pris en compte 5 300 blessés, les pics de blessés en opérations se situant en 1995 avec 264 à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) et 244 à Bouakie (Côte d’Ivoire) en 2004. D’après le médecin général inspecteur Christian Plotton, médecin chef de l’Hôpital d’instruction des armées (HIA) Percy, en banlieue parisienne, dans 67 % des cas, les blessés sont atteints de plusieurs traumatismes et, en conséquence, envoyés en service de réanimation (51 % des cas) ou de chirurgie (49 %). Dans 72 % des cas, ils sont atteints de blessures ouvertes. Soignés, le processus de prise en charge peut durer, selon les cas, 24 mois (rééducation, réadaptation, réinsertion comprises), soit de 3 à 6 mois pour un amputé, de 6 à 12 mois pour un handicapé moteur paraplégique (les 2 jambes) et tétraplégique (les 4 membres) et plus d’un an pour un traumatisé crânien.

Les psychotraumatismes de guerre Car il n’y a pas que les blessures physiques… Selon le médecin chef Eric Lapeyre, chef de service à l’HIP de Percy, 8 patients sur 10 subissent un stress post-traumatique, une blessure « invisible ». Pour sa part, le médecin chef Frank de Montleau, chef de service de psychiatrie en ce même HIP, estime que « les missions opérationnelles mettent à l’épreuve la résistance psychique des combattants par les contraintes qu’elles impliquent et la confrontation à des événements chargés de violence ». Et d’ajouter que 80 % des blessés physiques en opération hospitalisés à Percy présentent des états de stress aigus, dont

30 % peuvent évoluer vers des états de stress post-traumatique susceptibles d’apparaître une vingtaine d’années après les faits. Ces traumatismes peuvent résulter de la participation à des combats intenses, aux blessures physiques, à l’explosion d’engins, mais aussi lors du ramassage, du conditionnement des morts et des constatations médico-légales. Enfin, être témoin de scènes d’exaction peut affecter n’importe quelle catégorie de personnels : combattant, gendarme ou médical. Les conséquences sont diverses, troubles dépressifs ou d’adaptation, stress aigu et post-traumatique, retentissement psychique de handicaps consécutifs aux blessures physiques en opérations. Quelle qu’en soit la cause (catastrophe naturelle, accident, combat, agression, etc.) des réactions de peur, d’effroi, d’impossibilité d’agir peuvent en résulter. Des


LE RÉVEIL vOS DROITS

scènes revécues sous forme de cauchemar ou même en état de veille, parfois sous forme hallucinatoire, dans un état d’épuisement physique peuvent plonger le patient dans un état d’errance morale et d’insécurité permanente. • L’importance numérique du stress chez les OPEX Une étude réalisée en 2009 sur 3 régiments rentrant d’Afghanistan, soit 581 militaires particulièrement exposés au combat, a montré que 26 % d’entre eux (151) présentaient au moins un trouble psychique ; 13 % (76) nécessitaient un suivi médical et 26 % (151) refusaient les soins proposés. Soit 378 sur 581… • Les soins, un secteur toujours négligé « Le plus difficile », souligne le lieutenant-colonel Maloux (responsable de la CABAT), « c’est d’assurer le suivi d’un traumatisé alors qu’il ne présente pas de lésion physique ». Ainsi, 15 % des soldats ayant vécu un tir en opération, une embuscade ou la mort d’un camarade seront touchés par un syndrome posttraumatique… qui peut ne resurgir que des années plus tard. Car, malgré des progrès sensibles réalisés dans l’armée, sur le terrain même, et malgré les efforts déployés notamment par l’ARAC depuis 1975, notre pays ne compte toujours aucune structure sanitaire permanente, décentralisée, gratuite, accueillant les intéressés et leurs familles en vue de les soigner et les réinsérer. Structures que nous réclamons en vain depuis près de quatre décennies et qui pourraient être implantées auprès des services départementaux de l’ONAC. Certes, nous dit-on, un psychiatre est présent à Kaboul en permanence, car les signes peuvent apparaître tardivement, avec les risques ultérieurs de désocialisation, d’alcoolisme, de divorce ou de violences conjugales. « Aux étatsUnis », commente le lieutenant Colonel Maloux, « la population s’est habituée à voir un vétéran tendre la main dans la rue, ce que nous ne voulons pas ». Et pourtant, à constater les séquelles chez les jeunes Français de retour d’Afghanistan, les suicides et les ten-

tatives de suicides, les cas désespérés de ces AC des OPEX sans boulot, sans logement, voire SDF pour certains, désorientés, sans perspectives de réinsertion… sommes-nous vraiment certains de tout mettre en œuvre pour les aider à se réinsérer dans la vie sociale ? Car il ne suffit pas, comme le déclare le médecin chef Lapeyre, que « le combattant doit savoir qu’il doit être pris en charge du début à la fin, c'est-à-dire au retour dans une unité ». Tout sera-t-il fait pour qu’il soit pris en charge et remis le pied à l’étrier dans la vie civile, son temps d’armée terminé ? Un stage dans les Écoles de réinsertion professionnelle de l’ONAC (ERP) pourrait être l’une des solutions. Mais l’armée se garde bien de les y orienter et encore plus de

financer leur stage avant de les libérer dans la nature ! Donc, rien n’est moins certain, et c’est l’un des problèmes clefs des OPEX, dont la seule vocation ne peut pas être de devenir agent de sécurité dans une société privée, gardien de grande surface ou mercenaire de milice privée. Monsieur le Président de la République, vous nous avez déclaré que la situation de ces anciens combattants des OPEX méritera d’être abordée si vous êtes élu Président de la République… Vous l’êtes aujourd’hui. Avec nous, ils attendent et exigent donc des actes. André Fillère

ONAC… derrière la façade Le conseil d’administration de l’ONAC du 18 avril dernier a été informé, sans aucun document préparatoire dans le dossier reçu par les administrateurs, que le siège de l’ONAC pourrait déménager pour s’installer dans une future implantation relevant du schéma immobilier des Invalides. Selon l’intervention de la CFDT à ce conseil d’administration, cette délocalisation « comporte de nombreuses contraintes : surface nettement réduite, construction d’un ascenseur pour l’accessibilité, délocalisation de certains agents à Saint-Jacques (service départemental de Paris) et surtout recherche d’une salle de réunion. » Rappelant l’attachement des personnels au site actuel occupé par l’ONAC depuis 1916 - seule l’occupation allemande l’avait amené à se transférer en zone (dite) libre - la CFDT a souhaité être informée précisément des raisons de cette délocalisation et avoir une vision globale de l’aménagement Institution nationale des Invalides-ONAC, d’autant que le coût estimé serait de 3 millions d’euros. La question se pose, c’est certain… tant

pour les personnels que pour les administrateurs de l’ONAC. Alors… réponse, s’il vous plait.

FO-ONAC entre deux chaises ? Suite à l’intervention de Mireille Lefèvre, administratrice de l’ONAC au titre du syndicat CFDT - rappelons que la CGTONAC a été exclue du conseil d’administration ! - M. Milano (administrateur au titre de FO) s’est désolidarisé des propos de sa collègue portant sur les dysfonctionnements du système devant traiter les cartes du combattant et TRN et l’organisation de l’ONAC dans ce domaine. Attitude surprenante, qui souligne avec force la manœuvre de marginalisation des syndicats avec l’exclusion de la CGT et la division des deux autres représentants. Cependant, l’effet a été tellement déplorable que FO-ONAC s’est sentie contrainte de publier une mise au point le 18 avril pour « rassurer les personnels que FO sera toujours à leurs côtés ». Sera-ce suffisant ? Ne faudrait-il pas plutôt un front uni syndical, solide et soudé, permettant de faire avancer et les personnels et les ressortissants de l’ONAC ?

LE RÉVEIL - N°784 - JUIN 2012

- 29


LE RÉVEIL MÉMoIRE

hommage à René sahors

Un hommage a été rendu à René Sahors pour le 70e anniversaire de son sacrifice. Né le 9 décembre 1889, il a été fusillé le 31 mars 1942 au Mont Valérien. Dans son discours, Patrick Staat, secrétaire national de l’ARAC, directeur du Réveil des Combattants, a rappelé l’engagement de « cet homme de paix, de liberté, … une vie inscrite dans le combat de son temps avec l’expérience douloureuse de la guerre… ».

Pour que votre univers reste lumineux • ENTRETIEN D’IMMEUBLES • REMISE EN ÉTAT • TOUS DÉBARRAS • NETTOYAGE PARKING • NETTOYAGE VITRES

Entreprise de Propreté et de Services

56, rue Louis Blanc • 75010 PARIS • Tél. : 01 46 07 53 17 • Fax : 01 42 05 97 88 • Email : scotnet@scotnet.fr


dossier LE RÉVEIL mémoire

« … Militant ouvrier et ancien combattant, il a profondément marqué l’ARAC… Cette génération d’hommes qui avait entre 20 et 30 ans en août 1914, a été massivement mobilisée… Leur prise de conscience en faveur de la paix et d’un monde de fraternité leur firent prendre des chemins vers la construction d’une société plus juste, plus humaine… C’est dans ce combat qu’en 1917 se créa l’ARAC avec la volonté de s’attaquer aux causes de la guerre, que s’est construite une œuvre remarquable visant au rassemblement international de toutes les forces pacifiques pour s’opposer à la guerre et au fascisme… ». Patrick Staat poursuit : « …La crise profonde avec le crack boursier de New York, le 24 octobre 1929, secoua le système capitaliste mondial avec ses conséquences dramatiques et dangereuses. Comment ne pas faire le rapprochement avec ce qui se passe aujourd’hui en 2012… ». Et de poursuivre : « En 1939, le comportement du gouvernement Blum, au nom de la non-intervention, favorise les forces fascistes notamment en Espagne, et divise le Front populaire en France. Cela conduit à l’écrasement de la République espagnole, le 1er avril 1939, avec la complicité de l’Allemagne et de l’Italie fasciste. Les réformes du Front populaire et les conquêtes sociales sont arrêtées. Le 27 février 1939, Paris reconnaît le régime de Franco, alors que la guerre n’est pas terminée. Le 26 septembre, le gouvernement dissout le Parti communiste français. Le 1er novembre 1939, l’ARAC est dissoute et devient donc illégale. C’est la chasse aux sorcières. Militants syndicaux, militants communistes, militants de l’ARAC furent recherchés ; leurs dirigeants et élus arrêtés, jugés et internés comme traîtres à la Défense nationale. » C’est en cette périlleuse circonstance, que René Sahors affirma un grand esprit de responsabilité. Avec d’autres camarades, il prit l’ARAC en main et fit paraître Le Réveil des Combattants de septembre 1939, alors que nous venions d’entrer en guerre.

René Sahors fut arrêté en novembre 1941. Incarcéré à la prison de la santé, il ne devait en sortir que pour être fusillé. Dans une lettre, il déclarait : « Il faut dire à nos camarades qui ont la chance d’être en liberté, de lutter, de lutter toujours davantage contre l’ennemi, malgré les camps, les prisons et la fusillade, les boches seront battus irrémédiablement… » Lors d’une dernière visite, il confiait : « Je sais que mon tour va venir. Un de mes bons camarades a été fusillé ce matin. Ce jour, je l’attends avec calme. Je ne regrette rien. J’ai lutté pour mon idéal et je mourrai avec un grand courage, sachant que mon sacrifice ne sera pas vain ». Dans son éloge à René Sahors, Patrick Staat, conclura ainsi : « La connaissance de l’engagement d’hommes et de femmes comme René Sahors est importante pour les nouvelles générations. Ces luttes, ces combats, ces acquis nous les avons construits, ensemble, depuis 2 siècles. Ensemble, toute immigration confondue, toute origine confondue, nous avons construit la France d’aujourd’hui avec ses valeurs républicaines. C’est l’histoire de la nation française

que nos pères, nos grands-pères et avant eux leurs pères nous ont léguée. C’est si important de connaître l’histoire, notre histoire, l’histoire de notre pays, de notre nation, qu’aujourd’hui certains essayent d’y porter atteinte. Lorsque l’on regarde la vie de René Sahors, le contexte de l’époque, la montée du fascisme, des luttes sociales, des risques de guerre engendrée par le capitalisme, la lutte contre l’occupant, la Résistance ; on constate aujourd’hui que les risques demeurent, que les enjeux du capitalisme conduisent à des guerres dans le monde, que la crise engendre la misère, le désespoir. Connaître son passé, son histoire, connaître les combats d’hier, c’est notre arme pour mener les luttes d’aujourd’hui, mais aussi pour que les atrocités, les lâchetés, les guerres d’hier ne puissent se reproduire. Voilà pourquoi la bataille de la mémoire est un combat que l’ARAC ne lâchera pas en souvenir d’hommes comme René Sahors. » Jean-Claude Fèvre

JUIN 2012 - N°784 - LE RÉVEIL

- 31



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.