Le réveil des combattants juillet-août 2012

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COMPIÈGNE 70 ANNIVERSAIRE DU CONVOI DES 45 000 E

L'ONU ET LE COMMERCE DES ARMES

le réveil JUILLET / AOûT 2012 - N°785 - 5 e

L'AMÉRIQUE LATINE DES PEUPLES EN LUTTE

DES COMBATTANTS

Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix

La ReLance De L'inDustRie : une une uRgence uRgence PouR PouR L'emPLoi L'emPLoi et et L'inDéPenDance L'inDéPenDance nationaLe nationaLe

Le journal des droits de tous les anciens combattants et victimes de guerre


LE RÉVEIL ACTUALITé

Pétition

au Président de la République Le départ forcé de Nicolas Sarkozy montre les exigences nation dans l’Europe, pour un rayonnement renouvelé de et les attentes de changement portées par les Français. la France et de ses valeurs républicaines. Nous prenons acte de l’élection de François Hollande à la Nous appelons le Président de la République à faire Présidence de la République. connaître les décisions qu’il entend prendre pour résisAvec l’ARAC, nous attendons du Président de la Répu- ter à la logique des marchés financiers et des politiques blique une politique visant à maîtriser l’austérité qui « ne d’austérité. pouvait plus être une fatalité… C’est la mission qui est désor- A l’inverse de ceux qui, hier, se sont efforcés de casser mais la mienne. » (Tulle le 06-05-2012). le programme du Conseil national de la Résistance, avec Nous exigeons que le Président de la République, le gou- l’ARAC, je participe au rassemblement des résistants vernement, l’Assemblée nationale et le Sénat mènent une d’hier et d’aujourd’hui et entend participer à la définition politique résolue sur les points suivants : d’un nouveau « programme de résistance », sachant que - la résorption des injustices dont sont victimes actuelle- le fascisme, quels que soient le nom et l’apparence qu’il ment des milliers d’hommes et de femmes dans notre pays se donne, se nourrit toujours des injustices sociales, de « pour qu’à chaque génération nous vivions mieux, pour don- l’exploitation, de l’intolérance, de la désespérance et de ner à nos enfants une vie meilleure » (Tulle le 06-05-2012) ; la guerre. - la suppression de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et la prise en considération de tous les composants du droit à réparation, la rente mutualiste, les milliers d’anciens combattants des opérations extérieures, les dizaines de psychotraumatisés, des 228 interventions militaires menées par la France ces dernières décennies ; - le retrait des troupes combattantes d’Afghanistan d’ici fin 2012 et « la réévaluation de la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN dont la France n’a tiré aucun bénéfice probant » le 06-05-2012) ; Dix(Tulle jours de détente, de mémoire, de découverte ! - la défense de la souveraineté nationale, trop absente du débat électoral, dont monsieur le Président Hollande a dit qu’il lui revenait « de porter les aspirations qui ont toujours été celles du peuple : la paix, le respect. Nous ne sommes pas n’importe quel pays, nous sommes la France » (Tulle le 0605-2012). Avec l’ARAC, fidèle aux valeurs fondamentales de la République, j’exige le rétablissement et le respect de la souveraineté populaire, pour une redéfinition de la place de la

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LE RÉVEIL - N°785 - JUILLET/AOût 2012

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ÉDITO LE RÉVEIL

sans PoLitique inDustRieLLe, Pas D’aveniR PouR La FRance

SOMMAIRE actualités p. 4 L’industrie est notre avenir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 La finance gangrène le progrès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Réindustrialiser par le haut. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Bollène : l’interdiction du Chant des partisans. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 international p. 9 Israël : l’armée fustige le discours officiel sur l’Iran. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 ONU et commerce des armes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Russie : des ONG considérées agents de l’étranger ? . . . . . . . . . . . . . . 10 Syrie : un obstacle à la politique américaine ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Septembre 2012 : l’ARAC à Chatila . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 vos droits p. 21 19 mars 1962 : les sénateurs verts réfléchissent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Les Petits Artistes de la mémoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Pour la défense du droit à réparation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Santé et Sécurité sociale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Tourisme et 1ère guerre mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 vie de l’aRac p. 25 Aleida Guevara en visite à l’ARAC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Compiègne : 70e anniversaire du convoi de 45 000 . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Vie des comités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 magazine p. 30

P. 13 D O S S I E R

L’amérique latine des peuples en lutte

Après des années de dictature dans de nombreux pays, l’Amérique latine est aujourd’hui en marche vers la démocratie, de façon progressiste.

LE RÉVEIL DES COMBATTANTS Fondé en 1931 par Henri-Barbusse Mensuel de l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre. Commission paritaire n° 0713-A 06545 Édité par les Éditions du Réveil des Combattants SARL au capital de 45 734,41 - Siret : 572 052 991 000 39 2, place du Méridien, 94807 Villejuif cedex Téléphone : 01 42 11 11 12 Télécopie : 01 42 11 11 10 reveil-des-combattants@wanadoo.fr

Tirage : 60 000 exemplaires Gérant directeur de la publication : Raphaël Vahé • directeur délégué - Rédacteur en chef : Patrick Staat • Comité de Rédaction : Brigitte Canévêt, Hervé Corzani, Jean-Pierre Delahaye, André Fillère, Laurence Gorain• Service photos : Jean-Claude Fèvre • Administratrice : Annick Chevalier • Secrétariat de rédaction, conception graphique : Escalier D Communication • impression : RIVET P.E. - 24 rue Claude-Henri-Gorceix, 87022 Limoges cedex 9

La France, pays le plus désindustrialisé de la zone euro (les trois autres étant l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie). Entre 1980 et 2011, les emplois industriels sont passés de 24 % à 13 % du total des emplois. Entre 1989 et 2011, l’industrie française a ainsi perdu 2,5 millions d’emplois. Le coût horaire du travail est inférieur à celui de l’Allemagne (33,16 euros contre 33,37 euros), la productivité est en France l’une des meilleures d’Europe : de 21 % supérieure à la moyenne de l’Union des 27 et de 15 % supérieure à celle de l’Allemagne. La stratégie systématique de baisse continue du coût du travail se révèle donc une impasse. Les grands groupes capitalistes accumulent des milliards de profits, suppriment des emplois, délocalisent ; ils stoppent les investissements, spéculent, fusionnent pour dominer les marchés. Au nom du profit, de la rentabilité, notre industrie est sacrifiée. Le chômage explose, notre pays compte 3 millions de chômeurs. Les inégalités ne cessent de grandir entre les plus riches et la masse des salariés. Avec un salaire médian à 1 500 euros par mois, que penser du salaire du président de Renault avec ses 9,5 millions de revenus annuels, ou encore des actionnaires de PSA qui ont touché 250 millions de dividendes en 2010. La France doit repenser son modèle de développement, donner au système bancaire et financier le rôle dont il n’aurait jamais dû sortir : financer une croissance économique, sociale efficace et durable. C’est une véritable révolution industrielle et productive qu’il faut engager. C’est dans des conditions autrement plus compliquées pour le pays à la sortie de la guerre, sur la base programme national de la Résistance, que les démocrates, les résistants, les antifascistes, les défenseurs de la paix ont retroussé leurs manches pour redonner à la France son industrie. Ils ont su, tout en redressant l’économie de la France, ses usines, ses mines, ses nationalisations, construire les acquis sociaux qui, aujourd’hui comme la Sécurité sociale, EDF, la SNCF marquent encore notre société. Toutes générations confondues, retraités, jeunes, anciens combattants, salariés, nous avons tout à gagner à un redressement de nos secteurs industriels, nous devons y contribuer, refuser toutes nouvelles fermetures. Il y a urgence pour l’emploi, l’indépendance nationale, pour la France. Patrick Staat

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LE RÉVEIL ACTUALITÉS

L’industrie est notre avenir Et soudain, la France redécouvrit ses usines. C’était il y a quelques semaines à peine, lors de la campagne présidentielle. Aux chantiers navals de Saint-Nazaire, à l’ancienne aciérie de Gandrange ou à la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne, les candidats à la magistrature suprême, journalistes et caméras à leurs basques, ont multiplié les visites et les propositions. Le président élu, François Hollande, a lui-même placé au cœur de son projet économique le redressement industriel et productif du pays. Alors qu’il y a peu encore, on ne parlait plus que d’économie de la connaissance, qu’Internet et les services à la personne promettaient monts et merveilles, croissance vigoureuse et emplois par centaines de milliers, ce retour en grâce de l’industrie peut paraître décalé. Il n’en est rien : notre avenir est bel et bien lié à celui de notre industrie. L’heure est grave en effet. Au fil des plans sociaux, des délocalisations et des fermetures d’usines, l’Hexagone voit son appareil industriel maigrir et dépérir. L’affaire n’est certes pas nouvelle : cela fait quarante ans que cela dure. Mais l’hémorragie s’accélère depuis quelques années avec la concurrence des industries des pays émergents, la montée de l’euro face au dollar et les dégâts de la crise. Au point désormais que le commerce extérieur de la France en pâtit et plonge dans des abysses jusque-là inconnues. On mesure soudain, au moment même où elle est menacée, le rôle que l’industrie a joué dans l’histoire de nos économies, de nos sociétés et de nos territoires depuis plus de deux cents ans. On comprend à nouveau qu’il ne saurait y avoir de prospérité durable sans un commerce extérieur équilibré, pas plus que d’exportations et d’emplois de qualité sans un tissu productif compétitif et bien positionné. On se rappelle que l’innovation naît le plus souvent dans les laboratoires de recherche des usines et que les pays qui surent prendre à temps le train des révolutions industrielles du passé y gagnèrent un leadership dans le monde. On réalise enfin qu’il ne suffirait pas de transformer l’Hexagone en gigantesque 4-

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parc d’attractions pour touristes fortunés pour faire rentrer les devises dont le pays a besoin et échapper au déclin. La désindustrialisation, qui frappe la France et les pays riches à des degrés divers depuis des décennies, est le signe du basculement du monde vers les pays émergents, en cours depuis une dizaine d’années. Ce rééquilibrage est sain et bienvenu puisqu’il permet à une partie non négligeable de l’humanité de sortir de l’état de pauvreté où elle fut longtemps tenue. Il est cependant déstabilisateur pour les pays d’ancienne industrialisation, puisque leur prospérité future dépend de leur capacité à conserver des activités de production sur leur sol.

L e pr o t e c t i o n n i s m e , une voie sans issue Que faire ? Certains, jugeant à raison que le libre-échange ne produit pas les fruits que lui prête la théorie économique dominante, proposent de fermer les frontières, qu’elles soient nationales ou européennes. Difficile cependant de suivre leur opinion en espérant que les activités délocalisées dans les pays émergents prennent un jour le chemin du retour. Produire en France ce qu’on n’y a jamais produit coûterait très cher à la société et l’empêcherait de satisfaire d’autres besoins sociaux. Les premières victimes en seraient d’ailleurs les entreprises hexagonales, qui ont fragmenté leur processus de production en dispersant leurs activités aux quatre coins du monde et qui se fournissent en composants ou font assembler leurs produits dans les pays de main-d’œuvre à bas coûts pour les réimporter ensuite sur le sol français. Malheureusement, ce qui est parti a peu de chances de revenir. Sauf peut

être, pour les biens les plus lourds, si les coûts de transport s’envolent ou si les salaires des ouvriers des pays émergents continuent leur rattrapage à un rythme soutenu, comme c’est le cas en Chine aujourd’hui. D’ici là cependant, les dernières usines de France et d’Europe pourraient avoir mis la clé sous la porte, et la pente serait alors beaucoup plus difficile à remonter. Car le nouveau ne naît pas de rien, il prospère à partir de l’ancien. Préserver les capacités de production sur le sol français est indispensable pour préparer l’avenir, comme le prouve le fait que les pôles de compétitivité, ces partenariats d’entreprises et de laboratoires de recherche soutenus par l’État pour booster l’innovation en France, ont vu le jour dans les vieux bassins industriels, là où existaient déjà, à l’état informel, de telles coopérations. Mêmes les activités en apparence les plus obsolètes peuvent connaître un destin inattendu. Ainsi, l’industrie européenne des machines à tisser paraissait condamnée à terme par le glissement de production textile vers l’Asie. Qui sait pourtant que les machines qui tissent aujourd’hui la fibre de carbone utilisée pour fabriquer les pièces composites des moteurs des derniers modèles d’Airbus et de Boeing sont les héritières du métier inventé en 1801 par le soyeux lyonnais Joseph-Marie Jacquard ? Regarder les vieilles industries mourir sans rien faire, c’est donc hypothéquer l’avenir. Et fermer des usines, disloquer leurs collectifs de travail, c’est perdre des compétences et des savoir-faire qui ont mis des décennies à se constituer et qui pourraient être précieux pour développer de nouvelles activités. La reconversion réussie du site de Bosch à Vénissieux, passé de la production de pompes diesel à l’assemblage


ACTUALITÉS LE RÉVEIL

de panneaux photovoltaïques, en est une illustration manifeste.

Un chemin de progrès Mais les images d’Épinal ont la vie dure. Trop souvent dans l’imaginaire collectif, l’industrie reste synonyme d’usines polluantes et de travail aliénant, loin de ses réalités actuelles et futures. A rebours de ces chromos datés, il faut cependant le réaffirmer : l’industrie dessine un chemin de progrès. Elle porte en particulier les espoirs de voir nos sociétés opérer enfin leur conversion écologique : pour avoir une chance d’avenir, cette mutation suppose en effet la mise à disposition à moindres coûts et de la façon la plus large possible d’équipements et de services nouveaux pour réduire nos consommations énergétiques et exploiter le potentiel des énergies renouvelables. Ce qui appelle inévitablement la mise en œuvre de méthodes de production industrielles que Gilles Le Blanc caractérise notamment par la standardisation et la capacité à réaliser d’importantes économies d’échelle. C’est ainsi que l’industrie a

permis, par le passé, de mettre la voiture à la portée de tous et de démocratiser la mobilité. Et c’est ainsi que demain, on peut du moins l’espérer, elle proposera au plus grand nombre des équipements moins énergivores. L’industrie peut aussi être le vecteur du progrès collectif et d’une nouvelle cohésion sociale. On oublie trop souvent que son essor après la Seconde Guerre mondiale fut au centre de la dynamique des Trente Glorieuses, pendant lesquelles les salariés virent leur pouvoir d’achat progresser au même rythme que les gains de productivité importants qu’elle réalisait. S’il est d’ailleurs une leçon, elle aussi souvent oubliée, à retenir des succès actuels de l’industrie allemande, c’est l’importance qu’elle continue d’accorder, malgré un modèle social il est vrai écorné, à la formation et aux parcours professionnels de ses salariés, ainsi qu’à leur association à la gouvernance des entreprises. Parce qu’ils nécessitent l’émergence d’une nouvelle industrie, les défis environnementaux colossaux auxquels sont

aujourd’hui confrontées la France et l’Europe pourraient être le cadre d’un nouveau compromis social, à même de prendre le relais de celui des Trente Glorieuses, après plus de trois décennies de crises successives et de montée des inégalités. Mais cette ambition de réindustrialisation du pays ne pourra se réaliser qu’en franchissant, en même temps, un cap culturel. Il faut en effet mettre fin au désamour entre les jeunes et l’industrie et faire en sorte que les diplômés de nos grandes écoles d’ingénieurs ne préfèrent plus emprunter systématiquement la voie des salles de marché plutôt que celle des usines ou de leurs laboratoire de recherche et développement. Le rebond en la matière passe aussi par un réinvestissement social de ces carrières. Marc Chevallier Alternatives économiques, 3e trimestre 2012

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LE RÉVEIL actualités

La finance gangrène le progrès Toute une civilisation est aujourd’hui en panne. Face aux gâchis sociaux et écologiques que provoque le mode de croissance du capitalisme, une autre conception du développement doit s’imposer. Dans son rapport « sur la mesure des performances économiques et du progrès social », la commission Stiglitz note, à juste titre, que « si, par exemple, les embarras de la circulation peuvent faire croître le PIB du fait de l’augmentation de la consommation d’essence, il est évident qu’ils n’ont pas le même effet sur la qualité de la vie ». Mais ce qui pose problème, est-ce seulement l’absence de prise en compte des nuisances provoquées par les embouteillages dans les statistiques ? N’est-ce pas aussi et surtout la permanence et l’aggravation de ces nuisances ? Il ne suffit pas de s’interroger sur la façon de mesurer le progrès économique, il faut aussi en questionner la nature, la finalité : le progrès pour quoi, pour qui et comment ? Conçu dans le capitalisme comme une accumulation toujours plus importante de moyens matériels et financiers, sur un périmètre sans cesse élargi, il commence à être mis en cause. D’abord, parce qu’il s’agit d’un progrès sélectif, au Nord plutôt qu’au Sud, dans les pays développés pour les gens des beaux quartiers plutôt que ceux des banlieues populaires, davantage pour le capital que pour le travail. Entre 1980 et 2007, dans les grands pays capitalistes, la part des salaires dans la valeur ajoutée a baissé de 9 points. Mis en cause, ensuite, parce que la capacité de ce progrès à… progresser ralentit, et même s’épuise. C’est le cas, aujourd’hui, sur notre continent. Les émergents eux-mêmes, Brésil, Chine, Afrique du Sud ou Inde, peinent à retrouver ou à maintenir une croissance à deux chiffres. C’est toute une civilisation qui est en panne. Enfin, parce que ce progrès, si faible soit-il, reste anarchique, se fait contre 6-

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les hommes, nourrit une crise sociale, mais aussi politique et économique, marquée par un gâchis sans précédent des ressources naturelles, qui menace la planète et l’humanité elles-mêmes. Pointer ainsi ces problèmes, ce n’est pas pour autant plaider pour la décroissance. L’humanité peut reprendre sa marche en avant, mais il y a à cela une condition préalable : maîtriser et faire reculer le cancer financier. Cela suppose de s’en donner les moyens. Il ne suffit pas de réguler la finance, il faut commencer à la réduire en substituant au financement de marché un financement bancaire, celui des banques commerciales et de la Banque centrale européenne, changer les critères d’allocation des crédits, qu’ils soient abondants, bon marché dès lors qu’ils permettent de réaliser des investissements, d’enga-

ger des recherches, de développer des services publics avec, à la clé, des emplois, des formations, des salaires. Il faut prolonger cette nouvelle politique du crédit en faisant prévaloir à l’entreprise de nouveaux critères de gestion permettant d’économiser les capitaux, les matières premières, les moyens matériels afin de répondre aux défis écologiques et mieux développer les êtres humains. Cela s’articulerait à des refontes systématiques des types de production et de consommation, impulsées par des services publics nationaux de l’environnement, coopérant au plan international. Cela suppose, notamment, le développement de participations publiques dans les entreprises et les banques et un investissement populaire dans tous les lieux de pouvoir, afin de faire reculer partout la main invisible de la finance. Pierre Ivorra Humanité Dimanche, 31 mai 2012


actualités LE RÉVEIL

Réindustrialiser par le haut

États-Unis : l’industrie recrée des emplois outre-Atlantique. Mais miser sur la compétitivité-coût serait une erreur, plaide une récente étude. Les États-Unis sont-ils en voie de réindustrialisation ? Entre début 2010 et fin 2011, le secteur manufacturier a créé 350 000 emplois outre-Atlantique. Une hausse modeste (3,1 %) au regard de l’hémorragie de la dernière décennie, au cours de laquelle un tiers des emplois industriels ont été détruits. S’agit-il d’un rebond post-récession ou d’une tendance plus durable ? Un certain nombre de facteurs (la relative convergence du coût du travail industriel entre les États-Unis et la Chine, couplée à la hausse durable des prix de l’énergie et des transports) semblent aller dans le sens d’une relocalisation pérenne des activités sur le sol américain. En effet, les salaires industriels chinois ont crû ces dernières années à un rythme proche de 20 % par an, deux fois plus vite que la productivité, alors que dans le même temps les salaires industriels américains déclinaient et que le yuan s’appréciait progressivement contre le dollar depuis mi-2010.

Pourquoi l’industrie importe Pour autant, miser sur la compétitivitécoût pour la renaissance de l’industrie américaine serait une mauvaise stratégie, mettent en garde les auteurs d’une étude de la Brookings, un think tank américain. L’industrie ne doit pas être encouragée à tout prix, mais pour autant qu’elle promeut quatre grands objectifs d’intérêt d’un secteur industriel fort et le haut niveau des salaires qu’il favorise. En effet, l’industrie paie des salaires supérieurs de près de 20 % à la moyenne des secteurs non industriels pour tous les types d’emplois (et de 8,4 % à qualifications et emplois égaux). L’écart est maximum pour les personnes peu qualifiées, pour qui l’emploi industriel est un moteur de promotion sociale. Par ailleurs, l’industrie est une source majeure d’innovation qui irrigue toute l’économie (le secteur manufacturier représente 68 % des dépenses de R&D des entreprises pour seulement 11 % de la

Bollène L’interdiction

du Chant des partisans

Ce qui s’est passé à Bollène, le 18 juin dernier, est une insulte à tous les résistants de France. C’est, hélas, un événement local qui s’ajoute à tous les actes des extrémistes de droite qui tentent dans notre pays de faire taire toutes celles et tous ceux qui portent la mémoire des luttes menées contre le fascisme hitlérien et pétainiste. Aujourd’hui, toutes les associations qui portent les valeurs de la République sont confrontées à cet enjeu : ou pouvoir continuer de porter, devant les monuments aux morts, les stèles portant témoignage des sacrifices de tous les résistants, de tous ceux qui ont combattu pour la Ré-

publique française, ou être condamnés au silence par tous ceux qui veulent faire oublier les temps tragiques où il fallait risquer sa vie pour empêcher la servitude de la France, l’étouffement des valeurs républicaines et le rejet de la belle devise de notre République : « Liberté, égalité, fraternité ». Agresser les Françaises et les Français qui chantent Le chant des partisans, cela rappelle trop ceux qui, sous l’occupation fasciste, massacraient celles et ceux qui chantaient La Marseillaise ! L’ARAC qui, durant toute sa longue existence, a toujours lutté contre tous les fascismes, contre tous les ennemis

production). C’est aussi la clé de la réduction du déficit commercial puisque les produits industriels représentent 65 % des échanges commerciaux des ÉtatsUnis avec le reste du monde. Enfin, le secteur manufacturier est essentiel à la promotion d’une « économie propre ». La politique industrielle devrait soutenir les entreprises et les secteurs à l’aune de ces critères, en vue d’une réindustrialisation « par le haut ». Ce ne sont pas des salaires trop élevés qui entravent la compétitivité de l’industrie américaine : les branches industrielles qui ont le moins perdu d’emplois au cours de la dernière décennie sont aussi celles qui paient le mieux (les exceptions portent en général sur des produits pondéreux, sensibles à la hausse des coûts de transport). En outre, la majorité des pays développés qui affichent de meilleures performances industrielles que les états-Unis rémunèrent aussi mieux leurs salariés. Plutôt que la baisse des coûts salariaux, mieux vaut promouvoir la hausse de la productivité, via la formation tout au long de la vie, l’innovation et le partage des responsabilités et des gains avec les salariés. Une leçon qui vaut aussi pour la France. Sandra Moatti Alternatives économiques, juin 2012 de la liberté, appelle aujourd’hui toutes les associations d’anciens combattants, porteurs des idéaux républicains à s’unir pour gagner la bataille de la mémoire de tous les combats pour la liberté. Nous avons le devoir de porter cette mémoire vers les jeunes générations. Nous n’y faillirons pas. Et nous résisterons à tous ceux qui veulent s’emparer de cette mémoire pour taire ou falsifier l’histoire. Aujourd’hui, les attaques contre Le chant des partisans et ceux qui le chantent démontrent que l’heure n’est plus seulement à la vigilance mais à l’action unie et offensive de tous les citoyens pour le respect de la mémoire des luttes du peuple de France et des valeurs républicaines qui incarnent ses espérances depuis la Révolution française. Déclaration de l’ARAC du 28/6/2012 LE RÉVEIL - N°785 - JUILLET/AOût 2012

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LE RÉVEIL INTERNATIONAL

Israël Quand l’armée fustige le discours officiel sur l’Iran L’attitude belliqueuse du gouvernement israélien à l’égard de l’Iran fait l’objet des plus vives critiques. Le Premier Ministre Netanyahou et son ministre de la Défense, Ehud Barak, sont sévèrement mis en cause par des hauts responsables de l’armée et des services secrets, notamment Yuval Diskin, ancien chef du Shin Bet, le service de renseignement intérieur. Meir Dagan, ancien patron du Mossad, le service de renseignement extérieur, est également devenu le censeur du Premier Ministre. Plus récemment le général Benny Gantz, chef d’état-major des armées, a pris, lui aussi, ses distances avec le ton guerrier adopté par le premier ministre. L’ex-chef du Shin Bet considère que le gouvernement israélien trompe le public sur la question iranienne . Il a notamment déclaré : « Ils disent que, si Israël agit, l’Iran n’aura pas de bombe nucléaire. C’est faux. En réalité, bien des experts estiment qu’une attaque israélienne accélérera la course nucléaire de l’Iran » . L’hostilité de Yuval Diskin à des frappes militaires préventives d’Israël n’est pas isolée. Il est de notoriété publique à Tel Aviv, et dont la presse occidentale ne se fait que très peu l’écho, que le général Benny Gantz, Tamir Pardo, actuel patron du Mossad, le général Aviv Kochavi, chef du renseignement militaire, et Yoram Cohen, chef du Shin Bet, ont les plus grandes réserves face à un tel scénario, et que le général Gabi Ashkenazi, prédécesseur du général Gantz, est sur la même longueur d’onde…

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ONU Commerce des armes : mission impossible

Du 2 au 27 juillet à New York, au siège des Nations unies, une conférence s’est tenue en vue d’adopter un traité international réglementant le commerce des armes conventionnelles. Difficile pour les grandes puissances - principales exportatrices - de se mettre d’accord. « Aujourd’hui, le commerce des armes est moins régulé que le marché des bananes ou des iPod, c’est un scandale ! » : Zobel Behahal, chargé de mission à l’ONG de développement CCFDTerre Solidaire résume d’une phrase l’objet des négociations entamées début juillet au siège des Nations unies à New York. Objectif pour les 193 États membres de l’ONU : mettre au point un premier traité international réglementant le commerce des armes conventionnelles, dernier acte d’une résolution adoptée en 2006 par l’Assemblée générale de l’ONU. Mission impossible ? La tâche semble particulièrement difficile au regard des

intérêts économiques et stratégiques en jeu. Rappelons que les cinq États membres permanents du Conseil de sécurité (France, USA, Chine, Russie et Grande Bretagne), à qui est confiée cette mission, exportent à eux seuls plus de 80 % des systèmes d’armement vendus dans le monde ! Chaque année 12 millions de balles sont produites soit deux balles pour chaque habitant de la planète ! L’idée de ce futur traité international sur le commerce des armes classiques (TCA) est précisément de fixer des critères pour empêcher les transferts d’armes qui pourraient être utilisées contre les populations civiles


INTERNATIONAL LE RÉVEIL

ou alimenter un conflit. Le contrôle incomberait aux États eux-mêmes, qui devraient tenir un registre des transactions. S’il était en vigueur aujourd’hui, la Russie devrait rendre des comptes à la communauté internationale pour avoir fourni des armes au régime syrien de Bachar El Assad. Selon Anna MacDonald, directrice de la campagne pour contrôler les armes chez Oxfam, « le problème est de savoir si le traité va être contraignant, couvrir tous les types d’armes, les munitions, pièces détachées et composants (...) et s’il va comporter des critères stricts ». Question : quel traitement réserver, par exemple, aux forces de l’OTAN qui, sous le prétexte de défendre les droits de l’homme et la démocratie en Libye, ont bombardé des populations civiles innocentes ?

cacoPhonie PouR un tRaité À minima Si la plupart des pays admettent, parfois avec beaucoup de véhémence, la nécessité de réglementer cet énorme marché, estimé à 70 milliards de dollars par an dont 40 % pour les industriels américains de l’armement, certains comme la Russie (qui a vendu pour 13,2 milliards de dollars

d’équipements militaires en 2011), préfèrent insister sur la lutte contre le trafic d’armes, par opposition au commerce légal. « Beaucoup de choses restent en suspens, dont le principe même d’un traité contraignant, son objectif et sa portée », estiment de nombreux observateurs parmi les ONG et aussi des diplomates. Ainsi, les USA, qui produisent 6 milliards de balles par an, veulent exclure du traité les munitions et la Chine, les armes légères, dont elle inonde les pays en développement. Selon un document de travail de l’ONU, l’Inde, plus gros importateur mondial d’armes, le Pakistan, le Japon où l’Arabie saoudite font valoir le droit de « légitime défense » soit la liberté pour un État d’équiper ses forces de sécurité. Quant à la France, quatrième exportateur mondial, selon le représentant du CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement), présent à New York, « elle fait l’impasse sur le matériel de sécurité et de police dont l’usage a été à l’origine des dégâts sur les civils lors de la répression des printemps arabes (…) et assure le service minimum en soutenant la publication par les États d’informations sur le transfert d’armes… ».

Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, se veut rassurant en affirmant que « notre doctrine est claire : quand la France vend des armes, elle veille à ce que celles-ci ne puissent pas être retournées contre les peuples ». De la Libye à l’Irak en passant par la Syrie, les exemples illustrant les comportements « marchands » des États sont révélateurs. Dans une tribune publiée par le quotidien Libération du 9 juillet, Patrick Bouveret et Tony Fortin, respectivement directeur et président de l’Observatoire des armement estiment que la conférence des Nations unies s’achemine vers un traité à minima. Ils écrivent à propos du traité : « Un projet ambitieux, car le commerce des armes se trouve au carrefour d’intérêts commerciaux, stratégiques, industriels, sociétaux, militaires contradictoires. Mais les lobbys militaro-industriels et les États, qui partagent de nombreux intérêts, présenteront sans aucun doute, audelà du discours, un front unitaire face à la société civile. Rogner les instruments de puissance des dirigeants de la planète sera difficile ». Jean-Pierre Delahaye

Amis lecteurs, sections locales, comités départementaux, départementaux le calendrier 2013 de l’ARAC sera disponible à partir du 14 septembre prochain : • A la fête de l’humanité (stand de l’ARAC) • Au siège de l’ARAC, 2 place du Méridien, 94800 Villejuif. Tél. 01 42 11 11 11 Coût : 10 e

28 pages avec des photos retraçant la vie de Ché Guevara + un poster format A3 LE RÉVEIL - N°785 - JUILLET/AOûT 2012

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LE RÉVEIL INTERNATIONAL

Syrie

Russie

Des ONG considérées comme agents de l’étranger ? Un millier d’ONG russes, dont celles du contrôle électoral Golos, de lutte contre la corruption Transparency International, et les deux tiers des ONG écologistes seront considérées comme des « agents de l’étranger » selon un nouveau projet de loi, a annoncé, début juillet, l’agence Ria Novosti. En Russie, « nous comptons près d’un million d’organisations non gouvernementales qui correspondent à deux critères : elles ont une activité politique et un financement étranger », a indiqué une source à la présidence russe. Ce qui justifierait aux yeux des sbires de Poutine de prendre cette mesure d’interdiction. Golos a été le fer de lance dans la dénonciation de fraudes massives aux législatives de décembre dernier, qui a déclenché la mobilisation de l’opposition russe et les immenses manifestations dans les rues de Moscou. Transparency International s’attaque, année après année, à une corruption e n d é m i q u e e n Russie. Les associations écologistes accusent de leur côté les autorités russes de cautionner des catastrophes environnementales, comme Greenpeace qui, en septembre dernier, a déclaré Vladimir Poutine « pire ennemi du lac Baïkal », à l’issue d’une consultation sur l’Internet. Attention, après les journalistes et les opposants politiques, les démocrates de tout bord sont en danger. On ne badine pas avec le Tsar ! J-P.D.

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Un obstacle à la politique américaine au Moyen-Orient En janvier 2012, le Centre international de recherches et d’études sur le terrorisme et l’aide aux victimes du terrorisme (CIRET-AVT) a publié le compte-rendu d’une mission d’évaluation auprès des protagonistes de la crise syrienne intitulé : Syrie, une libanisation fabriquée. Ce document est le fruit du travail d’une délégation internationale d’experts (1) présente en Syrie du 3 au 10 décembre 2011. Nous nous sommes intéressés au chapitre 6, consacré à la dimension internationale du conflit dans lequel les auteurs considèrent que la Syrie représente « un obstacle majeur à la politique américaine au Moyen-Orient ». Ce qui suit a pour but d’aider à la réflexion et n’excuse en rien les agissements criminels de la famille Assad depuis des dizaines d’années… Les Proche et Moyen-Orient connaissent actuellement de profonds bouleversements. Depuis la première guerre d’Irak (hiver 1990/1991), puis la deuxième (printemps 2003), on assiste à la mise en œuvre de la politique américaine du Greater Middle East, le plan du Grand-Moyen-Orient qui consiste à démanteler tous les régimes qui restent hostiles à un remodelage de la région conforme aux intérêts américano-israéliens. Cette politique a été baptisée « instabilité constructive ». Elle repose sur trois principes : entretenir et gérer les conflits de basse intensité ; favoriser le morcellement politique et territorial ; promouvoir le communautarisme, sinon la purification ethnico-confessionnelle. Les experts estiment que cette stratégie a été très largement influencée par une note d’orientation d’Oded Yinon, haut fonctionnaire du ministère israélien des Affaires étrangères, datée de février 1982, qui détaille le projet géostratégique d’une fragmentation de l’ensemble proche-oriental en des

unités les plus petites possibles, préconisant autrement dit le démantèlement pur et simple des États arabes voisins d’Israël (2). Oded Yinon écrit : « La décomposition du Liban en cinq provinces préfigure le sort qui attend le monde arabe tout entier, y compris l’Égypte, la Syrie, l’Irak et toute la péninsule arabe. Au Liban, c’est déjà un fait accompli. La désintégration de la Syrie et de l’Irak en provinces ethniquement ou religieusement homogènes, comme au Liban, est l’objectif prioritaire d’Israël, à long terme, sur son front Est ; à court terme, l’objectif est la dissolution militaire de ces États ». Pour les auteurs du rapport, il ne fait pas de doute qu’en Syrie, « l’administration américaine cherche à provoquer un changement de régime ». Comme le souligne Robert Satloff, le directeur du Washington Institue for Near East Policy, les Américains « n’ont pas intérêt à la survie du régime Assad, régime minoritaire, dont les fondements fragiles sont la peur et l’intimidation. Les craquements dans l’édifice du régime peuvent rapidement se transformer en fissures et ensuite en tremblements de terre ». Les experts du CIRET-AVT considèrent que « l’offensive majeure de l’instabilité constructive a eu lieu lors de l’Assemblée générale des Nations unies, en septembre 2005. La diplomatie américaine a fait alors avancer ses priorités proche-orientales » (…) A savoir entre autres choses « tenter de convaincre la communauté inter-


international LE RÉVEIL

nationale de mettre en accusation l’Iran devant le Conseil de sécurité sur la question nucléaire. » Toutefois le document souligne qu’avec « le retrait américain d’Irak et le désengagement annoncé d’Afghanistan, la poursuite de l’exécution de ce plan paraît compromise, d’autant que Russes et Chinois, échaudés par la guerre que l’OTAN a mené en Libye, continuent à faire de la résistance, non seulement au Conseil de sécurité des Nations unies, mais aussi autour de plusieurs dossiers internationaux, notamment en Syrie ». Ainsi, Damas reste catalogué comme un État terroriste parce que n’acceptant pas l’instauration du « Grand MoyenOrient » et parce qu’alliée avec l’Iran depuis 1980, début de la guerre Iran/ Irak (1980-1988). Et frapper la Syrie, c’est frapper l’Iran. Damas apparaît ainsi comme le maillon faible pour attaquer Téhéran. Plusieurs responsables de l’administration américaine ont d’ailleurs récemment déclaré « Si la Syrie veut sortir de cette crise, elle n’a qu’à dénoncer ses relations avec l’Iran et les groupes terroristes (Hamas, Hezbollah) ».

monarchies pétrolières, sans parler de l’Afghanistan et du Pakistan, partout les États-Unis continuent de jouer la carte des Frères musulmans, comme ils l’ont toujours fait depuis la signature du Pacte du Quincy, entre le président Roosevelt et le roi Ibn Saoud le 13 février 1945. Cette alliance d’airain qui cède aux compagnies pétrolières américaines les gisements d’hydrocarbures les plus importants du monde contre la protection militaire et politique de la famille des Saoud, a été reconduite en 2005 pour 60 ans. Au-delà des soubresauts de la « rue arabe », le Pacte du Quincy avec l’aide des Frères musulmans continue à orienter la gestion des armées, des pouvoirs et des « printemps » aux Proche et Moyen-Orient. En contrepartie des aides et soutiens que lui accordent les États-Unis, le CNS a répété à plusieurs reprises que s’il accède au pouvoir, le nouveau régime rompra ses relations avec le Hezbollah, le Hamas et l’Iran et ouvrira des négociations directes avec Israël (…).

Le rôle des Frères Musulmans

(1) La délégation était composée de : - Saïda Benhabylès (Algérie), ancienne ministre de la Solidarité, ancien sénateur, membre fondateur du CIRET-AVT, prix des Nations unies pour la société civile ; - Richard Labévière (France), consultant international et écrivain spécialiste des Proche et Moyen-Orient, ancien rédacteur en chef à Radio France internationale (RFI), de Défense (revue de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) et membre fondateur du CIRET-AVT ; - Eric Denécé (France), directeur du Centre français de Recherche sur le renseignement (CF2R).

L’affaiblissement de l’Iran permettrait de faire de la Turquie la grande puissance régionale susceptible de stabiliser les frontières nord d’Israël. Selon les auteurs du rapport, le rôle des frères musulmans est déterminant. Ils en font ainsi la démonstration : « Les États-Unis planifient tout avec les Turcs, mais aussi avec les Frères musulmans, dans le cadre d’une résolution à trois. Elle a été mise en place lors des accords de 2008 à Istanbul », estiment plusieurs représentants de l’opposition intérieure syrienne. Il faut rappeler le soutien historique de Washington aux Frères musulmans, meilleur antidote aux syndicats, aux partis de gauche et nationalistes, et prônant toujours une politique économique très libérale, favorable aux puissances occidentales. En Tunisie, en Égypte, en Libye, au Yémen, en Syrie, en Algérie, au Maroc, en Jordanie et dans les

J-P.D.

(2) Oded Yinon : Kivunium, numéro 14, février 1982. Revue publiée par le Département de la propagande, Organisation sioniste mondiale, Jérusalem. Cet article a été envoyé à la Revue d’études palestiniennes par Israël Shahak et publié dans le numéro 5, automne 1982.

Septembre 2012

L’ARAC à Chatila

Les 30 ans d’un passé encore présent… 150 citoyens à Chatila pour commémorer la mémoire et réinventer l’avenir… A l’occasion de l’anniversaire de la commémoration du massacre palestinien de Sabra et Chatila, le 17 septembre 1982 et du 10 e anniversaire du jumelage entre la ville de Bagnolet en Seine-SaintDenis et Chatila, l’ARAC a désigné Patrick Staat, secrétaire national, directeur délégué du Réveil des Combattants , pour participer à la délégation lancée par l’Association pour les jumelages entre les camps de réfugiés palestiniens et les villes françaises (AJPF), du 17 septembre au 21 septembre 2012. Cette délégation sera composée d’élus français, responsables politiques et associatifs, syndicalistes, journalistes, artistes… Elle contribuera au travail indispensable de mémoire, à la construction collective d’une paix lucide qui passe par la reconnaissance des responsabilités. Elle concrétisera aussi des projets sanitaires en direction des enfants des camps et des échanges culturels. Le Réveil en reparlera… Raphaël Vahé

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LE RÉVEIL ACTUALITÉ INTERNATIONAL

aux actes, citoyen montebourg Aux actes, camarade Ayrault Il est maintenant un impératif de fond, celui de la réindustrialisation de notre pays qui doit évoluer rapidement et dans le bon sens. C’est non seulement de l’intérêt de notre peuple, mais il en va aussi de notre action, de sa grandeur, de sa puissance, de sa capacité à répondre aux défis d’aujourd’hui et à ceux nombreux qui ne manqueront pas de se présenter demain à notre peuple. Notre richesse nationale, c’est d’abord les hommes, les salariés qui la produisent par leur travail. Les bulles financières, la spéculation, le fric à tout cuir, la casse des entreprises, de l’emploi, le chômage, la mise en cause des acquis des salariés, ce ne sont jamais que quelques moyens de pillage des richesses créées par le travail des hommes. Partout dans notre pays, dans toutes les branches industrielles, de la sidé-

rurgie à la construction navale, de l’automobile à l’énergie, de l’aviation au bâtiment. De la production textile à celle du papier par exemple. Aucun secteur industriel n’a été épargné par la politique déployée par la droite au profit des capitalistes. Des secteurs entiers de notre industrie ont été sacrifiés sur l’autel du profit, avec comme corollaire une baisse généralisée du pouvoir d’achat, des coûts très durs contre toutes les conquêtes sociales, en particulier celles issues du Conseil national de la Résistance. Une armée de chômeurs, une pratique de la précarité sans frein. Au final, un pays affaibli, appauvri, sans presque plus de perspectives d’avenir. Aujourd’hui, il y a urgence à recréer de la vraie richesse, celle issue du travail des hommes. La réindustrialisation massive de notre pays, dans tous les domaines, dans tous les secteurs

est la condition sine qua non de toute marche potentielle de notre société en avant. La nécessité de satisfaire les besoins populaires, c’est d’abord réactiver la source de la création des richesses, créer des millions d’emplois, cela passe aussi par la réindustrialisation de notre pays. C’est aussi le moyen de redonner un réel pouvoir d’achat revalorisé à l’ensemble de la société. C’est le socle de la construction de l’avenir. Eh oui, pour cela il faudra quand même décider fermement de s’attaquer au système capitaliste en place et c’est la mission que notre peuple a confié à la gauche aujourd’hui. Hervé Corzani

VOYAGE EN RUSSIE Dix jours de détente, de mémoire, de découverte !

Du 21 au 30 septembre 2012 saint-Petersbourg moscou lques places e u Q volograd s! ore disponible Renseignements : ARAC au 01 42 11 11 11

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Le cahieR mémoiRe

le réveil

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DES COMBATTANTS

Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix

L’AMéRiQuE LATinE Des PeuPLes en Luttes ÉDITO - Par André Fillère Dans l’enchantement de notre enfance, l’Argentine c’était l’aventure, la pampa, les « gauchos » et les grands troupeaux. Puis, avec la jeunesse, ce fut le tango argentin qui conquit nos pas. Combien savaient alors que, par-delà l’exotisme, ces peuples – soumis à la pression financière impitoyable du grand voisin étasunien du nord – vivaient la misère et la répression des dictatures. Et voilà qu’aujourd’hui, l’Amérique latine tient sa place dans le monde, de façon progressiste, après tant d’années de dictature au Chili, en Argentine, au Brésil, en Uruguay, au Paraguay, au Nicaragua, en Bolivie, au Venezuela.

Des centaines de milliers de morts et de disparus, de terreur et de destruction. Et voici que ces pays, hier martyrisés, sont ceux-là mêmes qui émergent, se solidarisent pour rejeter la mainmise américaine, se resserrent autour de Cuba. L’Argentine, victime de multiples coups d’état militaire de 1930 à 1989 – dont le dernier en date, celui de Videla (19761983) avec la complicité, dès 1950, des gouvernements et de certains officiers français qui formèrent, jusqu’en 1982, les bourreaux militaires argentins responsables de 30 000 disparus (dont 22 Français), de 15 000 fusillés, de 9 000 emprisonnés politiques et d’un million

édité par le Réveil des combattants - 2 place du Méridien - 94807 Villejuif - Tél. 01 42 11 11 12

et demi d’exilés qui durent fuir la dictature – l’Argentine ruinée, bradée plus tard par Carlos Menem, plus exsangue encore que la Grèce d’aujourd’hui (pour les mêmes causes !) mais qui tourna le dos au FMI en 2002, se redressa et mène aujourd’hui la lutte pour regagner sa souveraineté. Non, ce n’est pas le paradis et tout est encore fragile dans cette Amérique latine. Elle est pourtant en marche, en « émergence » comme on dit aujourd’hui ; et elle brandit l’étendard des peuples tournés vers l’avenir. « Hasta la victoria, siempre, Commandante ! »

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LE RÉVEIL dossier

Amérique latine

Vers une émancipation économique et politique Cathy Ceibe

Le 16 avril 2012, la présidente argentine Cristina Fernandez Kirchner a officialisé un projet d’expropriation pétrolière de la société espagnole privée YPF-Repsol qui détenait, jusqu’alors, 57 % des actions. Dans un discours posé, la chef de l’État s’est attelée à qualifier la démarche : « la récupération de la souveraineté nationale ». Il s’agit pour Buenos Aires de devenir le principal actionnaire à hauteur de 51 % du capital, réparti entre l’État et les provinces pétrolières. Même s’il ne s’agit pas officiellement d’une nationalisation, les dualités à l’œuvre peuvent être ainsi résumées : intérêt public contre intérêt privé, souveraineté nationale contre domination étrangère et enfin l’indépendance énergétique des peuples. Cette récupération nationale n’a pas manqué de soulever les foudres de Bruxelles qui y a vu là un geste « hostile ». L’Espagne,

que la crise économique met à genoux, s’est époumonée en criant au « vol ». Quant à la société Repsol, elle exige depuis des « compensations » qu’elle évalue à 10,5 milliards de dollars. Pour mieux saisir l’enjeu de cette crise économico-diplomatique, le gouvernement argentin a tenu à rappeler les conditions d’implantation de l’entreprise espagnole. L’affaire remonte à 1999, lorsque le président libéral de l’époque, Carlos Menem, privatisait le pays à tout va au nom de la réduction de la dette argentine. Suite à ces privatisations, l’Argentine est passée sous la tutelle du FMI. Dans la foulée, ce pays pourtant l’un des plus prospères de la ré-

La présidente de la République argentine, Cristina Fernandez Kirchner

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gion s’est retrouvé en situation de banqueroute. Cette « libéralisation » de l’exploitation pétrolière a été qualifiée de « plus grave erreur stratégique » par les actuelles autorités, ainsi que nombre de formations politiques à l’exception de la droite. Et pour cause, le pays, pourtant riche en or noir, a subit de nombreuses pénuries d’essence à cette époque. Le gouvernement de Cristina Fernandez Kirchner a en outre rappelé le manque d’investissement de Repsol. Pour preuve, a-t-il avancé, alors que 50 % des réserves exploitées ont été épuisées entre 2009 et 2011, l’Argentine s’est même vue contrainte d’importer du pétrole, élevant ainsi la facture des importations à 9,4 milliards de dollars. Toujours en 2011, le groupe a découvert dans le nord du pays, à Vaca Muerta, le plus gros gisement pétrolier. L’exécutif ne s’est pas privé de rappeler que, durant cette même période de manques pour les habitants, l’entreprise a versé entre 13 des 16 milliards de dollars de gains à ses principaux actionnaires. Enfin, la présidente a relevé avec soin que l’Argentine est le seul pays producteur où l’État ne contrôlait pas l’exploitation de cette richesse dont les dividendes constituent une manne financière de premier ordre pour l’économie et le développement du pays. La démarche remporte une adhésion populaire puisqu’une majorité de la population (62 %) la soutient. Plus généralement, le choix de l’Argentine n’est pas une exception sur le continent, depuis l’avènement de gouvernements de gauche et de centre gauche il y a une décennie. Il s’est agit pour eux de mettre fin à la longue histoire des spoliations, en faisant valoir leur droit à défendre leur souveraineté économique et politique, à être maître de leur destin. Car, le contrôle des ressources


dossier LE RÉVEIL

naturelles est une question primordiale pour les exécutifs. Ces dernières représentent un levier économique fondamental. Mais, trop souvent exploitées par les sociétés étrangères, elles constituent un manque à gagner pour les États. Les concessions faites aux compagnies étrangères par les gouvernements libéraux d’hier ont été ahurissantes. A titre d’exemple, les taxes d’exportations qui reviennent aux États relèvent du ridicule (3 à 5 %). C’est cette asymétrie que les gouvernements cherchent à rectifier aujourd’hui. Car, sans financement public, impossible de résorber les fractures sociales dans un continent considéré comme le plus inégalitaire au monde. A titre d’exemple, en 2006, le président vénézuélien Hugo Chavez Frias a annoncé la reprise du contrôle des ressources énergétiques jusqu’alors détenues par les transnationales étrangères et, dans la foulée, la nationalisation des hydrocarbures. Cette orientation a permis de mettre en place un vaste plan de programmes sociaux, plus connus au Venezuela sous le nom de missions, constituant ainsi l’épine dorsale du projet politique développé depuis une décennie à Caracas. Le bilan de ces politiques permet d’ailleurs de comprendre la popularité dont jouit encore Hugo Chavez qui brigue en octobre prochain un nouveau mandat à la tête de l’État, et dont les sondages assurent qu’il sera largement réélu. La démocratisation de la santé, du logement, de l’éducation ont contribué à éradiquer l’analphabétisme, ou encore à réduire fortement la pauvreté et le chômage. Ces avancées substantielles ont constitué une rupture avec les précédents gouvernements, même si elles restent encore insuffisantes au regard des retards accumulés. Mais, elles constituent également un contre-exemple politique.

Le 1er mai 2006, Evo Morales a annoncé la nationalisation des hydrocarbures et la renégociation de tous les contrats des entreprises étrangères avec pour but que 82 % des revenus de ces ressources reviennent à l'État. Rappelons que le gaz naturel est la principale ressource de la Bolivie. Les guerres de l’eau en 2000 et 2005 qui ont renversé plusieurs gouvernements en raison d’une gestion privée qui avaient conduit à la multiplication des prix, le gouvernement d’Evo Morales s’est engagé en faveur d’une gestion publique de l’or bleu à La Paz, la capitale et sa banlieue El Alto. En 2007, l'entreprise publique sociale d'eau et d'assainissement (Epsas) a repris le contrôle sur une filiale du groupe Suez. Le 1er mai de cette année, Evo Morales s’est engagé à nationaliser l’entreprise de Transport d’Electricité (TDE), filiale du Réseau Electrique d’Espagne. Une

décision qui intervient dans un contexte de conflits sociaux et salariaux important. Car, privé de véritables moyens, l’État bolivien peine à satisfaire les revendications et les aspirations. D’où également les rapprochements géostratégiques. La création de pôle politique, économique et de coopération, comme l’ALBA (Alliance bolivarienne des Amériques), l’UNASUR ou encore la fondation d’une monnaie commune d’échange, le SUCRE, sont autant de points d’appui pour contribuer à l’inclusion sociale, en mutualisant les ressources des pays membres. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si les nations du Sud restent soumises aux pressions et tentatives de déstabilisations étrangères, à commencer par celles des États-Unis, qui voient d’un mauvais œil cette émancipation politique et économique.

Pablo Neruda

assassiné par Pinochet ? Le 23 septembre 1973, l’immense poète Chilien Pablo Neruda était déclaré mort d’un cancer de la prostate, alors qu’il était en soins à la clinique Santa-Maria de Santiago. Or, selon de nouvelles sources, Pablo Neruda aurait pu être assassiné sur ordre du sinistre général Pinochet, qui venait d’instaurer terreur et dictature par les armes suite au coup d’état militaire qui causa la mort du Président élu Salvador Allende. Pablo Neruda, en bonne forme, préparait les détails de son départ pour le 24 septembre au Mexique où il comptait se réfugier en asile politique. Mathilde, son épouse, et son chauffeur garde du corps, Manuel Araya, étaient partis à sa maison d’Isla Negra chercher des livres et des affaires personnelles de Pablo. Soudain, celui-ci, par téléphone, leur demande de revenir d’urgence : « on » lui a fait une

piqûre dans l’estomac, il a très mal et il a peur. Arrivé à la clinique, Manuel Araya va chercher un médicament à l’extérieur. Il est immédiatement arrêté par l’armée et incarcéré au Stade national dont il ne sortira que deux mois plus tard. Pablo Neruda décède dans les heures qui suivent, officiellement d’un cancer de la prostate en phase terminale, dans ce même établissement où sera assassiné, en 1982, l’ex-président Eduardo Frei. L’exhumation du corps de Pablo Neruda a été demandée, afin que des examens à la lumière des technologies modernes soient entrepris. Révèleront-elles que le poète chilien a été assassiné par une injection létale ordonnée par Pinochet ? Plainte a été déposée et des médecins canadiens sont prêts à pratiquer les examens nécessaires à la clarté sur la mort de Pablo Néruda. LE RÉVEIL - N°785 - JUILLET/AOût 2012

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LE RÉVEIL dossier

L’EAAF mène l’enquête...

Et la réalité dépasse la fiction André Fillère D’après Pal Mag n° 108

Des techniques et une méthodologie spécifique

Désolé pour les « fans » de Tempérance Bennan, l’anthropologue judiciaire, héroïne des romans de Kathy Reichs, interprétée par Emily Deschanel dans la série télévisée Bones, mais, avec le travail mené par l’équipe argentine de sciences médico-légales, l’EAAF (Equipo Argentino de Antropologia Forense, en espagnol) non seulement en Argentine, mais aussi au Rwanda, au Kosovo, au Cambodge… la réalité dépasse la fiction. L’Argentine de Videla et comparses, État dictatorial de la terreur, a perdu 30 000 de ses filles et fils, disparus, enlevés, martyrisés, assassinés sans laisser de traces par leurs bourreaux. Parmi les victimes, 20 Françaises et Français à qui il fut rendu hommage le 8 décembre 2011 au Sénat à l’initiative du Collectif argentin pour la mémoire, dans le cadre de la Journée mondiale des droits de l’homme. A cette occasion (voir le Réveil des Combattants n° 780 de février 2012, ainsi que L’Espoir Mutualiste n° 55 de décembre 2011), nous avions fait connaissance de Cécilia Ayendi, responsable de coordination de l’EAAF, venue présenter le travail de recherches mené pour identifier les restes de la religieuse française Léonie Duquet. Les preuves incontestables apportées ont ainsi permis, lors du procès argentin de la ESMA (Escuela de Mecanica de la Armanda, école de mécanique de la marine, l’un des pires lieux de tortures à Buenos Aires), de condamner à de lourdes peines de nombreux responsables de la dictature terroriste d’état.

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Pionniers de la science au service des droits de l’homme

En 1984, après la tragédie de la guerre des Malouines et le rétablissement d’une fragile démocratie, le bilan est lourd de la dictature terroriste d’État : 15 000 fusillés, 30 000 disparus et l’ampleur inimaginable des violations de droits de l’homme. Face à cette situation, la CONADEP (Commission nationale sur la disparition des personnes) et l’Association des Mères et grands-mères de la place de Mai - qui s’opposèrent publiquement et courageusement aux généraux de la dictature - firent appel à des scientifiques nord-américains pour les aider à enquêter sur les disparitions criminelles de 1976 à 1983. Mais les moyens humains et scientifiques existant localement ne permettaient pas de traiter la complexité du problème lié à la conservation et l’analyse des restes humains. Le docteur Clyde Snow, l’un des rares anthropologues médico-légal à l’époque, s’employa donc à réunir une équipe de jeunes pro-

fessionnels de la médecine, de l’orthodontie, de l’anthropologie et de l’archéologie, lesquels vont se spécialiser dans la recherche et la documentation des violations des droits de l’homme au plan scientifique. L’EAAF était créée et l’idée d’appliquer la science dans le domaine des droits de l’homme naissait en Argentine… avant de se répandre dans le monde entier.

Une affiche de l'EAAF incitant à l'identification des victimes disparues

L’équipe se fixe pour mission d’exhumer les restes de disparus, de les identifier, de déterminer les causes de leur mort, afin d’apporter ensuite des preuves utiles lors des poursuites judiciaires contre les bourreaux. La jeune équipe pionnière va donc mettre au point, pour la première fois dans le monde, une pratique basée sur la rigueur scientifique et l’indépendance à l’égard de l’État. Constatant que les premières exhumations de corps réalisées l’étaient sans aucune rigueur scientifique, l’équipe va réagir contre les méthodes employées, tel l’emploi de bulldozer faisant disparaître de nombreux éléments de preuve. Elle va imposer des techniques et une méthodologie spécifiques afin


dossier LE RÉVEIL

de permettre d’identifier les restes découverts dans les fosses communes ou dans les tombes marquées NN, et leur classement correct sans lequel leur identification et la reconstitution des circonstances de leur mort compliquent les chances d’aboutir des investigations. Ainsi, l’anthropométrie médico-légale, science à peine existante, devient une spécialité à part entière et un développement important, notamment avec l’apparition de nouvelles technologies telle la génétique.

Des détectives de l’histoire du crime

L’EAAF ne peut mener à bien ses investigations que par un travail d’équipe. Aussi, fait-elle appel à de nombreux domaines de la recherche et de la science telle la biologie, la balistique, la génétique, l’archéologie. La première étape commence par des recherches visant à retrouver des documents oraux ou écrits, des indications à travers des entretiens avec les familles des disparus et des témoins pouvant reconstituer le contexte dans lequel la personne a disparu. Vient ensuite une phase de recherches plus approfondies. Elle porte sur les sources écrites, en particulier registre des cimetières, d’état civil, d’articles de journaux, des plaintes et des dossiers judiciaires de l’époque, etc. Leurs buts : rechercher le lieu où les disparus sont inhumés. Alors commence le travail d’archéologie : une fois ce lieu cerné, toutes les techniques de l’archéologie sont mises en œuvre avec une extrême minutie afin de réunir un maximum d’éléments. Ces restes exhumés, classés, étiquetés sont alors remis au laboratoire de l’EAAF où sont recoupés les résultats des recherches documentaires et archéologiques, afin de déterminer l’identité et les causes de la mort du disparu.

L’EAAF au service des familles dans le monde

Partant de leurs terrib les expériences, les Argentins se sont mis au service des familles de disparus dans le monde, telle celles du Rwanda, du Kosovo, du Cambodge, à Chypre, en Sierra Léone qui, comme l’Argentine, ont connu des régimes dictatoriaux, des guerres civiles, des périodes sombres de leur histoire avec des violations de droits de l’homme et des millions de disparus. Le travail de l’EAAF par pays : - Amérique (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Salvador, Guatemala, Haïti, Honduras, Mexique, Panama, Paraguay, Pérou, Surinam, Uruguay, Venezuela), - Afrique (Angola, Ethiopie, République démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Kenya, Namibie, Sierra Leone, Togo, Soudan, Afrique du Sud, Zimbabwe), - Moyen-Orient et Afrique du Nord (Kurdistan Irakien, Maroc), - Océanie (Polynésie française), - Asie (Timor Oriental, Indonésie, Philippines) - Europe (Bosnie, Croatie, Chypre, Kosovo, République de Géorgie, Roumanie, Espagne) Reconnue internationalement, l’équipe de l’EAAF travaille non seulement sur le terrain, mais forme aussi des chercheurs à travers le monde. Ainsi en 1995, l’EAAF a apporté son aide en Bolivie pour identifier les restes du « Che » Guevara et, en 2011 au Chili, elle a participé à l’exhumation du Président Salvador Allende

L'équipe de L'EAAF composée de scientifiques et e professionels de différents disciplines médicales

afin d’infirmer ou confirmer la thèse de son suicide. Ce sont donc 55 experts de l’EAAF qui parcourent le monde à la demande d’associations de droits de l’homme, de la Commission pour la vérité et de tribunaux nationaux et internationaux, tels ceux créés par l’ONU en Ex-Yougoslavie et au Rwanda. Dans plus de 30 pays, ils ont collaboré avec les recherches des équipes locales, formé des experts à leurs méthodes et à l’usage des dernières technologies. Au Chili, au Pérou, au Guatemala, l’EAAF a mis en place des équipes permanentes d’anthropologie qui enquêtent désormais sur les crimes commis dans leur pays. Ces experts ont également une intense activité académique dans les universités du monde entier, où ils organisent ateliers et conférences afin de sensibiliser et de former des professionnels au rôle d’anthropologue médico-légal dans des situations de viols des droits de l’homme, tout en présentant et en débattant de leurs propres avancées scientifiques et judiciaires.

Indépendance et résultats

En Argentine même, les résultats de l’EAAF ont attiré l’attention des médias et du grand public. Notamment lors de l’exhumation du fils du poète Juan Gelman, de la « récupération » de Manuel Gonçalves (frère biologique du bassiste du groupe Los Péricos) ou de la religieuse française Léonie Duquet. LE RÉVEIL - N°785 - JUILLET/AOût 2012

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Plus de 85 disparus ont ainsi pu être identifiés après de longues années de lent et minutieux travail. S’il peut en être ainsi aujourd’hui, c’est que l’EAAF relève d’un statut très particulier. En 1984, les experts en médecine médico-légale de toute l’Amérique latine relevaient des corps judiciaires ou policiers, c'est-à-dire d’institutions qui, par leurs liens avec les régimes dictatoriaux, étaient sévèrement critiqué. Mais l’EAAF, quant à elle, est une association à but non lucratif, liée à aucun corps étatique argentin. Ses ressources proviennent de donations d’institutions des droits de l’homme du monde entier, d’organisations internationales ou de gouvernements requérant ses services. Dans ces conditions, sa légitimité auprès des familles des victimes est totale et son indépendance garantie. Et, grâce à elle, petit à petit, des familles de disparus en Argentine, au Rwanda, au Kosovo, au Cambodge... « retrouvent » les leurs qui cessent alors d’être anonymes, disparus. Elles peuvent faire leur deuil. Mais il appartient aussi à leur pays, à leur gouvernement de regarder en face leur histoire récente et d’entreprendre un travail de mémoire, de transfert de mémoire permettant aux jeunes comme aux anciens de maîtriser la justice et de faire apparaître la vérité au grand jour. Révélatrice de l’histoire, détective de la mémoire et guide pour la justice, l’EAAF mérite respect et considération.

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La CELAC,

un événement historique pour l’Amérique du Sud La création de la Commission des états Latino-Américains et Caribéens, la CELAC, regroupant 33 pays lors du sommet tenu à Caracas (Venezuela) les 2 et 3 décembre 2011, représente une date historique de portée internationale.

Un chantier de recherche et d'indentification

Sa proposition en avait d’abord été faite lors des sommets tenus en décembre 2008 à Bahia (Brésil), puis en février 2010 à Cancun, au Mexique. Et sa concrétisation a cette particularité que, pour la première fois, les États de l’Amérique latine et des Caraïbes se sont réunis de leur propre initiative, sans la présence des États-Unis, du Canada ou de quelques pays européens, marquant ainsi une rupture fondamentale avec la politique de « pan-américanisme » dévelopée jusqu’ici sous l’égide des USA. En effet, depuis 1890 et la première conférence pan-américane, les États-Unis menaient le jeu pour leurs intérêts propres : Traité interaméricain d’assistance réciproque (1947), Organisation des États américains (1968), Alliance pour le progrès et USAID dans les années 1960 pour contrer la révolution cubaine, Association latinoaméricaine de libre échange et la Banque interaméricaine de développement. Puis le Pacte andin, la

Communauté andine des nations, le Marché commun Centre-Américain, le système d’intégration Centre-Américaine, l’actuelle Communauté des Caraïbes et le Marché commun du Sud (MERCOSUR) seront toutes des institutions conditionnées par la préservation des intérêts impérialistes des États-Unis. Et ce n’est pas le Traité d’Assuncion (1991), associant au MERCOSUR le Paraguay et l’Uruguay, qui changera la donne. Comme le confirme « L’iniciativa para las Américas » de Georges Bush père (en 1994) et sa zone de libre échange dont l’objectif fut ainsi défini par Colin Powell, alors secrétaire d’État des USA : « Notre objectif (…) est de garantir à nos entreprises ce contrôle d’un territoire qui va de l’Arctique à l’Antarctique, et le libre accès, sans la moindre barrière ou difficulté, pour tous nos produits, services, technologies et capital dans tout l’hémisphère. » La victoire de Chavez au Venezuela en 1998 fut l’un des déclencheurs de nombreuses luttes qui permettront une série de succès pour la gauche, dressée contre la stratégie capitaliste. Elles permettront l’accélération d’un processus d’intégration basée sur une autre logique d’échanges et de développement, plus solidaires, moins inégalitaires. Ainsi naîtra en 2005, l’Alba-TCP (Alianza Bolivariana para los Pueblos de nuestra America – Tratado de Comercio de los Pueblos), associant : Cuba, le Venezuela, la Boli-


dossier LE RÉVEIL

vie, le Nicaragua, la Dominique, Saint-Vincent, les Grenadines et l’Équateur. En 2008, ce sera l’UNASUL (Argentine, Bolivie, Brésil, Colombie, Chili, Équateur, Guyana, Paraguay, Pérou, Surinam, Uruguay et Venezuela) soulignant une convergence accrue permettant, avec la CELAC, d’aboutir à une communauté latino-américaine unie sur des bases solidaires. Si les succès économiques et sociaux obtenus par les gouvernements progressistes ont permis de modifier le rapport de forces sur le continent et de renforcer les partenariats, il serait illusoire de croire que la CELAC seule pourra venir à bout des contradictions existantes entre l’ensemble de ces pays. Par contre, cet événement de portée historique pour tous les peuples concernés est un outil essentiel pour démontrer que d’autres logiques de coopération et de développement sont possibles, à l’opposé de l’impérialisme, de son Fond monétaire international et de sa Banque mondiale qui imposent privatisations et coupes sombres dans les budgets sociaux des États sous leur coupe. Les pays européens soumis, sous prétexte de crise, aux mêmes mesures destructrices ayant conduit à un désastre social et économique en Amérique latine, devraient bien en tirer les leçons et s’opposer aux politiques destructrices de la Banque centrale européenne et du FMI avec l’aval des gouvernements en place. Et il importe donc que les changements prévus par le Président de la république élu le 6 mai dernier s’inscrivent comme autant de ruptures claires et fondamentales ouvrant des perspectives d’avenir et d’espoir mobilisant largement les énergies du mouvement populaire sur des bases nouvelles.

L’Argentine entend protéger ses produits et son industrie locale A compter de juillet, l’Argentine a décidé d’appliquer une taxe de 14 % sur les biens d’équipements importés de pays extérieurs au MERCOSUR (marché commun du Sud regroupant l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay, auxquels sont associés le Chili et la Bolivie), importations qui viennent concurrencer les produits locaux. C’est le 6 juin dernier que la Présidente argentine Cristina Kirchner a annoncé que « le tarif d’importation pour le bien d’équipement (déjà) produits localement sera augmenté de 0 à 14 %, et ce tarif sera fixé à 2 % pour les (autres) biens d’équipement qui ne sont pas produits dans notre pays ». Cette déclaration, faite au palais présidentiel de Buenos Aires, précise qu’ « il s’agit d’une mesure en faveur de l’industrie locale ». Elle s’appliquera, a précisé la Présidente « aux industries de métallurgie, de machinerie agricole et de moteurs notamment produites par les entreprises de pays extérieures au marché commun de Cône Sud-américain.»

Protectionnisme et souveraineté nationale L’Argentine a ainsi adopté, ces derniers mois, une série de mesures protectionnistes visant à défendre l’emploi et la production du pays, ses importations de biens d’équipement (y compris en provenance du MERCOSUR) ayant atteint 15 milliards de dollars (11,95 milliards d’euros) en 2011, sur un montant total d’importations de 74 milliards de dollars (58,95 milliards d’euros) dont 50 % sont consacrés aux besoins en pétrole. « Prétexe et sacrilège» s’écrient aussitôt en cœur les États-Unis et l’Union Européenne, inquiets de ce qu’ils dénoncent comme une « recrudescence du protectionnisme ». La Commission européenne observe en effet que, dans les pays du G20, 80 % du commerce mondial subissent des taxes à l’importation, l’Argentine, depuis 2008, ayant pris pour sa part 119 mesures défensives face à la concurrence commerciale

extérieure, suivie par la Russie (86 mesures) et l’Indonésie, 59 mesures.

La plainte de l’Union européenne L’Union européenne (UE) a donc déposé plainte contre l’Argentine, devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Selon la commission européenne en charge du commerce, M. de Gucht, les « restrictions argentines violent les règles du commerce international et doivent être supprimées ». Ces restrictions, selon l’UE, auraient affecté un volume de 500 millions d’euros d’exportation… sur un total de 8,3 milliards d’euros en 2011. Le gouvernement argentin a accepté de participer à des consultations avec l’UE, tout en qualifiant les accusations « d’infondées ». Si aucun accord n’était trouvé, l’UE pourrait demander à l’OMC de statuer sur la « légalité » des pratiques argentines. Comment oser parler de « légalité » quand les pratiques financières de l’UE ont mis à mal la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal ? Mais voilà, l’Argentine depuis 2002 est sortie du système FMI et refuse de se laisser faire. Alors l’Union européenne s’institue le bras armé de la politique économique internationale au service des intérêts des États-Unis… qui se contentent de « compter les coups ». La France, berceau des libertés et des droits de l’homme laissera-t-elle les banques et la finance internationale mettre à mal la souveraineté de l’Argentine… dans la ligne d’une politique sarkozienne que l’on nous dit pourtant… changée ?

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LE RÉVEIL dossier

Le Collectif argentin

pour la mémoire

Le Collectif argentin pour la mémoire (1) est une association loi 1901, créée en 2006. L’ARAC entretient avec elle des liens d’amitié et soutient son action sur des valeurs que nous partageons. Elle rassemble des Argentins, des Latino-américains et des Français qui assument la mémoire en tant que responsabilité historique et morale, comme valeur universelle, se ralliant à la lutte permanente pour la vérité, la justice, l’information et la transmission aux nouvelles générations des crimes de lèse humanité commis par l’État argentin pendant la période du terrorisme d’État (1972-1983). L’objectif de l’État argentin pendant cette période a été la mise en place d’une politique néo-libérale, sans opposition. C’est la pratique du Plan Condor, l’action des organisations d’extrême droite dénommées les 3AAA (Alliance anticommuniste argentine), soutenues par les groupes financiers

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argentins et internationaux, avec la complicité de l’Église, de civils et de militaires, qui ont permis l’installation de ce terrorisme d’État. Le 24 mars 1976, une junte militaire a pris le pouvoir pour réaliser ces objectifs et transformer le pays en une société « occidentale et chrétienne ». Un plan systématique de répression, de terreur et d’extermination fut instauré, au cours duquel eurent eu lieu les pires violations des droits de l’homme, des milliers de citoyennes et citoyens arrêtés et torturés dans 400 centres de détention clandestins, 500 nouveau-nés volés aux familles, et plus de 30 000 disparus (dont au moins 22 Français) et 1 500.000 exilés pour 30 millions d’habitants. Tel est le résumé de la tragédie argentine. La Commission argentine des exexilés politiques de la République argentine estime que la majorité de ceux-ci se sont réfugiés au

Mexique, en Espagne et en France entre 1974 et 1983. Selon les estimations crédibles, plus de 3 000 Argentins sont arrivés en France, dont 900 ont bénéficié du statut de réfugié politique octroyé par l’Office des réfugiés et apatrides (OFPRA). Actuellement, la moitié de ces familles résident encore en France. Avec le Collectif argentin pour la mémoire, nous soutenons la lutte des organismes des droits de l’homme de l’Argentine qui demandent depuis des années que ceux qui planifièrent et exécutèrent ces crimes soient jugés et que vérité et justice soient faites. Depuis 2005, la justice en Argentine s’emploie à faire condamner les bourreaux pour « crimes contre l’humanité ». Et le Collectif argentin veut, par ses multiples activités, initiatives et informations mensuelles, maintenir la mémoire vivante et éveiller les consciences de sorte que ces faits ne se reproduisent plus jamais! Ni en Argentine, ni ailleurs dans le monde. Nunca mas ! Collectif argentin pour la mémoire, 1 passage Montenegro, 75019 Paris. Tel. 06 19 66 82 06. Présidente : Alicia Bonet-Krueger. Trésorière : Estella Belloni.


VOS DROITS LE RÉVEIL

50 ans après le 19 mars, Les sénateurs Verts ont encore besoin de réfléchir ! Suite au refus des sénateurs Vertsécologistes de s’associer au vote d’une proposition de loi socialiste (soutenue par les groupes de gauche) faisant du 19 mars une journée officielle du souvenir de la guerre d’Algérie, l’ARAC de l’Essonne avait interpellé le président de ce groupe, Jean-Vincent Placé, tout nouvel élu dans ce département. Il a répondu à nos courriers et les arguments évoqués pour justifier ce refus relèvent soit de la mauvaise foi, soit d’une méconnaissance affligeante de l’histoire et de l’indispensable travail de mémoire. Nous vous livrons telles que les « interrogations » du président des Verts et leurs « raisons » : « La date de commémoration ne semble pas faire consensus ». Sans même s’interroger sur ceux qui combattent la date du 19 mars (extrême droite, racistes, nostalgiques du colonialisme et de l’OAS, gouvernements de la droite réactionnaire...) ni sur leurs raisons d’avoir « créé » le 5 décembre contre toute vérité historique ! Solution » de M. Placé : « (…) Laisser aux historiens le soin, au vu de leur travaux

de recherches, de proposer la date la plus appropriée afin de concilier tous les acteurs de cette guerre ». En fait, comme PoncePilate, les sénateurs Verts s’en lavent les mains de la date officielle du cessez-lefeu du 19 mars… Et ils délèguent aux « historiens » - ceux du 5 décembre, de la glorification du colonialisme, des chantres de la journée unique du souvenir, le soin d’enterrer la mémoire de la guerre d’Algérie… « Mélanger ensemble les victimes de la guerre d’Algérie, celles de la Tunisie et du Maroc est susceptible de créer la confusion et d’entraver le travail de mémoire ». Ça, de « la confusion », dans « le travail de mémoire », il n’en manque pas le président des Verts sénateurs ! A commencer par la connaissance du droit à réparation qui accorde la carte du Combattant et le TRN à l’ensemble des combattants en Algérie, Tunisie et Maroc, sur la base de critères identiques de 1952 à 1962. Si, à leur époque, les députés écologistes ont voté la loi relative au 19 mars à l’Assemblée nationale, les verts d’aujourd’hui sont beaucoup plus « pru-

dents ». Ils arguent que l’agenda parlementaire n’aurait pas permis « un débat dans des conditions satisfaisantes (…) que ce genre de proposition (…) risquait d’apparaître comme une loi électoraliste supplémentaire, mettant à mal la fonction de législateur ». Et, qu’en fait, ils « ont souhaité ne pas précipiter afin de pouvoir débattre sereinement de cette proposition de loi ». Cinquante années ne leur ont donc pas suffi pour se faire une opinion « sereine » et se convaincre de l’obligation de voter une loi respectant la vérité de l’histoire, telle que l’exigent d’ailleurs plus de 80 % des Français ? A quel rendez-vous de l’histoire, à quelle cérémonie du cessez-le-feu aux Ulis ou à Evry, M. Placé sera-t-il assez « serein » pour reconnaître officiellement le 19 mars ? Dans 10 ans ? Pourquoi pas dans 50 ans, pour le 100e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie ? Allons, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, un peu de sérieux, s’il vous plait !

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A retourner au Réveil des Combattants - 2, place du Méridien - 94807 Villejuif cedex Tél. 01 42 11 11 12 - reveil-des-combattants@wanadoo.fr Individuel

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Ci-joint un chèque de 28 e libellé à l’ordre du Réveil des Combattants

Ci-joint un chèque de 100 e libellé à l’ordre du Réveil des Combattants LE RÉVEIL - N°785 - JUILLET/AOût 2012

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LE RÉVEIL VOS DROITS

Qui peut entrer chez vous ? Par ignorance, des personnes, âgées ou non, laissent pénétrer chez elles (à leurs risques et périls) des gens qui n’ont aucun pouvoir pour forcer leur porte. Alors qui a ou n’a pas ce droit ? Quelques exemples… • Ceux qui peuvent exiger l’accès : - les pompiers, pour secourir quelqu’un. Ils ne sont pas responsables des dégâts causés ; - l’huissier : même en votre absence, il peut entrer s’il est muni d’un titre exécutoire délivré par un magistrat. L’intervention ne peut avoir lieu qu’un jour ouvrable, entre 6 et 21 heures, en présence d’un agent des forces de l’ordre, ou municipal et d’un serrurier ; - l’administration fiscale, mais l’agent doit vous remettre l’ordonnance du juge l’autorisant à saisir les pièces en rapport avec les faits reprochés. Par contre, il ne peut pas entrer pour vérifier seulement la présence d’un téléviseur ; - la police : en cas de flagrant délit, elle peut perquisitionner votre domicile sans votre accord ni celui d’un juge. Mais, pour des faits légers, la police doit avoir une autorisation écrite et effectuer les contrôles en votre présence ou celle de deux témoins, un jour ouvrable entre 6 et 21 heures. • Les autres… Tels les agents d’EDF, de GDF, des eaux, etc, n’ont aucune obligation de pénétrer chez vous. Il vous suffit d’afficher votre relevé de consommation sur votre porte. C’est légal.

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Les Petits Artistes de la mémoire

La grande guerre vue par les enfants

La 6e édition du concours des Petits Artistes de la mémoire, organisé par l’ONAC, a réuni son jury le 5 juin dernier aux Invalides, sous la présidence d’Anita Roth, directrice des Missions. L’ARAC y a participé (André Fillère) au côté de la FNCPG/CATM et du Souvenir français, de l’Association Renefer (dessinateur de poilus en 14-18), du Musée de la grande guerre de Meaux et de la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA/Défense). Cette édition a vu une nette progression de la participation avec le concours de 142 classes de CM1/CM2 représentant 65 départements. Soixante-six travaux ont fait l’objet d’une première sélection et, parmi eux, seize ont concouru pour les trois premiers prix nationaux et les prix spéciaux décernés par le jury. Mais tous les écoliers participants seront honorés à l’occasion de cérémonies départementales au cours desquelles les préfets remettront un diplôme à chacun, en présence du directeur des services départementaux de l’ONAC. D’un très haut niveau, les contributions illustrant la vie des soldats à travers leurs lettres (fictions ou réelles) illustrées de dessins, collages réalisés avec amour et soin, hauts en couleurs symboliques, avec recherche d’originalité expressive et d’unité de style dans la diversité étaient toutes porteuses d’émotions fortement ressenties par un jury bien embarrassé dans son choix. Les 16 travaux en concours final venaient de Haute-Savoie, du Lot-et-Garonne, du Bas-Rhin, des Bouches-duRhône, des Alpes-Maritimes, de l’Ain, de l’Indre, de Haute-Garonne, de la

Drôme, de Corse, de l’Orne, du Gard, du Nord et de Guyane. Au terme de sa délibération, le jury a décerné le 1er prix à l’école des Tanneurs à Baar (Bas-Rhin) pour le Le Carnet de guerre de Xavier Meyer, le 2e prix à l’école Marcel-Pagnol de Salindres (Gard) pour Paul Noé brigadier, 1916-1918 et le 3e à l’école Georges G. de Faucogney-et-la Mer (Haute-Saône) pour Henri Febvet, au fil de la guerre. Le prix spécial d’Outre-mer a été attribué à l’école Samuel-Chambaud de Cayenne (Guyane). Mention artistique : école de la Taille au Theil-sur-Suisne (Orne). Mention pédagogique : école de Puntichyu de Santa-Maria-di-Moriani (Haute-Corse). Mention originalité : école Marc-Chagall de Vence (AlpesMaritimes) Mention spéciale pour l’implication de toute la commune dans ce concours : école Odillon V. de Montastruc-laConseillère (Haute-Garonne). La remise officielle des prix a eu lieu le 2 juillet : Raphaël Vahé, président national de l’ARAC y assistait dans les salons du gouverneur des Invalides.


LE RÉVEIL VOS DROITS

Pour la défense du droit à réparation L’UDAC/VG d’Ile-de-France s’adresse au Président de la République (10 juillet 2012) Monsieur le Président de la République, Réunis le mardi 26 juin au siège de l’ONAC de Paris, les responsables des UDAC/VG de l’Ile-de-France (plus de 80 000 adhérents), ont pris acte, avec satisfaction, de la nomination de Kader Arif au rang de ministre délégué aux Anciens Combattants. Les UDAC/VG de l’Ile-de-France tiennent à rappeler l’intolérable inobservation de la plupart des lois fondatrices du droit à réparation, en particulier : - l’inadmissible décalage atteignant un retard de plus de 43 % entre le point de pension militaire et celui de la fonction publique (lois sur le rapport constant). Ce qui, pour les anciens combattants représente une « double peine » : chacun acquitte en effet ses impôts comme tout bon

citoyen… mais il subit en même temps une détérioration importante de ses pensions. Une rapide concertation entre le ministre et les associations d’anciens combattants est donc devenue nécessaire, comme cela a été déjà fait en 1981/1982, pour rétablir l’application de la loi sur le rapport constant, cela dans l’esprit de la célèbre citation de Georges Clémenceau, opportunément rappelée dans votre réponse datée du 10 avril 2012 au questionnaire de l’UFAC qui vous fut adressé en qualité de candidat à la Présidence de la République : « Ils ont des droits sur nous ! » - l’allocation différentielle pour les conjoints survivants (veuves ou veufs) dont le niveau demeure en dessous du seuil de pauvreté ; - l’octroi de la carte du combattant en

Afrique du Nord aux militaires arrivés avant le 2 juillet 1962 et comptant 120 jours de présence sur le territoire (en tenant compte des cas particuliers : blessés rapatriés par exemple) ; - le réexamen du décret de 2010 concernant la campagne double dont l’application est ridiculement restrictive, - des rencontres régulières entre le ministre délégué aux Anciens Combattants et les associations concernées dans le cadre de l’examen et de l’application des lois fondatrices du droit à réparation : anciens combattants OPEX, allocation différentielle, etc. Vous remerciant pour la bonne attention que vous prêterez à nos demandes, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération.

Santé et Sécurité sociale L’appel de 7 syndicats et de la Mutualité française Suite à leur appel à placer la santé et la Sécurité sociale au cœur du débat public, lancé le 21 mars dernier par les syndicats CFDT, CFE/CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, UNSA et la Mutualité française, six des signataires ont précisé leur action en avril 2012 en publiant trois documents détaillant leurs revendications dans les secteurs suivants : • Les retraités face aux difficultés d’accès aux soins Ils dénoncent les problèmes liés au désengagement de la Sécurité sociale, au coût des complémentaires de santé, à l’organisation des soins et aux comportements de certains professionnels de santé.

• La défense du pouvoir d’achat des pensions et des retraites Ils réclament l’amélioration du pouvoir d’achat des retraités, un minimum de pension des régimes obligatoires au moins égal au SMIC pour une carrière complète, la nécessité de combattre le risque de pauvreté chez les retraités et les personnes âgées, l’obligation d’améliorer les pensions de réversion. • La prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées Considérant qu’il faut prévenir, soutenir, accompagner dignement la vieillesse, les organisations signataires se penchent sur le maintien à domicile des personnes âgées, les intervenants

à domicile, le logement des personnes âgées qui demeure un élément essentiel de leur maintien au cœur de la société, la question des maisons de retraite et celle des aidants familiaux. L’ARAC est solidaire de ces démarches et de ces revendications qu’elle soutient au nom des valeurs républicaines et de l’humanisme qui la caractérise. Pour en savoir plus sur les solutions proposées, nous demander communication de ces documents en joignant une grande enveloppe affranchie à 1,40 euros).

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LE RÉVEIL VOS DROITS

Agir pour la reconnaissance

du 19 mars 1962

L’ARAC 13 affirme sa totale solidarité face aux attaques dont Frédéric Dutoit est l’objet depuis plusieurs mois, singulièrement au printemps dernier. « La guerre d’Algérie a eu son cessez le feu le 19 mars 1962, suite immédiate des accords d’Evian signés le 18 mars 1962 par le gouvernement de la République française et le gouvernement provisoire de la République algérienne. Et ce sont 91 % des citoyens français qui se sont prononcés pour l’indépendance de l’Algérie au référendum organisé par le général de Gaulle, Président de la 5e République. Les origines de la guerre d’Algérie se trouvent dans les différentes phases du colonialisme, dans son contenu, dans l’histoire même des colonisations, dans l’histoire de la fin du colonialisme et de l’aspiration à l’indépendance de tous les peuples colonisés, ainsi que dans les conflits d’intérêts entre les États colonisateurs et les peuples colonisés. De part et d’autre de la Méditerranée, pour les deux peuples, le 19 mars 1962 doit être le symbole de la paix pour deux peuples que l’histoire et la géographie rendent nécessairement solidaires et jour de mémoire pour tous ceux qui, français ou algériens, ont été victimes de cette tragédie, mais aussi, de rendre hommage à tous ceux qui ont eu le courage du combat, ou pour d’indépendance ou la paix... » Communiqué de l’ARAC 13 du 16 mars 2012 (extraits)

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Sénat

19 mars 1962 : nouvelle proposition de loi Notre ami le sénateur Guy Fischer, à qui nous souhaitons un prompt et heureux rétablissement, a présenté avec le groupe communiste, républicain et citoyen une nouvelle proposition de loi dont nous les remercions vivement. En cette année 2012, cinquantième anniversaire du cessez-le-feu du 19 mars 1962, il propose de faire du 19 mars la date officielle de commémoration de la fin de la guerre d’Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie. Il estime en effet inacceptable qu’une date dénuée de sens, le 5 décembre, ait été imposée en 2003 par Jacques Chirac, à l’instigation de nostalgiques de l’Algérie française. Militer pour l’instauration de cette date de commémoration est également, selon lui, le moyen de combattre le déni du passé colonial de notre pays et d’œuvrer à la compréhension et

au respect mutuel entre les deux rives de la Méditerranée. D’où la proposition de loi n° 475, enregistrée à la présidence du Sénat le 12 mars 2012, laquelle, après l’exposé des motifs, soumet à l’adoption les deux articles suivants : • Article 1er La République française institue une journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des morts civils et militaires de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie 1952-1962. • Article 2 Cette journée, ni fériée, ni chômée, est fixée au 19 mars, jours anniversaire du cessez-lefeu proclamé le 19 mars 1962, mettant fin à dix années de guerre en Afrique du Nord. A nous et au mouvement ACVG d’intervenir auprès du Sénat afin que cette proposition soit rapidement inscrite à l’ordre du jour de ses travaux.

Tourisme et 1ère guerre mondiale La bataille de Verdun, le Chemin des Dames… Autant de lieux témoins de la 1ère guerre mondiale que des centaines de milliers de visiteurs arpentent chaque année, soucieux de renouer les liens du passé ou de satisfaire leur curiosité. En 2010, ils ont été 6,2 millions à visiter l’un des 185 sites payants retenus pour une étude commandée par le ministère de la Défense et Bercy sur les lieux de mémoire des deux guerres mondiales du XXe siècle. Un engouement tel qu’il a pressé les célèbres guides Michelin à consacrer des guides pour partir à la découverte des sites qui ont marqué l’histoire de la Grande Guerre. « Les Français se sentent concernés par la guerre 14-18. Elle est la plus grande épreuve que la France ait jamais connue. Un cataclysme où chaque famille française a été

touchée de près ou de loin. Parfois, c’est 3 ou 4 enfants d’une même famille qui ont disparu lors de cette guerre » analyse JeanYves Le Naour, historien spécialisé dans la 1ère guerre mondiale. Les musées ne sont pas en reste, chaque année l’Historial de la grande guerre et le Mémorial de Verdun, les deux principaux lieux consacrés à cette période de l’histoire, attirent plus de 200 000 visiteurs. On ne peut que se féliciter de l’augmentation des touristes et de leur intérêt croissant pour les sites de la 1ère guerre mondiale. Cependant un léger bémol doit être retenu : éviter à tout prix que ces sites ne se transforment en Foire du Trône avec barbe à papa ou toute autre attraction. La mémoire émue et respectueuse doit être seule retenue.


LE RÉVEIL VIE de l’arac

Le 19 avril dernier Aleida Guevara en visite à l’ARAC Dans le cadre de son action de solidarité internationale, la direction nationale de l’ARAC, qui entretient une coopération précieuse avec les anciens combattants cubains, a reçu le 19 avril dernier, au siège à Villejuif, Aleida Guevara, fille d’Ernesto Guevara, venue en France pour la présentation en première mondiale à Amiens, d’une symphonie Le Che, écrite par Julio César Pardo et interprétée par l’Utopia Orchestra de Philippe Legris au cirque Jules-Verne Cette initiative remarquable a été pensée et préparée par l’association Cuba Si France, en partenariat avec Charlie Hebdo qui a présenté une belle exposition, Les milles unes, en présence de Cabu, Wolinski, Charb, et une vidéo, Portraits de Tristan Alexandre. Vraiment de « la belle ouvrage » ! La présence des ambassadeurs de Cuba, du Venezuela, de Bolivie, d’Argentine, du professeur Albert Jacquard, de Jean Cormier, biographe, de René Barri, célèbre photographe du Che. Raphaël Vahé, Patrick Staat, Pierre Bussone, Achille Forestier, Michel Tran Van et de nombreux animateurs de notre association de la Somme avaient tenu à faire le déplacement

et ont représenté l’ARAC, partie prenante de la préparation de cette manifestation. Lors de la rencontre avec Aleida Guevara, au siège national, il a été rappelé la solidarité de l’ARAC au peuple cubain dans sa lutte contre le crime du blocus inique imposé par les ÉtatsUnis, pour la libération des Cubains emprisonnés injustement… Un projet de coopération décentralisé a été envisagé au sujet d’un ferme coopérative

écologique que le Che avait initié en direction de la jeune génération. Projet aussi, pour 2013, de réaliser un nouveau voyage de l’ARAC à Cuba, voyage pour la connaissance mais aussi et surtout voyage pour la solidarité. Un « pot » chaleureux a permis au personnel de l’ARAC, aux bénévoles présents de mieux se connaître, de mieux se comprendre.

Nièvre Georges Da-Mota à l’honneur Notre camarade Georges Da-Mota décoré chevalier dans l’Ordre national du mérite. Georges s’est construit seul, dans le dur univers rural, aux portes du Morvan. Ancien d’Algérie, enfin établi dans la vie, il décide de donner de son temps pour les autres. Bénévole à la Croix rouge, puis militant de l’ARAC depuis 1947, dont il sera porte-drapeau puis deviendra naturellement président de la section locale, en 2000. Belle consécration d’un parcours hors

norme, fait « de courage, de ténacité, de sens de l’honneur et du devoir » comme l’a souligné François Perrot, conseiller général de Decize, qui lui a remis la médaille devant de nombreuses personnalités locales dont Madame le Maire de Champvert, Annie Chausset-Rouflet. Félicitations de tous les camarades de l’ARAC et du Réveil à Georges en associant Odette, son épouse. R.V. LE RÉVEIL - N°785 - JUILLET/AOût 2012

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Compiègne le 7 juillet 2012 70e anniversaire du convoi des 45 000 A l'initiative de l'association Mémoire vive, un très bel hommage a été rendu à la mémoire des déportés des convois dits des 45 000 et des 31 000, convois composés essentiellement de militants communistes et syndicalistes de la CGT et à 90 % d'ouvriers. Cette journée fut marquée par deux cérémonies : l'une le matin en gare de Margny-lès-Compiègne devant le monument aux 48 000 déportés partis de cette gare vers les camps de la mort (deux wagons symbole de cette déportation y sont conservés comme témoin de cette tragédie) ; l'autre l'après-midi, devant le monument situé à côté du musée mémorial de Royallieu, sur les lieux de l'ancien camp d'internement préalable à la déportation. Plusieurs interventions fortes et faisant le lien avec l'actualité et nos combats actuels contre « une bête immonde » toujours prête à resurgir, ont été prononcées parmi lesquelles celle de l'un des trois derniers survivants, Fernand Devaux, mais aussi celle de l'ancien président national de la FNDIRP, Maurice Cling, lui-aussi déporté à 15 ans vers Auschwitz, celle de Pierre Labate, responsable national de l'association Mémoire Vive et celle de François Auguste, président du Conseil national du PCF. La lecture très émouvante de poèmes de Charlotte Delbo, déportée à Auschwitz, a ponctué ces cérémonies qui furent prolongées par une conférence de l'historienne Claudine Cardon Hamet, auteur du livre Triangles rouges à Auschwitz. Plusieurs centaines de personnes ont participé sur l'ensemble de la journée à ces cérémonies parmi lesquels évidemment les familles des déportés de ces deux convois et nos amis de l’ARAC de l’Oise. Il faut malheureusement noter l'atti26 -

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tude regrettable d'élus UMP de la ville de Compiègne (ville qui était pourtant associée à la préparation de cette journée ) qui ont quitté la cérémonie prétextant la présence pourtant bien légitime de quelques drapeaux du PCF et de badges de la CGT (en accord avec les responsables de l'association Mémoire Vive ) portés par des militants qui n'oublient pas le sacrifice de leurs camarades qui composaient l'essentiel des déportés de ces deux convois. Cette attitude de ces élus UMP illustre malheureusement cette dérive de diri-

geants de ce parti qui semblent vouloir tourner la page de l'héritage gaulliste de la Résistance pour flirter avec certaines des thèses de l'extrême droite. Au moment où les mêmes ou d'autres ont ressorti l'insupportable amalgame entre communisme et nazisme ou ont voulu renvoyer dos à dos Front de gauche et Front national, cette journée nous renforce dans notre engagement dans le combat de la mémoire et de l'histoire qui est essentiel pour nourrir nos luttes d'aujourd'hui.


VIE de l’arac LE RÉVEIL

Extraits de l’intervention de Pierre Labate, dirigeant de Mémoire Vive Je salue les représentants nationaux de l’ANACR, de l’ARAC et de la FNDIRP. C'est un fait historique, le convoi quittant ce camp à l’aube du 6 juillet 1942 était composé à 90 % d’ouvriers. Notre association rappelle toujours la présence parmi eux de cinquante otages désignés comme juifs, dont le départ mis fin à l’existence officielle du camp juif de Royallieu, et d’une vingtaine de patriotes ayant agit en suivant l’appel du général de Gaulle. Cette dominante ouvrière est la conséquence directe du premier critère retenu pour les sélectionner comme otages : avoir été actif au sein du Parti communiste clandestin depuis l’invasion allemande achevée en zone nord le 25 juin 1940, critère englobant l’activité syndicale au sein de la CGT. Pour l’Allemagne nazie, la défaite de notre pays était l’occasion inespérée de régler définitivement son compte aux idéaux républicains et démocratiques de la Révolution française. La composante majoritaire de ceux et celles que nous honorons et qui deviendront les 45 000 et les 31 000 avait une conscience politique assez élevée, leur donnant une capacité d’analyse des événements et la conscience des dangers. Ils poursuivirent leurs combats des années 1930 au début des années 1940, et le payèrent d’un prix élevé. Les ouvriers y tinrent une grande place et, parmi eux, nombre de responsables syndicaux. L’écrivain catholique François Mauriac pourra écrire en novembre 1941 que : « Seule la classe ouvrière dans sa masse aura été fidèle à la France profanée ». Et le général de Gaulle, dans son discours du 30 avril 1942, déclara : «Aujourd’hui, malgré la faim, l’oppres-

sion, l’infâme propagande, ce sont les travailleurs français, ceux de la terre, ceux des usines, ceux des transports, qui donnent, au milieu des ennemis et des traîtres qui les servent, l’exemple de la résistance […] qui, par tant de sacrifices […] maintiennent, malgré tout, l’honneur […] du peuple français. Voilà pourquoi demain, 1er mai, tous les Français, toutes les Françaises répondront à l’appel des travailleurs de France », faisant écho à « un premier mai de lutte » auquel appelaient les instances clandestines du PCF et de la CGT. Lorsque les 45 000 et 31 000 engagèrent leur existence dès avant la guerre, à quelle oppression entendaient-ils alors mettre fin ? À l’exploitation de l’homme par l’homme au sein des rapports de travail, réalité qu’ils connaissaient bien pour y être eux-mêmes journellement confrontés. Aujourd’hui, nous sommes confronté à une spéculation financière qui n’a plus « les pieds sur terre », comme tout le monde s’accorde à le recon-

naître. Pourtant, quand les bulles spéculatives éclatent, quand le retour à la réalité s’impose, ceux qui doivent payer la note sont toujours ceux qui n’ont jamais eu ni le désir, ni possédé les moyens de miser dans ce genre de casino boursier. Depuis des années, on explique doctement à ceux qui subissent cette pénibilité accrue du travail et la précarisation de leur existence qu’« il n’y a pas d’alternative ». Autrement dit : « Toute résistance est inutile, Résignez-vous ! ». « Résignez-vous », n’est-ce pas là le discours même d’un maréchal de France ayant souhaité la défaite de son pays pour y imposer sa version du totalitarisme, antisémitisme compris. Se mobiliser pour défendre la dignité humaine, voilà, parmi d’autres, une valeur qui fait l’actualité des déportés du 6 juillet 1942 et de leur engagement. C’est leur être fidèle que de le rappeler, c’est l’hommage que nous leur devons.

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LE RÉVEIL VIE de l’arac

Compiègne (suite)

Extraits de l’intervention de François Auguste pour le PCF « Nous saluons la mémoire des 1 175 hommes du convoi des 45 000. Un millier de communistes, de syndicalistes auxquels sont adjoints les cinquante derniers otages juifs du camp de Compiègne. 1 175 hommes envoyés vers l’horreur et la barbarie des camps. 119 seulement en reviendront. L’engagement de certains d’entreeux remonte aux années 1920. Ces hommes avaient connu la boucherie de la guerre de 1914-1918, l’horreur des tranchées, la tuerie absurde de Verdun. Déjà ce conflit prenait sa source dans l’affrontement des nationalismes européens. Déjà ce conflit avait décimé les peuples et enrichi les marchands de canons. Ils dénonçaient la guerre, les impérialismes et militaient pour la paix. Beaucoup s’engagèrent dans l’Association républicaine des anciens combattants(...) Vingt s’engagent dans les Brigades internationales. Aucun de ces hommes n’avait choisi les armes, ni la guerre. Ils étaient rentrés dans le combat pour en débarrasser le monde. Ils voulaient, tout simplement la justice et la fraternité de tous les êtres humains. Face à la barbarie, ils se sont levés. Comme l’écrivait le poète résistant Robert Antelme au retour des camps, « le ressort de notre lutte n’aura été que la revendication forcenée de rester jusqu’au bout des hommes. La mise en question de la qualité d’homme provoque une revendication presque biologique d’appartenance à l’espèce humaine ». Soixante-dix ans plus tard, nous sommes à nouveau au défi. L’écho de leur combat résonne encore, la sauvagerie n’a toujours pas quitté les sociétés. L’extrême droite prospère en Europe. Elle n’a d’autre but de que soumettre les peuples, que de bafouer la démocratie pour imposer la loi des puissances financières. Comment

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accepter que les puissants puissent, à nouveau, faire le choix d’une nouvelle acceptation de cette détermination ? Accepter les dominations, c’est trahir les démocraties. Allons-nous laisser détruire ce que le Conseil national de la Résistance a bâti au sortir de la guerre ? Travaillons, au contraire, à reconstruire une démocratie authentique qui repousse les nouvelles féodalités qui se comportent avec les peuples comme des maîtres. Nous ne reconnaissons qu’une seule

loi, celle des Lumières : les femmes et les hommes naissent libres et égaux en droits. Pour nous, la grandeur des sociétés vient de leur capacité à faire reculer sans cesse la guerre de tous contre tous, pour coopérer tous avec tous, pour créer ensemble. Ceux qui dans la Résistance n’ont pas oublié ce qu’ils pensaient, ce qu’ils étaient, communistes, chrétiens, juifs, gaullistes, socialistes, ils ne cessèrent pas d’être ce qu’ils étaient et ils étaient ensemble.

NOS PEINES JUILLET 2012 CORREZE (19) Saint-Mexant : Pierre DELPECH, AC ATM, Président de la section. La Graulière : Emile BOUILHAC, AC 39-45. HAUTE-GARONNE (31) Lévignac : Pierre SALVAN, AC ATM, Croix de la Valeur Militaire. LOT-ET-GARONNE (47) Agen : GRIMARD Louis, AC 39-45. Layrac : André MARIOU, AC 39-45.

NIÈVRE (58) Decize : Claude GAUJOUR, 73 ans. OISE (60) Nanteuil-le-Haudouin : Mme Mariane CARRETIER. PUY-DE-DÔME (63) Clermont-Ferrand : Henri BOURDU, AC 39-45. PYRÉNÉES-ORIENTALES (66) Cabestany : Raymond LORIEUX, 75 ans, AC ATM, porte-drapeau de la section.

YVELINES (78) Les Clayes-sous-Bois : Elli BOYER. Trappes : René CUNY, AC 39-45. Conseil National Maulicheres : René BAUL, AC 39-45. Peyrehorade : Jean LAPLASSE, ATM. Saint-Junien : Lucien Simon NICOLAS.


VIE de l’arac LE RÉVEIL

La DGSE rend hommage

à la France libre

La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) a récemment rendu un solennel hommage au Bureau central de renseignements et d’action (BCRA), les services secrets de la France libre, à l’occasion du 70e anniversaire de sa création. La cérémonie s’est déroulée dans la cour d’honneur des Invalides en présence des résistants Stéphane Hessel et Daniel Cordier, ancien secrétaire de Jean Moulin. C’est la première fois qu’une cérémonie de la DGSE était organisée hors ses murs, boulevard Mortier à Paris (XXe). Cette cérémonie, réservée exclusivement au personnel civil et militaire de la DGSE, fut entourée de strictes mesures de sécurité en raison de l’anonymat auquel sont astreints ses membres. Devant le ministre de la Défense Gérard Longuet, le directeur général de Sécurité extérieure, Erard Corbin de Mangoux, a retracé l’histoire du BCRA, né le 17 février 1942 à Londres. Il a rendu hommage « à ceux qui n’ont jamais cessé de croire en la France et qui lui ont rendu son honneur ». Entité centralisée, le BCRA fut chargé des activités du renseignement et de toutes les opérations clandestines menées en France au

nom de la France libre. La DGSE, « héritière du BCRA, a ajouté monsieur Corbin de Mangoux, est aussi aujourd’hui l’héritière des valeurs qu’il a défendues et pour lesquelles il a combattu ». Le directeur de la DGSE a ajouté qu’il « ne peut y avoir, dans une démocratie, des services spéciaux qui ne soient encadrés et portés par les valeurs de la République ». Daniel Dewavrin, fils du colonel Passy, chef du BCRA et Rose de Beaufort, fille d’Honoré d’Estienne d’Orves, (créateur d’un des premiers réseaux de renseignements en zone occupée et fusillé le 29 août 1941 au Mont Valérien), étaient présents. Si l’on peut en effet louer sans réserves le travail et les missions effectués pendant l’occupation par le BCRA (et l’efficacité de ceux-ci), il convient d’être plus réservé sur les « œuvres » des successeurs du BCRA, à savoir le service de renseignements et de contre espionnage (SDECE) et la DGSE.

De la tenue (militaire) SVP ! Près de 400 couturières de la marine, employées par les ateliers du Maître Tailleur à Toulon et à Brest, sont en passe d’être privées d’emploi. En effet, le ministère de la Défense du gouvernement Fillon-Sarkozy avait décidé, dans la droite ligne de la RGPP réduisant les personnels, « d’externaliser » (c’est le mot à la mode) la confection des tenues militaires en l’offrant au secteur privé à partir du 1er juillet prochain. Si cela se faisait, les militaires ne seront sans doute pas mieux habillés (ce risquerait d’être plutôt l’inverse) mais, à coup sur, ça coûterait plus cher à l’État… donc à nos impôts de citoyens. Allons messieurs, un peu de « tenue », s’il vous plait ! Sinon, soyez en assurés, les ouvrières concernées ne demeureront pas à attendre « le petit doigt sur la couture du pantalon ».

Inquiétudes pour l’usine PSA RennesLa Janais L’ARAC d’Ille-et-Vilaine partage l’inquiétude des salariés et de leurs familles ainsi que de nombreux habitants du pays rennais, face aux menaces de licenciements qui planent sur l’usine PSA Rennes-La Janais, comme sur d’autres sites du groupe, notamment à Aulnay-sous-Bois. Ces milliers d’emplois directement menacés font craindre un démantèlement d’une partie de la filière automobile française qui entraînerait de graves répercussions sur les entreprises et commerces locaux et régionaux. A travers les années, l’ARAC demeure sensible à la mémoire et la solidarité. Il est important de rappeler l’orientation du Conseil national de la Résistance dont le programme fut définitivement adopté en mars 1944 par toutes ses composantes. Cette orientation ouvrit la voie au développement des entreprises industrielles en s’efforçant d’instaurer une véritable démocratie économique et sociale. Aujourd’hui, ces acquis sont remis en cause par des plans de restructurations qui ne semblent avoir pour objectifs qu’une rentabilité plus importante pour les principaux actionnaires. Face à la gravité de cette situation, l’ARAC appelle le nouveau Président de la République, son gouvernement, les élus nationaux, régionaux, locaux à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour conserver l’emploi, développer et moderniser notre industrie automobile. Communiqué de l’ARAC d’Ille-etVilaine LE RÉVEIL - N°785 - JUILLET/AOût 2012

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LE RÉVEIL MAGAzINE

France, argentine, une tragique dérive

Du prix Goncourt 2011, attribué à un polar (sans récompense de Maurice Gouiran), le lecteur aborde les guerres coloniales françaises : l’Indochine et l’Algérie. La dérive tragique d’une certaine armée française, au-delà même de nos rivages, puisque Maurice Gouiran aborde le rôle criminel de certains officiers dans la tragédie sanglante vécue par le peuple argentin martyrisé par la junte terroriste de Videla et de ses complices. suR nos caDavRes, iLs Dansent Le tango Maurice Gouiran, Éditions Jigal

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dossier LE RÉVEIL magazine

Deux genres, une même démarche : l’anticolonialisme et la dénonciation des crimes contre l’humanité commis par certains militaires, acteurs conscients de l’institutionnalisation de la torture et de son exportation, de l’Indochine à l’Algérie, puis jusqu’en Argentine et, de là, à toute l’Amérique latine (Chili, Uruguay, Paraguay, Bolivie, Nicaragua, Brésil) avant de revenir, en boomerang, les militaires US du « plan Condor » ayant bien retenu les leçons du général Aussares, au Vietnam (« Opération Phénix ») puis en Irak, des prisons d’Abou Graib au camp de Guantanamo, et, hélas, un tragique etc… Alexis Jenni et Mairice Gouiran ont tous deux choisi le roman pour témoigner et accuser. Chez l’un, c’est un pavé de 630 pages, parfois assez indigeste, chez l’autre, un polar de 266 pages où l’intrigue n’est que prétexte à dépasser l’Algérie pour témoigner sur l’Argentine. Ce qui me gène chez Alexis Jenni, ce n’est pas le style un peu lourd ni la démarche qui se veut radicalement anticolonialiste, ce sont les ambigüités qui se dessinent. Certes, il dénonce… mais avec « sympathie » ces « centurions », tortionnaires d’Indo, ces « soldats perdus » d’Algérie. A la limite, s’il ne les excuse pas… il les comprend. Au point d’aller jusqu’à mener une charge virulente entre le film de Gillo Pontecorvo, La bataille d’Alger. Pontecorvo, « un sale type… qui n’a droit qu’au plus profond des mépris », qui a réalisé, « cinéaste officiel du coup d’État de l’ALN » le « film officiel des accords d’Évian : l’accord entre deux appareils politico-militaires (…) qui se partagent le butin et font disparaître les autres ». Le prétexte de cette diatribe : l’apparition sur l’écran d’un faux char français, en réalité un char soviétique ISU-122. Donc, tout le film est faux, l’histoire est fausse. Car, à l’évidence, le gouvernement français, en 1966, n’aurait pas hésité à « prêter » français à Pontecorvo pour son film ! De là à se demander si la bataille d’Alger a bien existé ?

Né en 1963 à Lyon, que connaît Jenni de la guerre d’Algérie ? A-t-il vu les films de Vautier de 1954 ? De 1958 ? Non sans doute, mais sûrement Les centurions à la gloire de ses héros (1966) ? Mais le Vent des Aurès, Avoir 20 ans dans les Aurès, RAS ? Ses héros, Vautier, Salignon, Mariani, ses « centurions » - il les excuse presque, les justifie, tout comme il comprend les « GAFFES » lyonnais, ces groupes musclés d’auto défense et très FN, leur passion des armes et des « soldats perdus »… Jenni puise dans l’horreur la trame d’un récit cherchant à s’en dégager. Mais s’en dégage-t-il vraiment ? On peut en douter face à cette fascination qu’il semble éprouver pour ses « héros ». L’art de la guerre, c’est de placer l’homme et ses pulsions de violence, de mort, dans des situations qui le déshonorent, où il risque le déshonneur. Il n’y a pas d’art de la guerre, d’art qui engendre le non-dit d’être un homme. Il y a un nécessaire combat pour l’art de devenir humain. Chez Maurice Gouiran (Sur nos cadavres, ils dansent le tango), la démarche est tout autre et, s’il revisite l’histoire à travers une intrigue policière (très classique), c’est pour mieux cerner et éclairer des pages sombres, mais sanglantes, de notre histoire. Ainsi seront évoqués pour les besoins de l’enquête, l’assassinat par Degueldre et ses commandos Delta de l’OAS de six inspecteurs des Centres sociaux éducatifs (Marcel Basset, Robert Eymar, Mouloud Fesaoun, Ali Hammoutene, Max Marchand, Salah Ould Aoudia) le 15 mars 1962 à Château Royal en Algérie, la ferme Amezianne (centre de tortures à Constantine), le massacre du métro Charonne le 8 février 1962 à Paris… Et glissant des tortures en Algérie à celle de l’Argentine de Videla, le lecteur découvre encore l’horreur, l’extermination des indiens Mapuche, les centres de tortures militaires de Buenos-Aires sur fond de coupe mondiale de foot et de

sa finale dans cette ville en 1978, les « vols de la mort » (dérivés des « crevettes Bigeard » de la guerre d’Algérie), les 30 000 disparus argentins, les 500 bébés volés, les « Mères de la place de mai » et, à travers tout cela, le rôle des militaires français « profs de tortures », mais mettant aussi la main à la « gégène », formateurs dès 1958 en France et en Algérie, « conseillers militaires » en Argentine jusqu’en 1989 et « compagnons » de Klauss Barbie-Altman, extortionnaire SS en France et marchand d’armes française en Amérique latine où il s’est réfugié. Au terme de ce voyage, qu’importe la solution policière (ou presque). Mais colère, compassion pour un peuple martyrisé, et mémoire témoignage à transmettre en France où il faut que chacun sache que la « bête immonde » n’est pas sortie du seul « ventre fécond » de l’Allemagne, et qu’elle se nourrit du colonialisme, du racisme, de la xénophobie, de la violence et des résurgences des nostalgiques de la criminelle OAS et de leurs complices du F.Haine. André Fillère

L’art français de la guerre Alexis Jenni, NRF Gallimard

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