Libretto Sun & Sea

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SUNSCREEN BOSSA NOVA (1)

Hand it here, I need to rub my legs... ‘Cause later they’ll peel and crack, And chap.

Hand it I will rub you… Otherwise, you’ll be red as a lobster…

Hand it I will rub you…

YOUNG MAN FROM THE VOLCANO COUPLE (1)

I flew to a Portuguese corrida A short trip, just for fun. But then the pilot had to land the plane in London: So I called up my friends And stayed over for a couple of days. And from that day on, Lucas and I never been apart.

Not a single climatologist predicted a scenario like this.

Maybe someone had a feeling— perhaps the bull?…

…perhaps the bull?…

VACATIONERS’ CHORUS (1)

TODAY THEY HAVE RAISED

THE RED AND YELLOW FLAG UP HIGH: THE WHIRLPOOLS OF THE SEA, DROP-OFFS, RIP-TIDES, UNDERTOWS. YOU’RE NOT ALLOWED TO WADE IN DEEPER THAN YOUR KNEES!

SIREN’S ARIA (1)

The man I once married, My ex, he drowned in South-East Asia.

LIVRET OPÉRA-PERFORMANCE Rugilė Barzdžiukaitė, Vaiva Grainytė, Lina Lapelytė

LE SOLEIL ET LA MER (MARINA) LA BOSSA DE L’ÉCRAN TOTAL (1)

Passe-moi la crème, que je m’en mette sur les jambes Ou elles vont finir par peler, gercer, Et se craqueler.

Passe-la moi, que je t’en mette... Ou tu vas finir rouge comme un homard

Passe-la moi, que je t’en mette...

LE JEUNE HOMME DU COUPLE VOLCANIQUE (1)

J’ai pris l’avion pour aller voir une corrida au Portugal — Un petit voyage, juste comme ça. Mais le pilote a été forcé d’atterrir à Londres : Alors j’ai appelé mes amis Et je suis resté chez eux quelque temps. Depuis ce jour, Linda et moi ne nous sommes plus quittés.

Pas un seul climatologue n’avait anticipé un scénario pareil.

Peut-être que quelqu’un l’avait vu venir — Le taureau, par exemple ? …

... Le taureau, par exemple ? ...

LE CHŒUR DES VACANCIERS (1)

AUJOURD’HUI ON A HISSÉ HAUT LE DRAPEAU ROUGE ET JAUNE : TOURBILLONS MARINS, EAUX PROFONDES, COURANTS D’ARRACHEMENT, BAÏNES.

IL EST INTERDIT D’ALLER PLUS LOIN QUE LE NIVEAU DES GENOUX !

L’ARIA DE LA SIRÈNE (1)

L’homme que j’ai épousé jadis, Mon ex-mari, s’est noyé en Asie du Sud-Est.

1

He was the best of swimmers, On vacation with his girlfriend. To this very day, no one can understand how it could happen to him:

Some say he was swimming out too far beyond the shore,

And the deep waters took him in. Others, knowing him better, Claim he had suffered a cramp due to a magnesium deficiency…

VACATIONERS’ CHORUS (2)

YOU ARE STRONGLY ADVISED TO STAY ON SHORE, YOU SHOULD NOT LEAVE YOUR CHILDREN UNOBSERVED! JUST BUILD CASTLES IN THE SAND, WALK THE BEACH COLLECTING STONES, SHELLS, AMBER, AND BABY TEETH!…

WEALTHY MOMMY’S SONG (1)

My boy is eight and a half And he has been swimming in The Black, The Yellow, The White, The Red, The Mediterranean, Aegean seas...

He has already visited two of the world’s great oceans, And we’ll visit the remaining ones this year!

Two weeks ago, my husband took me diving in Australia.

Two photographers swam after us— included in the price!

Our little one stayed on shore together with our nanny… We explored the coral forests, We climbed through their branches, It certainly tired us, such density!…

What a relief that the Great Barrier Reef has— a restaurant and hotel!

We sat down to sip our piña coladas—included in the price!

They taste better under the water, Simply a paradise!

CHANSON OF ADMIRATION (1)

What a sky, just look, so clear!

Not a single cloud…

What is there?—seagulls or terns?

I can never tell…

O la vida

La vida...

SONG OF EXHAUSTION. WORKAHOLIC’S SONG (1)

I really don’t feel that I can let myself slow down, Because my colleagues will look down on me. They’ll say I have no strength of will.

C’était un nageur hors-pair, En vacances avec sa petite amie. Encore aujourd’hui, personne n’arrive à comprendre comment ça a pu lui arriver : Certains avancent qu’il a nagé trop loin du bord,

Et qu’il a été happé par les grands fonds. D’autres, qui le connaissaient mieux, Disent qu’il a eu une crampe à cause d’une carence en magnésium...

LE CHŒUR DES VACANCIERS (2)

IL EST FORTEMENT DÉCONSEILLÉ D’ENTRER DANS L’EAU NE LAISSEZ PAS VOS ENFANTS SANS SURVEILLANCE ! CONTENTEZ-VOUS DE FAIRE DES CHÂTEAUX DE SABLE, ET DE VOUS PROMENER SUR LA PLAGE EN RAMASSANT DES GALETS, DES COQUILLAGES, DE L’AMBRE, ET DES DENTS DE LAIT ! …

LA CHANSON DE LA RICHE MAMAN (1)

Mon garçon a huit ans et demi Et il a déjà nagé dans La mer Noire La mer Jaune La mer Blanche, La mer Rouge, La mer Méditerranée, Et la mer Égée...

Il connait déjà deux des grands océans, Et il découvrira les autres cette année !

Il y a deux semaines, mon mari m’a emmenée faire de la plongée en Australie. Deux photographes nous suivaient sous l’eau — c’est compris dans la formule ! Notre petit bout est resté sur la plage, avec sa nounou... On a exploré les forêts de corail, On a escaladé leurs branchages, Dieu que c’était épuisant, cette densité !

Heureusement que la Grande Barrière de corail dispose d’un restaurant et d’un hôtel !

On s’est arrêté pour siroter des piña coladas — c’est compris dans la formule !

Elles sont tellement meilleures sous la mer, Un vrai paradis !

UN CHANT D’ADMIRATION (1)

Ce ciel ! Regardez, comme il est clair ! Pas un seul nuage à l’horizon...

Et ça ? — des mouettes, ou des sternes ?

Je ne fais jamais la différence...

O la vida

La vida...

UNE CHANSON DU SURMENAGE. LA CHANSON DU TRAVAILLEUR COMPULSIF (1)

Je ne peux vraiment pas me permettre de ralentir la cadence, Mes collègues me regarderaient avec mépris.

Ils diraient que je n’ai aucune volonté.

2

And I’ll become a loser in my own eyes. Exhaustion, exhaustion, exhaustion, exhaustion… Exhaustion, exhaustion, exhaustion, exhaustion…

Exhaustion—

I like to say it as a joke— It’s like a mammoth, A nonexistent creature, gone extinct. Encyclopedias have it, But in life—a thing you’ll never meet.

CHANSON OF TOO MUCH SUN (2)

My eyelids are heavy, My head is dizzy, Light and empty body, There’s no water left in the bottle.

MY EYELIDS ARE HEAVY, MY HEAD IS DIZZY, LIGHT AND EMPTY BODY, THERE’S NO WATER LEFT IN THE BOTTLE.

DREAM

I’m a guest at the house of the author of this book. It’s pleasant and comfy atmosphere, I feel like laughing. But all of a sudden, the host starts massaging his temples, Closing his eyes, He says: I don’t feel too well, it’s back again, it’s time! Time for what?—I ask him, feeling concerned. And then he explains it all to me:

I HAVE IN MY HEAD A TUMOR THE SIZE OF AN EGG, IT GIVES ME PAINS THAT I CAN HARDLY BEAR! I NEED TO EAT A HANDFUL OF SHRIMP, AND ONLY THEN DOES THE SUFFERING END. I HAVE TO GET SOME SHRIMP, QUICKLY, TAKE ME TO A RESTAURANT, UP THERE, ON THE HILL, INSIDE THE CASTLE…

He starts to panic, I say: OK.

Only Wait, I say, I don’t know how to drive. And wait, I say again, Now getting angry:

How can you eat shrimp when you are the ambassador of eating raw?

You are the spokesman for uncooked, vegetarian food, How can you be such an impudent liar? You fraud!

I start to hit him with my fists, and wake up soaking in sweat

I’ve never had a stranger dream!

PHILOSOPHER’S COMMENTARY (1)

Is it not a comical even grotesque situation: Ancient Persia, China, India—

Some of the oldest civilizations in the world. A thousand years went by and we are Lying here on the beach, Snacking on super sweet dates imported from Iran,

Et je finirais par être convaincu de ma propre nullité. Surmenage, surmenage, surmenage, surmenage...

Surmenage, surmenage, surmenage, surmenage...

Surmenage —

J’aime le dire comme une blague — C’est un peu comme un mammouth, Une créature fictive, une espèce éteinte. On en voit dans les encyclopédies, Mais dans la vraie vie — ça n’existe pas.

LE CHANT DE L’INSOLATION (2)

Mes paupières sont lourdes

J’ai la tête qui tourne

Je ne tiens plus sur mes jambes

Il n’y a plus d’eau dans ma gourde

MES PAUPIÈRES SONT LOURDES

J’AI LA TÊTE QUI TOURNE

JE NE TIENS PLUS SUR MES JAMBES

IL N’Y A PLUS D’EAU DANS MA GOURDE

RÊVE

Je séjourne chez l’auteur de ce livre. L’atmosphère est douce et agréable, et j’ai envie de rire. Mais tout à coup, mon hôte commence à se masser les tempes, En fermant les yeux,

Il dit : je ne me sens pas bien, ça recommence, c’est le moment ! Le moment pour quoi ? — Je lui demande, inquiet(e).

Et il se met à m’expliquer :

J’AI DANS LA TÊTE UNE TUMEUR GROSSE COMME UN ŒUF, QUI ME CAUSE DES DOULEURS À PEINE SUPPORTABLES ! IL FAUT QUE JE MANGE DES CREVETTES

C’EST LA SEULE FAÇON D’ARRÊTER LA SOUFFRANCE. IL ME FAUT DES CREVETTES, VITE, EMMENEZ-MOI AU RESTAURANT, LÀ-HAUT, SUR LA COLLINE, DANS LE CHÂTEAU...

Il commence à paniquer, Je réponds : d’accord. Mais il y a un problème, j’ajoute : je ne sais pas conduire. Et il y a un autre problème, je continue, en commençant à m’énerver :

Comment pouvez-vous manger des crevettes alors que vous êtes le porte-parole des crudivores ?

Vous êtes l’ambassadeur de la cuisine végétarienne sans cuisson, comment pouvez-vous mentir aussi effrontément ?

Imposteur !

Je commence à le frapper à coups de poings, et me réveille trempé(e) de sueur –C’était le rêve le plus étrange de ma vie !

LE COMMENTAIRE DU PHILOSOPHE (1)

N’est-ce pas comique, voire grotesque : La Perse antique, la Chine, l’Inde — Voilà certaines des plus anciennes civilisations de notre monde. Un millénaire plus tard, nous sommes là, allongés sur la plage, à déguster des dattes délicieusement sucrées importées d’Iran,

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Playing a game of chess invented by Indian Brahmins, Wearing swimming suits made in the factories of China— Is this not a parody of the Silk Road?

SONG OF COMPLAINT (1)

What’s wrong with people—they come here with their dogs, Who leave shit on the beach, fleas on the sand! I come home from the shore, covered with bites, and my skin itching like mad.

What’s wrong with people—they drink beer in the heat of the day!

They spill it and it seeps into the sand, Then it smells like a slum-hole!

Which then plays a nice duet with bites of sandwich left behind—

It feels like lying all day by a homeless man!

Recently, I stretched my blanket out—right on the old remains of smoked fish— It was all rotten skin and bones!

I could smell the stench as I lay down. Turning on my stomach, a foreign body— A champagne cork—poking my ribs!

What’s wrong with people—is it so hard to walk to a trash bin, or what?

What’s wrong with people—they come here with their dogs, Who leave shit on the beach, fleas on the sand!…

The colours of the sea and sky have changed. THIS SEASON THE SEA IS AS GREEN AS THE FOREST

SIREN’S ARIA (2)

The great-great-great-grandmother of fish

Passed on to her descendants the secrets of gill control:

Every animal kingdom has its special privileges, Everything is wisely planned out, but humankind— Well, you don’t have to look far—my aforementioned husband, my ex—

Was so inclined to rash behavior. This mammal with limited lung power, Still tries so hard to go into the sea, To dive down deep: He wants to conquer and control what is not his to own…

Acidy waves, Ivory foam, Rocking the boats full of canned goods, tourists, fruits, and weapons.

Airplanes in the sky, Ships sailing the sea.

ACIDY WAVES, IVORY FOAM—

AIRPLANES IN THE SKY, SHIPS SAILING THE SEA…

En jouant au jeu d’échecs, inventé par des brahmanes indiens, Avec des maillots de bain sortis des usines chinoises — N’est-ce pas là une parodie de la Route de la Soie ?

UNE COMPLAINTE (1)

Les gens, qu’est-ce qu’ils ont dans la tête — ils viennent ici avec leurs chiens, Qui laissent leurs merdes sur la plage, et des puces dans le sable ! Quand je rentre chez moi, je suis couvert(e) de piqûres, et ça me gratte à en devenir fou/folle.

Les gens, qu’est-ce qu’ils ont dans la tête — ils boivent des bières en plein soleil ! Ils en renversent partout, ça coule dans le sable, et ça finit par puer comme dans un trou à rat !

Un habile contrepoint aux restes de sandwichs qui traînent là —

On croirait être allongé à côté d’un clochard toute la journée !

Récemment, j’ai étendu ma serviette — en plein sur des vieux restes de poisson fumé — Un gros tas de peau et d’arêtes pourries !

La puanteur m’a saisi(e) quand je me suis allongé(e). Et une fois sur le ventre, un corps étranger — Un bouchon de champagne — il me rentrait dans les côtes ! Les gens, qu’est-ce qu’ils ont dans la tête — c’est trop compliqué d’aller jusqu’à la poubelle, ou quoi ?

Les gens, qu’est-ce qu’ils ont dans la tête – ils viennent ici avec leurs chiens, Qui laissent leurs merdes sur la plage, et des puces dans le sable !

Les couleurs du ciel et de la mer ont changé. CETTE SAISON, LA MER EST AUSSI VERTE QUE LA FORÊT

L’ARIA DE LA SIRÈNE (2)

L’arrière-arrière-arrière-grand-mère des poissons A transmis à ses descendants la secrète maîtrise des branchies : Dans le règne animal, chacun possède des privilèges spéciaux, Tout a été soigneusement planifié, mais chez les humains — Pas besoin d’aller chercher trop loin — le mari dont j’ai parlé, mon ex — Il avait une telle tendance aux actions irréfléchies. Ce mammifère aux capacités pulmonaires limitées, Se donne tellement de mal pour aller sous la mer, Pour plonger au plus profond : Il veut conquérir et maîtriser ce qui n’est pas de son ressort...

Vagues acides, écume d’ivoire, Roulent des bateaux pleins de conserves, de touristes, de fruits, et d’armes à feu.

Avions dans le ciel, Navires sur la mer.

VAGUES ACIDES, ÉCUME D’IVOIRE — AVIONS DANS LE CIEL, NAVIRES SUR LA MER...

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*
*

THE COUPLE’S DISTANCE SONG

So what time in the morning is your flight? It’s quarter past seven!

So you need to be there before five… I am already getting sad…

In the morning, I’ll make an omelet… Then we’ll see each other in a week…

But that week seems so long…

We should remember to get some gas! Can you rub my shoulders? They’re burning.

WEALTHY

MOMMY’S SONG (2)

…we said we’d celebrate our son’s birthday there in a year and a half!

What an amazing sight!

Those coral horns, that bleached, pallid whiteness… You have to see it, words cannot describe it!

…our baby boy will be ten in a year and a half!

I want him to see the Great Barrier Reef with his own eyes!

My boy is eight and a half

And he’s already been swimming in The Black, The Yellow, The White, The Red, The Mediterranean, Aegean seas...

He has already visited two of the world’s great oceans, And we’ll visit the remaining ones this year!

LA CHANSON DE L’ÉLOIGNEMENT

— À quelle heure part ton avion demain matin ?

— À sept heures et quart !

— Il faudra que tu y sois avant cinq heures...

— Je commence déjà à être triste...

— Je te ferai une omelette, demain matin... Et on se verra dans une semaine...

— Mais une semaine interminable...

— Il faut qu’on pense à prendre de l’essence !

— Tu peux me mettre de la crème ? J’ai les épaules qui brûlent.

LA CHANSON DE LA RICHE MAMAN (2)

… On a décidé de fêter l’anniversaire de notre fils là-bas, dans un an et demi ! Quel spectacle incroyable !

Ces ramifications de coraux, cette blancheur, si blafarde, si délavée...

C’est une chose à voir, les mots ne suffisent pas !

… notre petit chéri aura dix ans dans un an et demi !

Je veux qu’il voie la Grande Barrière de corail de ses propres yeux !

Mon garçon a huit ans et demi Et il a déjà nagé dans La mer Noire

La mer Jaune

La mer Blanche, La mer Rouge, La mer Méditerranée, Et la mer Égée...

Il connait déjà deux des grands océans, Et il découvrira les autres cette année !

LE COMMENTAIRE

(2)

PHILOSOPHER’S COMMENTARY

The banana comes into being, ripens somewhere in South America, And then it ends up on the other side of the planet, So far away from home. It only existed to satisfy our hunger in one bite, To give us a feeling of bliss.

Serotonin from Ecuador—in our northern flatland, For any time of day or time of year…

SONG OF COMPLAINT (2)

…ever since my childhood, smoked fish carries unpleasant associations:

My grandmother used to make me eat smoked fish with mayonnaise for breakfast— Everyday, the same.

A strange bird, now passed away.

Our farmhouse is full of grandmother’s things, we didn’t want them anymore at home: We’re going out there next weekend, I’ll carry out all the coats, and furs, and books

DU PHILOSOPHE (2)

La banane voit le jour et mûrit quelque part en Amérique du Sud, puis termine sa course à l’autre bout du monde, Si loin de chez elle. Elle aura seulement existé pour nous rassasier en une bouchée, Pour nous faire connaître cette félicité.

Sérotonine d’Équateur — dans les plaines du Nord, À n’importe quelle heure, à n’importe quelle saison...

UNE COMPLAINTE (2)

… depuis l’enfance, j’ai toujours associé le poisson fumé à des souvenirs désagréables :

Ma grand-mère me faisait manger du poisson fumé avec de la mayonnaise au petit-déjeuner — Tous les jours, la même chose. C’était un drôle d’oiseau, elle nous a quittés.

Notre maison de campagne est pleine de ses affaires, on n’en voulait plus chez nous : On y va le week-end prochain, Je sortirai toutes les vestes, les fourrures et les livres

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into the sun. Only that sun…

One doesn’t know what to expect… Even snow in summer wouldn’t surprise me! Everything is out of joint: The beginning of May brought frost and snow And winter gives us buds and mushrooms…

You see, we had Christmas at our farmhouse, But this year, there was no frost, no snow, it felt like it could be Easter!

Unusual, very unusual, it made for a very strange mood: In the morning, I rose before everyone else And I went into the woods— There was refreshing green moss, Just like in springtime!

And as I walked the path, there beyond the well, I found three chanterelles! The end of December, how come?

As granny liked to say: The end of the world!

CHANSON OF ADMIRATION (3)

Rose-colored dresses flutter: Jellyfish dance along in pairs— With emerald-colored bags, Bottles and red bottle-caps.

O the sea never had so much color!

SONG OF EXHAUSTION WORKOHOLIC’S SONG (2)

I finally learned to stay calm, Not to take my state of mind home. And at work there are unwritten rules, we could call them etiquette:

Don’t complain when things get difficult, When you are lacking sleep, When you are under the weather. Even if you run out of gas—just keep smiling...

But suppressed emotions, I noticed, don’t disappear so easily, They get knotted up in your psyche: Suppressed negativity finds a way out unexpectedly, Like lava.

LIKE LAVA, LIKE LAVA, LIKE LAVA, LIKE LAVA…

I feels so bad when I can’t control myself, And I lose my cool in public.

Then I feel sorry for myself, guilty, I feel ashamed…

LIKE LAVA, LIKE LAVA, LIKE LAVA, LIKE LAVA...

EXHAUSTION, EXHAUSTION, EXHAUSTION, EXHAUSTION, IT’S LIKE A MAMMOTH—

A NON-EXISTENT CREATURE GONE EXTINCT: ENCYCLOPEDIAS, THE ANNALS OF HISTORY—HAVE IT, BUT IN LIFE—A THING YOU’LL NEVER MEET YOU’LL NEVER MEET YOU’LL NEVER MEET...

VACATION IS WHAT KILLED THE MAMMOTH— OFFICIALLY, THE CREATURE DOES NOT EXIST, BUT ACTUALLY,

au soleil. Mais ce soleil...

On ne sait jamais à quoi s’attendre...

Il pourrait neiger en été, que ça ne me surprendrait pas ! Tout est déréglé :

On a eu du gel et de la neige début mai et des bourgeons et des champignons en hiver...

On a passé Noël dans notre maison de campagne, Mais cette année, il n’y a eu ni neige, ni gelée, on se serait cru à Pâques !

Inhabituel, vraiment inhabituel, ça a créé une ambiance très étrange : Le matin, je me suis levé(e) avant tout le monde

Et je suis allé(e) dans la forêt —

Il y avait des mousses fraîches, Comme au printemps !

Et sur le chemin, juste derrière le puits, J’ai trouvé trois chanterelles ! C’était fin décembre, qu’est-ce que ça veut dire ?

Comme disait grand-mère : c’est la fin du monde !

UN CHANT D’ADMIRATION (3)

Des pans de robes roses ondulent : Les méduses valsent par deux –Avec des sacs émeraude, Des bouteilles, et des bouchons rouges.

Oh jamais la mer n’a eu autant de couleurs !

UNE CHANSON DU SURMENAGE. LA CHANSON DU TRAVAILLEUR COMPULSIF (2)

J’ai fini par apprendre à rester calme, À ne pas ramener mon stress à la maison.

Et au travail, il existe des règles tacites, qu’on pourrait qualifier d’étiquette : On ne se plaint pas, dans les moments difficiles, Quand on manque de sommeil, Quand on n’est pas dans son assiette.

Même quand on est au bout du rouleau – on continue à sourire...

Mais les émotions refoulées, je l’ai remarqué, ne disparaissent pas si facilement, Elles font des nœuds dans notre psyché :

La négativité refoulée finit par rejaillir quand on s’y attend le moins, Comme de la lave.

COMME DE LA LAVE, COMME DE LA LAVE, COMME DE LA LAVE, COMME DE LA LAVE....

Je me sens tellement mal quand je n’arrive pas à me contrôler, Et que je perds mon calme en public.

Je me sens misérable, coupable, Et j’ai honte de moi...

COMME DE LA LAVE, COMME DE LA LAVE, COMME DE LA LAVE, COMME DE LA LAVE.... SURMENAGE, SURMENAGE, SURMENAGE, SURMENAGE, C’EST COMME LES MAMMOUTHS –UNE CRÉATURE FICTIVE, UNE ESPÈCE ÉTEINTE : ON EN VOIT DANS LES ENCYCLOPÉDIES, DANS LES ANNALES DE L’HISTOIRE, MAIS DANS LA VRAIE VIE — ÇA N’EXISTE PAS

ÇA N’EXISTE PAS, ÇA N’EXISTE PAS,... LES VACANCES SONT RESPONSABLES DE LA DISPARITION DES MAMMOUTHS — OFFICIELLEMENT, C’EST UNE CRÉATURE QUI N’EXISTE PAS, MAIS EN VÉRITÉ, C’EST UNE

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IT’S A SPECIES THAT BREEDS AT THE HIGHEST RATE.

AFTER VACATION, YOUR HAIR SHINES, YOUR EYES GLITTER, EVERYTHING IS FINE.

After vacation, Your hair shines, Your eyes glitter, Everything is fine.

VOLCANO STORY

PEOPLE HAVE BEEN PLANNING ALL YEAR LONG THEIR TEN DAYS OFF THEIR VACATION, WHICH THEY ONLY TAKE ONCE EVERY YEAR. NOW SITTING ALL SWEATY IN THE AIRPORT WAITING ROOM— GOLDEN HOT SAND EXISTS ONLY IN THE BROCHURE.

THE VOLCANO ERUPTED UNEXPECTEDLY, CONTRARY TO ALL THE DIAGRAMS AND TIME TABLES— NOT A SINGLE CLIMATOLOGIST PREDICTED A SCENARIO LIKE THIS.

BEFORE IT REACHED THE AIRPORT, THE AIRPLANE WAS CAUGHT UP IN THE BLACK CLOUD. WHEN ASHES ARE DRAWN INTO THE HOT ENGINE, THEY BECOME GLASS: ASHES, AEROPLANES, ASHES, AEROPLANES, ASHES, AEROPLANES...

YOUNG MAN FROM THE VOLCANO COUPLE (2)

I stayed over for a couple of days, Until the panic and the ashes diminished. Until airport paralysis came to an end. My friend here introduced me to his brother:

—We are together!...

—We are together!...

3D SISTERS’ SONG

—I cried so much when I learned that corals will be gone.

And together with the Great Barrier Reef the fish would go extinct—

From sharks to the smallest fry.

—I cried so much when I learned bees are massively falling from the sky,

And with them all the world’s plant life will die.

—I cried so much when I understood that I am mortal,

That my body will one day get old and wither. And I won’t see, or feel, or smell ever again…

—My mother left a 3D printer turned on. And the machine began to print me out.

ESPÈCE QUI SE REPRODUIT À LA VITESSE GRAND V.

EN RENTRANT DES VACANCES, ON A LES CHEVEUX QUI BRILLENT, LES YEUX QUI SCINTILLENT, ET TOUT VA BIEN.

En rentrant des vacances, On a les cheveux qui brillent, Les yeux qui scintillent, Et tout va bien.

L’HISTOIRE DU VOLCAN

LES GENS PASSENT L’ANNÉE A PRÉPARER LES DIX JOURS DE VACANCES, QU’ILS NE PRENNENT QU’UNE FOIS PAR AN. ET MAINTENANT, DÉGOULINANTS DE TRANSPIRATION DANS LA SALLE D’ATTENTE DE L’AÉROPORT — LE SABLE CHAUD N’EXISTE PLUS QUE DANS LES BROCHURES.

LE VOLCAN EST ENTRÉ EN ÉRUPTION SANS QUE PERSONNE NE S’Y ATTENDE, CONTRAIREMENT À TOUS LES CALENDRIERS PRÉVISIONNELS —PAS UN SEUL CLIMATOLOGUE N’AVAIT ANTICIPÉ UN SCÉNARIO PAREIL.

AVANT D’ATTEINDRE L’AÉROPORT, L’AVION A ÉTÉ PRIS DANS UN NUAGE NOIR. QUAND LES CENDRES TRAVERSENT LE MOTEUR BRÛLANT, ELLES SE TRANSFORMENT EN VERRE : CENDRES, AVIONS, CENDRES, AVIONS, CENDRES, AVIONS...

LE JEUNE HOMME DU COUPLE VOLCANIQUE (2)

Je suis resté là-bas quelques jours, Le temps que la panique et les cendres retombent. Le temps que l’aéroport reprenne une activité normale. Mon ami m’a présenté à sa sœur :

– On est ensemble !...

– On est ensemble !...

LA CHANSON DES SŒURS 3D

— J’ai tellement pleuré en apprenant que les coraux allaient mourir.

Et qu’au même titre que la Grande Barrière, les poissons allaient disparaître.

Des grands requins au plus petit fretin.

— J’ai tellement pleuré en apprenant que les abeilles tombaient par milliers, Et qu’elles entraîneraient dans leur mort la flore du monde entier.

— J’ai tellement pleuré en comprenant que j’étais mortel(le), Et qu’un jour mon corps allait vieillir et dépérir. Et que jamais plus je ne verrais, je n’éprouverais, ou ne sentirais...

— Ma mère a laissé une imprimante 3D allumée. Et la machine s’est mise à m’imprimer.

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When my body dies, I will remain, In an empty planet without birds, animals and corals. Yet with the press of a single button, I will remake this world again:

—3D corals never fade away!

—3D animals never lose their horns!

—3D food doesn’t have a price!

—3D me lives forever!

I will print you out, mother, When I need you, My sister too, I will print you out, When I miss you dearly. All of us together will print out some meat, And shrimp as well, When we want something savoury to eat. And we will print out the bees, So that at least some sweetness is left.

3D CORALS NEVER FADE AWAY!

3D ANIMALS NEVER LOSE THEIR HORNS!

3D FOOD DOESN’T HAVE A PRICE!

3D ME LIVES FOREVER!

SUNSCREEN

BOSSA NOVA (2)

Will you cover my back with it, please?… I bought us some new sunscreen… What does it say?…

…let’s read it…

It should be good enough… Hand me my glasses… Look in the other bag there…

Protection for hypersensitive skin... Schutz für überempfindliche Haut… Защита сверtхчувствительной кожи Protezione per la pelle ipersensibile…

VACATIONERS’ CHORUS (3)

THIS YEAR THE SEA IS AS GREEN AS A FOREST: EUTROPHICATION!

BOTANICAL GARDENS ARE FLOURISHING IN THE SEA— THE WATER BLOOMS.

OUR BODIES ARE COVERED WITH A SLIPPERY GREEN FLEECE, OUR SWIMSUITS ARE FILLING UP WITH ALGAE, EMPTY SNAIL HOMES, SWOLLEN SEAWEED, FISH REMAINS, AND ALL KINDS OF SHELLS...

Quand mon corps mourra, je demeurerai, Sur une planète vide, sans oiseaux, sans animaux ni coraux. Et pourtant, il me suffira d’appuyer sur un bouton, Pour faire réapparaître notre monde :

— En 3D, les coraux ne disparaissent pas !

— En 3D, les animaux ne perdent pas leurs cornes !

— En 3D, la nourriture ne coûte rien !

— En 3D, je suis immortel(le) !

Je t’imprimerai, ma mère, Quand j’aurai besoin de toi, Et ma sœur aussi, je t’imprimerai, Quand tu me manqueras trop. Et tous(tes) ensemble, nous imprimerons de la viande, Et des crevettes, Quand nous voudrons goûter au sel d’un bon repas. Et nous imprimerons des abeilles, Pour y ajouter une petite touche de douceur.

EN 3D, LES CORAUX NE DISPARAISSENT PAS ! EN 3D, LES ANIMAUX NE PERDENT PAS LEURS CORNES ! EN 3D, LA NOURRITURE NE COÛTE RIEN ! EN 3D, JE SUIS IMMORTEL(LE) !

LA BOSSA DE L’ ÉCRAN TOTAL (2)

Tu veux bien me faire le dos entier ? Je nous ai acheté un nouveau tube... Qu’est-ce qu’il y a écrit ?...

… Je vais regarder...

Ça devrait être suffisant...

Passe-moi mes lunettes... Regarde dans l’autre sac...

Protection pour peaux ultra-sensibles... Schutz für überempfindliche Haut…

Защита сверtхчувствительной кожи Protezione per la pelle ipersensibile…

LE CHOEUR DES VACANCIERS (3)

CETTE ANNÉE, LA MER EST AUSSI VERTE QUE LA FORÊT : EUTROPHISATION ! LES JARDINS BOTANIQUES SE MULTIPLIENT SOUS LES EAUX — L’OCÉAN EST EN FLEUR.

NOS CORPS SE COUVRENT D’UNE TOISON VERTE ET GLISSANTE, NOS MAILLOTS DE BAINS SE REMPLISSENT D’ALGUES, DE COQUILLES ABANDONNÉES, DE VARECH BOURSOUFLÉ, DE RESTES DE POISSONS, ET DE DIVERSES CARAPACES...

Lyrics: Vaiva Grainytė, translated from the Lithuanian by Rimas Užgiris

Music/Musical Direction: Lina Lapelytė

Direction/Scenography: Rugilė Barzdžiukaitė

Concept/Development: Rugilė Barzdžiukaitė, Vaiva Grainytė, Lina Lapelytė

Un opéra-performance de Rugilė Barzdžiukaitė, Vaiva Grainytė, Lina Lapelytė

Textes : Vaiva Grainytė, traduits du lithuanien par Rimas Užgiris

Musique et direction musicale : Lina Lapelytė

Mise en scène et scénographie : Rugilė Barzdžiukaitė, Vaiva Grainytė, Lina Lapelytė

Traduction, Paul Ramon

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