Le BIM pourrait-il contribuer à viabiliser et faciliter la réalisation de projets d’architecture num

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MICHAL Laura

M1

Le BIM pourrait-il contribuer à viabiliser et faciliter la réalisation de projets d’architecture numérique expérimentale ?

2015/2016 Enseignant : José Antonio Cuba Segura

ENSA Lyon Master 1


0. INTRODUCTION

Cette recherche est conduite dans le cadre d’un mémoire de Master 1 à l’ENSAL. Nous sommes, à l’heure actuelle, en pleine phase de transition tant au niveau de la pédagogie qu’au niveau des nouvelles technologies. J’ai été témoin et ai pu observer déjà bon nombre de changements depuis mon entrée à l’école d’architecture il y a 5 ans. Le numérique est désormais sur le point d’entrer définitivement dans nos mœurs et dans nos techniques de travail au quotidien. Tantôt encensé, tantôt malmené, le monde du numérique fait pourtant partie intégrante de notre mode de vie. La profession d’architecte a connu bien des changements qui ont été possibles grâce à l’évolution des technologies et à l’accès facilité à l’ordinateur durant les années 1980. L’un des principaux changements que l’on retient, qui a bouleversé la profession et notamment la manière de concevoir un projet a été le passage du dessin à la main à la Conception Assistée par Ordinateur (CAO) dont la réflexion s’était lancée déjà dès 1967 avec la création des Land Use and Built Form Studies fondés par Leslie Martin à l’université de Cambridge. Cette pratique de la CAO s’est par la suite démocratisée et nous sommes désormais face à une nouvelle évolution de taille : le BIM. En effet, le BIM –dont la signification sera développée plus loin- nous est présenté comme un nouvel outil de travail révolutionnaire et, par conséquent, en tant que nouveauté nous n’avons pour l’instant que peu d’ouvrages et de recul sur le sujet en France. Dans tous les cas, de manière générale, le BIM est présenté comme un outil et un processus de travail permettant de simplifier la gestion des projets et d’anticiper des questions qui ne peuvent parfois pas être soulevées avec un procédé de travail traditionnel et des documents déconnectés les uns des autres (plans 2D, maquette volumétrique 3D, documents d’ingénierie…). J’ai pu remarquer, parallèlement, que le contexte actuel tend beaucoup vers la recherche et l’innovation, et que par conséquent, de plus en plus de projets aux formes « non-standards » voient le jour sur papier/ordinateur avec souvent derrière l’intention d’innover sur un point dans le but de rendre ces formes complexes constructibles. L’évolution des outils numériques et cette volonté de renouvellement du langage architectural et d’hybridation des pratiques ouvrent de nouveaux horizons pour le champ du BTP car « même si les ordinateurs n’imposent pas en eux-mêmes de formes, ils n’en ont pas moins contribué à élargir l’éventail des possibilités offertes aux concepteurs »1 . Cependant peu de ces projets novateurs sont par la suite construits, souvent faute de maître d’ouvrage hésitant ou de budget défaillant. Ces deux observations réunies ont fait émerger la question suivante : « Le BIM pourrait-il contribuer à viabiliser et faciliter la réalisation de projets d’architecture numérique expérimentale ? ».

1. (PICON Antoine, 2010. Culture numérique et architecture : une introduction, p72.) 2


I. CONTEXTE & QUESTIONNEMENT

A l’heure d’aujourd’hui, on distingue en effet l’architecture numérique dont les projets sont réalisés à l’aide de l’ordinateur (CAO) de l’architecture numérique expérimentale qui correspond aux projets de recherches formelles, novateurs, dont l’ordinateur fait partie intégrante lors du processus de conception. L’une des définitions actuelle du Larousse pour le terme numérique est : « Se dit de la représentation d’informations ou de grandeurs physiques au moyen de caractères, tels que des chiffres, ou au moyen de signaux à valeurs discrètes. » Ainsi, on peut en déduire que l’architecture numérique correspond finalement à la représentation puis la transformation d’informations concernant des grandeurs physiques (telles que longueur, épaisseur, nombre d’étages etc…) en caractères chiffrés c’est-à-dire, pour l’ordinateur, en langage binaire. Dans le contexte actuel, on peut désormais parler « d’architecture numérique » de manière assez généralisée puisqu’aujourd’hui la plupart des projets, même s’ils naissent d’un croquis, sont par la suite développé et dessiné à l’aide de logiciels de CAO tels qu’Autocad ou Allplan. La notion qui nous intéresse ici peut être considérée comme l’évolution et l’aboutissement de la CAO : l’architecture numérique expérimentale. De prime abord c’est un terme très vaste et qui peut prétendre à diverses interprétations. Le mot expérimental est défini, toujours dans le Larousse, par quelque chose « qui est fait, produit, fabriqué à titre d’expérience, pour en éprouver les qualités ». C’est une définition assez représentative de là où nous souhaitons en venir, mais afin de donner une définition précise de ce dont nous parlons, on définira dans ce mémoire l’architecture numérique expérimentale comme la plage de projets dans lesquels l’ordinateur fait partie intégrante du processus de conception, permettant d’ajouter au bâtiment des interrelations très subtiles avec le site d’implantation et de les « matérialiser », grâce notamment aux différents outils de programmation visuelle et paramétrique utilisant des algorithmes ou des scripts comme il est possible de le faire avec des logiciels tels que Rhino3D/Grasshopper, Python ou DigitalProject. L’architecture paramétrique fait donc entièrement partie de ce domaine d’architecture numérique expérimentale et c’est particulièrement à celle-ci que nous allons nous intéresser plus loin. Pour rappel, « l’architecture paramétrique est une approche innovante qui permet de générer des formes à géométrie complexe à partir de l’exploitation d’une grande quantité de données. Ces données peuvent être de type environnemental, acoustique, structurel, social, urbain. » Le concepteur devient alors le « coordinateur d’un processus organique et complexe capable d’interpréter et de transformer les données »2. Les projets imaginés conduisent par la suite à de spectaculaires constructions qui restent somme toute assez peu nombreuses en France mais qui font couler beaucoup d’encre. En effet, de tels projets donnent lieu à beaucoup de publications qui ne sont pas toujours très positives. Ego surdimensionné de l’architecte, bâtiment en rupture avec son contexte, dépassement faramineux de l’enveloppe budgétaire ; ces projets sont parfois vus d’un œil sceptique, voire même largement critiqués. Ils sont en effet souvent qualifiés de dérisoires, de projets « images » renvoyant l’enjeu du numérique uniquement sur la création artistique et l’esthétique du bâtiment, conférant ainsi l’impression d’oublier tout le reste et par conséquent mettre en doute la crédibilité de l’édifice et celle de l’architecte par la même occasion. Aujourd’hui l’innovation est un enjeu important de la recherche et de la production en architecture. Mais de manière plus générale à l’heure actuelle, chaque entreprise, peu importe le domaine, tente d’innover pour surpasser le concurrent, rester compétitif et continuer de faire évoluer l’entreprise. Le champ de l’architecture n’est pas en reste, tant au niveau de la production des agences que de la recherche scientifique ou du domaine pédagogique. Innover c’est imaginer quelque chose de nouveau : un processus, un objet, un matériau, un système… L’une des définitions que l’on trouve au sujet de l’innovation est qu’elle représente un « processus d’influence qui conduit au changement social et dont l’effet consiste à rejeter les normes sociales existantes et à en proposer de nouvelles ».3 On peut donc légitimement se dire que dans ce cadre-ci, les projets d’architecture numérique expérimentale tendent à l’innovation de par leur singularité et leur rupture avec l’environnement alentour qui ont parfois pour vocation de suggérer et d’inciter à de nouveaux usages : centre culturels mêlant exposition, médiathèque, passage transitoire ou mixité d’usages par exemple avec la banque de la tour Intesa-SanPaolo de RPBW située à Turin où le bâtiment à priori privé contient un second système de circulation rendant le RDC et la toiture accessible au public. De plus, l’innovation dans les projets d’architecture expérimentale se situe surtout au niveau de la recherche de nouvelles formes à exploiter, formes souvent créées avec de nouveaux outils, que l’on n’aurait pas pu élaborer avec un procédé traditionnel, simplement avec une feuille et un crayon car elles deviennent vite très complexe à gérer lorsque l’on rentre dans le détail. Ces projets, de par leur complexité et leur caractère singulier engendrent forcément la

2. (http://www.immaginoteca.com/unmonasteryparametrique/) 3. (http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/innovation/43196)

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réflexion sur de nouveaux systèmes d’assemblages, de fabrication de pièces spécifiques, de nouveaux matériaux ou de planification de chantier qui doivent être abordé autrement que comme on le fait habituellement pour concrétiser le projet et le rendre constructible. C’est une bonne approche pour entrer en matière de recherche par le biais du projet. Cependant, à l’heure de l’innovation et de la recherche prônée dans tous les domaines, on se retrouve face à un problème majeur : innover coute cher. En effet les projets innovants requièrent des procédés nouveaux qui impliquent par conséquent un investissement supplémentaire par rapport aux solutions désormais connues et souvent utilisées et une part d’inconnu puisqu’on se lance dans quelque chose de nouveau. Ceci étant, on remarque que ces projets manquent souvent de ressources financières pour être aboutis, et ce facteur ajouté au point de vue sceptique concernant l’architecture numérique expérimentale et à l’inconnu qui les attends rend les maitres d’ouvrages et les investisseurs hésitant lorsqu’il faut se lancer sur un tel projet. S’ajoute à cela le constat que des projets de telle ampleur prennent forcément plus de temps à être mis en place puis construits, et le système politique changeant ne fait qu’entraver les décisions et les lancements de projet, puisque d’un mandat à l’autre un projet peut être « gelé » pour soit ne pas être réalisé ou soit parfois revenir au goût du jour dans les ambitions du politique suivant. Ainsi, même si énormément de projet d’architecture numérique expérimentale sont imaginés, l’impact de ces différents facteurs fait que peu sont finalement construits. On décèle alors un problème de taille, voire même un paradoxe : l’innovation est fondamentale dans l’évolution de la société actuelle, elle est à présent vue comme une nécessité y compris en architecture, et pourtant les budgets ne cessent de décroitre. On souhaite donc de la nouveauté, qui, on l’a vu précédemment pour nos cas de projets expérimentaux, coûte cher, et les budgets s’amenuisant créent un total blocage de la concrétisation de ces bâtiments. L’objectif, si l’on veut sortir de cette enclave serait donc d’engager une réflexion sur la manière dont on pourrait construire ces projets plus vites, mieux et moins chers afin de rouvrir la porte de l’expérimentation en architecture de façon cohérente avec les budgets mis à disposition et de manière à renouer un climat de confiance avec les maîtres d’ouvrages. En parallèle, les technologies évoluent et le BIM a fait son apparition, le premier pays à l’avoir adopté étant la Finlande en 2002. Olivier Celnik, architecte expert BIM, définit le BIM comme « une manière intégrée de travailler, permettant une conception, une exécution et une gestion de bâtiments et de biens immobiliers elles aussi intégrées. […] C’est un processus de travail et de collaboration entre intervenants d’un projet […] qui permettent la conception et l’exploitation d’une maquette numérique, préfigurant le bâtiment tel que construit et exploité. »4. Cependant la définition du BIM reste complexe, regroupe plusieurs notions (Model, Modeling, Management) et est surtout sujette à de nombreuses interprétations. Nous allons donc, dans le cadre de ce mémoire, définir le BIM comme un outil et un processus de conception collaboratif interdisciplinaire et de communication partagé, permettant de simplifier la gestion de projet en regroupant toutes les données au sein d’un seul modèle BIM ou d’un seul serveur, l’utilisation d’un seul et unique modèle BIM n’étant pour le moment pas encore mise au point, les systèmes informatiques n’arrivant pas à gérer toutes ces données. Le processus de travail en BIM s’inspire de la démarche de l’ingénierie concourante qui est une manière de conduire un projet. En fait, lorsque l’on engage un projet dans une démarche BIM, l’idée est de faire participer différents acteurs de la construction tels que l’ingénierie structure et fluide, le bureau CVC, le client ou les entreprises dès les premières phases du projet afin de tendre vers une conception interdisciplinaire. En effet, impliquer ces différents acteurs en amont de la phase à laquelle ils sont habituellement consultés permet de gérer les problèmes plus tôt dans la conception, et a pour objectif de rendre un projet plus optimisé et plus fiable en terme de coûts, le fait de travailler tous ensemble créant des synergies entre les différents corps de métiers et évitant ainsi la proposition de solutions totalement déconnectées les unes des autres. En plus du processus, la particularité du BIM qui le diffère de son prédécesseur la CAO est le modèle 3D qui va servir à la collaboration et à la collecte des informations provenant de ces différents acteurs du projet. En effet, les modèles 3D de conception traditionnelle sont généralement des modélisations volumiques assez simples, donnant peu d’informations sur le projet et surtout utilisées pour la génération de perspectives de rendu intérieures et extérieures ainsi que pour la démonstration de l’insertion dans le site. Lorsqu’un modèle 3D s’avère utile pour des calculs thermiques ou de ventilation naturelle (flux de vents etc…) par exemple, il est nécessaire d’effectuer tout un travail de retranscription des données à partir des divers documents 2D afin que le thermicien puisse, lui, recréer une modélisation

4. (Olivier Celnik, CSTB – BIM & Maquette numérique) 4


à partir de zéro, les informations dont il a besoin n’étant pas présente sur le modèle 3D de l’architecte qui a plutôt une fonction de représentation que de conception technique. Une maquette numérique BIM n’est pas conçue de la même façon et n’a pas le même objectif. On pourrait dire, pour résumer, que l’objectif principal d’un modèle BIM est la multifonction. En effet, ces maquettes sont composées d’objets paramétriques, modifiables donc, et auxquels sont associés des données diverses et variées telles que la famille de l’objet, ses dimensions, le matériau, son coefficient de conductivité ou sa résistance au feu par exemple, que l’on peut choisir de renseigner ou non. C’est une maquette informelle et évolutive, c’est-à-dire que la quantité d’informations renseignées peut dépendre du niveau de développement que l’on souhaite, de l’avancement du projet, de la nécessité de précision sur tels ou tels aspects etc… L’objectif étant de concevoir entièrement un projet de façon virtuelle, pour à partir de celui-ci automatiser certaines tâches comme la génération des plans, coupes, perspectives et documents écrits (descriptifs, métrés…) et créer une interopérabilité c’est-à-dire des passerelles avec d’autres logiciels permettant ensuite de réutiliser ladite maquette pour des études d’ensoleillement, de thermique, de confort ou autre sans avoir à retranscrire toutes les données. Il faut cependant prêter une attention particulière à la notion de paramétrique utilisée pour désigner les objets composant un modèle BIM. Il est impératif de faire la distinction entre la notion paramétrique du BIM comme expliquée juste auparavant et le terme paramétrique utilisé pour des projets d’architecture généré à l’aide d’algorithmes ou de scripts comme nous l’avons abordé plus haut. Ces deux termes ont la même appellation et peuvent être amené à « travailler » ensemble mais ne possèdent pas la même signification. En soi le BIM apparaît donc à priori comme un outil possédant un grand potentiel mais sur lequel nous n’avons que peu de recul en France car il n’a fait son entrée sur le territoire que depuis quelques années (2014). Cela dit, les modèles BIM et les processus de travail qu’il comprend commencent désormais à se démocratiser dans le pays et à s’insinuer progressivement dans les démarches de projet. A présent, le contexte le permettant grâce à l’évolution vers « l’incitation à l’utilisation de la maquette numérique »5, il est essentiel de se pencher réellement sur le BIM et sur les opportunités qu’il peut offrir pour les années à venir. Dans le cadre de ce mémoire, rappelons que la question que pose le contexte actuel et abordée précédemment est comment rendre crédible les projets d’architecture numérique expérimentale afin qu’ils puissent être construits et tendent à relancer l’innovation et l’expérimentation en architecture de manière plus courante. Le BIM est présenté comme un outil puissant et l’on peut se demander dans cette optique si ce dernier, de par son système de données d’informations très complet, son pouvoir de planification et ses capacités de simulation de construction ne pourrait-il pas participer à crédibiliser tous ces projets d’architecture numérique expérimentale ?

5. Une incitation au recours à la maquette numérique a été insérée dans la directive Européenne sur les marchés publics de janvier 2014. (SYNTEC Ingénierie, 9 mai 2014. BIM / Maquette numérique, contenu et niveaux de développement, p6.) 5


II . HYPOTHESES Si l’on pose l’hypothèse que l’utilisation du BIM est intégrée dès les phases préliminaires du projet telles que l’esquisse ou l’avant-projet sommaire (APS), on peut émettre certains points pour lesquels il jouerait un rôle majeur dans l’idée de répondre à la question précédemment citée. Nous allons, pour cela, isoler quatre critères à étudier spécifiquement qui seraient à priori apte à crédibiliser ces projets non-standards, c’est-à-dire à améliorer la communication, optimiser la conception et ses détails, augmenter la rapidité d’exécution pour enfin participer à réduire les coûts. Les aspects du BIM concerné et auxquels nous allons nous intéresser vont donc être particulièrement : - L’approche intégrée dès les premières phases du projet. En effet, l’intégration d’équipes pluridisciplinaires dès le démarrage de la conception peut permettre d’éviter le phasage traditionnel que l’on observe habituellement à savoir qu’une fois la première partie de conception fixée, on transmet le projet aux bureaux d’études et équipes d’ingénieries qui décèlent des problèmes auxquels l’équipe de conception n’avait pas forcément prêté attention, cette dernière devant donc par la suite revoir son projet. Cette approche inspirée de l’ingénierie concourante va permettre, au lieu d’avoir un schéma de travail en aller-retours BET/Architecte, d’avoir un système de travail conjoint et unidirectionnel. On peut par conséquent, dès le début de l’élaboration du projet, anticiper les réflexions sur les problèmes de construction, d’ingénierie, d’assemblage, de dimensionnement etc que peuvent induire de telles réalisations. - La particularité du BIM à simuler la construction d’un bâtiment complexe. Assurément ce point, s’il est réellement utilisé, peut s’avérer être un sérieux avantage pour les projets qui nous concerne. En effet, simuler virtuellement la construction du bâtiment et ses différentes étapes offre un aperçu concret de la manière dont va être géré et se dérouler le chantier. On peut aussi l’associer à une notion de temporalité importante dont l’estimation est non négligeable : même si elle n’est pas fixée définitivement, la simulation virtuelle de la construction donne un ordre de durée pour la construction du projet. Cela peut contribuer à diminuer le flou présent dans l’esprit du maître d’ouvrage et des entreprises, et va permettre à ces dernières de connaitre le phasage du chantier et ainsi de détecter les possibles problèmes d’enchainements des différents corps de métier qui n’auraient pas été détecté de prime abord ou de proposer des solutions d’optimisations afin de réduire les délais. - Le développement d’un modèle 3D détaillé. Si le modèle d’une architecture complexe est effectivement conçu de manière assez détaillée en amont de la présentation du projet au maitre d’ouvrage et aux industriels, ce modèle permettrait de régler les problèmes et d’anticiper les détails (assemblages, prototypage à planifier, détails techniques spécifiques…) avant les phases habituelles auxquelles ils sont traités pour ainsi pouvoir présenter au maître d’ouvrage un projet plus « abouti » plus tôt. Cette démarche offrirait, de plus, l’avantage de diminuer considérablement les modifications que l’on rencontre habituellement en phase PRO/DCE (Cf Courbe de MacLeamy) au moment de la production de tous les documents détaillés du projet, modifications qui engendrent le plus de surcoût sur le budget final de la construction. - La notion d’interopérabilité. Le système de travail en BIM et les logiciels qui l’accompagnent sont réfléchi de manière à donner la possibilité de créer des « passerelles » entre logiciels grâce à un format de fichier neutre aussi appelé fichier IFC. De plus, avec la montée en puissance du BIM, les différents éditeurs de logiciels poussent de plus en plus les évolutions de ces derniers vers une interopérabilité globale permettant des interactions directes entre les différents logiciels sans passer par le format IFC spécifiquement. En tout cas pour l’instant, les quelques ponts inter-logiciels qui sont déjà créé et l’utilisation du format IFC permettent, pour les projets complexes comme ceux du champ de l’architecture numérique expérimentale, d’éviter de rentrer à nouveau toutes les informations du projet si l’on nécessite de pièces spécifiques à concevoir comme ça a été le cas par exemple pour les coques de la fondation Louis Vuitton. La gestion des informations avec le BIM et son interopérabilité permet de passer directement du logiciel de modélisation au renvoi de données sur la machine à commande numérique ou la machine de production. Finalement, face à de tels projets si complexes, allier et relier le BIM aux logiciels des machines de production afin de réduire les erreurs et par conséquent simplifier la réalisation des éléments revient à « adapter des processus industriels à une fabrication sur mesure »6. La notion de processus industriel induit de façon implicite mais irrémédiable l’idée d’efficacité de la production, point que rejoint la démarche BIM puisqu’il est effectivement aussi l’un des objectifs recherché lors de l’utilisation d’un procédé BIM.

6. (http://www.fondationlouisvuitton.fr/content/dam/flvinternet/Images/Presse/Oct2014FLV-Dossierdepresse.pdf) 6


On peut donc légitimement penser que ces quatre caractéristiques faisant partie du processus BIM vont participer à l’optimisation des coûts et des systèmes. Ce pourrait donc être une possibilité qui, appliquée aux projets d’architecture numérique expérimentale, permettrait d’obtenir ainsi un projet novateur, optimisé et aux coûts maitrisés que l’on pourrait présenter au mandataire de manière détaillée mais simplement compréhensible. Toutes ces notions pourraient participer à instaurer une relation de confiance entre le concepteur et le maitre d’ouvrage lors de la présentation du projet puisque cela offrirait à ce dernier une vision à la fois globale de la proposition, accompagnée « d’outils de démonstration » et de détails prouvant que le projet est réalisable. Cela consiste à reprendre la même démarche appliquée en recherche : on axe une recherche qui par la suite conduit à innover puis l’on démontre/ prouve par un moyen que la théorie fonctionne en pratique. La confiance « regagnée » du maitre d’ouvrage et l’assurance apportée par le BIM sur de tels projets peut par conséquent probablement faciliter la passation de contrat avec des partenaires et ainsi contribuer à trouver des financements pour aboutir l’édifice et relancer l’innovation et l’expérimentation en architecture.

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III . METHODOLOGIE Afin de confirmer ou non si ces aspects théoriques peuvent effectivement influer sur la facilité à crédibiliser les projets d’architecture numérique expérimentale, nous allons sélectionner trois exemples de projet correspondant au domaine de l’architecture numérique paramétrique définie dans la première partie, et en étudier la collaboration entre logiciel paramétrique et logiciel de modélisation BIM, ainsi que la conception de ces projets, en s’intéressant particulièrement aux quatre hypothèses de réponses développées précédemment. Cela apporte un appui sur des cas concrets de constructions réalisées, l’objectif étant, une fois ces projets étudiés sous ces quatre critères, de valider ou non l’hypothèse de départ. Les trois projets retenus pour cette étude sont : le CCTV (Bordeaux) de l’agence X-TU, la Canopée des Halles (Paris) de Patrick Berger & Jacques Anziutti Architectes et le Museo Soumaya (Mexico) de l’agence FR-EE. La sélection s’est tout d’abord basée sur trois critères qui ont restreint au fur et à mesure le cadre et par conséquent le nombre de projets « candidats » un peu à la manière d’un entonnoir. Ces premiers critères sont : - Un projet qui soit construit afin de ne pas rester sur des suppositions théoriques mais de vérifier les hypothèses en s’appuyant sur des exemples concrets - Un bâtiment dont la conception a été développé en BIM puisque c’est le sujet de cet écrit - Un projet qui soit à la fois innovant et rentre aussi dans le domaine de l’architecture numérique expérimentale. Ce sont donc des projets que l’on considère innovant de par leurs formes non-standards qui ont impliqué l’utilisation d’un processus BIM pour être concrétisé puis construit. En effet, un tel niveau de complexité ne peut pas être géré sans une construction virtuelle du bâtiment, ou du moins de certains de ses éléments. La sélection ne s’est pas limitée à des projets uniquement construits en France car le type d’étude de cas recherchées pour ce mémoire, c’est-à-dire utilisant une conception paramétrique qui a par la suite été développé en BIM pour enfin être construit, est encore peu développé en France, cela étant dû en partie au retard Français visible pour l’instant en matière de BIM. Cependant tout de même deux des trois projets sont situés en France, preuve que les mentalités et les pratiques sont en pleine évolution. Le Centre Culturel et Touristique du Vin est un projet de l’agence Parisienne X-TU situé à Bordeaux. Le centre est d’abord intéressant de par sa forme, basée sur le concept très abstrait du mouvement du vin dans un verre lors d’une dégustation puisqu’il « se veut une évocation de l’âme du vin, entre le fleuve et la ville »7. Cette forme complexe tout en rondeurs, a donc dû être traitée de manière très spécifique pour que le projet fonctionne. En effet, la façade en verre et métal repose sur une structure d’éléments de bois courbes, et chacun des 2047 panneaux de métal et 900 panneaux de verre sont uniques. La gestion de ces deux points, les panneaux de façade et les éléments de structure bois courbes, est essentielle à être traitée pour que le projet soit constructible. Si l’on en croit de plus, les affirmations de Jean-Baptiste Valette, chef de service Ingénierie Modélisation des Projets chez VINCI CONSTRUCTION France, qui explique que « La Cité des Civilisations du Vin est un bijou d’une complexité rare mais à coût maitrisé. Techniquement, ce projet nécessitait une organisation parfaite et une capacité d’optimisation et d’innovation élevée »8, on remarque alors qu’il aborde aussi les questions d’optimisations et de coûts, ce qui semble être par conséquent un exemple approprié à traiter dans le cadre de la problématique posée par ce mémoire.

Concept du Centre Culturel et Touristique du Vin

Vue global du CCTV

7. (http://projets-architecte-urbanisme.fr/centre-culturel-touristique-vin-bordeaux/) 8. (http://www.mediaconstruct.fr/sinformer/le-blog-du-bim/post/4321/le-bim-au-service-d-une-prouesse-technique)

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Le second projet, la Canopée des Halles de Patrick Berger & Jacques Anziutti Architectes est situé à Paris. Parti du réaménagement de ce site des Halles, la Canopée consiste en une immense toiture basée sur 15 ventelles métalliques courbes et créant de ce fait un gigantesque patio public en dessous. Mélange entre la canopée connue des forêts et une vague déferlant au-dessus des bâtiments, la forme de cette toiture une fois esquissée a été générée sur Rhino et Grasshopper afin de se saisir de la gestion et de l’optimisation des éléments de structure qui la composent et des 18 000 panneaux vitrés venant prendre place sur celle-ci. L’utilisation d’une modélisation paramétrique a ainsi permis de tester différentes solutions afin de trouver la plus adaptée au projet. La forme complexe de la toiture a ensuite été développée en BIM afin de préciser et concevoir tous les détails d’assemblages et de production des éléments qui la composent. Le modèle numérique a par la suite été transféré en IFC afin d’être directement utilisé par les industries lors de la fabrication des éléments. De plus il semble, encore une fois, que le phasage virtuel du chantier ait joué un rôle majeur lors de la mise en œuvre de la construction. Ce projet paraît donc tout à fait apte à prendre sa place dans les études de cas proposées ici.

Génération des éléments à partir de Grasshopper

Vue générale de la Canopée des Halles

Enfin, le dernier projet est le Musée Soumaya de la ville de Mexico conçu par l’agence FR-EE. Ce musée propose une collection de 60 000 pièces d’art provenant de multiples pays du monde. Le plan de chaque étage du bâtiment diffère d’un niveau à l’autre et rend en façade une impression de mouvement légèrement vrillé qui forme par conséquent une façade courbe. Cette façade est composée de 16 000 hexagones en aluminium qui, de par leur texture crée un jeu d’ombre et de lumière au fil de la journée et semble conférer à l’édifice un aspect de tissu fluide puisqu’aucun des éléments de structure n’est visible. C’est donc la gestion de ces panneaux qui crée toute la complexité du bâtiment. En effet, chaque panneau est posé à seulement quelques millimètres de ses voisins, ce qui implique une réelle maitrise de la fabrication et de la technique de montage de ces derniers, à tel point que le projet a été surnommé « l’impossible à bâtir ». « L’orientation de la surface et de la courbure varie à chaque point, parfois peu, ce qui complique la conception de la façade. Ce constat ainsi que d’autres difficultés ont entrainé la nécessité d’une seconde structure, basée sur des exigences apparemment impossibles »9. L’attention s’est donc porté sur la conception de ces 16 000 hexagones, ainsi que sur l’ossature secondaire qui a permis la pose des panneaux et ainsi de rentre le projet réalisable. Ici aussi, le respect des délais, l’optimisation des pièces et des coûts ainsi que l’organisation du chantier ont été à priori les points clefs pour la réussite du projet.

Le musée Soumaya

Optimisation géométrique : étude sur la géométrie de la façade, permettant de regrouper des panneaux de dimensions communes en familles et ainsi de réduire les coûts lors de la production.

9. (http://geometrica.com/fr/news-Soumaya-french) 9


Pour mener à bien ces études de cas, la méthode employée va être dans un premier temps d’effectuer des recherches de publications concernant ces trois projets pour obtenir de l’information sur la conception et la manière dont a été mis en œuvre le BIM pour viabiliser l’édifice imaginé. Par la suite, les points sur lesquels nous nous penchons étant assez précis, les informations ne seront peut-être pas disponibles sur le web ou bien seront probablement peu précises. Si tel est le cas, nous allons tenter de prendre contact directement avec les agences ou les bureaux qui les ont aidé à formaliser leur projet (Decode BIM ou Gehry Technologies) afin de mener une recherche complémentaire sous forme d’entretien semi-directif pour obtenir les informations manquantes. Dans un second temps, pour compléter tous les apports théoriques lus, je souhaite orienter mon stage de première pratique professionnelle vers mon thème de mémoire et ainsi pouvoir profiter d’un approfondissement de ma recherche me permettant de me construire un point de vue concret, réaliste et personnel. Je recherche donc une agence ayant mis en place partiellement ou totalement le processus BIM dans sa conception de projet. Il est évident que, comme expliqué auparavant, les projets d’architecture numérique expérimentale développé en BIM et abordés dans ce mémoire sont pour l’instant difficiles à trouver : ils ne sont pour le moment traités que par d’importants groupes tels que Gehry Technologies ou Decode BIM, et sont souvent réalisés pour des projets à gros budget. Cependant, intégrer une agence pratiquant le BIM va me permettre de me confronter à la réalité du travail en BIM en agence, et ainsi m’aider à me forger un point de vue fondé sur ce que j’avance, notamment concernant les points exposés auparavant que j’ai fixé comme « critères » pour les études de cas qui vont finalement valider ou non mon hypothèse. En effet, le sujet du BIM comporte encore peu de documentation et de réflexion en France, et ses enjeux sont souvent exposés de façon idéaliste alors qu’il semble très probable, pour l’instant en tout cas, que lors d’une pratique réelle certains compromis doivent être faits. Ainsi ce stage offre une prise de recul par rapport à tous les apports théoriques déjà étudiés, afin de laisser se construire un point de vue critique et personnel supplémentaire visant à enrichir les propos de cette publication. Finalement, une fois ces études de cas menées et ce stage effectué, nous croiserons les différentes informations recueillies dans l’optique de répondre au questionnement posé qui est, pour rappel : « Le BIM pourrait-il contribuer à viabiliser et faciliter la réalisation de projets d’architecture numérique expérimentale ? ».

« Plus les choses sont virtuelles, plus elles sont réelles. » Steve Woolgar.10

10. (PICON Antoine, 2010. Culture numérique et architecture : une introduction, p52.) 10


BIBLIOGRAPHIE : Article scientifique : KUBICKI Sylvain, HALIN Gilles et BIGNON Jean-Claude (dir.), 2014. Interaction(s) des maquettes numériques. Actes du 6ème Séminaire de Conception Architecturale Numérique, Luxembourg, PUN – Editions Universitaires de Lorraine. 324p. PICON Antoine, 2010. Culture numérique et architecture : une introduction, Basel, Birkhauser. 217p. KENSEK Karen, 2014 (original). Manuel BIM, théorie et applications, trad fr 2015, Paris, Eyrolles. 256p. CELNIK Olivier et LEBEGUE Eric (dir.), 2014. BIM et maquette numérique, Paris, Eyrolles/CSTB. 620p. ZIMMERMAN Alex, 2006. Guide sur le processus de conception intégré, Canada, SCHL/CMHC (Société Canadienne d’Hypothèques et de Logement). 18p. GRIDD et CERACQ, 23 juin 2015 (version 2). Processus de conception intégrée (PCI) – L’efficacité énergétique des bâtiments & réduction des impacts sur l’environnement, ETS Montréal, Québec. 60p. SYNTEC Ingénierie, 9 mai 2014. BIM / Maquette numérique, contenu et niveaux de développement, Paris, Le Moniteur, coll. Cahier pratique n°5763. 42p. BIM France, 21 mars 2014. BIM (building information modeling), Paris, Le Moniteur, coll. Cahier pratique n°5756. 34p. MARROCQ Adrien, 2015. Intégration du Building Information Modeling au sein du Service National d’Ingénierie Aéroportuaire : étude organisationnelle et managériale du changement, TFE, Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat, Vaulx-en-Velin. 87p. DE BOISSIEU Aurélie et GUENA François, 01/02/2012. Grasshopper et la programmation sur Rhinoceros 4 : une introduction, DNArchi, (http://dnarchi.fr/outils/grasshopper­et­la­programmation­sur­rhinoceros­4­uneintroduction/). 5p. une fois imprimé. DE BOISSIEU Aurélie, 16/05/2012. Quid des impacts du numérique sur la recherche universitaire ?, DNArchi, (http:// dnarchi.fr/pedagogie/quid­desimpacts­du­numerique­sur­la­recherche­universitaire/). 4p. une fois imprimé. DE BOISSIEU Aurélie, 14/11/2012. Numérique et architecture : quelles hybridations des pratiques ?, DNArchi, (http:// dnarchi.fr/pratiques/le­numeriqueen­agence­darchitecture­quelles­hybridations­des­pratiques/). 4p. une fois imprimé.

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ICONOGRAPHIE : Page de couverture : http://www.rhino3dportugal.com/site/wp-content/uploads/2012/10/Background-Grasshopper. jpg Vue générale Museo Soumaya : http://www.archdaily.com/452226/museo-soumaya-fr-ee-fernando-romero-enterprise/52954234e8e44ed12600001a-museo-soumaya-fr-ee-fernando-romero-enterprise-photo Soumaya : Optimisation géométrique : étude sur la géométrie de la façade, permettant de regrouper des panneaux de dimensions communes en familles et ainsi de réduire les coûts lors de la production. http://www.gehrytech.com/en/ projects/12/ CCTV concept : http://projets-architecte-urbanisme.fr/centre-culturel-touristique-vin-bordeaux/ CCTV vue globale : http://www.actuarchi.com/2011/06/centre-culturel-touristique-vin-bordeaux-x-tu/#prettyPhoto Canopée des Halles vue de la modélisation GHX : http://decodebim.com/wp-content/uploads/2015/05/DECODEBIM-SERVICES.pdf Canopée des Halles, vue globale : http://www.parisleshalles.fr/le-projet/la-canopee-0027

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