La Russie d'Aujourd'hui

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

Loisirs

Promenade insolite Un itinéraire d’une heure pour explorer les mythes et légendes de la capitale russe

PHOEBE TAPLIN LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Commençons par la sinistreVladimirovka, cette route empruntée par les convois de déportés enchaînés, envoyés par milliers vers les camps de travaux forcés sibériens. Plus loin, la Solianka s’appelle ainsi car jusqu’en 1733 elle abritait « La cour au sel » (1), où le sel était purifié et vendu. En face de l’église, le portail de l’ancienne Maison d’éducation impériale (2), aux colonnes décorées de figures mythologiques. Catherine II avait donné 100 000 roubles pour la construction de ce qui devint la première école de ballet de Russie. Au bout de la rue, s’ouvre une vue magnifique sur l’une des sept tours dites « sœurs de Staline » (3). Au beau milieu du quartier reconstruit dans les années 30, se

dissimule un hôtel particulier datant du XVIIIème siècle. À partir de 1812, cette résidence a appartenu au général Khitrov, qui donna son nom à l’ensemble du quartier, Khitrovka. À l’angle, dans la ruelle Podkolokolny, se trouvait le marché Khitrov (4), synonyme de pauvreté et de criminalité au XIXème. C’est ici que Stanislavski envoyait ses comédiens s’imprégner de l’atmosphère glauque qu’ils devaient recréer pour la pièce de Gogol Les bas-fonds. L’église Saint-Valdimir-auxJardins-Anciens et le couvent Ivanovski (5), qui se trouve en face furent construit au XVIème siècle par la femme du tsar Vassili III pour célébrer la naissance du tsar Ivan-le-Terrible. Avec le temps, le couvent se transforma en prison pour aristocrates comme la princesse Tarakanova (fille illégitime de l’impératrice Elizabeth et de son favori cosaque) ou bien la comtesse Daria Saltykova, accusée d’avoir torturé et tué 138 de ses serfs. Par-dessus le toit de la Var-

LORI/LEGION MEDIA (4)

Une maison abritant une chapelle cachée, le couvent dans lequel étaient recluses une tsarine usurpatrice et une propriétaire sanguinaire : deux des multiples étapes proposées.

NATALIA MIKHAYLENKO

Comment pénétrer les secrets bien gardés de Moscou

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varka, on voit le Kremlin (6). Petit détour dans le métro à la station Kitaï-gorod pour déceler les traces du « Métro-2 », ce métro secret construit par Staline. Au sortir de la station Barrikadnaïa, s’élève le gratte-ciel Koudrinskaïa (7) construit par les prisonniers du Goulag. La légende veut qu’un des prisonniers fut emmuré vivant dans le béton sur les ordres du gardien pendant la construction de l’édifice. De l’autre côté du périphérique se trouve la maison de Tchékhov (8), l’écriteau de l’époque « Doc-

teur A.P. Tchékhov » y figure encore. La première maison de la rue Malaïa Nikitskaïa, actuelle ambassade de Tunisie (9), appartenait auparavant au chef du KGB stalinien Béria. La légende veut que dans la cour furent découverts les corps de jeunes femmes assassinées sur ses ordres. Laissons les mauvais souvenirs derrière et continuons jusqu’à la maison-musée de Gorki (10) au bout de cette même rue. Cet édifice surprenant rend hommage à trois personnalités

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11 à la fois : l’architecte Chekhtel, qui a aménagé tout le premier étage en s’inspirant des fonds marins, a créé « l’escalier qui fond », des sculptures impressionnantes qui mènent à une lampe-méduse et la colonne aux lézards argentés ; le marchand Riabouchinsky, pour qui a été construite cette maison et la chapelle secrète à l’étage du dessus ; et bien sûr à l’écrivain Maxime Gorki, qui y a passé (malgré lui) les six dernières années de sa vie. Plus loin, la résidence des Morozov, véritable monument go-

thique avec ses tourelles et ses gargouilles, évoquant des dragons. Nous débouchons ensuite sur l’étang du Patriarche (11). Au Moyen-âge, cet endroit était considéré comme maudit mais sur ordre du Patriarche Iov, les marais furent asséchés et des étangs creusés pour y faire des élevages de poissons. L’action du premier chapitre du roman de Boulgakov, Maître et Marguerite, où apparaît le Diable, se déroule précisément ici. La Maison de Boulgakov (12) se trouve d’ailleurs juste au coin.

Histoire Le Musée juif et Centre de la tolérance de Moscou a été inauguré début novembre par le président israélien Shimon Peres

Œuvre de mémoire, message d’ouverture EMMANUEL GRYNSZPAN LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

À l’invitation de Vladimir Poutine, Shimon Peres a présidé à l’ouverture du nouveau musée juif qui occupe les 8 500 m2 du « Garage Bakhmetievski », un bâtiment constructiviste de 1927. La Fédération des communautés juives de Russie, qui est propriétaire des murs depuis 2001, caressait depuis dix ans le projet d’y ouvrir un musée, ce qui est devenu possible après de longs travaux de recherche et la levée de 50 millions de dollars auprès de donateurs privés. Le résultat est remarquable. Par sa conception, par la richesse

de sa collection et par l’émotion qu’il suscite, ce musée se hisse dès son ouverture parmi les lieux incontournables à visiter dans la capitale russe. « Nous avons pensé le musée comme un parcours chronologique sur deux axes amenant tous deux à la Seconde Guerre mondiale », explique Ralph Appelbaum, concepteur du projet. « Nous avons peu d’objets originaux à part le tank T-34 qui a libéré l’Europe, mais nous avons concentré nos efforts sur la collecte et la création de films documentaires ». L’agencement savant des éclairages attire l’attention du visiteur sur de vastes photographies murales, sur des sculptures et objets anciens décrivant la vie des Juifs, depuis les shtetls (village à population majoritairement juive) du VIIIème siècle, dans la « zone de résidence » où

Le musée s’est installé dans les murs d’un bâtiment constructiviste.

les Juifs étaient cantonnés par le pouvoir tsariste, jusqu’aux grandes villes du XXème siècle. Le parcours démarre par la projection d’un film de 10 minutes, « Le commencement », qui emmène jusqu’au début de la Diaspora. Au sortir de la salle de projection, on tombe sur une vaste « carte de l’émigration » sphérique illustrant l’éparpillement géographique singulier des Hébreux. Des maquettes grandeur nature, avec hologrammes, vidéos, sculptures, reconstituent les intérieurs des foyers juifs dans les shtetls. Puis l’exode vers les villes à la fin du XIXème, retracé avec l’exemple d’Odessa, ville ouverte, où l’on peut s’asseoir à la table de l’écrivain et dramaturge Cholem Aleikhem (et à celle d’autres personnalités juives locales). Ralph Appelbaum s’assied en face de l’humoriste

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ANIA SHILLER POUR THE VILLAGE

Une impressionnante collection de documents historiques et de films retrace la présence des Juifs sur le territoire russe au cours des deux derniers siècles.

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Aleikhem, pointant du doigt les livres virtuels posés sur la table, tactile comme un iPad. Les livres s’ouvrent comme des menus. « L’histoire n’est pas toujours un sujet passionnant pour les jeunes », explique cet homme, qui est l’un des concepteurs de musées parmi les plus respectés au monde. Le musée juif de Moscou met l’accent sur l’interactivité et l’ouverture vers un public le plus large possible, en particulier vers les jeunes. Cet effort pour se tourner vers les autres marque une volonté de ne pas tomber dans le communautarisme ou le sectarisme, un préjugé dont le peuple juif est souvent la victime. Ce n’est clairement pas un musée « fait par des Juifs et pour des Juifs », mais un lieu destiné à améliorer l’image des Juifs auprès de la population russe.

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