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AU MUSEE PAUL VALERY À SÈTE Donation Jacques Clauzel
Ladonation Jacques Clauzel au musée Paul Valéry est constituée de vingt grandes toiles, verticales, de format bien au-delà de l’humain, car l’œuvre est toujours au-delà de l’être qui la produit Dans un but didactique, elle est accompagnée de 27 petites pièces per mettant de comprendre le parcours de cet artiste, reconnu également pour son travail de photographe et pour ses éditions de livres d’artistes
Résumer plusieurs décennies de production intense n ’est guère aisé Tentons toutefois d’y voir plus clair, dans cette œuvre exigeante et qui fait se succéder des séries très structurées et qui ne rechignent pas à recourir à la rigueur du pli On peut décomposer le travail de Jacques Clauzel en trois étapes L’une où il intervient à travers le protocole qu’il a mis en place depuis bon nombre d’années et qui lui fait choisir le kraft comme support d’élection, pour son humilité, pour sa couleur, sa maniabilité, sa plasticité, sans doute aussi parce que le papier se prête davantage à l‘écriture que la toile
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La sur face, travaillée à l’horizontale, en est systématiquement subdivisée de façon à obtenir une trame structurelle, un peu à la manière du papier millimétré, la géométrie signifiant la rigueur que l’artiste entend imposer à son travail, et par là même sa prise de pouvoir sur un territoire délimité
Par ailleurs, considérant que le monde grouille de bruit, de couleurs et d’images, voire de contrastes violents, manichéens et réducteurs, Jacques Clauzel a restreint sa gamme au noir et au blanc, auquel s ’ajoute, bien sûr, la couleur sous-jacente du kraft A partir de ce protocole de base, de ces fondations, et partant au fil des jours d’un découpage de la sur face prédéter miné, dans une deuxième étape, Clauzel laisse en quelque sorte la peinture s ’autoproduire jusqu’à induire l’effet final
Il pulvérise la couleur, de façon à neutraliser l’intervention humaine et à laisser faire le hasard, jusqu’à obtenir un masquage après lequel la lisibilité ne serait plus possible C’est en ce sens qu’il procède par effacement ou voilage, par caches successifs Effacement de sa personne au bénéfice du travail que la peinture lui dicte, un peu comme un écrivain se laisse guider par la logique inter ne à son histoire Et masquage par successions de couches, par voiles successifs, car Clauzel souhaiterait demeurer dans la légèreté Il y a ainsi toute une partie centrale, dans son travail, qui laisse libre cours à l’aléatoire, aux inversions de valeurs et d’effets de brillance ou de matité, de recherche de la nuance et naturellement de la lumière mais qui, contenue dans la prosodie sous-jacente, ne franchit jamais les limites d’une certaine sobriété, se coule en quelque sorte dans le creuset qu ’ on lui a confectionné au préalable De ce point de vue, Clauzel agit tel un poète qui s’imposerait des contraintes, et surtout des mar ges de silence, et laisserait les mots se mêler librement, afin d’obtenir des effets inattendus
Dans un troisième temps, la sur face est redressée, puis tendue ou non sur châssis, elle échappe à la fois à l’artiste et à la peinture qu’il parvient à orchestrer, et c ’est le regard de l’autre, du spectateur et en révèle ou relève le sens Un espace de silence, propice à la méditation, mais non à l’inaction
La peinture de Clauzel réclame un va-et-vient de l’éloignement vers la proximité et vice-versa, car ce que l’on apprécie de loin cache en fait bien des subtilités qui s ’ appréhendent au mieux de près Des épiphanies affleurent en sur face, qu’il s ’agisse de nuages aux for mes indécises, de subtiles échancrures et, en règle générale, d’apparition de nuances inattendues si l’on considère l’économie de moyens pratiquée par le peintre, de rouge, de bleu, de brun
De l’horizontale à la verticale l’œuvre, ayant subi l’épreuve des choix qui ont présidé à son élaboration, puis sa maturation particulière, a acquis sa dimension humaine, artistique et spirituelle, avec la lumière comme dénominateur commun à toutes les toiles C’est une impression de neutralité qui domine et fait que chacun peut se réfléchir en elle comme dans un miroir grâce auquel se retrouver Il reste à souligner l’extrême richesse de la production de Clauzel qui recherche des variations sur thème à la manière d’un musicien, et des modulations infinitésimales dans les nuances qui font sens BTN
Jusqu’au 25 janvier, musée Paul Valéry - 148, rue F. Desnoyer à Sète.
Tél 04 99 09 76 16
L’expohiver nale du MIAM nous plonge dans un univers où l’accumulation d’images est de mise
En fait, on pourrait penser que l’on se trouve dans une rue surpeuplée, dans un quartier mar ginal d’une grande métropole japonaise
Dès lors, l’on se sent comme étouffé par les multiples sollicitations iconiques que cette ville imaginaire propose et l’on se dit que le MIAM préfigure, en modèle réduit, les conditions de vie de bien des mégapoles

Ce dont n ’ont pas forcément idée les provinciaux sédentaires que nous sommes, y compris du côté du port de Sète où l’Extrême-Orient pourtant fascine artistes et galeristes
Côté œuvres, il est difficile de se repérer, un chat n ’ y retrouverait pas ses petits, mais il arrive au fond dans cet espace réduit ce qu’il nous arrive d’éprouver fréquemment dans la vie : à savoir que c ’est dans les foules que l’on rencontre l’être unique, ou le réseau social qui marquera note existence
De même, au MIAM, par mi des images innombrables de monstres, de créatures issues de mangas, de héros de BD, de scènes ouvertement por nos ou scatologiques - le collage qui emballe, l’installation qui sidère, le tableau qui séduit Heta-Huma, c ’est un peu tout ça : du « mal fait, bien fait » pour parodier la démarche d’un Fluxus de notre région (Filliou). Ou du « Pop art brut » - on appréciera l’oxymore En fait, nous sommes habitués à associer un nom à une œuvre ; la première chose que font les profanes, et certains spécialistes, c ’est de regarder le nom de l’artiste et le titre de l’œuvre sur le cartel Pour cette nou- velle démonstration d’art modeste, en l’occurrence au pays du soleil levant, la situation se complique avec les noms qui ne nous disent pas forcément grand chose C’est qu’il ne faut pas aborder une expo du MIAM comme on aborde une expo habituelle C’est plus l’esprit du projet qui importe, que les lettres d’un nom que l’on aura vite oublié - à moins de se décréter spécialiste ou amateur passionné du genre Le mieux est donc de se laisser porter, de glisser sur ce qui nous agace ou nous rebute, à la recherche de la rencontre : tel dessin chevelu d’Hanawa Masayochi, la fresque, grotesque et obscène des jumelles du duo Hamadaraka, les grandes compositions du maître du genre, Yumura Teruhiko Tout cela, par mi des installations qui ouvrent des perspectives intimistes, où le bruit s ’exprime en toute liberté, où la surchar ge est de mise, au fond tout comme dans nos sociétés de surconsommation générale, et plus précisément d’images Avec le sexe et la violence comme point de mire, et l’horreur refoulée dans toute son ampleur
Au demeurant, tous les supports sont sollicités : de la vidéo, d’ailleurs assez psychédélique ; des monstres lourds et avachis ; de la 3D ; du tatouage ; des adolescentes mutilées ou au masque trompeur ; une fresque immense à l’entrée ; des jouets dont ceux de PicoPico, qui ressemblent d’ailleurs à ceux de Di Rosa ; des tissus suspendues des toiles libres Et trois générations de graphistes under ground
Parallèlement à ces quarante ans d’avant-garde, graphique et nipponne, le Miam expose les artistes du « Der nier Cri » , fédérés par Pokito Bolino Les œuvres japonaises et européennes se conjuguent ou se succèdent d’ailleurs avec subtilité donnant une impression de cohérence d’ensemble
La suite à voir à Marseille, du côté du Cartel de la Friche de la Belle de mai
Jusqu’au 1er mars, MIAM - 23, Quai Maréchal de Lattre de Tassigny à Sète.
Tél. 04 99 04 76 44. www.miam.or g