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LA PLUS « ARCHIPELIQUE » L’Archipel au CRAC L.-R.
Commeon parle de parole en archipel dans la poésie du XXème siècle, on peut effectivement se revendiquer de ce concept dans les parcours plastique proposé au CRAC, ce havre créatif, au cœur du port de Sète C’est une sorte de périple qu ’offre l’expo actuelle du CRAC or ganisée par Noëlle T issier, directrice du lieu, et Jonathan Chauveau, lequel gère un projet de librairie itinérante dont le CRAC est la première étape, où il présente sa somptueuse revue, Frog Ainsi, les diverses salles de rez-dechaussée présentent-elles des déclinaisons ponctuelles, non guidées par un élément fédérateur qui les réunirait un peu artificiellement Même s’il n ’est pas interdit au hasard de faire bien les choses, et donc d’établir des passerelles, thématiques ou matérielles, entre les œuvres des uns et celles des autres (la pantomime d’Ortega avec les dessins de danse de Valérie Duchêné, par ex). Rien ne nous interdit, en tout cas, de dessiner mentalement notre propre parcours plutôt que celui déter miné par nos pas et orienté par la succession des salles et des œuvres Ainsi, Antoine Espinasseau, salle 6, avec son « Architecture simple : l’abri » , pourrait-il mettre en abîme le projet d’ensemble avec ses multiples gouttes d’eau en polyuréthane bleu, dispersées sur le sol, en archipel donc, soit de manière aléatoire, soit de manière géométrique autour d’un seau tel qu ’ on en met en cas de fuite sous les toits Trois « wall drawing » retiennent forcément l’attention : D’abord, les deux Aspirations à l’acrylique de Valérie Duchêné, salle 3, accompagnées d’une lecture d’Arlette Far ge, et qui s’inspirent d’archives prérévolutionnaires empruntées au milieu carcéral Valérie Duchêné les conçoit empilées, en for mes géométriques et couleurs Leur taille submer ge même si elles semblent flotter sur le mur sombre, à la manière d’un ovni certes identifiable mais abstrait de toute référence graphique Ensuite, la fresque murale de Florian Viel nous attend près de l’accueil, salle 7, et ter mine la visite, à moins qu ’elle ne l’inaugure : il s ’agit de variation de sur le profil d’un toucan, oiseau exotique dont le bec est une véritable œuvre d’art Les jeux de couleurs contrastées et de for me éclatée sont poussés jusqu’au gigantisme, l’ensemble fonctionnant comme une installation plus tropi-cool que tropicale - la série précédente, ainsi qu ’ on peut le constater dans une gravure adamique s’intéressant aux vertus plastiques et suggestives de l’ananas Le troisième, dès la salle 1, signé d’un duo féminin, Hippolyte Hentgen, déployant de manière régulière, une sorte de fresque divisée en sections et présentant un certain nombre de signes épurés, « Tantôt rose Tantôt bleu » , dont les artistes elles-mêmes au travail Le duo a aussi étendu une série de 11 tentures, à voir tantôt recto, tantôt verso, sur lesquelles sont cousus des tondo imprimés, où se combinent des images figuratives en diptyques, noir et blanc, populaires ou plus savantes
L’installation occupe le volume impressionnant de la salle initiale et semble protéger le travail de leur invitée, l’américaine Laura Porter, Heureusement les tomates, à la fois très subtil et intrigant par la quantité d’éléments qu’il sollicite (racines végétales, tapis d’ongles, verre en hommage à Duchamp, jeux d’ombres, haricots, matériel médical ) On peut ainsi se raconter bien des histoires en fonction de sa propre expérience ou de sa culture et, ici encore, on peut se demander si l’œuvre ellemême ne fait pas appel à un archipel de propositions Dans la salle contiguë, deux carrés en carton grillagé d’Ortega four nissent des injonctions contradictoires, de commenter ou de ne pas commenter les œuvres Salle 4, le même Ortega, invité de François Curlet, projette une œuvre envoutante et, au bout du compte, politique : un mime tour ne autour d’une for me cubique et adopte diverses attitudes avant que nous ne comprenions que ce cube est une ur ne dont on attend le résultat - Ortega est catalan Dans le couloir, près de là, Valérie Duchêné défriche des images assez perverses d’avant la Révolution et en tire des lithographies éloquentes A l’étage, l’ensemble des artistes décline d’autres propositions, et met l’accent sur tels aspect de sa production, Laura Porter se taillant la part du lion avec, outre ses dessins préparatoires, une installation encore plus complexe qu ’ en rez-de-chaussée A noter aussi une composition murale d’escaliers photographiés en miroir d’Antoine Espinasseau, un bec de toucan reconstitué en résine peinte de Florian Viel L’une des expos les plus fascinantes que l’on ait pu voir au Crac, car elle amène à se poser bon nombre de questions, prouve que la peinture a encore son mot à dire, à condition de savoir se renouveler (magnifiques « Spray sur cuivre » de François Curlet, avec d’infimes variations for melles, Curlet qui nous accueille avec un amusant Empathie pour le débile, en « led pannel » électrique recensant les plus mauvaises notes de l’Eurovision en chansons), et nous donne l’impression de résister un peu à notre désir vorace de tout assimiler tout de go qui caractérise notre temps Il est des archipels où il faut prendre son temps En « glissant » doucement d’une salle l’autre BTN Jusqu’au 11 janvier, CRAC L-R - 26, quai Aspirant Herber à Sète Tél. 04 67 74 94 37.
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Une fois n ’est pas coutume, la Galerie ISBA invite une personnalité attachante, ayant eu des affinités très profondes avec le Roussillon, en la personne du peintre Marc Janson, honoré en son temps par Roland Barthes ou André Pieyre de Mandiar gues Autant qu ’ un artiste qui aura séjour né « dans le vent catalan » , et notamment à Collioure ou Céret, Marc Jonson aura été un témoin et un acteur de son temps, notamment du côté du Musée de Céret Sa peinture, alors que l’on sent bien un frémissement du côté de ce parent pauvre si malmené voire ignoré par les décideurs en fonction (ô St Marcel, que de crimes n ’aura-t-on commis au nom de ton renoncement !), aura, semble-t-il épousé les deux grandes tendances de son temps : l’art abstrait, mais tendance Nicolas de Staël, en plus torride, dont on sait combien il préservait les silhouettes et les figures, et le surréalisme, plutôt celui de Er nst dans ses effets lumineux, de Dali dans sa « paysagéité » (nor mal, en Catalogne, et tout près de Perpignan !), des plus tardifs tel Hérold et ses chapelets végétaux de for mes bizarres ou le premier Hantaï Plus les for mes étranges, le « merveilleux » façon Moreau, la découverte d’un monde enchanté sans mièvrerie ni fausse naïveté, plus « fantastiquement familier » (pour parler comme le poète) que les collages, jeux de mots et autres détour nements d’images Les tableaux de Marc Janson se présentent donc sous la for me d’un espace profond, plus ou moins sombre, qu’il s ’agit de remplir Des toiles d’araignées qui s ’entremêlent tant qu ’elles font penser à un feu d’artifice D’étranges créatures qui s ’agglutinent et viennent dès lors serpenter à la sur face, se livrant à une danse frénétique, peut-être sous l’effet du vent catalan Certaines sont plus ou moins reconnaissables, empruntant au minéral, au végétal, à l’animal ou s ’ en rapprochant D’autres sont plus indécises, for mant comme des joyaux lumineux, per mis par les effets de matière Le tout dans une atmosphère de légèreté, malgré la volonté de faire le plein de sollicitations à l’attention du visiteur, dont on espère qu’il s ’enchantera au contact de ce monde énigmatique et comme situé hors de notre temps Il y manque en effet la présence humaine, que notre regard vient y ajouter Un regard qui replonge dans les eaux si riches de l’enfance, quand on sait prendre son temps pour les observer de près, avec le geste lent des nageurs abyssaux Certains tableaux, plus abstraits, tourbillonnent autour d’un centre absent, à force de gestes puissants mais jamais agressifs Marc Janson est avant tout un enchanteur, et d’ailleurs il en a atteint l’âge vénérable, ce qui ne l’empêche pas de conserver sa fraîcheur BTN Jusqu’au 30 janvier, ISBA - 19, rue des Palmiers à Perpignan Tél 04 68 59 11 18

PROGRAMMATION EXPOS 2015 n Du 23 janvier au 5 avril 2015
Exposition Valerio ADAMI n Du 10 avril au 31 mai 2015
Deux expositions : « Recto-verso » de Francesca CARUANA
« Collection Collective ACMCM » n Du 2 au 19 Juin 2015
Exposition des écoles et collèges de Perpignan et du Département n Du 26 juin au 27 septembre 2015
Exposition collective :
« Who’s afraid of picture(s) ? »
Le peintre et l’image, une liaison scandaleuse
Gilles BALMET / Marcos CARRASQUER / Marc DESGRAND-
CHAMPS/ Léo DOFNER / ERRÒ / Her vé IC / Oda JAUNE / Kosta
KULUNDZIC / David LEFÈBVRE / Frédéric LÉGLISE / Thomas
LÉVY-LASNE / Tiabing LI / Simon PASIEKA / Stéphane
PENCREAC'H / NazaNin POUYANDEH / Johann RIVAT / Lionel
SABATTÉ / Davor VRANKIC / Duncan WYLIE / Lamia ZIADÉ n Du 9 octobre au 20 décembre 2015
Exposition collective : « Het nieuwe verhaal » (Une nouvelle histoire)
Pat ANDREA / Hassim HADJIZADEH / Axel PAHLAVI / Simon PASIEKA / Jean Philippe PATY / Nazanin POUYANDEH / Léopold
/ Till RABUS / Brann RENAUD /Jérôme ZONDER du 2 au 1 7 mai 20 15
Cave des Ducs de Castries à Colombiers (7 km de Béziers)
Appel Candidatures
Plus de 3000 euros de prix 50 artistes sélectionnés seulement
Renseignement :
Les expositions au musée Fabre
Après l’exposition-événement de Claude Viallat, le musée Fabre de Montpellier Agglomération met particulièrement en valeur ses collections per manentes
Pour célébrer le 30ème anniversaire de la mort de Jean Hugo, arrière-petit-fils du poète, en 1984, le musée valorise jusqu’au 1er février son fonds dédié à l’artiste qui est devenu, au fil des années, un des plus importants au monde après la célèbre collection du docteur Bar nes à Philadelphie Jusqu’au 22 février, dans l’atrium Richier sont également déployées les immenses toiles libres d’Albert Ayme (1920-2012) entrées dans les collections en 2007 ; une façon de prolonger dans ce même espace l’accrochage des bâches de Viallat cet été Jusqu’au 22 février toujours, les galeries contemporaines accueillent la 2ème édition du Prix Félix Sabatier en association avec la Fondation Typhaine et cinq écoles supérieures des Beaux-Arts du Sud de la France
Destiné à soutenir la jeune création plastique qui s’épanouit dans les écoles d’art, ce prix distingue les œuvres d’étudiants diplômés des écoles partenaires selon le vote d’un jury de professionnels du monde de l’art
Pour cette seconde édition, le musée ouvre ses portes à Gaëlle Choisne, Laura Haby, et Mélanie Lefebvre, les trois lauréates
Enfin, jusqu’au 4 janvier et à l’occasion du Montpellier In Game (MIG), salon inter national annuel du jeu vidéo, le musée Fabre poursuit, cet hiver, son exploration du travail artistique des game designers avec Art numérique et Jeux Vidéos (voir encadré ci-contre)
A découvrir au musée Fabre - 39, Boulevar d Bonne nouvelle à Montpellier.
Tél 04 67 14 83 00 www museefabre fr
AU MUSÉE D’ART MODERNE DE COLLIOURE
Julien Descossy

On a souvent souligné la relation privilégiée que le port de Collioure a entretenue avec les grands peintres du siècle der nier, les grands comme les petits, inspirés par le char me du lieu Le musée de Collioure cherche avant tout à concilier le regard du grand public avec les exigences d’artistes prêts à prendre des risques C’est notamment le cas de Julien Descossy qui, en résidence à la villa Pams (et déjà présenté Galerie Oms, à Céret), s ’est appliqué à en écumer les spécificités
C’est ce dont rend compte cette exposition tripartite puisqu’un ensemble est consacré à des vues paysagistes du port, une série à des objets ou des détails qui le caractérisent, barques et rochers par exemple, une dernière aux humains et à leurs rites
Toutefois Descossy ne traite pas ses éléments de façon réaliste On s ’ en rend compte dans son obstination à décontextualiser son sujet Les baigneuses par exemple sont isolées de leur environnement qui disparaît dans le vague de la peinture comme matière Cette der nière devient cet « écran total » qu’évoque le titre de l’exposition et qui nous éloigne des images glacées, en couverture de magazine

La peinture prend son temps pour attribuer aux modèles non consentants, et non rétribués, une nouvelle existence qui les fait passer de l’éphémère à la pérennité
Ainsi un instant, un geste, une attitude ponctuelle nous donnent-ils des par fums d’éter nité C’est l’essence de la silhouette qui importe au peintre, non l’anecdote dont il pourrait s ’avérer le protagoniste Il en est de même pour les barques, prélevées du réel pour leur valeur plastique, leur propension à se nourrir de couleurs, leur propriété poétique également
Ainsi l’objet de travail des uns devient objet de travail de l’autre et, en der nière
Jeux vidéo et art numérique
Récemment auréolée du label French Tech qui doit dynamiser les initiatives favorisant le développement du numérique, Montpellier n ’ a pas attendu pour s ’ engager dans cette voie Entre les événements et l’accompagnement des startups, la ville est à la pointe Art et numérique sont intimement liés L’exposition Jeux Vidéo et art numérique saison 2 au Musée Fabre qui a commencé en novembre pendant Montpellier in Game, s’inscrit dans cette dynamique forte Il s ’agit d’un accrochage inédit de 39 artworks, sur le mur du hall Buren, une sélection par un jury de spécialistes, par mi les 140 propositions reçus Toutes les thématiques de cet art (le 10 ème ?) sont représentées : architecture, nature, personnages, abstractions, humour, fantastique Paradoxalement, ces œuvres virtuelles présentées sur châssis deviennent matérielles Les amateurs reconnaitront La Granny Rags du jeu Dishonored, le Paris tentaculaire et futuriste de Remember me ou la création de la société montpelliéraine IMAIOS, Anatomy Ninja
Une exposition accessible à tous, gratuitement jusqu’au 4 janvier instance, projet de divertissement, invitation sinon au voyage, du moins à la promenade pour tous Les non-professionnels accèdent aussi au royaume de l’art par la grâce des yeux Les rochers, aux for mes imprécises, n’échappent pas aux flâneries prospectives du peintre qui les traite en objets, les dompte en des petits for mats, les enveloppe dans une atmosphère indécise, comme s’ils se faisaient oniriques
Au fond Julien Descossy nous ouvre les portes d’ivoire (d’y voir) d’un autre monde, d’un Collioure qui échapperait aux appauvrissements du regard touristique pour accéder à une autre vie C’est d’autant plus net sur les paysages, perçus depuis la mer notamment, où l’on a l’impression que le port se dilue dans la brume et arbore un autre visage que le simple lieu de transit de quelques estivants assoiffés de soleil Et c ’est sans doute l’un des intérêts de cette peinture, peut-être de la peinture en général, que de nous amener à prendre du temps pour voir les choses, les êtres et le monde autrement Autrement dit à « donner à voir » ou mieux à « revoir » , à réviser et donner de l’étoffe à ces choses vues, le plus souvent à l’emporte-pièce Des peintures inspirées de la procession de la Sanch et une grande vitrine ouverte aux dessins complètent ce zoom sur la ville : du port dans son ensemble à ses gros plans sur les rochers, de ses visions de grandes barques à ses baigneuses vues de près, dans leur éclatante posture. Sans parler des parasols qui changent d’identité, et passent de leur fonction usuelle à un concert de rythmes, éclats de for mes et de couleurs
Jusqu’au 15 mars, Villa Pams, Musée d’Art Moder ne - Route de Port Vendres à Collioure. Tél. 06 84 15 06 48.