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Stéphanie Majoral à la Galerie Iconoscope

On ne dit pas assez le rôle joué par la galerie Iconoscope au sein de notre ville Comme Medamothi ou Errata (+ Christian Laune) dans les années 80, elle présente systématiquement, depuis plus de vingt ans des artistes connus (Pensons au « vénitien » Céleste Boursier-Mougenot, à l’islandais Ar ni Sigurdur Sigurdsson, annoncé au printemps), ou en devenir (Nina Childress, Clara Fanise), par fois issus de notre région (Alexandre Giroux, Jean-Adrien Arzilier) aimant se confronter à l’espace plastique, disons à l’architecture d’un lieu. Elle se compose d’une pièce aux contours irréguliers, visible depuis l’extérieur à travers la vitrine ; et d’un endroit plus réduit, plus régulier derrière une cloison, propice à des rapports plus intimes avec une vidéo, du son, des documents, la matérialité du support. Stéphanie Majoral s ’est donc approprié cet espace en réalisant des œuvres temporaires, par faitement adaptées à lui

En fait, son exposition pourrait se diviser en trois grandes parties : d’abord une réflexion sur le cadre d’une image. C’est le cas de ce grand paysage vertical dont ne nous est donnée à voir, en photocopie géante, démesurément agrandie aux dimensions de la pièce, que la périphérie Un angle du mur la juxtapose à trois paysages horizontaux plus modestes, conçus selon le même principe, à partir d’images empruntées à la réalité ou à celle du Net, peu importe au fond, il s ’agit en tout cas de prises de vue esthétiques En se focalisant sur le cadre et en laissant le centre vacant, Stéphanie

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Majoral inverse les codes habituels de la lecture d’image, rend à l’espace du mur habituellement occulté sa plasticité et son pouvoir d’animation, invite le spectateur à prolonger mentalement ou à se raconter sa propre histoire

Ensuite, deux « fenêtres » , comme pour ouvrir ce mur justement, présentées selon les principes d’une pixellisation savamment orchestrée On sait que le tableau est habituellement conçu comme une fenêtre, Stéphanie Majoral s’inscrit donc dans une tradition Dans un cas, il s ’agit sûrement d’un paysage, de l’autre du mur et du toit d’un proche voisinage Le contour est noir ou gris, le centre plus enclin à la couleur On pense tout de go à une impression numérique mais il faut aller y voir de plus près, la vision se modifiant selon la distance On s ’aperçoit alors que chaque pixel, de quelques centimètres pour conserver une dimension humaine, a été repris au crayon, de façon minutieuse et lente

Ainsi, non seulement la peinture ou le dessin, en ce qu’ils ont de manuel intègrent et dépassent les techniques numériques les plus emblématiques, mais le manuel réintroduit un facteur temporel que l’artiste espère faire partager au regardeur Le tableau redevient espace de méditation qu’il faut prendre le temps d’apprécier dans ses nuances

Dans un troisième tableau, visible de l’extérieur, Stéphanie Majoral mêle les deux expériences puisqu’il s ’agit du contour d’un visage, dans lequel effectivement projeter tous ceux qui nous viennent à l’esprit

A l’heure où chacun rêve à son moment de gloire, une fois dans sa vie, l’absence d’image crée une frustration qui nous pousse à imaginer et à nous interroger sur son besoin et son pléthore

Enfin, dans la salle plus intimiste de la galerie, Stéphanie Majoral a multiplié les flocons de neige en polystyrène, grand for mat, émer geant du mur dans leur blancheur immaculée, for mant comme une sorte nouvelle de décor en relief, tandis que sa voix fredonne quelques chansonnettes La surprise naît de la disproportion de ces images découpées dans la matière et qui nous plongent dans une sorte de cellule, où observer la réalité de près, les choses simples qui nous attendent à l’extérieur et qui prennent pour qui en est privé, des proportions démesurées

Lenombre grandissant de galeries à se consacrer à la photographie montre à quel point cette der nière a pris du galon par rapport aux activités artistiques traditionnelles (sans parler des associations comme Negpos, toujours sur la brèche à Nîmes, ou naturellement Le Lac Gelé)

La Galerie Gabrielli est de celles-là, à quelques encablures du Pavillon Populaire, sur l’Esplanade de Montpellier Guillaume Martial fait partie de ces artistes dont la démarche, plasticienne et conceptuelle, a toutes les raisons de séduire à la fois les amateurs d’images impeccables telles que le 8ème art sait les produire, au vu des progrès techniques qu’il a réalisés, mais également à ceux qui demandent à la photo un peu plus qu ’ une représentation fidèle, ou valorisante, de la réalité Ce jeune homme de 28 ans pose avant tout la question de l’utilité de certains éléments architecturaux qui traversent notre espace urbain ou périurbain Immanquablement, il l’occupe mais toujours de façon singulière, très souvent amusante, en tout cas de telle sorte qu ’ une signification temporaire leur soit attribuée En fait, tout se passe comme si le territoire repéré n ’attendait que la présence de l’artiste et l’objectif de l’appareil pour justifier son existence Inversement, l’artiste se plie à la spécificité problématique du lieu La moindre saillie lui suggère un mouvement de torsion du corps Un orifice suscite une apparition inattendue soit du visage, soit des membres et leurs extrémités Des sculptures chapeautées invitent à une pose sous parapluie plus ou moins aplati Souvent, à la manière d’un Pelen ou d’un Ramette, on a l’impression que l’artiste se met en danger, sur des modules en béton, au bout d’un escalier donnant sur un plan d’eau, mais c ’est probablement le fruit de notre imagination et d’une illusion d’optique L’univers sportif est particulièrement sollicité, tout comme chez Jacques Tati, parce qu’il se prête, pour qui sait le regarder de près, au comique tacite Trois modules de couleurs, à décliner dans une salle de sport, et le tour est joué ! On remarquera que l’artiste travaille dans la quasi-solitude Sa présence est suffisamment prégnante pour habiter le lieu et c ’est de cette interaction, de l’artiste et du lieu, que naît en troisième ter me, l’œuvre d’art

Guillaume Martial adapte l’angle de vue à l’élément choisi : contre-plongée s’il s ’agit d’en montrer la courbe ascendante, plan d’ensemble s’il s ’agit d’en souligner l’ordonnancement géométrique, qu’il s ’ amuse à souligner ou à contrecarrer Une série de fenêtres en oblique lui inspire une attitude à la Hulot dont l’ombre se met en parallèle avec lesdites ouvertures.

Bref, on a affaire à une photographie intelligente, à prendre au sérieux à force d’être drôle, qui s’intègre au documentaire qu ’elle est censée s’imposer sur les aberrations de notre environnement On ne s ’ y ennuie pas une minute, ni en noir et blanc ni en couleur, ni les deux en même temps On aimerait même en voir plus souvent de cet acabit. De cette photographie-là, on en redemande.

Jusqu’au 10 janvier, Galerie Anne Gabrielli - 33, Avenue François Delmas à Perpignan. Tél. 06 71 28 53 24.

LA PLUS BOITARD, TOUT SIMPLEMENT

Fabien Boitard à la Galerie Myartgoesboom

Vousprenez deux des meilleurs représentants de la peinture actuelle en région, Fabien Boitard et Joris Brantuas Vous associez l’un, à même de s’imposer bien au-delà de notre région par la singularité de sa démarche (En Février à Bruxelles), et l’autre, animé de la volonté de faire sortir les toiles des ateliers de ses confrères entre autres afin de les donner à voir Et vous avez l’occasion de découvrir deux artistes-phares de la génération post- Figuration Libre pour l’un, post Supports-Sur faces et consorts pour l’autre. Fabien Boitard reste fidèle au tableau, même s’il lui est arrivé de donner à ses peintures la for me même de l’objet suggéré : une tente, un géant, une carte météo Plus généralement, on repère assez aisément des figures : un chien qui fait ses besoins, une famille idéale, un coin de nature, une imprimante à couleurs Mais la représentation est volontairement brouillée L’incendie guette, qui met le feu à la forêt Le sympathique écologiste saigne du nez La tente contient en surimpression le château en Espagne, l’inaccessible rêve Boitard ne hait rien autant que la convention, la standardisation, d’où son intérêt pour les pavillons en série, qu’il malmène et triture, ils le méritent bien Il traite l’image en iconoclaste Le tableau est pour lui comme un laboratoire où l’on traiterait la figure pour mieux la restituer selon les réactions passionnelles qu ’elle inspire à l’artiste Pour Boitard il faut détruire avant de recomposer Certains gros plans sur le sexe féminin, sa vision à lui de la création du monde, sont traités avec un tel rendu, un tel modelé que les profanes et timorés n ’ y voient que du feu Il se passe toujours quelque chose dans un tableau de Boitard Les images qu’il explore, et emprunte souvent à la source inépuisable de ressources qu ’est devenue la Toile mise au Net sont passés au crible de son esprit critique mais qui use de moyens plastiques pour s ’exprimer Et notamment ceux qu’il emprunte aux technologies moder nes : surimpressions, pixellisation, flouté, irisation Mais passés au filtre de la peinture, à même de tout englober De plus cette villa temporaire pour Boitard, c ’est promesse de vie, là, à portée de main, à s ’approprier symboliquement En attendant la reconnaissance qui ne peut manquer de venir Du 8 au 31 janvier, Galerie Myartgoesboom - 786 chemin Combe des Oiseaux à Nîmes Tél 06 23 75 37 21

Quant à Joris Brantuas, il est sur cinq fronts en même temps avant sa résidence à Musidora

Après avoir ouvert son atelier nîmois avec Jean Ver nède, rue Emile Jamais, et la Galerie Myartgoesboom, chemin du Mas Baron, où l’on a déjà pu voir Alain Léonési, Charles Vilder, Pascal Fancony

Jusqu’au 12 décembre, la très figurative Dorothée Clauss, qui peint le malaise, l’étrangeté voire la laideur avec minutie, sur fond le plus souvent blanc, ce qui crée un climat troublant, avant Anne Bréguiboul et son corps de balais peints, à partir du 13 décembre, pour 15 jours

Il nous surprend encore du côté de la ville active, 65, avenue Amédée Bollé, en présentant le grand colleur devant l’éter nel qu ’est Yves Reynier, annoncé à partir du dimanche 14, à qui succèdera le jeune Maël Gagneux, artiste très per for mant Joris Brantuas, décidément insatiable, vient d’ouvrir deux lieux en Avignon : 5 rue du blanchissage (Association CASA HAS) avec successivement le sétois François Michaud et sa cabane à oiseaux (Jusqu’au 20 déc) puis l’avignonnaise dessinatrice Mélanie Lemal (à à partir du 20-12)

Et, pour finir, 12, impasse Laure de noves (L’élément orange selon Anne Saligan jusqu’au 14 décembre, puis la coloriste Valérie Wollet, sur toile libre à partir du 14 décembre)

Une activité frénétique qui a le mérite de faire sortir les œuvres des ateliers, de ne pas décourager ceux qui n ’aspirent qu’à les montrer, et de créer des animations per manentes d’artistes en train de prendre le taureau fédérateur par les cor nes plutôt que de sa lamenter seuls dans leur coin

On peut se demander si l’activité d’instigateurs d’exposition ne vient pas s ’ajouter à la pratique picturale de Brantuas, et de ses Happening dans les hauts lieux de la culture et de l’Art Un prolongement du geste de Duchamp en quelque sorte Faire exposer les autres peut se revendiquer telle une décision artistique Ben signe bien les vrais paysages à l’intérieur d’un cadre vacant BTN Divers lieux estampillés Myartgoesboom (créé en 2007).

Tél 06 23 75 37 21

Al’orée des années 80, Scanreigh a fait partie de ses artistes qui ont renouvelé temporairement la scène artistique au même titre que Combas, Blais ou Garouste voire Autard et Albérola Venu de l’horizon stéphanois, il en est à présent à sa quinzième expo personnelle du côté de Nîmes où il enseigne Son trait et son style en général sont par faitement identifiables et il est demeuré fidèle au tableau Pratiquant en outre aussi bien le grand for mat que les petites pièces, il recourt également à l’huile Mais sa singularité tient à sa façon originale de donner à voir, à imaginer, à se raconter des histoires

Rien n ’est tout à fait certain dans la façon dont Scanreigh traite la peinture, avec élégance et discrétion Le for mat nous laisse à penser que nous avons affaire à un paysage, ou à quelque chose qui s ’ en rapprocherait, mais l’abstrait et la figure y cohabitent, se contaminent et, semblent s ’unir dans un langage tiers qu ’ au fond a toujours recherché la peinture moder ne Ainsi les éléments qui nous sont suggérés pourraient-ils être qualifiés de protovégétaux, de néo-animaux ou de quasi anthropomorphiques On pourrait dire la même chose des objets ou des éléments du décor

En fait, un peu comme chez Gauguin, mais de façon beaucoup plus systématique, et en accusant davantage la pratique de l’à plat, Scanreigh divise la sur face en une multitude de zones colorées, non géométriques, qui finissent par donner naissance à une possible narration Du moins le spectateur peut-il chercher à identifier en fonction de ses propres références, son imaginaire et ses fantasmes Si bien que c ’est moins à une conception mentale posée sur la toile que nous avons affaire, qu’à une subdivision complexe de la sur face et qui aboutit à une kyrielle d’allusions figurales On a l’impression que Scanreigh reste toujours à la limite de la par faite représentation La sur face, par ailleurs, est traitée comme un plan sur lequel le dessin assure sa suprématie, développe ses contours minces mais assurés, donne au tableau l’apparence d’un miroir brisé en de multiples fragments Chapelle de la salamandre, où l’on pu voir de multiples interventions des plus remarquables (Maghraoui, Lunal, Huguet, Clauss ), Scanreigh présentera quatre grands for mats, dont deux réalisés pour l’occasion, dont on verra bien s’ils tiennent compte de la singularité religieuse du lieu, et qui joueront le rôle d’immenses vitraux censés apporter de la couleur et de la lumière

Des petits for mats, dans le hall, pour préparer les pèlerins - de l’art - au grand œuvre du maître Et, de manière à ne pas laisser l’espace vacant, des paravents ondulants, d’un volume également non négligeable Il y a du ludique et du jovial dans la peinture de Scanreigh Un déferlement d’images certes mais totalement différentes de celles que la réalité médiatique nous impose, et présentées dans des espaces qui ne semblent rien haïr autant que la géométrie la plus élémentaire De point de vue, elle est avant tout inventive : elle ne cherche pas, elle trouve

BTN

Scanreigh est également le premier des enseignants (accompagné d’Audrey Jamme) des Beaux-Arts à présenter sa collection (jusqu’au 19-12), à l’Hôtel Rivet, Esban de Nîmes dans le cadre d’une pertinente réflexion sur les verbes Être et Avoir Tél 04 66 76 70 22 Du 12 décembre au 17 janvier - 3, Pace de la Salamandre à Nîmes. Tél. 04 66 76 23 96.

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