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«Juste et équitable»

C ourtoisie: Claude Cossette

L’argent porte toutes sortes de noms. C’est parfois des billets ou des coupures, d’autres fois du foin ou du liquide… ou son bas de laine. Cela, parce que l’argent joue des rôles importants et différents dans la société. Le premier vrai job que j’ai occupé a été celui de manœuvre pour la Ville de Québec. Il consistait, à l’aide de brosses à longs manches, à dégager les murs et plafonds de leur couche de chaux blanche. Un jus laiteux me dégoulinait dessus et j’en sortais tout blanc à la fin de la journée. Je me rappelle aussi la première paye que j’ai reçue sous forme d’enveloppe pleine de billets de banque. On palpait encore l’argent à l’époque.

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L’ARGENT ET SES DIVERSES ODEURS

La somme d’argent qu’une personne reçoit en échange de son travail s’appelle une rémunération ou une rétribution. Or, le montant n’est pas égal pour tous: il varie selon la quantité de connaissances nécessaires pour exécuter une tâche, la rareté des compétences dans le domaine, les risques inhérents à sa pratique, ou la valeur symbolique que la société lui accorde. Ainsi, à formation équivalente, et quoique ses services soient aussi précieux, un éboueur est ordinairement moins payé qu’un gardien de musée. De même, le mot même qui est utilisé pour désigner la rémunération varie dans chaque situation d’échange entre la personne qui offre sa compétence et celle qui en profite. Ainsi, on nomme «honoraires» la rémunération accordée aux personnes qui exercent une profession libérale (médecins, avocats, ingénieurs). Si cette personne est artiste, on lui versera plutôt un «cachet». Et si elle est fonctionnaire, elle recevra un «traitement». Si une personne travaille sous contrat avec un employeur, on lui versera un «salaire» (une «solde» si elle est militaire). D’autres personnes sont rétribuées en proportion de la rentabilité de leur intervention. C’est le cas des représentants de commerce qui sont le plus souvent rémunérés «à commission», recevant un pourcentage du montant des ventes réalisées. Si une personne est assignée à un travail pour un laps de temps limité et sans considération de la quantité de travail qu’elle exécutera, on dira qu’elle est rémunérée «à vacation» — comme quelques rares médecins. Et si un travailleur rend des services au-delà de la rémunération versée par son mandataire, il sera peut-être gratifié de «pourboires». Et si cela se passe dans le secret, «sous la table» et de manière plus ou moins légale, on parlera alors de «pots-de-vin». Or, peu importe la forme de rémunération ou le mot utilisé, l’important, c’est que la rémunération soit juste et équitable.

UNE RÉMUNÉRATION JUSTE ET ÉQUITABLE

Les syndicats se battent pour que leurs membres reçoivent un «juste salaire». Mais qu’est-ce qu’une rémunération juste? Pour l’employeur, c’est facile à définir: c’est le salaire qui correspond à l’apport du travailleur dans l’organisation. Mais qui sera le juge? L’employeur? Non. Dans la réalité du quotidien, le salaire juste est celui qui est considéré comme juste… par l’employé lui ou elle-même. Dans son évaluation, le travailleur va d’abord estimer ce qu’il apporte à l’organisation et ce que celle-ci lui donne en échange. Ensuite, il va comparer sa situation à celle de ses pairs. S’il estime que sa rémunération n’est pas juste, il s’investira moins dans son travail, verra à repérer des employeurs plus généreux. Conséquemment, à long terme, de bas salaires deviendront coûteux pour l’employeur. Par ailleurs, la solidarité sociale suggère non seulement de rémunérer avec justice mais également avec équité. L’auteur du célèbre dictionnaire Littré a résumé l’idée ainsi: «Ce qui est équitable est plus conforme à l’idée que nous nous faisons d’une justice plus élevée». On est équitable quand on juge une situation par rapport aux conditions générales auxquelles est confronté l’employé. Ainsi, à travail égal, il serait peut-être plus équitable de payer davantage un individu responsable d’une famille de quatre enfants qu’une personne célibataire. Autre exemple: un parent doit-il léguer de manière égale ses richesses à ses enfants? Autant à son garçon handicapé et pauvre qu’à sa fille richement nantie résultant d’une carrière lucrative? «Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point» a rappelé Pascal. Selon l’Institut de la statistique du Québec, au Québec aujourd’hui encore, une femme est payée 8% de moins qu’un homme. Y a-t-il ici justice? Équité?

CLAUDE COSSETTE

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