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Du personnel méprisé

ORGANISMES COMMUNAUTAIRES

DU PERSONNEL MÉPRISÉ

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Les travailleurs des groupes communautaires aident les plus vulnérables, ceux qui actuellement vivent plus sévèrement les contrecoups de la pandémie et qui peinent à boucler leur budget. Ils offrent des services essentiels à tous, quels que soient leurs problèmes ou leurs revenus. Et quelle reconnaissance, monétaire ou autre, leur offre-t-on en retour? La Quête a recueilli les impressions de quelques-uns de ces travailleurs de l’ombre.

BIEN VIVRE AVEC PEU

Jimmy travaille auprès des jeunes, dans un endroit qui leur permet d’avoir un lieu sécuritaire où rester lorsqu’ils traversent des périodes difficiles. Selon lui, le salaire qu’il fait n’est ni viable ni enviable. «En général, il faut que t’arrives à bien gérer tes finances pour bien vivre avec ça», partage-t-il. Des propos similaires du côté de Maryssa Brodeur, coordonnatrice à la Maison de la Famille, à Limoilou. «Il faut que je fasse attention à ce que je dépense. C’est sûr qu’on n’a pas d’assurance ou quoi que ce soit». Avec un budget serré, elle doit s’assurer d’avoir de l’argent de côté pour des consultations imprévues chez le dentiste, pour les lunettes, ainsi que pour toutes les dépenses liées à la santé. Mais, après six ans d’emploi au même organisme communautaire, Maryssa se réjouit tout de même des augmentations de salaire des dernières années, offertes par le ministère de la Famille. À l’organisme l’Évasion, dans le quartier de St-Pie-X à Limoilou, les employés ont aussi remarqué une hausse salariale dans les dernières années, avec un ajustement à l’inflation et au coût de la vie. Jean-Philippe Gagné, qui y travaille, croit tout de même qu’ils sont sous-payés. «Si je compare avec mes autres emplois, je dirais que je travaille plus fort ici, mais que je suis à moitié payé». Ironiquement, M. Gagné estime qu’à Québec, l’Évasion est dans «la moyenne haute» des organismes en matière de budget. Selon lui, si les organismes ont le choix entre offrir plus de services ou mieux payer leurs employés, ils choisissent la première option.

: Alphonsine Sefu Crédit photo

À l’Évasion, William Beaulieu et Jean-Philippe Gagné obtiennent des subventions, mais reconnaissent que c’est un enjeu dans plusieurs organismes communautaires. «Il y en a beaucoup des organismes communautaires. On peut aller chercher de l’aide un peu partout au lieu d’attendre vraiment longtemps au CLSC ou quelque chose comme ça. Je crois que ça apporte quelque chose de très important.», partage Maryssa Brodeur.

LES INFORTUNES DU MILIEU COMMUNAUTAIRE

La Maison de la Famille est composée d’une petite équipe. Les trois employées de l’organisme s’occupent à elles seules des demandes de financement, de la coordination d’un bon nombre de bénévoles et de stagiaires, et participent à des groupes de concertation. Malgré toutes les tâches qu’ils effectuent, les intervenants sociaux trouvent qu’ils ne sont pas valorisés. À l’Évasion, William Beaulieu souligne un certain manque de reconnaissance, qu’elle soit quantifiable (salariale) ou non. Il trouve qu’il y a un manque de valorisation pour ceux qui «travaillent avec l’humain». Son collègue, Jean-Philippe Gagné, veut pourtant souligner la collaboration qui s’opère entre les différents agents de la relation d’aide. «Dans un monde idéal, on est tous des intervenants: psychologues, travailleurs sociaux, conseillers d’orientation, psychoéducateurs,» affirme-t-il, «on devrait se tenir.» Par contre, dans le regard des autres «intervenants», Jean-Philippe ne se sent pas toujours considéré à sa juste valeur. Pourtant, William a fait une technique en travail social, Marissa et Jimmy sont bacheliers et Jean-Philippe a complété sa maîtrise en orientation. Les diplômés des programmes en relation d’aide vont souvent se diriger vers les institutions et les établissements publics, tels que la DPJ et le CIUSSS. C’est ce qu’observe Maryssa: «on les échappe parce qu’ils vont ailleurs», dit-elle, pour les salaires et les avantages sociaux «plus compétitifs». Il y a donc un grand roulement du personnel dans les organismes communautaires. N’étant pas à l’abri de la pénurie de main-d’œuvre, les organisations communautaires doivent faire plus avec moins. Jimmy atteste que la pandémie a exacerbé les inégalités et que maintenant, «les employés tiennent les derniers filets sociaux à bout de bras». M. Beaulieu et M. Gagné adoptent une posture d’ouverture envers les plus marginalisés. Mme Brodeur considère que ses collègues et elle sont essentiels dans la société, notamment en offrant un service sans frais et sans un grand délai d’attente. Malgré le manque de valorisation, et de rémunération, ces intervenants continuent parce que s’ils ne le font pas, les plus défavorisés de la société seront abandonnés à eux-mêmes.

ALPHONSINE SEFU

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