Parole aux pauvres

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parole aux pauvres

Au début, je n’ai pas compris pourquoi nous avions fait ce choix d’habiter dans cet endroit plein de boue et de poussière, sans électricité ni eau. Je ne voulais pas rester là. Je ne voulais pas croupir dans l’une de ces horribles cahutes de planches et de tôles. Mais je savais que ma mère avait fait des sacrifices pour acquérir la parcelle. Bon gré mal gré, nous avons bâti notre misérable maison de nos propres mains et y habitons maintenant depuis 14 ans. Aujourd’hui, je reconnais les efforts fournis à l’époque par ma maman pour que nous ne manquions pas du nécessaire. Mais les débuts ici n’ont vraiment pas été faciles... » Nury a de longs cheveux bruns qui lui tombent jusqu’à la taille, un sourire généreux, le regard doux mais décidé : il y a quelques années, elle a brillamment réussi son baccalauréat et a été admise dans l’une des universités du pays. Chose rare pour une jeune habitante de Cazucà, elle s’est ensuite engagée dans une formation d’infirmière auxiliaire qu’elle vient de terminer avec brio en sortant première de sa volée. Alors qu’elle aurait enfin la possibilité de sortir de cet environnement, elle explique posément vouloir au contraire continuer à travailler au sein de sa communauté. Son rêve : ouvrir un dispensaire dans ce lieu de violence et de solitude juxtaposées. « Je connais mieux que quiconque l’immensité des besoins des pauvres. Si je ne fais rien pour les gens qui vivent là, qui le fera ? » En Colombie, les luttes entre les différentes factions politiques et militaires causent la mort de 3000 182


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