Katinka Bock Tumulte à Higienópolis
LAFAYETTE ANTICIPATIONS FONDATION D’ENTREPRISE GALERIES LAFAYETTE
Les formes de l’imprévu / The Forms of the Unexpected P. 6-23
FRANÇOIS QUINTIN
P. 26-47
Œuvres / Works
Herzstück/ Pièce de cœur P. 48-49
HEINER MÜLLER
Biographie / Biography
P. 54
LAFAYETTE ANTICIPATIONS FONDATION D’ENTREPRISE GALERIES LAFAYETTE
François Quintin
Les formes de l’imprévu
Katinka Bock travaille vite et intensément. Chaque pièce est le témoin d’une fissure dans le réel, que l’artiste investit pour que le lien entre deux éléments en produise un troisième. Elle met en œuvre les conditions d’une transformation. L’objet résiduel est la fois sculpture et enregistrement de tout ce dont il aura été la tentative. L’exposition Tumulte à Higienópolis, présentée à Lafayette Anticipations, est née d’une heureuse conjonction. Le désir de travailler ensemble s’est concrétisé en projet lorsque Katinka Bock s’est vu proposer de récupérer les plaques de cuivre qui recouvraient le dôme d’un bâtiment d’Hanovre, l’Anzeiger-Hochhaus. Pour une artiste sensible aux surfaces, aux traces du temps, on comprend son excitation à pouvoir composer avec un tel matériau dégradé par les intempéries, les balles et les bombes qui l’ont traversé durant la Seconde Guerre mondiale sans le détruire, mais aussi les griffures que des oiseaux y ont laissées en prenant leur envol. L’Anzeiger-Hochhaus est le bâtiment emblématique de la ville d’Hanovre, un gratte-ciel longtemps considéré comme l’un des plus élevés d’Europe, construit entre 1927 et 1928 pour l’édition du quotidien Die Allgemeine Zeitung et qui a également permis l’éclosion après-guerre des premiers numéros de Stern et Der Spiegel. L’édifice a été conçu comme un lieu de production autonome : les presses et ateliers occupaient le sous-sol et le contenu était rédigé dans les étages. Une piscine voisine permettait de cultiver une hygiène du corps et de l’esprit chère à la culture de l’entre-deux-guerres. Tout en haut, le dôme de cuivre abritait un planétarium-salle de cinéma équipé d’un grand orgue qui proposait une TUMULTE À HIGIENÓPOLIS
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programmation exigeante et d’avant-garde aux employés ainsi qu’à un public proche et curieux. Katinka Bock a rapproché ce principe de production verticale et l’élévation symbolique de l’édifice d’Hanovre du bâtiment de Lafayette Anticipations, repensé par l’agence OMA – Rem Koolhaas, avec son atelier de production au sous-sol, ses expositions dans les étages, jusqu’au « ciel », la partie supérieure de la tour de verre centrale au beau milieu des toits de Paris. En octobre 1931, le journal Hannoversche Anzeiger titrait : « Tumulte à l’entrée du gratteciel ». Il rendait compte d’un mouvement de contestation face à l’interdiction par le parti national-socialiste de la projection du nouveau film de Dziga Vertov, La Symphonie du Donbass. Le tumulte est celui d’une société qui défend ses valeurs de liberté d’expression et la place que la pensée et la création doivent prendre en son cœur. Dans une autre ville, lointaine, São Paulo, le quartier aujourd’hui chic et branché d’Higienópolis doit son nom aux riches villas du début du XXe siècle, les premières à avoir été équipées du confort moderne, notamment d’un système de distribution d’eau constitué de tuyaux en cuivre. Pour Katinka Bock, l’absence est une présence par défaut qui génère toujours des traces résiduelles, indices d’un passé disparu. Elle compose également un hybride nouveau, dont le charme fantomatique engendre une sereine fascination. L’œuvre centrale de l’exposition, Rauschen, produite par Lafayette Anticipations et suspendue au milieu de son bâtiment, assemble plusieurs registres de l’absence. C’est une sculpture monumentale recouverte des plaques de cuivre LES FORMES DE L’IMPRÉVU
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ramenées d’Hanovre. Sa forme est la reproduction agrandie d’une petite sculpture d’argile intitulée Wunschkonzert, également présentée dans l’exposition. Cette œuvre est le fruit d’une pratique expérimentale récurrente dans le travail de Katinka Bock qui consiste à emballer un objet dans une feuille d’argile fraîche et à mettre le tout dans un four, ce qui fait disparaître l’objet par sa combustion tout en conservant intact le vide laissé par son volume. La sculpture d’origine abritait un ballon trouvé dans la rue. Katinka aime travailler avec des objets qui ont été aimés, désirés, avec lesquels on a joué. Ce sont des Lieblingsobjekte, comme elle les qualifie, des objets de désir. Ainsi, l’œuvre monumentale Rauschen convoque en son ventre vide plusieurs niveaux de disparitions signifiantes : l’intime et l’Histoire, le tumulte et la presse quotidienne, dont Bergson disait qu’elle était la messe des temps modernes. Avec cette œuvre, et bien d’autres, Katinka Bock pose implicitement la question suivante : qu’en est-il du présent ? N’est-il pas l’expérience physique d’éléments désordonnés du passé, proche ou lointain, agrégés sans hiérarchie, livrés sans apprêt à notre perplexité ? En un sens, les œuvres de Katinka Bock sont merveilleusement irrésolues, et leur perception nous engage à leur rencontre, à en accepter cette force mystérieuse d’être davantage que la seule somme de leurs matières ou de leurs références. Dans sa présence massive et suspendue, Rauschen confronte l’intemporalité intempestive de l’art avec la permanence quotidienne de ce qui ne cesse d’advenir : la presse quotidienne, le Frankfurter Allgemeine Zeitung ou Libération, le journal et son cortège de TUMULTE À HIGIENÓPOLIS
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contemporanéité devant lesquels chacun prend conscience de ce qui l’environne, mais aussi la mesure de son impuissance à modifier le cours du monde. L’exposition s’accompagne de rencontres menées par les philosophes, commissaires et critiques Clara Schulman et Thomas Boutoux. Ces rencontres donneront lieu à la publication d’un journal local conçu et imprimé sur place autour du thème de la transformation urbaine. Le journal, c’est aussi une communion avec l’inconnu, des inconnus. Entre les colonnades du premier étage de Lafayette Anticipations, un assemblage de feuilles de céramique posées au sol semble recouvrir un corps dont seuls les pieds apparaissent, un gisant évoquant des anonymes, errants vulnérables des villes dont les journaux du jour couvrent le sommeil. Le corps du visiteur est sans cesse confronté à d’autres corps. Ici, une longue peau de cuir tente d’avaler, comme un boa, une pierre, un grès de Fontainebleau. Au-dessous, des cactus moulés en bronze à la chair perdue qui semblent faire société. C’est là une autre technique que Katinka Bock affectionne. Le bronze en fusion consume le cactus et vient en remplacer la chair, laissant apparaître par endroits, en surface, la patine accidentelle de la rencontre du métal brûlant avec le végétal. Là, un cactus semble sortir d’un jean abandonné par terre, comme dans la chambre d’un enfant négligent. Est-ce une jambe ? Une prothèse ? Une amputation ? Une excroissance ? On fait immédiatement le lien avec le corps, avec notre corps. Le critique d’art François Piron, à propos de Katinka Bock, émet l’hypothèse selon LES FORMES DE L’IMPRÉVU
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laquelle nous entretenons immédiatement une relation haptique avec ses œuvres, car les empreintes, les brûlures, les traces renvoient immanquablement aux réactions sensibles de la peau provoquées par la douleur, l’émotion, la température ou la contagion. Le bâtiment lui-même est un corps, dont ce nouveau cœur immense et recouvert de ces fragments d’histoire se dresse sur toute la hauteur. D’ailleurs, pendant la production de l’œuvre, l’artiste était habitée par un poème de Heiner Müller, Herzstück, ce qui se traduit littéralement par « morceau de cœur » et signifie, au sens figuré, « pièce maîtresse ». Il s’agit d’une saynète dans laquelle un personnage exprime son amour en offrant son cœur, qui prend la forme d’une brique d’argile capable de battre. Comme par l’effet d’une contamination sensible, l’espace de Lafayette Anticipations est peuplé d’individus qui prennent et rendent un peu de la mesure du temps et de l’espace qu’ils peuplent. Une forme en bronze anthropomorphe est perchée dans la tour d’exposition du bâtiment, tout en haut, comme un veilleur de jour. Le titre de cette œuvre ne nous informe que très peu : Personne. S’agit-il d’une personne, ou bien au contraire n’est-ce réellement personne ? Un inconnu, une sentinelle immobile et anonyme avec laquelle nous entretenons une relation brève, verticale et muette. Katinka Bock dit volontiers que vivre ensemble n’est pas un état mais un choix, un engagement. Faire population signifie comprendre notre altérité avec cet autre qui n’est pas fait du même bois, ne vit pas dans le même temps. À l’extérieur du bâtiment, posé sur une TUMULTE À HIGIENÓPOLIS
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poutre IPN, une cuillère de cuivre géante est livrée aux intempéries. La finition de l’œuvre trouvera son achèvement véritablement à la fin de l’exposition. L’œuvre Palant est à la fois une sculpture et une installation discrètement chorégraphiée. Un pied de bois pose sa pointe sur le sol. Il est suspendu à une poulie reliée à un récipient rempli d’eau. Pendant un temps qui excède la durée d’une visite, mais que le visiteur peut toutefois concevoir, l’eau, en s’évaporant, relâche la suspension du pied qui peu à peu pose son talon sur le sol de bois. Pour Katinka Bock, l’exposition n’est pas que le constat d’un travail achevé, c’est aussi la chambre d’enregistrement d’une production en cours que l’artiste délègue aux données naturelles de l’espace, où les objets sont abandonnés au temps qu’il fait comme au temps qui passe. En préparation du prix Marcel-Duchamp pour lequel Katinka Bock est nommée cette année, l’artiste a laissé sur une coursive extérieure du Centre Pompidou, tout près des grandes sculptures d’Henry Moore, de grands tissus bleus tendus qui enregistrent depuis six mois le passage de l’ombre, de la pluie, de l’ensoleillement, du gel, des oiseaux, des particules fines de plomb, de la pollution… Dans son très beau texte Éloge de la main (1934), Henri Focillon évoque le geste créateur ultime de l’artiste qui sait composer avec l’accident. Il raconte que pour peindre les ondes changeantes et les feuilles rouges d’automne de la rivière Tatsuta, Hokusai disposa devant le Shogun un grand rouleau de papier sur lequel il répandit de la peinture bleue, puis laissa un coq dont les pattes avaient été trempées dans la peinture LES FORMES DE L’IMPRÉVU
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rouge courir sur les ondes bleutées. Et le grand historien de l’art médiéval de conclure que les mains d’Hokusai « sont présentes sans se montrer, et, ne touchant rien, elles guident tout ». La distance juste avec sa production et le goût de l’incertitude jalonnent toute l’œuvre de Katinka Bock. Lorsqu’elle parle de son œuvre, Katinka Bock se garde de toute narration, référence, message ou métaphore. Le contenu symbolique d’éléments aussi évidents que le poisson par exemple, dont la référence chrétienne n’échapperait à aucun iconographe en herbe : les références sont pour l’artiste tenues à distance pour laisser peut-être le champ libre à la mécanique analogique de l’interprétation du spectateur. Pourtant, elle n’y accorde pas autant d’importance qu’à l’événement d’une rencontre entre l’argile molle et un jonc qui, roulé à la surface, imprime un motif répété évoquant la peau rugueuse d’un animal exotique. Son œuvre est pour ainsi dire entièrement issue de son champ d’action immédiat, de ce qu’elle peut porter, atteindre, estimer, rencontrer. Les mesures de l’espace comme du temps sont inlassablement questionnées, repoussées, étendues, augmentées, éprouvées de sorte que d’Hanovre à Higienópolis, des années 1930 à nos jours, il n’est pas de lointain que Katinka Bock ne nous fasse pas toucher de la main.
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François Quintin
The Forms of the Unexpected
Katinka Bock works quickly and intensely. Each piece is evidence of a crack in reality which the artist inhabits so that the link between two elements produces a third. She generates the conditions for a transformation. The residual object is both a sculpture and a recording of everything that it was an attempt to do. The exhibition Commotion in Higienópolis, presented at Lafayette Anticipations, was born of a fortunate coming together. Our desire to collaborate materialized when Katinka Bock received an offer to salvage the copper plates that covered the dome of the Anzeiger-Hochhaus building in Hanover. For an artist who is sensitive to surfaces, to the traces of time, it is easy to understand her excitement in being able to work with a material degraded by bad weather, the bullets and bombs that pierced it during World War II without destroying it, but also the scratches that birds left on it as they took flight. The Anzeiger-Hochhaus is the emblematic building of the city of Hanover, a skyscraper long considered one of Europe’s tallest, built between 1927 and 1928 for the Die Allgemeine Zeitung newspaper and which also saw the first issues of Die Stern and Der Spiegel emerge in the postwar years. The building was designed as a stand-alone production facility: presses and workshops occupied the basement and content was written on the upper floors. A nearby swimming pool helped to maintain the health of both body and mind central to the culture of the inter-war period. At the very top, the copper dome housed a planetarium-film theatre, equipped with a large organ, which provided employees and a keen COMMOTION IN HIGIENÓPOLIS
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audience with a demanding and avant-garde programme. Katinka Bock has brought together this principle of vertical production and the symbolic elevation of the Hanover building with that of Lafayette Anticipations, redesigned by Rem Koolhaas’s OMA agency, with its production workshop in the basement and its exhibitions on the upper floors, up to the ‘sky,’ the upper section of the central glass tower surrounded by the rooftops of Paris. In October 1931, the newspaper Hannoversche Anzeiger headlined: ‘Commotion at the entrance of the skyscraper’. It was reporting on a protest movement against the National Socialist Party’s ban on screening Dziga Vertov’s new film, Enthusiasm: Symphony of the Donbass. The commotion was that of a society defending its values of freedom of expression and the place in its heart for thought and artistic creation. In another distant city, São Paulo, the now chic and trendy district of Higienópolis owes its name to the rich villas of the early twentieth century, the first to be equipped with modern conveniences and in particular with a water distribution system made of copper pipes. For Katinka Bock, absence is a presence by default that always generates residual traces, clues to a vanished past. She has also composed a new hybrid, whose ghostly charm generates a serene fascination. The central work of the exhibition, Rauschen, produced by Lafayette Anticipations and suspended in the middle of its building, assembles several registers of absence. It is a monumental sculpture covered with copper plates brought back from Hanover. Its shape is an THE FORMS OF THE UNEXPECTED
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enlarged reproduction of a small clay sculpture, entitled Wunschkonzert, also presented in the exhibition. This work is the result of a recurrent experimental practice in Katinka Bock’s work, which consists in wrapping an object in a fresh clay sheet and putting it all in an oven, making the object disappear by its combustion while keeping the void left by its volume intact. The original sculpture housed a balloon found in the street. Katinka likes to work with objects that have been loved, played with, desired. They are Lieblingsobjekte, as she calls them—objects of desire. Thus, the monumental work Rauschen summons in its empty belly several significant levels of disappearances: the intimate and the historical, the commotion and the daily news, which Henri Bergson described as the mass of modern times. With this work, and many others, Katinka Bock implicitly asks the question: what about the present? Is it not the physical experience of disordered elements of the past, near or far, aggregated without hierarchy, delivered without preparation to our bewilderment? In a sense, Katinka Bock’s works are wonderfully unresolved, and perceiving them commits us to encountering them, to accepting their mysterious power to be more than the mere sum of their materials or references. In its massive suspended presence, Rauschen confronts the inopportune timelessness of art with the daily permanence of what never ceases to happen: the daily press, the Frankfurter Allgemeine Zeitung or Libération, the newspaper and its procession of contemporaneity which makes everyone aware of what surrounds them, COMMOTION IN HIGIENÓPOLIS
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but also of the extent of their powerlessness to change the world’s course. The exhibition is accompanied by talks led by the philosophers, curators and critics Clara Schulman and Thomas Boutoux. These events will result in the publication of a local newspaper, designed and printed on site, on the theme of urban transformation. But the newspaper is also a communion with the unknown, with strangers. Between the colonnades on the first floor of Lafayette Anticipations, an assemblage of ceramic sheets laid on the ground appears to be covering a body apart from its feet, a recumbent figure evoking the anonymous, vulnerable individuals in our cities whose sleep is draped in our daily newspapers. The visitor’s body is constantly confronted with other bodies. Here, a long leather skin tries to swallow, like a boa, a stone, a Fontainebleau sandstone, above bronze ‘lost-flesh’ cactuses that seem to be forming a community. This is another technique that Katinka Bock favours. The molten bronze consumes the cactus and replaces its flesh, revealing in places, on the surface, the accidental patina of the encounter of the burning metal with the plant. There, a cactus seems to be emerging from an abandoned pair of jeans on the floor, as in the room of a careless child. Is it a leg? A prosthesis? An amputation? An outgrowth? The connection with the body—with our body—is immediate. Speaking of Katinka Bock, the art critic François Piron hypothesizes that we immediately have a haptic relationship with her works, because the imprints, burns and traces inevitably refer to the sensitive THE FORMS OF THE UNEXPECTED
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reactions of the skin caused by pain, emotion, temperature or contagion. The building itself is a body, which this immense new heart, covered with these fragments of history, fills from top to bottom. Moreover, during the production of the work, the artist was haunted by a poem by Heiner Müller, Herzstück, which literally translates as a ‘piece of heart’ and figuratively means a centrepiece. It is a playlet in which a character expresses their love by offering their heart, which takes the form of a clay brick capable of beating. As if through a contamination of the senses, Lafayette Anticipations’ space is populated by individuals who take and give back a little of the measure of time and space they inhabit. An anthropomorphic bronze form is perched in the exhibition tower of the building, at the top, like a day watchman. The title of this work tells us very little: Personne (Nobody). Is it a person, or is it really no one? A stranger, an immobile and anonymous sentinel with whom we have a brief, vertical and silent relationship. Katinka Bock asserts that living together is not a state but a choice, a commitment. To form a population means to understand our otherness with this other person who is not made of the same wood, does not live in the same time. Outside the building, placed on a steel beam, a giant copper spoon is exposed to the elements. The work will not be final until the end of the exhibition. Palant is both a sculpture and a discreetly choreographed installation. A wooden foot places its toe on the ground. It is suspended from a pulley connected to a container filled with water. For a COMMOTION IN HIGIENÓPOLIS
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time that exceeds the duration of a visit, but that the visitor can conceive, the water, by evaporating, releases the suspension of the foot, which can rest its heel a little on the wooden floor. For Katinka Bock the exhibition is not only the acknowledgement of a completed work, it is also the recording room of a work in progress that the artist delegates to the natural data of space, where objects are exposed to the elements and to time passing. In preparation for the Marcel Duchamp Prize for which Katinka Bock is nominated this year, the artist left on an outside walkway of the Centre Pompidou, very close to Henry Moore’s large sculptures, large stretched blue fabrics that have been recording for six months the passage of shade, rain, sunlight, frost, birds, fine lead particles and pollution. In his beautiful text In Praise of Hands (1934), Henri Focillon evokes the ultimate creative gesture of the artist who knows how to compose with an accident. He tells the story of how in order to paint the changing waves and red autumn leaves of the Tatsuta River, Hokusai placed a large roll of paper in front of the Shogun on which he spread blue paint and then let a rooster whose feet had been dipped in red paint run over the blue waves. And the great historian of medieval art concludes that Hokusai’s hands ‘are present without showing themselves, and, touching nothing, they guide everything.’ Katinka Bock’s work is characterized by the correct distance from her production and a taste for uncertainty. When she discusses her work, Katinka Bock avoids narrative, reference, message or metaphor. The symbolic content of such obvious elements as THE FORMS OF THE UNEXPECTED
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the fish—whose Christian reference would not escape the keen iconographer—are kept at a distance by the artist, perhaps to leave the spectator free rein to the analogical mechanics of their interpretation. But she does not give this as much importance as the event of an encounter between soft clay and a rush that, when rolled on its surface, prints a repeated pattern reminiscent of the rough skin of an exotic animal. Her work is almost entirely derived from her immediate field of action, what she can carry, reach, value, encounter. The measurements of space and time are tirelessly questioned, pushed back, extended, increased, tested so that from Hanover to Higienópolis, from the 1930s to the present day, there is no distant thing that Katinka Bock does not allow us to reach out and touch.
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Rauschen 2019. Cuivre, métal, polystyrène, fibre de verre Rauschen est la reproduction agrandie de l’élément en céramique de la sculpture d’argile intitulée Wunschkonzert, également présentée dans l’exposition. Elle est enveloppée de plaques de cuivre qui proviennent du dôme de l’AnzeigerHochhaus à Hanovre, lieu mythique d’activité éditoriale qui a vu naître des titres de presse aussi importants que Stern ou Der Spiegel. Ce cœur creux monumental interroge le présent : n’est-il pas l’expérience physique d’éléments désordonnés du passé ? 2019. Copper, metal, polystyrene, fibreglass Rauschen is an enlarged reproduction of a clay sculpture entitled Wunschkonzert, also presented in the exhibition. It is enveloped in copper plates from the dome of the Anzeiger-Hochhaus in Hanover, a legendary place of editorial activity that has given rise to such important press titles as Die Stern and Der Spiegel. This monumental hollow centre questions the present: is it not the physical experience of disordered elements of the past?
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Gisant 2019. Céramique, chêne Le Gisant, ce corps absent rendu visible par l’enchevêtrement de feuilles de céramique, est étendu à même le sol de tout son long, une posture du corps rare dans l’espace public. Cette horizontalité, également présente dans plusieurs sculptures de l’exposition, évoque peut-être ici un sarcophage, un être au repos, ou les corps vulnérables des villes dont les journaux du jour couvrent le sommeil. 2019. Ceramic, oak The Gisant, this absent body made visible by the layering of ceramic sheets, is stretched out on the ground, a rare posture in public space. This horizontality, also present in several sculptures in the exhibition, may evoke a sarcophagus, a being at rest, or the vulnerable bodies in cities whose daily newspapers cover their sleep.
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Feuilles de températures, 2019
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Smog Jeans, 2019
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Palomar II, 2019
Wunschkonzert, 2019
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CARNET N°3 FRANÇAIS / ANGLAIS ISBN 978-2-490862-06-1
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