Rétrographie
Torris poursuit son analyse en fixant les propriétés extraordinaires du chewing-gum : « le produit possède un jus magique qui donne au personnage de Malabar une surdimension. Malabar réalise des exploits grâce aux caractéristiques physiques du produit (bulle, élasticité, pouvoir adhésif). Le produit ne peut être correctement utilisé que par Malabar seul. Il est le seul initié sur la terre. ». Enfin, il mentionne l’importance d’un faire-valoir en la qualité de l’oiseau Bulbul, dont les commentaires et réactions viennent valoriser le héros. La ligne de conduite est clairement fixée. Sur ces bases, une flopée de dessinateurs vont être appelés au cours des années suivantes à participer à l’exercice de style, parmi lesquels Jean-Claude Poirier, Frank Margerin, François Avril, Yves Chaland, Régis Loisel, Mic Delinx, François Dimberton… Avec à chaque fois un visage neuf et de nouveaux mondes explorés ; mais souvent des cadences folles, qui poussèrent sans doute certains à lâcher « Quand
Matthieu Roussel, 2003
60 y’en marre y’a Malabar ! » de temps en temps, et bien avant l’apparition de l’immortel slogan, sur les écrans en 1988. Une renaissance éternelle semblait se dessiner pour la fière idole. Jusqu’en 2011, l’année du drame. Un communiqué annonce poliment que Malabar a pris sa retraite, à 42 ans. « Après s’être amusé avec des générations d'enfants, Monsieur Malabar part à la retraite, il l'a bien mérité ! Il vit maintenant incognito sur une île paradisiaque loin des flashs et des projecteurs. Il profite des bienfaits du soleil et du sable fin ». Bam. On informe dans la foulée qu’il est remplacé par un nouveau personnage : le chat Mabulle. Stupeur générale. Sur les réseaux, c’est la baston : « Quand y en a marre, y a Malabar, quand c’est nul, y a Mabulle ! ». De nombreux internautes qualifient cette nouvelle mascotte, de « stupide », « tout pourri », « ridicule », « ringard », « ultranaze ». Des groupes de soutien sont créés comme « Pour le retour de la mascotte Monsieur Malabar » ou « Pour que Monsieur Malabar reste la
mascotte du chewing gum ». Une page non officielle rassemblait près de 70 000 fans en l’honneur de l’ancienne mascotte. On lit ici ou là « Tu pues le chat, tu pues le chat, tu pues le chat ! », ou encore « Coucou, tu veux voir Ma Bulle ? »… Mais rien n’y fait. Malabar ne reviendra pas. Il écrira quand même un dernier mot, en guise de réconciliation dans une carte postale envoyée à Mabulle : « Ne vous inquiétez pas les copains, j'ai tout prévu. Sur mon île, il y a des Malabars pour tous les goûts, c'est vraiment parfait. ». R.I.P.
Pour les aficionados de bulles Malabar, nous recommandons expressément la Bible ultime composée par Alain Lachartre : Malabar, Histoires de bulles . 384 pages d'anecdoctes, de souvenirs et surtout d'illustrations uniques. Un bijou des Éditions Dupuis, sorti le 4.12.15. Texte : Jean Tourette Images : © Malabar et les auteurs
Tristoon, 2011