KIBLIND 45

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été 2013

— CULTURE   VISUELLE   &  VISION   CULTURELLE

Book vs e-Book sF vache qui rie B42 imprimé crowFunding pattern cdi

— J.J. Audubon pAr the humAn printer

GRATUIT kiblind.com





audubon par the human printer

e n Co uv e rt u r e American Flamingo de Jean-Jacques Audubon par The Human Printer Création originale

www.thehumanprinter.org

E

01 Phœnicopterus ruber, the greater flamingo. Jean-Jacques Audubon dans The Birds of America

nnemis de la toute puissance des machines et de la reproductibilité technique des œuvres d'art, repaissez-vous de la couverture du Kiblind n°45. Finie l'impression à l'identique, finie la copie conforme : le projet The Human Printer, initié par le studio Stinsensqueeze, réalise les trames à la main pour que la délicieuse imperfection humaine reprenne le dessus. Amis de la toute puissance des machines et de la reproductibilité technique des œuvres d'art, repaissez-vous de la couverture du Kiblind n°45. Cette unique impression manuelle, nous l'avons copiée en couverture de nos 40 000 exemplaires grâce à des machines plus grosses qu'une maison. Pour qu'un maximum de lecteurs puissent admirer le fin travail du studio fondé par Stina Gromark et Louise Naunton Morgan. Pour illustrer cet insondable paradoxe de la relation homme/machine et surtout mettre en lumière notre foi dans le papier, l'image que nous avons choisie est issue de l'un des plus illustres livres imprimés de notre histoire : Les Oiseaux d'Amérique du peintre et naturaliste américain Jean-Jacques Audubon 01. Édité à 200 exemplaires à sa sortie, au format double-éléphantfolio (76 cm x 98 cm), Jean-Jacques y a répertorié, à l'échelle 1:1, les différentes espèces d'oiseau qu'il rencontra au cours de ses pérégrinations. Un objet éditorial confinant à l'œuvre d'art, dont le coût actuel suit logiquement son extraordinaire qualité : en 2010, un exemplaire a été vendu à 8,6 millions d'euros. De la machine/de l'humain, du cher/du gratuit, de l'exception/de la grande diffusion, la couverture de Kiblind n°45 se retrouve au milieu de quelques-uns des mille questionnements liés au print. Tant mieux.

05


LIBRAIRIES

II

édi to - somma ire Texte : M. Sandjivy

5 jours de pluie consécutifs à l’approche de juin peuvent nous rendre philosophes. « Rien ne se perd, rien ne se crée mais tout se transforme » d’après ma voisine, qui le tient de Lavoisier, qui le tient d’Anaxagore. C’est valable pour l’eau, la nature, l’Homme et ses créations en général. « Rien ne se perd… » En France, nous avons à peu près six écrans par foyer, un tiers de nos jeunes ne lit aucun livre et 20% ont un compte Facebook. Le nombre de livres lus par an a baissé de 8 points, alors que… 19,3% des français ont lu un livre numérique. Pourtant nous sommes 70% à lire des livres. « …, rien ne se crée… » En 1454 Gutenberg invente l’imprimerie, qui avait été inventée par les Chinois 700 ans plus tôt. En réalité, il a développé la presse à imprimer qui s’adapte mieux à l’utilisation de l’encre, elle, de Chine. L’année suivante, avec deux amis, il imprimera le premier livre de son époque : La Bible. Incunable comprenant 42 lignes par page, on y fera intelligemment référence par l’acronyme « B42 ». « …, tout se transforme. » Dans les années 70, une petite société, l’International Business Machines, se trouve être la plus grande éditrice de pages distinctes composées du monde et décide alors de développer la PAO pour ses propres besoins. Quelques années plus tard, ce mode d’écriture informatique prendra le nom de SCRIPT, puis de GML, l’ancêtre direct du XML et HTML : l’impression sur internet.

06 07

Aujourd’hui, Internet et ses surfeurs soutiennent des Start-Up, des groupes de musique et des projets de revues imprimées. Un financement numérique individuel et invisible pour développer un monde réel, collectif et tangible. Print is Print.

GRANDES SURFACES

IV

DATA

08 I

III

I

21% 22%

— Book vs e-book

cIRcUITs dU LIvRE papier

AUTEUR

EDITEUR LIBRAIRE

LECTEUR

PORTRAIT

15 — b42

PAG ES B L AN CH ES

21 —

Antoine Desailly 22 Benjamin Collet 23 Bettina Henni 24 Chaumont 25 David Porchy 26 Emmanuel Espinasse 27 Guillaume Hugon 28 Jimbo Barbu 29 Maiko Gubler 30 Marion Fayolle 31 Phillip Jung 32 Seetal Solanki 33

STAFF Directeur de la publication : Jérémie Martinez Rédacteurs en chef : Jean Tourette  - Gabriel Viry - Jérémie Martinez Rédacteur en chef Mode : Baptiste Viry

Rédaction Kiblind : Maxime Gueugneau Gabriel Viry - Jean Tourette - Jérémie Martinez Olivier Trias  - Simon Bournel-Bosson Matthieu Sandjivy - Marlène Cottin. Cahier Mode : DA / Baptiste Viry  - Assistante / Alizée Lagé Photographe / Laurens Rossner Styliste  / Alix Devallois

Relecture : Frédéric Gude  Merci à : Baptiste Alchourroun Simon Chambon‑Andréani - David Chauvet Alexis Cros - Pierre Gaignard - Lucas Malingrëy Erwan Manchec - Clothilde Morette - Judith Quéré Direction artistique : Agence Klar (www.agence-klar.com)

LECTEUR


REVUE DE PRESSE

r écl a me

— sf

— la vache qui rit

10

12 REPORTAG E G RA PH I Q UE

16 — nuits sonores

DOSSIER

ca h ier mo d e

— crowdfunding

— pattern

34 24 INFOS

CDI

SChau mont

Barbou Impressions  - 8, rue Marcel Dassault 93140 BONDY - 01 48 02 14 14 fabrication2@barbou-impressions.fr

Le magazine Kiblind est édité à 40 000 exemplaires par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472 249 RCS Lyon . chau mont design grap hique 25 mai -9 juin 2013 24e fes tival int erna tional de l'affiche et du graphis m e

avec la Ville de chaumont,le conseil g�n�ral de haute-marne,le conseil r�gional de cha mpagne -ardenne / ORCCA,le minist�re de la culture et de la communication /DRAC cha mpagne -ardenne -www.cigéchau mont.com imp ression l�zard grap hique

41 55 — barque 55 bibliothèque 56 congénère 57 déviation 58

27 rue Bouteille - 69001 Lyon  04 78 27 69 82  - www.kiblind.com  Le magazine est diffusé à Paris, Lyon, Marseille, Montpellier, Bordeaux, Toulouse, Rennes, Nantes, Lille, Strasbourg, Bruxelles et Genève. Ce numéro comprend un supplément spécial de 32 pages pour la région Rhône-Alpes.

foyer 59 siestes electro 61 liberté 62 nouba 63

orchestre 64 saisonnier 65 technique 66

ISSN : 1628-4146 // Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits strictement réservés. THX CBS. Abel live, I can fly. Contact : redaction@kiblind.com


numérique, un nouveau chapitre ?

data Sujet : Lucas Malingrëy Graphisme : Judith Quéré & Alexis Cros

«

Brisons les barrières de l'ignorance et de l'illet-

16%

des lecteurs numériques possèdent une liseuse. (le reste se fait sur smartphone, tablette, etc.)

IV III II

la bible à 42 lignes tiré à 180 exemplaires

15

I

dont 48 ont été conservéS.

MILLIONS

08 09

Le premier livre imprimé par Gutenberg est la B42

d’oeuvres disponibles sur Google.

trisme. » Tel était le slogan du projet Gutenberg qui a vu naître le livre numérique, il y a 40 ans déjà. Est-il toujours à la page ? La réponse nous met l'eau à la bouche, mais nul besoin de s'en lécher les doigts quand un scroll suffit. Simple sur le papier, cette nouvelle pratique de lecture est pourtant encore à la marge. Si le livre homothétique (ou la reproduction des informations à l'identique) ne prêche qu'aux convertis, l'interactivité que permettent les supports est encore une feuille blanche sur laquelle il convient de se pencher.

IV

100 000

œuvres numériques disponibles en France III

best-sellers

PIRATAGE

Dans le monde :

le piratage du livre numérique reste faible.

LA BIBLE LE PETIT LIVRE ROUGE de Mao Zedong. En France :

LE PETIT PRINCE de St. Exupéry.

LE NUMERIQUE

II

IV

LE LIVRE

100%

= 52%

des dépenses culturelles des francais.

80%

modèle théorique d'adoption d'une nouvelle pratique

Pourcentage du marché du livre :

innovateurs premiers adopteurs

60%

1% 15% 20%

I

première majorité

sceptiques

deuxieme majorité

notre position

gouffre Adhésions

40%

33%

20%

14%

0% la musique

le livre

Temps


DIPLOMES NUMÉRIQUE

50%

Master

PAPIER

LES GENRES PREFERES

80%

NUMÉRIQUE 50 Master

60%

40

LIVRES PRO

10%

70

50 40

Doctorat Bac ou -

Bac ou -

60

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4%

80

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Licence

Licence

PAPIER

Bac ou -

40%

30

LITT. CLASSIQUE

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20

Licence

5%

Master

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0

Doctorat

0

40%

BD / MANGA

3%

20%

9%

Doctorat Bac ou -

10%

Licence

0%

POLICIERS

13%

20%

III

IV

ROMANS

18% Doctorat

0%

20%

15%

10%

5%

18% 0%

Prêt

circulation

L'AGE DU LECTEUR NUMÉRIQUE

18%

Master

PAPIER

5%

10%

20%

100% 80% 60% 40%

Ø

43

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Échange

33

27 III

%

% -35 ans 35 / 50 ans +50 ans

numérique papier

37 40

20

Revente

PORTION DE GRANDS LECTEURS Pourcentage NUMÉRIQUE de grands lecteurs 22 / + de 20 livres lus par an.

PAPIER

%%

14

Cadeau

%

I

II

III

3,6 deMillions tablettes vendues en 2012

IV

I

20%

Don

I

300 000 liseuses en France.

LIEUX D'ACHAT DU LIVRE PAPIER

NUMILOG

I

AUTRES

13%

GRANDES SURFACES spé

20%

II

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I

12% 14%

AMAZON

17%

FNAC

22%

IV

7%

I

CIRCUITS DU LIVRE PAPIER

NUMÉRIQUE

AUTEUR

AUTEUR

EDITEUR

EDITEUR

LIBRAIRE

PLATEFORME

LECTEUR

LECTEUR

NUMÉRIQUE

19,6%

11%

FEEDBOOK

grandes surfaces

le 1er janvier 2012 :

PAPIER

9%

IMMATERIEL KOBO

LIBRAIRIES

21% 22%

V.P.C. INTERNET

APPLE ePAGINE

NUMÉRIQUE

7% 8% I

4% OCCAS' 9% 10%

EVOLUTION DE LA TVA

5,5%

LIBRAIRE

PRINT IS NOT DEAD

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Le papier se met à la page et vous propose de le retrouver sur www.kiblind.com

II

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r ev ue de pr esse Texte : M. Gueugneau

Le voyage spatial nous a rendu nos âmes d'enfants

PRENDRE LA PRESSE POUR CE QU’ELLE EST : UNE SOURCE D’INFORMATIONS ET D’INSPIRATIONS. PROFUSION DE SAVEURS DE NOS PARUTIONS NATIONALES, SOUS LA FORME D’UN COURT RÉCIT, RÉSULTAT DU FUMET DÉGAGÉ PAR NOS LECTURES.

— 01 . AU FAIT n° 1 Mai 2013 www.au-fait.fr

02. CEREAL n°2 Mai 2013 www.readcereal.com

03. FRAME n°92 Mai/Juin 2013 www.frameweb.com

«

Souvent, afin de mieux comprendre les choses, nous faisons un pas en arrière et les regardons de loin. » 03 De loin, pourtant, je ne comprends pas mieux le capharnaüm indicible qu'est devenue la Terre. L'histoire de l'humanité n'est plus qu' « une histoire tragique, avec des significations personnelles pour moi. » 03 Les dirigeants actuels ont tout foutu en l'air. « Jérôme Cahuzac, Margaret Thatcher et Hugo Chavez sont morts » 04 depuis longtemps, et ceux qui les ont remplacés ne valent guère mieux. Je pense même qu'ils sont pires. « Aussi immenses et royales qu'elles puissent être, des richesses placées dans les mains d'un mauvais maître sont dissipées en un instant » 06 disait le philosophe. Eux s'y sont mis à plusieurs. Et nous voilà devenus, Aldo, Jean-Bernard et moi, les derniers espoirs de l'humanité. Au volant d'une navette préhistorique, nous cherchons depuis 5 ans le foyer futur de la civilisation. En vain.

Ce qui devait arriver arriva. Au moment du crash, mes connaissances n'ont servi à rien : « ce haut niveau de contrôle fonctionne bien quand on travaille avec des œuvres qui ne dépendent pas du temps qui passe » 09. Mais une fusée où « la technique est vieille et les matériaux sont plus vieux encore » 03, ça ne peut pas marcher sur le long terme. Mars, donc. Jeune, j'avais rêvé de cette planète rouge aux petits hommes verts mais « le passage du temps est rarement tendre envers les élans utopistes de la jeunesse (pour une raison ou une autre, le cynisme et le désabusement vieillissent mieux) » 06 . Et nous voilà, comme des buses, à errer dans nos combinaisons à l'allure délicieusement ringarde et « dont les masques de robot encapsulent à la fois le genre électro, l'imaginaire du futur, et le paradoxe de notre anonymat » 07 . Car nous nous connaissons très bien en réalité. Trop bien, peut-être. J'aurais dû prévoir la


réaction d'Aldo, quand cette espèce de truc nous a sauté à la figure. « Aldo s'attache, autant que possible, à intégrer sa personnalité dans son travail, ce qui exige inévitablement différentes approches » 09 . Et Aldo est comme qui dirait un dur-à-cuire. Son approche fut celle de la violence, pure et simple. La chose fut donc décapitée et laissée. « Dans l'argile et le sable où se sont décomposés avant lui tant de corps et de chairs, il doit commencer maintenant à se déliter » 05 . « De mon point de vue, il a été brutal, mais il n'a pas donné toute sa force. Et non, ce n'était pas brutal ; c'était une nécessité absolue » 01 sur le moment.

papier, des crayons, très peu de poussière et, surtout, un dessin. « Le dessin ? Qui témoigne incontestablement de la présence de quelqu'un, en un lieu et à une heure déterminés, et qui affirme qu'il s'est passé quelque chose, au moins cela. Le dessin. Irréfutable. » 08 .

« Jérôme Cahuzac, Margaret Thatcher et Hugo Chavez sont morts »

La vérité se manifeste alors toute crue : « l'émeute surgit, soudaine, spontanée. L'émotion populaire se cristallise, la structure sociale se liquéfie, le soulèvement fait irruption » 08 . Et si « la lumière devient plus douce et la chaleur plus supportable à mesure que le soleil descend sur les collines » 06 , cela ne nous empêche toutefois pas d'apercevoir au loin cette foule monstre se ruant sur nous. « Il n'y a aucune échappatoire. Retourne donc à ton supplice » 04 tonne dans notre langue la voix la plus caverneuse qui soit. Elle tonne encore, demandant à la foule extraterrestre des choses que nous ne parvenons à décrypter. Pour eux, « c'était une voix extraordinaire… tout à fait extraordinaire ! Elle pouvait leur demander n'importe quoi ! » 05 En l’occurrence, elle devait lui demander de nous hacher menus, au vu de la ferveur avec laquelle elle déchiqueta JeanBernard. Mon tour est pour bientôt et je me rappelle la vieille devise des Canuts : « vivre en travaillant ou mourir en combattant » 04 . Il semble bien que j'ai concilié l'inconciliable.

L'incontournable Magazine, n°3, Mai/Juin 2013

L'incident derrière nous, nous continuons à explorer les lieux. En haut d'un mont, nous apercevons ce qui paraît être une ville morte. Bien aidé par une euphorie toute chimique due à l'oxygène envoyé par notre combinaison, « le moral est au zénith quand la troupe redescend en plaine » 01. Nous nous décidons donc à visiter cette cité, sans nous soucier aucunement des éventuels maîtres des lieux. En entrant dans ce qui devait être une sorte d'Hôtel de Ville, nous retenons notre souffle. Le décor fait froid dans le dos : « un intérieur aux allures de Donjon avec du mobilier en papier attaché à des chaînes en fer » 03 . Ce qui nous semblait abandonné révèle petit à petit des signes d'activités sans failles. Du

04. L'INCONTOURNABLE MAGAZINE N°3 Mai/Juin 2013 www.lincontournable-lyon.fr

05. NOOR N°1 Mai 2013 www.noorrevue.fr

L'endroit est également parfaitement rangé, « trombone, règles et autres accessoires, d'ordinaire mis en vrac dans des pots, ont ici droit à un traitement quasi révérencieux. » 02 La sueur, alors, monte rapidement aux tempes. Et si nous prions pour que cette ville soit effectivement morte, «  force est de constater que rien ne vient, en l'état de nos connaissances, le corroborer » 08.

RETROUVEZ LA SÉLECTION EN DÉTAIL SUR WWW.KIBLIND.COM

06. NOUVEAU PROJET N°3 Printemps/Été 2013 www.nouveauprojet.com

07. ROADIE N°3 Mai/Juin/Juillet 2013 roadiemagazine.tumblr.com

08. rodéo N°2 1e Semestre 2013 www.revue-rodeo.fr

09. Tlmag N°17 Printemps 2013 www.tlmagazine.com


r éclame

UNE VACHE QUI RIT

Texte : J. Tourette Visuels : © Fromageries Bel

Sans l’ombre d’un sarcasme ni l’esquisse d’une ride, La Vache qui Rit tend son museau hilare à la face du monde depuis presque un siècle. Mais d’où vient cette égérie ? Et, surtout, pourquoi rit-elle ?

— 01 Dessin de Benjamin Rabier pour le RVF/B70, 1917

02 La Vache qui Rit par Ramboz, 1921

12 13

03 Première affiche officielle par Benjamin Rabier, 1923

L

es étables sont-elles plus riantes dans le Jura ? Ou les bergers plus amusants à Lons-le-Saunier ? À moins que ce ne soit l’herbe de ces prairies aux longues étendues qui possède quelques vertus hilarantes. Le fait est que les vaches qui sont élevées là-bas rient, depuis plus de 90 ans. Et il y a de quoi, car les ingrédients qui ont fait le succès planétaire de leur fromage mou et sans croûte, de même que la longévité presque insolente de leur museau hilare, sont restés les mêmes : un nom et une icône.

L’histoire de la vache qui rit commence au début du XXe dans la Maison Bel, famille d’affineurs et négociants jurassiens, au moment où Léon prend les rennes de l’entreprise de son père. D’abord engagé dans le sillon commercial tracé par son aîné, Léon Bel va s’intéresser à une technique récemment mise au point par un certain Gerber : la production de fromage fondu à partir d’emmental, associée à un procédé permettant la fabrication en grande quantité et facilitant la commercialisation. Il débauche alors Émile Graf, un expert dans ce savoir-faire, et lance en 1919 son premier « Fromage moderne ». L’opération est immédiatement un succès commercial et remporte même la médaille d’or de l’exposition nationale de Metz en 1920. Le produit est au point. Mais Léon Bel

est plus réservé quant à son appellation. Son « Fromage moderne » est alors rebaptisé l’année suivante « Fromage de Monsieur », sans pour autant parvenir à satisfaire les aspirations publicitaires du communicant. Il lui fallait quelque chose de plus impactant, de plus populaire, de plus sympathique. L’étincelle viendra d’une réminiscence : un souvenir de ses années de régiment durant la Grande Guerre. En 1917, il était affecté au 7e escadron du Train, chargé du Ravitaillement en Viande Fraîche (RVF). C’est une année douloureuse, durant laquelle la guerre s’enlise, où les pertes sont lourdes et le moral au plus bas. Pour changer les idées des troupes, l’État Major lança un concours de dessin afin de doter chaque unité d’un emblème spécifique qui serait apposé sur les véhicules ; la section B70, celle de Léon Bel, hérita ainsi d’un dessin de l’illustrateur Benjamin Rabier : une tête de bœuf hilare 01 . L’effet fut saisissant. Mais le coup de génie revient au soldat inconnu qui eut l’idée de compléter le dessin par ces mots : « La Wachkyrie », pied de nez aux Walkyries du camp adverse… L’anecdote aurait pu s’arrêtait là. Mais la guerre terminée, alors qu’il est en pleine réflexion sur son nouveau fromage et le nom qu’il portera, Léon Bel reçoit un cadeau inattendu de Clapson, un ancien compagnon d’arme : c’est la partition d’un fox-trot composé « en


souvenir du RVF/B70, autobus de ravitaillement de viande fraiche », intitulé La Wachkyrie et arborant le dessin de Rabier. Soudainement conquis, il décide d’adopter cette mélodie et dépose officiellement « La Vache qui Rit » le 16 avril 1921. Si son fromage a désormais trouvé un nom, Léon Bel n’a pas immédiatement accepté l’esthétique de Rabier. Au contraire, il confie à la maison d’imprimerie Ramboz, cette même année 1921, le soin de réaliser l’étiquette destinée à orner ses premières boîtes métalliques : une vache riante, à la robe fauve, campée sur ses quatre pattes derrière l’enclos de son pré 02. Mais encore une fois, il s’en lasse rapidement, à tel point qu’il décide de lancer un concours de dessin pour trouver l’égérie qui manque à sa marque ; sans oublier de convier Benjamin Rabier à se prêter au jeu… Évidemment, comme un juste retour des choses, c’est assez naturellement que l’illustrateur du camion de ravitaillement se retrouve lauréat ! Et la première affiche, qui officialisera et fixera pour les décennies à venir l’image de marque de La Vache qui Rit, apparaît en 1923 03. Tout était déjà là : la posture, la couleur, jusqu’aux célèbres boucles d’oreilles et la mise en abyme qu’elles provoquent. Car si le médaillon originel du RVF figurait un bœuf, c’est bien d’une vache qu’il s’agit à présent, et ces accessoires coquets devaient bien entendu parfaire la féminisation de l’animal. La Vache qui Rit n’a guère changé depuis, à l’exception de quelques liftings ou changements de décor de son packaging circulaire, influencée par les humeurs des époques qu’elle a traversées. Après la seconde guerre mondiale, elle trône sur les boîtes au centre d’un triangle qui symbolise le V de la Victoire, tout en rappelant l’originalité de ses portions ; en 1955, quatre étoiles viennent remplacer la forme géométrique et affirmer ostensiblement la qualité du produit ; à partir de 1970, alors que le triangle est réintroduit, ses cornes sont adoucies et ses contours af-

finés 04 ; en 1971, Jacques Parnel lui dessine un corps et la fait évoluer dans l’univers détendu post 68 05 ; en 1986, l’agence TBWA signe un spot animé, Le Casting, où l’héroïne va pour la première fois être mise en mouvement ; en 1989, elle arbore le bonnet phrygien à l’occasion du bicentenaire ; en 2006, elle découvre la 3D 06… Une saga iconographique à faire défaillir les tyrosémiophiles, à plus forte raison lorsque l’artiste belge Wim Delvoye signe une œuvre composée de plus de 4 000 étiquettes de Vache qui Rit, pour la Biennale d’art contemporain de Lyon en 2005. Reste la question principale : pourquoi la Vache qui Rit rit ? Quand on la pose à Antoine Fiévet, le PDG des Fromageries Bel, voilà ce qu’il nous dit : « Ce rire est l’ADN de la marque. Et ce n’est pas à nous de répondre à cette question ! Au contraire, il faut laisser chacun libre de se l’approprier et de donner sa propre interprétation. Le sourire fait du bien. Et on préfère le partager plutôt que de l’enfermer dans une réponse définitive. » Raté ! Mais en fouillant les archives biographiques de l’illustrateur Benjamin Rabier, on trouve cette citation particulièrement éclairante : « Dessiner des bêtes, c’est l’enfance de l’art ; leur donner une expression triste ou joviale, tout est là. […] Mais faire rire une vache ! J’ai passé des nuits blanches pour y arriver. J’avais loué à mon laitier une vache et son veau. J’entrepris de suite le veau, pensant qu’il serait plus sensible, étant jeune. Eh bien, pas du tout ! C’est la mère qui s’est mise à rire la première, heureuse de me voir jouer avec son enfant… » Banco.

04 Lifting de 1970

05 Anthropomorphe, vue par Jacques Parnel

06 Le passage à la 3D



p o rt ra it

Texte : O. Trias Visuel : deValence

deValence

Douze ans après sa création, deValence fait désormais partie, en France, des studios de graphisme majeurs. Focus sur ces acteurs influents qui ont fait de l'édition leur terrain de jeu favori. urbain, et sur la manière de les appréhender. Des contenus fournis, riches en références historiques et particulièrement appronfondis sur les arts visuels. Prenant un plaisir tout particulier à accompagner la construction éditoriale d’un livre en échangeant avec l'auteur, deValence publie aussi bon nombre de livres d'amis artistes. Leur résidence à Mains d'œuvres, de 2002 à 2007, symbolisait déjà cette manière de travailler : au plus proche des artistes et des musiciens. Tellement proche qu'en janvier 2013, Gaël Étienne a quitté le studio pour se consacrer entièrement à la musique, notamment avec Lescop et en solo sous le nom A Part Time Punk. Depuis sa création, l'équipe a donc évolué (arrivées de Ghislain Triboulet en 2007, devenu associé en 2013, et de Jérémy Perrodeau en 2012), mais deValence n'a jamais changé le cap qu'il s'était fixé : « développer une démarche singulière ». Si cette démarche s'exprime à présent dans des productions plus diverses (identités visuelles, sites web, typographie de grande taille pour un architecte…), l'édition reste néanmoins leur domaine de prédilection. « J'avais l'envie de faire des livres particuliers », précise Alexandre. C'est réussi.

©deValence, poster pour l'exposition "Songs for a Mad King" de l'artiste Mathieu K. Abonnenc à la Kunsthalle Basel, 2013

D

e leur rencontre à l'École des Beaux-Arts de Valence, Alexandre Dimos et Gaël Étienne ont choisi de conserver le nom de la ville comme référence de provenance, pour fonder en 2001, le studio de graphisme deValence. C'est que le binôme n'a jamais pris l'habitude de brouiller les pistes. En créant une revue nommée Marie Louise (renommée Back Cover) et la maison d'édition B42 (diminutif de La Bible de Gutenberg à 42 lignes, premier livre imprimé en Europe), le studio montre ostensiblement qu'il place le Print au centre de leur activité. À l'origine du studio, la revue de musique Magic, dont ils ont assuré la direction artistique de 2001 à 2005, préfigurait parfaitement ce qu'allaient être leurs futurs champs d'interventions : le support imprimé et le domaine culturel. Partant du constat qu'« il n'existait, en 2006, qu'un seul magazine mensuel en français sur le graphisme », deValence profite d'une invitation à une résidence d'un mois au Lux de Valence, pour concevoir une revue indépendante devenue depuis une référence du genre. Back Cover, publiée tous les six mois, en français et en anglais, regroupe sous différentes formes (interviews, journal de bord, textes théoriques, transcriptions de conférences) des contributions d'acteurs internationaux (graphistes, typographes, critiques et historiens de l'art, journalistes spécialisés). Ce bijou est produit « comme un outil critique, de travail et de découverte, dans le but de venir enrichir le matériel de réflexion sur les pratiques du design graphique, de la typographie et des arts visuels. » Bien plus que d'informer, la finalité de cette publication est davantage de donner des clefs pour penser et imaginer l'exercice de la discipline. La maison d'édition B42, créée en 2008, découle de ce projet. Au travers de traductions ou publications d'ouvrages souvent très théoriques (Le Transformateur de Marie Neurath et Robin Kinross, Le Détail en typographie de Jost Hochuli, Le Vertige du funambule d’Annick Lantenois…), B42 s'attache à apporter une véritable réflexion sur le graphisme, la typographie, la signalétique ou l'environnement

www.devalence.net www.editions-b42.com

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R ep ortage graph i qu e Texte : M. Gueugneau Visuel : S. Bournel-Bosson


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Kiblind magazine présente

print is print Exposition CoLLECtiVE print iS print L E m a r d i 1 8 j u i n a u b at o fa r - pa r i s 1 3 à pa rt i r d E 1 9 h À l'occasion de la sortie de son nouveau numéro été 2013, Kiblind présente print is print avec the human printer, tous les artistes des pages blanches, et un dJ set de everydayz WWW.Kiblind.com ou WWW.batofar.org

ma gazine


pages b l an c h es

•

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— Jimbo Barbu Sans Titre (CrÊation Originale) jimbobarbu.com


— Antoine Desailly 48 antoinedesailly.over-blog.com


— Benjamin Collet SANS_TITRE.PDF www.springboard-bc.com


— Marion Fayolle Romantisme marionfayolle.canalblog.com


— Phillip Jung Scrublands Exhibit www.jungphil.com


— Armand Mevis et Linda van Deursen Heralded as the new black Monozukuri, façons et surfaces d'impression


— Maiko Gubler Gradient Bangles maikogubler.com


— Emmanuel Espinasse Le Boxeur www.emmanuelespinasse.com


— David Porchy Exit www.davidporchy.com


— Seetal Solanki Marble Print www.seetalsolanki.com


— Guillaume Hugon Smoothlub www.flickr.com/photos/gallipolihotel


— Bettina Henni Quilles et Toupies (extrait) www.bettinahenni.com


dossier Texte : G. Viry Visuel : Baptiste Alchourroun

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Partenaires particuliers

Le crowdfunding numérique est-il en train de participer au renouvellement de l’offre médiatique, même imprimée ? Enquête sur une nouvelle ère dans laquelle on pourrait bien s’entendre dire : « mon meilleur ami est financier »…


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C

amille Millerand n’est pas du genre à traîner dans les pas de notre Bernard-L’hermite préféré (la Villardière). Il ne marche pas ; il court. Et quand il atteint le Japon, ce jeune photo-reporter, bon connaisseur de l’Afrique et des services Société (Le Monde, Courrier International, Télérama), n’est pas là pour les chauffards, la police ou les geishas. Il met actuellement en images une enquête exclusive sur les 2 % de migrants au pays du Soleil Levant. « Je collabore régulièrement avec la revue Hommes et Migrations, qui prépare un numéro spécial Japon. Elle a constitué un comité de rédaction avec des chercheurs, mais n’avait pas d’argent pour faire des images. » Le photographe se tourne alors, à la vitesse de la lumière, vers la plateforme Kiss Kiss Bank Bank (KKBB), qui sélectionne son projet et lui permet de récolter en 35 jours les fonds nécessaires (5 000 euros), en échange de rétributions

modulaires : remerciement nominatif, tirage couleur, etc. « J’ai participé au financement, à hauteur d’un tiers, dans la mesure où le voyage me permettra de produire et de vendre, peut-être, d’autres images. Le reste vient du réseau proche, mais aussi d’internautes que je ne connaissais pas. » Le tour de table est achevé cinq jours avant le départ et l’argenterie fait place nette, sur la nappe, à l’autre pays de la baguette. Apparu aux États-Unis à la fin des années 2000, avant de traverser l’Atlantique, le crowdfunding (« financement par la foule ») est la face émergée d’un nouveau modèle économique, collaboratif, dont l’établissement de crédit est incarné par des particuliers, à travers plusieurs modalités : dons, prêts à taux nul, investissement en échange d’actions. Comme dirait un certain Guignol, ce phénomène est une révolution, et une vraie, car le système tout entier repose sur


en quelques chiffres 2,7 mds

de dollars Le montant total des fonds récoltés, en 2012, pour 1 million de projets sur plus de 500 plateformes. Prévision 2013 : 5 milliards de dollars.

10,2 m

de dollars 68 000 internautes ont participé, en 2012, au financement de la montre intelligente Pebble communiquant notamment avec les smartphones (Kickstarter)

6m

d'euros Montant total des dons récoltés par Ulule, leader français et européen du financement participatif, depuis sa fondation (Kiss Kiss Bank Bank : 5 millions).

49 020 euros

Somme récoltée, en 2013, pour la restauration numérique des Parapluies de Cherbourg, présentée au Festival de Cannes (Kiss Kiss Bank Bank)

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280 104 euros

Montant déjà récolté, au 20 mai, pour le financement de Noob Le Film, issu de la web-série éponyme, sur un objectif initial de 35 000 euros. Le « best-seller » d'Ulule.

1 060 euros

La rémunération moyenne des 347 producteurs du premier album de Grégoire, sur My Major Company (245 406 disques vendus en 2008), en proie actuellement À un mouvement de colère des « petits actionnaires ».

dance est également perceptible chez la mobilisation d’un nouveau gisement KKBB. Dès les premières semaines de qui engouffre déjà plusieurs milliards son lancement, en 2010, la plateforme de dollars, chaque année, dans l’écoa réussi un coup d’éclat grâce au webnomie réelle des porteurs de projet. documentaire du journaliste Raphaël Tout semble désormais possible grâce Beaugrand, au crowdfunding, Paroles de Conflits, y compris de faire basé sur un financer une plateforme de porno Le crowdfunding p é r i p l e à v é l o entre Srebrenica caritatif dont devient et Hiroshima : l’argent est reversé une solution 16 000 kilomètres à des ONG, ou la commercialisation alternative dans et 18 850 euros collectés. Et aud’un oreiller engloles secteurs jourd’hui, après bant, permettant en mal 1 300 projets de faire la sieste au de financement, réussis, dont 15 % bureau. De façon ont une vocation générale, la nounotamment veauté du système dans la sphère journalistique et/ ou médiatique, fait qu’il est particulturelle Charlotte Richard, culièrement utilisé chargée de la compour des invenou médiatique. munication, n’est tions et des actions pas peu fière de en phase avec une nous présenter le documentaire proépoque ou contribuant, justement, à posé par Denis Robert sur François passer à la suivante. « Nous recevons Cavanna, le créateur d’Hara-Kiri et plus de 800 projets par mois, explique Charlie Hebdo. Le journaliste-artiste Mathieu Maire du Poset, responsable a déjà collecté plus de 15 000 euros de la communication d’Ulule, qui sont de dons en trois semaines, en contresélectionnés en fonction de leur quapartie desquels il propose plusieurs lité créative, innovante ou solidaire. Le récompenses, dont une affichette, sur crowdfunding devient également une laquelle il fait des lignes : « Je ne dirais solution alternative dans les secteurs en plus de mal de Clearstream ». mal de financement, notamment dans la sphère culturelle ou médiatique. » Les fondateurs de la plateforme, comme Papier monnaie ceux de KKBB, en sont d’ailleurs issus. Avant de fonder Ulule, par exemple, — Alexandre Boucherot était à la tête du Cité Paradis, à Paris. Kiss Kiss Bank webzine culturel Fluctuat.net (1,3 milBank a bien choisi sa domiciliation lions de visiteurs par mois) revendu en et un complément d’adresse, joli2006 à l’anxiogène Doctissimo, puis à ment marketé : Maison de créativité. Lagardère. 14 personnes y travaillent, dans une Depuis plusieurs mois, le journalisme pièce où raisonne aussi bien le silence indépendant, au sens large (documende développeurs que la conviction de taires, reportages, publications), fait de créateurs de passage. En 2008, Vincent plus en plus appel au crowdfunding. Ricordeau quitte la vice-présidence de « 5 % des projets y sont directement Sportfive, leader européen du markeliés et on reçoit un nombre croissant de ting sportif, pour fonder la Maison, demandes », confirme Mathieu Maire avec deux associés. Le quadra a une du Poset. D’après Camille Millerand, capacité manifeste à paraître pressé « des photographes qui ont quinze ans tout en prenant le temps de finir ses de bouteille y ont désormais recours, ce rendez-vous, quitte à faire patienter qui témoigne bien de l’état des finances le suivant. « KKBB a été créée comme dans le domaine du reportage ». La tenune plateforme de soutien à la créa-


DOSSIER

37 tivité et à l’innovation permettant à des créateurs indépendants de réaliser leurs projets, sans se faire manger par l’industrie culturelle, car on en a marre de Florent Pagny ! » Trois ans après son lancement, l’initiative est un succès, proche de la rentabilité, grâce aux commissions prises sur les collectes et ses partenariats BtoB. « Nous travaillons notamment avec la Banque Postale qui s’est intéressée, très tôt, aux valeurs que nous portons et à la modernité du système de financement. » Si KKBB est une plateforme généraliste, en cours d’extension dans plusieurs pays d’Europe, elle véhicule, depuis l’origine, une image sensiblement « arty » : les créatifs affluent, tout comme les porteurs d’objets médiatiques innovants, mêlant une ambition éditoriale à d’autres formes d’expression. « On reçoit 300 projets en moyenne chaque semaine. Le journalisme fait partie des tendances actuelles, car son modèle économique

est fortement chahuté. » Ainsi, au-delà des propositions de sujets, KKBB sélectionne et participe, depuis plusieurs mois, à l’émergence de nouveaux supports : fanzines, magazines locaux et tendance (V Marseille, Parisianisme), « revue culinaire sauvage » (La Brousse), publications culturelles et graphiques (Correspondances, Figure), etc. Une quinzaine a déjà été financée, dont plusieurs inclassables, monomaniaques, qui n’auraient peutêtre jamais été imprimés sans la plateforme. Garagisme, par exemple, est un élégant semestriel consacré à la culture automobile et diffusé dans une centaine de points de vente, à travers le monde, où les amateurs de jantes sont en principe bannis. Chez Colette, Artazart ou au Drugstore des Champs-Élysées, il côtoie désormais Le Cercle, une nouvelle revue thématique de 132 pages qu’une fine équipe de créatifs, originaires de Strasbourg, vient de lancer avec un premier numéro consacré à la forêt. « Ca devient un

comble, résume Vincent Ricordeau : le web a longtemps été accusé de tuer le papier, alors qu’il est en train de lui offrir, d’une certaine manière, une nouvelle vie. » Si la plupart de ces titres ont des tirages relativement limités, l’engouement du public se mesure davantage au niveau des collectes, en particulier lorsque l’histoire a déjà commencé avec lui. Créé en 2010, par exemple, Paulette a d’abord été une page Facebook, puis un webzine, avant de devenir un magazine papier, financé grâce à un système de pré-commandes sur le site My Major Company (MMC). « Pendant un an et demi, on diffusait le magazine exclusivement à nos 5 000 abonnés, se rappelle Irène Olczak, sa fondatrice. Pour continuer à le développer, il fallait passer en kiosques, mais cela nécessitait un investissement important » En 2012, lorsque MMC se transforme en plateforme de crowdfunding, parallèlement à son activité de label participatif, la Maison


Financée sur KKBB (4 432 euros collectés) et éditée à 5 000 exemplaires, Le Cercle est une revue artistique annuelle, dont le premier numéro 1 est consacré à la forêt. « C’est un thème très inspirant dans l’art, la littérature ou le journalisme », explique Marie Secher, l’une des graphistes à l’origine du projet. www.cerclemagazine.com

38 Paulette prépare alors un grand « hold up » pour obtenir les 25 000 euros nécessaires. « Nous avons mobilisé la communauté, qui a répondu largement présente, avec plus d’un milliers de donateurs. » Au total, le projet engrange plus de 35 000 euros et permet au féminin décalé, 100 % participatif et « garanti sans mannequins », de poursuivre l’aventure, désormais tiré à 40 000 exemplaires et disponible dans plus de 6 000 points de vente. « Le rôle d’une plateforme de crowdfunding, rappelle Vincent Ricordeau, c’est simplement d’ajouter une brique de financement. Le projet doit être avant tout légitime, solide et capable de mobiliser trois cercles progressifs : le réseau proche, la communauté, puis les autres internautes. Avec ses 30 000 amis Facebook, ses 180 000 visiteurs mensuels et le potentiel viral de sa vraie campagne de « hold up », rien d’étonnant à ce que Paulette soit ainsi parvenu à braquer le public, au bon moment, sur son appel. « La réussite de certains financements, dans la presse écrite, a sûrement servi de caisse de résonance à d’autres », complète Mathieu Maire du Poset, qui a notamment assisté, chez Ulule, au prolongement d’Oyako, « le magazine des jeunes parents curieux » (et trendy), au lancement papier de Gonzaï et au financement éclatant de La Revue Dessinée (36 000 euros sur un objectif de 5 000) : 200 pages d’enquêtes et de reportages en dessin, prévues pour septembre.

Paulette est un succès, La Revue Dessinée, une promesse et Le Cercle, sorti en avril, vient de recevoir sa première demande de réassort. Pour autant, dans la forêt, il faut savoir éviter les dangers, ou la sève un peu trop gluante. « Nous commençons le numéro 2, sur la science-fiction, qui sortira l’an prochain. Mais nous ne comptons pas solliciter à nouveau le public, avance Marie Secher ». Le crowdfunding reste, en effet, une rampe de lancement, pas une nourriture céleste en forme d’assurance-vie, garantissant la pérennité de ses enfants. Parmi les nouveaux médias qui s’y sont frottés, certains sont justement bien placés pour savoir que, derrière la collecte, l’horizon n’est pas tout à fait dégagé. À l’automne dernier, par exemple, Oyako sollicite 7 000 euros sur Ulule pour financer son 3e numéro, car les deux premiers n’ont pas réussi à réunir suffisamment de trésorerie. Lancé en janvier, le mensuel V Marseille rencontre actuellement la même problématique pour sa cinquième édition, malgré des ventes encourageantes : il a déjà récolté 6 116 euros sur KKBB, qui lui garantissent la prochaine parution, en attendant que la publicité prenne une partie du relais. Si les plateformes de crowdfunding participent ainsi à l’éclosion ou au prolongement d’aventures médiatiques, elles n’ont pas encore le pouvoir d’inventer un nouveau monde, à grande vitesse, qui éviterait les passages à niveaux existants dans le système de diffusion ou la publicité. Au premier étage de sa cité Paradis, Vincent Ricordeau martèle d’ailleurs une vérité essentielle : « Contrairement à ce qu’on laisse parfois entendre, on n’est pas là pour faire des miracles, car le crowdfunding reste seulement un outil, pas une philantropie. » « Il faut pas sortir de Saint-Cyr, quand tu ouvres Gonzaï, pour comprendre qu’on n’avait pas intérêt à aller en kiosque. » Pourtant, Thomas Ducres, aka Bester, l’a bien cherché, quand le webzine éponyme (100 000 visiteurs par mois) a décidé de coucher, sur papier, sa vision « des faits, des freaks et du fun ». « En kiosque, pour arriver à vendre 5 000 exemplaires, il faut en tirer 15 000. C’est une économie stupide car cela signifie qu’il faut une trésorerie de départ complètement dingue pour arriver à encaisser les pertes. » En décembre dernier, Gonzaï lance alors une collecte, sur Ulule, pour financer le premier numéro, à travers un système de pré-commandes. L’opération, réussie, est reconduite pour les numéros suivants : elle utilise le crowdfunding pour ce qu’il est (tu donnes, tu reçois) mais aussi au-delà, en transformant le rapport classique de l’offre et la demande dans la diffusion d’un média. Ainsi, le magazine lance toujours sa campagne de financement comme une maison sur plan : avec un « previously in Gonzaï » et un pré-sommaire pour le numéro en préparation. Au-delà du média, Thomas Ducres a peut-être inventé, avec d’autres, un nouveau modèle économique de presse, tout en gardant l’esprit gonzo bien en tête : « Tant que ça fonctionne, on poursuit. Après, on verra… »

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Nouvelle information génétique ? -


Thomas Ducres Lancé en 2007, le site Gonzaï est aussi devenu, en janvier, un magazine papier, grâce à une utilisation gonzO du crowdfunding d’Ulule.

Pourquoi avoir lancé Gonzaï en papier ? Pour devenir millionnaire en six mois… Non, ça nous démangeait depuis un moment. On a commencé par faire le tour des éditeurs, mais on s’est vite rendu compte que ce n’était pas évident de rentrer dans les codes. On aurait sûrement pu être diffusés en librairies, à la manière d’un mook, mais ça ne nous faisait pas beaucoup bander. Il fallait sinon aller en kiosque, mais c’est une économie qui nous semblait complètement inappropriée par rapport au projet et au tirage souhaité. D’où l’idée de faire appel au public ? À un moment, en effet, il n’y avait plus cinquante solutions : soit on abandonnait le projet, soit on le faisait seul. C’est comme ça, en France : t’es souvent obligé de faire les choses par toi-même en espérant être soutenu ou racheté plus tard, ce qui est complètement con ! À l’origine, je n’étais pas convaincu par le système du crowdfunding, car il y avait un petit côté caritatif, genre « Donnez-nous 15 balles et vous aurez votre nom dans l’ours ». Mais on a vu l’équipe d’Ulule : le rendez-vous a duré un quart d’heure et ils avaient tout compris… Comment ça marche concrètement ? Le financement de Gonzaï repose, en fait, sur les pré-commandes : les gens commandent le mag en préparation et le reçoivent quand la collecte est bouclée. Deux numéros sont déjà sortis et un troisième est en cours. Dans les faits, on a un peu biaisé le système du crowdfunding car on l’utilise davantage comme une plateforme de pré-commandes avec la garantie pour le public, si le projet capote, d’être remboursé. Pour les lecteurs qui sont vraiment réfractaires au fait d’acheter un magazine « virtuel », qui n’est pas encore sorti, on est également diffusé dans certains lieux partenaires : disquaires, cinémas MK2, boutiques Agnès B. Le principe est le même : ils reçoivent le magazine s’ils l’ont, eux aussi, commandé. Quels sont les résultats ? Il y a plein de choses à améliorer mais, globalement, les retours sont très positifs. La campagne de pré-commande, pour le numéro 2, a été assez difficile, car le numéro 1 venait de sortir, du coup le public n’avait pas forcément envie de repayer tout de suite. Finalement, je suis monté au créneau pour expliquer la situation : soit le magazine sortait parce qu’il y avait suffisamment de pré-commandes, soit il ne sortait pas. C’était un peu un coup à la Don Draper, mais on en a eu 3 500 dans la journée ! Et les gens ont très bien réagi. En fait, il s’agit simplement d’installer une nouvelle habitude, consistant à commander un magazine qui n’est pas encore produit. Au sommaire du numéro 3 (sortie le 20 juin) : La double identité et les imposteurs de la pop. Jean-Pierre Mocky. Khadafi et la mode. La Genèse de Faites entrer l’accusé, etc.

Pour financer ses prochains reportages, Camille Millerand, lui aussi, verra bien. « L’outil est intéressant, mais je passerai peut-être par une plateforme spécialisée, comme Emphas, sur laquelle j’ai déjà soutenu, à titre personnel, des projets. » Au-delà des contenants, le crowdfunding à vocation journalistique nous emmène, pour finir, vers une question de départ : estil une source de financement crédible, pérenne, attachée à la valeur informative d’un sujet, en dehors de l’apport aventureux, communautaire et souvent marketé d’un projet pour s’imposer auprès des internautes ? Autrement dit : Raphaël Beaugrand aurait-il eu le même impact avec les mêmes Paroles, mais sans vélo ? Plus largement, à la différence d’Emphas, originaire d’Israël ou de Spot, aux États-Unis, les plateformes de crowdfunding spécialisées dans le journalisme peinent à s’imposer dans notre paysage local. Lancé en mars 2011, à l’initiative de Rue89, le portail J’aime l’info permet, par exemple, de soutenir financièrement des médias indépendants et des initiatives journalistiques. Mais il n’y a pas encore foule et « 0 projets » en cours. Quant au site Glifpix, créé en 2010, il a carrément disparu des écrans : il devait permettre aux internautes, sur le modèle de Spot, de proposer des sujets, de financer des journalistes intéressés pour les couvrir et de les découvrir en exclusivité. En attendant la suite, car l’histoire est récente, certains projets proposés sur les plateformes existantes matérialisent, en tous les cas, une autre manière de concevoir et produire l’info. Couvrir le prochain Tour de France* dans une Peugeot 406 en s’arrêtant « là où il y a des transats, des caravanes, des barbecues », ou retranscrire la « conversation » d’un ethno-botaniste dans Le Cercle, à travers un graphisme soigné et un support artistique de toute beauté ? On ne sait pas pour la France mais, pour nous, ça veut déjà dire beaucoup…

* Le Tour en Têtes, projet journalistique complet (documentaire + tumblr + portraits), actuellement en cours de financement sur KKBB.

Paulette est actuellement tiré à 40 000 exemplaires, dont 10 000 abonnés et la société éditrice développe de nouvelles activités de branding, autour du magazine. C’est le cas au Festival de Cannes, avec HP. www.paulette-magazine.com

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Lancé en 2010, Crumb est un magazine numérique dédié aux cultures émergentes (60 000 lecteurs). En 2012, il s’offre une pause, grâce à KKBB, pour refondre son site et préparer son arrivée en kiosques, à partir de septembre. 15 150 euros collectés sur 8 000 demandés. www.crumbmagazine.com



cahi e r m ode

pattern Photo : Laurens Rossner I DA : Baptiste Viry Styliste : Alix Devallois Models : Destin Lenord Texte : Jérémie Martinez

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motifs 01

Madame Figaro elle-même annonçait la couleur sur son site internet le 31 octobre : « le motif est un marqueur de saison ». On ne parle pas ici d'un quelconque sportif (Carmelo Anthony par exemple) qui aurait fini la saison (NBA) en mettant un maximum de paniers (en moyenne l'allier des Knicks a marqué 28,7 points par match de la saison régulière), mais plutôt d'une tendance. Un phénomène remarqué bien avant tout le monde par des bureaux de style et qui, à force de persuasion, transforment une petite bise nichée en tempête marketing. Il devient alors un véritable repère, ou marqueur, pour le quidam qui arpente le bitume. Le motif. À l'origine le terme de motif (ou pattern) est employé dans le cas précis d'une répétition de formes bien définies. Sur ces dernières saisons, les fameux marqueurs pourraient être pêle-mêle : les carreaux 02, le léopard, le guépard 01, le pied de poule 04, les pois, les fleurs ou plus remarquablement, le palmier 03, le flamant rose, le militaire 05, la croix ou la licorne, etc. Ode à la faune exotique dans toute sa diversité ou simple composition géométrique, le motif hante nos armoires, et revient irrémédiablement, puisque le bonheur c'est d'avoir, comme une vieille rengaine d'Alain Souchon. Passons les leurres à tête de loups 07, de tigres ou autres imprimés au motif unique à contre-sens. Qu'on se dise, le motif se reproduit. Normal puisqu'il prend sa source dans la nature qui nous entoure. Le Boteh 06, littéralement « bouquet de fleurs » en persan, incarne à lui seul tout ce que l'on peut souhaiter dans la vie d'un bon vieux motif. Né autour des années 220 après Jésus‑Christ, ce motif floral persan en forme de goutte 08 peut se targuer d'être un symbole qui fait parler. Langue de feu de Zarathoustra ou larme de Bouddha, ce motif a, comme il se doit, une origine florale. Wikipedia se serait même écrié à son propos : « La “ boteh gegheh ” est [même] une fleur mystique iranienne qui provient du symbole chinois du yin et du yang. Les fleurs de boteh vont de général par paire, représentant très souvent dans le tapis l'union de l'homme et de la femme. C'est la rose imaginaire de l'Iran, la fleur la plus romantique, le symbole [même] de l'amour ». Non content d'avoir des origines mystérieuses, le boteh fait également preuve de générosité. Il est présent dans la mode mais aussi dans d'autres domaines comme l'art, la bijouterie ou l'architecture. Se développant dans tout le Moyen-Orient, envahissant l'Asie, il va sévir jusqu'aux portes de l'Europe sous la forme de châles en cachemire dans les années 1600. C'est le moment choisi par les commerçants et

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06 expression du motif boteh

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08 tampon boteh

09 tunique homme début 19e


et bouches cousues 10 par moocroft - UK - 1823

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marchands britanniques d'épices venus de l'East India Company pour s'en emparer, fleurant le bon filon 09. Et cela fait un véritable carton sur le vieux continent, créant même un réel sentiment de frustration chez la clientèle extrêmement huppée d'alors. Français, Hollandais ou Anglais se décident donc à produire eux-même le châle si cher et tant désiré 10. C'est Paisley, en Écosse, qui deviendra le plus grand producteur de châles en cachemire à partir de 1850 et qui donnera du même coup son nom occidental au fameux motif boteh. Mais en Europe, point de cachemire (juste un mélange de laine et de soie) et seulement un quart des couleurs présentes initialement dans le véritable tissu fabriqué au Cachemire. Cette petite goutte d'eau dans l'océan de la mode poursuit malgré tout son chemin jusqu'aux années 60 où le mouvement Hippie en fait sa marotte. Mick Jagger, Marianne Faithfull 11, les Beatles 13 ou Jimmy Hendrix 12 consacrent ce motif « exotique » à l'esthétique élaborée. À croire que le boteh plait aux rebelles épris de liberté, qui ne peuvent se satisfaire de la morosité ambiante. Et voici donc le coup du foulard 14, du bandana plus précisément 16. Comment peut-on expliquer l'arrivée du motif boteh sur ce bon vieux bandana autrement qu'en pointant son essence revendicatrice et son passé symbolique ? Débarqué aux États-Unis grâce aux pirates des caraïbes 15, le bandana fait fureur chez les amérindiens puis chez les cowboys eux-même, protégeant tour à tour du sable, du soleil ou de l'odeur du fumier. Permettant initialement l'élimination du surplus de transpiration des travailleurs en plein air, il deviendra par la suite l'accessoire des révoltes et le symbole des revendications. Dans les années 80/90, la communauté homosexuelle s'en sert pour afficher ostensiblement ses préférences en matière de parties de jambes en l'air, tandis que les gangs exhortent leur appartenance en arborant fièrement un bandana bleu (pour les Crips) ou rouge (pour les Bloods) 17. Et tous les rebelles d'alors s'y mettent : Prince, Punky Brewster 18, son chien, et même Renaud 19... Du cou des grands bourgeois occidentaux au front des rappeurs engagés, l'écharpe en cachemire a mué en foulard de coton coloré portant haut l'étendard de la valeur suprême. Comme un symbole, le motif Boteh navigue désormais entre les marques de créateurs ambitieuses mais couteuses (Jil Sander 21, Stella McCartney, Haider Ackermann) et jeunes marques dévergondées (Supreme 20, Van's, Hershel). L'amour au-dessus de tout.


Chemise EDWIN Pantalon CLUB MONACO


Chemise AMERICAN APPAREL


Veste PEPE JEANS Chemise ELEVEN PARIS Pantalon C.P. COMPANY Ceinture AMERICAN APPAREL


Chemise EDWIN


Foulard VINTAGE



Chemise BÉRANGÈRE CLAIRE


Pull ZUCCA Pantalon BEN SHERMAN


Chapeau STETSON Chemise CUISSE DE GRENOUILLE




centre de documentation et d’information rédigé par Maxime Gueugneau & co

CDI

BARQUE

n.f. (barca). Petit bateau. Ext. Parcours individuel sur le grand océan de la vie. Ex : « C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la barque » - Renaud. S’utilise aussi lorsqu’on mène une vie ou une structure artistique indépendamment des autres.

Fig. 1 : SVN SNS Records _

Fig. 2 : Sans tambour, ni trompette _

[ m u s i q u e ] . Après quasiment un an d’inactivité, SVN SNS (pour Seven Sons) annonce son retour aux affaires. Les connaisseurs de musique et de liberté sont aux anges puisque Alex Poveda et David Gamelin sont docteurs en la matière. C’est en 2010 qu’ils avaient fait don de leurs savoirs à la communauté mélomane en créant le label parisien. Ces deux membres du groupe To The Happy Few, se trouvant contraints par les règles du milieu musical, avaient en effet choisi de créer leur propre structure pour sortir leur premier EP éponyme. Une structure qui devait par la suite contenter les plus fines oreilles comme les amateurs d’objets sonores de qualité. Exclusivement réservées à la cassette audio et au vinyle, les sorties du label parisien ont ceci de particulier qu’elles sentent très fort la passion de la musique. Grâce à l’aspect physique donc mais, et c’est le plus important, par une indécrottable fidélité à l’excellence. En alliant éclectisme, bon goût et amour du prochain, SVN SNS s’est construit en deux ans une discographie d’une beauté singulière. Si Holy Other reste sans doute leur découverte la plus clinquante (son Held sur Tri Angle records a mis à genoux critiques et public), la pop rêveuse d’Happy New Year, l’envoûtante cold wave de Dreams ou bien sûr les tribulations électronico-échevelées de To The Happy Few méritent elles aussi le doux nom de « pépites ». C’est peu dire qu’on leur fait confiance pour la suite.

[ e x p o ] . La route droite, la chaussée nickel, sans aucune pente à l’horizon, voilà la voie dont rêvent ceux qui ne rêvent pas assez. Sitôt sorti des Beaux-Arts, Roland Topor, lui, a préféré se perdre, aller sur les chemins caillouteux, sur les mers de l’intranquillité. Il n’a jamais cheminé, il a dérivé, emporté par le courant de ses pensées intérieures contre lequel il n’a donné aucun coup de pagaie. La voici, la voie forcément consomptible tracée par Roland Topor : tout au long de sa vie invoquant le sexe aussi bien que la mort, il a surtout invoqué la raison moins bien que la déraison. À cette inestimable carrière, le Lieu Unique de Nantes a voulu rendre un hommage Sans tambour, ni trompette à l’image du génie parisien. Loin de toute hagiographie, le commissaire de l’exposition Bertrand Godot a choisi de montrer ceux qui, par leur choix, leurs œuvres et leurs sujets se rapprochent de la démarche de Topor. Le multi-instrumentiste Michael Dans, le sculpteur marginal Erik Dietman, le grand brasseur Benjamin Monti, les fantaisistes Mrzyk & Moriceau et l’horticole Daniel Nadaud font partie de ces artistes qui, par leur démarche, continuent la grande œuvre de défrichage de Roland Topor. Pour qu’enfin l’art navigue sans balises.

svnsnsrcrds.blogspot.fr/

• Sans tambour, ni trompette jusqu’au 11.08 au Lieu Unique, à Nantes. www.lelieuunique.com

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Fig. 3 : BLWBCK _

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[ m u s i q u e ] . Pour les trois Toulousains à la tête de BLWBCK, « Life is a walkman ». Certes, si on enlève l’option auto-reverse, il n’est pas faux de dire qu’il y a quelque chose de commun entre le baladeur et la vie du label. D’une part, parce que BLWBCK a décidé, dès sa 11e sortie, de vendre exclusivement (ou presque) en format cassette audio. Romain, Simon et Adrien chargent en effet la bande magnétique d’un amour passionnel dû à la malléabilité du support physique, son aspect suranné et la charmante imperfection de son son. Un matériau qui colle tout à fait à la logique D.I.Y. du collectif. Mais loin de se cantonner à du simple artisanat, BLWBCK suit aussi l’ère du temps et utilise nos chères avancées technologiques pour allier un éclectisme

Quel plaisir de retomber en enfance quand c’est fait avec goût. Le magazine mensuel Biscoto est certes pour les enfants, mais cela n’interdit pas aux parents de jeter un œil aux histoires de Paul Loubet, Nicolas Pinet, Jonathan Blezard, Pablo Dielcelo ou Charline Collette, pour le n°5 consacré au Bazar. Couleur, 16p., 3,5 euros. Prochain numéro « Les Bisous », sortie début juin. biscotojournal.com

• Prochaine sortie : Postdrome, Where The King Will Land, édité en 40 cassettes et en digital, en juin. www.blwbck.com

b i b l i o t h è que

n.f. (βιβλιοθήκη), meuble ou endroit où sont conservés les livres ; collection organisée de livre. Ex : « Je passe une temporalité folle dans les bibliothèques » Eve Angeli. Se dit aussi d’une liste de livres à lire absolument.

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invincible à un voyage musical permanent. Un label baladeur, là aussi. BLWBCK pioche en effet ses trouvailles musicales dans la pop indé, l’ambient, la drone, le math rock, l’electronica ou le screwed up, et les déniche à Brooklyn, au Costa Rica, à Varsovie, en Australie, en Russie ou à Lyon. Des origines et des styles différents pour aboutir au même résultat : une musique à l’émotion débordante, dépassant de loin le cadre simple du tapement de pied et du fredonnement. En témoignent les merveilles sorties chez BLWBCK depuis 2010 (en cassette depuis 2011) : Metal Alvin, Noir Cœur, Karelle, y0t0, ou dernièrement Saåad/Insiden et ZENИTH. Une pléiade de musiciens qui n’ont qu’un seul but, provoquer le doux sentiment du transport. « Life is a walkman » nous avaient-ils prévenus.

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L’expédition AtopoZ, conduite par Gaëtan Dorémus et Dominique Goblet, a rendu son rapport. Revenue du territoire de la lettre illustrée, elle y a rencontré de bien étranges spécimens et recueilli le témoignage d’autochtones pour le moins singuliers. Le tout est dans ce livre beau et ô combien intéressant avec les contribution de Paul Cox, Blexbolex, Renaud Perrin, Hélène Riff, Jean Alessandrini, etc. Couleur, 82p., 14 euros, Éditions Rhinocéros. r-diffusion.org

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Quand l’excellente maison d’édition FP & CF, l’érudit site Purebakingsoda.fr et l’illustre illustrateur Hector de la Vallée forment la triforce, ça donne Cooking by the book vol.1 petit livre de taille sur les jeunes années du groupe Outkast. L’histoire du rap, comme dans nos rêves. Noir sur papier Bengali Mandarine, 50p., 4,99 euros, Éditions FP&CF. www. editionsfpcf.com ; purebakingsoda.fr

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Les éditions Misma ont eu l’honneur du Fauve à Angoulême pour leur excellente revue Dopu Tutto #3. Peu avares de leurs forces, elles sortent le n°4 aussi sec et avec du beau monde : Émilie Plateau, Roope Eronen, Mr.Ed, Yoon-Sun Park, El Don Guillermo, Esther Pearl Watson, Estocafich, etc. N&B et Couleur, 128p., 10 euros, Éditions Misma. misma.fr

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Cercle est un nouveau venu anglais dans la grande ronde des revues françaises. Oui, mais celle-ci est de qualité. Doublement. D’un point de vue graphique, en premier lieu, et ensuite éditoriale avec un thème par exemplaire. Pour le n°1, c’est « Forêt » avec la participation de Lescop, Ellie Davies, Stefano Boeri, Debbie Carlos, etc. Couleur, 132p., 18 euros. cerclemagazine.com

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Et comment ne pas citer le nouveau numéro de la revue de ces très chères éditions Nobrow Press, trésor d’illustration de qualité. Nobrow 8 est en effet sorti, pour notre plus grand plaisir. Avec la participation de Max Capdevilla, Karine Bernadou, Gwendal Le Bec, Sam Bosma, Luke Pearson, etc. Couleur, 128p., 17 euros, Nobrow Press. nobrow.net


C o n g é n è re n.m. (cum-genus). De même genre, amis, comparses, semblables. Ex : « C’est dingue ce que la télé-réalité génère comme cons » - Nabilla. Se dit aussi de ses amis dans la tête, ou de personnes qui ont le même amour de la techno.

Fig. 1 : Amigos Locos _ [ e x p o ] . Parfois, dans sa tête, on est plusieurs. Et c’est heureux, tant la solitude cérébrale est la cause de nombreux cas de tristesse et/ou d’insipidité. Il est évident que Romaric Dabien et Fabien Landry, qui dirigent le studio LVL de Nantes, ont une bonne pelletée d’amis, là-haut, dans la boîte crânienne. Des potes qui ne sont pas de la race de ceux qu’on peut croiser dans la rue. Des srabs 2.0 à l’allure louche mais qui toujours les rassurent d’une blague potache, d’un sourire farceur et d’un clin d’œil complice. Des soss’, enfin, si exceptionnels que Romaric et Fabien ont choisi de les dessiner, de les animer et de les montrer à tous. Le Studio LVL se fait en effet une joie de monter à la galerie L’Attrape Rêve l’exposition Amigos Locos dédiée à ces amis de toujours, ces frères qui les accompagnent dans leurs diverses activités. Au programme, une résidence qui débouchera sur la réalisation de fresques murales, de vidéos, de volumes pour présenter au mieux les différentes facettes de ces copains si particuliers. Liberté, amitié, fraternité.

CDI

• Exposition Amigos Locos, jusque’au 20.06 à la Galerie L’Attrape Rêve, Paris 11. www.lvl-studio.com ; lattrapereve.tumblr.com

Fig. 2 : Syncrophone _ [ m u s i q u e ] . Disquaire que tout bon platiniste ne devrait ignorer, distributeur dont la plupart des labels indépendants ne saurait se passer, mais aussi maison de disque qu'aucun mélomane ne pourrait éviter, Syncrophone - par ces trois axes concourants - articule ses activités depuis maintenant huit ans, à la manière d'un engrenage aux rouages bien huilés. Didier, John, et Blaise, fervents résistants d'un fleuron que la crise de l'industrie musicale s'acharne à ravager, permettent à leur structure - ainsi qu'à celles qui se joignent à leurs rangs de traverser l'ère digitale en sauvant leurs vinyls comme on tire son épingle du jeu. Caramelo, Clft, Construct-Reform, Rue de Plaisance, Knotweed ou encore Phonogramme… Nombreux sont les jeunes labels français à leur avoir confié la promotion, la diffusion et la gestion des ventes de leurs petits (et voir même

grands) bijoux. Syncrophone exporte la scène hexagonale en dehors de ses restreintes frontières, la comble et la nourrit par les nombreux imports qu'accueille régulièrement sa boutique parisienne, au 4 rue des Taillandiers dans le onzième arrondissement. Lieu d'échange entre passionnés et de rencontres entre initiés, sa propre enseigne n'est bien évidemment pas la plus mal lotie : Theo Parrish, Anthony « Shake » Shakir, Aubrey, ou les locaux Voiski et Zadig en ont déjà signé les plus belles pages du catalogue – le duo londonien Detect Audio en sortira courant juin la prochaine référence, Syncronize, condensé de techno millsienne, qu'ici nous ne pouvons que conseiller. Simon Chambon-Andreani • Syncrophone, la boutique, 4-6 rue des Tallandiers, Paris 11. www.syncrophone.fr

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déviation ¬

n.f. (deviatio). Action de dévier ou résultat de cette action. Ex : « J’ai cru qu’il y avait une déviation » - Jean Alesi. Se dit aussi de chemins parallèles aux grands événements estivaux.

Fig. 1 : 67e Festival d’Avignon _

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[ t h é â t r e ] . Pour leur dixième et dernière édition à la direction de ce festival, Hortense A r ch a m b a u lt e t Vin c e nt Baudriller ne sont pas tombés dans la facilité en ne concoctant pas de festival bilan. Avec les artistes qui les ont accompagnés durant toutes ces années ils continuent de découvrir, de chercher et de transmettre pour un nouvel été avignonnais qui s’annonce une fois de plus riche en découvertes et en rencontres. Ce rendez-vous reste plus que jamais indispensable, il est une photographie annuelle de la création contemporaine dans tous les domaines du spectacle vivant et un moment de réflexion et d’analyse sur l’état du monde dans lequel on vit. Les deux artistes associés, Dieudonné Niangouna et Stanislas Nordey, tous deux comédiens et metteurs en scène, vont faire cette année se croiser à Avignon un théâtre politique, engagé et de texte avec un théâtre de l’urgence, nourri de la réalité actuelle du Congo et de l’Afrique dont est originaire le premier. Chacun d’eux mettra en scène un grand poème théâtral : Stanislas Nordey créera Par les villages de Peter Handke dans la Cour d’honneur et Dieudonné Niangouna la pièce dont il est l’auteur, Shéda, dans les Carrières de Boulbon. De nombreux jeunes artistes comme DeLaVallet Bidiefono de Brazzaville (Au-delà), Faustin Linyekula de Kisangani (Drums and Digging), ou Qudus Onikeku de Lagos (Qaddish), nous proposeront leur vision de l’Homme et de ce monde contemporain vu du continent africain. On vous conseille aussi le retour de Jan Lauwers et sa Needcompany au Cloître des Carmes, neuf ans après la Chambre d’Isabella avec Place du marché 76 ; le très malin Germinal d’Antoine Defoort et Halory Goerger ; ou, pour les plus courageux, un Faust monté par Nicolas Stremann d’une durée annoncée de 8 h 30 qui promet d’être mythique. David Chauvet • Du 5 au 26.07. Ouverture de la billetterie le 17.06. www.festival-avignon.com

Fig. 2 : Voies Off 2013 _ [ e x p o ] . Le doux foyer est une notion qui a pris du plomb dans l’aile. Non que l’envie d’un nid douillet et d’un bon café chaud soit désormais absente de nos préoccupations, mais il est vrai que le départ est un concept qui n’est plus étranger à personne. Qu’il soit contraint ou souhaité, réalisé ou en attente, intérieur ou extérieur, éphémère ou définitif, le principe du voyage est présent chez tous les peuples et influe grandement sur la marche du monde. Le festival Voies Off – pendant off des Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles – explorera durant une semaine les affres de cette insondable bipolarité du bipède : « Rester Partir, le voyage impossible » sera le thème de cette 18e édition. Pour aller plus avant au cœur de cet inextricable schizophrénie de l’homme moderne, Voies Off proposera comme à son habitude soirées thématiques, expositions et projections. On vivra notamment l’avant-première du documentaire de Brigitte Bauer, Three of Us, création 2013, mais également des projections de photographies en collaboration avec la Nova Akademija de Belgrade et la Fondation Khaled Hafez du Caire ou encore l’exposition Good Dog du Turc Yusuf Sevincili. En sus, bien évidemment, sera projetée la soixantaine de photographies en compétition pour le prestigieux prix Voies Off. Un maximum d’outils pour rendre intelligible l’esthétique du mouvement, celui du corps, de l’esprit et de l’âme. • Voies Off 2013 du 1er au 6.07 à Arles. www.voies-off.com


F es t o y er

v. (festeer). Prendre part à une fête, à un festin. Ex : « J’adore festoyer » - Silvio Berlusconi. Se dit aussi lorsqu’on prend part à des manifestations éclatantes.

Fig. 1 : Festival Rendez-Vous _ MERCREDI PRODUCTION

ME.013

JUIN DU

AU

27 30 2013

À PARIS

DIXON - GAISER - ÂME JOHN ROBERTS - MATADOR SUPERPITCHER - HEARTTHROB TIM SWEENEY - BAREM FRANK WIEDEMANN & RY MARCUS WORGULL - BORIS DISCODROMO PARADIS...

[ m u s i q u e ] . Contrairement aux préjugés en cours, quatre chevaliers n’annoncent pas forcément l’apocalypse, loin s’en faut. Ils peuvent tout aussi bien apporter chaleur et légèreté dans le cœur des hommes. De cette race sont les quatre chevaliers invités par le festival Rendez-Vous, à la fin du mois de juin parisien. Quatre labels, que la techno remercie encore pour les multiples actes de bravoure à son égard. Voici donc venir à Paris les labels Minus, Innervisions, Beats In Space et CockTail d’Amore, grands hérauts de la musique électronique actuelle. Et les bataillons qu’ils traînent sont fournis en armes de qualité. Prenons Minus, maison émérite en provenance du Canada, fondée en 1998 par le très haut Richie Hawtin, et qui ramène dans ses bagages quelques-uns de ses vigoureux champions : Gaiser a.k.a. Fraktion, Barem, Heartthrob et Matador. L’Allemande Innervisions vient, elle aussi, avec de glorieux lutteurs dont ses fondateurs, Âme (Frank Wiedemann & Kristian Beyer) et Dixon, ainsi que le pétrifiant Marcus Worgull. Beats In Space, l’aimée d’entre toutes, prend, elle, des producteurs venus de diverses provinces, avec en première ligne son chef, Tim Sweeney, qui invite le duo pop français Paradis, Superpitcher de chez Kompakt et John Roberts de Dial records. Enfin, CockTail d’Amore, pour achever l’œuvre de beauté, passera finir le festival avec ses fondateurs Discodromo et Boris. Point d’apocalypse ici, une cure de jouvence plutôt. • Festival Rendez-Vous, du 27 au 30.06 au Cabaret Sauvage à Paris. mercredi-production.tumblr.com

Crédits : Nom Etat Page © 2008 FFJM - Lionel Flusin

CDI

Fig. 2 : Montreux Jazz Lab _ [ m u s i q u e ] . Le Festival de Jazz de Montreux est un roc. Les stars s’y comptent par centaines (au moins) et son histoire est quasiment millénaire. Colosse des festivals estivaux, les éloges tombent à ses pieds chaque année. Le travail du regretté Claude Nobs a pour le moins porté ses fruits. Pourtant, il est des facettes du festival suisse que nous connaissons moins : la gratuité des concerts au Chalet, à la Rock Cave ou au Studio, par exemple, ou encore le Montreux Jazz Club, nouveau lieu dédié à l’authenticité et qui invitera cette année Charles Bradley, Lianne La Havas, Bob James & David Sandborn entre autres. Mais une nouvelle salle a piqué notre curiosité : le Montreux Jazz Lab.

Certes le côté scientifique de l’intitulé n’est pas étranger à la douceur de nos yeux. Pourtant, et contre toute attente, c’est plutôt la programmation musicale de l’endroit qui a dicté nos amours. Centré sur les plus ou moins nouveaux arrivants en matière de musique innovante, le Lab offre une large place à certains de nos chéris. Comment, en effet, ne pas baver devant une soirée qui réunit Richie Hawtin, Seth Troxler et Solomun ? Comment ne pas ressentir le frisson alors qu’est annoncée la nouvelle vieille star Rodriguez ? Comment ne pas sentir le sang monter en voyant Om Unit, Jackmaster, The Gaslamp Killer et Flying Lotus sur une seule et même scène ? Nul besoin de se contenir, le Montreux Jazz Lab est justement là pour laisser les corps se déchaîner. Cette sauvagerie n’est pas pour nous déplaire, elle non plus. • Montreux Jazz Festival, du 4 au 20.07, en Suisse. www.montreuxjazzfestival.com

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l es s i es t es é l ec t r o n i ques n.f. + adj. (sexta + electron). Festival toulousain et gratuit de musiques électroniques d’extrême qualité. Ex : « Je ne dors jamais, je fais plutôt des micro-siestes électroniques » - Francis Lalanne. Se dit aussi du meilleur endroit en France pour découvrir les musiques de demain.

CDI

Fig. 1 : Les Siestes Électroniques _ [ m u s i q u e ] . Auprès d’un arbre, à l’ombre de son feuillage dru, une musique étrange et inouïe parvient aux oreilles des paresseux. Alors que des rêves mœlleux les emportaient vers d’autres cieux, en voici d’autres, des musicaux ceux-là, qui les emmènent vers d’autres mondes. Peut-être ne s’en doutaient-ils pas, mais les Siestes Electroniques ont lieu tout près d’eux, à Toulouse ou à Paris, en plein air et accessibles à tous. Ceux-là, pourtant, ne peuvent se plaindre d’un réveil aussi réjouissant : le festival toulousain est sans doute ce qui se fait de mieux en France, catégorie musique jolie/ambiance populaire. L’ambiance en premier lieu. Sur la fin juin toulousaine et le mois de juillet parisien, assis entre deux amis, les curieux peuvent se repaître d’une musique gracile, gratuite et gratifiante. L’érudition n’est pas nécessaire, il suffit d’une après-midi à tuer et d’un peu de bon goût pour profiter de ce qui fait et fera l’actualité musicale de qualité. En un mot, Les Siestes Electroniques proposent de la musique en extérieur et gardent leur porte ouverte au tout venant que ce soit au jardin CompansCaffarelli de Toulouse ou dans les jardins du Musée du Quai Branly, à Paris. Ce qui rapproche le public du bonheur. Et ce qui peut rendre le chaland tout à fait heureux, ce sont bien sûr les artistes invités. Pourvu qu’il soit mélomane de haut grade, leurs noms suffiront à le faire pâlir. Si ce n’est pas le cas, la musique prendra le relais pour la jouissance. À Toulouse, déjà, où du 27 au 30.06 se succéderont artistes électroniques novateurs et jeunes bourgeons de labels de renom. Pour la première catégorie, les poils se dressent à l’évocation des Cut Hands, Dscrd, Polar Inertia, Andy Stott, Sturqen ou Redinho. Pour la seconde, Boston Bun (Ed Banger), Paris Suit Yourself (Ninja Tune) ou encore Panda Valium (MoïMoï recordings) feront sans nul doute durer le plaisir. Et si on ajoute à cela la mystérieuse soirée club avec DJ Deep, Analogue Cops et Redshape, la coupe est pleine et la petite mort proche. À Paris, qu’on se rassure, ça balancera pas mal aussi. Tous les dimanches du mois de juillet, Les Siestes Électroniques donnent rendez-vous aux plus subtils d’entre tous pour passer de délicieuses après-midi dans les bosquets du Quai Branly. Avec Low Jack, Sinner DC, Kangding Ray, Gangpol, Pierre Bastien ou DJ Arc de Triomphe, inutile de se faire du souci, Les Siestes caresseront notre poil soyeux dans le bon sens. Debout les gars, il est temps de faire la sieste. • Les Siestes Électroniques, du 27 au 30.06 à Toulouse, et les 7, 14, 21 et 28.07 à Paris. www.les-siestes-electroniques.com

Samuel Aubert directeur du festival Les Siestes Électroniques Pouvez-vous en quelques mots, présenter le festival ? Les Siestes Electroniques est un festival de musique qui se veut singulier, singulier dans sa volonté d’allier une extrême exigence artistique avec des modes de présentation des plus décontractés (gratuité, plein-air, centre-ville, sunset…). De quoi êtes vous le plus fier dans le projets Siestes Electroniques ? De sa persistance (12 ans!), de l’attachement que certains de nos spectateurs portent au festival (très fort), du rôle que semble avoir joué le festival dans la carrière de certains de ses participants, de la curiosité que suscitent quasi immanquablement notre événement et de ses récents développements aussi inattendus que bienvenus (la revue Audimat, les rencontres Futurism). Quels sont les immanquables cette année ? Ça peut paraître bidon comme réponse mais tout ! Il n’y a pas de première partie aux Siestes, car pas de tête d’affiche, le programme n’est pas à rallonge, aussi nous concevons réellement notre programmation comme ayant la même qualité du début à la fin. Il n’y a pas de temps fort, à moins de considérer l’ensemble comme un temps fort. C’est un véritable choix. Présenter moins d’artistes pour porter la même attention à chacun.

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L i ber t é

n.f. (libertas). Souveraineté inaliénable de l’individu, droit qu’il a de disposer de sa personne. Ex : « La liberté des uns… Non, attends, c’est pas ça… » - Bachar el-Assad. Se dit d’artistes, de labels ou de festivals sans barrière, ni barreau, ni frontière.

Crédits : lande part de Laurent Pichaud, Extension sauvage 2012, Jardins du Château de la Ballue © Caroline Ablain.

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Fig. 1 : Heia Sun _ [ m u s i q u e ] . La musique est un cri qui vient de l’intérieur. Cette maxime de Bernard Lavilliers, le label Heia Sun l’a étonnamment prise au pied de la lettre. Non que le va-nupied stéphanois ait grand-chose à faire avec le label parisien, mais il est vrai que la musique mise en avant par Heia Sun a quelque chose à voir avec les tripes. Peut-être, d’ailleurs, estce là le principal point commun entre les différents artistes soutenus par Heia Sun. Car oui, nous parlons là d’une maison de disque en tout point éclectique et pour qui l’âme est à la base de toute composition. Les œuvres sorties depuis 2 ans et demi sont là pour témoigner de ce sens aigu de la sincérité musicale. Entre les accidents mélodiques du trio Feu Machin (Huehueotl EP), la noise apocalyptique de Kikiilimikilii (My Wedding with an Illuminati et Lumens), le folk intime de Water Sark ou Charlene Darling (Split Tape) ou le tout récent album d’Opale (L’incandescent), le point de rencontre est cette envie commune de faire de la musique un espace singulier. Les artistes hébergés par Heia Sun sculptent en effet la musique comme d’autres l’argile. La caressant parfois, la provoquant souvent et la triturant toujours, les disques sortis sur Heia Sun ne ressemblent à nul autre. En cela, le label parisien ouvre une porte de salut à tout mélomane cherchant de l’inouï. C’est à lui, alors, de pousser un cri de joie. • Opale, L’incandescent, est sorti le 25.05 en collaboration avec Stellar Kinematics. À venir : Milton Melvin Croissant (Denver), Soft White (Chicago), Marlo Egg Plant (Colchester), etc. www.heiasun.com

Fig. 2 : Extension Sauvage _ [ d a n s e ] . Dieu qu’à l’orée de l’été, le jardin est plaisant. Reposant l’âme et l’esprit, il vide les hommes de leurs encombrements routiniers et permet alors à ces derniers de se reprendre intellectuellement. Les artistes n’échappent pas à la règle, eux qui ne cessent de s’enfermer entre quatre murs. Partant du besoin de transmettre la danse contemporaine au plus grand nombre, Latifa Laâbissi et Margot Videcoq ont donc choisi le milieu horticole pour créer une rencontre d’un genre nouveau, sans cadre, sans préjugés, sans concept préétabli. Voilà donc le public invité à se construire un regard nouveau sur la danse, qu’il soit connaisseur ou néophyte. Déjà échaudé par une année secouée par les différentes interventions du collectif, le public local verra ici l’accomplissement du projet Extension Sauvage. Le public visiteur pourra simplement se délecter du résultat inattendu d’une confrontation entre l’artiste et le paysage. Car là est aussi le nœud de la manifestation : permettre la rencontre entre la danse et les paysages du Château de la Ballue (Bazouges-la-Pérouse) et de Combourg. Entre œuvres majeures, récentes ou créations pour l’endroit, Extension Sauvage devient le lieu d’un match, d’un mariage ou d’une fusion. Emmanuelle Huynh, YvesNoël Genod, Vera Mantero, Julia Cima, Dominique Bagouet et même Jeff Mills (pour un ciné-concert) se sont prêtés au jeu. Un jeu où tout le monde gagne à la fin. • Extension Sauvage, le 28.06 à Combourg (35) et les 29 et 30.06 à Bazouges-la Pérouse (35) www.extensionsauvage.com


Fig. 3 : Everydayz _ [ m u s i q u e ] . Bien sûr, la musique peut se décrire en terme triviaux, se classer par genre et s’analyser de manière scientifique. Et puis, il y a les moments de grâce, de transe, d’élévation qui font précisément de l’art musical une entité émotionnelle, irrationnelle. Everydayz ne travaille que pour ces moments. Fabricant émérite de matière noire, le russo-perpignano-lyonnais a avalé toute la musique des 50 dernières années pour ne renvoyer que de l’abstraction sonore. Nul solfège ne saurait décrypter convenablement le souffle émis par les morceaux d’Everydayz. Une sensation unique que L’absence, son dernier EP, reflète comme jamais. Consolidant l’alliance éternelle entre hip-hop et électro, le DJ de Némir et membre du duo Sunlune (avec Agoria) use de leurs outils précieux au service d’une mélancolie des temps nouveaux. Point d’envolée pompière ou de fracas vulgaire mais une délicate attention portée au sentiment humain. Par mille petites touches, les pistes de L’absence comme celles d’Études et brouillons (son album/compilation précédent) déploient leur puissance émotive pour passer du statut de morceaux à celui de moments. Des moments où nous gagne une inestimable tristesse, de cette paradoxale peine qui ne peut s’exprimer que par la beauté. Pour L’absence, Everydayz nous donne quatre instants de magique désespoir, quatre parties où se joue toute la grandeur funeste du manque, quatre temps pour s’apercevoir qu’effectivement tout est dépeuplé. Ne reste que la musique, brillante médecine de l’âme.

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• Everydayz, L’absence, sorti le 25.05 en autoproduction. soundcloud.com/musicforeverydayz ; everydayz.bandcamp.com

NOUBA CDI

n.f. (nuba). Fête, java, boum, surprise-partie, soirée, rallye. Ex : « Ce soir, je vais me mater une nounouba d’enfer » - Roland Magdane. Se dit aussi de moments à ne pas rater dans le trimestre.

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Le très chic Confort Moderne de Poitiers nous offre un festival d’été à son image : élégant. Pour la musique c’est Sonic Boom, JC Satan, La Femme, Civil Civic, Duchess Says et bien d’autres. Pour les expos c’est Lizzi Bougatsos, Sadie Laska, Danny Perez et Spencer Sweeney. Du 7 au 9.06. confort-moderne.fr

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Le site Gouru.fr invite invite ses chouchous du fabuleux label techno Item & Things (fondé par Marc Houle, Magda, Troy Pierce). Les jeunes pousses s’appellent Madato, Miro Pajic, Carreno is LB et Andy Martin, et n’ont rien à envier aux vieux. Ils seront pour la première fois à Paris. À la Machine du Moulin Rouge plus exactement. Le 8.06. gouru.fr

03

L’association Allez Les Filles prend depuis 4 ans Bordeaux en main et lui offre le festival Relâche, ode aux musiques indépendantes. Pour prouver nos dires, voici quelques-uns des artistes présents : Vampire Week-End, Zombie Zombie, Thee Oh Sees, Bass Drum Of Death, The Intelligence. Durant tout l'été à Bordeaux.

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Le Glazart, à Paris, ouvre sa fameuse Plage à partir du 21.06. Il faudra s’attendre, comme d’habitude à du très beau : Eliphino, Martyn, Com Truise, Shigeto, Pusha T, The Pharcyde, Holy Strays, Busdriver, Aelpéacha, Sinkane, Haight Ashbury, Abdulla Rashim, on en passe et des meilleurs. Du 21.06 au 15.09. www.glazart.com

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Le sémillant Espagnol John Talabot s’offre une soirée au Social Club, en compagnie d’Andre Crom, The Mekanism et Dactylo. Ça s’appelle Pacific et ça risque d’être rudement bien. Le 15.06 au Social Club à Paris. parissocialclub.com

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À Beaucaire (30), la fin juillet risque d’être un poil mouvementée. La raison en est la 2e édition du festival Positiv. Avec à l’affiche : Mr.Oizo, Traumer, N’To, Chris Liebing, Mumbai Science, Manu le Malin, Savant, etc. Les 26, 27, 28 et 29.07 au Château de Beaucaire (30).


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n.m. (orchestra). Ensemble de personnes qui participent à une œuvre. Ex : « Je suis un orchestre à moi tout seul » - Scatman. Se dit aussi de livres chorales ou d’un ensemble de trompes géantes.

Orc h es t re

Fig. 1 : Désordres _

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[ p r i n t ] . Il est une époque où l’être humain a souhaité ranger sa chambre. Puis sa maison, sa ville, et enfin le monde. La carte, tracé graphique du monde, est l’outil qui permit ce grand ordonnancement. Fascinante dans son acception visuelle autant que par ses témoignages sur notre relation au monde, elle est depuis longtemps l’objet des attentions des sémiologues, géographes, historiens et voyageurs de tout poil. Désordres, livre chorale de Fotokino et des éditions B42, entend semer le bazar et invite une volée d’artistes à tracer leur propre rapport au monde. Publié à l’occasion du dixième anniversaire de Fotokino et de son cycle d’exposition 2013, Désordres laisse carte blanche – le vide parfait et absolu, cher à Lewis Carroll – aux quatorze artistes exposants (Jochen Gerner, Yto Barrada, Kitty Crowther, Jenni Rope, etc.). Des cartes blanches auxquelles viennent s’ajouter des contributions texte, photo ou dessin d’Ed Fella, Saul Steinberg, Helmo, Aurélien Débat, Karen Louÿs, etc. Le résultat est un ouvrage passionnant, foisonnant, indéfinissable, à l’image du paysage dessiné par Fotokino depuis dix ans : des arts visuels qui se mélangent et s’entrechoquent sans barreau, sans barrière, ni frontière. • Désordres, sorti le 12.04 chez les Éditions B42 et Fotokino Éditions, 226p., 20 euros fotokino.org ; www.editions-b42.com

Fig. 2 : Echos 13 _ [ m u s i q u e ] . Il semble bien que les Dieux nous aient fait une farce. Alors que certains s’échinent à construire des systèmes acoustiques méta-chiadés, ils avaient déjà réalisé le plus bel auditorium qui soit : la Haute-Vallée de Maraize, près de Gap. Observant cet état de fait, quelques ingénieurs de bon esprit ont eu l’idée d’y installer trois trompes géantes (une basse, une médium et une aiguë) pour en faire une salle de concert de 120 hectares. Une belle idée qui, en 20 ans, n’a malheureusement que trop peu été exploitée. Quand soudain, l’association Dome fut créée. L’association Dome défend l’idée d’une musique électronique libérée de ses objectifs parfois trop pragmatiques. Entre le club et la scène électroacoustique, Dome veut construire un entre-deux où la musique n’est plus au service de la fête ou de la recherche mais se diffuse comme un parfum parmi les auditeurs. Une vapeur hypnotique qui joue le rôle premier de la musique : aider les gens à sortir d’eux-mêmes. Quoi de mieux pour atteindre ce but délicat qu’un auditorium naturel de 120ha et trois bonnes trompes massives ? Rien, et c’est bien l’avis de Dome. Le 29.06, l’association propose donc Echos 13, une nuit d’improvisation musicale à la Ferme de Faï, au cœur de cette fameuse Haute-Vallée de Maraize, avec des artistes issus de la musique rythmée comme de la pure électroacoustique. Point de kick, point de beat ici, mais une vague sensible accompagnant l’auditeur dans sa balade champêtre et transcendantale. Cascade, Yann Gourdon, Saåad, Insiden, Antez et Tamagawa, ayant passé une semaine en résidence dans la ferme, seront à même ce soir-là de vous offrir un ticket pour un voyage d’un autre genre. À la hauteur des Dieux. • Echos 13 le 29.06 à la Ferme du Faï, à proximité de Gap. Avec Cascade, Yann Gourdon, Saåad, Insiden et Antez. www.echos2013.fr


S a i s o nn i er

Fig. 1 : Scénario d’Été _

défi de David de Tscharner de réaliser une sculpture par jour (entre le 1.04.2011 et le 30.03.2012) enfin exposé. Si cette exposition se termine le 16.06, on peut appréhender les six restantes avec un peu plus de largesse. Disponibles dès maintenant : l’Iconostase #3 de l’architecte Yona Friedman ou l’art d’exposer sans musée ; les Lubok Artists Books, espaces d’expérimentations pour artistes publiés sous l’impulsion de Lubok Verlag, édités par Christoph Ruckhäberle et imprimés par l’orfèvre Thomas Siemon ; Projets à Sticker de François Morellet s’exposant en autocollants là où il ne devrait pas ; Les aventures d’Arthur, Odile et Franz où les semaines durent 8 jours de 21h ; et enfin, L’écho des précédents qui donne à voir et revoir des événements sous différents angles. Il faudra en revanche attendre le 8.06 pour l’exposition consacrée à la revue E Il Topo. On dirait bien que le soleil se lève sur une sacrée saison au CNEAI. • Scénario d’Été, jusqu’à fin septembre au CNEAI, sur l’Île des Impressionnistes à Chatou (78) www.cneai.com

Fig. 2 : Une Saison Graphique _ [ e x p o ] . Certaines personnes passent leur vie à rendre le monde plus beau. Un sacerdoce ô combien louable qu’il convenait d’honorer à sa juste mesure. Ainsi, le festival Une Saison Graphique du Havre fête tous les ans le monde du graphisme et de l’illustration en proposant une demi-douzaine d’expositions accompagnées de rencontres et de débats. Un plan qui se déroule sans accroc depuis 2009 et dont la 5e édition flamboie en ce moment même grâce à l’indéfectible qualité de la programmation havraise. Portée par l’ambition jolie de rendre accessible quelques-unes des plus audacieuses et somptueuses créations graphiques actuelles, Une Saison Graphique a une nouvelle fois tapé le carton. Sont ainsi présentés les travaux d’Ahn Sang Soo, glorieux graphiste et typographe coréen, du Français londonien Damien Poulain pour une création originale, du mélomane et membre du studio Intro Julian House, des foudroyants Helmo et de l’ami des enfants Hervé Thullet. Un grain de sable – un diamant plutôt – vient déroger à cette ronde de graphistes avec l’exposition dédiée à l’imprimeur Jean-Yves Grandidier (Lézard Graphique) et concoctée par Chaumont et l’ISBA de Besançon. Cette année encore, les mirettes seront câlinées au Havre. • Une Saison Graphique, jusqu’au 29.06 au Havre. www.unesaisongraphique.fr

65 Crédits : © Helmo

CDI

[ e x p o ] . Le soleil rougeoie sur l’Île des Impressionnistes de Chatou (78), alors que finit le printemps. Le cœur est lourd, bien sûr, de quitter la saison des fleurs qui bourgeonnent et des amours naissantes. Mais il n’est nul besoin de se lamenter : l’été est la saison pour conforter ce qui a été créé. Le Scénario d’Été du CNEAI (Centre National Édition Art Image) est justement là pour ça, concluant une folle saison d’expositions ponctuée par les différents Festival Island. Un Scénario d’Été qui ne laissera pas de répit sous prétexte de vacances pour tous. Ce sont neuf points de vue qui s’enchevêtrent depuis le mois de mai jusqu’au mois de septembre, se suivant, se rencontrant ou se fuyant. Certaines sont déjà passées, d’autres perdurent, quand les dernières attendent leur heure. À voir d’urgence avant liquidation, One Day One Sculpture ou l’incroyable

n.m. (sationem). Qui est propre à telle ou telle saison. Ex : « Ah, non, non, non, je suis désolée le printemps c’est pas la saison des amours » - Frigide Barjot. Se dit aussi d’événements qu’on à plaisir à retrouver régulièrement.


Tec h n i que n.f. (τεχνικός). Manière d’accomplir une tâche qui n’est pas immédiatement évidente. Ex : « Je sais pas, j’ai pas la technique, je crois » - Benoît XVI. Se dit aussi des différentes façons de faire de l’art ou de l’imprimer.

24

SChau mont

chau mont design grap hique 25 mai -9 juin 2013 24e fes tival int erna tional de l'affiche et du graphis m e

avec la Ville de chaumont,le conseil g�n�ral de haute-marne,le conseil r�gional de cha mpagne -ardenne / ORCCA,le minist�re de la culture et de la communication /DRAC cha mpagne -ardenne -www.cigéchau mont.com imp ression l�zard grap hique

Crédits : Graphiste/commissaire: Christophe Lemaitre   © Aurélien Mole

christop he jacquet

Fig. 1 : Monozukuri*, façons et surfaces d’impression _

Crédits : Affiche du Festival international de l'affiche et du graphisme de Chaumont © Christophe Jaquet

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[ e x p o ] . Dans le cadre du 24e Festival international de l’affiche et du graphisme de Chaumont, se déroulera le deuxième volet de Monozukuri*, façons et surfaces d’impression. Sous le commissariat de Sacha Léopold, François Havegger et Thierry Chancogne, l’exposition frétillante s’attache une nouvelle fois à montrer l’importance que revêt l’appropriation du contenu, du support et des procédés techniques liés à sa fabrication. Un véritable banc de designers graphique de renom, venus de France, d’Angleterre, des Pays-Bas et de Suisse, remontera ainsi à contre-courant de l’objet d’édition standardisé, le fleuve de la production graphique contemporaine. La diversité des ouvrages présentés met en lumière l’adéquation possible entre le contenu d’une œuvre (textes, illustrations, photographie,etc.) et son contenant (technique d’impression, façonnage, choix du papier, etc.). Le résultat est à savourer jusqu’à la fin du mois d’août à Chaumont et la saison prochaine du côté de l’ESAD de Valence. Chaumont sauce soja. Jérémie Martinez *Le monozukuri est un concept japonais désignant l’art de concevoir et de produire des objets techniques.

• 24e Festival international de l’affiche et du graphisme de Chaumont 25 mai au 9 juin. Monozukuri, façons et surfaces d’impression Du 26 mai au 31 août, Festival International de l’Affiche et du Graphisme de Chaumont ;
Année 2013-2014, Écoles Supérieures d’Art et de Design de Cambrai et de Valence. www.cig-chaumont.com

Fig. 2 : Graffiti & Street Art _

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[ e x p o ] . L’art et la manière de faire du Street Art, n’ont certainement pas fini de se développer, tant le mariage entre les artistes et la rue est riche de possibilités et constamment renouvelable. L’atelier Gustave, en partenariat avec l’association ARTIC, s’apprête prochainement à rendre hommage à ces œuvres, dont la destinée n’est pas l’esthétique ni le beau, mais le sens et le message que les artistes ont eu à faire passer, à un moment, à un endroit. L’exposition Graffiti & Street Art, du 4 au 22.06, réuni des « artistes vandales » aux profils aussi intéressants que variés, ayant chacun marqué d’une empreinte spécifique les toiles ou les murs qui se sont offerts à eux. Une réunion en tout point éclectique, qui va notamment rassembler Ecraz, Junky, Ramses, Skizo, Atome, Lazoo et au cours de laquelle Miss Tic, invitée d’honneur, dédicacera son

livre Je prête à rire mais je donne à penser. C’est la promesse de belles (re)découvertes, faites par l’Atelier Gustave, entre les créations inspirées du graffiti new-yorkais de Lazzo, l’univers sombre de Ramses et les pochoirs sexy de Miss Tic… En plus d’offrir à vos beaux yeux les œuvres d’artistes majeurs de la scène Street Art parisienne, l’exposition contribue à la recherche médicale. Une partie des fonds sera reversée à l’association ARTIC, dédiée à la recherche et l’innovation thérapeutique innovante en cancérologie. Erwan Manchec/Bewaremag.com • Graffiti & Street Art exposition par l’Atelier Gustave & l’association ARTIC, jusqu’au 22.06 à l’Atelier Gustave, Paris 14. Vernissage le 6.06. www.ateliergustave.org ; www.bewaremag.com


Vue par Brecht eVens (6/ 6)



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