Les espaces de collaboration en milieu professionnel

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Julien Morice

Enseignants :

Master 2 TEF

Pascal Plantard

N° d’étudiant : 20504026

Jean-Luc Rinaudo


SOMMAIRE Rapport de stage A) Description de la situation et de stage _______________________________ 4 1) 2)

Présentation du lieu de stage ________________________________________________________ 4 Les missions relatives au stage _______________________________________________________ 7

B) Le bilan du stage _______________________________________________ 17 1) 2) 3) 4) 5)

Atteinte des objectifs fixés en termes de mission _______________________________________ 17 La mission : les opportunités et les enjeux pour le CLPS __________________________________ 18 Le développement de nouvelles compétences : la gestion du temps et le travail en réseau ______ 19 Mise en avant des compétences acquises durant le master _______________________________ 21 Les instances du pouvoir décisionnel _________________________________________________ 22

Conclusion ________________________________________________________________ 24

Projet pédagogique innovant A) Rappel du contexte de stage _____________________________________ 27 B) La phase d’analyse de la demande _________________________________ 32 1) 2)

La phase d’exploration par questionnaires _____________________________________________ 33 La phase d’exploration par entretien qualitatif _________________________________________ 35

C) Conception du cahier des charges ___________________________________ 40 D) La recherche de l’outil ____________________________________________ 44 E)

Conception, mise en place et animation de l’espace __________________ 47

F)

La conception de l’espace ________________________________________ 47

G) Animation de l’espace___________________________________________ 51 Conclusion ________________________________________________________________ 54

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Analyse de la problématique PREMIERE PARTIE: APPROCHE THEORIQUE

A) La question des objectifs ________________________________________ 57 1) 2)

Les objectifs visés par la direction ____________________________________________________ 57 Critique en terme de réalisation des objectifs __________________________________________ 58

B) Définition des concepts__________________________________________ 61 1) 2)

C)

Le concept de collaboration ________________________________________________________ 61 Le concept de groupe______________________________________________________________ 69

Qualification du terrain d’investigation _____________________________ 74 1)

Qualification de L’espace handicompétence ___________________________________________ 74

D) Qualification du groupe handicompétence __________________________ 76

DEUXIEME PARTIE : LA PHASE D'ANALYSE

A) La méthode d’analyse ___________________________________________ 78 1) 2) 3) 4)

Qu’ai-je cherché à observer _________________________________________________________ 78 L’analyse dite « quantitative » _______________________________________________________ 79 L’analyse qualitative _______________________________________________________________ 84 L’analyse du trafic et de l’activité sur l’espace __________________________________________ 87

B) Rapport d’analyse ______________________________________________ 91 1) 2) 3) 4)

Etat des lieux ____________________________________________________________________ 92 La question de la démarche collaborative _____________________________________________ 94 La dynamique de groupe dans handicompétence ______________________________________ 109 Le rôle de la médiation et ses effets _________________________________________________ 119

Conclusion générale _______________________________________________________ 131

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Bibliographie

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Première partie : rapport de Stage

Année 2007

Rapport de stage

Dans le cadre de la formation Master professionnel TEF, technologie de l’éducation et de la formation, j’ai effectué un stage pratique en parallèle de mon année universitaire. Ce dernier s’est déroulé du début janvier jusqu’à la fin du mois de juin en parallèle de mes cours à l’université. Ce présent document a pour but de présenter un rapport complet de ce stage. Pour ce faire, je distinguerai deux parties :

◊ Une partie descriptive qui s’intéressera à mon environnement de stage en vue dans un premier temps, de conceptualiser. J’aborderai également dans cette partie les différentes missions et travaux que j’ai réalisés.

◊ Dans une seconde partie, j’axerai mon travail sur les aspects réflexifs, ce faisant je dresserai un bilan complet de ma situation de stage. J’analyserai ainsi rétrospectivement mes travaux de stagiaires et partagerai avec le lecteur une réflexion sur mes réussites et mes échecs au regard des objectifs que je m’étais fixés.

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Rapport de stage : Description de la situation de stage

A) Description de la situation et de stage

1) Présentation du lieu de stage

J’ai décidé d’effectuer mon stage dans un organisme de formation, à savoir : le Comité de Liaison pour la Promotion Sociale.1 Cet organisme privé de formation est le plus important de Bretagne, il compte 20 centres de formation disséminés sur toute la région. C’est plus précisément au siège qui se trouve au Rheu (35) que j’ai proposé mes services.

1.1)

Historique de l’établissement

Le CLPS existe depuis 25 ans, il a vocation à s’occuper de la formation de différents publics : -

des demandeurs d’emplois dans le cadre de la politique publique,

-

des salariés dans le cadre de la formation continue,

-

des jeunes et des adultes en formation en alternance.

Dans un premier temps, cet établissement a été créé à Rennes en 1980, puis dès 1985 une autre succursale a été ouverte à Brest. Le directeur général s’appel Eric Boyer, il a pris ses fonctions en 1990.

1.2)

Principes et moyen de l’établissement

Le CLPS adapte ses pratiques de formation selon trois grands principes : -

Approche par les compétences : dans le sens où le dispositif de formation s’inscrit pleinement dans le cadre du monde professionnel, ce dispositif est centré sur l’acquisition d’un savoir formel et concret facilement transférable au monde professionnel.

-

Une approche individualisée : pour chaque stagiaire, les besoins sont décelés en amont avec la réalisation d’un bilan individuel. Toujours en termes

1

CLPS

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Rapport de stage : Description de la situation de stage d’individualisation, les modules de formation sont aménagés selon les disponibilités du stagiaire. -

Une approche par la mise en situation de travail : dans le sens où le stagiaire acquiert des compétences dans les ateliers, à travers les études de cas, mais aussi par la pratique directe sur des lieux de stages.

Les moyens dont dispose le CLPS pour répondre à ses missions sont : -

Un réseau de 20 sites qui garantit une couverture territoriale,

-

Des plateaux technologiques spécialisés par métier (bâtiment, cuisine…)

-

Un cadre méthodologique structuré et évolutif coordonné par domaine et par un référent,

-

Un service recherche et développement en amont des problématiques de formation de demain, impliqué dans les projets européens,

-

Une équipe spécialisée pour développer les supports pédagogiques innovants,

-

Une démarche compétence appuyée par un investissement dans la formation des collaborateurs (5% de la masse salariale).

1.3)

Quelques chiffres

Pour mieux appréhender cet établissement, il est important d’en donner les principaux chiffres ayant trait aux moyens et aux résultats obtenus. Le chiffre d’affaire réalisé par l’activité de l’établissement est de 8.7 Millions d’euros, pour un nombre de 190 collaborateurs et de 10 000 bénéficiaires par an. En termes de sortie de formation, 91 % des stagiaires obtiennent leur validation.

1.4)

L’organisation

Le CLPS est une association, donc il dépend en premier lieu d’un conseil d’administration représenté par des personnes physiques et des partenaires sociaux. Le directeur général s’appuie ensuite sur trois responsables :

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Rapport de stage : Description de la situation de stage - Responsable administratif et financier : Corinne Albouy - Responsable marketing : Chrystèle Perronnerie - Ingénierie recherche et développement Européen : Michel Moriceau, qui au passage était tuteur de stage. Ensuite des directeurs de centres sont chargés d’un ou plusieurs sites et organisent le processus de formation, ce dernier étant ensuite mis en œuvre par les responsables de formation (RF) qui dirigent les formateurs.

1.5)

Les clients et les partenaires

Les fonds qui financent l’activité du CLPS proviennent des organismes publics suivants : - Le conseil régional de Bretagne, - Les directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, - La direction régionale du travail et de l’emploi.

Il s’appuie également sur des fonds provenant : - Du fonds d’insertion professionnelle des personnes handicapées, - Du fonds social européen, - Des plans locaux d’insertion par l’économie,

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Rapport de stage : Description de la situation de stage

Le CLPS dispose d’un réseau très important d’entreprises clientes dans les domaines du bâtiment, de l’industrie, du travail intérimaire, de la restauration, du sanitaire et social et de l’OPCA2 qui concerne le domaine des professions libérales.

L’organisme travaille également avec deux partenaires privilégiés à savoir : - La fédération de la formation professionnelle - L’office professionnel des qualifications des organismes de formation qui a qualifié le CLPS au titre d’organisme de formation générale pré professionnelle, d’insertion, de formation spécifique à des métiers et de conception de bilan de compétences.

Enfin le CLPS est adhérent au CLP3 qui regroupe 70 organismes en France et permet de mutualiser les pratiques dans le domaine de la formation.

2) Les missions relatives au stage

La première partie de ce rapport ayant essentiellement un caractère descriptif, je détaillerai successivement les travaux que j’ai réalisés dans le cadre de deux missions différentes.

Celles ci ont été abordées lors d’un premier entretien durant lequel étaient présents ; le directeur général du CLPS : Eric Boyer, le responsable du secteur ingénierie recherche et développement des programmes européens : Michel Moriceau, et moi-même. Plusieurs projets m’ont été proposés, cependant s’ils correspondaient tous à mon cursus, nous avons mis l’accent en particulier sur deux d’entre eux. Il a s’agissait d’une part de travailler sur l’installation d’un espace collaboratif à destination de formateur travaillant sur un dispositif commun, et d’autre part d’analyser l’espace apprenant du CLPS, mis à disposition sur intranet, afin de proposer des solutions d’amélioration. De ces deux missions, c’est surtout la question de l’espace collaboratif à distance qui a été prioritaire, l’analyse de l’espace apprenant du CLPS passant en second plan. 2 3

Organisme paritaire collecteur agréé Comité de liaison pour la promotion des migrants et des publics en difficulté d’insertion

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Rapport de stage : Description de la situation de stage

2.1)

Etude relative à l’espace apprenant du CLPS

Le CLPS dispose d’un espace apprenant en ligne auquel les stagiaires et les formateurs peuvent se connecter via leur identifiant et mot de passe. Pour décrire brièvement son contenu, il s’agit d’une sorte de bibliothèque de lien donnant accès à des sites à caractère pédagogique et/ ou d’orientation. Ces liens étant classés en plusieurs rubriques : formation générale, formation professionnelle, orientation emploi et vie pratique. Cet espace est cependant sous utilisé, il a même été supprimé mais ensuite réactivé à la demande des usagers. Si la demande est donc réelle, le directeur du CLPS souhaitait savoir pourquoi le nombre de connexion est aussi faible. C’est pourquoi, il m’a demandé de faire une étude approfondie.

Pour cette mission secondaire, j’ai donc décidé de procéder à une étude quantitative puisque j’ai interrogé tous les formateurs par le bais de questionnaires.

Mon taux de retour a été globalement satisfaisant puisque le tiers des 150 formateurs concernés par la question m’ont répondu. J’ai donc travaillé sur un panel de plus d’une cinquantaine de personnes. J’ai ensuite analysé les données au moyen de l’informatique en me servant de tableaux croisés dynamiques.

J’ai remis un dossier complet (environ 30 pages) à mon maître de stage ainsi qu’une fiche synthèse recensant quelques préconisations à mettre en place pour améliorer l’espace. J’ai classé mes propositions selon trois modalités d’intervention : -

Intervention de premier degré : propositions de modifications peu conséquente.

-

Intervention de second degré : modification demandant un investissement financier et humain plus important.

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Rapport de stage : Description de la situation de stage -

Intervention de troisième degré : modifications très conséquentes nécessitant une refonte totale de l’espace apprenant du CLPS.

J’aborderai pour la suite la question des apports personnels et professionnels dans une approche de réflexive.

2.2)

Espace collaboratif en ligne : mission prioritaire

Dans le cadre de cette mission de stage, le travail qui m’a été demandé a été de réfléchir à la pertinence de la création d’un espace collaboratif à l’attention de formateurs CPLS travaillant auprès de personnes handicapées.

Pour présenter ce travail, j’aborderai en premier lieu l’organisation du dispositif handicompétence en donnant au lecteur une vue d’ensemble des acteurs qui interviennent en amont du projet. Ensuite je définirai concrètement le cadre de mon intervention en faisant notamment l’inventaire, toujours de manière essentiellement descriptive, des différentes étapes du projet et des travaux concrets réalisés.

→ Description du dispositif en amont du projet handicompétence

Avant d’en dire plus sur le projet de l’espace collaboratif handicompétence, il est essentiel de s’attarder sur le dispositif lui même.

Le CLPS est en fait un des prestataires du fond pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH). L’AGEFIPH est un organisme de gestion privé qui assure la collecte et la redistribution des fonds concernant les personnes handicapées. A titre d’information, ces fonds sont de l’ordre de 400 Millions d’Euros. Ils proviennent essentiellement des entreprises, en effet, ces dernières doivent embaucher 6 % de travailleurs handicapées si elles ont plus de 20 salariés. De fait, soit elles respectent ce quota, soit elle paye une contribution à l’AGEFIPH. Cet organisme est en fait une association gestionnaire de l’état.

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Rapport de stage : Description de la situation de stage

Une fois les fonds collectés, l’AGEFIPH travaille notamment avec l’agence nationale pour l’emploi (ANPE) par le biais des CAP EMPLOI, qui a pour but de sensibiliser et d’intégrer les personnes handicapées à une prestation de formation. Le CAP emploi se charge ainsi du repérage et de l’inscription des personnes handicapées à la prestation AGEFIPH.

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Rapport de stage : Description de la situation de stage

Schéma du dispositif en amont du projet handicompétence

ENTREPRISE

Contribution

Délégation

AGEFIPH

ENTREPRISE

ENTREPRISE

Délégation Pour la formation

ANPE

CAP EMPLOI Délégation …

CLPS

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Rapport de stage : Description de la situation de stage

→ Résumé de l’appel d’offre de l’AGEFIPH

L’AGEFIPH fait apparaître clairement dans son appel d’offre, quatre objectifs principaux : -

Développer la qualification des personnes handicapées,

-

Améliorer l’accès à l’emploi des travailleurs handicapés,

-

Aider les entreprises à recruter et à conserver les salariés handicapés.

L’AGEFIPH tient compte de trois situations différentes de personnes handicapées : -

Les personnes ont perdu leur emploi suite à un licenciement pour inaptitude.

-

Les personnes sont en démarche active de recherche d’emploi.

-

Les personnes ont un projet professionnel validé mais ne parviennent pas à décrocher un emploi.

En fonction de l’hétérogénéité du profil, quatre prestations peuvent donc être mises en place : -

Reconversion professionnelle compte-tenu du handicap (120 h).

-

Plateforme de remobilisation dynamique vers l’emploi (210 h).

-

Métier ou emploi en regard de la compétence où du handicap (210 h).

-

Valoriser son emploi, sa candidature et savoir parler de son handicap

(35 h).

Le CLPS

a été l’un des premiers à répondre à l’appel d’offre, il l’a obtenu pour les

départements des Côtes d’Armor (22) et de l’Ile et Vilaine (35). Le nom donné au dispositif est : HANDICOMPETENCE

→ Constitution du projet handicompétence

Le CLPS ayant donc été chargé de la formation AGEFIPH pour le 22 et le 35, les différents centres du CLPS, se situant dans ces départements, se sont partagés le travail. Ainsi, en fonction du nombre de stagiaires chaque établissement CLPS s’est appuyé sur ses propres

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Rapport de stage : Description de la situation de stage formateurs. En effet, comme nous le verront plus tard, rares sont les formateurs qui n’interviennent que sur handicompétence mais cette tendance semble se développer. En effet, il semble que le recrutement commence à se centrer sur des spécialistes du handicap pour une intervention sur le dispositif à plein temps. Le nombre total de formateurs travaillant sur handicompétence varie de 20 à 25 personnes. → Typologie du projet de l’espace collaboratif

Le projet de l’espace collaboratif est transversal à plusieurs types de projets. D’une part, il est intégré dans le projet d’établissement dans la mesure où c’est bien à la demande du CLPS que je suis intervenu sur le dispositif handicompétence. D’autre part, c’est également un projet pédagogique dans la mesure, cette fois, où il m’a fallu me poser la question de l’apprentissage des formateurs à la maîtrise de l’outil ; sur ce point, j’insisterai sur mon rôle médiateur. Enfin, on peut également le caractériser comme un projet éducatif car la recherche de l’autonomisation, caractéristique de ce type de projet était une question centrale. En effet, le but est bien, à terme, de faire en sorte que les formateurs soient autonomes dans leurs démarches de collaboration.

→ Les différentes étapes du projet de l’espace collaboratif

Si je développerai plus précisément la manière dont j’ai conduit le projet dans la partie consacrée au PPI (projet pédagogique innovant), je vais dès à présent informer le lecteur des différentes étapes qui ont menées à l’aboutissement du projet. Mon travail s’est divisé en sept étapes dont certaines se sont chevauchées :

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Rapport de stage : Description de la situation de stage

Schéma organisationnel de la démarche du projet « Espace collaboratif handicompétence »

Analyse de la demande De Janvier à Février Conception du cahier des charges

Recherche et installation de l’outil De Mars à Mi-avril Conception de l’interface

Animation de l’espace De Mai à Juin

Evaluation de l’outil

→ Inventaire des travaux réalisés

Pour réaliser ce projet, j’ai fourni un travail assez conséquent en termes de documents écrits (lettres, questionnaires, documents synthèses…) et de recherche. Je vais ici, de manière très succincte, en faire un inventaire.

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Rapport de stage : Description de la situation de stage Durant la phase d’analyse de la demande j’ai conçu un premier questionnaire que je qualifierais d’exploration. Certains auraient nommé cette phase l’analyse des besoins, mais je me tiens à des raisons épistémologiques liées notamment aux travaux de Freud sur la psychologie, et j’exclus moi aussi la notion de besoin. J’ai ensuite exploité les résultats de ces questionnaires dont j’ai réalisé un document synthèse. Durant cette première phase j’ai également conçu un questionnaire semi-directif concernant les entretiens de type qualitatif. Ensuite, j’ai retranscrit ces entretiens, qui étaient au nombre de trois, afin de produire également un travail de synthèse. Ces différents travaux m’ont donné dans un premier temps des supports de réflexion sur les attentes de formateurs en matière d’outils collaboratifs et sur les freins et les facteurs favorisant la réussite d’un tel projet. Au préalable j’ai bien sûre informer les formateurs handicompétence ainsi que les responsables de formation et les directeurs, du lancement du projet et de son calendrier prévisionnel.

Durant la phase de conception du cahier des charges, j’ai mené une réflexion en faisant évoluer au fur et à mesure un document de travail qui a abouti à la réalisation d’un cahier des charges.

Durant la phase de recherche et d’installation de l’outil, j’ai réalisé des tableaux de synthèse comparant différents logiciels afin ensuite de sélectionner les plus pertinents à la lumière du cahier des charges.

La phase de conception de l’interface m’a quant à elle demandé un important travail de réflexion sur la manière d’organiser l’espace et de le rendre le plus clair possible aux formateurs. Plusieurs modifications ont été apportées afin de coller au mieux aux attentes des formateurs. Avant de mette l’espace à disposition de ces derniers, je l’ai soumis au jugement de deux formatrices afin de parer à d’éventuels oublis ou erreurs de conception et d’améliorer l’ergonomie générale. Un courrier a ensuite été envoyé à l’ensemble des formateurs et responsables de formation pour leur annoncer la mise à disposition officielle de l’espace de collaboration. Julien MORICE – Université de Rennes 2 – MASTER 2 TEF

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Rapport de stage : Description de la situation de stage

Concernant la phase d’animation de l’espace, j’ai principalement élaboré des tutoriaux afin d’aider les formateurs à utiliser les différentes fonctionnalités. J’ai également mis en place, avec le coordinateur du projet handicompétence, des injonctions à utiliser l’espace. Les formateurs ont dû, à titre d’exemple, par le biais de l’espace, nous retourner les résultats de petites enquêtes qu’ils faisaient auprès des stagiaires. J’ai également profité d’une réunion comptant 12 formateurs au siège du CPLS pour donner une formation d’environ une heure avec présentation d’un diaporama et d’exemples d’utilisations concrètes, en ligne.

Enfin durant la phase d’évaluation, j’ai de nouveau effectué une enquête qualitative et quantitative avec questionnaire. Cela m’a permis d’avoir un maximum de données, notamment sur le thème de ma problématique : la notion de groupe, qui sera traitée dans la troisième partie de ce mémoire. J’ai également analysé le nombre et les caractéristiques des connections sur l’espace afin de collecter de précieux renseignements.

L’ensemble de ces documents est consultable en annexe.

Ainsi se termine la première partie de mon rapport qui je le rappelle avait essentiellement, en respect avec la consigne de rédaction, un caractère descriptif.

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Rapport de stage : Bilan de stage

B) Le bilan du stage Dans cette partie bilan, je vais effectuer un travail réflexif sur mon parcours de stagiaires au CLPS. Il s’agira ici de mettre l’accent sur les aspects favorisants mais aussi sur les freins que j’ai rencontrés, et d’analyser en quoi les objectifs en terme de mission mais aussi en terme d’apports personnels et professionnels ont été atteints ou pas.

Dans un premier temps j’aborderai donc la question de l’atteinte des objectifs aux vues des missions définies avec le CLPS en début de stage. Puis je développerai un point précis sur les opportunités du stage, en termes d’étendue des possibilités et de degré d’autonomie par rapport à la tâche. Dans ce même point, la question des enjeux que représentait ma mission pour le CLPS sera également traitée. J’aborderai ensuite le développement de nouvelles compétences et en particulier celles liées au travail en réseau avec différents intervenants. Je ferai par la même le lien entre les savoirs et compétences demandés durant le stage et ceux acquis à l’université. Enfin j’aborderai les aspects les plus contraignants que j’ai rencontrés en mettant l’accent sur le processus de prise de décision. Pour terminer ce rapport, ma conclusion portera sur ma perception globale du stage et sur mon projet professionnel dont je ferai part.

1) Atteinte des objectifs fixés en termes de mission

Très concrètement, en termes de mission, je me félicite tout d’abord d’avoir atteint mes deux objectifs de stage. En effet, comme le lecteur a pu le constater dans la première partie de ce rapport, j’ai mené le projet de l’espace collaboratif jusqu’à son aboutissement et j’ai également effectué une analyse et un rapport complet sur l’espace apprenant du CLPS.

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Rapport de stage : Bilan de stage Si la gestion du temps a été particulièrement difficile du fait notamment de mon travail à mi-temps dans l’éducation nationale et de mes cours à l’université, j’ai accompli l’ensemble des tâches qui m’incombaient en respectant le calendrier. Sur ce point, je soulignerai aussi que j’ai bénéficié d’un des apports des nouvelles technologies qui est de limiter les contraintes de temps et de lieux. En effet, mes missions portant sur des supports en ligne, j’ai pu travailler certains aspects, comme l’interface de l’espace collaboratif, de mon domicile. Durant mes semaines de cours j’étais également en contact permanent par mail avec les intervenants du CLPS concernés par mes projets.

2) La mission : les opportunités et les enjeux pour le CLPS

En termes d’environnement de travail, le CLPS est une entreprise de formation dans laquelle l’utilisation des technologies de la communication n’en est qu’à ses prémisses. En effet, ces dernières sont souvent limitées aux moyens de communication traditionnels que sont par exemple le téléphone où la boite mail. D’ailleurs concernant la formation de ses stagiaires ou de ses formateurs, cet organisme fonctionne exclusivement sur le mode présentiel. Cependant, il faut noter que l’espace intranet du CLPS sur laquelle les formateurs peuvent avoir accès à des documents d’ordre pédagogiques et administratifs commence à être utilisé de manière régulière par les formateurs. Cet outil reste malgré tout essentiellement un outil de consultation et nullement un espace de travail collaboratif. C’est pourquoi dans le domaine des outils de collaboration j’ai eu la sensation d’arriver sur un terrain vierge.

Cet état de fait constituait une opportunité très intéressante, car ma marge de manœuvre était particulièrement importante en termes de propositions à apporter. Cependant j’ai été confronté à des difficultés en rapport avec les usages et les pratiques car les formateurs sont peu acculturés à l’usage des technologies dans le cadre d’un travail collaboratif.

Les enjeux de mon intervention n’étaient cependant pas négligeables, en effet l’un des grands chantiers impulsé notamment par la politique française et européenne dans le

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Rapport de stage : Bilan de stage domaine de la formation est la notion d’individualisation4. Il y a fort à parier qu’à l’avenir les organismes devront justifier d’une politique d’établissement orientée en faveur des technologies de l’éducation et de la formation (TIC) qui vont souvent de paire avec cette notion d’individualisation. D’ailleurs c’est bien en ce sens que l’appel à projet émanent, auquel à répondu entre autre le CPLS, région Bretagne de Novembre 2006, a été rédigé.

De fait Il me semble que ma présence au CPLS n’a pas été le fruit du hasard mais l’indice d’une volonté de positionnement de cet organisme en amont des problématiques actuelles liées au champ TIC. Si les outils de collaboration entre formateurs ne participent pas directement à l’individualisation, ils contribuent à apporter de la valeur ajoutée à la prestation du CLPS. L’objectif d’utilisation étant, outre de faire des économies, d’améliorer la circulation de l’information et donc de permettre aux formateurs d’améliorer la qualité du suivi des stagiaires. Enfin, je préciserais, et cela a bien été présenté comme telle, que ce projet d’espace collaboratif était avant tout une opération test, en vue d’une généralisation du principe à d’autres dispositifs de formation.

3) Le développement de nouvelles compétences : la gestion du temps et le travail en réseau

Je considère qu’un des apports les plus importants de mon stage a été d’apprendre à mieux gérer le facteur temps et en particulier à anticiper sur mon travail. En effet, durant le projet j’ai à de nombreuses reprises été amené à rencontrer ou à contacter les divers acteurs (formateurs, tuteurs, coordinateurs), dans ce cas, en particulier concernant les formateurs, il me fallait anticiper les rendez vous au moins deux semaines à l’avance afin de leur laisser les possibilités de s’organiser.

4

A lire sur ce sujet : Hervé Prévost. (1992), L’individualisation de la formation, autonomie et/ou socialisation, Lyon, Chroniques sociales.

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Rapport de stage : Bilan de stage Il semble, au passage, que la gestion du temps soit d’ailleurs l’un des deux enjeux majeurs de notre temps, notamment avec le rétrécissement des distances et les nouveaux moyens de communication. Sur ce point, j’encourage le lecteur à consulter Marc Auger5 qui souligne les effets de ce qu’il appelle la « surmodernité ». Pour illustrer cela, concernant le monde de l’entreprise, mon maître de stage mettait d’ailleurs l’accent sur cette contrainte de temps à laquelle il faut ajouter celle de l’argent. C’est donc notamment autour de ces deux enjeux que s’opère le système de contrainte.

L’aptitude à travailler en réseau fait également partie des principales compétences que j’ai développées au CLPS. Comme je l’ai déjà abordé en partie, mon stage m’a totalement immergé dans la position d’un chef de projet, dans le sens où je me suis retrouvé au centre d’un dispositif faisant intervenir de nombreux acteurs que je vais énumérer ci après : -

Directeur du CLPS : Eric Boyer

-

Maitre de stage : Michel Moriceau

-

Chef de projet handicompétence : Yoann Piplin

-

Responsable informatique

-

Responsables de formation : 5 personnes

-

Formateurs : de 20 à 25 personnes

De fait, sur ce point, c’est surtout mes compétences relationnelles qui ont été mises à l’épreuve. En effet, dans la position de chef de projet ces qualités sont particulièrement à mettre en exergue. Dans le jeu des relations outre les questions de statut, il y a aussi celles liées à la subjectivité des personnes à qui l’on s’adresse. Sur ce dernier point je renvois le lecteur au concept d’idiosyncrasie, initialement formulé par Claude Bernard (1813-1878). En psychologie ce concept, caractérise la disposition humaine à ressentir différemment selon les individus, une impression extérieure ou sensorielle. En philosophie, il se rapporte à l’ensemble des particularités et des traits de caractères propre à chaque individu, qui représente ce qu'il est en tant qu'être conscient, ce qui définit son ontologie.

5

Marc Auger – non – lieux – Introduction à une anthropologie de la Surmodernité – édition le Seuil – 1992.

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Rapport de stage : Bilan de stage Si je ne m’attarderai pas sur ce point, le lecteur comprendra l’importance que j’accorde à cet aspect du travail de chef de projet que je me devais de souligner.

L’apprentissage des codes à également fait partie de tout cet aspect relationnel que j’aborde ici, a titre d’exemple l’emploi du tutoiement était de mise entre tous les interlocuteurs. Durant ce stage j’ai donc pris conscience l’importance à niveau égal des compétences en savoir être et en savoir faire dans le milieu professionnel.

4) Mise en avant des compétences acquises durant le master

L’un des aspects positifs du stage était également l’adéquation de ce dernier avec le champ d’application du Master TEF. En effet, le contenu de mes études étant à la fois centré sur des connaissances techniques et des connaissances théoriques, les points de convergence entre mes missions au CLPS et ma formation universitaire ont été nombreux. Depuis le Master 1, nous menons une réflexion sur la notion d’usage des technologies que l’étude de l’anthropologie et des réseaux est venue étayer. J’ai pu constater que tous ces apports m’ont permis de mieux appréhender l’introduction de l’outil collaboratif et de ne pas tomber dans les nombreux pièges liés à nos représentations propres. Concernant l’analyse de l’espace apprenant, mon recul sur le sujet des technologies m’a permis de ne pas tirer trop vite de conclusions erronées. Je ferais également remarquer au lecteur que si j’ai souvent eu tendance à être techno centré, pensant que dans le monde de l’entreprise la réalité du terrain était d’aller au plus efficace au détriment, parfois, d’une prise de recul nécessaire, j’ai été très surpris d’être au contraire encouragé à prendre le temps d’analyser le terrain, et à ne pas me précipiter vers la première solution. De fait, j’ai suivi une méthodologie précise telle que mes enseignements à l’université m’avaient également invité à le faire.

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Rapport de stage : Bilan de stage Sur ce point, il était d’ailleurs rassurant d’appliquer des méthodes de recherche universitaire sur le terrain et de constater finalement que l’écart entre les deux réalités n’est pas aussi important que l’on veut parfois le croire.

5) Les instances du pouvoir décisionnel

Si comme le lecteur peut le constater, j’ai évolué dans un environnement favorable en termes d’organisation et de responsabilisation personnelle. La réalité du milieu professionnel m’a également permis de comprendre que les décideurs ne se tournent pas toujours vers la solution que l’expert préconise. Dans le cas de l’espace collaboratif, mon maître de stage, qui était en fait le principal décideur, a choisi de m’orienter vers l’installation d’un système que je ne lui avais pas recommandé. Très concrètement, après avoir élaboré le cahier des charges, j’ai sélectionné un certain nombre d’outils qui répondaient à la commande. Cependant une autre solution : Mayetic Village, qui a été retenue.

De fait, si cette solution ne répondait pas au cahier des charges, ce choix peut trouver son explication de trois manières. D’une part, le décideur a surtout mis l’accent sur la facilité d’usage, d’autre part, il a profité de la possibilité offerte par Mayetic Village d’ouvrir un autre espace de collaboration pour un projet européen dans lequel il été participant. Ce faisant, il faisait, « d’une pierre deux coup » puisque c’est finalement dans le cadre du projet européen, que les espaces de collaborations (handicompétence et projet européen) ont été financés. De fait, pour le CLPS le coût était nul puisque le financement du projet n’émanait pas de l’établissement.

Enfin, j’émettrais également l’hypothèse que ce choix est en lien avec le concept de rationalité restreinte. Ce concept découle de l’anglais « satisficing » développé par Herbert

Julien MORICE – Université de Rennes 2 – MASTER 2 TEF

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Rapport de stage : Bilan de stage Simon6. Il suppose que l'acteur économique a un comportement rationnel, mais que sa rationalité est limitée en terme de capacité cognitive et en terme d'informations disponibles. Dès lors, l'acteur va généralement s'arrêter au premier choix qu'il jugera satisfaisant. Si on considère ainsi qu’un acteur préfère une solution A à B et B à C, on ne peut conclure qu’il préférera A à C car dans les situations plus complexes dont un nombre important de variable rentre en jeu, l’acteur cherche moins à étudier l’ensemble des possibilités qu’à trouver une solution raisonnable.

Malgré la sensation d’avoir été lésé dans la décision du choix de l’outil dans laquelle je m’étais beaucoup investi, cette expérience s’avère riche en enseignement. Elle m’a en effet permis de constater à quel point les instances de décision ne s’appuient pas toujours sur l’expertise. Par la suite mon maître de stage me confiera cependant qu’il avait fait son choix un peu trop précipitamment et que mes solutions auraient méritées que l’on s’y attarde d’avantage.

6

Administrative Behavior, (1947) Julien MORICE – Université de Rennes 2 – MASTER 2 TEF

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Rapport de stage : Conclusion

Conclusion

Comme je l’ai mis en évidence, si le bilan du stage est globalement très positif. En effet, j’ai clairement été investi des missions d’un chef de projet même si comme je l’ai précisé, j’aurais souhaité avoir plus de poids dans les décisions. Je me félicite cependant de la perception de la qualité de mes services par le CLPS et en particulier par mon maitre de stage qui a mis l’accent sur la pertinence de mes analyses et mon évolution en termes de méthodologie. En effet, si dans un premier temps, j’ai eu tendance à tirer des conclusions de manière très rapides concernant mes recherches, par la suite j’étais plus critique et plus prudent dans ma démarche de travail et par la même plus réaliste et pertinent.

Ce stage m’a en particulier permis de prendre la juste mesure de la complexité de l’introduction d’un dispositif technique et des contraintes organisationnelles et méthodologiques que cela induit. Si l’espace collaboratif n’est pas une réussite en lui-même en termes d’utilisation, comme il en sera question dans la suite de ce travail, mon terrain de stage m’a cependant permis de conduire un projet de sa phase initiale à sa concrétisation. De plus comme nous le verrons dans l’analyse de ma problématique, cela m’a permis de conduire une réflexion centrée en particulier, non pas sur l’objet technique lui-même, dont les caractéristiques ont finalement une importance minime, mais sur l’adéquation entre ce dernier et l’environnement dans lequel il est introduit. J’ai également mené une réflexion sur le rôle de la médiation et son importance dans la réussite d’un projet s’appuyant sur l’utilisation des TIC.

En termes de projet professionnel, ce stage m’a permis de comprendre également le rôle d’un consultant ou d’un chef de projet, et la posture de ce dernier. Cependant je pense qu’il faut au préalable gagner en expérience avant de s’engager dans cette voie.

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Rapport de stage : Conclusion Pour ma part, je tiens à préciser que je n’avais pas pour ambition d’intégrer le CLPS. De fait, étant finalement en partie extérieur à l’institution, j’avais une situation privilégiée. En effet, concernant la phase d’évaluation qualitative de l’espace les formateurs interrogés ne me percevaient pas, pour la plupart, comme un représentant de l’institution.

Enfin, c’est surtout la phase d’animation de l’espace et en particulier la formation des utilisateurs qui s’est avérée particulièrement riche. Ce stage m’a donc également permis, si ce n’est de mieux me connaître, de me conforter dans mon choix d’orientation vers la formation et la pédagogie.

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Deuxième partie : projet pédagogique innovant 2007

Le projet pédagogique innovant

Mon projet pédagogique est centré sur l’espace collaboratif handicompétence. Comme je l’ai précisé dans mon rapport de stage, ce dernier s’inscrit dans le cadre d’une commande institutionnelle. En effet, je rappelle que dans un premier temps, c’est au cours d’une réunion avec la direction du CLPS que mes missions et entre autre celle de l’espace collaboratif, ont été définies. Cependant, d’une certaine manière, si je me réfère à la typologie des commandes institutionnelles, il s’agissait non pas de renouveler une commande mais de traduire l’opération d’une réponse déjà connue, soit les espaces collaboratifs, vers une situation singulière, soit l’espace collaboratif du projet handicompétence.

Il va s’agir pour moi de montrer de façon concise ma proposition innovante dans ce qu’elle a d’essentiel, d’aborder la question de la méthode, des outils pédagogiques, de rendre compte des éléments et constatations, qui sont venu étayer sa mise en œuvre concrète. Il s’agira également de montrer en quoi j’ai durant ce stage utilisé des compétences et savoir faire professionnels à des fins de formation.

Pour ce faire, après avoir resitué les objectifs, la finalité et les différents intervenants avec qui j’ai collaboré, j’aborderai la question de la méthodologie par le biais de l’analyse de la demande que j’ai menée. Ensuite, dans un second temps, il sera question de l’élaboration du cahier des charges et de la recherche de l’outil collaboratif. Enfin, c’est dans le cadre de la conception et de l’animation de l’espace que je mettrai l’accent sur l’aspect pédagogique du projet. Les questions ayant trait aux compétences et aux savoir-faire professionnels seront transversales à l’ensemble de l’exposé.

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PPI : rappel de contexte

A) Rappel du contexte de stage

L’objet principal de mon intervention au CLPS était de concevoir un espace collaboratif à l’attention des formateurs travaillant dans le cadre du projet handicompétence. J’informe le lecteur que le projet handicompétence étant en constante évolution, durant mon stage j’ai vu le nombre de formateurs intervenant sur le dispositif doubler (12 formateurs en Janvier / 22 à la fin du mois de Juin).

Pour mettre en place ce projet pédagogique, j’ai donc été amené à travailler à la manière d’un chef de projet, c'est-à-dire avec un grand nombre d’intervenants ayant tous une place et des enjeux différents au sein du projet. Si j’ai déjà présenté la liste de ces intervenants au lecteur durant le rapport de stage, il est nécessaire pour permettre à ce dernier d’appréhender dans sa globalité mon intervention, de faire la présentation sous forme de schéma des différents acteurs avec qui j’ai œuvré. J’ai d’ailleurs ajouté à ce schéma un nouvel intervenant qui est le prestataire « Mayetic village », avec qui, nous le verrons plus tard, le CLPS a passé contrat. C’est ce même espace que j’ai donc dû formater aux vues des objectifs et de la demande des usagers / formateurs.

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PPI : rappel de contexte

Acteurs du projet de l’espace collaboratif handicompétence

Directeur du CLPS Chef de projet Handi compétence

Maître de stage

Stagiaire chef de projet espace collaboratif

Prestataire Mayetic Village

Responsables de formation et directeurs

Responsable informatique

Formateurs handi compétence

Dans le graphique ci-dessus, je fais apparaître les différents intervenants du projet de l’espace collaboratif. Il est cependant important que je caractérise la relation que j’ai, en tant que stagiaire chef de projet, entretenue avec les différents acteurs. Dans le tableau suivant je propose de synthétiser les contributions et les attentes des ces derniers.

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PPI : rappel de contexte Caractéristiques des rapports chef de projet stagiaire / acteur du projet de l’espace collaboratif handicompétence.

Directeur

Contribution à la réalisation

Attentes visées

du projet

Par l’acteur

Support matériel, logistique

Généralisation des espaces

et apports financiers

de

travail,

réalisation

d’économies sur le long terme Maître de stage

Aides

méthodologiques,

apports réflexifs et conseils

Réussite

du

projet

en

termes d’utilisation par les formateurs

Chef

de

projet

handicompétence

Aides méthodologiques, lien

Autonomisation

avec

formateurs, amélioration de

l’équipe

des

formateurs, apports réflexifs

des

la prestation, gain de temps

orientés pratique Responsable informatique

Formateurs

Résolution de problèmes

Délégation de la gestion de

techniques

l’espace

Traduction de la demande

Amélioration

sur le terrain, retour en

prestation,

termes

informations

d’utilisation,

de accès

critiques constructives

gain de temps

Responsable de formation

Encouragement

Amélioration

et directeurs

accord

tacite,

d’intervention

de

la à

des

qualité,

de

la

prestation

auprès des formateurs Prestataire Mayetic village

Support

technique

à

Fidélisation du client CLPS

l’utilisation de l’espace

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PPI : rappel de contexte Le lecteur pourra peut être s’étonner de l’absence d’un acteur essentiel se trouvant pourtant au centre des préoccupations, qui n’est autre que le stagiaire de la formation. J’ai volontairement décidé de ne pas le caractériser en termes d’acteur effectif de la création de l’espace de collaboration. Je considère en effet que ce dernier est essentiellement le récepteur de l’effet que produira l’espace sur la formation. En effet, l’espace de collaboration est bien destiné aux formateurs en soutien à leur travail de préparation et non aux stagiaires directement. Cependant, de manière indirecte, si les formateurs améliorent la qualité de leur prestation grâce à l’espace on peut considérer qu’ils profiteront des effets de ce dernier.

Je tiens également à préciser qu’il y avait de fait interaction des différents acteurs entre eux et qu’il faut reconsidérer, pour être plus exact, le premier schéma et présenter l’interaction des acteurs sous la forme d’un réseau.

Sur ce point, il est intéressant d’aborder la structure hiérarchique du CLPS qui fonctionne encore essentiellement sur un mode d’organisation pyramidal, cependant l’entreprise se modernise et tend à créer des postes de chef de projet qui vont de paire avec l’organisation horizontale qui caractérise notre société en réseau7.

7

Manuel Castells, (1998), La société en réseaux

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PPI : rappel de contexte

Directeur du CLPS Chef de projet Handi -

Maitre de stage

Stagiaire chef de projet espace

Prestatair es Mayetic Responsables de formation et directeurs

Responsa ble informati Formateurs handi compétenc e

Il faut imaginer qu’à l’instar des relations présentées sur le graphique du directeur vers les acteurs, tous les autres acteurs sont également reliés entre eux, l’ensemble formant un réseau complexe d’interaction.

Enfin, pour terminer cette partie sur l’organisationnelle humaine de mon PPI, nécessaire à l’appréhension totale du projet, je précise qu’il aurait été possible de reprendre le tableau utilisé pour caractériser les rapports (stagiaire chef de projet / acteurs) pour chacun des acteurs. En effet, il y a autant d’enjeux entre les acteurs que de liens sur le réseau. Cependant je me suis restreint volontairement dans le cadre de ce travail à présenter uniquement mes rapports avec l’ensemble des intervenants.

Je vais maintenant passer à la phase d’analyse précédant la conception de l’espace collaboratif, puis la description et l’argumentation méthodologique de l’ensemble du processus de mise en place de ce projet. Je n’aborderai pas ici la définition même de l’espace de collaboration, en effet, toute cette phase d’analyse des concepts et des dichotomies employées sera abordée de la 3ème partie du mémoire : l’analyse de la problématique.

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PPI : rappel de contexte

B) La phase d’analyse de la demande

Mon but dans ce projet était de traduire une réponse connue, l’espace collaboratif, vers une situation singulière, le projet handicompétence. La phase de découverte de la demande a donc été un aspect essentiel de ma méthodologie. En effet, il me fallait étudier la subjectivité du projet handicompétence lui-même pour apporter une réponse adéquate.

Je préciserais également d’ores et déjà que c’est justement dans la méthodologie mise en place que j’entends caractériser mon projet pédagogique d’innovant. En effet, un problème de méthodologie est récurent dans l’introduction des TIC. De fait, dans bien des cas, les concepteurs proposent des outils aux utilisateurs potentiels sans se poser la question des usages. La technique utilisée dans mon projet repose donc bien, quant à elle, sur une méthode ascendante dans le sens où elle part en premier lieu de la demande des utilisateurs. Sur ce point je me suis notamment inspirer des travaux de Dominique Boulier sur le couplage, conception / utilisation, qui considère que les mondes sociaux des concepteurs et les mondes sociaux des utilisateurs doivent communiquer afin de féconder des outils adaptés.

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PPI : analyse de la demande

1) La phase d’exploration par questionnaires

Durant ma phase de découverte, afin d’être au plus près des réalités, j’ai d’abord élaboré un questionnaire que je qualifierai d’exploration. A cette première phase, 11 formateurs ont participé, elle m’a permis de dresser l’état initial du terrain au regard de l’utilisation des TIC.

J’ai donc axé mon premier questionnaire sur trois aspects : -

le rapport des formateurs avec l’informatique,

-

les rapports des formateurs entre eux

-

la connaissance des espaces de collaboration

Si je n’exposerai pas ici la totalité des résultats de l’analyse des, il me parait nécessaire de souligner certains constats.

Au terme rapport il faut attendre contact ou relation. Comme nous pouvons le constater dans ce graphique, à la question sur la fréquence des contacts des formateurs entre eux, seuls 3 formateurs considèrent que les rapports avec leurs collègues sont « fréquents », 5 d’entre eux estiment au contraire que ces derniers ne sont « pas très fréquents ».

Si le terme fréquence peut être interprété de manière très subjective par les formateurs, je suis resté volontairement vague dans la terminologie employé dans mon questionnaire

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PPI : analyse de la demande exploratoire qui avait essentiellement pour but de dessiné un état des lieux très global de la situation. La phase qualitative ayant justement pour intérêt de nuancer et de préciser la pensée des individus.

Ce second graphique me parait important car il traduit concrètement l’avis des formateurs sur la suffisance des contacts entre eux. Cette question fermée a eu pour but de générer une prise de position tranchée du formateur, que par la suite les entretiens qualitatifs sont venus préciser. Sur ce point 6 formateurs pensent clairement qu’il n’y a pas assez d’échanges et de contacts entre les formateurs, alors que seules 4, des 11 personnes ayant participé au questionnaire, pensent que ces derniers sont suffisants.

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PPI : analyse de la demande Enfin, je choisis de présenter ici un dernier élément qui indique que les formateurs semblent ne travailler qu’avec un petit nombre d’autres formateurs. Il semble en effet qu’ils ne fonctionnent qu’avec les collègues des mêmes établissements. Par petite partie, il faut entendre ici 4 ou 5 formateurs, où les quelques formateurs qui travaillent au sein d’un même établissement.

2) La phase d’exploration par entretien qualitatif

Souhaitant appliquer une méthodologie irréprochable, j’ai également interrogé 4 formateurs, chacun durant un entretien semi-directif enregistré. Ces entretiens, d’une durée moyenne d’une heure, ont ensuite été retranscrits. Suite à la retranscription, j’ai établi une grille de lecture de ces entretiens selon quatre critères : -

La demande en outils

-

Les freins

-

Les indices favorables

-

Les questionnements et remise en cause d’outils

La masse d’informations recueillie étant bien trop importante pour être présentée dans le détail, je ne reprendrai ici que certaines phrases clef pour les différents critères.

2.1) La demande en outil

D’une manière générale, certains outils semblent d’une manière générale avoir la faveur des formateurs interrogés :

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PPI : analyse de la demande Le forum : « avec un forum on balance une question et on revient la voir après, c’est gérable » (n°3) Base de donnée d’outils : «ça éviterait peut être d’avoir à tout stocker sur ordinateur. On aurait juste à retourner sur la base ». (n°1) Actualité du handicap : « Si c’est bien classé ce serait une bonne idée » (n°2) Répertoire de sites classés : « Oui, ce serait une très bonne idée. Effectivement ça ferait gagner du temps. » (n°3) WIKI / lexique : « Dans le handicap on aurait besoin d’être tous d’accord sur les termes qu’on utilise » (n°3) Base anonyme de stagiaires : « on a plus besoins d’informations sur une tranche de handicap et qui fait pas forcement appel à la dénomination d’un stagiaire, par exemple, que faire si une personne qui à tel handicap » (n°3) Agenda : « ce serait super intéressant d’avoir les agendas en ligne car on ferait tous une synchronisation des agendas pour vérifier où sont les personnes ». (n°4)

2.2) Les freins

J’expose ci-dessous les principaux freins recensés : Le temps : « Je pense que la principale problématique qui se pose reste toujours le facteur temps … » (n°1) La maîtrise informatique : « ça ne me dérangerait pas mais il ne faut pas que ça soit trop compliqué parce que je n’ai pas de compétences techniques » (n°4) La non- utilisation de l’espace à domicile : « Chez moi non, je ne pense pas, parce que c’est vrai qu’on se fait déjà pas mal bouffer par des tâches autres… » (n°1) Problème de mise en forme des scénarios pédagogiques : « : c’est plus des fiches en fait qu’on peut faire pour travailler en autonomie. » (n°2)

2.3) Les indices favorables

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PPI : analyse de la demande S’ils ne sont pas communs à tous les formateurs, il existait un grand nombre de facteurs favorables : L’accès au matériel informatique et la connexion : « Oui, tout à fait, on a quasiment toujours un poste à disposition quand on le souhaite… » (n°1) Le désir d’échange : « Avec les autres formatrices on utilisait les mêmes outils mais on n’a pas eu de retour pour savoir si elles avaient aussi rencontré les mêmes difficultés ou si on contraire ca c’était bien passé. C’était un petit peu dommage. » (n°1) ; « Oui, c’est vrai que c’est dommage parce qu’on travaille tous, quelque part, en doublon… » (n°2) La culture de partage : « C’est quelque chose qui se fait déjà ici, ça se fait déjà naturellement. » (n°3)

2.4) Les questionnement et remise en cause d’outils

Certaines réserves demandant du recul et de la réflexion ont également étaient émises : Les news letters : « Oui mais le risque est qu’il ne faut pas être envahi d’infos, on a du temps mais il faut quand même trier les informations… » (n°1) Messagerie instantanée : « le forum est plus réaliste que la messagerie instantanée. » (n°1) Agenda : « Je ne pense pas que ce soit nécessaire même si ça arrive parfois qu’on se remplace entre collègues on fonctionne par mail. »(n°2) Forum : « il faut beaucoup de temps pour utiliser un forum, il faut au minimum que ça arrive sur nos boites mails ». (n°2) Base de stagiaire : « J’aime autant avoir des informations sur les stagiaires de manière informelle par téléphone par exemple mais je ne veux pas de trace de ces informations. » (n°3)

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PPI : analyse de la demande Si parfois les formateurs ont été en contradiction les uns avec les autres, voir même avec eux mêmes au cours d’un même entretien, les deux phases, d’exploration et d’analyse de la demande, m’ont fourni de précieux renseignements. J’ai constaté d’une part qu’il y avait bien une demande de collaboration et d’autre part que les échanges entre les formateurs des établissements était rares voir inexistant. De fait, l’échange d’outils n’était pas intégré dans les pratiques. Cependant, j’ai également constaté que les formateurs étaient naturellement disposés à échanger leurs savoirs avec les autres collègues et que de fait, la collaboration au sein d’un espace de travail pouvait être envisagée. De plus j’ai ciblé certain outils particulièrement pertinents que sont : Le forum La base de document La bibliothèque de sites internet L’actualité La foire aux questions Ce premier travail a donc été conduit de manière innovante dans le sens où il prenait essentiellement appui, non pas sur mes préconceptions ou de mes prénotions au sens de Bachelard8, mais sur une réelle réflexion et un travail d’analyse précis du terrain. Je l’ai centré sur les usagers eux mêmes. En termes d’utilisation de mes compétences, cette phase de mon projet m’a permis de mettre en pratique les enseignements méthodologiques suivis durant mon cursus, à savoir les méthodes d’enquête quantitative et qualitative. Si ces techniques sont maintenant connues dans le monde de l’entreprise, leur utilisation n’est pas toujours d’actualité surtout lorsqu’il s’agit de projets test.

8

Toute vérité est une erreur rectifiée, on ne juge pas à partir de rien mais toujours d'une prénotion (Bachelard)

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PPI : analyse de la demande Dans notre cas, l’enquête menée par questionnaires et entretiens m’a donc permis d’établir une liste d’outils probables et d’anticiper sur la résolution de certains freins que sont par exemple le temps et les difficultés d’utilisation. De plus cela m’a permis de prendre conscience que l’espace ne devrait en aucun cas être un lieu de stockages d’outils, ces derniers étant déjà disponibles sur Intranet.

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PPI : Phase de recherche et de conception

C) Conception du cahier des charges

C’est après des échanges et présentations de travaux écrits à mon maître de stage et au responsable du projet handicompétence que le choix des outils et des idées sur l’organisation de l’espace a été réalisé. Il me restait encore à élaborer un cahier des charges plus technique et à le présenter à mon maître de stage pour validation.

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PPI : Phase de recherche et de conception Pertinence

Correspondre aux demandes des utilisateurs et du Clps, offrir les fonctionnalités techniques répondant au près des besoins, l'ensemble des demandes et de la manière la plus compatible avec la situation

Facilité d'usage

Facile d'accès et d'usage, demandant peu – voire aucune - appropriation ou initiation, convivial, intuitif

Cout

Le moins cher possible en achat, en maintenance, en hébergement le cas échéant, en fonctionnement, voire en développement. Demandant le minimum de maintenance technique et demandant peu de spécialistes pour le faire fonctionner du type administrateur, chef de projet, utilisateur « de base ». Un outil open source paraîtrait indiqué à condition qu'il soit fiable

Capacité

pouvant offrir des fonctionnalités qui pourraient apparaître au fur et à mesure

d'évolution

de la maîtrise de l'outil dans le cadre du projet handicompétence, voire dans une phase de généralisation à d'autres situations. −

outil dont la maintenance et le développement sont assurés dans la durée

ouverture à différents outils complémentaires

autorisant des développements le plus simplement possible, si possibles sans l'intervention de spécialistes, surtout extérieurs

Interopérabilité Modularité

respecter des normes d'interopérabilité : SCORM, IMS, AICC... Offrir différentes fonctionnalités pouvant être assemblées en fonction des besoins évolutifs tout en étant compatibles entre elles (soit parce que conçue pour cela soit par ajouts d'outils compatibles)

Fiabilité

Infrastructure solide, fiable, si possible connue, ayant fait ses preuves (et évolutive, voir ci-dessus), solidité de la technologie, fiabilité du fournisseur dans la durée, rapidité d'intervention en cas de défaillance (sur site ou sur Web)

Comptabilité

Pouvant s'articuler avec les outils d'usage courants : webmal, outlook, word, pdf, ppt, xls... L'idéal étant de ne rien bousculer dans ce domaine (si possible)

Confidentialité

Assurant une protection des données, surtout par rapport à l'extérieur à travers probablement une gestion des droits d'entrée efficace et simple !

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PPI : Phase de recherche et de conception Comme le lecteur pourra le constater dans le schéma suivant, le cahier des charges à été axé sur plusieurs variables interdépendantes.

Facilité D’usage

Capacité d’évolution

Sécurité Critère du cahier des charges

Coût

Pertinence en termes d’outil

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PPI : Phase de recherche et de conception

En effet, il s’agissait pour moi, non pas de mettre en place un outil qui semblerait pertinent et qui sur le long terme serait inutilisable. Dans l’avenir, on peut par exemple être bloqué par des problèmes de compatibilité à certaines normes ou un certains systèmes d’exploitation pour prendre un autre exemple. Ce travail assez conséquent de recherche m’a permis de mettre à jour mes compétences techniques et m’a également très concrètement appris à me familiariser avec la conception d’un cahier des charges. En termes de méthodologie de conception de ce cahier des charges, j’ai recherché des documents sur Internet et je me suis notamment inspiré d’une méthodologie émanent de centre de développement pédagogique pour la formation générale en science et technologie9. Dans ce document il est préconisé de s’interroger sur différents milieux :

Milieu physique : Le concepteur devra tenir compte des éléments de la nature (eau, air, sol, etc.) qui peuvent avoir une action quelconque sur le système tels que l’oxydation, le court-circuitage, la détérioration par le rayonnement UV, etc. Milieu technique : Le concepteur devra tenir compte, sur le plan fonctionnel, des autres objets techniques qui viennent en contact avec l’objet à concevoir, c’est-à-dire lors de son utilisation, de son fonctionnement et de son entretien. Milieu humain : Le concepteur devra tenir compte de l’utilisateur et du réparateur de cet objet, que ce soit sur le plan esthétique, ergonomique ou sécuritaire. Il devra également avoir des préoccupations d’ordre éthique. Milieu industriel : Le concepteur devra tenir compte de la faisabilité de l’objet technique, c’est-à-dire de l’atelier de fabrication, de l’outillage et des moyens de production, de la main-d’œuvre et des délais de fabrication. Milieu économique : Le concepteur devra tenir compte du prix de revient, du prix de vente, du profit, du coût d’entretien, de la durée de vie, etc. Milieu environnemental : Le concepteur devra tenir compte de l’impact de l’objet à concevoir sur l’environnement lorsqu’il sera utilisé, de son recyclage à la fin du cycle de vie, etc. 9

http://www.cslaval.qc.ca/cdp/telechargement/cahier_des_charges.pdf

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PPI : Phase de recherche et de conception Cet outil m’a permis de ne pas omettre de point essentiels dans la conception de mon cahier des charges.

Cette compétence à élaborer un cahier des charges est essentielle pour un chef de projet.

C’est dans cette prise en compte des facteurs techniques, physiques, humains, industriels, économique et environnementaux que l’on peut caractériser ce travail d’innovant. En effet, dans la majorité des cas, seuls le prix et la pertinence sont mis a l’épreuve.

C’est donc en partie grâce à mes connaissances théoriques acquises, et notamment grâce à la question des usages et de l’importance de la médiation que j’ai apporté une valeur ajoutée, sur la question de l’intégration d’un dispositif technique, au CLPS.

Si cependant, au terme de ma réflexion, le choix des décideurs s’est porté sur un outil qui ne respectait pas mon cahier des charges, je considère, sur ce point, avoir réalisé un travail de qualité professionnelle.

D) La recherche de l’outil

Je tiens à préciser que cette phase de recherche a été la plus longue. En effet, il existe pléthore d’outils classés en plusieurs grandes familles, parmi lesquels il me fallait distinguer ceux qui respectaient le cahier des charges.

A titre d’information, le lecteur doit savoir que la première difficulté a été de me familiariser avec le « jargon » employé dans le domaine informatique.

Il m’a fallut tout d’abord distinguer les trois grandes familles : Les logiciels de E- Learning appelé également « CMS » qui signifie en anglais : Course management system10.

10

Exemple : Ganesha, Claroline, Moodle

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PPI : Phase de recherche et de conception

Les « CMS » ! (exactement la même appellation…) qui cette fois signifie, en anglais toujours : content mangement system11. Afin, le dernier type de logiciels étudiés était les Groupware12.

Quelques définitions

Content Management System : Les systèmes de gestion de contenu, ou SGC (de l'anglais Content Management Systems ou CMS), sont une famille de logiciels de conception et de mise à jour dynamique de site Web ou d'application multimédia partageant les fonctionnalités suivantes : Ils permettent à plusieurs individus de travailler sur un même document ; Ils fournissent une chaîne de publication (workflow) offrant par exemple la possibilité de publier (mettre en ligne le contenu) des documents ; Ils permettent de séparer les opérations de gestion de la forme et du contenu ; Ils permettent de structurer le contenu (utilisation de FAQ, de document, de blog, forum de discussion, etc.) ; Certains SGC incluent le contrôle de version. Plus concrètement, l’apparition de système de gestion de contenu marque la fin des marque l’arrivée des rédacteurs non techniciens et le début de la séparation du fond et de la forme. Le rôle du web master devient ainsi moins central. (Exemple de CMS : JOOMLA, MAMBO, TYPO 3). Course Management System : Les systèmes de gestion de cours sont initialement prévu pour la gestion d’enseignement en ligne par des professeurs non techniciens, cependant ils sont utiliser également par des entreprises. Parfois appelé « Learning management system » ils disposent d’un grand nombre d’outil (forum, wiki, base de données).

11 12

Exemple : Joomla, Mambo Egroupware, Phpgroupwere, PhpNuke

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PPI : Phase de recherche et de conception Ces logiciels sont très polyvalents et peuvent être utilisés dans d’autres cadres autres que l’enseignement. (Exemple de course management system : MOODLE, GANESHA, CLAROLINE). Groupware : Le Groupware est l’ensemble des technologies et des méthodes de travail associées qui, par l’intermédiaire de la communication électronique, permettent le partage de l’information sur un support numérique à un groupe engagé dans un travail collaboratif et/ou coopératif (Exemple de Groupware : EGROUPWARE, PHPGROUPWARE, PHPNUKE).

J’ai donc procédé à une analyse rapprochée de tous ces logiciels sans cependant les installer, ce qui m’a pris beaucoup de temps. J’ai essentiellement utilisé Internet pour ce faire. J’ai ainsi élaboré un tableau complet de comparaison de logiciels appartenant aux trois familles afin de pointer celui qui correspondait le mieux à notre situation. En l’espèce il semble que le « course mangement system » Moodle était très performant et pouvait supporter l’ensemble des outils qu’il avait été envisagé d’installer.

J’ai donc effectué un travail d’expertise complet, tel qu’un consultant peut être amené à le faire. J’ai pris conscience de la difficulté de l’exercice et surtout du temps qu’il faut y consacrer. Ce travail m’a également appris à qualifier l’information. En effet, Internet est très pratique en terme de quantité d’informations, cependant, à mesure que j’effectuais mes recherches, je me suis rendu compte de contradictions et surtout, parfois, d’informations erronées. Je prenais, autant que faire ce peut, garde à la provenance de ces dernières (expert, particulier, entreprise), car ni la qualité, ni les enjeux et les buts de ces différents acteurs ne sont identiques. S’est donc posée tout au long de ces recherches la question de l’évaluation de l’information sur internet.

Il s’agissait donc pour moi, non pas de sélectionner le premier outil qui semblait correspondre, mais de le comparer sur nombres de critères aux logiciels concurrents.

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PPI : Phase de recherche et de conception Je regrette cependant ne pas avoir eu la possibilité d’installer tous les logiciels sur un espace, afin de les tester moi-même. Cette option, aussi efficace soit t’elle, était selon mon maître de stage trop coûteuse en temps.

Concernant la question des apports de ma formation universitaire, la formation technique que j’ai suivie à l’université par le biais des EPO (Enseignement optionnel) s’est avérée particulièrement utile puisqu’elle m’a permis d’avoir un socle de connaissances de bases dans le domaine des logiciels de collaboration.

E) Conception, mise en place et animation de l’espace Le choix du logiciel supportant l’installation de l’espace de collaboration s’est donc porté vers la solution Mayetic Village. Je ne reviendrai pas sur les motifs de ce choix que j’ai présenté dans le rapport de stage, mais je tiens cependant à préciser en quoi ce dernier était inadapté à la situation puisqu’incompatible avec le cahier des charges. Le coût : L’espace Mayetic village revient à 30 euros par mois au CLPS, ce n’est pas un logiciel Open source. Interopérabilité : L’espace ne respect pas les normes SCORM, XML. Compatibilité : Il y a certains problèmes sur ce point avec les ordinateurs Macintosh pour certaines fonctionnalités. Facilité d’usage : Nous verrons que sur ce point le logiciel a fortement été critiqué par les formateurs.

1) La conception de l’espace Quoi qu’il en soit, devant me contenter de se logiciel, je me suis concentré sur la conception de l’espace lui-même.

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PPI : Phase de recherche et de conception J’ai donc tenu compte des principaux outils souhaités par les formateurs, qui étaient configurables sur l’espace, en utilisant les résultats de l’enquête précédemment présentés.

Cette interface (page d’accueil) est celle qui a été retenu après quelques modifications. En effet, avant de mettre l’espace à disposition des formateurs, j’ai effectué deux tests utilisateurs à distance avec deux formatrices volontaires, toujours dans l’idée de mettre en œuvre une méthodologie de qualité.

Ces derniers ont mis en évidence :

L’intérêt de présenter l’ensemble des outils sur une seule page. L’intérêt de mettre un lien direct vers les outils intranet du CLPS. Julien MORICE – Université de Rennes 2 – MASTER 2 TEF

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PPI : Phase de recherche et de conception La nécessité de faire des tutoriaux complets d’utilisation.

Concrètement dans cet espace, j’ai bien distingué deux types d’outils : les outils de collaboration et les outils de consultation.

Dans la mesure du possible, j’ai essayé de me décentrer en me mettant à la place du récepteur. Cependant comme l’affirme Norman13 (1998), le concepteur soucieux des réactions de ses utilisateur se trouve confronté à : L’univers des ses représentations propres, l’univers des représentations graphique et symbolique telles qu’il les propose dans l’interface selon l‘image qu’il se fait de l’utilisateur face à la tâche, l’univers des représentations mentales et des actions de l’utilisateur quand il met en œuvre les précédentes en fonction de ses dispositions personnelles. Les trois univers se superposent rarement surtout quand il existe une grosse différence de compétence entre utilisateur et concepteur. Sur ce point, il est vrai que la plupart des formateurs ne savaient pas en quoi consistait un espace de collaboration comme cela a été établi dans la phase d’exploration.

13

NORMAN, 1988 ; Psychology of everyday things

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PPI : Phase de recherche et de conception

Organisation de l’espace collaboratif handicompétence

Présentation Accueil Comment ça marche

Outil

Outils

de

de

collaboratio n

consultation

Mettre des

Forum

Actualité

Intranet

Foire

Sites

documents

du

CLPS

aux

Internet

en ligne

handicap

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questions

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PPI : Phase de recherche et de conception

Pour cette conception, je me suis donc centré sur l’enquête d’exploration et de découverte de la demande (étude qualitative) en ce qui concerne les outils mis à disposition. Je me suis basé également sur la phase « test utilisateur » pour la conception des tutoriaux (au regard des difficultés d’utilisation) et de l’accès à la présentation de l’espace (vidéo et diaporama power point). Durant cette phase J’ai ainsi expérimenté la posture de médiateur, ainsi j’ai tenu compte des remarques qui m’avaient été faites durant l’analyse de la demande et de la phase test. Cette compétence de médiateur est pour moi également nécessaire à la formation d’un chef de projet. Je me suis retrouvé dans la position de personne ressource, responsable à la fois du côté technique et du côté pédagogique. C’est grâce à cette double compétence que j’ai pu faire preuve d’innovation et de créativité.

2) Animation de l’espace

Je vais aborder maintenant la dernière phase de mon projet pédagogique innovant qui est celle qui m’a semblé la plus passionnante, à savoir, l’animation de l’espace. On le constate, souvent, des mythes subsistent encore dans les esprits aux sujets des TIC. Certains pensent qu’il suffit de mettre un outil bien pensé à disposition des utilisateurs pour que ces derniers se l’approprient instantanément. Cependant, et nous l’avons particulièrement abordé durant le Master TEF, l’importance de la médiation dans tout processus de formation est décisive et cela est particulièrement vrai pour l’utilisation des TIC.

C’est pour ces raisons que j’ai particulièrement soigné l’aspect pédagogique durant le projet de l’espace collaboratif handicompétence.

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PPI : Phase de recherche et de conception D’une part, j’ai conçu des tutoriaux très détaillés sur l’utilisation de l’espace et particulièrement sur la manière de mettre un document en ligne ou d’utiliser le forum.

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PPI : Phase d’animation de l’espace

J’ai également élaboré des diaporamas de présentation soignés afin d’expliquer clairement l’objet et l’organisation de l’espace de collaboration. Sur ce point, j’ai également conçu une vidéo de présentation dans laquelle le chargé de projet s’adressait directement aux formateurs afin de stimuler leur motivation et leur intérêt. Concernant encore cet aspect pédagogique, j’ai mis en place avec le chargé de projet des scénarios d’utilisation de l’espace sous forme d’injonction. Nous avons par exemple mis en consultation une Newsletter abordant les motifs d’inscription des personnes handicapées au chômage. Ensuite, nous avons demandé aux formateurs de poser des questions à leurs stagiaires sur ce point et de nous retourner les résultats obtenus via l’espace. Enfin, j’ai également dispensé une formation d’une durée de 1 heures à 12 formateurs, avec présentation de diaporama et exemples d’utilisation concrets de l’espace, en ligne sur rétroprojecteur.

Cette fois, cette expérience m’a immergé dans la peau d’un pédagogue. J’en ai profité pour agir selon mes principes, c'est-à-dire, en tendant au maximum à favoriser l’apprentissage de l’utilisation de l’espace par la pratique elle – même, au sens des socioconstructivistes.

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PPI : conclusion

Conclusion

Je viens de l’illustrer mon projet pédagogique innovant m’a beaucoup apporté en termes d’apprentissages de postures professionnelles. En effet, je me suis retrouvé tour à tour dans la position de chercheur, d’expert, de technicien et de pédagogue en cumulant souvent plusieurs de ces fonctions en même temps. J’ai bien conscience de l’opportunité qui a été la mienne de pouvoir mener un projet de bout en bout. S’il est cependant regrettable que l’appropriation de l’espace n’ait pas été effective pour des raisons que j’aborderai dans l’analyse de la problématique, j’estime que les réponses que j’ai apportées au CLPS dans les différentes phases du projet étaient innovantes dans le sens où j’ai toujours tenu compte des aspects techniques et pédagogiques.

Finalement dans la multitude des rôles et postures qui ont été les miennes (chercheur, expert, technicien, pédagogue), c’est bien le rôle de médiateur qui a été transversal à toute la mise en place de mon projet pédagogique innovant. Je soulignerais enfin que la qualité première demandée à un chef de projet est

la

polyvalence.

Dans ce rapport je n’ai cependant pas abordée la dernière phase de mon travail : l’évaluation, Il en sera question dans toute la partie qui va suivre lors du traitement de ma problématique.

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Analyse de la problématique : introduction

Analyse de la problématique Comme il en a notamment été question dans mon rapport de stage et mon PPI, l’installation d’un espace numérique de collaboration à destination des professionnels de la formation est un exercice périlleux. Les questionnements inspirés par ce type de projet sont nombreux. En effet, quand est-il opportun d’appliquer la démarche collaborative ? Est-ce une méthode universellement applicable à l’acquisition de tous types de connaissances ? Quelles conditions sont nécessaires à la réussite d’un projet de collaboration à distance ? Formulée de manière plus générale, « l’utilisation des espaces numériques de collaboration en milieu professionnel »14 sera donc la problématique abordée dans cette étude.

Si dans le cas de l’espace handicompétence, l’opération ne peut être caractérisée d’échec, force est de constater que l’utilisation de l’espace n’a pas été à la hauteur des espérances. Reste à définir, dans un premier temps comment se sont traduites exactement ces « espérances », implicitement formulées par la direction, et à savoir si elles étaient ou non réalisables.

Dans le projet de l’espace handicompétence, il semble que l’utilisation d’une dichotomie abusive des termes, collaboration et groupe, entraine un certain nombre de confusions que je vais tenter d’éclaircir. Sur ce point, ces deux notions (collaboration et groupe) méritent que je m’y attarde. Dans un premier temps, je définirai ces deux concepts ou notions en m’appuyant sur des études scientifiques. Concernant la collaboration j’aborderai notamment les travaux de F. Haeuw, B. Garnier15 ou encore de F. Henri16. Pour la question des groupes Lewin, psychologue Allemand (18801947), sera ma principale référence, mais il sera également question d’Anzieu et Martin17

14

Problématique centrale Mutualiser est-il un pari impossible, 2006 16 Apprentissage collaboratif à distance, 2001 17 La dynamique des groupes restreints, 1968 15

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Analyse de la problématique : introduction ainsi que de Roger Mucchielli18 qui on particulièrement travaillé sur le concept de la dynamique de groupe.

La problématique posée par les espaces de collaboration en milieu professionnel est bien liée à ces thèmes. En effet, j’émets l’hypothèse selon laquelle « un espace de collaboration ne peut s’envisager sans l’apport d’une médiation centrée sur la constitution d’une dynamique de groupe. » 19

Pour mener à bien cette étude selon une méthodologie dite scientifique, Je m’appuierai également sur les résultats des recherches que j’ai entreprises au CLPS. Ce dernier travail se fera essentiellement sur la base des questionnaires et des entretiens qualitatifs que j’ai réalisés durant la phase d’évaluation finale. Dans un souci de clarté, les résultats de mes études seront transversaux à l’ensemble de l’analyse et appuieront ou non les propos des auteurs auxquels je me référerai.

Toutes ces informations me permettront, in fine, de confirmer ou d’infirmer mon hypothèse. Le lecteur pourra par là même, mieux appréhender la question des espaces numériques de collaboration en milieu professionnel.

18 19

La dynamique des groupes, 1967 Hypothèse

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Analyse de la problématique : la question des objectifs

A) La question des objectifs

1) Les objectifs visés par la direction

Comme il en a déjà été question précédemment, la question des objectifs de l’espace handicompétence diffère d’un acteur du projet à l’autre20. Cependant, concernant la direction du CLPS, l’espace devait servir d’expérimentation en vue de généraliser l’outil à d’autres dispositifs. Si la question de l’amélioration de la prestation de formation était bien une visée de l’institution, c’est surtout l’aspect financier qui, de manière induite, a motivé la direction du CLPS dans cette aventure. Force est de constater à l’instar de Philippe Breton21, que les utopies liées aux moyens de communication sont encore fortement actives. De toutes ces utopies, je retiendrais particulièrement celle inspirée par les plus grands auteurs de science fiction (John Campbell, Isaac Asimov, Philip K.Dick), consistant à croire que nous sommes à l’aube d’une nouvelle société, dans laquelle les êtres sont faiblement rencontrant et fortement communiquant. Cette utopie connaît notamment un écho très favorable auprès des chefs d’entreprises. Le CLPS ne semble pas échapper à cette tendance. De fait, pour revenir à la question financière, il semble que la direction voyait, matérialisés dans l’espace de collaboration, ses espoirs de faire des économies sur le transport ou sur l’organisation des réunions et des formations de salariés. Cet aspect était un « secret de polichinelle » et mon maître de stage, membre éminent de la direction, ne l’a pas occulté lors de nos nombreux échanges.

Concrètement, pour la direction, il s’agissait donc d’installer l’espace de collaboration auprès des formateurs handicompétence afin de créer des habitudes d’usage et de généraliser le principe à l’ensemble des dispositifs du CLPS, dans le but, notamment, de réaliser des économies sur le long terme.

20 21

Voir tableau des objectifs (PPI) P. Breton (2004) : Utopie de la communication

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Analyse de la problématique : la question des objectifs 2) Critique en terme de réalisation des objectifs Que ce soit sur la question des économies et sur la question des usages précédemment évoquées, plusieurs perspectives d’étude sont envisageables. Comme je l’ai précisé dans mon introduction, je me suis intéressé surtout au concept de groupe et à la médiation pour formuler ma problématique. Je ne souhaite donc solliciter que de manière très succincte, l’attention du lecteur, sur la question des mythes et des usages en matière de technologie.

2.1) La question des usages Concernant la question des usages, je tiens à souligner, en tout état de cause, que l’objectif implicitement formulé par la direction était de faire au travers de l’espace, ce qu’il est possible de faire en présentiel. Concrètement, il s’agissait de permettre aux formateurs d’échanger des idées et des documents à distance. Il semble cependant que cette vision occulte un certain nombre d’aspects mis en perspective notamment par Michel de Certeau22 et par Jacques Perriault23. Dans son ouvrage, « l’invention du quotidien », Michel de Certeau n’aborde pas directement la question des usages mais a retenu mon attention quand il aborde son concept de bricolage/braconnage. L’auteur compare ainsi les utilisateurs à des « braconniers » dans le sens où ils réinventent les pratiques imaginées par les concepteurs. Dans le cas de la conception d’un espace de collaboration les usages « prescrits » ne sont donc pas forcément ceux auxquels les utilisateurs de l’espace se conformeront. Il me semble également pertinent de comparer la création de l’espace avec l’acte de création des villes. Lorsque l’auteur dit : « l’œil qui construit les villes les voit d’en haut, il ne voyage pas en bas », je suis également tenté de faire l’analogie entre le concepteur des villes et les directions des entreprises qui semblent ne pas « voyager » pas en bas et ne connaissent que superficiellement les conditions d’exercices de leurs employés. L’espace de collaboration a bien été à l’usage des formateurs et non de la direction, prévoir ainsi les types d’usages qu’en feraient les formateurs découle de la simple spéculation. D’ailleurs, 22

23

Michel de Certeau (1990) : L’invention du quotidien Perriault Jacques (1989), La logique de l’usage, Essai sur les machines à communiquer, Paris.

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Analyse de la problématique : la question des objectifs comme je l’aborderai plus tard, les usages de l’espace n’ont pas été une simple reproduction des réunions en présentiel dans des modalités de collaboration à distance. Dans l’invention du quotidien l’auteur prend également l’exemple des lecteurs. En effet, si l’on pense que le lecteur est passif quand il lit, ce dernier exerce une activité toute autre et s’approprie le texte pour en faire ce qu’il veut. L’analogie entre les lecteurs et les formateurs est, il me semble, encore une fois très pertinente. C’est, écrit l’auteur, « dans l’acte de braconnage que le lecteur emprunte à l’auteur sa prose pour en faire ce qu’il désire ». Jacques Perriault, quant à lui, aborde sans détour la question des usages. Il fait part de sa théorie qu'il nomme : « la logique de l'usage ». Il note que l'utilisateur anticipe un usage, quand il choisit un produit ou un service et décide de l'acheter. L'usage peut ainsi être conforme à ce que pensait l'inventeur, mais il peut aussi être tout autre. Un équilibre sera progressivement trouvé par interactions successives. Il y a donc, nous informe l’auteur, trois grands types de réactions d'usage : la conformité à ce qu'a prévu l'inventeur, le détournement d'usage ou le rejet pur et simple. Ici encore, l’analogie avec l’espace handicompétence est très efficace. Il a en effet été troublant par exemple, comme il en sera également question par la suite, de voir les formateurs se servir essentiellement du forum de discussion pour échanger des documents, et laisser de côté l’espace prévu à cet effet.

Par ce qui précède, le lecteur comprendra que l’injonction de la direction de « créer » de l’usage « prescrit » n’était pas une mince affaire et que cet objectif à lui seul était très ambitieux.

2.2) La question financière

Comme je l’ai précisé, l’utopie d’un mode de communication tout à distance, entièrement médiatisé par les TIC, est encore très présente dans l’imaginaire. Les chefs d’entreprises s’imaginent avoir par le biais des technologies de la communication, la réponse à un problème d’ordre économique. Le coût de la formation engagé sous forme de séminaire et de formation en présentiel représente en effet un investissement très important. On

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Analyse de la problématique : la question des objectifs comprend pourquoi l’utilisation d’espaces de collaboration a plus vocation à limiter les coûts qu’à améliorer réellement la qualité même des prestations. Cependant, comme tout processus de formation, la mise en place d’outils de communication a un coût auquel l’entreprise ne peut se soustraire. On ne le répétera jamais assez, mettre des contenus en ligne sans se poser la question de la médiation n’est jamais suffisant. En effet, la mise en place d’outils de médiatisation doit reposer sur une expertise précise en matière d’ingénierie de formation qui tient compte à la fois de facteurs humains, techniques et pédagogiques. Tout ce processus d’installation et d’animation revient souvent plus cher que ce que les entreprises prévoient initialement. Concernant l’espace handicompétence, si les dépenses se sont finalement avérées minimes c’est parce que j’ai mené l’expertise en tant que stagiaire et que le CLPS n’a pas eu besoin de faire appel à un consultant. Cependant, après mon départ se pose la question de l’animation ou de la médiation de l’espace qui demande à un autre professionnel d’investir de son temps.

Ces deux aspects que je viens de développer rapidement survoler ne constituent pas le corps de ma problématique, cependant, je tenais particulièrement à aborder avec le lecteur la question des usages et des mythes de la technologie que je considère incontournable dans ce mémoire. Je pourrais disserter davantage sur ces thèmes mais ce serait au détriment d’autres domaines à explorer : la collaboration, la médiation et la dynamique de groupe.

Je propose donc au lecteur une visite guidée des deux concepts qui vont l’aider à appréhender l’analyse de la problématique : le concept de collaboration, qui est d’ailleurs plus caractérisé comme une notion, et celui de groupe.

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Analyse de la problématique : Définition des concepts

Première partie : Approche théorique

B) Définition des concepts Je vais à présent maintenant, à l’aide de définitions conceptuelles, caractériser l’espace handicompétence mais également le dispositif handicompétence lui-même afin de savoir si le terme « collaboration » est bien adapté à l’espace et si celui de « groupe » caractérise bien le dispositif handicompétence. Dans un premier temps il s’agira de faire l’analyse scientifique des notions, ou concepts en question, puis, dans un second temps, de qualifier notre terrain d’étude (dispositif handicompétence et espace handicompétence) en fonction des résultats de l’analyse.

1) Le concept de collaboration Une tendance actuellement récurrente est d’employer, au sein des entreprises en particulier, le terme collaboration dès qu’il s’agit d’effectuer une tâche à plusieurs. Pourtant, peu d’acteurs appréhendent ce que recouvre réellement ce terme. Dans le projet de l’espace handicompétence, dès le départ, cette dichotomie a été employée sans même avoir étudié ce que la notion de collaboration recouvrait. Le prestataire, MAYETIC VILLAGE, dit lui-même proposer à ces clients l’installation d’espaces de collaboration. Je considère pour ma part qu’une autre terminologie plus modeste, comme « espace de travail » par exemple, serait plus appropriée dans un premier temps.

L’utilisation du terme collaboration a pourtant été longtemps associé aux traumatismes de la seconde guerre mondiale et en particulier au gouvernement de Vichy. Il est troublant par exemple de constater, lorsque l’on procède à une recherche de définition ce mot sur la célèbre encyclopédie en ligne « Wikipédia » (qui ne sera d’ailleurs pas utilisée comme ressource scientifique dans ce mémoire), que c’est de la collaboration de la France, et d’autres pays Européens, avec l’Allemagne Nazie qu’il est question. D’ailleurs, sur ce sujet polémique, en étudiant le concept de collaboration, je me suis demandé si pour cette

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Analyse de la problématique : Définition des concepts période sombre de l’histoire de France, l’emploi du terme coopération, que nous distinguerons par la suite, n’est pas plus adapté. La question reste ouverte aux historiens. Dans les dictionnaires classiques il ne faut pas se référer au terme collaboration, trop emprunt historiquement, mais au verbe collaborer : « Travailler avec une autre personne à une œuvre commune ». Le lecteur constatera cependant qu’on ne peut se satisfaire d’une définition si vague, c’est pourquoi je vais dorénavant m’intéresser au domaine de la recherche en interrogeant notamment Frédéric Haeuw et Bénédicte Garnier, qui dans un article, 24 distinguent notamment la collaboration, la coopération et l’échange. Ensuite j’aborderai ce concept (ou notion…), mais cette fois dans un contexte lié au TIC en m’appuyant sur l’ouvrage de France Henri et Karin Lundgren-Cayrol, qui aborde la question des espaces collaboratifs à distance25.

1.1) La collaboration : un concept ou une notion ?

Je vais, dès à présent, trancher la question de la qualification du terme collaboration en tant que concept ou notion. Le lecteur l’aura sans doute déjà deviné, le terme est en fait une notion contenu dans un concept plus large : la mutualisation. Force est de constater cependant que ce dernier concept est dans une phase de formulation et qu’il reste encore ambigu. Les notions qui le composent, à savoir, l’échange, la coopération et La collaboration, sont quant à elles mieux stabilisées.

1.2) Intérêt de la mutualisation

Comme en témoignent Frédéric Haeuw et Bénédicte Garnier, chacun est assez convaincu de la pertinence de la mutualisation. Pour les financeurs, comme je l’ai déjà stipulé dans mon PPI, c’est dans une première perspective d’éviter de financer x fois la même production que l’on envisage la possibilité de travailler ensemble.

24 25

Frédéric Haeuw et Bénédicte (février 2006) : Mutualiser est-il un pari impossible ? , Algora. France Henri et Karin Lundgren – Cayrol (2001) : Apprentissage collaboratif à distance, Québec

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Analyse de la problématique : Définition des concepts La seconde perspective, et il est d’ailleurs particulièrement intéressant que les auteurs la présentent

en

deuxième

position,

est

d’avoir

des

bénéfices

en

termes

de

professionnalisation et d’amélioration de l’offre. L’aspect financier semblant ici l’emporter sur l’amélioration de l’offre.

Les auteurs mettent l’accent sur les nombreux échecs des tentatives de mutualisation qui semblent trouver leurs causes dans : Des intentions mal énoncées, une inadéquation des moyens, une absence de réflexions stratégiques.

1.3) Distinction des trois notions du concept de mutualisation Les trois notions du concept dont la dernière, celle de collaboration, m’intéresse particulièrement, se distinguent par le degré d’implication des acteurs dans la mutualisation d’une activité. Pour aborder ses trois notions d’un point de vue théorique je peux me référer à Frédéric Haeuw et Bénédicte Garnier26et à France Henri et Lundgren-Cayrol27. Rappelons que les trois notions à distinguer sont : l’échange, la coopération, la collaboration.

1.3.1) La notion d’échange

L’échange est en fait caractérisé par les auteurs comme le plus bas degré de mutualisation entre différents acteurs. Il se traduit comme une mutualisation en aval, sans objectif de production ou de valeur ajoutée clairement identifiés.

26 27

« Mutualiser est-il un pari impossible ? » 2006 Apprentissage collaboratif à distance, presses de l’université du Québec, 2001

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Analyse de la problématique : Définition des concepts Dans le domaine de l’échange entre formateur, il peut s’agir concrètement de dépôts de ressources par un formateur qui y trouvera en échange celles qui lui manquent. L’échange n’ayant cependant pas d’effet direct sur la transformation ou l’amélioration de ce qui est échangé. Frédéric Haeuw et Bénédicte Garnier précisent bien qu’il n’a pas de retour sur l’usage qui sera fait de la ressource, et que le formateur n’en fournira pas davantage sur ce qu’il fera de la ressource qu’il est allé chercher. Le but n’est donc pas dans le cas de l’échange d’améliorer les ressources, et encore moins, de produire ensemble.

1.3.2) Les notions de coopération et de collaboration

S’il semble plutôt aisé de distinguer l’échange de la collaboration, en revanche, la distinction entre coopération et collaboration requiert plus de précisions. Pour Henri et Lundgren-Cayrol, la collaboration procède autant de la réalisation d’une tâche par l’individu participant que par le groupe, contrairement à la coopération qui propose à l’apprenant de s’acquitter d’une sous tâche permettant au groupe de réaliser la tâche dans son ensemble. La collaboration, plus que la coopération, suppose donc que les acteurs partagent un but et que chacun réalise entièrement les tâches qui sont nécessaires à l’atteinte des objectifs. Tianasoa Ramamonjy (2001), lors de la participation à un forum28, soutien que la démarche collaborative se distingue de la démarche coopérative par une plus grande maturité des participants et une plus grande autonomie. Selon lui, la coopération est caractérisée par une division des tâches entre les participants, alors que pour la collaboration les participants participent à des actions de groupe. La coopération entend donc le partage dans le sens de la division, alors que dans la collaboration le partage se traduit par la participation à l’ensemble de la tâche par les participants. Dans la coopération il y a une plus grande notion d’individualité car la mutualisation doit servir l’individu et non le groupe dans son ensemble. Dans cette dernière,

28

Distinction entre collaboration et coopération à travers des proverbes malgaches, forum Thot.

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Analyse de la problématique : Définition des concepts l’accomplissement de la tâche se fait par un procédé de spécialisation qui adopte une forme pyramidale. Comme le fait remarquer France Henri, la collaboration se caractérise quant à elle, par des rapports plus égalitaires entre les acteurs. Elle préconise un processus plus démocratique. Plus simplement, la collaboration mise plus sur la réalisation de la tâche alors que la coopération concerne davantage la réalisation de sous-tâches.

Pour illustrer plus efficacement la différenciation qui existe entre les trois notions de mutualisation, Frédéric Haeuw et Bénédicte Garnier nous proposent leur « théorie du maçon ». Les auteurs abordent ainsi la question de la mutualisation en imaginant deux entreprises du bâtiment, fabriquant principalement deux produits différents, qui se mutualiseraient selon les trois modalités. Dans une modalité d’échange, les deux entreprises échangeraient tout simplement leurs matériaux dans ce que les auteurs appellent « l’échange de ressources matérielles ». Dans une modalité de coopération, c’est d’échange de bonnes pratiques et de ressources immatérielles dont il est question dans un but d’augmentation du savoir faire et de professionnalisation. Il pourrait également être question de monter une coopérative d’achat entre les deux entreprises pour obtenir de meilleurs prix. Enfin la coopération pourrait bien se traduire par une action de complémentarité, une entreprise faisant par exemple le gros œuvre et l’autre la finition (division des tâches). Enfin, dans une modalité de collaboration la mutualisation se traduit éventuellement par la création d’un consortium entre les deux entreprises qui construiraient ensemble des bâtiments d’un genre nouveau.

Cette théorie est il me semble très efficace pour penser le concept de mutualisation et par la même la notion de collaboration. Cependant, dans un souci de clarté, enfin de facilité l’activité cognitive du lecteur, je propose les schémas suivants pour illustrer les 3 notions du concept de mutualisation.

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Analyse de la problématique : Définition des concepts

L’échange : le premier degré de la mutualisation

Participant A

Espace d’échange

Participant C

Participant B

Comme je l’illustre dans le schéma, chaque participant dépose des ressources et trouve en échange celles qui lui manquent. Cette échange n’a, je le rappelle, pas d’effet direct sur la transformation ou l’amélioration de ce qui est échangé.

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Analyse de la problématique : Définition des concepts

La coopération : le second degré de la mutualisation

J’illustre dans ce graphique la notion de coopération se caractérisant par la réalisation d’un projet commun par les participants sur le mode de la division des tâches. A la différence de l’échange, le lecteur retiendra surtout que la mutualisation par la coopération nécessite bien la participation à un projet commun. La coopération est le « travail en commun des hommes au cours de la production reposant sur le principe de la synergie, le tout est supérieur à la somme de ses composants » [Haeuw et Garnier].

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Analyse de la problématique : Définition des concepts

Collaboration : le dernier degré de la mutualisation

Dans ce dernier graphique j’illustre la notion de coopération se caractérisant quant à elle par la réalisation d’un projet dans lequel les participants apportent leurs contributions individuelles à l’ensemble du projet. La logique collaborative, permet de coproduire un objet ou un service commun, que l’on n’aurait pu réaliser seul. Dans cette logique les partenaires travaillent tous ensemble à chaque étape du processus de production.

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Analyse de la problématique : Définition des concepts 2) Le concept de groupe

Je viens de définir le concept de mutualisation et par là même la notion de collaboration, il me reste maintenant à aborder celui du groupe. Pour appréhender ce concept je me suis particulièrement intéressé aux travaux de D.Anzieu et J.Y Martin29 qui abordent les travaux de Kurt Lewin, référence en la matière, dont je préciserai le contenu. Il s’agira ici de glisser progressivement du concept de groupe à celui de dynamique de groupe qui m’intéresse particulièrement pour discuter mon hypothèse30. Sur ce point Roger Mucchielli31 , philosophe et psychologue français, apportera des éléments qui viendront compléter l’étude des précédents auteurs sur la question.

2.1) Historique du terme groupe Le terme français de groupe est relativement récent, il vient de l’Italien Groppo ou Gruppo, terme technique des beaux arts désignant plusieurs individus peints ou sculptés, formant un sujet. Ce sont des artistes tels que Mansart qui l’ont importé vers le milieu du 17ème siècle, après leur séjour en Italie. La première apparition littéraire est due à Molière dans un texte peu connu, le poème de val de grâce (1669). Le mot se répand vite dans le langage courant et désigne un assemblage d’éléments, une catégorie d’être ou d’objets. C’est seulement vers le 18ème siècle que le groupe désigne une réunion de personnes. Cette apparition tardive explique peut être le fait qu’encore aujourd’hui, les hommes pensent facilement en terme d’individu ou de société mais rarement en terme de groupe, alors que leur vie et leur activité en générale se déroulent le plus souvent dans des agglomérats restreints.

29

La dynamique des groupes restreints, 1968 « Un espace de collaboration ne peut s’envisager sans l’apport d’une médiation centrée sur la constitution d’une dynamique de groupe ». 31 La dynamique des groupes, 1967 30

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Analyse de la problématique : Définition des concepts 2.2) Naissance du concept Le mot groupe est l’un des plus confus de la langue française. Le concept comme fondement d’une science des associations a émergé lentement au cours de l’histoire de la pensée. Une enquête de l’association française pour l’accroissement de la productivité (1961) est révélatrice de l’état du concept en cette période de l’histoire : « la notion de groupe est inexistante pour la plupart des sujets. Le groupe est éphémère, dominé par le hasard. Seules existent les relations interindividuelles » [Anzieu]. Le cadre de vie professionnelle et sociale est vécu par les intéressés résultant essentiellement du caractère bon ou mauvais des individus. Les phénomènes de groupes sont méconnus dans ce qu’ils ont de spécifique : tout se ramène à des questions de personnes. De plus, les travaux de Freud sur la question associent le groupe à une aliénation de l’individu : « la dynamique des groupes se bat avec l’amour propre humain pour l’expulsé de son propre domaine ». Dans les entreprises, on peut dire que la notion de groupe apparaît comme un obstacle à la poursuite d’une relation privilégiée à deux avec un leader ou avec un autre membre.

Quand finalement une théorie scientifique des groupes s’est ébauchée, deux métaphores ont fonctionné : Biologique : le groupe organisme vivant où le moral collectif est pensé en analogie avec l’interdépendance des tissus et des organes. Mécanique : Le groupe comme machine asservie à l’autogestion sociale est présenté en analogie avec le feed back cybernétique.

Le concept de groupe n’est cependant pas inconnu à Durkheim, sociologue français (1858 – 1917), qui en jette les bases de la théorie en définissant le groupe social comme étant plus que la somme de ses membres, c'est-à-dire comme totalité. Le concept est également enrichi par Sartre, philosophe et écrivain français (1905 – 1980), qui dans son paradigme de la rareté énumère trois conditions à l’existence d’un groupe : - Que l’intérêt les membres ont en commun soit assez puissant, supposant que l’interdépendance soit nécessaire à la satisfaction de cet intérêt.

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Analyse de la problématique : Définition des concepts - Que les relations soit sur un mode direct ou bilatéral avec notion de feed back. - Qu’il y est une lutte constante au sein de ce groupe pour qu’il renaisse perpétuellement.

Plusieurs classifications du groupe existent :

Selon leur taille : 3 à 5 personnes : petits groupes 6 à 13 personnes : groupes restreints 14 à 24 personnes : groupes étendus 25 à 50 personnes : groupes larges Plus de 50 personnes : assemblées

Selon la nature des relations : Les groupes primaires : qui se caractérisent par un lien émotionnel très fort entre les individus. La famille, par exemple, est un groupe primaire. Les groupes secondaires : qui se caractérisent par leurs caractères institués, les membres d’une même entreprise forment par exemple un groupe secondaire. Le groupe primaire résulte d’une intégration intime, d’une certaine fusion des individualités dans un tout commun, de telle sorte que la réalité pour chacun est la vie commune et le but du groupe. Le groupe devient « nous ». Par opposition, il y a le groupe secondaire où la conscience de l’existence des autres est globale ou vague, où la communication passe souvent par des intermédiaires. Ils sont parfois appelés organisation [Roger Mucchielli].

Selon la filiation et l’adéquation des opinions de l’individu avec un groupe : Groupe d’appartenance : groupe dans lequel l’individu a des relations directes. Exemple de la famille. Groupe de référence : groupe d’où l’individu tire ses opinions, ses principes, ses valeurs, ses buts. Exemple du groupe d’amis.

Enfin je terminerai cette approche du concept de groupe en abordant Karl Roger, psychologue Américain (1902 – 1987), dont le travail en groupe est d’amener les personnes à éprouver leurs sentiments authentiques volontairement dissimulés ou inconsciemment Julien MORICE – Université de Rennes 2 – MASTER 2 TEF

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Analyse de la problématique : Définition des concepts rejetés en établissant avec autrui des relations plus humaines fondées sur l’échange des sentiments. Avec ce dernier auteur le concept de groupe glisse progressivement vers celui de la dynamique de groupe dont il va maintenant être question.

2.3) La dynamique des groupes Avant d’aborder concrètement l’objet de notre étude et de m’intéresser aux travaux que j’ai mené au CLPS, j’informe le lecteur impatient que je l’équipe d’un dernier concept, celui de la dynamique des groupes, nécessaire à la compréhension de ce qui suivra.

L’expression dynamique de groupe est utilisée depuis 1935 et est officiellement consacrée en 1944 par Kurt Lewin aux USA. Né de l’interaction de la psychologie et de la sociologie, un nouveau domaine, la psychologie sociale est apparue, la dynamique de groupe en constitue l’un des chapitres récents. Selon Louis Wender32les difficultés d’un individu résident essentiellement dans son incapacité à faire face au groupe et à y trouver sa place. Selon Jacob Levy Moreno, le créateur du psychodrame, la dimension sociale est l’essentiel de la personnalité et tout groupe humain a une structure informelle qui détermine les comportements des uns par rapport aux autres. Enfin, pour Kurt Lewin « un sujet humain est l’organisation et la configuration des significations que les choses, les êtres, les situations, ont pour lui. Tel être est perçu comme un obstacle, tel idéal comme un but sur le chemin duquel s’interposent des barrières, tel lieu comme un abri, telle situation comme un danger à éviter ». De cette dernière citation le lecteur retiendra surtout que le rôle, la fonction et la manière dont est perçu un être humain varie selon l’organisation et la configuration des groupes dans lesquels il évolue.

La dynamique de groupe comprend deux ensembles différents constituant deux grandes parties :

32

Dynamics of group psychoterapy and it’s application, 1936

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Analyse de la problématique : Définition des concepts Les phénomènes psychosociaux qui se produisent dans les petits groupes, ainsi que les lois naturelles qui régissent ces phénomènes. L’ensemble des méthodes qui permettent d’agir sur une personnalité par les moyens des groupes. Dans mon analyse je tiendrai compte de ces deux dimensions.

La dynamique de groupe implique différentes phases [Roger Mucchielli] : Etablissement de la sécurité dans la situation ici et maintenant (le groupe se débat). Etablissement de la sécurité dans la confiance personnelle (il se cherche). Développement de la participation (il se sent exister comme une réalité). Structuration du groupe (il s’organise). Autorégulation et fonctionnement du groupe (il se contrôle, se réfléchit et se gouverne). Il sera entre autre, question de savoir dans quelle phase se trouve le groupe handicompétence participant à l’espace de collaboration.

Le but du groupe, dans le cas d’un processus de formation, est d’utiliser la dynamique de groupe comme levier. Le processus d’interaction permettant la progression vers la connaissance à la fois intellectuelle et expérientielle de son objet.

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Analyse de la problématique : Qualification du terrain d’investigation

C) Qualification du terrain d’investigation Je vais maintenant définir concrètement l’espace ainsi que le dispositif handicompétence en me référant à l’étude des concepts précédemment effectuée. 1) Qualification de L’espace handicompétence

Comme je l’ai précisé ultérieurement, mon projet de stage consistait à « conduire un projet d’espace de collaboration au sein du dispositif handicompétence, procéder à l’expertise, la conception, l’installation et à l’animation de cet espace. » Comme le lecteur le constate, l’emploi de la notion de collaboration était d’ores et déjà formulée dès l’initiation du projet sans autres précisions en matière de cahier des charges. La question qui se pose est donc de savoir si ce terme est bien adapté à l’espace handicompétence ou si la dichotomie employée est abusive Comme je l’ai défini précédemment, la collaboration nécessite la formulation d’un projet précis auquel les participants adhèrent. De plus cette dernière exige que chaque utilisateur participe à l’ensemble du projet. En l’espèce, il faut constater que si un projet à bien été formulé, « répondre à un besoin de partage

émanant

des

formateurs

œuvrant

dans

le

cadre

du

programme

handicompétence »33, ce projet est resté bien trop vague et théorique pour les formateurs. De plus, le terme « partage » ferait davantage référence à une coopération dans le sens de l’échange où chaque participant dépose des ressources et trouve en retour celles qui lui manquent. En revanche, de manière plus informelle, le but explicitement formulé aux formateurs était d’améliorer la qualité de la prestation handicompétence grâce notamment à l’utilisation de l’espace. En ce sens il serait possible de qualifier l’espace handicompétence de collaboratif puisqu’un projet commun a été formulé. De plus, chaque formateur participe à sa manière à la réussite de ce projet. Cependant, si les conditions de la collaboration semblent réunies, ces dernières sont, sommes toutes, limitées et ne répondent pas concrètement à la définition de la collaboration que j’ai élaborée précédemment : « La logique collaborative, permet de coproduire un objet ou un service commun, que l’on n’aurait pas pu réaliser seul. 33

Voir annexe : lettre de lancement de l’espace

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Analyse de la problématique : Qualification du terrain d’investigation Dans cette logique les partenaires travaillent tous ensemble à chaque étape du processus de production ». Il manque ici la dimension de production concrète qui ne saurait se contenter d’une visée théorique. Cependant, au cours de la conduite du projet, durant la phase d’animation de l’espace, des demandes ont été proposées aux formateurs sous forme de projets. L’un d’eux consistait en : Prendre connaissance via l’espace d’une enquête relative aux motifs de chômage des personnes handicapées. Conduire une enquête auprès de leurs stagiaires. Renvoyer via l’espace les résultats de l’enquête.

Dans ce cas on peut considérer à juste titre que le projet a bien été un projet de collaboration car il consistait à demander aux formateurs de mener l’action de bout en bout, sans découpage en plusieurs fractions, comme c’est le cas dans la mutualisation par la coopération.

Malgré cela, je considère que la dichotomie utilisée (espace collaboratif) a bien été abusive et que le terme le plus approprié à l’espace aurait été celui de mutualisation. Cependant, paradoxalement, l’emploi du terme « collaboration » est légitimé, si ce n’est dans la pratique, par les visées et les objectifs que le chef de projet handicompétence et le chef de projet de l’espace handicompétence (moi-même) nous étions fixés. Le lecteur aura tout de même conscience qu’étant l’ultime degré de la mutualisation, la collaboration est particulièrement difficile à réaliser. J’étudierai plus tard dans le détail la raison pour laquelle je la considère, dans le cas d’handicompétence, comme un mythe. De la même manière, lorsque le prestataire MAYETIC VILLAGE propose à ces clients un espace de collaboration, c’est un objectif bien ambitieux, il faut entendre par là que ce prestataire propose un espace de mutualisation qui peut permettre de collaborer. Finalement, d’une manière générale, l’emploi de dichotomie abusive est généralisé à tous les domaines. Un seul exemple pour illustrer mes dires, le slogan de la république française : liberté, égalité, fraternité, qui est bien aussi, il me semble, un mythe. Il faut bien sûr comprendre dans ce cas que l’objectif de la république française est, plus modestement, de tendre vers un état de liberté, d’égalité et de fraternité. Julien MORICE – Université de Rennes 2 – MASTER 2 TEF

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Analyse de la problématique : Qualification du terrain d’investigation

D) Qualification du groupe handicompétence Il ne fait aucun doute que l’on peut qualifier de groupe l’ensemble des formateurs qui œuvrent dans le dispositif handicompétence. Le concept étant, comme je l’ai décrit auparavant l’un des plus confus de la langue française, l’unique condition requise pour qualifier un ensemble de personnes de « groupe » est que leur nombre soit supérieur ou égal à trois. Je vais cependant caractériser le groupe handicompétence selon les différentes classifications présentées dans l’approche du concept. Pour l’instant je ne tirerai aucunes conclusions de cette classification qui me servira surtout durant la phase d’analyse qui va suivre.

Qualification du groupe handicompétence

Classification Selon la taille

Justification du choix De 14 à 24 membres

(Petit, restreint, étendu, large,

étendu

assemblée)

Selon la nature des

Groupe

relations

secondaire

institué

par

l’entreprise CLPS

(primaire, secondaire)

Selon la filiation ou

Possible congruences des

l’adéquation aux opinions

formateurs en termes de

(d’appartenance, de référence)

de référence

références idéologiques

culturelles

et

(restant

à

démontrer)

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Analyse de la problématique : Qualification du terrain d’investigation Je précise que concernant la classification selon la taille, deux auteurs étudiés, Anzieu et Mucchielli, se contredisent. Pour Anzieu, un groupe de plus de 13 membres est un groupe étendu, alors que pour Mucchielli, jusqu’à 25 ou 30 personnes le groupe est encore considéré comme restreint. Ce dernier constate cependant que le groupe supérieur à 10 tend à se fractionner spontanément en sous-groupe. Je retiens le choix de classification d’Anzieu, d’une part pour la réputation de l’auteur dans le domaine, et d’autre part, de par ma conviction personnelle que le groupe handicompétence se caractérise bien comme un groupe étendu.

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Analyse de la problématique : La méthode d’analyse

Deuxième partie : la phase d’analyse

A) La méthode d’analyse

1) Qu’ai-je cherché à observer La formulation d’un objet d’étude, c'est-à-dire d’une problématique et d’une hypothèse, résulte d’un long travail de réflexion et de maturation. Dans mon cas de nombreuses remises en causes ont jalonné la formulation de mon hypothèse. En effet, ayant la double posture d’étudiant chercheur et de professionnel, les observations réalisées sur le terrain de stage, et celles liées aux apports scientifiques du Master 2, se sont fécondées dans un va-etvient permanent. Si au départ j’avais dans l’idée de travailler sur les apports des espaces de collaboration en terme de réflexivité, j’ai vite compris que ce projet était irréalisable dans le laps de temps qui m’était imparti, la réflexivité étant en effet très difficile à observer et à caractériser. C’est finalement lors d’une formation que j’ai construite à l’attention de nouveaux formateurs handicompétence que la question de l’intérêt même des regroupements s’est posée. L’une des hypothèses que j’ai formulée a fait office de déclencheur. Je me suis demandé si l’intérêt des regroupements ne résidait pas essentiellement dans la création d’une dynamique de groupe entre les participants. Partant de cette réflexion, j’ai formulé, cette fois par écrit, une première hypothèse qui partait du postulat que l’existence d’un groupe, ce caractérisant par la qualité de sa dynamique, est la condition sine qua non de celle d’un espace de collaboration. Les recherches que j’ai menées sur le sujet m’ont permis de constater que si la dynamique de groupe est souvent postérieure à la création d’un l’espace de collaboration, ce dernier peut tout aussi bien lui servir de moteur. La question était alors de savoir comment. Le lecteur comprendra pourquoi ce cheminement m’a naturellement orienté vers le concept de médiation.

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Analyse de la problématique : La méthode d’analyse Mon enquête c’est donc axée sur les notions, ou concepts, de collaboration, de groupe et de médiation.

Cette dernière s’est cependant articulée en particulier autour de la dynamique des groupes en particulier. C’est ce que je qualifierais de concept central à mon étude. J’ai donc, entre autres, cherché à savoir comment les formateurs percevaient le groupe handicompétence et s’ils s’en sentaient pleinement parie prenante.

Partant ensuite de l’hypothèse que la formation que j’ai donnée à une partie des formateurs (12 personnes sur 24) a eu des effets sur la dynamique de groupe, j’ai axé en partie mon étude sur la comparaison des personnes ayant participé ou non à la formation grâce à mon recueil de données. Outre ces éléments, j’ai également cherché à connaître l’avis général des formateurs en termes d’utilisation de l’espace afin de recenser les freins et les indices favorables à la réussite du projet. De cette manière, la question de la dynamique des groupes, de la collaboration et de la médiation pouvait être abordée spontanément.

Pour cette enquête j’ai utilisé trois méthodes : La méthode dite « quantitative », par questionnaires écrits individuels. La méthode qualitative par entretiens oraux individuels. L’observation du trafic et des activités sur l’espace.

2) L’analyse dite « quantitative » La méthode quantitative est une méthode quantifiable et se distingue de la méthode qualitative que nous définirons par la suite. Elle est particulièrement utilisée dans le domaine social. Si ses partisans la considèrent pertinente car rigoureuse et scientifique, ses détracteurs soutiennent au contraire qu’elle tend à voiler la réalité du phénomène social étudié.

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Analyse de la problématique : La méthode d’analyse Dans son ouvrage de méthodologie34 Monique Bardin insiste sur le fait que la méthode quantitative se présente avant tout comme un effort d’interprétation. Pour reprendre les termes de cet auteur : « Cet effort ne s’exonère pas de la rigueur et de l’objectivité nécessaire au discours scientifique, mais fait également référence à une attirance vers le caché, le non-apparent ». Le lecteur l’aura compris, si cette méthode a fait ses preuves il faut l’utiliser avec parcimonie. Dans cette étude elle me permettra surtout de rendre vérifiables les données qualitatives. J’ai volontairement mis entre guillemets le terme « quantitative » censé qualifier l’une de mes méthodes d’analyse. En effet, dans l’enquête de découverte de la demande, tout comme dans celle ayant trait à l’évaluation finale, j’ai interrogé les formateurs par le biais de questionnaires. Si cette méthode d’enquête est bien caractéristique de la méthode quantitative, j’estime qu’on ne peut parler de quantité quand le nombre de personnes interrogées se limite à 12, comme ce fut le cas concernant les deux phases de l’enquête (étude de la demande et évaluation). Si c’est donc bien la méthode quantitative que j’ai utilisée, je me contenterai de qualifier cette phase de simple enquête par questionnaire.

Concrètement, j’ai fait parvenir aux 24 formateurs présents sur le dispositif handicompétence un questionnaire35 dont le but était d’évaluer l’espace handicompétence actif depuis 2 mois et demi. J’ai envoyé ce questionnaire, non pas par le biais de l’espace handicompétence, comme cela aurait été possible, mais par mail, ayant conscience que parmi les formateurs certains ne s’étaient jamais rendus sur l’espace. Ce questionnaire s’adressait donc à tous les formateurs du dispositif, les réfractaires à l’utilisation de l’espace m’intéressant tout autant que les « adeptes ».

34 35

Bardin L., L’analyse de contenu, Paris, Presses Universitaires de France, 1998 Voir en annexe

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Analyse de la problématique : La méthode d’analyse 2.1) Mettre au point une étude « quantitative » Pour élaborer ce questionnaire, je me suis inspiré d’une méthodologie élaborée par Gisèle Tessier36qui consiste en : Définir des thèmes. Préparer un planning. Choisir la population qui répondra. Essayer le questionnaire. Le mettre en page. Faire la passation.

Pour définir les thèmes abordés j’ai donc tenu compte à la fois des questionnements que soulevait mon hypothèse, c'est-à-dire le groupe et la collaboration, et des questions qui intéressaient le concepteur que je suis, à savoir : la facilité d’utilisation ou la qualité du contenu.

Ce questionnaire se composait de plusieurs parties en rapport avec :

• l’utilisation de l’espace, • la qualité de l’espace, • les activités réalisées sur l’espace, • la question de la formation, • les freins à l’utilisation de l’espace. Les questions en rapport avec la collaboration, la dynamique de groupe et la médiation étant traitées dans les différentes parties.37 J’ai également préparé un planning dans lequel je tenais compte d’un délai de réponse d’une semaine au terme de laquelle j’ai envoyé une relance aux formateurs restés silencieux.

36 37

Pratique de recherche en science de l’éducation, 1993 Rappel : questionnaire disponible en annexe

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Analyse de la problématique : La méthode d’analyse J’avais au préalable essayé le questionnaire sur 2 formateurs afin de vérifier que ce dernier était adapté et de reformuler certaines questions. En l’espèce, mis à part quelques détails je n’ai quasiment rien modifié de l’original. La passation c’est ensuite effectuée par le biais du mail. Ce moyen de communication étant pleinement entré dans les usages, m’a paru le plus pertinent. Je préciserais sur ce point que tous les retours ont été effectués par mail, excepté peut-être pour un formateur qui à trouvé plus approprier de me le renvoyer par fax. Petit clin d’œil à l’auteur Philippe Breton selon qui le fax restera, même à l’avenir, un moyen de communication privilégié, et ce malgré l’évolution des techniques.

Dans le souci de permettre aux formateurs de répondre rapidement et d’abaisser ainsi le taux de non retour, je n’ai formulé que des questions fermées en laissant à chaque fois la possibilité aux formateurs d’ajouter un commentaire. Ces derniers ont d’ailleurs été nombreux à profiter de cette possibilité. Une autre astuce a consisté à ne proposer que quatre items de choix au maximum pour éviter toute neutralité dans les réponses et tendre à ce que les formateurs prennent partie.

Le taux de retour enregistré lors de la phase d’évaluation a été de 50% puisque 12 formateurs sur 24 m’ont renvoyé le questionnaire dûment complété. J’analyserai cependant en quoi le silence de certains formateurs peut aussi en dire long.

2.2) Méthode d’analyse des données « quantitatives » Pour analyser les données je ne suis servi de l’outil informatique et en particulier d’un logiciel tableur. Par le biais de ce logiciel j’ai créé un formulaire automatique de saisie de données (voir cidessous) qui m’a permis de gagner un temps considérable dans la saisie des résultats bruts.

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Analyse de la problématique : La méthode d’analyse [Exemple de formulaire automatique de saisie de données]

Liste de sélection d’items

Avec ce même logiciel j’ai utilisé la fonction qui permet de générer des tableaux croisés dynamiques (exemple ci-dessous) qui m’ont permis d’analyser de manière très précise les éléments de réponse. Cela m’a donné la possibilité de recouper plusieurs questions entre elles afin de souligner des aspects d’analyse invisibles au premier abord. Je pense d’ailleurs, que le traitement informatique de données quantitatives peut servir de manière efficace l’effort d’interprétation que Monique Bardin qualifie d’essentiel dans ce type d’enquête. [Exemple de tableau croisé dynamique]

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Analyse de la problématique : La méthode d’analyse Je précise que l’exemple de tableau croisé dynamique ci-dessus est volontairement simple afin de permettre au lecteur d’appréhender rapidement le principe. Dans cet exemple j’ai recoupé les champs « sexe » et « âge ». En l’espèce, cela permet de constater de manière très rapide qu’il n’y a qu’une femme de plus de 40 ans qui a retourné son questionnaire.

3) L’analyse qualitative La méthode d’analyse qualitative est une méthode de recherche qui laisse délibérément de côté l’aspect quantitatif pour gagner en profondeur dans l’analyse de l’objet d’étude. Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt38la distinguent par la mise en forme de processus fondamentaux et de communication humaine. Les auteurs affirment que ces processus permettent aux chercheurs de retirer des informations de réflexions riches et nuancées. Par ce biais il est possible d’instaurer un véritable échange au cours duquel l’interlocuteur exprime ses perceptions.

3.1) Choix de l’échantillon

Mon étude qualitative a donc porté sur 5 personnes qui ont toutes participé à un entretien. Dans l’idéal, l’une des conditions requise pour effectuer une étude qualitative est de favoriser la mixité dans l’échantillon des personnes interrogées. Sur ce point l’une des spécificités du dispositif handicompétence, qui est d’ailleurs souvent commune aux établissements de formation, est que le milieu des acteurs est très féminisé. C’est particulièrement le cas pour handicompétence puisque, sur 24 personnes seul 1 homme travaille sur le dispositif. Hélas, pour des raisons géographiques et matérielles (il exerce à Lannion dans les côtes d’Armor), je n’ai pu interroger cet acteur. Se sont donc essentiellement des femmes qui ont participé aux entretiens.

38

Manuel de recherche en science sociale, 1995

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Analyse de la problématique : La méthode d’analyse J’ai en fait sélectionné mon échantillon essentiellement sur deux critères : Le statut L’ancienneté dans le dispositif

J’aborde la question du statut puisque j’ai souhaité que l’une des personnes interrogées soit une responsable de formation. En effet, si l’espace s’adresse en particulier aux formateurs, les responsables de formation, qui sont au nombre de 7 (un par établissement), étaient inscrits et pouvaient prendre connaissance des informations qui circulaient. Si je précise que ces responsables n’ont pas participé à mon enquête par questionnaires, j’ai trouvé intéressant de convier l’une d’elle à un entretien pour avoir un avis extérieur et plus décentré. Concernant l’ancienneté, j’ai veillé à ce que dans mon échantillon je dispose au moins d’une personne nouvelle sur le dispositif et d’une personne œuvrant pour handicompétence depuis le début du projet, initié en 2005.

Statut

Entretien A

Entretien B

Entretien C

Entretien D

Entretien E

Responsable

Formatrice

Formatrice

Formatrice

Formatrice

Nouvelle sur

Depuis

Présente

Absente

le dispositif

quelques

depuis

le

mois sur le

début

du

dispositif

dispositif

de formation Ancienneté

Plusieurs années

sur

le dispositif

depuis

peu

du dispositif

Le lecteur comprendra que le concept central de mon étude étant celui de la dynamique de groupe, la prise en compte de l’ancienneté est un aspect essentiel. En effet, il est possible d’imaginer que l’esprit d’appartenance à un groupe est d’autant plus important que l’ancienneté est grande.

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Analyse de la problématique : La méthode d’analyse 3.2) Méthode d’entretien Je me suis orienté vers un recueil de données par le biais d’entretiens semi-directifs. Il semblait adéquat de se servir de cette méthode pour retirer des échanges avec les participants de cette formation, des éléments de réflexion suffisamment riches et nuancés. La méthode d’entretien choisie était semi-directive en ce sens qu’elle n’était ni entièrement ouverte, ni canalisée de façon trop importante par des questions qui n’auraient pas permis d’explorer certaines pistes au cours de l’échange. J’ai par conséquent choisi de construire une grille de questionnement destinée à faire un balayage des points à aborder, mais qui permette également à la personne interviewée de s’exprimer sur les points qui lui paraissent les plus importants. Cette souplesse m’a permis ainsi de favoriser certains écarts, tout en gardant la possibilité de recentrer l’échange au moment où celui-ci a trop divergé du terrain d’investigation.

Il s’est avéré également extrêmement important de définir en début d’entretien une « charte déontologique », qui visait à préciser ce à quoi allaient servir l’entretien. En effet, pour que chacune des personnes interviewées puisse s’exprimer avec le maximum de liberté, j’ai bien précisé que ces entretiens ne seraient pas nominatifs et qu’ils resteraient donc confidentiels.

Concrètement les entretiens auxquels ont participé les formateurs ont duré entre 20 et 45 minutes. Avec l’accord des participants, j’ai enregistré l’échange, cela pour deux raisons : - D’une part, pour d’être plus attentif au déroulement de l’entretien et plus libre de mes mouvements, générant ainsi un climat posé plus à même de faciliter la communication. - D’autre part, cette méthode m’a également permis de retranscrire dans leur intégralité l’ensemble des entretiens afin de procéder à plusieurs lectures et de disposer d’un corpus complet d’analyse.39

39

Voir l’ensemble du corpus d’entretien d’évaluation finale en annexe

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Analyse de la problématique : La méthode d’analyse 3.3) Grille de lecture des entretiens Concernant l’exploitation des entretiens qualitatifs, j’ai utilisé la méthode d’analyse thématique qui m’a paru la plus adaptée à mon étude. Afin de m’assister dans l’analyse j’ai construis une grille visant à classer les propos en plusieurs catégories. Ces dernières étaient liées essentiellement aux trois thèmes soulevés dans mon hypothèse : la collaboration, la dynamique de groupe et la médiation. J’ai ensuite classé les propos selon plusieurs critères : Observations liées à l’espace Observations liées au dispositif handicompétence Puis : Observations à caractère négatif Observations à caractère positif [Grille de lecture des entretiens qualitatifs]* Collaboration Espace +

Dynamique de groupe

Dispositif -

+

-

Espace +

Médiation

Dispositif -

+

-

Espace +

Dispositif -

+

-

*le tableau n’est bien sûr pas à l’échelle originale

4) L’analyse du trafic et de l’activité sur l’espace Outre les éléments dont j’ai disposé avec les données qualitatives et quantitatives, j’ai également profité du caractère informatisé de l’espace pour observer le trafic sur l’espace d’une part, et pour étudier le caractère même de l’activité sur l’espace d’autre part (analyser le contenu des messages, qualifier les messages…).

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Analyse de la problématique : La méthode d’analyse 4.1) Analyse du trafic

Lors de la phase d’installation de l’espace de collaboration, le prestataire MAYETIC VILLAGE m’a proposé un module statistique pour obtenir des informations sur le trafic du site. Avec l’accord de la direction ce module a donc été mis en place. J’ai aussi disposé d’information de trois types : Qui consulte l’espace ? Où vont les utilisateurs ? Quand consulte-t-on l’espace ?

Ces éléments m’ont apporté des informations chiffrées très précises, cependant ces dernières étaient à prendre avec précaution. Ce type d’informations est en effet limité pour mesurer la qualité de l’intervention d’un formateur. En revanche, concernant les informations de type général : « qui s’était connecté à l’espace », ce module statistique s’est avéré très utile.

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Analyse de la problématique : La méthode d’analyse [Module statistique VILLAGE]

Cette méthode d’observation permet de lutter contre certains biais, en effet, selon Roger Mucchielli [Dynamique de groupe], sur la question de l’observation de la dynamique de groupe, l’observateur lui-même est souvent perturbateur de l’analyse. L’auteur énumère un certains nombre de moyens qui permettent de pallier à ce problème : - La familiarisation progressive, - l’observation participation, - l’observation invisible, - la technique d’observation objective non directe. L’utilisation de l’outil statistique correspond à l’une de ces quatre méthodes qui est : l’observation objective non directe.

4.2) Analyse de l’activité Une autre opportunité des espaces numériques en termes d’outil d’analyse est l’archivage de la production des participants. Pour le chercheur que je suis, l’étude du contenu des messages produits était d’un intérêt capital.

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Analyse de la problématique : La méthode d’analyse Pour ce faire je me suis inspiré des travaux d’Elke Nissen, chercheur à l’université de Grenoble40, qui distingue trois types de messages :

- Les messages à caractère opérationnel, en lien avec l’objet premier de l’espace. Dans l’exemple de l’espace handicompétence ce sont les éléments en rapport avec le métier de formateur. - Les messages à caractère affectif, qui au passage peuvent être positifs ou négatifs. - Les messages de régulation produits, quant à eux, par le ou les médiateurs.

J’expliquerai en quoi la quantité de tel ou tel type de messages est révélateur de l’état de santé de la dynamique d’un groupe.

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Autonomie du groupe restreint et performance, 2005

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse

B) Rapport d’analyse Le travail préliminaire consistant à faire part au lecteur de la méthodologie que j’ai utilisée pour mener mon analyse étant terminé, je vais pouvoir passer à la phase très attendue du rapport d’analyse. A l’aide de mon corpus constitué de matériaux scientifiques empiriques empruntés à nombre d’auteurs et des enquêtes que j’ai menées au CLPS, je vais tenter de construire une analyse complète en rapport avec les trois concepts auxquels est liée mon hypothèse. J’aborderai dans un premier temps la question de la démarche collaborative au sein de l’espace et du groupe handicompétence. Ensuite, il s’agira d’étudier la notion de groupe et particulièrement celle de la dynamique de groupe. Il sera sur ce point et sur les autres, intéressant de confondre le point de vue des formateurs avec ceux des auteurs. Enfin, la dernière partie de cette analyse concernera la médiation. Je m’intéresserai particulièrement à son rôle et à ses effets dans le cadre d’handicompétence. Afin de faciliter la lecture et la compréhension je proposerai un rapide résumé des trois analyses. Ces trois parties analysées de manière transversale dans ma conclusion me permettront de répondre à l’hypothèse41 que je me suis fixée de discuter.

41

« Un espace de collaboration ne peut s’envisager sans l’apport d’une médiation centrée sur la

constitution d’une dynamique de groupe ».

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse, état des lieux

1) Etat des lieux Il convient, avant de passer à l’analyse accès sur la problématique, de faire un état des lieux relatif à l’utilisation de l’espace de collaboration.

En termes de connexion

Je tiens à préciser que, comme le lecteur peut le constater (graphique ci-dessus), tous les formateurs ne se sont pas connectés à l’espace. Sur les 24 formateurs présents sur le dispositif fin juin, 19 personnes ont effectué la démarche au moins une fois.

En termes d’activité sur l’espace Concernant l’activité proprement dite, à savoir : la production de messages, la mise à disposition de documents sur l’espace, le téléchargement de documents sur son ordinateur, les résultats bruts observés sont les suivants. Production de messages : En tout, 37 messages ont été produits (je les analyserai plus tard). Je précise toutefois que 14 d’entre eux émanent du responsable handicompétence. Je constate que 7 formateurs ont participé à la production d’un ou plusieurs messages soit un peu moins d’1/3 des formateurs présents sur le dispositif et plus d’1/3 des connectés à l’espace.

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse, état des lieux Mise à disposition de documents : En tout, 16 documents de natures diverses (offres d’emplois, outils pédagogiques, curriculum vitae…) ont été mis en ligne. Sans toutefois émettre de conclusion, 8 d’entre eux émanent du responsable handicompétence et 6 autres d’un même formateur. Trois formateurs soit 1/8 des formateurs handicompétence ont fait cette démarche. Téléchargement de documents sur son ordinateur personnel :

D’après l’enquête par questionnaire, 7 personnes sur 12 disent avoir téléchargé des documents de l’espace vers leur ordinateur. Ce résultat est à prendre avec quelques réserves, en effet il ne m’est pas possible de savoir si les personnes qui ne m’ont pas retourné le questionnaire ont utilisé l’espace de cette manière. Maintenant que j’ai dressé un rapide état des lieux de l’utilisation de l’espace handicompétence, le lecteur va pouvoir prendre connaissance de l’analyse relative à la question de : o La démarche collaborative, o la dynamique de groupe, o la médiation. Ayant le souci de rendre claire la construction de cet exposé, je précise que l’analyse de la démarche collaborative est en quelque sorte un état des lieux général de ma problématique. Celle de la dynamique de groupe pointe la question centrale de mon

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la démarche collaborative hypothèse. Enfin, celle la médiation constitue, d’une certaine manière, une réponse au problème posé. Ayant conscience que cette approche peut paraître encore bien abstraite, je tiens à rassurer le lecteur pour qui je prendrai soin d’être précis, et pas trop « jargonnant » durant mon analyse.

2) La question de la démarche collaborative Si je choisi en premier lieu de discuter la question de la démarche collaborative, c’est justement parce que l’utilisation du terme « collaboration (ou collaborative) » peut prêter à interprétation et trouver ou non sa légitimité. C’est donc l’aspect le plus malléable que je choisi de traiter en premier lieu. La complexité de cette première analyse tiendra au fait que j’analyserai le processus de collaboration d’une manière générale et d’une manière centrée sur l’espace également. Je structurerai les parties en rapport avec les documents scientifiques et avec les enquêtes en mettant en évidence les éléments favorables à l’instauration d’une démarche collaborative et les éléments défavorables.

2.1) Etude du corpus de documents scientifiques

Concernant cette partie, je me référerai à un ouvrage en particulier : Apprentissage collaboratif à distance de France Henri et Karin Lundgren-Cayrol. Ne souhaitant pas multiplier les références théoriques, afin d’éviter de tomber dans le biais de la simple juxtaposition de références bibliographiques, je ne référerai qu’à un article. Ce dernier émane du centre d’étude de la navigation aérienne : vers des interfaces à collaboration directe pour le travail en groupe et a été écrit par Stéphane Sire et Stéphane Chatty.

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la démarche collaborative

2.1.1) Les indices Favorables à la démarche

Un public adapté au concept de collaboration

J’aimerai souligner en premier lieu que la collaboration est particulièrement adaptée au public adulte. Henri France et Karin Lundgren-Cayrol [apprentissage collaboratif à distance] distinguent l’adulte du jeune apprenant, par son désir de travailler de manière indépendante et aussi par sa faculté à utiliser la collaboration. Sur ce point les deux auteurs font référence à Knowles [l’apprenant adulte] qui affirme que le besoin de l’adulte repose sur 6 variables : le besoin de savoir pourquoi il apprend, le concept de soi et le sentiment chez l’apprenant de se sentir pleinement responsable, le rôle de l’expérience de l’apprenant qui doit être exploité, la volonté d’apprendre à condition d’y trouver un gain réel, l’orientation que l’adulte veut bien donner à son apprentissage, sa motivation à apprendre. Dès lors, il semble que le groupe handicompétence, constitué de formateurs adultes, possède un premier pré-requis favorisant la mise en place d’une démarche de collaboration.

Un domaine adapté au concept de la collaboration

France Henri émet également l’hypothèse que les démarches collaboratives servent mieux que d’autres les apprentissages liés à des domaines complexes, peu ou mal structurés. Sur ce point encore, l’utilisation de la collaboration dans le dispositif handicompétence parait pertinente. En effet, le champ d’activité est encore en phase de maturité. En effet, il semble que dans ce dispositif, les connaissances ne sont pas clairement établies, on peut considérer ainsi que le domaine de la formation des personnes handicapées est complexe, peu et mal structuré.

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la démarche collaborative Une distance salutaire

Si l’on peut considérer que pour l’espace handicompétence, la distance elle-même est un biais pour collaborer, certains auteurs, à l’instar de Bernard [Henri France et Karin LundgrenCayrol] estiment que cette dernière est plurielle. En effet, il y a des distances sécurisantes, il y a des distances de sécurité, il y a des distances génératrices de présence, tout comme il y a des distances provocatrices d’absences. Bernard veut considérer la distance comme bénéfique. Il est possible de penser qu’elle l’est aussi dans l’espace collaboratif handicompétence.

2.1.2) Les indices défavorables à l’instauration de la démarche

La subjectivité des acteurs

L’un des freins cependant émis par France Henri dont pourrait être victime le dispositif handicompétence, est que si certaines personnes voient la collaboration d’emblée de manière positive, d’autres n’y voient qu’un obstacle à leur cheminement. La disposition varie d’une personne à l’autre suivant le contexte, le but poursuivi, les actions en cause ou les enjeux.

Les interfaces inadaptées

Stéphane Sire et Stéphane Chatty [vers des interfaces à collaboration directe pour le travail en groupe] abordent en matière de collaboration les inconvénients du virtuel par rapport à la vie réelle. Les auteurs estiment par exemple que : « dans la vie réelle, l’espace n’a a priori de nature collaborative ou individuelle ; il suggère plutôt que n’impose un usage collaboratif ou individuel. »

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la démarche collaborative Dans leur étude, les auteurs estiment que les faiblesses des espaces virtuels, à engendrer de la collaboration efficace entre les utilisateurs, proviennent en partie de ce qu’ils introduisent des manipulations supplémentaires ainsi que des objets spécifiques pour permettre la coordination. Les utilisateurs ne peuvent donc pas appliquer les comportements sociaux auxquels ils sont habitués et qui servent également à assurer implicitement cette coordination. Les auteurs mettent l’accent sur le fait que l’on peut éviter ce biais si l’on fournit aux utilisateurs les moyens d’inventer leurs propres protocoles de coordination. Dans ce cas, cela consisterait à concevoir un espace dans lequel la coordination ne serait pas explicitement gérée par l’ordinateur mais induite par les composantes de communication et de production. C’est ce que Stéphane Sire et Stéphane Chatty appellent la collaboration directe.

2.1.3) Point synthèse Sur les quelques aspects soulignés il est possible de constater qu’à priori l’espace handicompétence dispose de nombreux pré-requis favorables à l’instauration d’un processus de collaboration. Cependant, d’autres aspects, comme la question de la subjectivité et des interfaces, m’amènent à relativiser ce constat. La suite va révéler au lecteur l’existence de bien d’autres biais.

2.2) Résultat des enquêtes menées au CLPS concernant la démarche collaborative Sur la question de l’instauration de la démarche collaborative, je vais présenter ici les résultats de l’étude qualitative concernant l’évaluation et ceux de l’analyse dite « quantitative » (analyse par questionnaire) de manière transversale.

2.2.1) Les indices favorables En analysant les entretiens, il semble notamment qu’il y ait une demande certaine de collaboration qui fait écho, dans handicompétence, avec l’hypothèse de France Henri selon

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la démarche collaborative laquelle la collaboration est adaptée aux domaines complexes ou peu structurés. La responsable de formation affirme en effet : « je pense que les formatrices manquent d’outils, récupérer les outils faits par les uns et les autres ce serait intéressant (sic) » [entretien R.F (responsable de formation)]42 ; mais également : « L’activité n’est pas lisse non plus donc il y a beaucoup de « turn over » parce qu’il n’y a pas le choix ». Ces propos témoignent bien d’un manque de structuration évident du domaine. Une formatrice aborde cet aspect sous le sens de la particularité même du dispositif : « Handicompétence c’est particulier puisque c’est non seulement la formation et le milieu du handicap » [formatrice n°1]. Cette même personne, de fait, voit un intérêt essentiel dans la collaboration : «Echanger sur les pratiques » [formatrice n°1]. D’autres propos vont dans ce sens : « Au niveau théorique je trouve ça très bien de pouvoir permettre à des formateurs qui sont sur des sites différents de partager leurs pratiques » [formatrice n°3].

La distance ne semble pas toujours perçue de manière négative. Comme je l’ai déjà montré de manière théorique avec la notion de « distance salutaire » [Bernard], de même, certains propos des personnes interrogées vont dans ce sens. Par exemple à la question : « Est-ce qu’il te semble difficile de collaborer à distance ? », la réponse est : « non, ça ne me dérange pas vraiment » [entretien R.F]. Cependant, cet avis n’est pas général et la distance est souvent considérée comme un biais, en particulier concernant, il en sera question plus tard, l’instauration d’une dynamique de groupe. A cette question de la distance, dans l’enquête par questionnaire, les résultats sont mitigés :

42

Rappel : intégralité entretiens disponible en annexe.

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la démarche collaborative

La valeur ajoutée de la démarche collaborative par le l’intermédiaire de l’espace par rapport au téléphone et au mail est un aspect non négligeable : « Dans le téléphone ou dans le mail il y a une interaction avec quelqu’un alors que là on peut aller tout seul sur l’espace sans avoir besoin de personne pour aller chercher une information »[formatrice n°4]. De plus lorsque je pose concrètement la question de la définition de l’espace avec ces 2 choix : Un outil de collaboration entre les formateurs qui échangent des outils et des messages. Un outil de consultation permettant aux formateurs d’obtenir des informations et de répondre à des injonctions émanant du responsable du projet Handicompétence (Yoann). La définition de cette espace comme outil de collaboration l’emporte comme le lecteur pourra le constater sur le graphique suivant :

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la démarche collaborative

La question de la maîtrise de l’informatique est également un élément important à prendre en compte. En effet lorsque que je croise les données quantitatives liées aux questions : -

Maitrisez-vous l’informatique ?

-

Vous semble t’il difficile de collaborer à distance ?

Les résultats sont les suivants : Pour les personnes qui maîtrisent l’informatique la collaboration à distance semble tout à fait envisageable.

En revanche pour les formateurs qui ont peu de connaissances en informatique et qui maîtrisent encore mal l’outil, les résultats obtenus témoignent d’un sentiment mitigé :

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la démarche collaborative

2.2.2) Les indices défavorables à la démarche L’outil tel qu’il existe ne semble pas être toujours perçu comme un outil de collaboration « Je dirais plus que c’est un outil de consultation car la collaboration, je pense est difficile à mettre en œuvre….globalement la collaboration par outil informatique n’est pas d’actualité au CLPS [entretien RF]».

A l’instar du constat théorique dressé précédemment concernant la subjectivité des utilisateurs, il semble que tous les formateurs ne sont pas prêts à jouer le jeu de la collaboration : « Elles font des choses dans leur coin mais elles ne sont pas très sûres d’elles donc elles ne vont pas oser le mettre sur l’espace, puisqu’il y a le regard des autres aussi, ça peut jouer ».

C’est souvent d’appréhension même, qu’il est question : « Je pense que les échanges oraux là-dessus ça passe bien et il y en a beaucoup mais par écrit il reste une trace et je pense que, du coup, c’est moins approprié, il n’y a pas que le regard institutionnel, il y a le fait d’écrire les choses aussi, on laisse une trace… [Entretien RF] » ; « Mais c’est vrai que je fais un blocage pour l’instant. Ca me fait un peu peur puisque quand j’écris je me dis que tout le monde va le voir aussi (rire) … On se dit : faut pas que je dise d’âneries [formatrice n°1]. » « Du coup je vais moins dire ce que je pense, je vais peser mes mots, beaucoup plus que quand je parle à l’oral » [formatrice n°1]. Certains propos très directs traduisent bien ce bais à la démarche de collaboration au travers de l’espace « Oui, tout à fait, on a toujours peur de se sentir un peu con… [Formatrice n°4]. D’ailleurs sur le graphique suivant, il apparaît clairement que si 6 formateurs affirment qu’ils n’ont pas peur du jugement des autres, pour 5 autres la réponse est différente.

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la démarche collaborative

En écho également à la question des interfaces, l’une des limites à la mise en place d’une démarche de collaboration peut être lié à l’utilisation exponentielle d’espaces, sur ce point la responsable de formation pense que : «il ne faut pas multiplier les espaces ». Sachant de fait qu’il existe déjà un espace intranet au CLPS, cet élément peut vraisemblablement constituer un biais important.

La question de l’utilité même de l’outil collaboratif, et par la même de la démarche, est remise en cause par une formatrice qui dit : « Je pense en fait que l’on utilise quelque chose quand on en a besoin, que se soit l’espace collaboratif comme tout d’ailleurs » [formatrice n°1]. Les propos d’autres formatrices vont également dans ce sens : « quand j’ai une question, je me tourne spontanément vers les collègues… les questions les plus immédiates je peux les poser à des collègues » [formatrice n°4]. Pourtant, comme on peut le voir sur le graphique suivant, la question de l’utilité est difficile à traiter. En effet, il semble que la boîte mail, qui est pourtant avec le téléphone un outil principal de communication et de collaboration, ne suffit pas pour la majorité des formateurs.

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La question de l’objectif qui rejoint un peu celle de l’utilité est également soulevée : « Il faut d’abord réfléchir à : quel est l’objectif des échanges » [formatrice n°2]. Sur ce point il semble que la collaboration ne soit pas toujours visée par les formateurs et qu’il est souvent question de simple mutualisation par l’échange : « si c’est pour savoir à quel moment il faut faire tel ou tel module, dans ce cas un outil informatique peut tout à fait faire l’affaire » [formatrice n°2].

La distance, si elle était vue précédemment comme un aspect favorable (que l’analyse des questionnaires mitigeait quelque peu), n’en est pas moins un biais important pour beaucoup. C’est en particulier le fait qu’il est difficile de collaborer sans connaître les « collaborateurs » qui se fait ressentir. A la question, « est ce qu’il vous semble important de connaître les personnes avec qui vous collaborez ? » Une formatrice répond : « Il me semble que oui … Pour moi c’est vraiment important de voir les gens, c’est essentiel et ça reste pour moi un frein aux espaces collaboratifs » [formatrice n°2]. D’autres formateurs incriminent aussi cette distance qui accentue parfois le caractère anonyme de l’espace : « je préfère savoir à qui je m’adresse plutôt que d’avoir un truc complètement virtuel » ; « c’est mieux d’avoir quand même une idée des gens avec qui je partage » [formatrice n°4].

Le problème de la confidentialité des espaces de collaboration est également soulevé : « Oui, pour moi en réunion d’équipe on peut par exemple aborder les problèmes de Madame x par exemple, avec qui j’ai essayé tels outils mais qui ne fonctionnent pas » [formatrice n°2]. Julien MORICE – Université de Rennes 2 – MASTER 2 TEF

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la démarche collaborative

Enfin, comme je l’ai abordé précédemment, avec Stéphane Sire et Stéphane Chatty, c’est aussi la question des interfaces qui est parfois soulevée et les problèmes que les espaces numériques de collaboration engendrent sur la communication : « l’espace coupe la vivacité de l’échange » [formatrice n°2]; « sur ordinateur, en fait, on ne partage pas la même chose » [formatrice n°2].

2.3) observations relatives à l’analyse du trafic et aux productions sur l’espace Comme je l’ai expliqué précédemment, l’archivage des messages produits et l’analyse du trafic sur le site peuvent s’avérer très riches dans certains cadres de l’analyse.

2.3.1) Analyse des productions et des échanges

Je vais maintenant analyser les productions sur l’espace afin de voir si la démarche collaborative telle que je l’ai étudiée précédemment a bien été usitée. Je pense qu’il est important de rappeler les caractéristiques d’une telle démarche : Un même objectif Une participation de l’individu à l’ensemble de la tâche

Si l’objectif est d’améliorer la qualité de la prestation, on peut considérer que la démarche de collaboration est effective puisque chaque formateur qui participe à l’espace participe à l’objectif en son entier. Ceci dit, je ne me satisfais pas de cet exemple, il est bien trop abstrait pour être réellement qualifié de démarche de collaboration.

Très concrètement, une seule démarche dans l’espace peut-être qualifiée de collaborative. Elle concerne la mise en place d’une enquête que chaque formateur devait faire auprès de ses stagiaires afin de connaître les raisons de leur inscription au chômage.

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la démarche collaborative

Message relatif à l’enquête « motif chômage handicompétence »*

Bonjour les collègues, Comme tout le monde va sur Handicompétence... je vous invite à faire un petit test !!! Pouvez vous aller dans l'espace "actualités du handicap", puis dans la news letters de l'AGEFIPH et lire le premier article de la lettre tendance sur les "motifs d'inscription au chômage des personnes handicapées". Voici mes consignes pour ce petit exercice : - Lire la lettre de 4 pages (seul ou avec votre groupe) - Demander aux personnes de votre groupe les motifs d'inscription au chômage - Nous les faire remonter via l'espace handicompétence rubrique "mettre des documents en ligne" (suivre la démarche avec le tutoriel) - Nous vous ferons retour sur le pourquoi les personnes se retrouvent au chômage L'objectif de cet exercice est DOUBLE : Avoir une meilleure connaissance du public que nous accompagnons S'exercer concrètement et obligatoirement sur l'espace collaboratif * Message produit par le chef du dispositif handicompétence.

Si maintenant je reprends le graphique de la définition du concept de collaboration est que je l’adapte à notre cas d’espèce, la démarche peut bien être qualifiée de collaborative : Etude du motif d’inscription des stagiaires au chômage

Etablir les motifs d’inscription des personnes handicapées du CLPS au chômage.

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la démarche collaborative Dans cette opération les formateurs avaient bien pour mission de participer à l’ensemble de la démarche du projet au sens d’une démarche collaborative.

Concernant les autres actions, la mutualisation s’est plus traduite soit par l’échange soit par la coopération. Rappel des principales caractéristiques : Coopération : un même projet et une division en sous-tâches. Echange : pas de projet commun, simple partage de données.

Concernant la coopération, j’ai pu relever sur l’espace des échanges particulièrement féconds en termes de mutualisation des idées sur le principe de la coopération, comme dans l’exemple ci-dessous :

Dans le cas d’espèce : Projet = info prime Agefiph Division des tâches : donner l’information / demande d’information / recherche d’information sur la prime Agefiph….

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la démarche collaborative Concernant l’échange les exemples sont nombreux, j’en présente ici un parmi tant d’autres :

Bonjour à tous, Je viens de tester en ouverture de session une séquence de photo langage au résultat assez intéressant en termes d'échange et de mise en dynamique de formation. Du coup...j'adopte. (Photos collectées sur Google, sorties en N&B et format A4, qualité d'image moyenne mais cela ne joue pas sur l'effet de projection personnelle à travers la photo) Vous pourrez trouver, en pièce jointe, une présentation complète du principe, récupérée sur un web site, avec ses objectifs et le déroulement d'une séquence. Pour celles et ceux qui seraient intéressés par cet outil, je peux vous en envoyer un jeu. Il suffit de me donner votre nom et l'adresse de votre centre. Délai de livraison env. 15 jours. Bonne journée. *Message produit par un formateur

Le message ci-dessus était accompagné d’une pièce jointe contenant une présentation du principe « photo langage ». Ainsi les autres formateurs pouvaient, s’ils le souhaitaient consulter le document ou non selon leurs besoins. Je rappelle que la mutualisation par l’échange a également la caractéristique d’être centrée sur l’individu lui-même, et non sur le groupe. Chacun se sert de ce dont il a besoin.

2.3.2) analyse du trafic Selon l’analyse des connexions, concernant la démarche de collaboration, je constate que les formateurs qui se sont connectés à l’espace ont principalement consulté les outils de mutualisation (et par là même de collaboration) que sont : o L’outil de mise en ligne de documents. o L’outil forum (permettant également de mettre des documents en ligne). Les outils de consultation (bibliothèque de sites, Foire aux questions…) sont assez peu consultés, si ce n’est les tutoriaux d’utilisation comme je l’aborderai dans l’analyse de la médiation.

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2.4) Résumé de l’analyse de la démarche de collaboration

Type d’analyse

Constats des analyses

Théorique (apports scientifiques)

Indices favorables : Public adapté. Domaine adapté. Distance parfois salutaire. Indices défavorables : Subjectivité des participants. Interface comme contrainte. Indices favorables : Existence d’une demande. Distance parfois positive. Valeur ajoutée. Indices défavorables : Appréhension. Question de l’utilité. Distance parfois négative. Confidentialité. Interface comme contrainte. Les trois démarches de la mutualisation sont pratiquées. Plus d’échanges que de collaborations. Consultation généralisée des outils de mutualisation en particulier (forum et dossier de mise en ligne).

Pratique ou de terrain (qualitatif, « quantitative »)

D’observation (trafic et production)

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la dynamique de groupe

3) La dynamique de groupe dans handicompétence

De la même manière que pour le point précédent, je vais procéder à l’analyse de la question de la dynamique de groupe au sein du dispositif et de l’espace handicompétence. Sur ce point, le corpus d’auteurs abordé sera assez conséquent. Je procéderai ensuite à l’analyse de enquête de terrain qui confrontée à l’analyse théorique, apportera aux lecteurs le relief nécessaire à la compréhension de ce qui est en jeu. En effet, ayant déjà, comme je le rappelle, formulé en partie mon hypothèse avant la phase d’évaluation, j’ai axé certaines questions sur des points précis en rapport avec la dynamique de groupe. Dans un dernier temps, il s’agira également d’analyser les données numériques (trafic, contenu des messages) pour mettre en exergue certains aspects de la question de la dynamique de groupe dans handicompétence.

3.1) Analyse du groupe handicompétence et de la dynamique de groupe à la lumière du corpus scientifique

Je m’appuierai dans un premier temps sur l’analyse du concept de groupe étudié précédemment, pour rappeler les caractéristiques même du groupe handicompétence. Sur ce point je rappelle au lecteur les trois aspects qui ont été mis en évidence. Le groupe handicompétence est43 : Etendu : dans le sens où le nombre de ses membres est compris entre 14 et 24 personnes. Secondaire : dans le sens où il est institué par le CLPS et non avec une entité familiale par exemple. De référence : dans le sens où il diffère du groupe d’appartenance, lequel en générale est en adéquation avec l’environnement social, et qu’handicompétence est un groupe d’où l’individu peut tirer ses opinions, ses principes, ses valeurs ou ses buts.

43

Ce référer aux définitions de Lewin.

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la dynamique de groupe Je précise que la qualification du groupe en « référence », est en quelque sorte une hypothèse. Il me semble cependant que les acteurs de la formation ont en commun un certain nombre de valeurs comme cela est également le cas dans l’éducation.

Selon Elke Nissen44il semble que le groupe restreint est plus propice à la collaboration. Il est en effet plus facile dans ces conditions de définir des objectifs communs. De fait, Il semble qu’une dynamique de groupe, dans le cas de groupe étendu, comme handicompétence, est particulièrement difficile à générer.

Jacques Rodet, dans « la coopération et la collaboration en pédagogie, un modèle pour l’action politique ? » aborde la notion de communauté. On distingue souvent la communauté du groupe par sa taille (exemple : communauté régionale). Cependant, la définition de communauté d’intérêts caractérise bien, selon moi, le groupe handicompétence. Une communauté d’intérêts se constitue sur la base de préoccupations communes à ses participants, cependant elle n’implique pas l’émergence d’un but collectif, dans la mesure où les membres s’identifient davantage aux thèmes qui les rassemblent qu’aux personnes. Comme je l’ai démontré dans le cas de l’espace, si parfois la logique de collaboration a été pratiquée, cette dernière s’est cependant axée autour de thèmes, et non d’un objectif général, à l’instar d’une communauté. Je précise cependant au lecteur qu’il ne faut pas faire l’amalgame avec une communauté virtuelle, car cette notion exclue les appartenances institutionnelles : « les communautés virtuelles se développent sur internet et se construisent sur des affinités d’intérêts, de connaissances, sur le partage de projets, dans un processus de coopération ou d’échange, et cela indépendamment des proximités géographiques et appartenances institutionnelles ». Je parle donc bien de communautés d’intérêt et non pas de communautés virtuelles. Pour illustrer ma proposition je m’appuierai entre autre sur Roger Mucchielli [La dynamique des groupes], qui définit un groupe dans le sens où « chacun connaît tous les autres et peut établir des relations personnelles ». Ce n’est pas vraiment le cas dans le dispositif handicompétence où le « turn over » est important et où les formateurs ne se connaissent pas tous. La question du « turn over » est d importance puisque, d’une certaine manière, je

44

« Autonomie du groupe restreint et performance » ; université de Grenoble

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la dynamique de groupe peux donner une quatrième caractéristique au groupe ou à la communauté handicompétence, celle de momentanée. Si toutefois je conserve, concernant le dispositif, la dénomination de groupe, je tiens à préciser que ce dernier est au degré le plus bas de constitution de groupe en termes de solidité. Avec les caractéristiques : d’étendu, de secondaire, de référence et de momentané, le lecteur comprendra que dans ces conditions la dynamique de groupe est particulièrement difficile à instaurer. Cependant, certains aspects d’handicompétence sont favorables à cette dernière. Sur bien des points, je peux faire le rapprochement entre le dispositif et un groupe d’élève, tout en gardant à l’esprit qu’handicompétence est bien également un groupe de professionnels. Elke Nissen distingue les groupes de production et les groupes d’apprentissage. Handicompétence a la particularité, selon moi, d’être à mi-chemin entre de ces deux configurations. En effet, le but de l’espace est bien de permettre aux formateurs d’acquérir de nouvelles connaissances mais aussi de produire des outils qu’ils mettront à disposition des autres. Cette caractéristique particulière a semble- t-il des répercussions, mais cette fois positives, sur l’engagement. Certains, comme les nouveaux arrivants peuvent s’investir même sans connaissances particulières en participant par exemple au forum. D’autres, plus expérimentés, peuvent contribuer à l’espace en mettant en ligne les contenus d’expert qu’ils ont produits.

Malgré tout, le caractère étendu semble restreindre la dynamique et rendre la mutualisation par la collaboration difficile. Selon Anzieu et Martin, le problème particulier des groupes étendus résident dans leur tendance à la subdivision qui rend difficile la construction d’une dynamique.

Mon analyse du corpus théorique m’a cependant permis d’envisager une éventuelle « porte de sortie » : Si la notion de groupe étendu où de communauté d’intérêts définit bien le groupe handicompétence dans son ensemble, il est possible, semble t’il, de parler de groupes restreints concernant les formateurs qui travaillent dans un même établissement.

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la dynamique de groupe En effet, comme je l’ai déjà abordé, le groupe handicompétence est disséminé dans les 7 établissements présents dans les côtes d’Armor et le Morbihan. Les équipes de formateurs n’excèdent pas les 5 formateurs.

D’ailleurs dans ce cas se pose le problème de l’utilisation du terme groupe, selon la définition de Lewin45, puisque le nombre de formateurs handicompétence est parfois de deux, voir une personne. En règle générale il s’agit cependant de groupes puisque leur nombre est supérieur ou égal à 3 personnes. Sur la question des groupes restreints appelés plus couramment petits groupes, j’aborderais volontiers les travaux de Bernadette Aumont [une histoire personnelle de croissement conceptuels]. L’auteur affirme notamment que « dans les petits groupes se vit un meilleur compagnonnage cognitif, favorisé par les interactions sociales qui s’y produisent et le conflit sociocognitif qu’elles génèrent ». Cette efficacité du petit groupe a notamment été soulignée en psychologie sociale génétique par Pierre-Clermont en 1979, en accord lui aussi avec la question de l’apport salutaire des petits groupes sur le plan cognitif. Dans cette conjoncture, l’instauration d’une dynamique, et par là même d’une mutualisation par la collaboration, est plus facilement envisageable. De cette manière, les membres peuvent apprendre à mieux se connaître et à développer un sentiment d’appartenance, moteur essentiel au travail collaboratif. Une de mes hypothèses quant à la création d’une dynamique de groupe est donc, je le rappelle, de s’appuyer sur les groupes restreints qui sont constitués par les formateurs travaillant sur les mêmes sites.

3.2) Résultat de l’enquête menée au CLPS Je viens d’analyser le corpus scientifique qui semble indiquer que dans le cadre du dispositif handicompétence, une dynamique de groupe et une mutualisation des membres par la collaboration, semble particulièrement remises en cause par le caractère secondaire, momentané et surtout étendu du groupe.

45

Voir approche conceptuelle

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la dynamique de groupe Une des solutions envisageables, serait cependant de s’appuyer sur les formateurs travaillant dans les mêmes établissements, qui constituent, quant à eux, des groupes restreints, avec tous les avantages, cités précédemment, que cela comprend.

Je vais, en analysant les résultats de mes enquêtes au CLPS étudier ce que pensent les formateurs, eux-mêmes, du présupposé groupe handicompétence et, par la même, de la dynamique de groupe.

A la question : « Est-ce qu’il y a un groupe handicompétence ? », la responsable de formation

handicompétence

répond :

« Pour

moi

il

y

a

plusieurs

groupes

handicompétence » [RF (responsable formation) ligne 82]. Lorsque je lui demande comment sont constitués ces groupes, la réponse est particulièrement intéressante : « J’ai envie de dire qu’ils se créent par rapport à la géographie » [RF ligne 88] ; mais encore : « Il y a une notion de groupe sur trois établissements et notamment parce qu’on a une même direction » [RF ligne 91]. Selon cette personne, les différents groupes restreints ne seraient donc pas constitués des formateurs travaillant dans le même établissement mais des formateurs travaillant dans les établissements ayant la même direction. Je précise en effet sur ce point que, si sur les sites de Rennes, par exemple, un directeur est présent à temps complet, sur d’autres sites Saint Malo, Dinan et Saint Brieuc par exemple, un même directeur a été nommé pour gérer les 3 établissements. Dans ses propos, la responsable de formation affirme de fait : « je pense qu’il n’y a pas la notion de groupe par exemple avec les formateurs de Rennes (Dinan/Rennes), il n’y a pas d’échanges en fait » [RF ligne 90]. Cependant, la responsable formation ne semble, en apparence, pas plus optimiste sur la question de la mutualisation des groupes restreints dans le cadre d’un espace collaboratif : « je pense encore une fois que ça reste dans la culture, on n’a pas encore cette culture là » [RF ligne 96].

Pour les formatrices, la réponse à la question liée à l’existence, ou non, d’un groupe handicompétence est la même : « Non, parce qu’on ne s’est réuni que 2 fois tous ensemble, et finalement on échange seulement avec deux ou trois personnes [formatrice n°1 ligne Julien MORICE – Université de Rennes 2 – MASTER 2 TEF

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la dynamique de groupe 75]. » ; « Mais le groupe, il n’est pas forcément constitué, je pense que ça peut aussi être pour cela que l’espace n’est pas forcement très utilisé » [Formatrice n°3 ligne 24]. Je trouve particulièrement frappant, dans les différents témoignages, de constater que sans avoir à priori de connaissances théoriques sur le concept de groupe, les

personnes

interrogées caractérisent la notion en concordance avec celle de groupe restreint. Je regrette d’ailleurs, ne pas pouvoir leur demander leurs avis sur la possible caractérisation du groupe handicompétence comme une communauté d’intérêts.46

Tous les témoignages semblent en accord sur le fait que la constitution du groupe doit précéder l’espace de collaboration. Ce dernier ne semble en aucun cas avoir vocation à constituer un groupe, mais tout au plus à renforcer la dynamique d’un groupe déjà existant. Les propos d’une formatrice illustrent très bien cet aspect : « Je pense que l’espace est un complément mais ne va pas suppléer le groupe » [formatrice n°1 ligne 81].

Cependant, un témoignage fait pourtant état d’un autre point de vue sur le dispositif : « je les identifie mes collègues handicompétence, mais pour moi c’est plus une question d’affinité. Quand j’étais sur le dispositif, je savais à qui m’adresser, à qui demander de l’aide » [formatrice n°2 ligne 69]. Je précise toutefois que la personne concernée travaille depuis longtemps au CLPS. Le groupe est donc très hétérogène sur ce point, puisque les débutantes n’ont pas forcément eu l’occasion d’être présentées à leur collègues : « Déjà de se rencontrer, comme on disait tout à l’heure ça aide » [formatrice n°4 ligne 102].

Concernant la constitution d’une dynamique, appréhender les personnes avec qui l’on doit collaborer semble le minimum requis pour certaines formatrices. En effet, à la question : « Est-ce que tu aurais plus le reflexe d’aller sur l’espace si tu connaissais tous les formateurs ? » L’une d’elle me répond : « Oui, je pense….. J’ai peut être moins d’appréhension de répondre une fois qu’on s’est tous rencontrés » [formatrice n°4 ligne 70] Sur ce point, l’enquête par questionnaire révèle bien que pour la majorité des formateurs cette condition est nécessaire pour la pratique de la collaboration.

46

Voir partie théorique

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la dynamique de groupe

Comme je l’ai abordé tout à l’heure, un autre biais important à la création d’une dynamique de groupe est la question du turn-over. Sur ce point, le témoignage des formatrices est très parlant : « Pour te donner un exemple, moi de septembre à décembre, je suis intervenue sur une pré-pro (prestation professionnelle), je suis intervenue sur handicompétence à Dinan en Janvier et en même temps j’étais sur deux pré-pro, une à Dinan et l’autre à Saint Brieuc…… en termes de cohésion d’équipe c’est difficile » [formatrice n°2 ligne 39]. La dynamique de participation à l’espace semble saccadée pour certaines personnes : « c’est vrai que, si je suis trois mois sur une autre action, je vais pas du tout m’intéresser à l’espace, je ne réfléchis pas dessus [formatrice n°1 ligne 111] ». Je pense ainsi mettre le doigt sur un aspect important du problème, en effet les résultats obtenus sur la question, dans l’étude par questionnaires, parlent d’eux même :

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la dynamique de groupe

Je constate donc que, selon le corpus théorique et selon l’enquête que j’ai mené au CLPS, il semble que la constitution d’une dynamique de groupe soit ralentie par : La caractéristique même du groupe handicompétence Le turn over avec pour la plupart des formateurs des missions sur d’autres dispositifs

Cependant, il semble bien que du côté des groupes de ces mêmes formateurs dans le cadre des établissements ou des directions communes, il existe, en quelque sorte, une configuration à même de générer une dynamique de groupe au sein de l’espace. J’expliquerai par la suite de quelles manières cela me parait envisageable.

3.2) Observations relatives à l’analyse du trafic et aux productions sur l’espace Concernant l’analyse des données numériques, je vais mettre en exergue un seul élément. Comme le lecteur en a pris connaissance dans l’état des lieux, 7 formateurs ont réellement produit des messages et 3 ont inséré des documents en ligne. Comme je l’ai également souligné dans l’analyse de la démarche collaborative, j’ai observé des interactions à caractère coopératives mettant en lien 3 voire 4 formateurs.

L’intérêt est de savoir si ces formateurs se connaissent ou pas. En effet, par ce biais je peux déduire ou non qu’avec les groupes restreints il y a plus d’interactions possibles sur l’espace. Sur ce point, il semble que non, en effet, les messages émanent de tous les établissements ou du moins de plusieurs. A priori, les formateurs qui interviennent le font donc dans le cadre du groupe étendu handicompétence.

Je dois dire qu’en posture de chercheur ces constatations me laissent perplexe. En effet, elles remettent en cause ma théorie selon laquelle la dynamique collaborative pourrait reposer sur la dynamique des groupes (restreints) des établissements. D’un autre côté le lecteur comprendra bien que les formateurs n’auraient aucun intérêt à échanger avec leurs proches collègues qu’ils croisent sur leur lieu de travail.

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la dynamique de groupe De plus il faut relativiser l’importance de la dynamique qui existe jusqu’à présent entre les formateurs participant à l’espace. Je rappelle que concernant la mise en ligne de documents, 6 sur 8 proviennent d’un même formateur. Pour la participation au forum le décompte montre que 4 formateurs sur les 7 participants ne sont intervenus qu’une fois. Il n’est donc pas pour l’instant question de dynamique de groupe effective.

Des solutions restent donc à considérer, et c’est du côté de la médiation que j’espère trouver d’autres éléments de réponse en accord ou non avec mon hypothèse que je rappelle à nouveau : « un espace de collaboration ne peut s’envisager sans l’apport d’une médiation centrée sur la constitution d’une dynamique de groupe ».

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la dynamique de groupe 3.3) Résumer de l’analyse liée à la question de la dynamique de groupe

Type d’analyse

Constats des analyses

Théorique (apports scientifiques)

Groupe handicompétence : Groupe à caractère étendu et momentané. Groupe de production et d’apprentissage à la fois (aspect positif). Dynamique de groupe difficile à instaurer. Groupes par établissement ou direction Groupes restreints favorisant l’émergence d’une dynamique de groupe.

Pratique ou de terrain (qualitatif, « quantitative »)

Groupe handicompétence : Membres hétérogènes. Caractère parfois anonyme des membres. Demande forte de connaître les autres formateurs. Groupes par établissement ou direction : Coopération (ou collaboration ?) en présentiel des formateurs travaillant dans le même établissement habituelle.

D’observation (trafic et production)

Messages et productions émanent d’établissements différents. Dynamique de groupe encore faible.

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la question de la médiation

4) Le rôle de la médiation et ses effets Je vais aborder le concept qui constituera en quelque sorte, une solution envisageable à ma problématique. Je vais procéder de la même manière que pour les deux points précédents. Je visiterai d’abord l’ensemble de mon corpus théorique afin d’ouvrir quelques pistes de réflexion sur le rôle de la médiation. Ensuite j’aborderai les résultats de mes enquêtes de terrain. Sur ce point, le lecteur constatera que je soignerai particulièrement l’analyse dite « quantitative » utilisant des données croisées qui mettront en évidence les aspects les plus parlant de l’analyse. Je procéderai enfin à l’analyse du contenu de l’espace en mettant en perspective la question de la médiation.

4.1) Analyse du corpus scientifique sur la question de la médiation La capacité d’un groupe à prendre en charge sa propre gestion reste généralement un présupposé dans les formations et les travaux collaboratifs en ligne. Cependant Monique Linard47nous met en garde sur le fait que l’autonomie ne peut se prescrire car elle est diversement distribuée. Elle ne peut se développer que dans des conditions précises. Entre les lignes c’est bien sûr de médiation qu’il est question. Concernant l’espace handicompétence c’est bien l’animateur ou le médiateur qui doit par ses actions générer une dynamique et créer un sentiment d’appartenance.

J’estime que le rôle du médiateur est en adéquation avec le rôle d’un formateur tel que le d écrit Roger Mucchielli [la dynamique des groupes] qui a beaucoup travaillé sur la question : « le rôle du formateur est d’avantage celui d’un animateur ou d’un guide ». Ce même auteur affirme que le formateur, ou le médiateur, s’intéressera surtout à la coordination des actions du groupe aux processus cognitifs. C’est en effet exactement dans ce sens que le chef de projet handicompétence et moi-même avions axé notre approche.

47

Autoformation, éthique et technologies : enjeux et paradoxes de l’autonomie

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la question de la médiation Sur ce point, je rappelle par exemple l’injonction faite aux formateurs d’effectuer une enquête auprès de leurs stagiaires pour connaître les motifs de leur inscription au chômage48. Cette injonction illustre bien le rôle de la médiation dans le sens de l’animation comme l’entend Roger Mucchielli.

Il semble important dans tout processus de médiation que s’instaurent des relations bilatérales entre les participant et pas seulement avec l’animateur (ou médiateur) comme c’est parfois le cas.

AAnimateur / médiateur

Participant

Participant

Participant

Participant

Pour illustrer le rôle du médiateur, je propose au lecteur d’imaginer le graphique ci- dessus sans les flèches rouges, il caractériserait en quelques sorte une médiation de « mauvaise qualité ». En revanche, le schéma complet s’inscrit dans le cadre d’une médiation bilatérale accomplie. Ce type d’interaction est révélateur d’une dynamique de groupe solide génératrice de mutualisation entre ses membres. Dans l’absolu, c’est bien dans ce sens que l’espace collaboratif doit tendre, même s’il ne faut pas tomber dans le mythe d’une collaboration parfaite et totale entre les membres.

En gardant maintenant ce même schéma, je demande au lecteur cette fois de l’imaginer sans les flèches rouges, le type d’interactions ainsi créés est semblable à celle qui existe avec les formateurs qui travaillent en groupes restreints dans le même établissement. Si ces 48

Voir PPI

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la question de la médiation derniers ont effectivement une responsable qui coordonne leurs actions il me semble qu’elles s’autonomisent en ce qui concerne par exemple la mutualisation des outils pédagogiques comme le lecteur l’aura constaté dans les entretiens qualitatifs (analyse de la collaboration). Sur ce point, je considère que, dans l’environnement réel, le besoin en médiation et parfois moins important. En effet, tous les auteurs de notre corpus s’accordent sur le fait que la dynamique de groupe et la collaboration s’appuient avant tout sur une dimension sociale et affective. De même, le sentiment d’appartenance est, selon Sylvie Grosjean, qui a beaucoup travaillé sur la question49, « une résultante de la dimension socio-affective et de la dimension sociocognitive en constante évolution selon les individus ». Dans la vie réelle, c’est différent, selon Stéphane Sire et Stéphane Chatty : « chacun met en œuvre des protocoles de coordination sans le savoir ». Je pense que dans les espaces numériques, la coopération ne va pas de soi et que c’est la médiation qui doit recourir à ce problème.

Sur cette question, notre corpus théorique est particulièrement riche. Je souhaiterais particulièrement aborder Lamy [2001] qui affirme que : « la question de l’interaction est d’autant plus problématique que les participants n’ont aucun contact en présentiel entre eux ». J’ai déjà abordé ce biais, dans une partie précédente, à propos de la création d’une dynamique, comme le lecteur s’en souvient. La suite est particulièrement intéressante puisque l’auteur aborde l’aspect social et cognitif : « dans ce cas il existe un déficit sociocognitif au départ qu’il est important de compenser ». Je demande maintenant au lecteur toute son attention puisque l’auteur aborde également le rôle de la médiation ! « Cela ne peut être que verbal, le pédagogue doit construire par l’unique bais du discours un rôle nouveau, prenant en compte les propriétés matérielles de l’outil ainsi que le comportement autant cognitif que socio-affectif ». Si l’on prend soin de remplacer le terme pédagogue par celui de médiateur ou d’animateur, tout, ou presque, est présent dans ce paragraphe.

Il manque cependant un dernier élément mis en évidence par Henri France et Karin Lundgren-Cayrol [Pour comprendre et concevoir les environnements d’apprentissage 49

La dynamique de la relation tutorale : du lien social en construction

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la question de la médiation virtuels]. Il s’agit de la définition du rôle de chacun, de leur place dans la participation et surtout du but de la collaboration. Sur ces points Les auteurs définissent deux missions principales du médiateur : -

Déterminer la place et la participation de chacun dans le forum.

-

Expliquer le principe de la collaboration, les exigences du travail en groupe, le rythme et la fréquence de la participation.

C’est sans doute l’un des aspects qui (pour l’instant) a été le moins travaillé dans l’espace handicompétence. Il semble qu’il soit particulièrement important que chaque participant, par exemple, ait la même définition de l’espace handicompétence. Chacun doit également comprendre clairement ce que l’on attend de lui et ce qu’il peut, en retour, attendre de l’espace de collaboration. Dans la conclusion je donnerai mes avis sur la question et sur la méthode qui, après réflexion, me paraît la plus à même de générer une dynamique de groupe dans un esprit de collaboration.

4.2) Résultat de l’enquête menée sur la question de la médiation Durant la phase d’animation, sous-entendu de médiation de l’espace, j’ai mis en place une formation50à l’intention de 12 formateurs handicompétence arrivés sur le dispositif dans le courant de l’année. Outre la phase d’exploitation classique des questionnaires et des entretiens associés à la médiation, je vais procéder à des analyses de données par le biais de tableaux croisés dynamiques. Ces derniers vont notamment me permettre de mesurer, sur différentes thématiques, les effets de la formation. Sur ce point j’émets l’hypothèse qu’un tel rassemblement à des effets sur la maîtrise de l’outil, mais aussi sur la dynamique du groupe.

Ma méthodologie d’analyse de l’enquête s’articulera cette fois en deux temps. Je procéderai d’une part à l’analyse des entretiens que je distinguerai de l’analyse des questionnaires. 50

Voir PPI

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la question de la médiation J’estime judicieux, en effet, de m’attarder sur les analyses croisées qui éclaireront les données qualitatives développées dans le paragraphe précédent. Il sera particulièrement intéressant ici d’évaluer l’effet de la formation que j’ai menée dans le cadre de ma participation à la médiation de l’espace. Ayant identifié, dans le questionnaire, les personnes qui ont participé à cette initiation, une étude comparée qui éclairera ma démarche. Cet exercice sera également pertinent dans le cadre de l’analyse qualitative puisque le panel est composé de formatrices ayant participé ou non à la formation.

4.2.1) Analyse qualitative sur la question de la médiation

Quand je demande à une formatrice ce qu’il a éventuellement manqué dans le projet de l’espace collaboratif handicompétence, cette dernière met l’accent sur deux points : - La formation : « Je pense que c’est vraiment la formation, et l’utilisation, parce que pour ma part j’ai essayé et je n’y suis pas arrivée donc ca m’a arrêté et je suis passée à autre chose » [Formatrice n°1, ligne 120]. - L’envie : « Oui et je pense que ce qu’il faut aussi c’est qu’on nous donne l’envie d’aller, c’est très important selon moi » [Formatrice n°1, ligne 125]. Pour précision, cette formatrice n’a pas participé à la formation, ce qui me semble faire défaut à sa motivation concernant l’utilisation de l’espace. L’envie est un concept plus difficile à appréhender, je me contenterai ici d’associer ce manque d’ « envie » à un manque certain de médiation dans l’introduction de l’outil. En effet, lors de son ouverture, si j’ai envoyé un mail avec un tutoriel pour expliquer pas à pas de quelle manière se connecter à l’espace, il semble que cette médiation n’ait pas été adaptée au terrain. L’idée émise par mon maître de stage d’organiser une réunion téléphonique aurait certainement eu un effet plus fédérateur et attractif.

La question de l’explication des objectifs abordée dans mon analyse théorique par France Henri a également, semble- t-il, fait défaut : « Il faut d’abord réfléchir à quel est l’objectif des échanges, que se soit dans le cadre de l’espace oudes réunions où les formateurs sont

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la question de la médiation ensembles. Il faut savoir pourquoi on échange et pourquoi on se voit » [Formatrice n°2, ligne 86]. Dans le cadre de la présentation générale de l’espace, l’objectif est, il est vrai, resté relativement abstrait : « mutualiser les connaissances ». Cependant, c’est durant la formation en présentiel que j’ai insisté sur cet aspect.

Pour aborder les effets de cette formation j’aborderai, dans un premier temps, les apports mesurés en termes d’utilisation pratique de l’espace. Sur ce point, une formatrice trouve l’espace : « Plus simple après la petite formation que tu nous as faite » [ligne 8]. Cependant, une autre rétorque : « Par rapport à l’utilisation de l’espace, je ne pense pas qu’elle a été un plus puisque je m’en servais déjà » [formatrice n°3, ligne 50]. On est alors en droit de se demander en quoi cette formation a donc été un plus, cette dernière ne s’exprimera pas davantage sur le sujet. D’autres propos font état d’effets sur les pratiques : «l’espace n’est pas encore très ancré dans nos pratiques professionnelles, donc je pense que de nous le présenter en groupe c’est quelque chose de très bien » [Formatrice n°4, ligne 15]. J’attire également particulièrement l’attention du lecteur sur l’emploi du terme « déclic » employé par une formatrice pour qualifier la formation : «Tout de suite après cette journée là, il a mis plusieurs messages, alors j’ai l’impression que ça a été un peu le déclic… Et moi aussi, c’est vrai que maintenant j’ai plus envie d’aller voir depuis la journée de formation, en plus j’ai peut être moins d’appréhension de répondre une fois qu’on s’est tous rencontrés » [Formatrice n°4, ligne 67].

Pour aborder la question de la médiation d’une manière générale, je soulignerai les propos de la responsable de formation qui est tout à fait d’accord avec l’idée d’une organisation de la production par le biais de la médiation : « Oui, je pense qu’elle est possible mais il faut se donner des règles et organiser la production. On peut par exemple se dire, ben voilà, chacun produit une séquence et cela pourrait, peut être, fonctionner » [RF ligne 110]. Cette proposition semble d’autant plus séduisante que mon interlocutrice, en professionnelle aguerrie, imagine déjà des situations concrètes : « Oui, organiser, par exemple, sur Dinan on récence, imaginons, il y a quatre prestations, on récence les secteurs et les bassins sur lesquels il y a telle ou telle prestation et puis on dit : ben voilà, Dinan construit telle demi-

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la question de la médiation journée, Fougère fait autre chose ; et puis on renvoie la chose sur l’espace » [RF Ligne 120]. C’est donc, à l’instar de la définition de Roger Mucchielli, d’une médiation qui coordonne l’organisation des productions qu’il est question ici.

Enfin la responsable formation aborde aussi l’importance du contrôle par le ou les médiateurs : « Moi je pense qu’aux yeux de tout le monde Yoann51 est resté le pilote de ce dispositif donc je pense que Yoann est le professionnel par rapport à ça puisqu’il a une connaissance du public et du dispositif [RF ligne 125] » ; « c’est Yoann qui resterait l’évaluateur final [RF ligne 132]».

4.2.2) Analyse des questionnaires Sur les analyses qui vont suivre je vais mesurer les effets de la formation afin de savoir si ce type de médiation est efficace.

En termes de maitrise de l’outil, il semble que cette initiation ait eu des effets positifs. En effet, trois personnes y ayant participé sur quatre disent d’une manière générale, qu’il ne faut pas beaucoup de connaissances en informatique pour maitriser l’outil.

En revanche pour les personnes qui n’ont pas bénéficié de la formation les résultats sont d’un autre ordre. Quatre personnes sur 7 estiment qu’il faut de bonnes connaissances en informatique pour maîtriser l’espace de collaboration. 51

Chef de projet handicompétence

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la question de la médiation

Mais c’est surtout en termes de représentation du but et de l’objectif de l’espace qu’une telle intervention semble utile. En effet, les formateurs absents à cette formation qui ont retourné le questionnaire ne considèrent pas tous l’espace comme un outil de collaboration.

Quand on demande cette fois aux participants de répondre à cette question, les 4 formateurs concernés répondent à l’unanimité que l’espace handicompétence est bien un outil de collaboration.

Je précise que je ne donne pas tort à certains non participants qui ont qualifié l’espace « d’outil de consultation », car, dans l’obsolu, si l’on s’attarde sur les concepts, l’espace comme je l’ai déjà démontré n’est pas à proprement parlé un outil de collaboration.

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la question de la médiation Cependant, je considère qu’il est important de le définir comme tel dans le sens où il doit tendre vers la collaboration. C’est en quelque sorte le « cap à suivre » ou l’objectif.

Le contraste entre les participants et les non participants, sur la question de la necessité de connaître les personnes dans le cadre d’un espace de collaboration est impressionnant. Six formateurs non-participants sur les 7 considèrent que c’est necessaire alors que seulement 1 personnes sur 4 est de cet avis parmi les participants à la formation. L’hypothèse que l’on peut formuler est et que la dynamique créée par la formation relègue la question de l’importance de la connaissance des autres formateurs au second plan. J’avoue cependant que ce résultat est difficile à analyser.

C’est enfin, sur l’appréhension de l’autre que la formation procure également des bénéfices. En effet, 3 formateurs participants sur 4 estiment qu’ils n’ont pas peur du jugement des autres alors que seul 2 sur 7 sont dans ce cas parmi les non-participants. Je soulignerai d’ailleurs que cette question de l’appréhension est étroitement liée a celle de la connaissance des autres formateurs abordée au paragraphe précédent.

C’est en ce sens qu’il me semble que ce type de réunion est bénéfique à la création d’une dynamique de groupe. Peut-être tout simplement parce qu’elle renforce les liens du groupe. Il est surprenant de constater, grâce à une étude de données croisées, les effets d’une simple réunion d’initiation à l’espace sur la maîtrise de l’outil, sur la définition des objectifs, sur l’appréhension à participer.

L’observation concrète du traffic et des activités confirme-t-elle cette constatation ?

4.3) Analyse de la médiation au regard du trafic et du contenu de l’espace L’analyse du trafic, en tant que tel, n’apporte pas d’élèments nouveaux à l’analyse. En revanche, le contenu et la provenance des messages est particulièrement révélateur des caractéristiques de l’espace. Les médiateurs de l’espace handicompétence, c'est-à-dire moi-même, et le chef de projet handicompétence, sont à l’origine de 11 messages sur 36. Julien MORICE – Université de Rennes 2 – MASTER 2 TEF

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la question de la médiation Presque un message sur 3 provient donc du ou des médiateurs. Il faut interroger le corpus théorique pour comprendre ce que cela signifie. Selon Elke Nissen [autonomie des groupes restreint], l’intervention des médiateurs doit être appelé énergie d’entretien. Force est de constater que le groupe handicompétence n’est pas encore autonome quant à l’utilisation de l’espace. L’auteur affirme en effet : « qu’un groupe autonome se passe le plus possible de l’aide du tuteur pour sa gestion, dans ce cas le tuteur peut se concentrer sur les aspects pédagogiques et cognitifs ». Cependant, je constate ,d’autres parts, que les messages émis par les médiateurs sont, pour la plupart d’ordre cognitif et relationnel. En effet, s’ils concernent souvent le domaine du handicap, ils ne sont que très peu relatifs à la gestion du groupe. Il me semble donc que le modeste fonctionnement de l’espace serait en partie, dû à un manque de médiation au niveau émotionnel, dans le sens de la notion d’énergie d’entretien de Elke Niessen. Finalement, le fonctionnement actuel peut être perçu comme positif puisque, malgré un manque significatif de médiation d’ordre organisationnel ou coordinatrice, l’espace fonctionne malgré tout.

Il est intéressant pour illustrer notre cas d’espèce de procéder à l’analyse des interactions selon la méthodologie empruntée à Verburgh et Mulder52. Les auteurs ont mis au point une grille d’analyse qui va me permettre essentiellement de qualifier les messages qui émanent des médiateurs, ou animateurs, de l’espace.

52

« Apprentissage coopératif assisté par ordinateur : une incitation à apprendre en profondeur ? » Formation professionnelle, n°26, 2002.

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la question de la médiation

Analyse de l’activité de médiation

Type message

Catégorisation

Nombre de messages émis

Réalisation de la tâche

Aspect cognitif

1

Aspect pragmatique

7

Affectivité

1

Gestion du groupe

Règlement de la vie du 0 groupe Méthode de travail

1

Ainsi, selon le tableau précédent, les interventions des médiateurs dans l’espace handicompétence étaient en grande majorité d’ordre pragmatique (ex : offre d’emploi pour personnes handicapés…). L’affectivité a été quasiment absente, sauf dans le cas d’encouragements pour une formatrice qui semblait avoir des difficultés à utiliser et à comprendre l’espace (voir message ci-dessous).

« Tout d'abord, merci d'avoir testé l'espace ... son ergonomie reste basic, mais il est simple d'utilisation (Julien a fait 2 tutoriaux accesssibles sur cet espace, ils sont très bien fait pour naviguer facilement). Enfin, en prenant l'habitude d'y aller de temps en temps et de partager nos questionnements et ressources, cet espace trouveras tout son sens, j'en suis sûr. Merci bien. Bonne continuation Yoann »

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Analyse de la problématique : Rapport d’analyse / la question de la médiation 4.4) Résumer de l’analyse de l’interaction

Type d’analyse

Constats des analyses

Théorique (apports scientifiques)

Le médiateur doit : Coordonner le groupe. Instaurer des relations bilatérales entre les participants. Prendre en compte la dimension sociale et affective. Définir les rôles et les objectifs de chacun.

Pratique ou de terrain (qualitatif, « quantitative »)

Demande des formateurs en médiation : Former à l’utilisation de l’espace. Générer de l’envie, de la motivation. Expliquer les objectifs. Organiser la production. Contrôler la production. Effet de la médiation sur la base de la formation en présentiel: Meilleure maîtrise de l’outil. Meilleure compréhension du but et des objectifs. Moins d’appréhensions. Connaissance des collègues. Effet sur la dynamique de groupe.

D’observation (trafic et production)

Peu « d’énergie d’entretien » générée par la médiation de l’espace. Peu d’interventions à caractère affectif. Beaucoup d’interventions à caractère pratique.

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Conclusion générale Il semble à présent que je dispose de suffisamment d’informations pour formuler la conclusion de ce mémoire. La question des espaces de collaboration est, comme je l’ai démontré, liée à celle de la dynamique des groupes et de la médiation. Il est essentiel de prendre ces trois dimensions en compte pour instaurer une mutualisation par la collaboration auprès des professionnels.

Notre hypothèse centrée sur la question de la dynamique de groupe et sur la médiation semble légitimée. J’affirme donc que la collaboration ne peut s’instaurer sans la pratique d’une médiation centrée, entre autre, sur la question de la dynamique des groupes. Cette médiation doit se traduire de différentes manières, par : -

La coordination du groupe.

-

L’instauration de relations entre les membres.

-

La prise en compte de la dimension sociale et affective.

-

L’organisation de la production.

-

Le contrôle de la production.

-

La formation à la maîtrise des outils.

Je souligne également l’importance de la nature même du groupe comme facteur facilitant ou contraignant l’instauration d’une dynamique de groupe et à la pratique de la collaboration. Sur ce point, comme je l’ai démontré, il est plus pertinent de s’appuyer sur des groupes restreints, plus à même de générer un sentiment d’appartenance et un désir de mutualiser les connaissances.

Concernant l’espace handicompétence je tiens à illustrer la démarche que je considère, après ce travail de réflexion, la plus

susceptible d’engendrer la mutualisation des

connaissances dans le dispositif handicompétence par le biais de la collaboration.

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Je proposerais ainsi au médiateur de s’appuyer sur les groupes de formateurs travaillant dans des établissements dont la direction est commune. En effet, ces groupes étant restreints, ils sont plus faciles à coordonner. Il faut organiser la production de matériaux pédagogiques en associant chacun des groupes (restreints) à la production d’un outil en particulier. En faisant travailler les formateurs non plus de manière individuelle mais en petits groupes, des effets positifs seront à attendre sur la question de l’appréhension, l’envie et

la

motivation d’une manière générale. La dynamique du groupe étendu handicompétence s’en verrait renforcée. Dans le même temps, les autres démarches de médiation, citées précédemment, viendraient consolider le travail accompli. Il faut agir en accord avec la définition de France Henri, qui considère la collaboration dans les espaces numériques comme : « une démarche en vue de la construction progressive de connaissances. Le formateur (ou médiateur) y joue un rôle facilitateur alors que le groupe y participe comme source d’information, comme agent de motivation, comme moyen d’entraide. La collaboration faisant couple avec la démarche de l’apprenant et celle du groupe ».

L’émergence des espaces de collaboration est une des caractéristiques de la société en réseau. Comme le souligne Claude Henri « l’enjeu des sciences sociales actuellement est de construire une réflexion sur une société largement instrumentée en réseaux ». J’espère avoir contribué, à ma manière, à cette réflexion en l’axant sur le thème des espaces de collaboration.

Le lecteur constatera de même que les problématiques centrales ne sont pas liées à la technique, comme on pourrait facilement le penser quand il s’agit d’étudier les technologies de l’information et de la communication. J’ai d’ailleurs, dans ce mémoire, peu abordé la question de l’outil lui-même que je considère secondaire. En revanche, à l’instar de Claude henry, je m’inscris bien dans une démarche d’analyse du social de la pratique technologique.

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Le champ de recherche sur la question des espaces de collaboration est encore restreint, la construction de nouveaux concepts nécessaires à la compréhension des pratiques de mutualisation via les espaces numériques me parait prégnante.

Les réflexions les plus pertinentes qui émanent des sciences de l’éducation ne sont-elles pas à même d’éclairer les recherches dans le domaine de la mutualisation par la collaboration ? Il se pourrait bien, par exemple, que ce soit dans l’action même, au sens des constructivistes puis des socioconstructivistes, que peut s’instaurer des habitudes d’usages et une intégration des technologies de l’information et de la communication dans les entreprises. Si l’on s’intéresse à l’instauration d’un processus de collaboration qui s’appuierai sur la pratique et l’action, ne peut-on pas se permettre de formuler un nouveau concept, celui de collaboraction ?

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Bibliographie OUVRAGES DIVERS : Anzieu, D & Martin, J.-Y (1968), La dynamique des groupes restreints. Paris : PUF, 1986 Aubry, J.M. (1964), Dynamique de groupe. Auger, M. (1992), non – lieux : Introduction à une anthropologie de la Surmodernité, édition le Seuil. Bales, R. (1950), Interaction process analysis, Cambridge, Mass. Bardin, L. (1998), L’analyse de contenu, Paris, Presses Universitaires de France. Bernard, M. (1999), penser la mise à distance en formation, Paris : l’harmattan. Bion, W. (1976), Recherches sur les petits groupes, PUF Breton P. (1997), Utopie de la communication, Paris, ED. La découverte. Castells M. (1992), la société en réseaux, Fayard. Henri, F & Lundgren-Cayrol, K. (1998), apprentissage collaboratif et nouvelles technologies. Centre de recherche LICEF : bureau des technologies d’apprentissage. Lewin, K. (1959), Psychologie dynamique : les relations humaines. Linard, M. (2003), Autoformation, éthique et technologies : enjeux et paradoxes de l’autonomie. Linard, M. (1996), Des machines et des hommes, Apprendre avec les nouvelles technologies, Paris, Ed. Moreno, J.L. (1969), les fondements de la sociométrie, PUF Mucchielli, R. (1967), La dynamique des groupes, ESF Norman, D. (1988), Psychology of everyday things

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Pagès, M. (1968), la vie affective des groupes, Dunod. Perriault, J. (1989), la logique de l’usage, essaie sur les machines à communiquer, Paris, Ed Plantard P. (2002), Harmony : les technologies éducatives au service de l’insertion. Prévost H. (1992), L’individualisation de la formation, autonomie et/ou socialisation, Lyon, Chroniques sociales. Quivy, R & Campenhoudt, L. (1995), Manuel de recherche en science sociale. Sartre, J.P. (1944), Huit clos, Gallimard. Tessier G. (1993), Pratique de recherche en science de l’éducation.

REVUES ET ARTICLES DE PRESSE : Aumont, B. (2000). « Apprendre : une histoire de croisement conceptuels » Education permanente, n°144, p.89-97. Belanger, P. « Avec la collaboration, vers une pédagogie de l’hyper-savoir ? » Education à distance, vol 12 n°1 et 2 p.29-48. Chapelain, B. (2000). « Enseignement à distance et enseignement en présence » Education permanente, n°144, p.132-140. Grosjean, S (2006). « La dynamique de la relation tutorale : du lien social en construction » Education permanente n°169, p. 89-105. Nissen, E. (2005). « Autonomie du groupe restreint et performance ». Apprentissage des langues et systèmes d’information et de communication (ALSIC), vol.8, n°1. Rodet, J. (2002), « la coopération et la collaboration en pédagogie, un modèle pour l’action politique ? » Sire, S &Chatty, S. (1997), « vers des interfaces à collaboration directe pour le travail de groupe ». @CENA. Verburgh, A & Mulder, M. (2002), « apprentissage coopératif assisté par ordinateur : une incitation à apprendre en profondeur ? ». Formation professionnelle, n°26.

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Haeuw, F & Garnier, B. (2006) : « Mutualiser est-il un pari impossible ? », Algora.

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Julien Morice

Enseignants :

Master 2 TEF

Pascal Plantard N° d’étudiant : 20504026

Jean-Luc Rinaudo



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