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BREGUET
En voici la raison : les montres modernes sont presque entièrement fabriquées à la machine. Une machine s'use, comme toute autre chose. E n conséquence, les pièces établies à l'aide d'une machine ne restent semblables que pendant un certain temps, mais au début la variation est si minime qu'il est pratiquement impossible de la corriger. Dans une fabrique, quelques machines sont plus souvent employées que d'autres, d'où usure non uniforme. D'autre part, elles ne restent pas toutes indéfiniment neuves, bien qu'elles l'aient peut-être été à l'ouverture de l'établissement. Il s'ensuit que les pièces de montres produites finissent nécessairement par n'être plus identiques en grandeur, quoique cette différence soit à peine sensible. Si l'on démonte une montre constituée par des pièces de cette sorte, on ne pourra jamais assembler de nouveau celles-ci exactement comme elles étaient auparavant; ce sont précisément ces écarts infimes qui sont la source du mauvais fonctionnement et donnent lieu à la remarque ci-dessus. Par contre, la grandeur des pièces d'une belle montre faite à la main, est ajustée à mesure que l'ouvrage progresse, ce qui fait qu'on peut les démonter, puis les monter à nouveau d'une façon impeccable. Un bon horloger doit posséder un tempérament tout spécial. Ea vue doit être excellente, sa main sûre, sa patience sans bornes. Outre ces qualités, il doit faire preuve de décision dans l'exécution de son travail; enfin, être calme et ingénieux. Quelques nations semblent à ce sujet être mieux douées que d'autres : c'est ainsi que les Suisses paraissent s'adapter tout particulièrement bien à cette industrie spéciale. De nos jours toute navigation serait 'impossible sans, un chronomètre de précision, et il y a environ deux siècles les horlogers étaient encouragés par l'Etat à diriger leurs efforts vers la précision; il en allait de même dans les pays étrangers. Dans ces siècles passés, les horlogers étaient tenus en haute estime, tellement, que Tompion et Graham furent enterrés à Westminster Abbey. Même au temps de Breguet, le métier était encore fort estimé. Depuis cette période, le public a témoigné de moins en moins d'intérêt pour l'horlogerie. E t aujourd'hui personne ne s'occupe plus de cet art, d'un caractère pourtant si vital et utile pour la vie journalière. C'est d'ailleurs fort regrettable, attendu que nombre de perfectionnements possibles ne donnent
FUNDACIÔN JUANELO TURRIAN»