Les Clones du Portail

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Série du Portail (Tome 3)

Les Clones du Portail

Œuvre dédiée à tous ceux qui rêvent de concevoir et de préparer un monde paisible pour leurs descendants.

Ovni, dit Bro Novembre 2007 3


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Préface Ce tome est le troisième de la série du Portail. Pour ne pas dérouter le lecteur, il est indispensable de résumer les péripéties de l’équipe de six scientifiques TOPLA, qui ont décidé de défrayer la chronique en réalisant sur eux-mêmes des séries d’expériences mettant leurs vies en jeu, bien installés dans un laboratoire ultrasecret (TOPLAB) situé dans un ancien monastère sacré de l’Himalaya. Se plaçant volontairement en état de coma artificiel de courte durée, ils ont ainsi découvert que chaque personne possède un double cerveau, si l’on peut dire, le cerveau biologique très limité que tout le monde connaît, plus une sorte de cerveau de taille subatomique, qui est utilisée comme mémoire globale personnelle et qui gère ce qu’on appelle communément la conscience individuelle. Ils ont appelé ce dernier la « bulle » individuelle, accessible via le Portail, un point très précisément localisé dans le cerveau biologique. Au cours de chaque coma provoqué, ils ont pu « visiter » les bulles d’autres êtres, vivants ou morts, et communiquer avec eux par une forme de télépathie. Ils ont aussi pu contacter une équipe de douze explorateurs de la planète Mira, dont les bulles avaient échoué sur Terre, et ils s’en sont fait des amis, en particulier un couple de Scimuts qui a décidé de rester sur Terre pour les aider, car leur expérience dans le domaine des mutations génétiques était très grande. Par l’intermédiaire de l’ONU, plusieurs gouvernements terrestres accordèrent à TOPLA l’autorisation de faire des expériences de mutation sur l’homme, pour diminuer la taille des humains à naître. L’objectif était que le poids et les besoins énergétiques devaient être réduits dans un rapport d’au moins cent, pour assurer la pérennité de l’espèce, sur une Terre où les ressources étaient de plus en plus rares et coûteuses. Trois couples d’adolescents volontaires participent à ce programme sur l’ancienne île française d’Amsterdam, Nova.

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L’objectif initial des colombes du Portail était en bonne voie de résolution, mais les membres de TOPLA avançaient tous en âge, et la réflexion commune tournait, de plus en plus souvent, autour de la mort et du futur inconnu qui l’accompagnait. Ces réflexions de groupe sur la mort s’étaient concentrées sur les expériences de NDE (Near Death Experiment), appelées EMI en français (Expérience de Mort Imminente). J’irais presque jusqu’à affirmer que le fait même que des EMI puissent revenir pour nous expliquer tout cela est « voulu », pour indiquer en quelque sorte dans quelle direction il faut chercher pour augmenter nos connaissances, et aussi pour faire sauter les verrous des trop nombreux tabous religieux. Mais pourquoi tout cela finalement, sinon pour tester la capacité d’une race vivante comme la nôtre à évoluer suffisamment pour accéder à la connaissance « ultime ». Cependant, « ultime » est sûrement un terme trop définitif, car il y a vraisemblablement plusieurs étapes à franchir, au-delà du tunnel. Je me propose alors pour faire l’expérience de la mort réelle, quitte à mettre définitivement ma vie en jeu, mais à condition que mon corps soit conservé au froid pour me donner une toute petite chance de revenir si ça m’était possible. Nota : Il est fortement recommandé de lire le Tome 2. « Un Portail plus loin » car il décrit l’univers des limbes, et un résumé ici est presque impossible à réaliser, tant cet univers est complexe et tellement nouveau pour le lecteur qui ne l’a pas encore visité !

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Sommaire QUE S’EST-IL PASSE ?

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LA VERITE SORT DU PUITS.

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DEFORMATION DES TRAMES

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INTERCONNECTER LES DEUX JUMEAUX ?

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LES AMES VIERGES.

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ON AVANCE, ON AVANCE…

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SURCHARGE DE TRAVAIL A TOPLAB.

43

ON APPROCHE DU BUT.

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STANFORD UNIVERSITY

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TERA ET MARINA

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DEUX SEMAINES PLUS TARD…

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EXPEDITION ANDINE.

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LA POUDRE DU BONHEUR.

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LES NARCOTRAFIQUANTS.

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LA MENACE.

86

LA CUEILLETTE DU FRUIT DEFENDU.

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ALERTE GENERALE.

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FIN PROVISOIRE DU TOME 3

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OVNI, DIT BRO

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Que s’est-il passé ? Jamais de ma vie, je n’avais eu un réveil aussi pénible. Non, pénible n’est pas le bon terme. Il s’agit d’un réveil contrasté, car je suis en même temps heureux et complètement perturbé mentalement. Perturbé, car je suis encore tellement imbibé par mon expérience récente, qui ne s’efface pas du tout, ou si lentement. Cette aventure a été composée de tant d’évènements nouveaux et complexes à la fois qu’elle a bien des difficultés à prendre place dans mon pauvre cerveau biologique, qui avale tout cela lentement, lentement, comme pour mieux s’imprégner de toutes ces nouveautés qui lui paraissent étranges (étrangères ?!). En même temps, mes organes biologiques, la vision, l’ouïe, le toucher reprennent du service et tous leurs influx nerveux ont de la peine à prendre le dessus sur l’occupation de téléchargement qui se déroule en parallèle dans mon cerveau. Tout cela entraîne un sentiment de confusion, je suis déjà là, mais j’ai encore un pied de l’autre côté. Progressivement, les sens physiques se mettent enfin à fonctionner en temps réel, sans décalage temporel entre l’influx nerveux des sens et ma perception, et il va bientôt m’être possible de participer à la fête que mes amis sont en train d’organiser, pour mon retour parmi eux. Je me demande comment ils peuvent être aussi dynamiques, car moi, ce n’est pas mon cas, et s’ils continuent à gesticuler et courir, je vais finir par vomir un « quatre heures » que je n’ai d’ailleurs pas mangé ! Je préfère fermer les yeux, simulant un repos réparateur, mais c’est pour mieux réfléchir, car si mes dernières minutes là-haut étaient effacées par le créateur, je ne m’en souviendrais plus du tout, mieux vaut les ancrer définitivement en version bio. J’étais donc revenu de mon escapade dans le réseau des deux « enfants », j’y avais fait enclencher une alarme « Défaut de parallélisme » pour vingt heures, le lendemain. JusteBlanc avait réglé favorablement le cas de SoukRose, et nous étions partis nous reposer suite à cette mission particulièrement fatigante.

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Et puis, sans transition, je me retrouve sur Terre, dans mon enveloppe biologique, ne sachant pas ce qui est arrivé réellement. Bien entendu, je suis ravi de constater que notre système de survie a bien joué son rôle, mais il y a un trou, un manque, une lacune majeure, pourquoi suis-je de retour, contre ma volonté initiale, puisque je n’avais rien demandé à mon ami Gaël. L’alarme se serait-elle déclenchée par avance, le créateur auraitil fait une visite à ses « enfants », la première depuis des milliards d’années ? C’est cependant bien la seule explication possible, c’est le créateur qui m’a rapatrié sur Terre, ou qui a donné l’ordre de le faire à mes amis gardiens, maîtres gardiens et les trois Sages réunis en assemblée à ce moment-là. Je vais donc faire cette hypothèse, de manière à libérer mon esprit, dont je constate depuis mon retour qu’il fonctionne beaucoup moins rapidement que là-haut, malheureusement. Allez, je me dois de me montrer sous un jour avenant à mes amis d’ici. J’ouvre tout grand les yeux et je lance : — Me revoilà, grosses bises à tous ! — Laissez le respirer, s’il vous plaît, vous me l’étouffez, crie Angéla. — Ouf, merci à tous, vous ne pouvez imaginer le plaisir que j’ai à vous retrouver. — Te sens-tu bien, veux-tu quelque chose qui te ferait plaisir, à boire, à manger ? — Un grand verre d’eau, oui, car j’ai la langue pâteuse et engourdie. — Pas étonnant, quand on est resté muet pendant si longtemps ! — Mais je n’ai pas cessé de discuter, que croyez-vous donc ? — Bien sûr, mais tu as encore tout à nous raconter, quand tu te sentiras en forme suffisante. — Dans quelques heures, si vous le voulez bien, ça me permettra de me remettre au diapason de l’univers matériel. Mais vous pouvez me donner des nouvelles, si vous en avez. — Assieds-toi confortablement, mais aidez-moi, bon Dieu, je n’arrive pas à lui passer un édredon derrière le dos ! 8


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— Oui, nous avons une nouvelle, car Albert s’est manifesté pour savoir comment ça se passait ici-bas. Il a bien assimilé la manipulation de tes « yeux », ceux qui sont restés là-haut, et il souhaite te parler dès que tu le voudras. — Bien sûr, mon vieux camarade ébouriffé d’Albert, dans vingt minutes, le temps de faire une toilette, assisté par Angéla. Laissez-lui un message en fixant une heure de contact, avec un compteur à rebours visible sur l’écran, il comprendra et se préparera. — On s’éclipse un quart d’heure, et l’on revient te chercher avec le fauteuil roulant. — D’accord, et laissez entrer Boni et Nina, pour que je retrouve ces deux coquins de bonobos, car je suis anxieux de vérifier qu’ils ne m’ont pas remplacé dans leur petit coeur, au bout de tout ce temps d’absence. La toilette n’est pas aisée, car nos deux petits animaux n’arrêtent pas de bousculer la bassine d’eau, mais c’est tellement réconfortant de les sentir si joyeux. Angéla me passe une tenue de pyjama de couleur verte, bizarre, mais comme c’est la couleur de l’espoir, alors, va pour l’espoir ! Direction le laboratoire, en fauteuil, comme un prince tombé du ciel, et prise de contact avec Albert qui est en train de pianoter un petit air guilleret de musique autrichienne en fichier midi, pour m’accueillir dignement. — Bonjour, Albert, tout va bien, sauf que je ne sais pas ce qui m’est arrivé. — Heureux de vous retrouver sur pied, je n’ai pas cette chance puisque j’ai perdu les miens. L’histoire est simple, selon Gaël et Jésus qui nous ont informés. Pendant que vous étiez tous assoupis pour récupérer, JusteBlanc a été réveillé par un appel mental urgent, puis il s’est mis à l’écart avec DocBleu et Soukrose pour discuter. Comme l’appel du créateur réclamait une sanction contre vous, Ovni, ils n’ont pas osé s’y opposer, et ils ont délicatement refilé le bébé à Gaël et Jésus. Il était requis qu’Ovni soit redescendu sur Terre, dans son enveloppe, puisqu’il avait tout prévu pour y retourner un jour, et qu’il fallait que ce soit fait en urgence. Gaël et Jésus ont bien sûr discuté en demandant la raison de cette expatriation hors de l’univers, mais JusteBlanc a simplement 9


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répondu que c’était Ovni ou lui-même qui devait payer, suite à l’intrusion dans le système, et que lui avait encore un rôle important à jouer ici, en haut. Il a ajouté qu’il fallait laisser passer la tempête, et qu’on verrait plus tard, en fonction des évènements, car, ajouta-t-il, les deux « enfants » étaient maintenant en service actif. En fonction des interventions du système du créateur sur l’univers double, on décidera si Ovni peut revenir ou non. Voilà, je n’en sais pas plus. Ah… si, autre chose, Gaël m’a appris que ma demande de création d’universités dans les limbes était acceptée, ce qui m’a fait un grand plaisir, bien évidemment. Ce plaisir n’a pourtant pas annihilé mes soucis vous concernant, mais me voilà à présent pleinement rassuré. — Bon, je comprends, ça correspond à ce que j’avais imaginé. J’espère que tout le monde là-haut reste libre de ses mouvements, et que l’affaire s’arrête là ! — Oui, la vie continue, comme on dit ici haut, par habitude. — Je vais faire le point de la situation avec TOPLA, nous allons essayer de trouver des éléments nouveaux qui pourraient caractériser des actions du Système (appelons-le comme cela, ce fameux système double). — Ah, je vous arrête, car j’ai oublié de vous signaler que le créateur a effectivement terminé l’installation du troisième sousréseau, et que maintenant ce que nous appellerons le Système est en fait un système triple à logique majoritaire, donc a priori immunisé contre les défaillances. — Pendant mon absence, Albert, pouvez-vous lancer votre équipe sur un programme systématique de surveillance généralisée des « anomalies » dans votre univers, de la même façon que celui que nous allons installer sur Terre ? — Bien sûr, et comme j’avais repris contact avec tous les scientifiques ici, pour leur annoncer la création du programme universitaire, je leur demanderai en attendant de participer à cette veille particulière : nous commencerons par une surveillance générale du réseau d’informations de la trame spécialisée des digitons. 10


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— À propos de digitons, comme nous sommes, pour le moment, dans l’incapacité de les étudier physiquement sur Terre, du fait de leur fugacité « génétique », pourriez-vous essayer d’en savoir plus, voire de nous proposer des expérimentations matérielles réalistes pour mieux cerner cette nouvelle particule si spéciale ? — Je vais sûrement commencer par demander d’abord à nos amis gardiens s’ils en savent plus. — Bien, alors je vous souhaite bonne chance, et j’espère que toute cette charge de travail vous va bien au teint. — Bien sûr, ça me rajeunit d’un demi-siècle, tout ce mouvement. Au revoir, Ovni. Une petite ballade à l’extérieur me fit beaucoup de bien : sentir le léger vent frais sur mes joues, jouer avec Lapinou, Casimir, Boni et Nina, fumer une cigarette (tiens, ça faisait longtemps), marcher lentement avec mon bras sur les épaules d’Angéla, croquer dans un sandwich au jambon fumé avec du beurre, tout cela participe au processus de reconstitution d’un homme ordinaire, qui se satisfait des petits bonheurs simples, et pas snob pour deux sous.

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La vérité sort du puits. Après avoir pris un bain revigorant pour un corps encore engourdi par une immobilité prolongée, je me suis rasé de près, et j’ai rejoint l’équipe, affairée devant les écrans du labo. Je m’informe de l’avancement des différents programmes en cours, puis je contacte Aloa à l’ONU qui me donne les dernières nouvelles de Nova, de Svetlana, de Nico et des adolescents dont la maturité fait plaisir à voir, paraît-il. Je sais pertinemment que mes amis souhaiteraient m’écouter raconter les différentes péripéties de mon parcours dans les limbes, mais je sais également qu’ils restent discrets pour me permettre de décider moi-même du moment opportun, ce dont je leur sais gré. J’annonce que je me sens en forme suffisante pour ouvrir le bal des informations en groupe. Dalaï-Lama vient d’arriver, prévenu par Labo, il va pouvoir en profiter, car s’il est un sujet qui l’intéresse au plus haut point, c’est bien celui-là. Confortablement installé dans nos fauteuils gonflables (tiens, j’avais même oublié le sens du mot confort, car c’est un mot inconnu là-haut, où l’on ne peut avoir ce genre de perception strictement sensorielle), je me lance, et je résume le voyage en deux heures de monologue, insistant sur les points majeurs. Puis j’ouvre la discussion et les questions : — Si vous avez des questions spécifiques, c’est le moment de les poser, car ensuite, on passera peut-être à la définition d’objectifs nouveaux, suite à ces événements exceptionnels. — J’ai évidemment des questions très liées à la structure de cet espace multidimensionnel que tu as découvert, je dirais presque cet espace dans lequel tu t’es promené avec une aisance déconcertante pour nous, pauvres êtres matériels, dit Tera. — Bien sûr, Tera, mais, si tu le veux bien, on va réserver ces questions pour la fin, car c’est justement à ce sujet que je souhaiterais définir un programme de recherches très particulier. — Parfait, je vais attendre ce moment avec intérêt. 12


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— Dalaï-Lama, je vous devine en train de trépigner intérieurement, et c’est nouveau, car vous ne nous avez pas habitués à ce genre de gymnastique jusqu’à présent. — Oui, Ovni, j’ai quelques questions très générales qui concernent l’ensemble des religions terrestres, et quelques-unes qui concernent le bouddhisme. Si vous pouvez organiser une réunion via le tunnel informatique et les hologrammes, je souhaiterais pouvoir discuter avec les pontifes et autres gros calibres des religions terrestres décédés, pour qu’ils donnent leur point de vue sur la situation, maintenant qu’ils sont informés pleinement. — Bien sûr, je ne pense pas qu’ils refuseraient, car ils se réunissent parfois dans le Temple Sacré, juste autour de nous, et en ce moment même, peut-être. — Mais, auparavant, quel est votre sentiment personnel ? — Je n’ai rien découvert qui me choque vraiment. Vous me connaissez tous très bien, et vous saviez déjà que mes positions visà-vis des religions terrestres sont surtout critiques des unes et des autres, les plus importantes parmi les non-Asiatiques ayant carrément oublié leurs valeurs originelles ou les ayant noyées sous l’hypocrisie habituelle des pouvoirs temporels confortablement installés. J’ai cependant été favorablement impressionné par les deux critères qui comptent là-haut : L’amour des autres, sans restriction, par opposition à l’égoïsme, l’égocentrisme, la misogynie, la misanthropie, l’homophobie, et toutes les formes de destruction volontaire des animaux. La recherche de la connaissance, facilitée par le fait que toutes les informations y sont accessibles aisément, pour libérer les êtres frustes de la contrainte imposée par la désinformation quasi systématique pratiquée par les personnalités haut placées des régimes civils ou militaires, des partis politiques et des syndicats, ou encore des religions terrestres et des chamans de tout poil, sans oublier les médias en tout genre. — Apparemment, dit Angéla, ces deux critères uniques résument l’ensemble des règles originelles de la chrétienté, les dix 13


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commandements et aussi les saines règles du Coran. Qu’en pensezvous, Dalaï-Lama ? — Vous avez raison, il y a dans ces deux règles simples, auxquelles chaque être devrait se référer avant d’agir, une volonté de simplification, et deux règles seulement, c’est plus facile à retenir que dix ou vingt. Cependant, la première est la plus évidente, car elle simplifie tout, et on la respecte ou on la trahit, en toute connaissance de cause ou « inconsciemment » (à l’insu de son plein gré, une formule amusante qui signifie en fait que ce n’est pas si inconscient que cela). Elle est, en même temps, simple, mais également contraignante à la fois, elle n’autorise aucune interprétation, elle n’offre pas d’espace individuel, elle s’impose, point final ! Quant à la seconde, elle permet plus de liberté individuelle, car, finalement, il n’y a pas d’examen à passer, c’est juste une indication qui recommande de concentrer ses recherches personnelles sur l’avenir, et pas particulièrement sur le passé. Certains se complaisent dans l’étude du passé, deviennent érudits, mais inutiles, car la connaissance des erreurs passées n’a d’utilité que si l’on est tourné vers l’avenir pour ne pas les reproduire. J’y vois également un axe de recherche global pour mieux comprendre ces univers qui nous hébergent temporairement, et le but ultime de l’entreprise. J’ajouterai que ce qu’Ovni nous a raconté concernant le créateur et ses trois ordinateurs de contrôle me gêne beaucoup. Tout cela me semble irréel, un peu comme si nous étions des marionnettes, ou plutôt des cobayes en cage, une grande cage, certes, mais une cage. Qu’en pensez-vous, Ovni ? — Je vois tout cela un peu différemment, car la cage est très grande, trop grande même, si l’on parle de l’univers matériel. En effet, nous restons libres géographiquement de nous promener partout ou presque, il n’y a donc pas de barrières matérielles. Sur un autre plan, la liberté intellectuelle est totale, laissée à la libre décision des êtres humains, et seules les règles et lois du domaine temporel s’imposent à nous, sous une forme théoriquement contraignante, mais pas systématiquement appliquée cependant. Je ne parle évidemment pas des régimes totalitaires ou des sectes pseudo religieuses, car il reste au moins cela comme barrières à éradiquer pour l’homme de bien, comme on dit.

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Par contre, dans les limbes, les objectifs sont clairement définis, et l’âme qui y arrive ne peut pas se plaindre de ne pas avoir été prévenue individuellement de ces deux règles simples. L’aide et l’assistance des gardiens y sont gratuites, permanentes, « professionnelles », et elles précisent à chaque occasion la meilleure manière d’avancer le long de l’axe de ces deux règles, sans trop dévier du but final. Il faut vraiment être de mauvaise foi pour les renier, par bravade, ou simplement pour passer le temps. Les pénalités ne sont pas douloureuses, la règle générale étant le pardon associé à une formation complémentaire, sauf cas très exceptionnel. Il faut noter que ceux que l’on appelle les fous sur Terre, les psychopathes, etc. se retrouvent sains d’esprit dans les limbes, puisque la biologie n’y règne plus, éliminant ainsi les risques des lacunes génétiques liés aux mutations « ratées », ou les ravages des drogues de toute nature, tels l’alcool ou les excitants bien connus. Chacun a le même niveau potentiellement atteignable, même s’il commence au stade de bambin s’il s’agit d’un bambin, sachant qu’il aura beaucoup de temps libre à disposition pour se parfaire dans les deux domaines clés et qu’il ne sera pas contraint par les contingences de la vie matérielle sur Terre, par exemple. Concernant le créateur, nous pouvons constater qu’il a besoin de trois ordinateurs ultrapuissants, mais apparemment de nature matérielle, pour analyser et éventuellement contrôler ce qui se passe dans les deux univers jumeaux, ce qui ne fait pas de lui un être omniscient et omnipotent complet. Il a besoin de systèmes matériels sophistiqués pour analyser et lancer ses ordres, peut-être même en at-il besoin pour l’aider à décider, car les situations peuvent être extrêmement complexes. Ce créateur, que nous n’avons pas encore rencontré, ressemble étrangement à un esprit de niveau supérieur au nôtre, certes, mais qui communique avec son double univers expérimental via des organes matériels, relativement classiques et qui peuvent tomber en panne de surcroît, ce qui permet de les supposer vulnérables, comme n’importe quel organe matériel, aussi sophistiqué soit-il ! Je ne peux imaginer pour l’instant un moyen de rencontrer « physiquement » le créateur, mais j’imagine assez bien ce que 15


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pourrait nous apporter l’un ou l’autre de ses systèmes automatiques de surveillance, ça c’est sûr. Pour le moment, je ne suis pas vraiment effrayé de me retrouver dans cette situation bizarre, qui ressemble à s’y méprendre à la situation des groupes de grands singes que l’on étudie en laboratoire spécialement équipé pour leur confort, voire en les laissant en liberté dans de grandes zones forestières en Afrique, étroitement surveillés par des ordinateurs et des caméras pour tout noter, comprendre, etc. On s’est ainsi aperçu qu’ils utilisaient très rapidement des outils humains, laissés volontairement à l’abandon et à leur disposition, pour se faciliter la vie, et qu’ils paradaient devant les caméras, ayant compris que leurs congénères les voyaient sur l’écran. À noter que les humains font exactement de même, quand ils assistent à un match dans un stade équipé d’un grand écran, ils sautent de joie en gesticulant en tous sens. Nous sommes en face de CELA, et CELA est l’inconnu qui a créé le stade et ses équipements spécifiques, pour terminer par la mise en place des équipes sportives et des spectateurs. Il a suggéré simplement les deux règles du jeu, à nous de jouer, ou simplement d’assister au spectacle. La seule difficulté, pour nous tous, c’est de nous mettre d’accord sur le jeu effectif que nous allons réellement jouer, ou regarder. Tant que les règles ne sont pas suffisamment communes et acceptées par une grande majorité, plusieurs types de jeu sont pratiqués, respectant plus ou moins les deux règles imposées, au grand dam des spectateurs ordinaires et du créateur lui-même, qui finit par se désintéresser apparemment du spectacle, tant qu’il sera aussi confus. CELA fait peut-être un test sur un système autoadaptable qui aurait pour tâche unique de se sortir lui-même d’un labyrinthe complexe, où le chaos règne à chaque tournant de galerie, puis se complique encore à chaque étage du labyrinthe, la seule chose connue dans cette quête étant que la sortie est tout en haut, au dernier étage, là où CELA donne une récompense ! CELA a même prévu que l’on peut tomber dans des trappes dissimulées, des pièges, où l’on redescend de plusieurs étages, avec encore plus de handicaps dus à cette chute malencontreuse. CELA a donc construit un immense jeu de rôle massivement multi joueurs, et il attend benoîtement que quelqu’un tape à sa porte, 16


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au tout dernier étage, confiant dans l’intelligence artificielle qu’il a placée dans ses trois super ordinateurs. Et si nous passions à la définition du programme futur, le nôtre, bien sûr.

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Déformation des trames Je m’assure qu’Albert est en train de nous regarder via les écrans de PC qui relaient les différentes caméras du laboratoire. — Albert, je vois votre hologramme, êtes-vous avec vos amis ? — Oui, nous sommes une dizaine autour des écrans. Je vais vous faire un point de la situation, si vous le voulez bien. Nous avons mis en place une surveillance généralisée des anomalies du réseau, mais n’avons rien détecté d’anormal pour le moment, sûrement parce que nous ne savons où chercher plus précisément. — Nous allons essayer d’affiner ce programme de recherche systématique ensemble. Avez-vous eu des nouvelles de nos amis gardiens ? — Oui, Gaël est présent avec Gabriel. Voulez-vous qu’ils vous expliquent ce qu’ils ont trouvé ? — Bien sûr, bonjour Gabriel, bonjour Gaël ! — Nous sommes contents de vous revoir en si bonne forme. Vous au moins, vous avez une fameuse constitution pour vous remettre si rapidement de la mort ! — Rien d’anormal ou de miraculeux, j’avais tout prévu, n’est-il pas vrai ? — Exact, rien que du très classique en somme ? — Alors, ces digitons, ce réseau, comment en tirer quelque chose de plus que ce que nous savons déjà faire ? — Nous avons eu l’occasion de rediscuter avec les trois Sages, et ils nous ont fait part de leur décision de nous en dire plus, un peu comme s’ils voulaient s’excuser d’avoir été si durs avec vous. Ils ont parfaitement saisi que parfois, il faut remettre en cause les décisions de la hiérarchie, ne serait-ce que pour respecter les règles qu’elle vous impose, c’est-à-dire, l’amour des autres et la justice. Ils ne craignent pas trop des sanctions, car CELA leur a répondu assez gentiment quand ils l’ont questionné récemment, pour en savoir plus sur les digitons et le réseau. Si CELA avait voulu garder le secret, il ne tenait qu’à lui de ne rien leur dire, mais il l’a fait, 18


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donc, croisons les doigts, vous savez, les doigts qu’ils n’ont plus vraiment. — Ça me rassure, à moins que ce ne soit un test de fidélité ? — Non, car il a clairement ajouté à la fin qu’il avait tellement mis de protections sur le Système qu’il ne craignait absolument pas que nous puissions réellement utiliser ce qu’il venait de nous confier. — Parfait, mais vous avez pris un risque sérieux en questionnant CELA aussi directement. — Oh, vous savez, il peut accéder à toutes nos pensées, donc il est rassuré, en principe, mais je pense qu’il est tellement sûr du Système qu’il ne nous espionnera même pas. — Vous avez raison, les joueurs invétérés comme lui adorent se faire peur, ça met un peu de piment dans le jeu. On a vu des coups de bluff incroyables dans certaines parties de poker, et CELA doit aimer ce genre de situations. — Une telle assurance correspondrait-elle à une piètre opinion des capacités intellectuelles de ses personnages, dans ce jeu ? — Je ne le pense pas, mais tout ceci reste du domaine des supputations stériles. Alors, qu’avez-vous appris de neuf ? — Il nous a expliqué que la trame où circulent les digitons était physiquement très proche de la trame de l’espace-temps. Elle est tridimensionnelle également, mais on ne peut pas parler de cubes de digitons, comme on le fait pour les cubes de Planck. Seuls les sommets de cette trame des digitons sont utiles, pas le contenu du cube géométrique correspondant. Chaque sommet considéré individuellement est « connecté » au centre d’un cube de Planck auquel il est affecté. Il y a ainsi un décalage entre les deux trames d’une demi-longueur de Planck sur chacun des axes géométriques x y et z. Ce décalage s’explique par le fait que c’est bien au centre de chaque cube de Planck que toutes les informations du passé de ce cube sont stockées. Vous nous aviez dit que les informations sont vraisemblablement enregistrées en série sur une longue ficelle qui se déroule linéairement et qui « pend », selon votre amusante image. 19


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La réalité est un peu différente, mais le principe reste le même : en fait, le volume intérieur du cube de Planck contient toute l’information du passé, stockée sous la forme d’une mémoire de masse de forme sphérique, ainsi qu’une sorte de modulateur démodulateur qui gère les informations pour les stocker au bon emplacement sur la sphère, et qui répond aux demandes externes en émettant une copie « digitons » de l’information requise, lorsqu’il l’a extraite de la sphère. — Tiens, ça me rappelle quelque chose, dis-je en clignant de l’œil gauche vers mes amis, qui ne comprirent pas très bien ce que je voulais leur suggérer. — Bingo, Ovni ! Effectivement, CELA nous a déclaré à ce moment-là qu’il avait scruté Ovni précédemment, et qu’il avait découvert qu’Ovni avait déjà vu quelque chose de bizarre et qui devait ressembler à ça. Nous n’avons pas compris non plus, sur le moment. Il nous a alors rappelé votre premier voyage en coma artificiel, et le descriptif que vous aviez fait à votre retour, cette sphère d’apparence spongieuse, et cette chose brillante au milieu de cette sphère, etc. — C’est ce à quoi je pensais : il est vraiment futé, CELA ! — Il a ajouté que cette structure même de mémoire semiintelligente et distribuée a été recopiée dans l’univers matériel, pour constituer les bulles, mais que les composants utilisés sont, malheureusement, nettement moins performants que ceux du cube de Planck. Il a même employé un terme plus susceptible d’être compris de nous, en disant qu’il s’agissait là d’un système d’intelligence répartie jusqu’au niveau le plus bas, ce qui limitait la charge de travail sur le réseau global, puisque les informations ne sont véhiculées sur le réseau que sur demande expresse des sous-systèmes ou des âmes. — Je vais émettre une autre hypothèse une peu hardie, mais tant pis, je me lance. Nous savons tous maintenant avec certitude que les deux univers jumeaux sont en expansion, bon nombre d’expérimentations récentes le prouvent. On en déduit immédiatement que c’est dû aux cubes de Planck qui grossissent, et mon hypothèse est donc qu’ils grossissent parce que le nombre d’informations qu’ils contiennent grandit chaque jour qui passe.

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On peut donc en déduire que la longueur de Planck élémentaire s’allonge également, ce qui signifierait que la vitesse de la lumière augmente également en proportion, si la constante de temps de Planck reste, elle, parfaitement constante, ce qui reste à vérifier. Je suis, personnellement, persuadé que la constante de temps de Planck est une vraie constante immuable, car elle correspond aux tops de l’horloge universelle, et que s’il ne devait y avoir qu’une seule constante réellement immuable dans ce double univers, ça devrait être elle. J’irai même plus loin encore. Rien ne nous permet de penser que les quantités d’informations à stocker à chaque intervalle de temps de Planck correspondent à un volume fixe dans cette sphère mémoire. Dans la majorité des cas, il n’y a rien à stocker du tout, car aucune particule matérielle ne se trouve à proximité à cet instant-là. De plus, le volume à stocker dépend sûrement de la nature de la particule physique en question, celle qui passe à proximité. En conséquence, on peut imaginer des grandes zones du cosmos où les cubes de Planck restent très petits, et d’autres où ils sont proches de la saturation, si cette sphère mémoire a une limite de capacité de stockage. Cela signifierait que la vitesse de la lumière est extrêmement variable selon la zone traversée. On peut imaginer que, dans les zones « vides », la vitesse de la lumière soit très faible, puisque la distance parcourue est également très faible, à chaque constante de temps de Planck. À l’opposé, dans les zones très denses, les trous noirs se déplaçant très lentement par rapport à la trame, par exemple, la vitesse de la lumière pourrait être bien plus grande que ce que l’on pense habituellement. Tout cela mérite réflexion, car de nouvelles théories et applications peuvent en résulter. — Je prends, déclare Albert, qui exécute un pas de danse dans son hologramme. — Parfait. Revenons maintenant au cœur du cube de Planck, là exactement où le sommet du cube de la trame « digitons » se connecte avec le gestionnaire intégré de la mémoire sphérique. Lorsqu’un digiton « sort » de ce mini système de stockage intelligent, pour aller déverser son contenu d’informations chez le 21


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demandeur à distance, pourquoi va-t-il plus vite que la vitesse de la lumière ? Y a-t-il une autre constante de vitesse limite, celle des digitons ? Et pourquoi l’information se déplacerait-elle plus vite que les photons ? — Peut-être que les digitons suivent une trajectoire définie par le demandeur, et qu’il n’est ralenti que par les changements de directions qu’il doit faire de temps en temps pour rester sur la trame imposée, déclare Albert. — Très bonne idée, et alors sa vitesse sera d’autant plus grande qu’il suivra une trajectoire plus « rectiligne », avec le minimum de croisements et de changements de direction. Si la demande du chercheur d’informations lui a tracé une route de retour, le minimum de croisements possible sera de trois, un sur chaque axe géométrique, un sur l’axe des x, un sur l’axe des y, puis un troisième sur l’axe des z. La probabilité qu’il y en ait moins de trois est ridiculement faible, ce qui garantit une vitesse constante, très élevée et constante. — Enfin une constante de vitesse pour les digitons qui est une véritable constante, dit en riant Albert. — Ce type de système de circulation des digitons me fait furieusement penser à la circulation des informations sur le web, avec des points particuliers qui servent de nœuds de routage de l’information, entre un expéditeur et le destinataire. Ici, n’importe quel cube de Planck peut jouer ce rôle, s’il est sollicité dans ce dessein par l’expéditeur de la demande d’origine. J’ai toujours dit que l’intelligence distribuée au niveau le plus faible d’un système le rendait beaucoup plus performant que n’importe quel système centralisé, et l’on en a la preuve, quand le critère coût de mise en place ne joue pas dans la décision d’installation : ici, la notion de coût n’existe pas, mais dans notre univers matériel, il a une grande importance pour le choix des systèmes conçus par les humains. — Je m’aperçois que notre programme d’études prend beaucoup d’ampleur, dit Albert, ravi de l’aubaine. — Oui, et j’ajouterai ceci : la trame des digitons se déforme sous l’effet du volume des informations recueillies, et elle entraîne avec elle une déformation de l’espace-temps classique. D’un autre côté, on a vu que la trame de l’espace-temps sert à véhiculer les gravitons, qui sont d’autant plus nombreux que la 22


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masse de la particule matérielle proche est importante. Mais comme les cubes de Planck se déforment, la transmission des forces gravitationnelles se fait à une vitesse variable, mais, plus important encore, les distances parcourues par les gravitons augmentent dans les zones très chargées en informations. Il nous reste donc à étudier aussi l’influence sur la formule de la gravitation, puisque cela laisserait imaginer que plus la zone est dense en informations, et plus l’attraction gravitationnelle diminue puisqu’elle est inversement proportionnelle au carré de la distance. — Tout ceci nous amène à reconsidérer les théories actuelles qui supposent que la densité dans les trous noirs peut atteindre des valeurs énormes et quasi illimitées, ajoute Albert. — Même chose concernant les températures et les pressions dans ces trous noirs, vraisemblablement. —Arrêtez, ou alors donnez-nous une éternité supplémentaire pour mener toutes ces études à bon port. — Soyez heureux, je vous la donne !

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Interconnecter les deux jumeaux ? — Il apparaît maintenant clairement que nous sommes arrivés à un point essentiel de brisure. En effet, pour continuer à jouer un rôle positif, constructif, dans le domaine de l’amélioration des connaissances des êtres vivants de l’univers matériel, il nous faut aller plus loin, et, si possible, mettre en place un système automatique, composé de multiples tunnels d’informations permanents entre les deux univers. En effet, le seul tunnel existant actuellement est celui que nous utilisons en ce moment, reliant les deux univers jumeaux. Il n’est pas du tout performant, puisqu’il dépend de la vitesse des échanges que nous faisons en discutant, ce qui correspond à une vitesse très faible finalement. Il nous permettra certes d’avancer dans nos études et réflexions, mais ce n’est pas suffisant. Il faut que nous imaginions une solution qui permettra à des milliards d’êtres vivants d’accéder au réseau global des digitons, qui leur fournira les informations dont ils ont besoin, à tout instant, n’importe où. — Je vois un problème majeur, Ovni, dit Dalaï-Lama. En effet, comme le réseau des digitons rapatrie, sans aucune déformation, la vérité pure qui sort du puits, quelles vont être les répercussions de cette vérité sur les sociétés humaines ? Ne seront-elles pas d’une nature telle que des cataclysmes inconnus soient envisageables dans ces sociétés ? — Bien sûr, mais la vérité à laquelle les êtres vivants pourront alors accéder ne concernera que les faits du passé, et les faits seulement, les actes, mais pas les pensées profondes des êtres. Ça laissera une latitude pour mentir, travestir, bref une forme d’individualité respectée de l’être pensant. La pensée reste autonome et individuelle, elle ne sera pas accessible. L’individu restera libre de ses pensées, mais il n’échappera pas aux conséquences de ses actes. — Très bien, dit Labo, ça me rappelle ce que me disait ma mère : « Mon fils adoré, tourne bien ta langue sept fois dans ta bouche avant de parler ». Cette recommandation élémentaire de nos parents a été de moins en moins respectée au fil des temps, ce qui a entraîné les situations que nous connaissons, avec des 24


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« démocraties » qui ne font plus confiance à leurs élus, à leurs syndicalistes, à leurs chefs religieux, etc., les citoyens déçus devenant des individus égoïstes et tournés exclusivement vers leur propre nombril. — Exact, déclare Pyco, et cette évolution est tout à fait contraire aux deux règles qui s’imposent dans les limbes, celle qui recommande l’amour donné à l’autre en particulier. Si je comprends bien, ces tunnels apporteraient une amélioration sur les deux règles en même temps, un saut qualitatif important pour le critère de la connaissance approfondie, et une nouvelle source d’informations pour mieux comprendre l’autre et l’aimer davantage, en conséquence. — Oui, sans oublier l’accès à la connaissance ! Imaginez ce que deviendra le système éducatif planétaire si on parvient à donner l’accès à tous les cours et exercices corrigés, dans toutes les matières, pour tous les niveaux, et dans toutes les langues à l’ensemble des enfants, élèves, étudiants et chercheurs. Imaginez les possibilités de formation continue, pendant toute la vie terrestre que ça permettra ! Imaginez les retombées sur le niveau moyen des âmes, lorsqu’elles arrivent dans les limbes ! Il est du devoir des âmes d’aujourd’hui de mettre en place un tel système d’accès généralisé, pour tous, à ce que l’univers jumeau peut apporter à l’univers matériel, c'est-à-dire un accès à l’information globale. C’est l’accès à l’information qui permettra d’améliorer le critère amour de l’autre, bien plus efficacement qu’en expédiant cent prophètes ou dix mille prophètes, car les recommandations de ces prophètes seraient toujours remises en question, puisque les foules ne « savent pas » ce qu’ils sont, d’où ils viennent, ni dans quel but ils prophétisent : nous sommes tous des Saint Thomas, c’est évident, et c’est compréhensible. N’oublions pas que nous sommes plongés dans un univers strictement matériel, et que le matérialisme est roi, ici-bas. Les tunnels permettront d’accéder au seul univers qui soit irréfutable, celui de l’information pure. Cela n’enlève rien au sens critique que les êtres vivants, surtout ceux qui en sont capables, 25


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pourront continuer à exercer, pour passer leur temps libre. Le déni de la vérité restera un sport très praticable par une élite snobinarde. — Comment approcher cette étude de faisabilité pour la mise en œuvre de ces fameux tunnels, demanda Labo ? — À mon avis, ça commence par la définition d’une sorte d’interface de communication améliorée, de ce côté-ci, et via une sorte de module, à définir, destiné à relier le tout à la trame des digitons de l’autre côté. — Autrement dit, ajoute Albert en souriant, un module destiné à remplacer une âme standardiste qui devrait être dans les limbes, présente en permanence au bord du tunnel. — Oui, mais en attendant, je compte bien sur quelqu’un de votre équipe ou parmi les âmes intéressées pour jouer un rôle de standardiste, relayer nos demandes de recherches vers la trame, et nous transmettre, sous la forme holographique, les informations utiles concernant les réponses de la trame. Il s’agit donc d’un job de traduction de notre demande écrite en langage trame, puis de transmettre la demande sur la trame, ensuite de recueillir la réponse de la trame, et enfin, de la convertir en sens inverse pour la restituer sous forme holographique. L’idéal, Albert, serait que vous découvriez comment fonctionne exactement l’âme dans les limbes, pour effectuer un travail de recherche personnelle sur la trame. Nous avons bien trouvé le Portail, premier du nom, vous trouverez donc le Portail, second du nom, celui qui nous permettra de nous immiscer dans un monde fait de particules élémentaires toujours plus petites, le monde des digitons. — Pourquoi pas, nous pouvons toujours essayer, mais je crois qu’il faut que je donne la parole à Gabriel qui veut justement vous en parler. — Rebonjour Gabriel. — Rebonjour, la Terre. Un constat, en premier lieu. La découverte du premier Portail a été possible parce que vous avez utilisé une technique strictement matérielle dans un cerveau strictement fait de matière, et vous avez réussi à passer le Portail.

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Pour découvrir le second Portail, il nous faudra utiliser les seuls ingrédients disponibles dans les limbes, car la trame n’est faite que d’informations, de toutes natures. Restons conscients que, même si apparemment nous flottons dans un univers d’antimatière, nous ne pouvons pas manipuler cette antimatière, n’ayant pas de mains pour la manipuler, la transformer, etc. Nous ne savons que traiter de l’information, point final. Si vous êtes d’accord, je pourrais tenter le tout pour le tout, en demandant de l’aide à CELA, en argumentant sur le critère de la connaissance à améliorer, ce qui est bien le cas. Cet argument est secondé par le fait que cette connaissance approfondie servira un second critère, celui de la diffusion de la vérité chez les êtres vivants de l’univers matériel, diffusion qui ne peut qu’être favorable à une recrudescence de l’intérêt porté par l’être vivant pour ses congénères et à l’empathie. — Je ne peux qu’approuver ce plan, Gabriel. Je regretterai bien sûr de ne pas vous accompagner, mais il y a tant de choses à faire ici que vous me pardonnerez. N’hésitez pas à définir la procédure précise avec Albert, pour que nos questions sur la trame puissent être rédigées dans un format directement exploitable de votre côté du tunnel. S’agit-il de simplement, si l’on peut dire, définir dans un certain ordre la latitude, la longitude, et l’élévation du point x, y, z ainsi que l’instant que l’on recherche, ou bien y a-t-il un moyen plus simple pour nous en demandant la personne et l’instant, ou le document et l’instant, ou autre chose encore ? — Bien sûr, on va essayer de vous mâcher le travail, dit Albert en se trémoussant comme un gamin. — J’irai avec Albert, et il me soufflera, dans l’oreille que j’ai perdue, les bonnes questions à poser. — OK, bonne chance dans votre entreprise, elle conditionne le futur pour nos travaux.

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Les âmes vierges. C’est moi, Albert, qui prends la relève dans cet univers, car Ovni me l’a proposé. Pouvoir entendre CELA répondre à nos questions est le plus beau cadeau qu’il pouvait me faire, je lui en suis réellement reconnaissant. En effet, j’avoue que je ne voyais pas très bien comment prendre le problème posé, trop habitué à raisonner dans l’univers matériel sur des particules bien réelles, même si personne sur Terre ne les a encore vues de près. Bien sûr, moi et mes collègues, nous les avons vues, dans le domaine quantique bouillonnant, grâce au filtre probabiliste de la cinquième dimension, mais tout cela ne me servira à rien, dans le cas présent. Je suis comme un bambin ignorant qui s’apprête à écouter sagement le maître d’école, et ça me rappelle ma maternelle supérieure. Gabriel et JusteBlanc m’accompagnent, et la séance va bientôt commencer, car je les vois mettre au point le texte de la première question, très importante pour obtenir des réponses satisfaisantes. JusteBlanc me fait un signe et me voilà embarqué dans son ombre. Il demande à parler à CELA au système triple, quelques secondes s’écoulent et CELA intervient : — Bonjour, JusteBlanc, quelles sont les nouvelles ? — Tout se passe normalement, Ovni est retourné sur Terre et envisage de rester là-bas. — Bien, mais tout compte fait, je le regrette un peu, car il nous mettait un peu d’ambiance, et il me manque. — Justement, il continue à pétiller comme un magnum de champagne. Il nous a soumis une proposition d’ouvrir des tunnels multiples entre les deux univers jumeaux. Le but est de permettre aux vivants matériels d’accéder à la trame des informations, en toute liberté, pour améliorer rapidement leurs connaissances, et ensuite constituer des âmes de qualité dès leur arrivée dans les limbes. — Et ça leur permettra de mieux guerroyer en apprenant les secrets militaires concernant les armes les plus puissantes ? C’est cela que vous voulez autoriser, eh bien, pas moi ! 28


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— Si je peux me permettre, il me semble que vous négligez le pouvoir de la conscience universelle ainsi réalisée et devenue accessible, car tout le monde étant au courant de tout, personne ne peut se cacher vraiment pour faire de mauvaises actions de cette envergure. On ne peut pas professer sa foi dans l’élévation des connaissances pour tous, et faire machine arrière au moment d’autoriser un moyen d’accéder à ces mêmes connaissances. Ce serait remettre en cause l’une des deux règles du jeu, et ce, au beau milieu de la partie. La pagaille est déjà bien assez grande chez les vivants, et il faut trouver un moyen de la réduire. — Mais pourquoi n’enverriez-vous pas quelques milliers de prophètes, comme à l’époque où Gabriel avait cédé sous la pression contestataire de Jésus ? — Jésus reconnaît lui-même l’inefficacité de ce procédé, à l’époque. — Et si c’était demain ? —Le résultat serait encore pire, dans la mesure où l’élévation des connaissances réalisée depuis deux mille ans est telle que chacun se prend pour un dieu, en bas : ils savent tout mieux que quiconque, et ils le font savoir, à tel point que les chamans modernes fleurissent comme des pommiers au printemps. — Et qu’apporterait de plus un accès généralisé à toutes les connaissances à tout ce beau monde qui se prend pour Dieu ? Ne serait-ce pas pire encore ? — Non, car ces individus se verraient contraints de respecter la vérité, et l’on pourrait même imaginer des pièces de théâtre où les acteurs joueraient des rôles de personnages farfelus, qui tenteraient vainement de faire prendre des vessies pour des lanternes aux gens, à la grande joie des spectateurs hilares. — Hi hi…, vous avez réussi à me faire rire, et pourtant ce genre d’argument blagueur n’est pas commun chez vous. Que vous arrivet-il donc, vous semblez tous trépigner de joie devant ce nouveau gourou d’Ovni ? Dois-je m’inquiéter qu’il arrive un jour chez moi, en tapant à ma porte, pour me prendre mon poste, ici ? — Hi hi…, cette fois-ci, c’est vous qui me faites rire, et là également, vous ne m’avez pas habitué à cela ! 29


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Je ne pense pas que votre porte s’ouvre si facilement, car le jeu me semble sans fin, apparemment. — Non, il aura une fin, quand je l’aurai vraisemblablement lorsqu’il ne m’amusera plus assez.

décidé,

— Mais ce n’est pas le cas avec Ovni, il met du piquant dans ce jeu. C’est ce que vous voulez, non ? — Oui, bien sûr, mais pour revenir à votre proposition, expliquez-moi un peu les retombées, positives ou négatives, que ces tunnels apporteraient au critère empathie. — Quand les êtres se connaissent mieux, ils peuvent pardonner s’il y a matière à pardon, et ils peuvent se dévouer quand « ils savent ». Ils s’entendent mieux, et trouvent automatiquement des domaines de rapprochement. — Pouvez-vous me donner un exemple suffisamment significatif, de haut niveau ? — Mais vous l’avez vécu, il y a deux minutes, cet exemple ! C’est le fait que nous communiquions de manière ouverte, pour la première fois, que nous avons ri ensemble, ce qui nous a rapprochés encore plus, car nous étions en phase, et nous nous respections mutuellement. — Exact, je me suis laissé aller, mais je ne le regrette pas. Que souhaitez-vous savoir exactement, pour que je puisse vous indiquer quelques pistes utiles ? — Merci, eh bien voilà ! Nous souhaitons mettre en place un quelque chose qui permettrait de faire transiter des questions en provenance de demandeurs vivants, questions sous la forme de demandes d’informations à rechercher sur la trame des connaissances, et dans l’autre sens, faire descendre ces informations en retour vers les demandeurs. — Je vois, et j’ai plusieurs solutions à proposer, mais je ne vais pas prendre de risques inutiles, je vais vous proposer une procédure que je pourrais annuler à tout instant, si je le pense nécessaire. Les autres solutions seront étudiées plus tard, si les résultats sont probants. — Je meurs d’impatience de les connaître. 30


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— Mon cher JusteBlanc, vous ne mourrez pas, c’est déjà fait, et l’on ne meurt qu’une fois, ici. Bien, voilà ce que je propose, mais pour un seul tunnel, pour commencer. On verra bien si cette solution tient la route en fonction du nombre de demandes terrestres, nombre qui pourrait éventuellement surcharger cette fonction particulière de routage, comme vous l’appelez, sur votre Internet terrestre. Je vais programmer les trois sous réseau pour qu’ils installent et animent un module d’acquisition proche du tunnel existant. Ce module sera un peu plus complexe que ceux qui existent dans les cubes de Planck, mais il fonctionnera sur le même principe, il sera capable de plus de tâches en parallèle, c’est tout. Comme il ne s’agit pas d’un objet matériel, vous ne le verrez pas, mais il sera bien là, et vous n’aurez même pas à vous préoccuper des procédures et formulaires pour les questions que souhaiteront poser les demandeurs. Il sera capable d’analyser les demandes d’informations exprimées en langage ordinaire, en clair, pour permettre à tous les demandeurs, quel que soit leur niveau de formation acquise, d’accéder à la mémoire universelle. Pendant que j’y suis, je vais tout vous dire : je vais faire installer une âme vierge à poste fixe dans votre laboratoire. — Une âme vierge ? Que voulez-vous dire ? — Mon cher, vous me paraissez avoir oublié que votre âme personnelle existe bel et bien ! Et pourtant, en réfléchissant un peu, vous devriez vous souvenir que votre âme, elle était vierge avant de s’installer confortablement dans votre bulle personnelle, dès votre stade foetal, et qu’ensuite, elle a quitté la bulle pour s’installer ici même, le jour de votre décès. Il y a des milliards d’âmes vierges qui sont préparées par le Système, et qui sont allouées dès que le besoin existe, c'est-à-dire quand survient l’implantation foetale d’un nouvel être. Une âme vierge possède les mêmes caractéristiques potentielles que la vôtre, sur le plan de sa puissance de calcul et de gestion des informations, mais sa mémoire associée est totalement vide. Je vais donc ordonner au système d’installer une âme vierge à cet endroit, dans le but de faire une simulation, en l’absence de fœtus, c’est aussi simple que cela. 31


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Ce qui différencie, par ailleurs, la vôtre de cette âme vierge, c’est que vous avez vécu, vivant, puis mort, de très longues périodes de temps, pendant lesquelles vous avez appris, vérifié, testé, critiqué différentes hypothèses, et que votre puissance de raisonnement a progressivement évolué, par autoapprentissage. C’est le procédé classique du développement de ce que vous appelez, entre vous, l’intelligence. Pour le rôle que je souhaite donner à cette âme vierge, elle n’a pas besoin d’intelligence ni d’ancienneté, car elle ne fera qu’un travail répétitif et très simple finalement, un rôle de routeur d’informations, ce qu’elle sait naturellement faire, dès le début de sa mise en service, c’est inscrit dans ses « gènes », si vous me permettez cette expression imagée d’origine biologique terrestre. Je suis le seul à pouvoir décider de l’affectation des âmes vierges, et j’en montrerai le principe au gagnant du jeu qui viendra taper à ma porte. Je peux seulement vous dire, pour satisfaire votre curiosité, que cette microscopique âme est réalisée exclusivement à base de digitons, des particules pseudo intelligentes que l’on peut organiser à loisir, pour qu’elles composent un module plus puissant et répondant à un certain cahier des charges. — Vous avez donc conçu et mis en place le monde des vivants et des morts, un peu comme un enfant terrestre peut composer une machine robotisée complexe, en utilisant des briques de Lego ! — Très exactement, mon ami, vous avez tout compris, sauf que je ne suis pas un enfant, et je suppose que le terme d’adolescent un peu attardé conviendrait beaucoup mieux. — À propos d’adolescent boutonneux, vous en êtes arrivé à quel niveau, dans vos études ? — Ma thèse de doctorat en intelligence artificielle avance bien, surtout depuis quelque temps, et grâce à vous tous, qui faites avancer mon rapport à grande vitesse. — Aurions-nous servi de déclencheur, d’étincelle divine ? — Divine, vous n’y allez pas de main morte, même sans mains ! C’était une blague, hein ? Oui, d’une certaine manière, vous avez débloqué quelque chose dans mon cheminement intellectuel pour ma thèse. J’ai enfin cessé de tourner en rond, sans avancer. 32


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— Savez-vous pourquoi ? — Non. — Ovni se déclare lui-même, sans qu’on le force, et même sans qu’on lui demande, un empêcheur de tourner en rond. Il a dû forcer un peu, et ça a suffi, apparemment. — Trop drôle ! Y aurait-il autre chose qu’une simple coïncidence ? Je ne suis cependant pour rien dans son jugement sur sa propre personnalité, je vous le jure. — Si ce n’est pas une coïncidence, vous avez une grande chance qu’il vienne vous remplacer, à votre tableau de contrôle, le jour où il tapera à votre porte, ne pensez-vous pas ? — J’aime les blagues, mais là, c’est un peu trop fort pour moi. Je vous découvre de plus en plus à travers ces blagues de potache, JusteBlanc, et je ne vous en tiendrai pas rigueur. — Veuillez m’excuser si je me suis laissé aller, mais j’adore blaguer quand je me sens en harmonie avec quelqu’un, car vous êtes bien un « quelqu’un », n'est-ce pas ? — N’en doutez pas, je suis vivant, quelque part. Je ne suis pas du tout un automate ayant une super intelligence artificielle : cet automate parfait est justement le sujet de ma thèse de Doctorat. Lorsque je serai prêt, je mettrai en place le programme correspondant sur le système triple, et alors, à moi les grandes vacances. — Où passerez-vous vos vacances ? — En famille, pour fêter mon nouveau diplôme, et pour épater mon frère jumeau qui n’est pas très avancé dans sa propre thèse. Je m’entends bien avec lui, mais nous nous chamaillons parfois, un peu trop selon notre père. Cependant, il faut bien que jeunesse se passe, comme vous dites si bien ! — On est tous passés par là… j’hésite sur le nom ou le prénom à vous donner, car vous ne l’avez pas dit. — Appelez-moi Vino, mon frère jumeau, mon cadet de deux heures seulement, c’est Voni. — Je vous salue bien bas, Vino, car vous me paraissez très intelligent pour votre âge. Mais, ces deux prénoms commençant par la lettre V, c’est un choix de votre père ou de votre mère ? 33


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— C’est l’habitude, dans notre monde, on utilise une lettre différente chaque année qui passe, un peu comme vous le faites avec vos chiens, sur Terre, ça facilite le respect de nos aînés automatiquement. — Je parie que votre mère aurait souhaité choisir les prénoms elle-même, sans cette contrainte de la première lettre du prénom. — Exact, vous connaissez bien les mères, elle aurait souhaité que nos prénoms commencent par un O, mais elle ne nous a jamais dit pourquoi. — Avez-vous d’autres frères et sœurs ? — Non, notre maman aurait bien souhaité, et elle nous a eus très tardivement, pour une femme. Elle a eu plusieurs fausses couches et un enfant mort-né avant de réussir enfin, grâce à la fécondation in vitro, mais du coup, elle a eu deux jumeaux ! — Avez-vous des grands-parents, encore en vie ? — Oui, ma grand-mère maternelle, que nous aimons tous énormément et que nous bichonnons, compte tenu de son grand âge. Tiens, ça me fait penser que les problèmes de fertilité de ma maman sont peut-être héréditaires, car ma grand-mère a également eu un enfant mort-né, il y a environ 70 ans de cela. — Je parie dix digitons qu’elle lui avait choisi un prénom, et qu’il commençait par la lettre O. — Comment savez-vous ça ? Mais, assez curieusement, vous avez raison, elle avait fait un choix avec cette lettre O, et ma maman avait fait le même pour faire plaisir à sa propre mère. Je ne comprends pas comment vous avez déduit ceci : avez-vous tenu un raisonnement particulier pour faire ce pari ? — Ce raisonnement particulier, je vous l’assure, vous auriez pu le faire également, croyez-moi. — Je ne vois pas. Si vous m’expliquez, je pourrai peut-être intégrer cet algorithme dans mon programme de thèse. — Je peux seulement vous donner quelques indications sur le cheminement de pensée qui m’a amené à ce résultat. — Ça me suffira, puisque c’est l’algorithme qui m’intéresse, et pas le résultat spécifique que vous avez obtenu en l’utilisant dans cette application-là. 34


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— Eh bien, je me suis concentré, j’ai fait appel à l’intégralité de mes capacités, j’ai jeté un regard emphatique simultané sur l’ensemble de mes amis et sur vous-même. Et voilà le résultat du rapprochement, j’ai gagné mon pari. — Étonnant, car vous ne pouvez pas lire dans mes pensées. — Mais vous, vous pouvez lire dans les miennes. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? — Tout simplement parce que je vous respecte plus que vous ne le pensez, et que je préfère vous laisser la bride sur le cou, si je peux dire, ça me rapportera plus que de vous mettre constamment sur la réserve vis-à-vis de moi. — Très bonne décision, car rien n’est plus efficace dans un groupe de travail que le respect des autres participants, c’est cela l’empathie véritable, celle qui ne remet pas en cause à tout bout de champ les déclarations des collègues, dès l’instant qu’elles sont crédibles et vérifiables. — Je vais modifier mon programme pour que les trois sous réseau prennent en compte ce sentiment essentiel, mais je n’imagine pas très bien par où commencer. Il est relativement aisé de comprendre instinctivement la notion d’empathie, mais il est très difficile de décortiquer son mode de fonctionnement et de le programmer. — Si le sujet vous passionne, je vous recommande de vous connecter en direct sur une personne que je connais bien et qui vous sera d’un grand secours. — Vous pensez à qui ? — Je vous laisse deviner. — Je vais donc réfléchir un peu plus, puisque vous ne voulez pas me le dire. C’est évidemment frustrant pour moi, mais j’adore les énigmes, et je trouverai. Je vais commencer par discuter avec ma mère et ma grand-mère, ça devrait m’aider. — C’est une excellente décision, elle vous fera gagner beaucoup de temps pour savoir comment j’ai obtenu le résultat, Mais ça ne fera pas avancer votre thèse de doctorat.

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Pour cette dernière, appliquez-vous plutôt à décortiquer l’algorithme de l’empathie, en liaison avec la personne que vous saurez. — Saurez, ou savez ? — Saurez ! —Merci, JusteBlanc. À bientôt sur les ondes des digitons. Nous ferons alors une conférence à trois, vous, moi, et lui. — Bon courage, mais asseyez-vous confortablement quand vous discuterez avec vos deux génitrices.

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On avance, on avance… — Alors, que pensez-vous de tout cela, Albert ? — Je reste sidéré par le haut degré de confiance que Vino vous accorde, et encore plus par la finesse avec laquelle vous avez canalisé cette longue discussion. Votre avis, Gabriel ? — Moi également, mais je suis étonné de constater que Vino reste aussi modeste et coopératif. Je me demande si ça cache quelque chose, car je ne me sens pas autant en confiance que JusteBlanc, à propos de Vino. Mais nous en saurons plus s’il trouve enfin la relation avec Ovni et le contacte directement. Qu’en pensez-vous, JusteBlanc ? — J’aimerais bien être une toute petite souris dans les poches d’Ovni, si ce contact a effectivement lieu. Je ne regrette pas d’avoir guidé Vino à ce point, car il faut bien reconnaître que nous ne savons pas tout, et que cette discussion pourrait débloquer beaucoup de choses, si elle a lieu. Retournons au temple, on fera le point de tout cela. De retour au laboratoire, je me précipite sur les écrans pour constater qu’un nouvel hologramme est activé devant un écran de PC, et qu’il nous montre des images spatiales d’autres planètes habitées par des espèces nouvelles pour nous. Vino a tenu sa promesse, et ils doivent jubiler en bas ! Je contacte Ovni, et je lui laisse la parole, mon objectif étant atteint, à lui de poursuivre cette très intéressante aventure. — Salut Albert, comment allez-vous ? — Je vous fais un résumé détaillé, et nous reprendrons le dialogue ensuite, pour préciser les projets futurs. . . . À vous maintenant. 37


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— J’ai bien compris, Albert, et je suis comme vous, étonné de la quantité et de la qualité des informations que vous avez recueillies. Je ne comprends pas pourquoi JusteBlanc a tenu à faire un lien entre Vino, Voni, et Ovni, mais bon, je vais peut-être apprendre quelque chose d’intéressant. Mon surnom ne m’est pas venu en tête par hasard, il s’est imposé, je dis bien « imposé à moi », lorsqu’il m’a fallu en prendre un, sous la pression de l’équipe d’étudiants que nous formions alors, il y a si longtemps de cela. C’est seulement ensuite que j’ai inventé une justification pour ce « choix » d’un surnom bizarre à connotation paranormale, ce qui détonne un peu beaucoup avec mon personnage réel, mais enfin, c’est comme ça, je ne « pouvais » pas en changer. — Il me paraît utile que vous « copiniez » avec Vino, s’il vous contacte, mais vous ferez comme vous le jugerez souhaitable. — Je suivrai votre conseil, car vous, vous l’avez écouté, vous avez ressenti son ton, ses sentiments, et moi, pas. Reprenons le travail en attendant. À bientôt, Albert. Je me dirige vers Aloa qui essaie de déchiffrer les habitudes sociétales actuelles, donc à l’instant présent, d’une peuplade de la planète 12.503 de l’étoile 46.028 de la galaxie 174.625 située à environ 5 milliards d’années-lumière dans notre univers, mais née il y a seulement 2 milliards d’années, ce qui fait que nos télescopes de toutes natures ne peuvent la voir en temps décalé ! Elle me dit que c’est un cas parmi des milliers de cas potentiels, et qu’il y aura beaucoup de travail pour des milliers d’observateurs, pendant des décennies. Je fais baisser un peu le niveau de son enthousiasme, car il nous faudra bien décider tous ensemble des choix prioritaires inévitables que nous serons obligés de faire : en effet, dans un premier temps, nous ne nous servirons que de ce seul tunnel, et nous ne savons pas quand, ni même s’il sera possible d’en ajouter d’autres. La seule chose que nous pouvons faire, pour le moment, c’est de brancher le maximum de PC sur notre sympathique routeur, appelons-le 22@Asnières, en mémoire de Fernand Raynaud qui était d’origine auvergnate, tout comme moi ! 38


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Labo, qui s’était approché depuis quelque temps, a très bien compris ce qu’il devait faire et il se précipite pour installer les équipements nécessaires, et ainsi permettre d’avoir cinq postes d’accès à la mémoire universelle, via le 22@Asnières. Pyco et Tera se morfondaient derrière Aloa : ils se dirigent vers Labo pour l’aider, tout en se disputant gentiment sur la gravissime question de la priorité pour le second poste : fallait-il être gentleman jusqu’au bout et allouer ce second poste à Tera, et pourquoi pas le troisième à Angela, ou au contraire équilibrer la répartition, en choisissant au sort un homme, puis une femme, etc. Cette discussion ne cessa que lorsque les cinq postes furent équipés et qu’Albert eut instruit 22@Asnières de l’existence de ces quatre connexions supplémentaires à prendre en charge. Je vais maintenant m’asseoir un peu, pour faire le point. Je finis par m’endormir, le calme étant revenu… Deux heures plus tard, je suis réveillé par une voix intérieure qui m’appelle par mon surnom, quoi encore ! — Oui, qui est-ce ? — Bonjour, Ovni, excusez-moi si je vous réveille, mais j’ai une information très importante à vous donner. Êtes-vous prêt ? — Euh, oui, mais qui est là ? — Mais je suis ton neveu, tu ne me reconnais pas ? C’est moi, Vino ! — Euhhh… Hmm Hmm… Qu’est-ce que c’est que cette blague ? — Mais pourquoi tu tousses, Tonton, tu ne te souviens pas que tu as deux neveux, Vino et Voni ? — J’ai bien quelques neveux et nièces, mais pas de Vino, ni de Voni au répertoire ! — Allez, Tonton Ovni, réveille-toi, et surtout écoute-moi bien : « Si tu ne vas pas à Lagardère, c’est Lagardère qui ira à toi ! » — Je ne vois pas où je ne suis pas allé récemment, car j’ai tellement voyagé que je ne pouvais faire mieux.

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— Oui, c’est pourtant vrai, il t’aurait fallu mourir une deuxième fois pour faire ce voyage-là, donc je ne vais pas te faire languir plus longtemps. Reste bien assis ! — Je suis tout ouïe. — JusteBlanc m’a parlé longuement, très récemment, et Albert qui nous espionnait t’a tout raconté, oui ? — Ça y est, je comprends maintenant, c’est donc le fameux appel possible dont il m’a parlé ? — Exactement. Mais je vais maintenant cesser de parler par énigme. Voilà donc ce qui nous arrive, à toi, Tonton Ovni, et à moi. J’ai eu, ce matin, une réunion familiale avec ma grand-mère maternelle et ma mère, qui ont toutes deux eu un commun grand malheur dans leur vie, ayant perdu un enfant mort-né dans leurs premières couches de jeunes mères. Ma mère voulait appeler son enfant mort-né Ovni, en hommage à sa propre mère qui voulait aussi appeler son premier enfant Ovni, à l’époque. Suite à son malheur, ma mère a tout fait pour que le nom d’Ovni subsiste sous la forme d’un être vivant, sur la Terre. Elle a fait des recherches sur la trame universelle, et elle a découvert la naissance d’un petit garçon, le même jour, à la même heure, à la même minute, à deux secondes près du moment où elle perdait son premier enfant. Ma mère a décidé de faire quelque chose pour cet enfant terrien, non pas pour assurer son avenir, non, mais elle souhaitait quand même qu’il se fasse appeler Ovni, bien que son prénom soit JeanPierre. Elle découvrit l’existence des surnoms, pratiqués dans les groupes d’amis, et elle imposa par la pensée que Jean-Pierre insiste plus tard pour se faire appeler du surnom d’Ovni par ses meilleurs camarades. Je crois que tu connais la suite, mon oncle par affection. — Waow, quelle histoire ! Le plus curieux cependant, c’est que JusteBlanc ait fait ce rapprochement, lors de votre discussion. Pensez-vous que c’était un pur hasard ? — Ce n’était pas un hasard, Tonton. Ma mère savait que je discutais avec lui, car elle était juste à côté de moi. Elle a fait une 40


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nouvelle fois une intrusion, mais chez JusteBlanc cette fois, pour lui imposer ce rapprochement entre nos deux prénoms et le surnom. C’est d’ailleurs en discutant avec ma mère que j’ai découvert que nos deux prénoms, celui de mon frère et le mien sont en fait des anagrammes du fameux Ovni, l’oncle et le frère que nous n’avons pas connus, et tellement souhaités, en deux occasions malheureuses, par deux femmes formidables. — Je suis tellement désolé pour ces deux mères, que je ne connaîtrai jamais, et je souhaiterais que vous leur fassiez part de ma profonde tristesse, Vino. — Je n’y manquerai pas, et je leur permettrai de faire des incursions, si vous le voulez bien. — N’en faites rien, maintenez-les simplement informées de mes actions, dans les deux univers, cela devrait suffire. Je ne suis pas prêt pour le moment à bien recevoir une communication directe avec l’une ou l’autre de vos parentes, et il me faudra un certain temps pour m’y préparer. — Il vous faudra alors venir taper à ma porte, et donc gagner dans ce jeu ! Prenez donc votre temps, mais faites cependant attention, Tonton, car vous avancez en âge. S’il vous arrivait de mourir accidentellement sur Terre, je pourrais très bien oublier de dire à Gaël de vous accepter tel qu’il vous a précédemment connu, et vous seriez alors une âme ordinaire, désignée sous un autre nom qu’Ovni, Jean-Pierre, par exemple, et qui hurlera éternellement au scandale dans le désert, car personne ne vous croira. — Pas glop, ça ! comme dirait Pif le chien. — Ne vous inquiétez pas, Ovni, je ne ferai jamais cela à un parent par adoption. Je vais vous appeler plus simplement Ovni, maintenant, car notre discussion doit rester secrète pour ne pas troubler les évènements futurs. Je vais effacer les détails de cette discussion de votre mémoire, maintenant, si vous le voulez bien. Il ne restera qu’une perception fugace vous entraînant à me considérer comme un ami, sans savoir exactement pourquoi, inexplicable comme un coup de foudre, quoi ! J’utilise l’expression « coup de foudre », parce que c’est une expression comparable à « coup de chance », une sorte de joker 41


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fantasque, que j’ai souhaité introduire dès le départ, dans les âmes vierges, pour mettre un peu d’aléas dans des âmes qui réagissaient de manière trop formelle et donc trop prévisible, à l’origine de leur conception. Cet artifice a permis de différencier aléatoirement les comportements de deux êtres qui seraient éventuellement placés dans des circonstances pourtant strictement identiques en tout point. Un petit peu d’individualisme forcé par le hasard ou par la chance, si vous voulez ! Êtes-vous prêt ? — Oui, vous avez raison, effacez cette discussion, et laissez le « coup de foudre » amical qui me lie à vous et à vos parentes. — Sachez que le lien amical qui me lie à vous ne résulte pas d’un coup de foudre, mais qu’il est mûrement acquis de ma part. Continuez votre projet avec vos amis, et demandez un coup de main si besoin est. Vos tunnels multiples seront vraisemblablement autorisés, quand vous aurez acquis une expérience suffisante de l’exploitation du premier tunnel, et que j’aurai pu apprécier les avantages de ce procédé. — Merci, mon ami. — Au revoir, Ovni, je vous quitte. À bientôt.

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Surcharge de travail à TOPLAB. Il m’a fallu quelques minutes pour me remettre de cette discussion qui ne me laisse, à présent, qu’un souvenir étrange, un sentiment de manque, une impression d’être passé à côté de quelque chose d’important, mais quoi exactement, l’avenir le dira peut-être. Pendant mon assoupissement, les cinq postes de travail ont fonctionné à plein temps, chacun ayant tellement de questions à résoudre en questionnant la mémoire universelle qui répondait si rapidement. Le seul problème résidait dans la manière de poser les questions pour effectuer la recherche, mais rien de bien plus compliqué que de faire une recherche multicritères sur Google. Les cinq utilisateurs ont vite découvert, en mettant en commun leurs expériences infructueuses toutes fraîches, une méthode pratique pour poser ces questions et obtenir les réponses voulues, sans ambiguïté. Ils m’en informent dès mon retour dans le labo, cela me permettra de gagner beaucoup de temps. Un dîner frugal, un contact avec Nova, où tout se passe très bien, une caresse aux deux bonobos, au chat et au lapin, et je file au lit. J’espère que je ne vais pas rêver, sinon je ne saurais plus du tout où j’en suis vraiment. . . . Le lendemain matin, je suis tout frais, car mon sommeil a été profond et sans perturbation. Je demande à TOPLA de se coordonner avec Albert et son équipe pour que le travail se répartisse entre les deux groupes, celui d’Albert présentant ses travaux une fois terminés, sans les recherches préalables, et le nôtre, avec les recherches de départ indispensables. Je prépare un programme informatique de suivi des recherches, de stockage et de mise à jour des fichiers des différents sujets en cours, une sorte de bibliothèque complète que nous pourrons ensuite remettre à l’ONU pour diffusion générale aux universités et organismes de recherche. 43


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Aloa retournera alors à l’ONU pour canaliser les demandes de précisions ou d’explications approfondies qui ne manqueront pas de parvenir, de la part des milliers de chercheurs qui se pencheront sur nos études. Connaissant bien ce que nous pouvons faire et ce qui nous prendrait trop de temps, elle triera pour que de nouveaux thèmes de recherche puissent être abordés. Elle restera titulaire dans sa propre spécialité, l’étude des sociétés vivantes dans le cosmos. Si elle continue à ce rythme, elle sera vite proposée pour un grand prix mondial, mais j’avoue que je préférerais qu’un tel prix soit éventuellement offert en l’honneur du groupe, dans son ensemble, plutôt qu’individuellement. Le seul inconvénient, dans ce dernier cas, c’est que nous serions obligés de sortir de l’anonymat qui nous va si bien au teint. Je me décide à contacter JusteBlanc via notre 22@Asnières, et il me répond tout de suite. — Bonjour, Ovni, quelles sont les nouvelles ? — Bonjour, JusteBlanc, j’ai eu un contact direct avec Vino hier au soir. Je ne me souviens pas de grand-chose, car il a effacé ma mémoire ; je retiens simplement qu’il est charmant, et que ce fut un vrai plaisir de discuter avec lui. — Oui, c’est de ma faute, si l’on peut dire. Je ne sais pas ce qui m’a pris, mais j’ai fait en pensée un rapprochement entre Ovni et Vino, sans le lui dire clairement. Je lui ai suggéré de discuter avec sa grand-mère et sa mère pour savoir pourquoi elles avaient choisi un prénom commençant par la lettre O, pour leur premier enfant mortné. Pourquoi j’ai osé discuter de façon si intimiste avec lui, je ne le saurai jamais. — Cette histoire me dit confusément quelque chose aussi, mais c’est si flou…Enfin, bref, il m’a appelé, et c’était donc en suivant une piste lancée par vous. — Oui, mais tout comme pour vous, ça reste relativement incompréhensible pour moi. Oublions ça pour l’instant. — Je voulais vous demander de poser une question à Vino, si vous en avez l’occasion. Je souhaite savoir un peu plus précisément où ils habitent, dans nos univers, ou encore dans un autre. — Je crains qu’il ne réponde pas à une telle question, sauf s’il se croit suffisamment fort ou inatteignable ! 44


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— Essayez quand même, je lui poserai également cette question s’il me contacte à nouveau. Cependant, évitons de lui poser la question presque au même moment. Que le premier qui a posé la question prévienne immédiatement l’autre pour éviter cela. — D’accord avec vous. Juste pour information, notre précédent contact a été très cordial, je ne m’y attendais pas, à ce point-là, en tout cas. — Même perception pour moi, Vino a l’air guilleret en ce moment. — Il a avoué qu’il était heureux que vous mettiez un peu de piment dans ce jeu. — Eh bien, tel que je pense me connaître, il va en avoir du piment. À bientôt, JusteBlanc ! — Au revoir, Ovni. Au cours de la journée, j’ai mis en contact nos deux équipes « jumelles » et nous avons défini ensemble une liste d’une dizaine d’Universités terrestres qui pourraient être équipées d’un tunnel, si l’opération est acceptée par Vino. Le cahier des charges définissant les matériels indispensables côté Terre a été élaboré par Labo, et Aloa a rédigé la charte éthique d’exploitation de ces tunnels par les chercheurs universitaires, ainsi que le programme de contrôle de son utilisation. Pyco s’est mis à l’œuvre pour rédiger un programme de tests biologiques et neurobiologiques nouveaux, pour que la succession de nos propres recherches soit assurée, avec ses recommandations. Tera a fait de même pour le programme radioastronomique devant faire suite à ses recherches. Tout ce travail rédactionnel nous a fatigués à tel point que tout le monde s’endort vers 22 heures. Casimir et Lapinou, nos deux mascottes, un chat et un lapin blanc des neiges, ont fermement décidé de s’installer sur la couverture qui me recouvre. Ils jouent un peu avant de s’allonger en prenant trop de place, mais je ne bouge pas, car ils sont tellement mignons, heureux de se retrouver à mes côtés. Boni et Nina, nos 45


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deux bonobos, sont un peu déçus et jaloux et, rien que pour m’embêter, se couchent le dos contre le canapé gonflable en me tournant le dos. J’espère qu’on ne va pas trop ronfler, car eux aussi prennent de l’âge, et nous démarrons ainsi notre symphonie sifflante et soufflante en parfait synchronisme ! Vers 3 heures du matin, je suis réveillé doucement par une petite voix féminine qui m’appelle par mon surnom. — Ovni, mon petit, réveillez-vous, je voudrais vous parler un peu. — Qui êtes-vous ? — Ovni, mon chéri, je t’ai enfin retrouvé. Et dire qu’il m’a fallu tromper la surveillance de Vino pour accéder à cette énorme machine et enfin pouvoir te contacter. Il m’avait interdit de le faire, mon coquin de petit fils, mais je n’ai pas pu résister, il fallait que je le fasse avant de passer le troisième Portail. — Je ne comprends pas, de quoi parlez-vous ? — Ah, il t’a aussi effacé ta mémoire récente concernant notre famille ? Ne bouge pas, je déverrouille ces blocs mémoires là, et tu retrouveras tout, comme si ça datait d’aujourd’hui. Dans dix secondes, tu auras récupéré l’intégralité de cette discussion avec Vino. . — Voilà, ça me revient, la maman, la grand-mère… — Oui, je suis la grand-mère Léna, mère d’Ovni et de Célia. — Ovni ? — Oui, mon chéri, toi, Ovni, mon seul fils, qui avait malheureusement disparu juste après sa naissance… — Mais j’étais sur Terre, avec mes parents ! — Oui, tu parles de ceux qui t’ont nourri et éduqué, et très bien, ma foi, et je les en remercie. Si tu les revois dans les limbes, dis-leur que j’apprécie beaucoup l’éducation qu’ils t’ont donnée, car elle a permis le joli parcours professionnel que tu as réalisé. — Je n’y manquerai pas… Léna… mère Léna ! 46


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— C’est bien mon petit, mais j’ai des choses importantes à te dire, des secrets de famille que tu ne connais pas, et que tu dois connaître pour pouvoir t’intégrer avec nous tous, mon fils adoré. — Mais je n’ai pas le droit… — C’est moi qui décide ici haut, et partout, c’est moi la plus ancienne, et tous me doivent le respect dû à la femme de la première heure ! — Bien, maman Léna, je t’écoute. — C’est une longue histoire, et elle te semblera invraisemblable. Voilà, je commence par le commencement, puisque tout a commencé avec…… Moi !

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On approche du but. Le grand concepteur, celui qui a conçu tous les univers, les uns après les autres, et qui continue à en créer d’autres en ce moment même, le grand concepteur donc, un jour, s’est aperçu qu’il ne pouvait pas suivre assez régulièrement ce qui se passait dans ses univers, et qu’il n’avait même plus le temps de les modifier pour résoudre certains problèmes dont ils souffraient. Sa nature est ainsi faite qu’il est unique, sans descendance possible, et qu’il ne peut assumer sa tâche, tout seul. Il s’est fixé une sorte de programme très conséquent, mais ce programme de création pure ne servirait à rien si les univers étaient laissés à l’abandon, sans contrôle. Ovni, mon chéri, tu peux poser des questions si tu veux. — Oui, Léna, j’en ai, des questions. Quelle est la nature réelle du créateur ? Est-elle physique, matérielle, énergie pure ? — Relativement à la nature du créateur, ne me demande pas de quoi elle est faite, je n’en sais rien du tout. Il communique très rarement avec moi, et je n’ai pas la possibilité de poser des questions, juste celle de répondre précisément à ses propres questions, concernant le fonctionnement des deux univers parallèles que tu connais. — S’il est unique, c’est qu’il n’est pas, ni matériel ni énergie pure, puisque l’énergie n’est qu’une forme particulière de la matière. Il doit être constitué d’intelligence pure, une âme de niveau très supérieur, quoi ! — Comme tu es intelligent, mon petit, tu es bien le fils de ta mère. Tu peux m’appeler Léna, tu sais, on s’appelle par nos prénoms dans la famille. — Léna, il y a quelque chose que je ne comprends pas bien. Comment t’a-t-il créée ? — Il a cessé son travail de création d’univers pendant quelque temps, ayant décidé de créer une équipe de contrôle complète, mais à partir d’une seule femme, au départ.

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À cette époque-là, les deux univers existaient déjà depuis des milliards d’années, et se développaient normalement si l’on peut dire. Les deux machines de contrôle n’existaient pas. Il a créé un tout petit monde dans lequel nous vivons, ma famille et moi. Tu en feras bientôt partie, et tu verras, c’est magnifique. — Si je comprends bien, toi-même, Léna, tu es une âme, de plus haut niveau que la mienne, mais une âme. — Oui, car le créateur n’a pas la possibilité de modeler une âme, de lui donner une histoire à partir de rien. Il ne peut créer que des âmes vierges. Il avait décidé que cette âme devait être « élevée » par ses « pairs », donc par les autres âmes qui existaient dans les limbes, car il ne souhaitait pas choisir son lieu d’origine parmi les milliards de galaxies. — Il voulait qu’elle acquière ses connaissances uniquement à partir d’une sorte de compilation du meilleur de ce qui existait dans les limbes, n'est-ce pas ? — Exactement, et c’est à JusteBlanc qu’a échoué cette tâche immense, lorsque le grand conseil des Sages a été mis en place par la volonté du créateur. JusteBlanc s’est adjoint deux autres Sages, SoukRose et DocBleu. — Ces trois-là ont été ta nounou à plein temps, c’est ça ? — Oui, tu as tout compris. Ils ont fait un excellent travail, je crois, et le créateur m’a transférée ici, quand il a été satisfait du résultat. Il a effacé complètement les mémoires des trois Sages au terme de cette période de 25 ans, et ils ne se souviendront plus jamais de rien, sauf si un jour, l’un d’entre eux était choisi pour rejoindre la famille. — Mais pourquoi toi, une femme, pourquoi des enfants, des petits enfants dans cette famille ? — Le créateur ne sait pas d’où il vient lui-même, c’est pourquoi la notion de famille qu’il a introduite dans les âmes vierges de tous ses univers est essentielle pour lui. La famille, c’est la seule chose dont il rêve, m’a-t-il dit un jour, sans que je le questionne, mais comme il lit dans mes pensées, il a décidé de se livrer un peu plus avec moi, mais ça a été la seule fois. Heureusement, il n’a rien effacé dans ma mémoire, ni à ce moment-là, ni après. Nous aurons peutêtre quelques informations de cette manière, au compte-gouttes, ou 49


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en contactant les autres Léna, si c’est possible, en tout cas, je n’ai pas cherché personnellement. — As-tu eu le sentiment, la perception diffuse qu’il pourrait ainsi distribuer ces informations à travers tous ses univers, un peu comme s’il créait un jeu de pistes ? — Non, pas sur le moment, mais ensuite, peut-être, oui, à travers la manière qu’il a de poser ses questions. — Bien, mais alors, comment as-tu fondé ta famille ? — Ah, là, c’est un peu compliqué, mais tu connais les femmes, Ovni, n'est-ce pas ? — Euh… Non… euh, oui, pas vraiment. J’en ai connu seulement deux suffisamment longtemps, ma mère et Angéla. Je dois avouer que je n’en ai pas encore vraiment fait le tour, comme on dit, et que parfois, je ne comprends absolument pas comment et pourquoi elles réagissent comme elles le font ! — Tu as tout compris. Les femelles, les femmes sont différentes des mâles, des hommes, parmi les races évoluées d’êtres vivants sur Terre. Leurs âmes vierges, qui contiennent potentiellement les deux genres, se « spécialisent » dans un genre bien défini lors de leur implantation au stade fœtal, et évoluent ensuite naturellement, selon l’environnement, les situations vécues, etc. Il te faut comprendre simplement que, n’ayant pas eu ce vécu naturel, ça me manquait, et j’ai bravé un interdit en allant fréquemment m’installer dans les bulles de femmes que je choisissais dans la trame de l’espace-temps, pendant mon « éducation » par les Sages dans les limbes. J’ai ainsi vécu réellement tous leurs espoirs de femme, leurs souffrances de femme, leurs joies de femmes, tout comme si j’étais réellement l’une d’ « elles ». Ça m’a complètement bouleversée, mais je suis enfin devenue une femme, beaucoup plus proche des femmes réelles, plus imprégnée de leurs atouts et aussi de leurs défauts, une vraie femme, quoi ! C’est ainsi que mon être s’est refusé à la constitution d’une famille à partir d’âmes vierges, et que j’ai voulu avoir un véritable enfant, de moi, en lequel toute mon âme aurait pu se déverser. La solution consistait, selon moi, à implanter mon âme dans un enfant au stade fœtal, pour le former « de l’intérieur », mais j’ai échoué 50


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lamentablement. C’est le plus grand drame de ma « vie », car l’enfant n’a pas survécu, pour des raisons biologiques, il est décédé quelques minutes après sa naissance. — Comment cela ? Et vous n’avez pas tenté de recommencer ? — Il faut que je t’avoue tout, Ovni, car c’est le prénom que je lui avais donné. Lors de la grossesse, j’ai cru bien faire en commençant à l’éduquer depuis sa bulle, mais je n’ai pas pris la précaution de vérifier l’impact que cela pouvait avoir sur son développement biologique. Son cerveau a beaucoup trop grossi, sa boîte crânienne également, et l’accouchement s’est très mal déroulé, au point d’entraîner sa mort physique. — Je suis désolé, Léna, et ensuite ? —J’étais traumatisée, incapable de réagir, et seule, tellement seule, personne avec qui discuter, personne pour me consoler. Les Sages sont des hommes et il m’était impossible d’en parler au créateur. — Tu as donc imaginé une autre solution. — Oui, celle que tu connais, j’ai choisi « d’adopter » un enfant, et c’est toi que j’ai choisi. Je n’ai jamais investi ta bulle, j’y ai simplement inscrit le mot Ovni en association avec « Surnom », si tu devais un jour en choisir un. — À part ce prénom, nous n’avons donc rien en commun ? — Ne sois pas méchant, j’ai reporté sur toi tout l’amour de mère que je ne pouvais être réellement, et crois-moi, je me sens parfaitement bien maintenant, comme si j’étais ta mère naturelle. — Je n’ai pas voulu vous froisser, Léna, mais je suis comme ça, je n’ai pas souvent tenu compte de la fragilité féminine et j’ai fréquemment eu à sécher des pleurs et à me faire pardonner ces erreurs. Veuillez m’excuser, Léna, je suis sincèrement peiné de vous avoir maltraitée de la sorte. — Ce n’est rien, mon petit, tous les enfants font des bêtises, et tu es pour moi encore un enfant. Tutoie-moi de nouveau, je t’en prie, ça me réchauffe le « cœur » de l’âme. — Bien, mais ensuite, ta fille, ma demi-sœur ? — Là, j’ai employé la méthode bien rodée du créateur, et j’ai fait de même pour son époux, et ils ont fait de même pour les 51


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jumeaux. Célia n’ayant pas voulu m’écouter, les jeunes filles n’écoutent pas souvent leurs mamans, n'est-ce pas, elle a fait la même erreur que moi, en croyant pouvoir contrôler la croissance de la boîte crânienne, mais elle a échoué également. Apparemment, il ne nous est pas possible de nous implanter dans un fœtus humain, cela perturbe trop la nature des choses. — Les jumeaux, ce ne sont pas des jumeaux, n'est-ce pas ? — Ils ont été élevés de la même manière, et Célia s’est appliquée à en faire des vrais jumeaux, dans leur esprit. Ils connaissent leur origine véritable, mais n’en tiennent pas compte. Ils n’ont pas eu l’idée, ni le besoin de visiter des vrais jumeaux sur la trame de l’espace-temps, et ils ne le souhaitent pas, même aujourd’hui. — Je sais un peu ce que fait Vino, mais si peu de choses sur Voni. — Voni est différent de son aîné. Il est moins conformiste, dirons-nous, il est assez indépendant, solitaire. Il s’imagine qu’il est en compétition avec son frère et il a tendance à s’isoler, a moins communiquer. Son père, Célio, lui a donné un objectif précis, celui de tenter de localiser tous les autres univers que le créateur a parsemés un peu partout, dans des dimensions différentes des nôtres vraisemblablement, et peut-être incompatibles, pour éviter qu’ils ne se rencontrent. Voni affirme qu’il n’est pas loin de réussir, mais Vino ne le croit pas. Il faut dire que Célio a bien séparé les travaux, et qu’il n’y a pas d’interaction de l’un sur l’autre à ce niveau-là, Célio y veille en permanence. Seul Célio a une idée précise de la situation réelle, mais c’est un homme, il est comme tous les hommes, s’il n’instaure pas une compétition intellectuelle entre ses enfants, il pense que Célia et moi souhaitons les éduquer comme des femmelettes, dit-il ! C’est faux ! — Je m’aperçois que les traits et les travers spécifiques des mâles et des femelles se reproduisent bien eux aussi, dis-je en riant. — Tu as tout compris, Ovni, et j’en suis ravie, car tu ne te trouveras pas dépaysé quand tu nous rejoindras, très bientôt.

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— Ah non ! J’ai encore beaucoup de travail à organiser, ici-bas, j’ai besoin d’une dizaine d’années pour réaliser tout ce que j’ai en tête. — Je te comprends, mais j’ai tellement hâte de te voir ici. Je ne vais pas brusquer les évènements, soit donc rassuré. Je vais simplement discuter avec Célio et Célia pour te faire une proposition de travail de recherches que tu ne pourras pas refuser, et je crois suffisamment bien te connaître, pour avoir suivi tout ton parcours dans tous ses détails, pour pouvoir l’affirmer. Ce sera une surprise que tu ne saurais pas refuser. — On verra, je promets d’étudier sérieusement une telle offre venant de toi, mais pas dans l’immédiat surtout. Il faut bien comprendre que je suis encore en vie, que je suis marié et qu’Angéla est là, juste à côté de moi, que mes amis sont également tout près de moi, etc. Sans oublier que moi aussi, j’ai des enfants, des petits enfants et même, depuis peu, un arrière petit enfant. Que ferais-tu à ma place ? — Bon, j’ai compris, je ferai ma proposition quand tu seras de retour dans les limbes, et je me morfondrai en t’attendant. — Il y a quelque chose que tu as dit, au début de cette conversation, tu as dit que tu allais bientôt passer le troisième Portail. De quoi s’agit-il ? — Le premier Portail, tu l’as traversé, avec tes amis, en t’installant dans ta « bulle » terrestre, comme tu l’appelles, sachant que la bulle n’est qu’un ersatz d’âme, en réalité. Le second Portail, c’est celui de la mort, le passage vers les limbes, que tu as passé, tout seul, en prenant un risque terrible. Le troisième Portail, c’est celui qui permet aux âmes comme la mienne, et plus tard à celles de ma famille de se regrouper avec toutes les autres familles, pour constituer le Grand Conseil du créateur. Ce Grand Conseil est vide, pour l’instant, et je vais en devenir le premier membre, le Secrétaire Principal, en attendant les autres membres, une centaine en tout. Si je te parlais d’urgence, concernant ta venue parmi ta famille, c’est aussi parce que tu serais le premier de la famille à venir me rejoindre au Grand Conseil, compte tenu de ta longue expérience 53


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vécue. Je suis persuadée, par avance, que tu seras élu Président de ce Grand Conseil, justement parce que tu es une vraie créature vivante, ce qui n’est pas notre cas. Je connais l’importance que les êtres vivants ont aux yeux du créateur, il ne cesse d’en parler, tout en regrettant amèrement de n’avoir pas eu assez de temps pour les assister, les conseiller mieux encore. Il porte un grand espoir dans les recommandations que ce Grand Conseil va pouvoir lui faire, pour décider finalement des bienfaits qu’il pourrait alors décider de prodiguer à tous ceux qu’il a « abandonnés », c’est le terme précis qu’il emploie. — À quelles sortes de bienfaits pense-t-il ? — Ce ne seront pas des bienfaits qui concerneront les particules matérielles ou énergétiques. Les formes physiques actuelles qui résultent de la biologie strictement matérielle seront inchangées. Il modifiera les âmes vierges, pour les rendre plus performantes, surtout à leur retour dans les limbes, en augmentant les capacités de récupération dans chaque catégorie, les âmes simples, les gardiens, les maîtres gardiens, les Sages et même celles des membres des familles. — Si on me demandait mon avis, je proposerais d’améliorer l’accès à la trame de l’espace-temps depuis l’univers des vivants, car ce que je mets en place avec les deux équipes actuellement, pour augmenter le nombre de clones du tunnel, n’est qu’une solution d’extrême urgence. Il est probable que cette solution de secours ne pourrait pas être mise en place sur d’autres planètes, car l’évolution y a été différente et que l’équivalent des PC n’existe pas. Il faut donc que l’accès puisse être réalisé directement depuis les bulles des êtres vivants, ce qui ferait que leur évolution vers la connaissance pourrait être accélérée, et ceci, indépendamment de leur technologie. — Absolument incroyable ! Ovni, tu viens de me donner, à l’instant même, la preuve que le Grand Conseil a besoin de toi, en urgence, car une telle proposition ne viendrait pas aussi naturellement à l’esprit des autres membres de ma famille, qui n’ont jamais rien « vécu » de réel. 54


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Même moi, qui ai passé beaucoup de temps en m’immisçant dans les expériences passées de femmes vivantes, je n’ai fait que copier des comportements féminins. N’ayant pas réellement vécu ces expériences, j’ai simplement « singé » ces expériences. Du copié/collé en quelque sorte ! Toi, tu as acquis, tu as été confronté au doute en plusieurs occasions dans ton existence, tu as fait des choix, tu as vérifié tes hypothèses par l’expérimentation, tu n’as pas fait que des copiés/collé d’érudit, tu as construit ton intelligence progressivement, et tu nous fournis la preuve que l’intelligence vraie, elle résulte de l’acquis, vérifié dans les faits, amélioré par la volonté de l’être. Moi, je ne suis qu’une érudite, pas du tout capable de faire évoluer mon intelligence purement « livresque », je suis sans expérience, et je ne pourrai jamais m’améliorer sur ce plan-là. Je ne sais pas si ce que tu proposes est réalisable, seul le créateur pourrait le dire, mais c’est exactement ce genre d’intelligence qu’il lui faut comme conseiller, la seule intelligence qui vaille, à mon avis, celle qui résulte des acquis d’une vie réelle bien remplie. — Je le pense également, ça me plairait bien, mais je préférerais rester ici encore quelques années. — Donne-moi quelques secondes, on me demande….. … bien, très bien, ce sera fait… Eh bien ! voilà, Ovni, la décision est prise, et je n’ai pas pu m’y opposer. Nous ne t’allouons que quatre mois pour terminer tes affaires en cours. Tu te remettras alors en condition de conservation prolongée, comme lors de ta dernière visite, tu rejoindras Gaël, Gabriel et les Sages, et nous t’en dirons plus sur la suite des évènements. Je peux t’assurer que tu reviendras sur Terre, après la période de trois ans que tu passeras au Grand Conseil. — Merci, je m’engage ferme et je serais disponible dans quatre mois. Au revoir !

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Stanford University Ce lundi, les 45 000 étudiants, professeurs et personnels divers commencent à affluer vers les différents pôles d’enseignement et de recherche. Le campus qui s’étend sur 4500 hectares absorbe aisément cet afflux compte tenu de son étendue. De nombreux étudiants et chercheurs s’installent par petits groupes sur les pelouses rafraîchies pendant la nuit par les jets automatiques, en attendant l’heure des cours. Marina atteint le vieil orme en même temps que Diego, son cavalier servant, et ils s’installent sous l’arbre centenaire avec leurs PC tablettes pour échanger quelques notes de cours. — Bonjour, Diego, as-tu passé un bon week-end en famille ? — Oui, toute la famille était présente, et nous avons fêté l’anniversaire de mon oncle Pedro venu spécialement de Colombie avec ma tante Cecilia. Tu imagines un peu la fiesta latino-américaine que ça a donnée. Ne me demande pas ce que j’ai bu, je ne te le dirai pas ! — Je sais que tu es raisonnable, mais parfois, on peut faire une petite dérogation aux règles, non ? — Je suis en réalité resté dans des limites acceptables, d’autant plus que nous avons accueilli ma cousine Rosalia qui va commencer aujourd’hui des études centrées sur l’histoire des peuples de l’époque précolombienne. Elle a vingt-deux ans, comme toi et moi, et nous pourrons lui faire découvrir l’Amérique, si tu veux bien ? — Tu ne m’avais jamais parlé d’une cousine de cet âge. — Oh, tu sais, la famille est très grande et je ne connais environ qu’un tiers des prénoms de tous ces gens. Cent cinquante prénoms, ça fait beaucoup, et de toute façon, je risquerais de faire des erreurs, car il y a eu pas mal de mélange dans ces familles-là, on ne sait plus très bien qui est l’oncle et qui est le neveu. — Parle-moi un peu de Rosalia. — Je ne l’avais plus vue depuis une douzaine d’années. Elle a été bichonnée dans des écoles religieuses jusqu’à la fin de son cycle 56


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secondaire, donc tu imagines le style, gentille, intelligent, mais inapprochable. Son père, Pedro, l’a inscrite à Bogota pour passer les préparatoires aux études approfondies des ethnies et de l’histoire de cette fameuse période précolombienne, et elle a réussi brillamment, au point d’être acceptée à Stanford, à titre exceptionnel. Est-ce que mon oncle Pedro est intervenu dans cette décision, je ne saurais l’affirmer, mais je sais que c’est un champion du dessous de table en Colombie, rien ni personne ne lui résiste, c’est la société colombienne qui veut ça, si l’on peut dire. — Il est vrai que dans nos pays d’origine, c’est malheureusement une règle très puissante, qui passe par-dessus toutes les lois locales, au point de les remplacer dans l’esprit des gens. Moi, au Venezuela, j’ai eu l’occasion d’être harcelée par des fonctionnaires, et j’avoue que ça ne me plaisait pas du tout. Comme cela fait maintenant huit ans que je vis aux USA, j’ai un peu oublié, mais ça reste un mauvais souvenir. À propos de famille, ma grand-mère Victoria, que nous surnommons Tera, passera prochainement me prendre à Stanford, pour un voyage dans les Andes, avec une visite de son observatoire de prédilection. Elle fera ici un cycle de conférences pendant une semaine, et ensuite, vivent les vacances en altitude. — Ça m’intéresse bigrement, et si c’est compatible avec mes vacances scolaires, j’aimerais bien y participer, pour être avec toi, bien sûr. — Je vais étudier ça, car je préfère que tu ne restes pas seul ici, avec ta cousine ! — Ne t’inquiète pas pour ça. — En principe, Tera arrive dans une semaine, ensuite une semaine de conférences, une semaine de shopping et puis le départ, ce qui correspond à une période où il n’y a pas d’examens ni de travaux pratiques pour des étudiants comme toi, dans ta spécialité du génie génétique. — Tu en as de la chance de ne pas dépendre d’un planning serré, à part tes dates imposées de rapports d’études et recherches en cosmologie quantique.

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— Oui, ma thèse de doctorat me laisse pas mal de liberté, et mon mentor est sympa avec moi, il me fait confiance, il sait que ça n’aura pas d’incidence sur l’avancement de mes travaux. — À propos de mentor de thèse, je le trouve un peu collant, quand il te rencontre dans les couloirs, non ? — N’est-ce pas toi qui dis que je suis la plus belle entre toutes ? — Oui, mais moi, c’est moi, et lui, c’est lui ! — Restons calmes, aujourd’hui, ce sont les filles qui décident, une fois que les prétendants ont fait leurs preuves. — Quelles preuves supplémentaires veux-tu que je te fournisse ? Je suis toujours disponible, doux et attentionné, tu ne peux pas dire le contraire. — C’est vrai, mais nous ne nous connaissons que très peu, finalement, deux mois seulement. J’apprécie tes efforts pour refouler le machisme viscéral des garçons d’Amérique Latine, et crois-moi, il n’y a pas deux Diego, il n’y en a qu’un, c’est toi. Mon mentor est un homme fascinant, beau garçon de surcroît, mais il est marié et il a trois enfants qui ont presque mon âge. Ce qu’il aime chez moi, c’est mon intérêt pour mon sujet de thèse, sujet qu’il aurait bien aimé traiter lorsqu’il était lui-même thésard. — Bla…bla…bla. Tu ne me convaincras pas. C’est l’heure des cours, j’y vais ! Marina range doucement son PC tablette dans son étui, un léger sourire au coin des lèvres. S’il savait à quel point je me retiens pour ne pas me jeter dans ses bras, il ne se montrerait pas jaloux à ce point. Je me suis juré de ne pas tomber amoureuse avant la fin de ma thèse, et je m’y tiendrai. Il faudra que j’en parle avec Tera qui a toujours été de bon conseil pour moi. Elle avait l’habitude de dire, quand j’avais quinze ans, que j’étais son double, tant au point de vue physique qu’au plan intellectuel, ce qui est un sacré compliment, quand on connaît sa carrière. Elle m’a dit sur son dernier message qu’elle voulait me parler du futur, de mon futur, et ça avait l’air d’un secret d’État : je me demande ce qu’elle m’a préparé avec sa bande aux Indes. 58


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J’ai eu l’occasion de tous les rencontrer à Paris, il y a trois ans, au cours d’une fiesta avec ses copines, et ils m’avaient l’air sérieux et motivés pour travailler ensemble. Compte tenu des compétences variées qu’ils possèdent, ce doit être intéressant de travailler avec eux, si c’est ce qu’elle va me proposer. Allons, il faut y aller maintenant, reprenons le collier, la thèse d’abord, les mecs et la famille après. Marina prend le chemin de son labo d’une allure assurée, mais elle continue à cogiter intérieurement. En arrivant dans son bureau, elle regarde distraitement son courrier électronique, et une surprise l’attend. Elle y répond immédiatement… ______________________________ De Tera à Marina, Bonjour, ma chérie, Je vais arriver plus tôt que prévu, car j’ai beaucoup de réunions prévues avec des copains en Californie. Si tu le veux bien, je m’installerai dans ton studio, avec toi, et je rayonnerai en Californie à partir de ce camp de base. Si je dérange, fais-le-moi savoir, car j’oublie un peu trop vite que tu es une grande fille maintenant, et que…sait-on jamais, tu as peut-être d’autres activités, disons, de ton âge. Bisous. Tera. ________________________________ De Marina à Tera, Pas de problème, j’irai te chercher à l’aéroport de San Francisco. Précise-moi simplement le numéro de vol et l’heure. Bisous.

Marina

De Tera à Marina, Demain, vol 723, Delhi San Francisco, 8 heures. Merci, grosses bises.

Tera.

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De Marina à Tera, J’y serai, bon voyage. Bisous.

Marina

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Tera et Marina Je réfléchis dans mon fauteuil, un peu à l’écart de l’activité de TOPLAB, en fumant une cigarette « interdite », car Tera m’en rapporte régulièrement de ses voyages. J’ai décidé de reporter mon départ, car il me reste à régler un problème majeur. J’ai obtenu l’autorisation de ma mère spirituelle, qui m’a accordé trois mois de grâce. La question du moment fait débat au sein du groupe : cela concerne la mise à disposition de la puissance incommensurable de la trame de l’espace-temps-vérité aux humains, via TOPLAB, puisque nous n’avons qu’un seul tunnel pour le moment. À la réflexion, l’intention de départ est bonne, mais elle présente trop de risques pour que l’on donne un accès non contrôlé aux universités. Nous ne sommes par ailleurs pas assez nombreux pour faire ces contrôles au coup par coup, et nous allons mettre en place un système automatique qui vérifiera l’origine de la demande, son contenu et son objectif. Tera est la première concernée, avec Pyco, et ils ont défini avec Labo un algorithme logiciel de filtrage qui évitera tout problème. Le laboratoire est, pour le moment, le point unique en liaison avec le 22@Asnières, et il est situé dans un endroit qui est resté secret jusqu’à présent : de ce fait, ce sont les PC du labo qui sont les meilleurs garants d’un filtrage efficace. Le principe du filtrage est donc le suivant : 1) Les demandes seront exprimées dans un langage classique, et répondront à un formalisme unique permettant de caractériser la demande dans tous ses détails (catégorie de la demande, lieu, date, durée de la séquence vidéo, objectif de la recherche, plusieurs mots de passe successifs, adresse IP du demandeur pour contrôle, algorithme de cryptage sécurisé, etc.) 2) Un logiciel spécifique, façonné par Labo, validera cette demande, et transmettra une synthèse au responsable TOPLA à qui s’adresse la demande. 61


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3) Tera ou Pyco valideront à leur tour, et émettront la demande au 22@Asnières. 4) Ils compulseront les résultats en retour, et les transmettront au demandeur avec les mêmes précautions de sécurité. 5) Un serveur d’adresses IP anonyme basé à TOPLAB permet d’anonymiser les échanges sur le web via un intranet strictement verrouillé. Le choix de la première université et du premier correspondant a été rapidement fait, chacun acceptant la proposition de Tera pour Stanford University, la correspondante pouvant être sa petite fille Marina, qu’il lui faudra mettre partiellement au courant du secret de TOPLAB. Le voyage de Tera à Palo Alto est prévu pour demain, et je resterai sur Terre pour contrôler les premiers mois de cette expérience. . . . Le vol Delhi_San Francisco est annoncé : Marina se lève pour assister au débarquement de Tera et l’attendre au-delà du poste de sécurité. Les deux femmes se précipitent l’une vers l’autre, les bras ouverts, et une longue séance d’embrassade s’ensuit, sous le regard amusé des voyageurs, qui regrettent vaguement de n’être pas accueillis de telle façon. Il n’est pas besoin de les regarder longuement pour déceler leur parenté, tant leur ressemblance est frappante, malgré le demi-siècle qui les sépare. Marina et Tera se rendent directement au studio de Marina, à Palo Alto, et elles expédient un déjeuner frugal avant d’entamer les discussions sérieuses. Deux heures se sont écoulées, et toutes les nouvelles de la famille ont été synchronisées entre les deux femmes. Marina s’est même un peu ouverte en parlant de Diego, son soupirant, qu’elle présentera à Tera prochainement. Elles s’installent confortablement dans deux fauteuils profonds et Tera annonce la couleur : 62


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— Passons aux choses sérieuses. Comme tu le sais, notre bande de vieux savants un peu fous travaille aux Indes sur des sujets qui nous ont toujours fait rêver. Nous avons beaucoup avancé, mais notre âge a avancé également, et nous devons maintenant penser sérieusement à préparer et mettre en place une équipe plus jeune pour poursuivre nos travaux. J’inaugure ce processus et j’ai proposé ton nom, car tu sais combien j’apprécie ton développement personnel et ton sérieux à toute épreuve. Nous sommes arrivés à un point où il ne nous sera plus nécessaire de travailler en un seul lieu, dans un laboratoire super équipé, comme nous l’avons fait jusqu’à présent. Nous avons de moins en moins besoin de personnel sur place, et nous pourrons assurer les tâches encore plusieurs années, jusqu’à ce que le dernier d’entre nous décède. Il suffira ensuite d’une seule personne pour maintenir notre système opérationnel. — Quel est le but profond de ce système ? — Il s’agit de permettre à un certain nombre d’universités d’accéder à la connaissance ultime, de les raccorder à un puits immense de connaissances qui contient l’historique de toutes les particules élémentaires depuis la nuit des temps. — J’imagine conceptuellement ce que tu viens de dire, mais je ne vois pas le lien avec les « connaissances », telles que nous les concevons habituellement ! — Imagine que tu disposes d’une image spatiale fixe et très détaillée, avec des milliards de pixels, le tout en volume, sous la forme d’une sphère de trois mètres de diamètre. Imagine que cette sphère soit, en fait, une partie de cette pièce, et que cette image nous représente, il y a une heure, lorsque nous étions à table. Si maintenant, tu projettes cette image sous forme d’hologramme, tu nous verras en train de déjeuner, à un instant bien précis. Ayant projeté cet hologramme, tu peux en faire le tour, voir au travers de nos corps en t’avançant un peu, bref, tout connaître de cette sphère. Je pourrais même vérifier que tu n’as pas caché un préservatif dans ton soutien-gorge si je le voulais, mais c’est pour te faire sourire bien sûr. 63


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— Mais Mamie, tu sais bien que plus aucune fille ne porte de soutif, maintenant ! Quant au préservatif, ce n’est pas aux filles de le proposer, c’est aux garçons de se l’imposer, et c’est d’ailleurs comme cela qu’on repère les gars sérieux. — Ouh la la, bien des choses ont changé alors : je suis totalement déphasée, et je ne prendrai donc plus le risque de me ridiculiser avec des exemples imagés de ce genre. Ça me servira de contre exemple pour mes conférences à venir. — Cependant, grâce à cette blague de collégienne, je comprends maintenant ce que tu voulais dire. On voit tout, de n’importe où, sous n’importe quel angle, et de plus, on voit à travers tout, selon l’endroit où l’on se place par rapport à l’hologramme. — C’est bien cela. Maintenant, imagine qu’un système sophistiqué te donne accès à une succession d’images fixes de cette même sphère, et que l’hologramme s’anime à la vitesse correcte. — Alors, je te reverrais en train de renverser ta tasse de thé, comme tout à l’heure. — Exactement. — J’ai compris le principe. Et si je demande à ton système de me remontrer la séquence, il y a douze ans, quand mon premier amoureux m’a volé un baiser furtif, le jour de ma communion solennelle. — Eh bien, tu la verrais, et tu pourrais même décider de le suivre, quand il est parti en courant, rouge comme une pivoine, pour aller se cacher dans la grange. — Ouais, mais comment sais-tu ça ? Moi-même, je me demandais où il avait bien pu se cacher. — Ne t’inquiète pas, je suis tombée sur cette scène par hasard, en me repassant cet anniversaire au Venezuela, qui m’avait laissé un si bon souvenir. — Es-tu en train de m’expliquer que votre système permet d’accéder à tous ses souvenirs personnels avec tous les détails ? Une sorte de super bibliothèque de vidéos à la demande, réservée à la famille ? — Oui, mais pas seulement, car ma bibliothèque contient toute l’histoire de l’univers, à toutes les époques. 64


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— C’est fou, ça ! il me faudra un certain temps avant de m’y faire. Mais alors, à quoi sert-il qu’on se décarcasse à faire toutes nos recherches, un peu à l’aveuglette, ici-bas ? Qu’est ce que je fais ici, à Stanford ? — Ne t’inquiète pas, ma chérie, et sache qu’il est plus délicat d’utiliser intelligemment l’information complète qui te serait fournie gratuitement que de la rechercher, car ça ouvre la porte à bien d’autres perspectives, d’autres challenges, d’autres risques encore plus importants. — Exact, car si n’importe qui pouvait accéder à ce système, ce serait la panique assurée. Mais alors, sous quelle forme souhaitezvous faire profiter l’humanité de ce nouveau potentiel explosif ? — En limitant l’accès à quelques rares Sages, et tu pourrais devenir la première femme Sage de l’histoire, si ça t’intéresse. — Ne suis-je pas un peu trop jeune pour ça ? N’ayant pas encore fait de bêtise importante, mais si j’ai droit au même score de bêtises que n’importe qui, que se passerait-il si je me défoulais brusquement ? — Ne te fais pas de soucis, je serais toujours à tes côtés, même si je suis de l’autre côté de la planète. — Que veux-tu dire par là ? — Te souviens-tu de la conférence des chefs d’État il y a deux ans ? La manière dont ils ont été contrôlés par les Scimuts ? — Oui, ça avait fait un choc pour tout le monde. Donc tu veux dire que les Scimuts me contrôleront de la même manière ? — C’est à peu près ça. Un autre exemple : tu as souvent vu à la télévision Aloa à l’ONU, la femme qui avait organisé les réunions plénières et qui est toujours en poste à New York ? Eh bien, cette femme est également sous contrôle, car elle est en liaison avec les Scimuts. — Elle est à l’ONU pour la diplomatie, et moi, je serai à Stanford pour les recherches scientifiques, c’est cela ? — Exactement, et l’on pourrait imaginer une autre personne pour l’éducation mondiale, définissant les programmes et leurs contenus, pour diffusion planétaire permanente. 65


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— Et pourquoi pas une autre pour la surveillance des tensions entre états ou ethnies ou religions, quoiqu’en ce qui concerne ces dernières, la situation a bien changé depuis deux ans. — Oui, mais nous mettrons tout cela en place progressivement. Pour ton job, tu seras la première à jouer le rôle de filtre pour sélectionner les demandes d’informations, car tu seras en contact avec les organismes demandeurs : c’est une position stratégique indispensable pour scruter la pertinence de la demande et déceler les non-dits potentiels de chaque demande. S’il y a un risque, tu devras prendre la décision de refuser la demande, après m’avoir consultée éventuellement, mais ce n’est pas indispensable. Seules les demandes qui ne font pas intervenir des personnages précis du passé te seront soumises, car ton rôle est strictement scientifique, il n’est pas historique ou judiciaire ou je ne sais quoi. Tu auras besoin d’une petite équipe d’une ou deux personnes pour effectuer ce travail, ainsi que les tâches administratives de classement et de suivi des dossiers. Je demanderai demain à ton directeur de thèse de créer cette petite cellule qui reportera à Aloa dans un premier temps et au directeur général de Stanford en parallèle. Tu accéderas à un PC puissant de notre conception, non raccordé à l’intranet de Stanford, mais raccordé uniquement à notre intranet aux Indes, via satellite. Cette machine sera pourvue d’un logiciel spécifique inviolable qui surveillera en permanence qu’elle n’est connectée à rien d’autre qu’au modem satellite intégré, puisqu’elle ne disposera d’aucun port d’entrées-sorties. Le satellite nous appartient, et il est également sécurisé pour ne correspondre qu’avec nos machines agréées. Les informations brutes que nous recueillerons seront stockées sous leur forme d’origine dans notre laboratoire, et nous t’enverrons une version allégée des sphères informatives, car dans la grande majorité des cas, tu n’auras pas besoin de toute l’information disponible, je veux dire que tu n’auras pas besoin des détails qui vont jusqu’au niveau des particules élémentaires. Donc demain matin, je vais rencontrer le DG de Stanford et ton patron de thèse pour leur confirmer notre projet et son financement, 66


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et demain après-midi, je te présenterai officiellement comme notre correspondante exclusive. Si tu penses à quelqu’un de confiance pour te servir d’assistant, tu me le présenteras après-demain. — Justement, demain soir, je dois rencontrer Rosalia, une cousine de Diego qui étudie ici également. Je vais la tester un peu, discrètement, sans rien dévoiler bien sûr. — Tu sais, deux filles ensemble, c’est une source de misères, surtout si elles ne se connaissent pas de longue date. — Elle m’a été présentée comme droite, rigoureuse, et spécialiste des ethnies de l’époque précolombienne. On verra bien, peut-être qu’Aloa pourrait donner son point de vue, puisque c’est son domaine de prédilection. — D’accord, elle doit passer ici la semaine prochaine, on verra ça avec elle. . . . .

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Deux semaines plus tard… Presque tout est en place, à Stanford, Département Informations Scientifiques, dirigé par Marina, assistée de Rosalia. Elles disposent de deux bureaux situés au bout du couloir de la Direction Générale, encadrés par la suite du DG et celle du Directeur des Études. Cette section du bâtiment administratif est sévèrement gardée par deux malabars qui patrouillent sans cesse à cet étage et contrôlent régulièrement le réseau de caméras et de micros dissimulés dans les moulures du plafond. Ces précautions ont été mises en place après deux tentatives de meurtre sur le DG, attaqué par des étudiants atteints de maladie mentale foudroyante, consécutive à des absorptions massives des nouvelles drogues dures à la mode sur les campus. L’ordinateur conçu et fabriqué par Labo est en place, et son modem satellitaire est raccordé à l’antenne spéciale placée juste audessus de leurs bureaux, sur le toit de l’immeuble. On peut y accéder par une trappe au plafond, trappe sécurisée elle aussi. La parabole étant très directive, aucun signal à l’émission ne peut être capté. Par contre, n’importe qui peut capter les signaux en retour, mais ils sont cryptés à partir du contenu de la demande d’origine, donc indéchiffrables. Deux écrans plats grand format équipent les murs et un générateur d’hologrammes en trois dimensions se réserve le centre du bureau de Marina. Les essais ont été fructueux et correspondent parfaitement aux attentes. Aloa est restée deux jours entiers et a formé les deux jeunes femmes en prenant comme exemple une recherche sur une peuplade péruvienne du premier siècle av. J.-C. : Rosalia est restée hébétée devant les scènes très nettes de la vie quotidienne à cette époque, scènes rapatriées par le système sans déformation aucune. Elles ont même pu voir un foetus de six mois dans le ventre de sa mère, alors que celle-ci dormait. Aloa et Tera ont discrètement prélevé l’ADN des deux jeunes femmes et de tout l’étage de direction pour pouvoir intervenir à distance si nécessaire, depuis leurs bulles. Le premier sujet de recherche a été demandé par Rosalia en personne, au sujet de la disparition d’une peuplade des hautes Andes 68


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boliviennes, disparition signalée par des éclats de tablettes en céramique retrouvées récemment, et qui décrivent un peuple apparemment toujours heureux et sans contact avec ses voisins. Aucun recoupement avec les autres groupes n’a pu être effectué, et les recherches classiques se sont avérées impossibles, car ce groupe vivait sur un haut plateau qui a été formé à l’origine par l’effondrement d’une caldera, mais l’explosion subite du volcan endormi depuis des millénaires a tout détruit irrémédiablement. Tout est sens dessus dessous, et la plus grande partie de l’ancien plateau est maintenant sous une épaisseur moyenne de deux cents mètres de roche, de coulées de lave et de cendres. L’explosion a entraîné la fonte des glaciers qui dominaient le volcan, et de brutales coulées glaciaires ont tout compacté, laissant seulement un petit lac intérieur de mille hectares relativement profond. En fait, Rosalia, qui a étudié ces fragments de tablettes, recherche également des fossiles des plantes endémiques qui poussaient dans les forêts de ce plateau, plantes qui sont systématiquement associées à la notion de bonheur et d’amour sur les tablettes. Elles avaient leur pendant négatif, des plantes associées au malheur, qui étaient toujours présentes dans les scènes mortuaires. Dans les environs immédiats du plateau, les recherches concernant ces plantes ont été infructueuses sur 40.000 kilomètres carrés, et pourtant, les dessins des tablettes étaient parfaitement conservés et très précis, avec des coupes descriptives très caractéristiques du développement de cette peuplade. Rosalia continue ses études ethno historiques et souhaite préparer une thèse sur cette fameuse ethnie inconnue. Le sujet ayant été accepté, car n’ayant pas de caractère « sensible », une certaine liberté de recherches lui est accordée, ce qui lui permettra d’avancer assez rapidement. Elle tient à jour un livre chronologique de ses travaux, avec ses commentaires, et le jour est venu de faire sa présentation hebdomadaire à Aloa et Tera, assistées de Marina.

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Recherche des plantes essentielles du peuple Hitzu. Test 1 : Localisation précise dans le temps et dans l’espace. La date exacte du séisme doit être établie. Je dispose de quelques données imprécises aimablement fournies par des chercheurs en glaciologie andine qui ont travaillé dans cette région. La période est connue à une centaine d’années près, entre 200 av. J.-C. et 100 av. J.-C.. J’ai décidé une approche par approximations successives, les deux premières dates d’essais encadrant cette fourchette. La durée de chaque séquence sera courte, deux secondes seulement, et le lieu choisi sera situé deux cents mètres au-dessus du milieu du plateau actuel. Au lieu d’une sphère très détaillée de trois mètres, j’ai choisi une sphère de cinq cents mètres de diamètre, avec une précision réduite en conséquence, car à ce niveau-là des recherches, la précision est superflue. J’ai obtenu, comme prévu, deux vues totalement différentes, l’une de l’ancien plateau vallonné et boisé et l’autre du plateau actuel, presque nu avec un lac central. J’ai ensuite testé successivement les années 180,120,165, 135,150,155,160,163,164,164 et six mois et je suis arrivée à l’instant de l’explosion 164 ans sept mois et douze jours av. J.-C.. J’ai ensuite recueilli le film complet de l’explosion, et l’on pourra le visualiser si vous le souhaitez, car il est très impressionnant, on se demande même assez bêtement comment la caméra reste stable au milieu de cette apocalypse ! Test 2 : Vie quotidienne du peuple Hitzu. Les jours précédant l’explosion montrent un peuple désorienté, priant des Dieux inconnus, dans une atmosphère enfumée de plus en plus épaisse. J’ai choisi une période située en 180 av. J.-C., suffisamment éloignée du drame à venir. J’ai suivi une famille entière dans ses activités ordinaires, la chasse, la cueillette, les repas, la vie quoi ! J’ai constitué un petit film d’une heure que nous pourrons regarder également. 70


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Rien de remarquable, si ce n’est ce rituel, chaque matin, les femmes et les petites filles grimpant dans les bois de résineux jusqu’à une clairière, pour y cueillir des branchettes de la fameuse plante associée au bonheur que je recherche. Et au même instant, les hommes et les petits garçons qui vont dans un grand marécage pour cueillir la deuxième espèce, celle qui est associée à la mort. Au retour, les brins sont mis à sécher, puis broyés finement en poudre, cette dernière étant finalement stockée dans des petites jarres en céramique décorées du symbole de la plante. Ces jarres sont transportées dans une caverne réservée aux grandes occasions, naissances, mariages, cérémonies funèbres, etc. La caverne est constamment gardée par trois hommes qui empêchent toute intrusion, et qui font une sorte de parade dansée chaque heure, cinq minutes en brandissant leur lance enrubannée vers le ciel de manière joyeuse, puis cinq minutes en brandissant leur lance vers le sol de manière violente. Test 3 : Localisation des restes des plantes. Le film de l’explosion montre clairement que les bois de résineux ont brûlé, puis ont glissé vers le plateau sur trois cents mètres de dénivelé, quelques jours après l’explosion, entraînés par de gigantesques glissements de terrain liés à la fonte très rapide des glaciers les surplombant. Il faut préciser que tout le plateau était devenu une fournaise ardente, avec plusieurs lacs de lave qui se refroidissaient lentement. Comme le plateau est totalement encerclé de très hautes montagnes et de glaciers, l’eau et les boues s’accumulèrent sur le plateau pour lui donner sa forme actuelle, avec le lac central. J’estime que le niveau réel de l’ancien plateau, pour ce qu’il en reste, est à cent mètres au-dessous du niveau du plateau actuel. Comme il n’est pas envisageable de rechercher des traces de ces plantes dans cette masse immense de cent mètres d’épaisseur, je me suis donc limitée à prospecter le fond du lac, la seule partie non explorée du plateau actuel. J’ai réalisé un montage de film qui visionne une séquence sous marine réalisée par un circuit circulaire à profondeur constante, de dix mètres en dix mètres, et jusqu’au fond, à deux cent trois mètres. 71


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Nous y verrons le spectacle classique de roches et de boues, sauf vers le fond, où un amoncellement de troncs d’arbres et de branches entremêlées est particulièrement net, complètement débarrassé de la couche de boue habituelle. On a l’impression que ces bois morts viennent d’être passés au jet, pour les nettoyer, en prévision de ma visite. En fait, en regardant mieux, on perçoit un léger courant d’eau qui se dirige vers le centre de l’amoncellement, ce qui traduit une infiltration vers des nappes souterraines et qui explique la relative stabilité du niveau du lac fermé qui n’a aucun émissaire de surface. En « pénétrant » progressivement à l’intérieur de cet amoncellement, le colmatage est de plus en plus resserré, et ce sont d’infimes brindilles qui colmatent le fond de cet entonnoir. L’amoncellement de branches fait environ dix mètres d’épaisseur sur cent mètres de périphérie. On y trouve un peu de tout, des petits squelettes d’animaux, des arêtes de grands poissons, etc. Mon attention a été attirée par des petites pierres jaune orangé, qui sont présentes en grand nombre et nettoyées partiellement de la gangue boueuse qui les recouvre par le léger courant vertical. J’ai très vite reconnu des gouttes d’ambre millénaire, créées par le suintement de la résine des arbres de l’époque des hitzus. J’ai « visité » l’intérieur de toutes ces gouttes, un millier en tout, et certaines d’entre elles contenaient des insectes piégés ou des petits champignons. J’ai eu la chance de découvrir une dizaine de morceaux d’ambre qui contenaient des graines, agglutinées par le vent dans de petits creux au pied des arbres, juste avant leur enfouissement dans la résine. J’estime que ce lac contient des milliers de morceaux d’ambre de cette catégorie particulièrement intéressante, mais j’espère qu’il ne sera pas nécessaire de draguer tout le lac pour en trouver de l’espèce recherchée. On commencera par une simple plongée aux endroits exacts que j’ai repérés sur une carte détaillée. Ayant localisé également une petite jarre en céramique scellée et encore intacte de poudre de plante du bonheur, il sera intéressant de la récupérer également.

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Je demande l’organisation d’une recherche locale pour récupérer ces pièces exceptionnelles. J’aurai besoin d’un mini robot d’exploration sous-marine et d’un assistant ou deux. J’en ai parlé à Diego et Marina qui seraient d’accord pour m’accompagner : à noter que Diego n’est pas au courant du véritable but de cette recherche. Voilà, mon exposé est terminé, vous pouvez me poser des questions. Aloa enchaîne immédiatement : — Tu as avancé très vite dans cette recherche, et c’est un compliment, car la navigation spatiale dans ces sphères d’informations est très perturbante intellectuellement et exige une longue phase d’entraînement, normalement. Évidemment, nous ne sommes pas certains du résultat que nous obtiendrons au final, mais ça vaut la peine d’être tenté. Ça me donne l’idée que bien des laboratoires pharmaceutiques pourraient être intéressés par de telles recherches de plants endémiques disparus, bien qu’ils aient encore fort à faire avec les milliers de découvertes de nouvelles plantes effectuées chaque semaine sur toute la planète. Nous étudierons cette filière pharmaceutique ultérieurement. Réussissons d’abord ce cas spécifique là. J’accorde les fonds pour cette expédition qui aura lieu la semaine prochaine, et j’irai avec vous.

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Expédition andine. Quatre jours plus tard, les trois jeunes gens et Aloa descendent de l’hélicoptère militaire, au milieu du plateau Hitzu, avec le matériel nécessaire et une grande tente de campagne. Tera les a accompagnés en avion jusqu’à Bogota, car elle se dirige vers son observatoire andin préféré, où elle les attendra pour leur faire visiter son antre. Le robot sous-marin est très pratique et il joue son rôle de cueilleur d’ambre efficacement, et sans en perdre aucune goutte. La cueillette se termine par la prise triomphale de la petite jarre du bonheur. Il n’y a personne sur ce plateau suspendu, coincé et isolé du reste du monde par des barrières montagneuses de plusieurs milliers de mètres de hauteur et d’immenses glaciers qui dégoulinent jusqu’au niveau du plateau, en laissant s’échapper des ruisselets de fonte des glaces qui tentent vainement de remplir le lac. Le terrain est relativement régulier, à part de petits amoncellements de roches et quelques coulées de lave à nu par endroits. Une ballade à pied s’imposa pour fêter la réussite du programme, et ce fut l’occasion de découvrir quelques petits mammifères connus et surtout de nombreux oiseaux rapaces d’altitude. Des bosquets se sont reconstitués sur le plateau, mais aucune forêt n’a repoussé sur les flancs rendus plus abrupts des montagnes. Le retour à Bogota s’effectue sans encombre et le vol vers l’observatoire eut lieu dans la foulée. Tera accueille l’équipe dans son logement de fonction, très simple, mais accueillant. Elle organise la visite au cours de l’après-midi et ils terminent la journée tous les quatre dans la petite salle à manger de l’observatoire. De retour dans son logement, tout le monde s’installe du mieux possible et Aloa fait son rapport. — Ce que nous avons réalisé est quand même remarquable, grâce à une prospection virtuelle préalable détaillée des objets de la recherche, puis une visite rapide sur les lieux pour cueillir les objets souhaités. Sans ce merveilleux outil, nous n’aurions probablement 74


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pas réussi en moins de deux mois, et avec une équipe d’une dizaine de personnes au moins. Qu’en penses-tu, Tera ? — Je suppose que nous devrons garder secret pendant longtemps cette réalisation, car sinon nous serons assaillis par des dizaines de demandes concernant le Trésor des Templiers ou la tombe de Marie-Madeleine. Concernant votre butin, nous allons définir ensemble la procédure à suivre, car il faut tester les « qualités » de cette poudre, et localiser les graines correspondant à ces plantes du bonheur. Je propose de confier ce travail à Nico et Svetlana sur l’île de Nova, assistés par Diego s’il souhaite se joindre à eux : c’est dans ses cordes, compte tenu de sa spécialisation en génie génétique. Nico ayant fait une spécialisation en pharmacologie est tout désigné. Qu’en pensez-vous, les jeunes ? — On va s’ennuyer sans lui, glissent astucieusement les deux jeunes femmes avec un clin d’œil complice. Mais on pourra ainsi sortir entre filles et faire d’autres découvertes. — Ouais, ça va bien, hein ! Sur le fond, je suis d’accord, à condition que je puisse faire passer cette absence au titre du stage professionnel que je dois faire cette année. — Pas de problème, répond Aloa, je m’en charge, mais tu repasseras d’abord par Stanford avec nous, avant d’aller sur Nova. — Bon, on est tous d’accord. Il nous reste à ouvrir cette jarre en atmosphère neutre, pour vérifier son contenu. Tera sort de la pièce pour aller se procurer quelques boîtes dans une réserve de l’observatoire, boîtes habituellement utilisées pour recueillir des échantillons de météorites, qui abondent dans ces montagnes très peu fréquentées. Lorsqu’elle revient, tout le monde se penche pour assister à l’ouverture, la jarre ayant été préalablement placée sous un sac plastique rempli d’azote, sac muni de gants externes pour pouvoir manipuler les objets et les ouvrir, grâce à des pinces métalliques placées à l’intérieur. 75


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Tera gratte alors la couche protectrice bouchant la jarre, et enlève totalement ce bouchon en même temps semi-rigide et étanche, une sorte de sève durcie là aussi. Il n’y a apparemment pas de surpression ou de dépression gazeuse interne, et l’on découvre que la poudre a été placée dans trois petits sacs identiques, presque translucides, et d’origine inconnue (peut être des poches de réserve d’oxygène de gros poissons, préalablement desséchées pour éviter la putréfaction). Il est inutile à ce stade d’ouvrir un sachet, car on devine au toucher que la poudre est restée pulvérulente, aucune humidité résiduelle n’ayant modifié la composition de la poudre. Tera remplit chacune des trois boîtes avec un sachet et referme hermétiquement les boîtes. — L’opération est terminée, annonce Tera, il est maintenant l’heure de nous reposer, car nos billets vont arriver demain matin par l’hélicoptère hebdomadaire, et nous l’utiliserons pour retourner à Bogota qui va nous servir de plaque tournante pour nos différentes destinations. J’enverrai des instructions précises à Nico depuis TOPLAB, de manière à répartir les tâches entre Nova et Pyco, qui travaillera sur cette poudre avec moi. J’emporte les trois boîtes, elles seront stockées dans la montagne de TOPLAB2. Ce que pourra faire Diego, lorsqu’il pourra aller sur Nova, c’est se focaliser sur la recherche des graines du bonheur dans les gouttes d’ambre, et il découvrira peut-être d’autres espèces inconnues qui pourraient s’avérer intéressantes. S’il a besoin de recherches plus précises de l’intérieur microscopique de ces gouttes avant de les casser, il pourra se brancher sur Marina et Rosalia pour obtenir de l’assistance. Voilà, et maintenant, tous au lit, utilisez vos sacs de couchage dans ce salon, Aloa et moi, on va se serrer un peu dans mon lit de camp.

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La poudre du bonheur. Avec Claudine, Pyco et Labo, nous accueillons notre belle Vénézuélienne, qui nous arrive, pimpante brune style Sofia Loren, encombrée de sacs de shopping (pour Angéla, nous dit-elle). Elle nous embrasse chaleureusement, car nous, les mecs, nous nous étions tous rasés de près, pour une fois. Elle dépose l’une des boîtes mystérieuses sur la grande table du salon, va faire une toilette rapide, puis nous rejoint pour nous commenter l’aventure latine. — Avant même de parler de cette fameuse poudre, il faut que je vous dise à quel point j’ai été enthousiasmée par l’efficacité du système ETV, appelons-le comme cela, cet espace-temps-vérité. La procédure utilisée pour exprimer les requêtes semble au point, et les sphères d’informations qui nous reviennent sont parfaites et malléables à souhait, grâce au logiciel de traitement de Labo. Un grand bravo à toute l’équipe, sans oublier nos collègues de l’équipe d’Albert et le 22@Asnières, bien sûr. Merci surtout à Ovni qui n’est pas mort pour rien ! — Merci à toi. Nous te montrerons plus tard le travail que nous avons fait en parallèle ici, mais cette fois-ci, en mode holographique, dont tu ne disposais pas là-bas. C’est exceptionnel de précision et de fidélité. Alors, Pyco, que penses-tu de cette poudre miracle ? — Bah, je me demande surtout qui va tester cette pharmacie-là et comment, et à quelle dose ? S’agit-il d’un médicament miracle, ou d’une simple poudre hallucinogène comme tant d’autres ? Je ne sais pas si la plante du malheur est parmi les graines récupérables dans les morceaux d’ambre, mais il n’est pas impossible que ces deux types de plantes soient complémentaires, car elles étaient presque toujours associées dans les représentations sur les fragments de tablettes en céramique.

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— Exact, ajoute Labo, et mieux que ça, la plante du malheur devance toujours la plante du bonheur sur ces tablettes, comme si le malheur devait précéder le bonheur. — Dommage qu’il n’y ait pas dans ces sachets une notice donnant le mode d’emploi ! reprend Pyco. — Qui te dit qu’il n’y en a pas une ? ajoute Claudine, qui lit toujours les notices des médicaments avant de les donner aux enfants. — Eh bien, pour en être certain, on va en ouvrir un sous atmosphère neutre dans le grand labo, et pas plus tard que maintenant ! Et nous voilà partis, presque en courant, dans nos galeries souterraines, vers TOPLAB2, tels des gamins qui vont faire péter un gros pétard de leur conception. Il s’installe devant le manipulateur et ouvre avec précaution le premier sac, entouré par le reste de la bande à Bonnot. — Bien, nous y sommes. J’ouvre le sachet 1, en utilisant un scalpel, et je m’apprête à en verser le contenu dans la coupelle placée en dessous. Je verse, et oh… surprise, il y a deux autres sachets plus petits à l’intérieur. Voyons cela de plus près ! Un sachet est plus clair que l’autre, c’est très visible. Je prépare deux coupelles plus petites, et j’espère bien qu’il ne s’agit pas d’un petit jeu de poupées russes. Je prends le premier sachet, le plus clair, et je l’ouvre délicatement…Je verse son contenu dans la première coupelle…on dirait de la cocaïne très fine. Je transfère le second sachet dans le manipulateur voisin, de manière à ne pas faire de mélange entre les deux poudres, mélange qui pourrait s’avérer explosif, comme peut l’être un mélange de gens trop heureux avec des gens trop malheureux ici-bas. Je passe au second manipulateur, et j’ouvre le second sachet, le plus foncé. Je verse le contenu dans une nouvelle coupelle, ça ressemble à du café soluble en poudre très fine. Bon, eh bien, nous n’en saurons pas plus pour aujourd’hui. Je lancerai un programme d’analyse chromatographique demain, pour nous rassurer sur la nocivité éventuelle de ces deux produits. 78


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— Attends, Pyco, fais-moi plaisir, et développe complètement le sachet d’origine qui contenait les deux petits sachets de poudre. — Euh…crois-tu qu’il y a une notice à l’intérieur ? — Bah…je vais paraître idiote, mais j’ai un pressentiment, et je ne résiste pas au désir de vérifier. — D’accord, je retourne au premier manipulateur, voilà…et je saisis le sachet, ouvert pour le moment dans sa partie la plus étroite. Je glisse un doigt dedans, et j’essaie d’extraire la notice. Priez pour moi, car il y a peut-être un bébé dragon qui va me bouffer le doigt. Bon, effectivement, il y a comme une seconde enveloppe à l’intérieur de la première, et j’arrive petit à petit à la faire sortir, bien qu’elle soit plaquée contre l’enveloppe externe. La voilà, c’est comme une feuille enroulée sur elle-même. Je la déroule, je la tends entre mes deux mains… regardons-la de plus près… Cette enveloppe interne est de la même nature que l’enveloppe externe, elle mesure environ dix centimètres sur dix, et en regardant de plus près encore… je vois de nombreux petits trous, placés apparemment au hasard. Je prends une photo haute définition de cette feuille, je la place sur l’écran situé à ma droite, je l’agrandis…je la fais tourner d’un quart de tour sur la droite, de nouveau, de nouveau…tiens, le hasard fait bien les choses, on dirait des dessins symboliques. Qu’en penserait Rosalia, notre spécialiste des tablettes de l’époque précolombienne ? Je lui envoie immédiatement et je la bipe pour qu’elle nous réponde rapidement. Alors Claudine, remise de tes émotions ? — C’est réservé aux femmes, ce genre de prémonition, c’est pourquoi dans tout groupe d’explorateurs ou de chercheurs, il faut respecter la règle de la parité dans la constitution de l’équipe. — Pas seulement, ajoutai-je, il faut garder aussi une place pour une grand-mère, car ce sont celles qui sont le plus douées pour ce genre d’exercice inexpliqué jusqu’à présent : c’est d’ailleurs curieux que, pour nous, ça reste inexpliqué, puisque nous avons accès à tout, et sur tout sujet ! Tien, ça sonne, serait-ce déjà Rosalia ? 79


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Oui, c’est elle, et elle nous envoie sa traduction des symboles. Je lis pour vous…c’est une ligne de petits dessins. En lisant de gauche à droite, il y a d’abord le symbole d’un homme debout, les bras ballants, puis un sachet plein de trous (j’ interprète « un sachet noir »), puis un homme allongé, les bras croisés ; puis le même, mais placé plus haut sur la ligne que tous les autres symboles, puis le même, les bras croisés, de retour sur la ligne, puis un sachet vide (j’ interprète « un sachet blanc ») ; puis un homme debout, les bras levés au ciel, puis un homme debout qui ouvre la bouche et tend les mains devant lui, vers la droite, puis plein de petits personnages qui sont debout, les bras levés au ciel. Voilà donc la notice d’emploi de ces sachets. Il manque le dosage…à moins que le nombre de personnages indique le nombre de doses possibles avec un sachet déterminé. Ils sont treize, y compris le premier qui a parlé aux douze autres. Mais… c’est mon histoire, ça ! on m’a envoyé là-haut avec un « produit », puis je suis revenu grâce à un autre « produit », et je vous ai raconté et donné le moyen de savoir ce qui se passe là-haut. Qu’en pensez-vous ? — Très juste réflexion, déclare Pyco, la similitude est frappante, ils ont dû découvrir un moyen d’aller là-haut et de revenir avec de simples drogues, sans trépanation, si là-haut signifie dans la bulle. — Oui, il doit s’agir de la bulle, car j’imagine mal qu’ils aient pu assurer la conservation du corps pour un voyage dans les limbes, sans parler de l’incertitude de pouvoir revenir, puisque ça dépend des gardiens. Quoique, avec les glaciers à proximité, ça reste envisageable ! Il nous faudra localiser une de leurs expériences et suivre le personnage dans son voyage, pour vérifier l’une ou l’autre des deux hypothèses. — Probablement, ajoute Labo, toujours prêt à imaginer toutes les possibilités, mais il reste d’autres hypothèses de type de voyage que nous n’aurions pas encore réalisé nous-mêmes. Quelque chose de différent, par exemple un accès immédiat à la trame de l’ETV, sans passer par le 22@Asnières et tout le toutim. — Waow…Labo, tu nous mets l’eau à la bouche ! Allez, dès demain, tu chercheras toi-même la vérité sur l’ETV et les hitzus. 80


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Je vais vite mettre au coffre nos trois boîtes contenant nos six petits sachets, car il est hors de question de faire un test en aveugle. C’est pire que la drogue la plus « dure », cette poudre, imaginez un peu ce que n’importe qui peut chercher et découvrir sur l’ETV si Labo a raison ! . Chacun se met au travail, et le 22@Asnières est rapidement débordé de requêtes. De mon côté, après consultation de Pyco, je contacte Svetlana et Nico sur l’île de Nova, pour faire le point, les informer et leur donner quelques instructions sur les manipulations à réaliser, lorsque Diego les visitera très rapidement pour leur livrer le petit trésor. 1) Extraire toutes les graines des morceaux d’ambre. 2) Les classer par catégories. 3) Sélectionner celles qui correspondent le mieux aux deux graines recherchées. 4) Faire une analyse complète du génome de ces graines. 5) Comparer avec les résultats d’analyses génétiques des deux poudres, réalisées par Pyco. 6) Mettre en plantation dans les serres étanches de Nova, et adapter les conditions de température et d’humidité des serres aux conditions environnementales du plateau des Hitzus. 7) Informer TOPLAB2 régulièrement de la pousse de ces plantes, chaque semaine. 8) Surveiller la parfaite étanchéité des serres, pour éviter une dissémination malencontreuse des graines.

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Les narcotrafiquants. Deux jours plus tard, Pyco nous donne les résultats de ses analyses chimiques et génétiques des deux poudres. Cela correspond bien aux suppositions évidentes faites préalablement. La poudre du bonheur est l’antidote exact de la poudre du malheur. Cette dernière inhibe totalement la toute petite zone du cerveau où se trouvent les connexions avec le Portail. Elle agit comme notre interrupteur Wifi qui dérive les signaux allant vers la Portail, ce qui simule une petite mort temporaire, vue de la bulle. La poudre du bonheur a l’effet inverse, et tout retourne à la normale. Dans ces conditions, la poudre peut valablement remplacer le commutateur Wifi, à condition que la personne soit sous surveillance permanente, pendant la durée du vol, de manière à injecter la poudre du bonheur à temps. Labo a vérifié de son côté cette hypothèse, en localisant une séquence pendant laquelle un chaman faisait une expérience, sous contrôle des deux gardiens de la caverne. Le chaman revenait sain et sauf, puis se précipitait pour rassembler ses congénères et mener une séance publique qui ressemblait à une cour de justice, car tout le monde levait les bras au ciel, sauf un personnage qui restait tout contrit, et qui était ensuite amené en prison, dans une toute petite grotte infecte. Saint Louis, sous son chêne, à Vincennes, ne disposait pas de ce pouvoir à son époque, mille trois cents ans plus tard. Et nos juges modernes non plus, malheureusement. Cette réflexion ne signifie pas qu’il faille diffuser largement cette drogue, bien au contraire, car les risques collatéraux seraient plus grands encore que l’avantage que la justice y trouverait initialement. Brutalement, un éclair de lucidité traverse mon esprit, et une urgence s’impose à moi. Mais comment ai-je pu passer à côté de ça, pendant si longtemps !

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C’est fou, il faut absolument que je m’isole immédiatement avec Tera pour prendre une décision drastique qui la concerne au premier degré… Je tire discrètement Tera par la manche, je lui fais un signe avec mon doigt sur ma bouche, pour exiger le silence, et je l’entraîne vers une petite pièce qui nous sert de réserve de matériel, pour l’entretien des équipements électroniques. Nous nous asseyons discrètement après avoir refermé la porte, et elle me demande : — Mais que se passe-t-il donc, Ovni ? — Si tu savais comme je m’en veux de découvrir seulement à l’instant le risque que nous prenons dans l’équipe. — Sois plus précis, s’il te plaît ! — Si je te parle à l’écart, c’est qu’il y a un problème dans l’équipe, que toi et moi devons régler, car nous sommes plus directement impliqués. — Mais enfin, vas-tu déballer ton sac ? — Voilà, ça vient, lentement mais sûrement. Nous avons adjoint à l’équipe trois personnes récemment, et ce fut une erreur monumentale. Je te rassure, Marina n’est pas en cause, mais Diego et Rosalia le sont. — Comment ça ? Parce que ce sont des latinos, comme moi et Marina ? — Allons, Tera, tu sais bien que je ne suis pas capable de discrimination concernant les origines des personnes. Non, c’est le fait que Diego et Rosalia sont de la même famille, et que je soupçonne, à tort ou à raison, que cette famille est éventuellement liée aux narcotrafiquants colombiens. À cause de la précipitation des évènements de ces dernières semaines, précipitation initiée par moi, puisque je n’ai que trois mois de sursis avant de retourner là-haut, nous n’avons pas du tout fait les vérifications indispensables, concernant cette grande famille, ses ressources et activités, ses liens, etc. Si l’on découvre un lien quelconque avec les milieux du trafic des drogues dures, ça ne signifie pas automatiquement que Diego et 83


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Rosalia en font partie, puisqu’il semble qu’ils ont été maintenus à l’écart et qu’on leur ait favorisé de très hautes études pour leur donner un avenir hors de soupçon. Ce qui m’a fait un choc, c’est quand j’ai fait le rapprochement avec la requête sur ces plantes, demandée par Rosalia, requête innocente au départ, car ce n’était qu’une simple curiosité ethnologique, et qu’on ne savait pas ce que nous allions trouver réellement, n'est-ce pas ? Mais maintenant que nous savons ce qui a été découvert, nous devons faire le rapprochement avec le trafic qui pourrait s’établir aux dépens de la planète entière si ces informations filtraient. Ces poudres sont plus explosives, potentiellement, que toutes les armes mondiales réunies. — Ma tête va exploser, laisse-moi reprendre mes esprits… C’est vrai, je suis impliquée, c’est moi qui ai proposé Marina tout d’abord, OK. Ensuite, ça s’est enchaîné, d’abord Diego qui draguait Marina, puis sa cousine Rosalia qui déboule…et, en plus, ces deux personnes ont des niveaux d’études très intéressants pour ce que je voulais mettre en place. Et, en plus, Rosalia qui nous sort dont ne sait où une requête apparemment innocente…et tout qui s’enchevêtre, s’emballe, et nous voilà tous dans les Andes, sur le terrain, avec Aloa qui n’a pas réagi non plus, prise dans la précipitation ambiante. Je suis la première fautive, je le reconnais humblement ! Que faire, maintenant, car je ne suppose même pas que l’on puisse laisser les choses en l’état, compte tenu des risques cachés, mais certains, que nous courons, à plus ou moins longue échéance. — Je t’avoue que ce qui me gêne le plus, c’est l’impact que ça pourrait avoir sur Marina, qui se sentira, à tort, fautive, alors qu’elle n’y est pour rien. Elle sera choquée si nous prenions une décision radicale, mais elle comprendra, et tu sauras lui expliquer, puisqu’elle est partiellement dans le secret concernant nos expériences passées. — Mais que faire vis-à-vis de Diego et Rosalia ?

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— Je ne vois qu’une solution, c’est l’effacement de leur mémoire biologique et de leur bulle de tout ce qui concerne ces derniers jours, depuis l’arrivée de Rosalia à Stanford. — Mais on ne sait pas faire ça, chirurgicalement, je veux dire ! — Non, et même moi, si je remonte là-haut, je n’aurai pas le pouvoir de le faire. Par contre, Gabriel possède ces pouvoirs, et JusteBlanc l’autorisera sûrement sur ma demande expresse. Si j’essuyais un refus, je grimperais encore un cran dans la hiérarchie. — Mais à quel cran fais-tu allusion ? — Je vous le dirai quand je serai là-haut, ce n’est pas la peine de donner de faux espoirs, car je ne suis sûr de rien. Je vais entrer en communication avec Gabriel, je te laisse le soin de prévenir le reste de TOPLA. Il faudra organiser un voyage de vacances avec nos trois jeunes dans la sierra, leur faire rencontrer et apprécier Pyco qui fera spécialement le voyage, et organiser l’accident. — Quoi, un accident ? — Oui, un accident simulé, après les avoir endormis tous les trois. Pyco fera quelques points de suture à Marina, rien de bien important, dans le cuir chevelu, ça ne se verra même pas. Par contre, pendant leur coma, les mémoires de Diego et de Rosalia seront effacées depuis les limbes, et Pyco leur fera également quelques points de suture pour compléter la mise en scène. Quand ils se réveilleront, ils auront une amnésie inexplicable et durable, mais pas Marina que nous aurons prévenue à l’avance des raisons de cette opération sécuritaire. Marina fera le ménage dans leurs affaires personnelles, en récupérant tout document qui pourrait rappeler la période cachée par l’amnésie. En particulier, elle devra récupérer leurs passeports auparavant, sous prétexte de les renouveler pour les rendre conformes au passeport international étudiant requis par Stanford. Aucune photo ou vidéo n’ayant été pris au cours du voyage dans les Andes, seules les caméras des aéroports conserveront une trace, mais il n’est pas utile d’aller jusque-là. 85


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— Tu m’expliques tout ça comme si tu allais partir là-haut dans cinq minutes ! Est-ce le cas ? — Je pars ce soir, après avoir fait mes adieux au groupe et prévenu Gabriel de l’opération, dont le résultat dépendra surtout de lui pour l’effacement pérenne des mémoires de Diego et de Rosalia. Je demanderai à Labo de modifier un peu notre logiciel pour Stanford, de manière à ce que toute demande ayant Rosalia comme origine soit filtrée manuellement par lui ou Pyco. Rosalia continuera à travailler avec Marina, ce qui est une garantie supplémentaire pour éviter tout dérapage. Les seules traces physiques de la recherche dans les Andes seront quelques graines de plantes anciennes et inoffensives retrouvées dans les gouttes d’ambre par Nico et qui lui seront expédiées depuis Nova. Toutes ses notes de travail préparatoire au voyage seront « ajustées » pour qu’aucun élément bizarre ne subsiste. Les résultats de la recherche sur ETV lui seront inaccessibles, respectant ainsi l’engagement du code de déontologie des travaux qu’elle a signé à son entrée. Elle complétera son étude rapidement, et ce dossier sera classé comme tout le reste. Il ne lui restera que quelques graines qu’elle fera prospérer amoureusement sur le balcon de Marina. Marina l’affectera à des recherches linguistiques sur les anciens peuples d’Amérique du Nord et les Inuits des périodes glaciaires pour l’éloigner de la zone dangereuse. J’écris tout ceci en même temps que je te le dis, ça te donnera un fil à suivre en cas de besoin.

La menace. Souvenons-nous de l’épisode où le laboratoire-repaire de Lupo fut détruit, ensevelissant le gourou qui y élevait et éduquait des loups pour en faire des soldats disciplinés, prêts à mourir pendant les combats urbains de nuit. 86


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Son laboratoire est en cendres, et le mal ne viendra plus de là. Cependant, Lupo enterra ses secrets avec lui, et parmi ces secrets, il y en a un, et il est de taille. En effet, Lupo était le père de deux fils naturels, qui furent également éduqués dans les universités militaires des pays de l’Europe de l’Est : ils sont jumeaux et ont pour prénom Remus et Romulus, en hommage à la fameuse louve qui fut, selon la légende, à l’origine de la création de Rome. Romulus travaillait dans les milieux médicaux et chirurgicaux militaires, comme il se doit, et il était devenu un spécialiste en neurobiologie à l’âge de trente ans. Remus travaillait à la tête d’une organisation paramilitaire secrète qui fournissait des gardes du corps dans de nombreuses ambassades de ces pays. Les deux enfants étaient maintenus informés de tout ce que Lupo développait dans son laboratoire souterrain. Lorsque Lupo embaucha Svetlana pour l’envoyer espionner TOPLA à l’ONU, il demanda à Remus de se faire embaucher par l’ambassade à l’ONU de l’un de ces pays, ce qui fut très facile, compte tenu de leurs relations privilégiées avec les chefs d’État. Remus devait surveiller tous les faits et gestes de Svetlana, et s’en faire une amie, si possible, ce qui ne poserait pas de problème, car les deux jumeaux ne ressemblaient pas beaucoup à leur père. Lorsque Svetlana eut besoin de matériel radio pour espionner l’émetteur Wifi d’Aloa, il s’arrangea pour devenir son fournisseur sur place et lui prêta le matériel. Remus avait accès par la valise diplomatique à tous les équipements militaires de pointe dans le domaine de la surveillance et du contrôle des personnes. Comme tout le monde le connaissait pour son rôle officiel d’agent de maintenance électricien de l’ambassade, il pouvait aller librement dans certains étages où se trouvaient les suites des ambassades étrangères, et donc également à l’étage où Aloa et Svetlana avaient leur propre suite. Il passait régulièrement dans tous ces couloirs poussant une sorte de caddie contenant tout un attirail d’électricien/informaticien, et personne ne fit plus attention à lui, au bout de quelques jours. Il 87


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eut ainsi la possibilité de placer des microscopiques caméras dans le couloir et dans la suite d’Aloa, pendant les heures où se déroulaient des séances plénières auxquelles tout le monde assistait. Il vit donc les allées et venues de Svetlana qui pénétrait nuitamment dans la chambre d’Aloa, et ses caméras micro lui signalèrent le moindre détail, y compris le moment propice que Svetlana avait choisi, en deux occasions, pour aller dans cette chambre. Il fit automatiquement le lien avec le prêt de matériel radio qu’il lui avait fait, et comprit tout rapidement. Il nota que Svetlana avait retourné partiellement le corps d’Aloa pour regarder dans sa chevelure. La nuit suivante, il s’introduisit lui-même dans la chambre d’Aloa, et il installa autour de sa tête l’une des dernières merveilles technologiques du monde militaire, un casque qui jouait le rôle d’un scanner de cerveau miniaturisé. Aloa resta heureusement endormie, et en cinq minutes, Remus obtint un enregistrement complet et précis du cerveau d’Aloa en trois dimensions. Lorsqu’il dépouilla ultérieurement cet enregistrement, il localisa très finement l’emplacement de la quadruple connexion neuronale avec la capsule wifi de surface. Il analysa également les signaux échangés entre le commutateur et la capsule crânienne wifi, signaux qu’il décoda aisément avec le tout dernier algorithme de décryptage militaire. Au cours des jours suivants, il écouta à distance respectable toutes les conversations entre Aloa et Svetlana, grâce à une miniparabole placée dans son caddie et qui amplifiait les ondes sonores captées dans un faisceau conique très fin qu’il dirigeait vers les interlocutrices. Lorsqu’il prévint son père Lupo du risque sérieux d’être découvert, Lupo perdit beaucoup de temps, en tentant de transférer ailleurs son laboratoire auquel il tenait beaucoup, et il succomba sous les décombres, suite à l’attaque organisée par les policiers locaux. Remus poursuivit cependant sa surveillance, informant désormais son frère Romulus qui avait pris le relais pour la famille, en Roumanie. Il apprit ainsi tout ce qui se tramait, et il découvrit donc le double jeu de Svetlana. Au moment où Svetlana dut partir s’installer 88


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sur Nova avec Nico, il en savait autant qu’eux. Il s’en était même fait deux amis, mais Svetlana restait toujours sur la réserve au plan émotionnel, ce qui rendait les deux hommes transis d’amour pour cette jeune beauté. Il en savait en fait plus qu’eux, puisque l’opération chirurgicale que pratiqua Nico sur Svetlana pour la libérer de son problème neuronal fut également enregistrée grâce à des caméras. Il fut cependant étonné par le fait que ni l’un ni l’autre ne semblèrent se souvenir de cette opération par la suite, ou en tout cas n’en parlèrent plus jamais. Remus décida, avec l’accord de son frère, de déplacer son activité de surveillance sur l’île de Nova, car l’Himalaya ne lui semblait pas être un bon choix, il était trop difficile de se fondre dans le paysage aux abords de la caverne de TOPLAB. Il profita d’un des derniers bateaux usines de pêche à la langouste autorisés sur la zone de Nova pour se faire débarquer de nuit sur l’île, moyennant monnaie, avec le matériel indispensable, et il s’installa confortablement dans une galerie naturelle creusée sous une coulée de lave, longue d’une centaine de mètres. Cette galerie résultait d’une coulée de lave qui avait recouvert le creux du fossé naturel d’un ruisseau intermittent, fossé, depuis, régulièrement remanié par les rares crues orageuses qui approfondissaient le lit sur tout son parcours sous la lave. Il avait ainsi l’eau à disposition, et la nourriture grâce aux vaches sauvages dans la montagne du volcan éteint et aux œufs de manchots et de sternes, sans oublier quelques langoustes qu’il chapardait de nuit dans les cages de conservation immergées en mer, à proximité du camp. Cette galerie étant située à quatre kilomètres du camp, il ne risquait pas d’être découvert, car il n’y avait pas de petits enfants chercheurs de trésors cachés sur cette île du bout du monde. À proximité de la parabole satellitaire du camp de Nova, il avait trouvé une petite faille dans laquelle il avait installé un enregistreur fréquencemètre qui recueillait tous les signaux échangés via le satellite entre l’équipe Nova et TOPLAB, ceci dans les deux sens. Une paire de fils gainés dans un petit câble bien isolé reliait cet équipement à la tête émettrice et réceptrice de la parabole, dont il 89


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dérivait une faible partie des signaux, sans que cela puisse être détecté. L’électricité lui était fournie de la même manière, par un branchement en parallèle sur les câbles de puissance à peine enterrés de la station. Il venait régulièrement de nuit pour transférer les données brutes sur son ordinateur portable, dont les batteries étaient chargées en permanence dans la petite cachette. Il exploitait les données brutes dans la journée, en décodant les flux d’informations échangés. Lors de son voyage à bord du bateau-usine, il s’était fait communiquer les informations nécessaires pour pouvoir se connecter en wimax avec le réseau de bord, et ainsi il pouvait communiquer avec son frère Romulus quand le bateau était dans les parages. Et, chose importante, le patron du bateau était ainsi joignable pour le récupérer sur sa demande, lorsqu’il aurait terminé sa tâche. Il prit même le risque d’installer de jour quelques caméras micro wifi dans toutes les pièces importantes de la base, en s’introduisant par les trappes au sol qui donnaient accès au vide sanitaire du bâtiment. Ceci fut réalisé un jour de fête champêtre où tous les résidents de la base allèrent gaiement au sommet du volcan éteint, pour une grande ballade découverte en commun, genre « gardenparty ». Bref, il avait tous les moyens pour espionner la petite base. Il resta sur l’île quelques mois, se distrayant à regarder de loin avec des jumelles les couples de jeunes gens qui s’égayaient parfois dans les petits bosquets de phylicas. Le soir, il regardait la télévision sur Internet, ou tapait ses rapports d’avancement à son frère. Il commençait à s’ennuyer un peu, car rien d’important ne se passait réellement, et même la vision de Svetlana endormie, seule, dans sa petite chambre finit par le lasser. Les choses sérieuses allaient bientôt survenir, mais quand ?

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La cueillette du fruit défendu. Les évènements semblent s’accélérer dans la base, tout le monde s’intéresse au petites serres protégeant les plantations de la base, depuis que Diego est reparti pour Harvard. Remus a enregistré les échanges verbaux et Internet au sujet des deux types de plantes complémentaires, et il décide d’en voler quelques pousses dans la serre étanche, pour les ramener en Roumanie. L’opération se déroule sans heurt, et son prélèvement ne se verra pas, car il l’a effectué dans un semis à la volée, où les graines n’ont pas été comptées. Il demande son retour au bateau-usine, et deux mois plus tard, il s’installe avec ses plants dans une vieille ferme abandonnée par sa famille depuis 20 ans. Cette ferme est située dans une vallée fermée des montagnes Carpates. Son frère et lui décident de laisser prospérer leurs plantations pendant deux ans, de manière à multiplier les plants et à être en mesure de tester leur efficacité. Romulus assurera le suivi à la ferme, et pendant ce temps, Remus se mettra en contact avec le chef des narcotrafiquants en tentant de devenir rapidement son adjoint en charge du développement, lui promettant monts et merveilles relativement à une nouvelle plante qu’il a découverte, et qui fera passer la cocaïne pour de l’eau de rose. Le marché est estimé à des centaines de milliards de dollars et comme il est toujours dans l’attente de nouveautés, il ne va pas être déçu de celle-là. Romulus a par ailleurs commencé un projet complémentaire, celui de définir une molécule de synthèse qui aurait les mêmes caractéristiques que la plante cultivée. S’il y parvenait rapidement, les premières livraisons pourraient être pratiquées dans la semaine qui suit, en vrac, non conditionnées. Remus pourrait alors effectuer préalablement un test à titre personnel, pour vérifier la qualité et l’efficacité de la plante miracle, selon le dosage. Les vœux des deux frères sont exaucés rapidement, car Romulus sort les premiers échantillons validés de son laboratoire en moins 91


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d’un mois, à partir de l’analyse génétique des premières feuilles des plants, qui avaient maintenant trois mois et étaient devenus de petits arbrisseaux. Remus revient alors de Colombie, et les deux frères s’installent dans la vieille ferme, pour effectuer des essais gradués et progressifs. Les deux types de poudres sont préparés pour injection dans des ampoules stériles, et Romulus a pour rôle de surveiller l’état de Remus, avec tout l’équipement médical adapté à la circonstance. La première injection n’a qu’un effet mineur sur Remus qui se met à « planer » pendant quelques minutes, effet comparable à une dose assez forte de cocaïne. La seconde injection n’apparaît pas nécessaire, mais elle a lieu cependant, pour respecter la procédure. Le second essai double la dose de chacune des deux poudres, Remus s’endort cette fois-ci pendant quinze minutes, sans que ses caractéristiques physiologiques soient perturbées, vues de l’extérieur. Il se réveille même seul, l’air hagard, comme au sortir d’un coma traumatique. Il déclare avoir « plané » dans un brouillard coloré, sans pouvoir reconnaître quoi que ce soit dans ce décor psychédélique mouvant lentement, et ces impressions durent encore trente minutes après son réveil, tout en s’estompant lentement. La dose d’antidote le ramène carrément dans un état qu’il juge normal, sans séquelle apparente. Les courbes des enregistrements ne trahissent aucun changement dans les caractéristiques physiologiques, elles restent plates depuis le début, y compris pendant l’endormissement. Apparemment, ce dosage correspond au dosage recommandable pour la commercialisation du produit, qui présente toutes les caractéristiques d’un « drugs killer » global, comparé à toutes les autres drogues dures du moment. Les deux frères se congratulent mutuellement, certains d’avoir réalisé le rêve ultime de tout bon trafiquant de drogue, devenir le détenteur/inventeur d’un produit réalisable industriellement, et aisément de surcroît. Maintenant que l’objectif est atteint, faut-il aller plus loin ? Romulus n’est pas chaud, car il craint de perdre son frère, qui est le seul à avoir des contacts avec la mafia colombienne. Remus est 92


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tenté, mais il déclare qu’il fera cet essai dans quelques semaines, lorsque le contrat sera signé avec les distributeurs. Romulus annonce alors qu’il va installer le labo de production dans la vieille ferme, et qu’il s’y installera à demeure, pour tenter d’atteindre une production de dix kilos de poudre par jour, l’équivalent d’un million de doses, une fois conditionnées en ampoules injectables par le réseau de distribution. Revenu estimé, quinze milliards d’euros annuels nets d’impôts. Bien entendu, il ne faut pas espérer que cette manne dure plus d’une année ou deux, car d’autres laboratoires finiront par découvrir le secret de fabrication de la fameuse molécule, mais cela permettra à chacun des deux frères de couler une fin de vie paisible, si l’on met de côté leurs éventuels problèmes de conscience. Il n’est d’ailleurs pas impossible que les états eux-mêmes décident de fabriquer ce produit et de le distribuer sous forme de médicament pour les personnes en fin de vie, mais alors le monde entier voudra ériger des statues à la gloire des deux inventeurs qui devront décider, si oui ou non, ils ont intérêt à se matérialiser devant les photographes des médias mondiaux.

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Alerte générale. Je suis maintenant prêt à m’envoler pour l’éternité, espérant cependant que l’on m’autorisera à communiquer avec ma grande famille élargie, ne serait-ce que pour m’informer sur leur devenir.

Fin provisoire du Tome 3

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Bibliographie :

Premières rencontres internationales, Actes du Colloque Martigues 17 juin 2006 http://www.amazon.fr/gp/product/2952894000 Une énigme pour la science, Plaidoyer pour une étude scientifique des Expériences dites de Mort Imminente http://www.amazon.fr/gp/product/2912883571 Œuvres de Julhes Jean-Pierre, La Série du Portail. http://anticipation-jpj.fr/default.aspx

OVNI, dit BRO 95


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« Pour un auteur de science-fiction-anticipation, mon parcours est atypique. Tout d'abord, un lecteur adolescent, ébloui par les œuvres d'anticipation et de voyages de Jules Verne, l'un des plus grands Précurseurs en littérature de fiction. Un lecteur assidu, aux débuts des séries de science-fiction Fleuve Noir, dans les années 50-60, au début d'une carrière d'ingénieur dans le domaine de l'informatique industrielle et des automatismes. Une carrière classique TGV/Avion/Boulot/Dodo, rien de particulier à dire, sauf que la disponibilité et le temps libre n'étaient pas au rendez-vous. En matière d'écriture, rien de littéraire, des milliers de rapports en langue anglaise, écrits à la main, et d'aucun intérêt pour la postérité. Lorsque le temps libre arriva enfin, en même temps que l'ADSL, j'ai prospecté les domaines techniques qui m'avaient échappé dans nombre de sites universitaires, dans tous les pays, et je suis abonné à nombre de flux RSS pointus. Techniques biologiques, écologie, informatique de pointe, neurobiologie, cosmologie, théorie des cordes, trous noirs, bref, tout ce qui me semble être en mouvement, et capable d'alimenter ma réflexion littéraire naissante. Je me classe dans le genre Précurseurs, un genre délicat puisque tous mes romans commencent au début des années 2000, avec le 96


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risque évident de paraître obsolètes dans dix ans, mais c'est le destin des Précurseurs, n'est-ce pas ?

Notes de l’auteur Ce troisième roman constitue une suite au second tome d’une série qui pourra contenir neuf ouvrages complémentaires, chacun reprenant ce premier texte comme Introduction au nouveau roman complet, Introduction en italiques, conservant les sept personnages principaux avec leurs nouveaux « pouvoirs » d’investigation et de communication. Les deux premiers romans sont intitulés : « Les Colombes du Portail » rédigé par Ovni, dit Bro « Un Portail plus loin » rédigé par Ovni, dit Bro Pour tout nouveau roman complet, le nouvel auteur privilégiera un choix parmi les neuf thèmes suivants que je propose pour essayer de toucher plusieurs sensibilités différentes de lecteurs. Si un nouveau roman complet d’un nouvel auteur devait avoir une suite, elle serait la bienvenue.

Liste non exhaustive de thèmes : 97


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— 1 un thème autour de la tentative d’un visionnaire utilisant ses nouveaux pouvoirs pour devenir un prophète gourou, futur dictateur planétaire poursuivi par Topla. — 2 un thème policier autour de la vengeance féministe engagée par une femme visionnaire, utilisant ses nouveaux pouvoirs pour venger les femmes battues, violées, etc. dans le monde entier. — 3 un thème de généalogie ancienne permettant à un visionnaire de réhabiliter nombre d’ancêtres injustement emprisonnés, haïs, etc. — 4 un thème policier autour de l’action d’un justicier visionnaire, remettant de l’ordre sauvagement, mais pourchassé par une police très active. — 5 un thème animalier autour de la recherche d’un visionnaire qui va s’immiscer dans le monde animal. — 6 un thème autour de la recherche d’un visionnaire qui va s’immiscer dans le monde végétal. — 7 un thème autour de la recherche du point Big Bang de la création de l’Univers. — 8 un thème autour de la recherche d’autres planètes hébergeant des êtres vivants et leur découverte. — 9 un thème genre StarWars. L’ensemble des neuf thèmes est ouvert aux auteurs qui souhaiteraient développer un thème de leur choix, ou un nouveau thème à définir. Une prise de contact avec Ovni, dit Bro, sera nécessaire pour définir le projet thématique et les droits afférents à chacun. L’ensemble du présent texte a été déposé à la Société des Gens de Lettres françaises pour fixer l’antériorité.

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