L'Eclosion_22_Octobre

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18 août 1970

Woodstock : au pays du rêve Par Geneviève Dufour 18 août 1970 Un an déjà. L’idée avait été lancée naïvement autour du feu un vendredi soir comme les autres, vers la fin juillet 1969. Woodstock. Une occasion d’enfin concrétiser nos désirs d’évasion qui germaient depuis plusieurs mois déjà. Pèleriner avec nos guitares, nos histoires, nos têtes folles. Cheminer vers cette liberté qui paraissait tellement belle au cinéma. Peut-être même y goûter, à cette liberté, qui sait où la route de New York allait nous mener. C’est à partir de cette nuit-là que nous avons commencé à travailler sur le vieux Westfalia 1960 que mon père avait réussi à acheter avec nos fonds de tiroir.

des hommes presque nus qui déblatéraient le même discours selon lequel il fallait arrêter la guerre du Viêt Nam, qu’il s’agissait d’un crime contre l’humanité, qu’ils voyaient en cette histoire une apparition réelle du Diable. Dès les premières notes du chanteur Richie Havens, qui ouvrait le bal, la foule s’est levée et a vénéré le Soleil qui plombait et calcinait le dessus des têtes intoxiquées par l’euphorie. C’était beau, c’était un grand cri à l’unisson pour la liberté. La nuit tombée, plusieurs ont rejoint leurs véhicules pour goûter au plaisir de la chair, alors que d’autres s’en sont tout simplement donnés à cœur joie dans les quelques buissons entourant le site. L’homme sauvage réduit à sa plus simple expres-

Avec un peu d’alcool dans le sang, le signe de Volkswagen ressemblait vaguement au désormais célèbre signe de peace. Nous en avons fait notre emblème. C’était la mode, pour tout dire, on les voyait partout à la télévision ces symboles-là, surtout dans le coin de San Francisco où toutes les femmes portaient des bandeaux pour dénoncer je ne sais plus quel abus de multinationales ou défendre les droits de leurs poitrines. C’est avec le vent dans les cheveux et presqu’aucun vêtement sur le dos que nous sommes arrivés sur le site enfumé dans l’après-midi. Je dis enfumé, mais le mot est faible, car l’endroit était un véritable dôme de fumée opaque de cigarettes et autres substances parfois difficiles à décrire. Les organisateurs n’avaient absolument pas prévu qu’environ 450 000 hippies rêveurs allaient débarquer sur leur terrain improvisé, encore moins qu’ils allaient alors créer le plus gros embouteillage de voitures que nous avons connu à ce jour. Après plusieurs heures d’attente et quelques joints dans le corps, nous avons finalement réussi à gagner le site. Nombreux étaient les hommes aux cheveux longs portant leur instrument de musique en bandoulière et arborant les mêmes lunettes que John Lennon. Un vrai phénomène de rébellion. Une image frappante, écrasante. Une majorité d’humains rêvant du même projet, celui un peu fou de faire la paix dans le monde. Un plan pourtant inconcevable selon les dirigeants qui basaient leurs programmes électoraux sur les profits et le fameux, le célèbre, le grand appât du gain. Je me surpris à parler à plusieurs inconnus qui m’expliquèrent ce qu’étaient véritablement les cinq sens de l’homme. Ils me montrèrent à observer les couleurs sous toutes leurs formes, leurs nuances, leurs lumières. Ils m’apprirent à toucher un brin d’herbe et à vraiment en sentir les composantes entre mes doigts. J’entretenus des conversations impossibles avec

sion. Ce qui marquait dans ces 3 days of peace and music était l’ambiance de fête ou plutôt d’hommage à la simplicité qui régnait sur les 243 hectares de gazon et de poussière du site. C’était le nuage de fumée âcre mais également le nombre de sourires captés au hasard. L’apparition de Jimi Hendrix, au jour trois du festival, fut un des moments forts, chacun l’acclamant à sa façon alors qu’il entamait sa prestation musicale dont nous ne pouvions nous lasser. Nous avons finalement quitté l’endroit le 18 août vers midi, la fête ayant continué pendant la nuit malgré les revendications des organisateurs qui voulaient que leur événement se termine le 17 août au soir. Il faut dire qu’une masse d’un demi-million d’hippies utopistes était difficile à déplacer. On se souviendra du festival de Woodstock 1969 comme d’un événement historique unique en son genre. L’apogée de l’idéaliste moderne dans son élément de base : la nature.

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