"Marolles: Trajectoires, identités, territoire" Livret 1

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Carnet

Roger Mr Roger c’est un grand journaliste, il nous montre tout, il nous emmène partout, il est responsable de tous, c’est le maire de nous. (Chafik)



Là nous sommes aux Petites Sœurs des Pauvres, il y a 200 tartines qui se font tous les jours et sont distribuées aux sans-abris. Je fais le tour pour voir qui a besoin d’une carte médicale pour pouvoir aller chez le médecin sans payer. Avec la carte le médecin donne la consultation et se fait rembourser par le CPAS. Il y a beaucoup de problèmes de santé, la vie dans la rue est extrêmement dure pour le corps.


Ensuite ils peuvent venir chez Nativitas pour manger leurs tartines et boire leur café à 20cts. Il y a le service coiffeur, le service douche qui s’arrêtent à 12h, parce que la loi nous interdit de faire le service douche pendant la restauration. La restauration c’est le menu complet pour 2€. Et le service douche et tout le reste c’est payant ? 1€ avec le savon et shampoing. Les douches

sont en bas, en haut tu as le service social, les bureaux où on reçoit des gens toute la journée, pour les écouter et régler leurs problèmes sociaux. Tu as la partie vestiaire où on vend des vêtements à un prix modique. Combien de personnes viennent par jour, plus ou moins ? Les douches, il faut compter 6 à 7 personnes par jour. Vu qu’on doit arrêter à midi à cause de la restauration et il

faut compter 90 repas tous les jours. A Nativitas il y a plus ou moins 60 bénévoles. Ce sont des gens qui travaillent dans le social ? Non, non ce sont des gens qui veulent rendre service, ils viennent une fois par jour. Il y a une équipe pour le lundi pour le mardi, et ainsi de suite tous les jours de la semaine. Il n’y a que le dimanche où Nativitas est fermé. Il y a des activités intérieures

et extérieures. Intérieurs : Cours d’espagnol et chorales populaires avec Monica la fondatrice qui est ici depuis 35 ans. Extérieur : le théâtre des Tanneurs, Trajectoires/ Identités/Territoire


Comment se fait-il qu’on apprenne l’Espagnol plutôt que le Flamand ? C’est une demande Monica : Tu vois l’Eglise là qui a au bout de la rue, elle s’appelle l’Eglise de la Chapelle, et bien c’est Nativitas qui l’a sauvé. En 1975, quand nous sommes arrivés ici, j’avais appris que l’église allait être désacralisée,

transformée en Centre Culturel ou bien un Musée. Alors je suis allée jusque chez le Bourgmestre pour dire que c’était pas possible, que c’était ridicule. Et alors tous les dimanches et toutes les fêtes pendant 23 ans, on a chanté, je suis chef d’orchestre et professeur de grégorien. Et maintenant nous allons fêter le 800tième anniversaire, il paraît que la Ville de Bruxelles a donné beaucoup d’argent,




mais on ne parle pas de Nativitas qui a pourtant sauvé l’église. Apparemment il y a des messes en plusieurs langues ? Monica : Maintenant ce sont les polonais qui ont pris la relève, donc pour nous c’est très bien, mission accomplie.

On ne peut pas désirer mieux. On ne cherche pas la gloriole mais on cherche la vérité historique et elle n’y est pas. Nativitas a trois but: le premier spirituel, nous avons beaucoup d’amis qui ne sont pas croyants et qui sont de grands amis

Le second but est social, avec 1000 activités sociales Et le troisième qui nous différencie des autres est culturel et artistique. Nous trouvons que c’est important de respecter la dignité de tout être humain en lui offrant l’accès à l’art et à la culture.

Chez nous tout est payant, même les vestiaires, presque rien, mais en faisant cela on maintient leur dignité. Là nous sommes devant Pierre d’Angle, c’est un asile de nuit, il y a 48 lits. Le principe d’ici c’est basé sur les cartes. Par exemple on est lundi, ce soir ils décident que ce sont



les rouges, les 48 premiers « carte rouges » rentrent et puis c’est fini. Mais quoi il y a des couleurs différentes ? Oui il y a les noires et les rouges. S’ils décident les rouges et ben les autres restent dehors dans ce cas là. Et les autres où ils vont dans ce cas-là ? Ben ils restent dans la rue.

Est-ce qu’il y a d’autres centres ici pour accueillir les gens ? Les 48 premiers rentrent et les autres vont au CASU ou à la Gare Centrale. Et il y a combien de lits au CASU ? Il y en a 190, hommes, femmes et ménages avec enfants. Les familles, elles peuvent rester là le lendemain. Tandis qu’un homme ou une femme seule téléphone tous les soirs à 18h

pour avoir une place. Et les familles, elles restent combien de temps ? Ca dépend elles peuvent rester 6 mois, 8 mois, le temps de faire les papiers, de soigner quelqu’un qui est malade, que les enfants aillent à l’école, il n’y a pas de normes. La particularité de Pierre d’Angle par rapport aux autres centres d’accueil, c’est qu’on ne prend pas de nom, on ne juge pas. Quelqu’un qui est

repris de justice, un évadé peut dormir là, on ne lui posera aucune question, il n’y a aucune inscription. Parce qu’au Casu, ce n’est pas le cas ? Non pas du tout, là on demande le nom et l’enquête sociale aura lieu. Mais comment font les gens, ils arrivent en urgence souvent non ? Ben on te demandera ton



nom, et tu ne pourras pas revenir le lendemain si tu ne l’as pas donné. A Pierre d’Angle, tu peux avoir tué quelqu’un on ne te demandera pas qui tu es. C’est l’extrême anonymat. Le matin je pars de Nativitas pour aller à l’Entraide pour prendre rendez-vous avec les médecins pour les sansabris et régler quelques questions avec eux. Je repasse par la Maison Querelle et je consulte mes e.mails et je remonte pour récupérer les groupes qui partent faire les activités : gym et ping-pong, atelier créatif aux Tanneurs, théâtre le soir, films au Centre Culturel Bruegel, la Zinneke les samedi, bref il y a toujours quelque chose de prévu.

Comment cela fonctionne toutes activités ? Les partenariats que tu fais avec les Tanneurs par exemple , cela date de quand tout ça ? Il y a un an et demi à peu près. C’était à l’occasion d’une porte ouverte aux Tanneurs. D’abord il y a la sympathie de l’endroit. Il y a aussi le Bruegel avec qui on fait des choses. Mais il y aussi tous les extérieurs, la Monnaie, l’Arenberg. Et ça c’étaient des dynamiques déjà en place ? Ou c’est plutôt un désir que tu avais ? Ben non c’est une demande. Plutôt que tout le monde arrive seul au théâtre ou au cinéma, je trouvais que c’était quand même plus agréable d’y aller en groupe. Et relancer l’article 27 que beaucoup de

gens ne connaissaient pas. Seul, ils n’iraient ni au théâtre, ni au cinéma. Il faut réserver tout ça, ce sont des choses qu’ils n’ont pas envi de faire. Donc tu prépares tout, tu prépares leur place, l’endroit, tu choisis bien la pièce. Dans quelle mesure, selon toi l’action sociale émancipe les gens ou au contraire engendre une perte de dignité chez les bénéficiaires ? Certaines personnes se posent la question ? Je ne comprends pas le sens de ta question ? C’est quoi « assistanat » ? Ben on ne leur demande plus de se mobiliser pour agir, se responsabiliser, faire des choses? Et on leur donne tout comme ça.

Ben non on ne leur donne pas comme ça. Moi maintenant je suis au courant de ce qu’il va se passer. Donc je regarde la date, si c’est fin du mois, j’sais que c’est pas la peine parce qu’ils n’auront pas l’argent. Ils ne seraient pas le faire d’euxmême c’est impossible. Est-ce qu’ils vont aller chercher les infos 1 mois et demi avant d’aller au théâtre ? Non et dans les journaux cela paraît 3 jours avant. Qu’est-ce que tu penses que ça leur fait de les emmener comme ça ? Quelqu’un qui se prépare pour aller au théâtre, qui demande s’il y a une douche de libre, c’est qu’il a envi d’y participer, rencontrer des gens, tout ça. Pour eux c’est une fête, c’est un acte important, c’est un acte de sortie.



Quelle question tu poserais toi, par rapport à ce quartier ?

Et toi tu penses qu’il faut qu’ils évitent à tout prix d’y penser ?

Que peuvent-ils bien faire pendant 12h, à part boire un café chez Nativitas ou chez Poverello et manger, c’est long 12 heures sans rien faire !

Ben c’est comme n’importe quel être humain, il n’a pas envi de penser à ses problèmes tout le temps. Et pour ne pas y penser c’est simplement en étant occupé, en faisant autre chose, qu’aller dans un CPAS et regarder des papiers, des papiers qui ne se remplissent pas.

Comment les occuper le plus souvent possible aussi bien sportivement, que culturellement ? A force de faire des activités, on est vite arrivé à 17h au soir. La journée leur apparu beaucoup plus courte. Et donc journée plus courte signifie, pas penser à leurs problèmes.

Il faut les occuper. A ce moment là les problèmes se règlent beaucoup facilement. Quand je vois quelqu’un qui

est hargneux, qu’au PingPong il s’est bien battu, le lendemain il est un autre homme. Son problème est beaucoup moins important. S’il ne fait que ronchonner toujours sur lui même, « comment je vais faire, comment je vais faire. Il va jamais y arriver ». Alors que là il voit les choses différemment et parfois ça accélère les procédures. Il y a un petit défi ? ça change. Regardes Jean Paul quand il me demande avec ces gestes s’il y a l’atelier. Qui aurait pu

penser que Jean Paul allait venir aussi régulièrement. C’est certainement qu’il en a besoin...




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