Une cartographie du monde
Lorsque j’étais enfant, puis adolescente, je me perdais des heures, allongée à plat ventre dans le désordre de ma chambre, dans la contemplation des atlas. Je regardais les cartes comme des peintures magnifiques où dominait le bleu. Je prononçais avec délectation des noms compliqués ou étranges, aux sonorités rudes et amères ou fluides et sucrées : Tegucigalpa, Oulan Bator, Santiago de Chile, Jaipur, Islamabad, Tanganika, Ispahan, Ouagadougou… Ces seuls mots étaient déjà des promesses d’ailleurs. Des atlas, je passais aux livres de photos des paysages et peuples du monde : « Guerrier masaï », « Jeune fille afghane », « Montagnes du Caucase », « Hauts plateaux d’Érythrée », « Indiens Quechuas de la cordillère des Andes »… Se dessinait ainsi une cartographie peuplée de mes rêveries et façonnée par la représentation du monde en cours à cette époque, de ce côté-ci de la planète. Plus tard, à cette cartographie se sont superposées les évocations des amis venus d’ailleurs : l’omniprésence des orangers
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