Brumachon Lamarche 25 ans de danse à Nantes au CCNN (extraits)

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Chorégraphe de l’humain et explorateur du corps, Claude Brumachon, dont l’œuvre compte une centaine de pièces, est une personnalité importante dans le paysage chorégraphique français et international. Avec son complice Benjamin Lamarche, ils n’ont cessé de créer et d’entretenir d’étroites relations entre les publics et leur art. Ce livre retrace l’histoire de leur aventure humaine et artistique. Une histoire commune avec la Ville de Nantes, depuis la création du Centre chorégraphique national de Nantes en 1992.

25 ans de danse à Nantes au Centre chorégraphique national

25 ans de danse à Nantes au Centre chorégraphique national

25 ans de danse à Nantes au Centre chorégraphique national

Claude Brumachon Benjamin Lamarche

C L A U D E BENJAMIN BRUMACHON LAMARCHE

C L A U D E BENJAMIN BRUMACHON LAMARCHE

25 €

9 782848 092591

isbn 978-2-84809-259-1

www.jocaseria.fr

CCNN Joca Seria

Joca Seria / Centre chorégraphique national de Nantes



C L A U D E BENJAMIN BRUMACHON LAMARCHE 25 ans de danse à Nantes au Centre chorégraphique national


Le Centre chorégraphique national de Nantes est subventionné par l’État – préfet de la région Pays de la Loire – direction régionale des Affaires culturelles, par la ville de Nantes, par le conseil régional des Pays de La Loire et par le département de Loire-Atlantique. Il reçoit l’aide de l’Institut français pour certaines de ses tournées à l’étranger.

Image de couverture : © Laurent Philippe, (Folie : Claude Brumachon, Benjamin Lamarche) © Centre chorégraphique national de Nantes © Éditions Joca Seria, 2015 72, rue de La Bourdonnais 44100 Nantes ISBN 978-2-84809-259-1 www.jocaseria.fr


C L A U D E BENJAMIN BRUMACHON LAMARCHE 25 ans de danse à Nantes au Centre chorégraphique national

Joca Seria / Centre chorégraphique national de Nantes


Avant-propos Jean-Marc et Brigitte Ayrault Pourquoi cette belle histoire d’amour entre la compagnie Brumachon, (Centre chorégraphique national de Nantes) et la ville de Nantes ? Parce que Claude Brumachon et Benjamin Lamarche, son fidèle compagnon de route et de cœur, ont su porter cette ville au-delà d’ellemême grâce à leur poésie chorégraphique et grâce aux liens quasi organiques qu’ils ont tissés, jour après jour, avec elle. Il y a vingt-cinq ans, déjà, leurs créations nantaises s’appelaient Éclats d’absinthe, Fauves, Les Déambulations de Lola, Nina… Ils ont participé à l’effervescence de cette ville en marche que nous voulions pour les Nantais. Et ils ont œuvré, pris leur part dans cet élan culturel que nous souhaitions flamboyant, politique, avant-gardiste, dynamique, au milieu des Allumées, de la Folle Journée, de Royal de Luxe et auprès de tous ces artistes, nantais bien sûr, mais aussi venus de partout, de tous les continents. Ils ont su nous faire vibrer grâce à leurs créations, multiples et variées, desquelles nous ne ressortions pas indemnes car, à chaque fois, ils nous reconnectaient avec notre propre énergie intérieure. Ils nous aidaient à comprendre le monde autrement. Nous reparlerons du travail des danseurs en prenant quelques pièces qui nous ont paru très symboliques de leur art mais, avant tout, nous aimerions saluer aussi les formidables exploits de la création lumière (autour d’Olivier Tessier), qui sculpte si bien les corps et permet un décor toujours très sobre, et celle de la création musicale de Christophe Zurfluh, complice de longue date des Brumachon, et qui comprend, tellement bien, l’univers de Claude qu’il y donne une résonance toute particulière, avec une musique souvent obsédante, toujours chavirante… Tout est si juste dans ces créations, fruits d’un magnifique travail collectif et d’une belle complicité ! Oui, à chaque fois, c’est à une belle aventure collective qu’ils nous convient : le résultat est si évident, si accompli, qu’on en oublie la somme énorme de travail exigée et les prouesses techniques de ces corps à qui l’on demande l’impossible ! Car chaque danseur doit aller chercher au plus profond de lui-même son animalité, faire travailler sa chair, ses muscles, ses os, puiser dans son énergie intérieure, dans celle des autres ou même dans celle de la nature.

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Et que dire de l’investissement total du créateur, Claude Brumachon, et de Benjamin Lamarche ? Il leur faut être tout entier concentrés sur le processus créatif, dépasser leurs doutes, leurs abandons momentanés, éviter les écueils qui se dressent sur le chemin de la création. Car il s’agit bien là d’un perfectionnisme paroxystique : besoin de tout contrôler tout en se livrant corps et âme à leurs passions, se laisser emporter par la rage créatrice, s’adonner au vertige des sens, être toujours sur le fil du rasoir, toujours au bord du précipice, tutoyer l’angoisse existentielle… Au moment de la création, se perdre dans une foultitude d’images pour mieux se retrouver. C’est cette mise en danger permanente qui nous renverse et nous bouleverse : c’est incandescent et ça nous brûle de l’intérieur ! Nous voulons aussi honorer les valeurs qui sous-tendent les travaux de cette compagnie, valeurs éthiques et citoyennes s’il en est ! Ils ont en effet la volonté d’être, non seulement ancrés dans un territoire, mais aussi dans la transmission de leur répertoire tout comme dans la rencontre avec le public qu’ils désirent divers et varié, d’où les répétitions publiques ou le travail avec les enfants des quartiers populaires (Le Magicien d’Oz avec les enfants de Malakoff ou Alice avec la classe de CM2 de l’école de la Géraudière à Nantes), avec les enfants handicapés (ceux de la Durantière ou de la Marrière)… Ils sont avides de favoriser l’accès de chacun à la danse contemporaine et d’éveiller en lui la curiosité artistique, quel que soit son niveau culturel. Démarche toujours authentique et généreuse ! Prenons quelques exemples des pièces emblématiques qui nous ont mis personnellement en émoi (choix difficile tellement tout nous a plu !) Il y a eu Texane (1988), dont Claude lui-même nous a expliqué comment il s’était nourri de son propre vécu pour raconter la difficulté de vivre dans la banlieue HLM des années 1960 : c’est un univers saturé de violence : les « je t’aime moi non plus » d’un couple qui se désire pour mieux se déchirer, musique lancinante et obsessionnelle de ces corps exaltés qui exultent, comme ivres d’eux-mêmes, qui s’enlacent et s’entre-


lacent, s’étreignent et s’éloignent, se conquièrent puis se jettent et se séparent, font la guerre à eux-mêmes puis aux autres avant de se pacifier… Le tout empreint d’une enivrante sensualité. Il y a eu Folie créée en 1989, reprise en 2012 pour quinze danseurs. Folie des hommes, de la guerre, de l’asservissement. Corps qui se cherchent ou qui se fuient, pantins désarticulés ou corps en fusion, corps qui s’explorent avec violence ou tendresse. Comment être ainsi à la fois dans l’excès et dans la retenue ? Pièce sublime d’humanité au cœur même d’une espèce de sauvagerie difficilement définissable : c’est bouleversant, tout simplement… Il y a eu Les Coquelicots sauvages (2001) : les danseurs en habit de soirée se font virevolter dans le paradoxe de la douceur et de la violence, sur une magnifique scène couverte de pétales de fleurs… Langage amoureux des plus complexes ! Après quel bonheur insaisissable courent-ils ? On est emporté dans leur vertige ! Ah ! ce final où la femme-coquelicot, poitrine nue et jupe longue, incandescente, se donne et se reprend, provoque à l’envi Benjamin, son partenaire : époustouflant ! Intensité de la passion amoureuse avec, point d’orgue de ce final sublime, les corps pacifiés des autres danseurs, tout droit sortis de la Genèse, enfin au jardin d’Éden ! Il y a eu Le Festin (2004) : une de nos plus vibrantes émotions de spectateurs car on est, à proprement parler, immergé dans le spectacle. Claude Brumachon veut dénoncer à travers ce Festin les excès de notre société de consommation, or, ce qu’il nous donne à consommer, c’est précisément le corps de ses danseurs qui dansent sur l’immense table dressée en carré pour nous qui sommes disposés tout autour : une telle proximité nous fait vivre physiquement l’engagement des danseurs qui se dépensent sans compter, à nos côtés, quasiment à fleur de peau, à travers différents tableaux comme autant de plats successifs : bruits de corps, de chute, de souffle, ils suent, ahanent, respirent, là, sous nos yeux, dans une terrible sensualité. Plus que troublant ! Anges

ou démons, ils nous bousculent, nous entraînent avec eux dans la bestialité ou la douce poésie de leur corps à la beauté sculpturale… Et que dire du solo de Benjamin dans Icare ? Il insuffle la vie au mythe, terriblement attachant dans son obsession à dépasser ses limites corporelles pour voler vers cet inconnu auquel il aspire de toutes ses forces. À travers lui, l’être humain se mesure à sa propre finitude pour tenter l’approche de cet infini que représenterait l’esprit enfin libéré de ses chaînes : sorte de pari pascalien tellement tentant… Mais nous ne pouvons conclure sans évoquer le travail fait avec les enfants : une quinzaine de créations pendant ces trente ans ; nous en retiendrons plus spécifiquement deux, celles avec les élèves handicapés des classes Apajh du collège de la Durantière : Les Explorateurs de temps (créée en 2009) et Le Manoir (2015),  Claude Brumachon entraîne les enfants dans son rêve, il leur fait se ré-approprier ce corps trop souvent vécu comme un obstacle, comme une trahison. Il ose relever le défi qui semblait, a priori, impossible à relever : à travers la danse ludique, il tisse avec eux l’objet imaginaire, il les fait remplir l’espace en conjuguant différentes façons de se mouvoir, en jouant avec les fauteuils roulants, il leur apprend le langage des sentiments à travers le langage des corps. Résultat, les enfants sont comme transfigurés, le seuil de la « normalité » est dépassé, les codes sont cassés. C’est excitant, c’est exaltant, c’est jubilatoire, pour eux comme pour nous ! Ils ont essaimé de par le monde et poursuivent inlassablement leur tâche, eux qui ont décidé de vouer leur vie à cet art magnifique qui n’a besoin ni de traducteur ni d’interprète. Cette danse-là vous rentre dans le corps et vous habite pour toujours… JEAN-MARC AYRAULT (député de Loire-Atlantique, ancien maire de Nantes, ancien Premier ministre) et BRIGITTE AYRAULT (inconditionnelle aficionada).

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Préface Brigitte Lefèvre Benjamin, Claude, On se souvient… Le 5 mai 1992, inauguration de votre Centre chorégraphique national à Nantes. Nantes, la ville des deux Jacques. Jacques Demy, bien sûr, et Jacques Garnier dont, d’une certaine manière, la mémoire artistique est perpétuée par la création de ce Centre. Votre intelligence, votre énergie, votre rigueur, qui n’excluent pas des élans passionnés, lui font honneur. Beaucoup de monde pour cette installation dans vos nouveaux lieux (une chapelle) : le maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, les représentants officiels des collectivités et du ministère de la Culture, vos danseurs, votre équipe, et je me souviens d’Agnès Izrine qui vous a accompagnés avec patience et enthousiasme ! Ce souvenir de vous au début  : deux danseurs magiques, deux bombes dans les chorégraphies de Karine Saporta.

Mais aussi Claude, pouvant parler si profondément de Tarkovski durant ce voyage Philadelphie-Paris qui pour moi aurait pu durer encore plus longtemps tant il était passionnant. En l’écoutant, on comprend d’autant mieux la force de son inspiration artistique. Benjamin dans la puissance de la danse, le don de soi à travers le corps évoquant parfois un sacrifice poétique. Comment ne pas comprendre que vous demandiez à vos interprètes le meilleur d’eux-mêmes, une exigence absolue ? Benjamin, Claude, Une autre aventure s’ouvre à vous, enrichie par tout ce que vous avez transmis, proposé, offert. Claude le constructeur, Benjamin l’indispensable, l’inverse est possible aussi ! Vous deux avez ouvert un centre, vous le quittez, riches à jamais du centre vital qui est bien à vous et qui constitue votre force. Impossible pour moi de décrire en écrivant pour vous toutes mes sensations et mon admiration. On ne se souvient plus. Belles routes, ici, maintenant. BRIGITTE LEFÈVRE est chorégraphe, danseuse (fondatrice du Théâtre du Silence avec Jacques Garnier), directrice du festival de danse de Cannes, a été inspecteur général de la danse au ministère de la Culture, directrice de la danse à l’Opéra de Paris.

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Hommage à ceux qui vivent pour leur art Geneviève Page Du cœur, du muscle, de la tête, des pieds, du ventre, têtus et droits. Fusion magique de l’âme et du corps lorsque l’âme l’emporte sur la brutalité qu’osent les corps souvent provocants presque une terreur par leurs jets et leur tension dans leurs emmêlements inspirés par leurs désirs d’aller plus loin, plus haut surtout, dans l’effarement de la possibilité qu’ils nous donnent de faire de leurs corps une leçon de vie par l’outrance de ce qu’ils proposent avec des muscles et un culot fou, de violemment irréel, de subjectif, d’érotique, de sensuel et de l’utilisation de leur art : répétitions sept heures par jour pour transcender les émois qu’ils nous offrent à partager le soir. C’est dans la danse contemporaine, un parti pris de beauté, de morale et d’exception – à ce que je sache. Et le couple que forment le chorégraphe Claude Brumachon et son danseur Benjamin Lamarche, qui a un corps de fauve et une érudition rarissime. Tous les oiseaux il les nomme et Shakespeare dans le texte. Claude est spécialiste du câlin et de la tendresse et c’est beau et bon à voir aussi sur scène. Geneviève, fan depuis vingt ans. GENEVIÈVE PAGE est comédienne.

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L’écriture de Claude Brumachon Agnès Izrine Claude Brumachon a su créer une danse au plus près du corps de l’interprète. Pouvant chorégraphier indifféremment pour de grands groupes de danseurs ou pour des petites formes, tel le solo Icare, réalisé pour son danseur fétiche et alter ego, Benjamin Lamarche, la « patte » Brumachon, quoique jouant volontiers de l’excès, reste essentiellement gestuelle, l’auteur privilégiant toujours la danse sur la scénographie, souvent dépouillée. Si certaines de ses pièces ont un côté baroque dans la débauche visuelle et picturale, cela tient surtout à l’utilisation de costumes travaillés et d’une lumière volontairement théâtrale que cet amoureux de la peinture figurative capte dans ses chorégraphies. Sa gestuelle s’enivre du plus paroxystique des mouvements humains, traque l’infini possible des corps au travail. Sueur, souffles rauques, bruit mat des chocs, claquements de la peau contre la peau accompagnent des chorégraphies essentiellement physiques. Les thèmes qu’il déploie au long de son œuvre ne sont que prétextes à une audace stylistique s’appuyant sur une écriture chorégraphique complexe. Ce vocabulaire très inventif est agrémenté d’un lyrisme à fleur de peau qui le porte vers un certain romantisme. Cet ancien étudiant des beaux-arts travaille chaque corps au burin, sculptant ses sujets comme autant de héros statuaires, faisant surgir atlantes et cariatides au détour de portés enchevêtrés, de corps-à-corps fougueux, de mêlées sensuelles. Emportées de frôlements suspendus, de chutes inachevées, de figures éperdues, ses chorégraphies lâchent peine et rage, rappellent à l’impatience, précipitent en échappées vives. Le monde de Claude Brumachon est celui d’une remontée des sensations que convoque la danse au plus secret de l’interprète. Des romantiques, il garde le goût de la révolte qui tonne en une clameur profonde. Ces cataractes d’ombres fouillent le ciel de caresses et d’éclairs,

Éclats d’absinthe

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rongent la nuit la plus profonde en déchirés de lumière. Qu’il s’agisse de Folie et de sa foule en marche vers une improbable contrée où gonfle l’espérance, Fauves et ses êtres inquiets au bord de l’animal, ou Les Coquelicots sauvages qui grondent des excès que libère la tempête, ce sont toujours des heurts et des fureurs humaines que parle le chorégraphe dans des scènes où plane le courroux. Les pas charrient les ténèbres en attendant l’infinie débâcle, rêvant l’oubli ou le massacre, faisant apparaître sous la peau la sordide carcasse. Fortement inspirés de textes de poètes, tels Rimbaud, Baudelaire, voire Pasolini, ses duos aux titres évocateurs comme


Vertige, La Fracture de l’âme ou Embrasés plongent dans les méandres des rapports hommes-femmes d’où surgissent des langueurs secrètes tissées de sombres desseins. Les mouvements pleins de fièvre, d’étreintes hâtives, d’équilibres brisés, peignent des rencontres où l’amour, souvent contrarié, ressemble aux remous d’une âme tourmentée. C’est pourtant dans ces duos fébriles que l’écriture se révèle dans sa rigueur. Texane, Le Piédestal des vierges, imprègnent nos mémoires de corps-à-corps qui hésitent entre force et douceur, violence rentrée et tendresse infinie. Ce thème du duo, né dès les premières chorégraphies de Claude Brumachon, va se développer durant toute la première décennie du Centre chorégraphique national de Nantes… mais doublé : Lame de fond, Bohèmes (hommes et femmes) s’attachent à décortiquer cette figure en la dédoublant… On verra donc ressurgir cette figure du double avec des nuances, mais surtout elle apparaîtra encore comme une défense ou un refus, comme s’il était face à un thème qui inspire et gêne le chorégraphe. Est-ce parce qu’il pourrait conduire à un pathétique ou à un sentimental, auxquels il refuse, finalement, de se livrer ? Ou plus probablement à une peur, dictée entre autres par l’époque, de ne pas céder à la tentation d’une belle danse virtuose et sensible. Du coup, Claude Brumachon ne laissera plus vraiment percer cette gestuelle aussi savante que bouleversante, mais cherchera à l’atténuer, voire la détruire à travers des grands mouvements de groupe qu’il ne voudra pas « trop propres », se défiant d’un vocabulaire trop construit, abandonnant les lignes au profit de la « matière » brute. Devant un spectacle qui aurait pu faire naître un pur moment de poésie, Brumachon retourne à la prose, s’interroge et note les

mouvements nécessaires à celle-ci. Mais il retrouve ainsi l’élan indispensable à la création. Néanmoins, il existe une technique et un vocabulaire Brumachon (ou Brumachon-Lamarche) qui excèdent très largement la gestuelle arrêtée, les chutes 4e, ou les placages au sol. On peut les percevoir dans cette ruée dans les membres à l’extrême, dans une hyperextension qui entraîne tout le corps et le fait ployer, cambrer, cabrer même, mais aussi dans ces instants de suspens où le geste se fait discret : un léger décalage du bassin, une pose de pied tout en retenue, des bras qui n’en finissent pas de succomber. On les retrouve dans ces sauts au dessin net, aux envols gelés, complexes et acérés. Une écriture qui a besoin de danseurs d’exception. Solides, mais souples, aguerris au contemporain, mais avec un travail de jambes très proche du classique, une endurance sans faille, mais des extrémités déliées… et surtout capables d’aller remiser toute leur virtuosité raffinée au vestiaire pour se lancer – ou plutôt se jeter – dans une sorte de chaos, de courses désordonnées, de mêlées précipitées. Les dernières pièces (D’Indicibles Violences, La Fulgurance du vivant, notamment), tout en tensions et vibrations, déploient nerfs et tendons dans une chorégraphie ramenée à son essentiel : des gestes qui s’inscrivent dans l’espace et qui soudain prennent sens… tout en restant de la danse, c’est-à-dire de l’indicible, de l’indécidable et de l’impossible. AGNÈS IZRINE est rédactrice en chef du site « Danser, Canal Historique », directrice administrative du CCNN de 1992 à 1995, administratrice de l’association Les Rixes de 1987 à 1991.

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Autoportraits Claude Brumachon, Benjamin Lamarche Claude est né en mai 1959, à Rouen. Dans la ceinture rouge où son père travaille et où il vit jusqu’à ses dixhuit ans. Que raconte-t-il de ce cercle familial ? Son père, ouvrier et peintre, peintre ouvrier, et sa mère, artiste dans l’âme autant dans son rapport au monde que dans sa faculté d’inventer et de façonner toute chose, et son frère Jean-Jacques, compagnon de route pour la vie. Dès l’enfance, il dessine et confectionne des costumes, construit des pièces de théâtre, invente et dirige une petite troupe de cousines qui inspirera Texane. Il crée et pense ces mondes nouveaux qui l’habitent. 1976 : Claude s’inscrit aux cours du soir des beauxarts à Rouen Les cours des beaux-arts et le lycée en classe de dessin l’amènent sur le chemin des arts plastiques. C’est brusquement, à dix-sept ans, sur les conseils de Gisèle Gréau et Dominique Boivin, qu’il entre aux Ballets de la cité dirigés par Catherine Atlani. Sans formation ni connaissances de cet art, il découvre la possibilité de danser et de transmettre grâce à Catherine. Claude est et restera un intuitif, il ne se trompe pas. Il abandonne lycée et beaux-arts, puisqu’il doit danser, il le fera sans concession. Permis de conduire en poche, débrouille en tête et en corps, il sillonne les routes du département avec Brigitte Hebert. Animer, faire danser les enfants, investir les espaces et les théâtres, danser les pièces de Catherine dans des endroits privilégiés. Il y reste deux ans. Par deux fois, l’été, il participe au stage de Thiézac où Jacques Lours invite des chorégraphes. Il travaille avec Hideyuki Yano et Renate Pook, une collaboration à marquer d’une pierre blanche. Venir à Paris est indispensable en 1979. Il ne faut pas le lui dire deux fois. Il quitte Rouen pour la capitale ; chambre de bonne boulevard Sébastopol. La danse de tout bord lui ouvre les studios de répétitions et les classes. Au Centre américain, boulevard Raspail, à l’ombre du cèdre de Chateaubriand, se croisent toutes les danses, l’influence de Cunningham et de ses danseurs dont il suit les cours. Claude participe aux ateliers de Susan Buirge où il crée un premier travail et participe à celui des autres.

Le désir d’écrire déjà sa propre danse est impatient, ses copines opposent un refus net à sa proposition chorégraphique, tant pis, il danse les leurs et reprend son bagage pour plus tard. De mon côté je nais en 1961, dans la vallée de Chevreuse. Jusqu’à mes dix-sept ans, j’ignore tout de la danse, résolument tourné vers la nature profonde, la gente ailée et la montagne ; pas tout à fait misanthrope mais solitaire dans l’âme. Une mère libraire à la tête d’une tribu de sept enfants : Clarisse, Laurent, Séverine, Juliette, Geoffroy – mon jumeau – et Thomas qui m’ont suivi fidèlement et m’ont encouragé. Un père industriel et secret qui me soutient à sa manière même lors de nos désaccords respectueux. Le milieu social diverge nettement de celui de Claude. Dix-sept ans ! La danse est presque un hasard, c’est déjà un désir. Sait-on réellement pourquoi le destin ouvre certaines portes ? Le souvenir est précis, pendant l’été 1978, en pleine montagne, je me dis : « À la rentrée je fais de la danse. » Décision incongrue poussée peut-être par des images perçues ici ou là, goût du corps ou de l’envol. De l’aérien et du tellurique déjà. Quelques cours de jazz à Orsay et un premier cours de danse contemporaine avec Claire Rousier aux Ulis. Rien ne se dit, tout se joue dans le vivant. Encouragé par Claire, je prends le RER pour Paris où les cours se prennent partout. Inévitablement, je rencontre Claude. Paris, janvier 1981, combien de danseurs hommes étions-nous alors dans la danse contemporaine ? Pendant que je continue des études de sociologie rurale qui me passionnent, mais qui ne trouvent pas de place dans mon emploi du temps, nous nous engageons sur le chemin de la création. Je quitte Bures-sur-Yvette pour vivre avec Claude à Paris et explorer ce nouvel art, ensemble. Ce sont les années 1980 et l’explosion de la danse contemporaine. Les cours, les ateliers, les présentations et les spectacles sont nombreux. Au Centre américain, haut lieu pour une création de Susan Buirge, et

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Genèse du Centre chorÊgraphique national de Nantes

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La présence de la danse dans la cité Yannick Guin Claude Brumachon a défini lui-même le sens de sa démarche artistique  : « C’est un va-et-vient entre l’extrême douceur et l’extrême violence. » Ce parti pris créatif fut en réalité le déclencheur majeur de l’implantation de la compagnie à Nantes, et la source d’un lien très fort, durable et sans nuage, entre l’élu chargé de la Culture et les deux responsables de la compagnie, Claude Brumachon et Benjamin Lamarche. Il y a des moments en effet qui marquent la vie d’un élu. Ce fut le cas au cours de l’hiver 1989-1990, quand après réflexions et dilemmes la décision fut prise d’accueillir de façon permanente la compagnie à Nantes, avec la perspective de la création d’un centre chorégraphique national. En octobre 1989, six mois après les élections municipales, une réunion de toutes les parties prenantes locales, compagnies, associations,

Texane

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enseignants, fut tenue à l’hôtel de ville, dans le but d’élaborer une véritable politique d’ensemble de la danse. Avec le directeur du Développement culturel, nous avions le dessein de remuer quelque peu tous les milieux artistiques en implantant, à l’exemple de la compagnie Royal de Luxe déjà accueillie, des locomotives dont les esthétiques étaient susceptibles d’interroger ou d’entraîner les acteurs locaux. La danse contemporaine ne pouvait à leurs yeux rester à l’écart. Cependant l’esthétique chorégraphique était alors tout entière dominée par le ballet classique de l’Opéra. Son directeur exerçait une pression sur la nouvelle municipalité pour obtenir des moyens supplémentaires, et de son côté l’élu à la Culture n’était pas sans entretenir des rapports d’empathie avec les vingt danseurs du ballet. Dans le même temps, des suggestions en faveur d’une implantation de la compagnie Brumachon devenaient de plus en plus insistantes, d’autant plus que cette compagnie n’était pas inconnue à Nantes, ni des acteurs comme le directeur du CRDC ou le directeur du Développement culturel de la Ville, ni des services du ministère et de


la Drac. Ainsi, au cours de l’hiver, tant à Onyx qu’à Graslin, les spectateurs purent découvrir ces pièces majeures que furent Folie et Texane, révélations pour les uns, œuvres déroutantes pour les autres. Le dilemme se transformait en nœud gordien car il paraissait financièrement impossible, ce qui était pourtant si souhaitable, de disposer des deux structures. C’est à la suite d’une représentation de Folie que je décidai de trancher en faveur de la compagnie et de ses chorégraphes Claude Brumachon et Benjamin Lamarche, alors à mon gré un des plus remarquables danseurs de la scène française contemporaine. À vrai dire, la séduction provenait à la fois de l’esthétique et du projet de sensibilisation des publics. Juger de l’avenir de l’esthétique d’un jeune artiste, c’est y déceler une force première, presque brute en quelque sorte. Les années peuvent toujours adoucir ou modeler une expression brutale, tandis que l’inverse n’est jamais vrai, on ne sortira jamais d’un jeune artiste doucereux une œuvre vigoureuse et forte, même avec le temps ! Et puis de nos conversations émergeait un magnifique projet de présence dans la cité  : cours hebdomadaires aux chorégraphes, répétitions publiques, stages professionnels, interventions en milieu scolaire, débats… Ces conversations étaient toujours pleines d’une émotion à fleur de peau chez Claude ou d’une logique charpentée chez Benjamin. En janvier 1990, à l’occasion du départ inopiné du maître de ballet de l’Opéra, j’amorçai, avec beaucoup de tristesse et de scrupules, mais sans autre moyen de me donner cette marge de manœuvre pour développer la danse contemporaine, le processus de suppression. Dans le même temps, des discussions préparatoires à la présence permanente de la compagnie Brumachon étaient amorcées. L’installation officieuse fut fixée au mois de septembre, et la disposition du studio de Graslin en novembre. La réception en mairie donna lieu à une réjouissante présentation d’un extrait de Folie dans la salle Bellamy ! Dès lors s’enclencha un travail d’une exceptionnelle intensité, parfois éprouvant pour les corps et les esprits. Avec des moments de grâce, la création d’Absinthe,

l’expérience passionnante et si productive avec la classe de l’école de la Géraudière, les présentations dans le cadre des Allumées de Saint-Pétersbourg, la création-vidéo avec François Gauducheau, puis les tournées en France, en Europe, en Asie et, couronnant le tout, l’annonce de l’ouverture du CCN en la chapelle des Capucins, suivie de l’inauguration en 1992 du bel espace de la rue Noire. Le CCN était la première structure ainsi labellisée dans l’histoire de la culture à Nantes. Claude déclare parfois : « Mes chorégraphies sont des pièces d’amour, même quand c’est déchiré. » Avec Nantes, Claude, Benjamin, et toute leur équipe, ont écrit une belle pièce d’amour, une pièce d’amour de vingt-cinq années, mais ce ne sera pas un déchirement, sûrement une mélancolie. YANNICK GUIN a été maire-adjoint de la ville de Nantes chargé de la Culture (1989-2008).

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Ces années-là… Pierre Leenhardt Bien sûr, on a tendance à enjoliver les souvenirs et, pour ceux que je veux évoquer ici, à peindre les années 1990 de la vie culturelle nantaise sous des couleurs radieuses. Pourtant c’est vrai, ce furent des années formidables. Jean-Marc Ayrault venait de gagner les élections avec pour mandat de réveiller « la belle endormie ». Jean Blaise, bouillonnant de projets, réinvestissait Nantes. J’étais chargé de créer une direction culturelle dans les services municipaux. On allait donner toute sa place à la culture, donner la priorité aux créateurs ! À ceux que le « sécateur-maire » avait muselés comme La Chamaille évidemment, mais aussi apporter du sang neuf, ébouriffer les trop sages plis nantais avec l’énergie de souffles venus du large, venus d’ailleurs. Dès l’automne 1989, tambours battants, Royal de Luxe débarque à Nantes, dès 1990, Barcelone donne le ton pour la première édition des Allumées… En matière de danse, les Nantais n’avaient alors accès qu’aux prestations épisodiques du très classique et très coûteux ballet de l’Opéra. C’est justement la décision de le supprimer qui allait élargir l’horizon. Je me souviens d’une réunion au ministère avec Yannick Guin, l’adjoint à la Culture, dans le bureau de Brigitte Lefèvre, la directrice de la danse. Elle regrettait par principe la disparition du ballet de l’Opéra, mais avança l’idée d’implanter à Nantes un centre chorégraphique national. Claude Brumachon, avec Benjamin Lamarche, était sur la liste des postulants à la direction d’un centre chorégraphique. On avait vu avec intérêt sa pièce Texane à Onyx. La décision fut prise : Nantes serait le siège d’un nouveau centre chorégraphique national, avec Claude Brumachon pour directeur. Où le loger, ce CCNN, et comment ? Dans l’idéal, il faut un lieu pour y travailler, un grand studio donc,

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mais aussi un lieu où pouvoir montrer le travail, une salle de spectacle. Il n’y a pas d’équipement de ce type disponible dans la ville, mais pourquoi ne pas l’inventer ? La chapelle de l’ancien couvent des Capucins est assez grande et bien placée. L’ingéniosité des architectes en fait rapidement un studio de danse bien équipé, et un gradin de 200 places permet d’y recevoir du public. Le studio Jacques-Garnier, baptisé en hommage au danseur nantais disparu deux ans plut tôt, sera le lieu du CCNN. Officiellement, le Centre chorégraphique national de Nantes est créé le 1er janvier 1992. Pratiquement, « les Brumachon », comme on dira souvent, cette troupe jeune et cosmopolite réunie autour de Claude et Benjamin, ont pris leurs quartiers à Nantes depuis quelques mois. Dans la chapelle encore en travaux, un public de privilégiés assiste à Éclats d’absinthe. Mais quelques mois plus tard, à l’occasion des « Allumées » consacrées à Buenos Aires qui verra le retour de Cargo 92, le public découvre avec enthousiasme Fauves, une pièce mémorable qui marque sans doute le point de départ d’une belle histoire entre les Nantais et la danse contemporaine. Oui, dans ces années-là, avec le CRDC et les Allumées, avec Royal de Luxe, Cargo 92 et le géant, avec la création du CCNN, avec l’année suivante l’exposition L’avant-garde russe au musée des beaux-arts, puis l’invention de La Folle Journée, Nantes et ses artistes ont fait preuve d’une vitalité culturelle qui constitue, après un quart de siècle, le socle solide sur lequel inventer l’avenir quand se lèvera un nouveau souffle. PIERRE LEENHARDT a été directeur du Développement culturel à la ville de Nantes (1989-1994).


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L’harmonie artistique Christophe Zurfluh Quoi de plus simple, quoi de plus évident que le rapport entre la musique et la danse, et pourtant ? On danse sur de la musique et lorsqu’on danse en silence, nous n’avons de cesse d’inventer une musique intérieure qui guide nos pas. Ce constat si évident de prime abord se dérobe dès lors qu’on y regarde de plus près. De longues heures à regarder les danseurs, à essayer de saisir l’instantanéité du geste, m’ont appris à prendre garde à la facilité du geste et du rythme, la concomitance des deux expressions ne veut pas dire leur superposition et c’est justement parce que les deux discours peuvent co-exister librement, sans prendre le pouvoir l’un sur l’autre, qu’une collaboration artistique peut naître. C’est dans cet entre-deux fait de respect et d’écoute que peut se nouer le mystère de la rencontre.

Le geste est mélodie et la musique vient créer l’espace dans lequel il se développe. C’est cette harmonie artistique que nous avons conquise au fil des ans à tel point que peu de mots nous suffisent maintenant pour comprendre nos intentions respectives. En cela le passage par la « case » Centre chorégraphique national nous aura aidés à apprendre à créer ensemble. De Folie à Indicibles Violences, de Texane à Fulgurance du vivant, que de chemin parcouru ! Comme ces chemins de montagne qui, après plusieurs heures de marche, nous révèlent de vastes paysages, aujourd’hui, alors que la compagnie va quitter Nantes, il reste encore tant d’horizons à découvrir. CHRISTOPHE ZURFLUH est compositeur.

Éclairer tous ces corps en mouvement Olivier Tessier Travailler avec Claude Brumachon en création, c’est sentir et ressentir, s’enivrer de l’émotion, et se plonger dans un état à la limite d’une sorte de transe et ouvrir au plus grand son imagination. Mon travail dans la recherche de la lumière consiste tout d’abord à regarder, écouter et attraper chaque fibre de l’émotion qu’il va falloir faire partager. Pour cela, nous n’avons pas besoin, Claude et moi, d’échanger beaucoup de mots. Plutôt, je m’inspire de ce qu’il me donne, et essaie de retranscrire au mieux, par la lumière, ce qu’il veut exprimer. En vingt-cinq ans de collaboration, et plus de cinquante créations, j’aurai apprécié à éclairer tous ces corps en mouvement et à tenter d’en faire caresser l’épiderme. Qu’y a-t-il de plus beau pour un éclairagiste que de tenter de faire ressortir chaque grain de la peau ?

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Qu’y a-t-il de plus beau pour un éclairagiste que d’essayer de sublimer la brillance de la peau et de la pénétrer au plus profond de sa chair ? Qu’y a-t-il de plus beau pour un éclairagiste que de capter dans l’air humide d’un saut toute la tension qui s’en dégage ? Qu’y a-t-il de plus beau pour un éclairagiste que de saisir l’éclat de la sueur ? De ces vingt-cinq années, je retiendrai toute la confiance, la générosité et le partage de Claude Brumachon dans la création, et le remercie de m’avoir permis de participer à quelques œuvres majeures de la danse contemporaine. OLIVIER TESSIER est éclairagiste.


L’inatteignable intérieur François Gauducheau Quand j’ai vu pour la première fois un spectacle de Claude Brumachon1, je ne suis pas resté longtemps spectateur : j’ai regardé d’abord, depuis mon fauteuil, mais j’ai constaté que très vite il m’emmenait ailleurs ; oh ! pas loin : en moi-même ! Sa danse avait le pouvoir de me connecter avec moi-même, profondément. J’en étais presque gêné mais, rien à faire, cela se passait à la fois sur scène et en moi-même ! Si bien que j’étais là et pas là ; je regardais les corps, les mouvements, les tableaux, en même temps que je les rêvais, à ma manière, dans les zones familières de mon intimité. Je planais, les yeux grands ouverts et en même temps fermés dans un étrange recueillement… Et il se passe exactement la même chose aujourd’hui, plus ou moins fort, plus ou moins vite selon les pièces. Dans ces moments de grâce, il y a lui, le chorégraphe, admirable mais autre, étranger étonnant, dérangeant, bouleversant… et il y a à côté, moi-même, néophyte mais hyper présent et sensible, que ces images et ces sons percutent, labourent, retournent pour mon plus grand plaisir…

Si bien qu’à la fin je ne sais pas dire qui, quoi, comment cela s’est passé à tel ou tel moment ; simplement j’ai été avec lui, avec eux les danseurs, sans qu’ils le sachent (ou peut être si, le sentaient-ils ?). Curieux phénomène… Au final, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas de la peau ou de la chair que parlent Claude et Benjamin ; ce dont ils parlent c’est de l’inatteignable intérieur ; ce qu’il y a au-dedans de nous, d’eux et de nous, le terrible ou le merveilleux, le sombre et le lumineux, abîmes et sommets, déserts et pentes escarpées… Et s’ils sont sans complaisance pour débusquer lâchetés et renoncements, ils peuvent frapper fort et juste car il y a chez eux tant de fraternité, « une fraternité organique qui se peut toucher, se peut pétrir comme une matière. » 2 Claude et Benjamin, assurément des frères… FRANÇOIS GAUDUCHEAU est vidéaste.

1. Le Palais des vents. 2. Bernard Bretonnière.

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Ces espérances exagérées qui font avancer le monde Jean-Louis Jossic Si je devais ne retenir qu’un seul moment XXL dans les années nantaises de Claude Brumachon et Benjamin Lamarche, j’en retiendrais cinq : – Fauves, créée ici, à leur arrivée, et présentée en 1991 dans le hangar Delafoix à l’occasion des Allumées. Une déambulation devant les cages de la ménagerie, puis le lâcher sur la piste circadienne de ces animaux humains, pour une danse sensuelle et éruptive, révélant d’entrée la singularité des fondateurs du CCN ; un électrochoc pour le public et les danseurs nantais. – Alice, montrant un an plus tard leur volonté de concerner dans la pratique créative et son partage jusqu’aux enfants des écoles. Les gamins de CM1-2 de la Géraudière, plutôt tièdes au départ de cet exercice « de filles », faisaient après la présentation finale l’assaut de Claude et Benjamin dans les coulisses de l’Opéra pour en redemander. On en sortait en disant non pas « c’était bien pour des enfants », mais simplement « c’était bien ». Et l’ouverture et l’indépendance acquises ont rejailli sur leur scolarité en collège. – Nina ou la Voleuse d’esprit, une chorégraphie sensible, staccatiste et des plus physiques dans le grand escalier du musée des beaux-arts, ajoutant vie à la mythique exposition sur l’avant-garde russe due en 1993 à Henry-Claude Cousseau, alors directeur du musée et ouvert à tous les arts. – Le Festin, en 2005. Une folie : dix-huit interprètes et un saisissant décor de longues tables en fer à cheval ; inenvisageable en tournée ? Et ça a tourné ! La quintessence du langage de Claude et Benjamin, avec la proximité extrême des convives, et des danseurs vêtus ou dévêtus de rouge sang qui leur offrent leur sueur à boire et leurs chairs à dévorer, sur des musiques anciennes tant qu’actuelles : Le Chant de la Sibylle, Didon et Énée de Purcell, l’Halleluja de Leonard Cohen par Jeff Buckley, Outrun de Thomas Bangalter. Une pièce baroque, poétique et intemporelle, comme en écho, pour moi, à cette ballade médiévale de haute Bretagne :

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À la troisième fois la blanche biche est prise. Celui qui la dépouille dit « je ne sais que dire ! » Elle a le cheveu blond et le sein d’une fille, A tiré son couteau, en quartiers il l’a mise, En ont fait un dîner aux barons et aux princes. Nous voici tous assis, hors ma sœur Marguerite. « Vous n’avez qu’à manger, suis la première sise, Ma tête est dans le plat et mon cœur aux chevilles, Mon sang est répandu par toute la cuisine Et sur vos noirs charbons mes pauvres os s’y grillent. »

– La prolongation enthousiaste jusqu’en 2015 de Claude et Benjamin à la direction du CCN, alors que le ministère, enfermé dans un formalisme antinomique des réalités locales de la création, voulait en 2012 les pousser précipitamment vers la sortie, prêt à faire fondre au chalumeau les ailes d’Icare ! Quinze postulants à leur succession ? Leur projet a été retenu comme le meilleur à l’unanimité du jury… Nul doute qu’ils aient encore beaucoup à dire, désormais sur d’autres routes, mais avec une vitalité et une créativité intactes pour ces espérances exagérées dont Jules Verne disait qu’elles seules faisaient avancer le monde. À bientôt donc pour de nouvelles – même si plus brèves – escales nantaises. JEAN-LOUIS JOSSIC est musicien dans le groupe Tri Yann et a été adjoint à la Culture à la ville de Nantes (2008-2014).


CrĂŠer avec des enfants

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Claude Nougaro : « La danse est une cage où l’on apprend l’oiseau. » Louisette Guibert Été 1990, je suis contactée par la ville de Nantes – je suis alors inspectrice de l’Éducation nationale et responsable de la ZEP Nantes nord –, il faut rapidement, avant la rentrée scolaire, construire un projet avec Claude Brumachon, qui s’installe à Nantes, pour associer à son travail un quartier populaire. Je rencontre Claude et je « flaire » immédiatement le pédagogue aimable et passionné, intuitif et exigeant, nous décidons d’engager un travail avec une classe de CM1 de la Géraudière. Francette Bessard, l’institutrice de la classe, accepte de garder ses élèves sur deux ans (CM1-CM2) pour donner au projet des chances de se développer sans précipitation. Il ne s’agit pas d’animer des ateliers danse avec les élèves, mais de les associer à une création, de créer avec ce qu’ils sont dans leur corps, leur motricité, leur culture et leurs savoirs. La Géraudière est une école de ZEP avec des élèves qui sont, pour beaucoup d’entre eux, en difficulté scolaire, avec une relation complexe aux apprentissages scolaires. Les familles sont éloignées des cultures artistiques et la danse est certainement la forme artistique la plus étrangère aux milieux populaires. Créer un spectacle chorégraphique avec ces enfants est un pari extraordinaire. L’enjeu est de taille, il s’agit non seulement de travailler avec les enfants, mais aussi d’obtenir l’adhésion des parents, d’entraîner les familles dans un monde artistique inconnu. Travailler sur les stéréotypes, en particulier de genre. Travailler sur la place du corps dans les apprentissages. Travailler sur le projet de l’enfant et son autonomie. Travailler sur l’individu et sa place dans le groupe. Travailler le couple effort/jubilation. Chaque semaine, le vendredi matin, la classe va danser au studio de Graslin. Cela nécessite de la part de l’enseignante une adhésion totale au projet. « Perdre » une matinée de classe pour des élèves de CM1, puis de CM2, n’est pas si évident dans l’organisation du temps scolaire. La concertation avec les enfants est essentielle, il faut, en classe, être plus attentif, plus rapide pour les apprentissages fondamentaux, il faut

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une meilleure organisation du groupe et une place bien définie pour chacun-e. Francette Bessard met en place un conseil de classe qui, chaque samedi matin, fait le point sur l’avancée des apprentissages scolaires en relation avec ce que ses élèves apprennent avec Claude. Il s’agit de permettre aux enfants de conscientiser les apports de la danse : ils dominent de mieux en mieux leur corps, sont moins agités en classe, l’attention et la concentration s’améliorent, ainsi que la mémoire de façon inattendue et le sens de l’effort intellectuel. Le rapport de Claude aux enfants-élèves est essentiel pour la réussite du projet. Claude a très vite cerné les enfants, il sait mettre en place une pédagogie des corps et des âmes tout à fait surprenante pour nous, les spécialistes de la pédagogie. Cette pédagogie est portée par l’exigence et l’humour. Christopher, l’enfant toujours en mouvement, incapable de se mobiliser intellectuellement, en très grande difficulté scolaire, fait bouger, après quelques séances, son épaule pendant une poignée de minutes en étant par ailleurs totalement immobile. Il deviendra le meilleur danseur du spectacle. Claude sait utiliser les caractéristiques physiques des enfants, il crée des personnages improbables. Le garçon obèse sera une limace, en permanence sur scène, absolument magnifique dans ses ondulations. Comme dans toute les créations de Claude Brumachon, il n’y a pas de vedette, il y a plusieurs Alice, chacun-e tient sa place et assume son rôle avec fierté et bonheur. La création chorégraphique a apporté infiniment plus que de simples ateliers danse, elle a appris aux enfants la relation aux autres, la place dans un groupe et le respect de la place de l’autre. On peut affirmer qu’il y a eu aussi un progrès immense dans les relations au sein de la classe. La chorégraphie apprend aussi à faire respecter dans l’espace sa bulle de sécurité. Le spectacle Alice a eu lieu au théâtre Graslin en janvier 1992. Tout le quartier était en fête. Des cars ont amené les familles au théâtre, personne


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25 ans de crĂŠation

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Texane LE POLLEN, SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, 1988

Texane part d’une nécessité intérieure. C’est une pièce sobre, sans costumes théâtraux ni décors excessifs. Une pièce où l’histoire est suggérée plus que racontée, où la narrativité du geste prend le pas sur la narration anecdotique pour laisser sourdre l’émotion. Texane part de mon enfance ; dans cette pièce je me vois enfant observateur du monde adulte prolétaire. J’ai les souvenirs de ceux qui s’aimaient et de ceux qui se battaient. J’ai essayé de les faire danser dans ma mémoire. L’esthétique est la grisaille du quotidien des banlieues HLM. Ce que je ne savais pas alors en dansant Texane au Pollen en 1988, c’est que nous allions revenir de manière récurrente sur cette scène quasiment tous les deux ans. Jusqu’en 2010, beaucoup de nos pièces ont été présentées ici. J’y rencontrai plusieurs compagnons de route : Denise Maggio, Séverine Magry, Jean-Marc Bocchi, Sabine Cossin. Philippe Mombellet crée les lumières avec brio. C.B.

> CRÉATION LE 18 MARS 1988 AU POLLEN, CAC DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES DANSEURS À LA CRÉATION : FRANCK JOURNO, ERIKA KORECKY, BENJAMIN LAMARCHE, AGNÈS PEYREMORTE, SOPHIE TORRION, VALÉRIE SOULARD MUSIQUE : CHRISTOPHE ZURFLUH LUMIÈRES : PHILIPPE MOMBELLET COSTUMES : HUGUETTE BLANCHARD MAQUILLAGES : CAROLE ANQUETIL PRODUCTION : ASSOCIATION LES RIXES - CIE CLAUDE BRUMACHON COPRODUCTION : LE POLLEN, CAC DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES AVEC LE SOUTIEN DE LA FONDATION COINTREAU POUR LA CRÉATION CONTEMPORAINE DURÉE : UNE HEURE

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La première pièce de Claude que j’ai vue ce fut Texane. Ça a été une claque qui reste pour moi, encore aujourd’hui, la meilleure source d’inspiration. Depuis, j’ai assisté quasiment à toutes ses créations dans lesquelles j’ai vu les plus beaux portés de ma vie. Et là où certains voient de la violence, je ne vois que de la poésie dans la vigueur et la célébration. La vie n’est pas un fleuve tranquille, semblent nous dire Claude et les danseurs. Mais l’amour s’y trouve. Avec ce désir et cette sensualité qu’ils mettent dans leur danse, qu’ils portent en eux et pour nous. Une danse chevillée au corps. Écrire quelque chose sur Claude et Benjamin me trouble comme m’ont troublée leurs pièces. L’intime se livre dans la danse et aujourd’hui dans ces mots que je leur écris, en quelque sorte. La première rencontre marque la mémoire. C’était à Graslin à la fin de L’Enfant et les Sortilèges qu’il venait de créer avec le ballet de l’Opéra de Nantes. Le hasard l’avait fait asseoir juste à côté de moi. D’un regard, je l’ai trouvé grand, il s’est présenté et nous sommes devenus, avec mon mari Jean Théfaine, des amis attachés et fidèles. Son arrivée à Nantes, à la direction du CCN, nous a boostés, nous les autres chorégraphes du terrain. Une espèce de coup de pied au derrière, salutaire. Dire que je les aime ne serait pas falsifier la vérité. Et j’assume cet amour indéfectible des belles personnes sensibles, sincères et généreuses que j’ai eu la chance de rencontrer sur ma longue route. FLORA THÉFAINE


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Le piédestal des vierges FESTIVAL LANCELOT DU LAC DE BAGNOLES-DE-L’ORNE, 1988

Cette pièce prend racine dans le haut Moyen Âge, Une époque propice aux fantasmes gestiques. Mouvements fluides des vierges dans l’attente Sous les grandes voûtes aux feux froids. Mouvements tournoyants des seigneurs guerriers, Mouvements de la rencontre, indicible rencontre courtoise, Où tout est dit dans le regard, dans la caresse et dans l’effleurement. Le Piédestal des vierges est une pièce aux élans brisés, Au souffle meurtri, aux combats sanglants. Le haut Moyen Âge et les mouvements ritualisés, d’une extrême violence Et d’une extrême tension, m’ont inspiré une œuvre de « clair-obscur ». C.B.

> 1re VERSION : CRÉATION LE 20 JUILLET 1988 AU FESTIVAL LANCELOT DU LAC DE BAGNOLES-DE-L’ORNE DANSEURS À LA CRÉATION : CATHERINE BERBESSOU, FRANCK JOURNO, BENJAMIN LAMARCHE, ISABELLE LÉ, ANNE-KARINE LESCOP, VALÉRIE SOULARD MUSIQUE : CHRISTOPHE ZURFLUH ET POUR LE DUO : THOMAS RAVENSCROFT, ANTHONY RODEY LUMIÈRES : PHILIPPE MOMBELLET COSTUMES : HUGUETTE BLANCHARD MAQUILLAGES : CAROLE ANQUETIL PRODUCTION : ASSOCIATION LES RIXES - CIE CLAUDE BRUMACHON COPRODUCTION : FESTIVAL LANCELOT DU LAC DE BAGNOLES-DEL’ORNE

> 2e VERSION : CRÉATION LE 15 JUILLET 1989 À L’AMERICAN DANCE FESTIVAL, À L’AUDITORIUM DUKE UNIVERSITY, DURHAM (USA) DANSEURS : ROXANA DEL CASTILLO, PASCAL GUILLERMIE, BENJAMIN LAMARCHE, ANNE MINETTI, FABIENNE SAINT-PATRICE, VALÉRIE SOULARD PRODUCTION : ASSOCIATION LES RIXES – CIE CLAUDE BRUMACHON COPRODUCTION : FESTIVAL LANCELOT DU LAC DE BAGNOLES-DEL’ORNE DURÉE : UNE HEURE

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Folie L’ARC SCÈNE NATIONALE, LE CREUSOT, 1989

Folie est un ballet de groupe, un corps immense composé de quinze danseurs. Une marée humaine qui se lève, ensemble, unie dans un craquement de boue et de terre séchée mélangée, collée à la peau. Nous ployons sous le poids de nos bras trop dépliés, retenus par l’épaisseur de l’air qui s’écrase, se tasse, compressé entre une voile tendue faite d’un bras extirpé de son corps familier que seul le sol, immuable, soutient. Une mer emplie de vies, de luttes, de morts. Nous sommes les vagues de l’été caressantes et chaudes. Vagues voraces aux courants traîtres que la beauté porte en elle. Nous sommes les déferlantes, les grandes marées d’équinoxe, ravageuses, dévastatrices. Ouragan. Folie c’est la folie des hommes entre eux, impitoyables

> 1re VERSION : CRÉATION LE 3 MAI 1989 À L’ÉGLISE SAINT-JEAN DE MULHOUSE DANSEURS À LA CRÉATION : CATHERINE BERBESSOU, ROXANA DEL CASTILLO, VÉRONIQUE DUPONT, PASCAL GUILLERMIE, BENJAMIN LAMARCHE, ISABELLE LÉ, ANNE-KARINE LESCOP, YOLANDE LIMOUSIN, ANNE MINETTI, FLORENCE PERRIN, VÉRONIQUE REDOUX, ANNA RODRIGUEZ, FABIENNE SAINT-PATRICE, VALÉRIE SOULARD, OLIVIER VIAUD PREMIÈRE OFFICIELLE LE 17 NOVEMBRE 1989 À L’ARC SCÈNE NATIONALE LE CREUSOT DANSEURS À LA PREMIÈRE : MERCEDES CHANQUIA, ROXANA DEL CASTILLO, MARIE-FRANÇOISE GARCIA, JEAN-YVES GINOUX, PASCAL GUILLERMIE, BORIS JACTA, BENJAMIN LAMARCHE, SANDRINE LAMOINE, YOLANDE LIMOUSIN, ANNE MINETTI, NICK PETIT, VÉRONIQUE REDOUX, FABIENNE SAINT-PATRICE, ISABELLE TANNEAU, SOPHIE TORRION MUSIQUE : CHRISTOPHE ZURFLUH LUMIÈRES : PHILIPPE MOMBELLET COSTUMES : PATRICIA GOUDINOUX MAQUILLAGES : CAROLE ANQUETIL PRODUCTION : ASSOCIATION LES RIXES, CIE CLAUDE BRUMACHON COPRODUCTION : BIENNALE INTERNATIONALE DU VAL-DE-MARNE, FESTIVAL EURODANSE MULHOUSE, LE POLLEN CAC DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, CENTRE CULTUREL JEAN-LURÇAT D’AUBUSSON, L’ARC SCÈNE NATIONALE LE CREUSOT DURÉE : 1 H 15

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chercheurs de cruauté, qui s’affrontent sans se regarder, sans s’aimer, ou qui s’aiment et s’affrontent pour survivre. Folie animale des frégates magnifiques aux jabots rouges d’apparat, les ailes en étendard, somptueuses étoiles des vents, qui plongent tels les bombardiers sur Berlin, avides de la chair tendre des nouveau-nés qui rampent vers un océan-mère qui ne les protégera pas. La terre qu’on ramasse à pleines mains, à pleine boue parce qu’elle est nourricière, folie rampante, la terre du feu, des explosions, des irruptions. Une fièvre incandescente nous brûle. Une fièvre alimentée, créée de toute notre énergie. Folie c’est nous, qui ne le savons pas. Nous ne pouvons que le sentir, et c’est ce que nous dansons, acharnés à vaincre les limites de notre possible. Ce raz-de-marée nous emporte. Nous le dansons et il nous emporte, et plus nous le faisons plus il nous engloutit. Nous passons dans la passion dévorante, celle qui sème les graines de discorde entre les gens qui s’aiment, celle qui récolte la zizanie pour son plaisir et justifie l’amour. La création de l’œuvre se mêle à la vie de l’être et nous n’en discernons plus les limites. Quand nous dansons Folie, tout autour de nous disparaît, nous avons vécu la création ensemble, nous l’avons sentie naître, couver en nous, nous en connaissons les moindres recoins, les faiblesses et les forces. Folie est comme un individu que nous aimons. Une personne, amalgame de tous ces corps que nous lui sacrifions. Serrés l’un contre l’autre, ils hurlent l’amour à la gueule du monde. B.L.


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Éclats d’absinthe CHAPELLE DES CAPUCINS, NANTES, 1991

Allongée pleine de sueur. Ralentie. Longs les gestes. Opaque le souffle. Gonflés, abandonnés à la chaleur humide. Lourds. Les corps. Happées par les brumes, pleines, Agrandies de douceur elles attendent. Lumière sourde. Giclée d’odeurs. Dehors la nuit serait noire. Dans la touffeur de l’air je l’arrête. Je vois. Trouble. Encore plus mouvant sous le voile D’eau, arrondis par la buée floue… Caressés de rêve tous ces corps Offerts sans vergogne au regard. Il faut que je retourne à ma lenteur. AGNÈS IZRINE

En avril 1993 nous donnons une représentation innoubliable dans les bains Rudas, à Budapest. Olivier Tessier fait ses premiers pas dans la lumière de danse. Il nous accompagnera ensuite pour toutes nos créations. Martine Ritz habille les corps, début d’une longue collaboration.

> CRÉATION LES 8, 9 ET 10 FÉVRIER 1991 EN LA CHAPELLE DES CAPUCINS À NANTES DANSEURS À LA CRÉATION : CLAUDE BRUMACHON, ROXANA DEL CASTILLO, PASCAL GUILLERMIE, BENJAMIN LAMARCHE, ANNE MINETTI, VÉRONIQUE REDOUX, VALÉRIE SOULARD, FABIENNE SAINT-PATRICE, SOPHIE TORRION MUSIQUE : CHRISTOPHE ZURFLUH LUMIÈRES : PHILIPPE MOMBELLET COSTUMES : MARTINE RITZ MAQUILLAGES : CAROLE ANQUETIL PRODUCTION : ASSOCIATION LES RIXES – CIE CLAUDE BRUMACHON, COPRODUCTION : LA VILLE DE NANTES, LE THÉÂTRE DE LA VILLE D’AUXERRE, FESTIVAL EURODANSE MULHOUSE AVEC LE SOUTIEN DE LA FONDATION COINTREAU POUR LA CRÉATION CONTEMPORAINE DURÉE : UNE HEURE

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Fauves FESTIVAL LES ALLUMÉES NANTES/SAINT-PÉTERSBOURG, HANGAR DELAFOY, NANTES, 1991

Une pièce sur les troubles, les désirs, les désespérances… Sur la matière humaine. À sa création cette pièce, fortement personnelle, avait été sous-titrée : « Le cirque des passions » par la presse. Tout, en effet, évoquait l’univers du cirque, d’abord la piste ronde, puis les personnages : femmes lutteuses et hommes sauvages dans leur cage. Évoluant dans un ballet saccadé de tendresse malheureuse, les corps, sculptures en cours de modélisation, affichaient leur violence et la difficulté à établir des relations mutuelles comme des fauves cherchant une hiérarchie dans la meute. Pas toujours de piste ronde pour les reprises, ni même de déambulatoire avant le spectacle en salle. La scénographie peut changer mais c’est toujours avec la même densité, la même justesse, que les danseurs du CCNN plongent les spectateurs dans l’univers baroque et mystérieux de Fauves. A.I.

La pièce fut difficile tant à créer qu’à danser, les interprètes furent fabuleux. Anne, Pascal, Sophie, Véronique, Valérie, Roxana, Fabienne, Benjamin : Merci. C.B.

> CRÉATION LE 14 OCTOBRE 1991 AU HANGAR DELAFOY DANS LE CADRE DU FESTIVAL LES ALLUMÉES, NANTES/SAINT-PÉTERSBOURG DANSEURS À LA CRÉATION : CLAUDE BRUMACHON, ROXANA DEL CASTILLO OU FABIENNE SAINT-PATRICE, PASCAL GUILLERMIE, BENJAMIN LAMARCHE, ANNE MINETTI OU VALÉRIE SOULARD, VÉRONIQUE REDOUX, SOPHIE TORRION MUSIQUE : CHRISTOPHE ZURFLUH LUMIÈRES : PHILIPPE MOMBELLET COSTUMES : MARTINE RITZ MAQUILLAGES : CAROLE ANQUETIL PRODUCTION : ASSOCIATION LES RIXES - CIE CLAUDE BRUMACHON COPRODUCTION : LA VILLE DE NANTES ET LE CRDC (CENTRE DE RECHERCHE POUR LE DÉVELOPPEMENT CULTUREL) DURÉE : 1 H 15

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L’héroïne ou la gloire imprudente BALLET DE LORRAINE, OPÉRA DE NANCY, 2003

Une commande de Didier Deschamps pour le Ballet de Lorraine autour de Jeanne d’Arc pour dix-huit danseurs sur la Jeune Fille et la Mort de Schubert. Mon idée était de travailler avec un grand groupe de femmes représentant les multiples facettes de cette guerrière mystérieuse. Elles étaient seize sur scène avec trois hommes. Je trouvais là une belle compagnie, pleine d’entrain, d’obédience classique et complètement ouverte à la nouveauté. C.B.

> CRÉATION LES 8, 9, 10 ET 11 OCTOBRE 2003 POUR LE CCN BALLET DE LORRAINE À L’OPÉRA DE NANCY DANSEURS DU CCN – BALLET DE LORRAINE : LAURE BARREAULT, CHRISTOPHE BÉRANGER, AMANDINE BIANCHERIN, JENNIFER BLASEK, LUDIVINE CORNIÈRE, SIMON COURCHEL, MORGAN DE QUELEN, VALÉRIE FERRANDO, JULIEN FICELY, ALEXIS GUTIERREZ-WOSYLUS, MARIE-SÉVERINE HURTELOUP, OPHÉLIE LONGUET, JULIETTE MIGNOT, ALISTER NOBLET, MATTHIEU PICHON, LIGIA SALDANHA, AXELLE TRINCHERO, FLORENCE VIENNOT MUSIQUE : « LA JEUNE FILLE ET LA MORT » DE FRANZ SCHUBERT LUMIÈRES : OLIVIER TESSIER COSTUMES : MARTINE AUGSBOURGER, LILIANE ALFANO, DELPHINE DELAVALLADE, PHALY YOEURNG PRODUCTION : CCN – BALLET DE LORRAINE DURÉE : UNE HEURE

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Le festin CCN DE NANTES, 2004

L’outrance du Festin est dans le désir procuré. La chair conjuguée dans toutes ses possibilités. Le corps – y a-t-il un autre mot qui puisse revenir aussi souvent dans cette danse ? –, le corps du Festin, c’est celui de l’artiste. Celui de la troupe qui, dans un rituel archaïque, presque tribal, se précipite dans l’arène et se livre en pâture au public. Celui du couple qui s’aime, celui des amants qui se déchirent de passion, celui des preuses qui se retiennent des leurs. Le Festin c’est le corps consommé avec plaisir et réjouissance, par divertissement, avec pudeur, avec faste ou simplicité. Le repas, les repas, la connivence, les retrouvailles, se disent et se vivent dans ce banquet aux allures parfois orgiaques qui oscille entre abondance et bombance, poison et pétillance. À chacune son danseur, à chacun sa danseuse, les yeux dans les yeux, les ventres à portée de bouche, les pieds, les aisselles, les seins, que des morceaux choisis, que des morceaux cachés dans l’espace du réel. Le Festin autorise l’odeur et la saveur de la danse. Dans une scénographie particulière, le public est assis autour d’une table en rectangle de quinze mètres de long sur dix mètres de large. Tout se joue sous ses yeux, sur la table, sous la table et dans l’espace clos délimité par ce rectangle de métal et de bois. Comme autrefois dans Folie, Le Festin marque un groupe de danseurs pour la vie. Une première version du Festin fut représentée dix-huit fois d’affilée. Malgré une difficulté majeure liée à un public restreint et à un nombre de danseurs important, la pièce a beaucoup tourné. C.B. - B.L.

> CRÉATION LE 15 AVRIL 2004 AU CCN DE NANTES DANSEURS À LA CRÉATION : GRÉGORY ALLIOT, IOULIA ANGOT-PLOTNIKOVA, DAMIANO BIGI, VINCENT BLANC, CLAUDE BRUMACHON, ROXANA DEL CASTILLO, LISE FASSIER, ELISABETTA GARERI, JULIEN GROSVALET, NIKOLA KRISKOVÀ, BENJAMIN LAMARCHE, SÉBASTIEN LY, AFRICA MANSO-ASENSIO, JULIEN MASSARD, GUILLAUME MILHAC, JUN-HEE PARK, GAËL ROUGEGREZ, LENKA VAGNEROVÀ CONCEPTION DE LA BANDE-SON : CLAUDE BRUMACHON AVEC DES MUSIQUES DE CLAUDIO MONTEVERDI, JOHANN FISCHER, JOSQUIN DESPREZ, GUILLAUME DU FAY, SCION, PINGSHA LUOYAN, HENRY PURCELL, LEONARD COHEN, KIKUOKA KENKO, PHILIP GLASS, THOMAS BANGALTER LUMIÈRES : OLIVIER TESSIER DÉCORS : JEAN-JACQUES BRUMACHON ET L’ATELIER DE CONSTRUCTION DU GRAND T, THÉÂTRE DE LOIRE-ATLANTIQUE PRODUCTION : CCN DE NANTES COPRODUCTION : LE GRAND T, THÉÂTRE DE LOIRE-ATLANTIQUE, LE GRAND THÉÂTRE DE LORIENT REMERCIEMENTS AU BALLET DE LORRAINE DURÉE : 1 H 20

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Silence LES CONNIVENCES DE JUIN, CCN DE NANTES, 2007

Benjamin Lamarche, le nouveau Crusoé C’est un très beau cadeau que Claude Brumachon a offert à son danseur-vedette Benjamin Lamarche sous forme d’un solo. On était habitués, avec ces deux-là, à des duos où le physique est mis à l’épreuve, où le corps s’élance et se cogne, où l’âme sanglote et pâtit. On retrouve tout cela dans Silence, mais s’y ajoutent justement des silences et des arrêts qui donnent aux convulsions du danseur une densité nouvelle. Aux premiers instants, où Benjamin Lamarche est pris de tremblements aussi syncopés que la musique, succèdent le silence et l’immobilité : il ressemble à Robinson Crusoé, échoué sur l’île déserte après son naufrage. Deux cageots sur le plateau suffisent à planter un décor aussi minimaliste que les mouvements de Robinson, alias Benjamin Lamarche. Il doit abandonner tout confort et se reconstruire, mais l’apprentissage de la solitude peut aussi ouvrir la porte de la liberté. L’arrivée inopinée de Vendredi (l’excellent Vincent Blanc ou encore Julien Grosvalet) surprend le public : le solo se dédouble. Les deux hommes se jaugent, se mesurent, s’affrontent. Quelles sont les valeurs qui résistent quand toute organisation sociale a disparu ? Si Vendredi ou les limbes du Pacifique, le livre de Michel Tournier, a nourri ce solo/duo, on y reconnaît surtout un chorégraphe intègre capable de se renouveler. Claude Brumachon cisèle son style éminemment physique, l’enrichissant de brusques ruptures, d’instants plus sereins et harmonieux. Quant à Benjamin Lamarche, depuis Icare, on ne l’avait plus vu dans un solo aussi bien taillé sur mesure pour lui que ce Silence. Il s’y montre un danseur sur lequel le temps ne semble avoir aucune prise et continue à figurer parmi les meilleurs danseurs contemporains. SONIA SCHOONEJANS

> CRÉATION LE 12 JUIN 2007 AU CCN DE NANTES DANS LE CADRE DES CONNIVENCES DE JUIN DANSEURS À LA CRÉATION : BENJAMIN LAMARCHE ET EN ALTERNANCE VINCENT BLANC OU JULIEN GROSVALET CONCEPTION DE LA BANDE-SON : CLAUDE BRUMACHON AVEC DES MUSIQUES DE FORDY, SUSUMU YOKOTA, KOKU, HANS ZIMMER, CLEMENCIC CONSORT LUMIÈRES : OLIVIER TESSIER COSTUMES : CLAUDE BRUMACHON PRODUCTION : CCN DE NANTES DURÉE : 40 MINUTES

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Les explorateurs de temps, La traversée, Le manoir, Légendaires L’aventure entre le CCN de Nantes, le collège de la Durantière et l’Apahj 44 a commencé en 2008, lorsque Musique et Danse en Loire-Atlantique organise une rencontre avec des collégiens en situation de handicap. Un an plus tard, dans le cadre du festival Handiclap, naît le spectacle Les Explorateurs de temps. Que s’estil passé entretemps ? « Plus qu’un choc, c’étaient des réponses à des questions que je me posais », disait Claude. Et surtout une confirmation : la danse est universelle. De cette rencontre, de l’impact, tant social que psychologique et humain, de l’avancée physique et des limites corporelles repoussées que les enfants ont expérimenté contre leur handicap, nous avons vu comment la physicalité s’était faite force commune et individuelle. En 2009, les deux établissements décident de renouveler cette aventure avec La Traversée. Steven, Lise, Elisabetta, Vincent, Martin, Julien ont été percutés par ce qu’ils avaient traversé. D’un commun accord, envers et contre les difficultés administratives rencontrées, nous réitérons l’aventure. L’Apajh 44 et la Durantière suivent le mouvement et Le Manoir est créé en 2015. Avec Légendaires la même année, dixhuit jeunes de l’IEM la Marrière (9-10 ans) se mêlent à dix-huit enfants valides. L’enjeu ici, c’est l’éveil. Une façon pour les jeunes de réaliser que leur corps peut aller plus loin que ce qu’ils pensent. Un espace de liberté qui permet à l’individu de trouver une matière à réfléchir, à rêver, à construire. Le regard de l’autre change, peut-on se permettre un infime instant d’oublier le handicap ? La danse comme point d’accroche au milieu d’une société donnée, la danse témoin de notre être au monde. Chacun danse avec des mouvements qui lui sont propres. On pense aux accompagnateurs, aux encadrants, au personnel : David, Pascal, Chrystelle, Anne, Sophie, Claude Huchet, Rémi Turpin et tous ceux que l’on ne cite pas, mais que l’on n’oublie pas. C.B. -B.L.

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> « LES EXPLORATEURS DE TEMPS » CRÉATION LE 28 MARS 2009 AVEC VINGT ET UN ÉLÈVES DE 5e DE DEUX CLASSES APAJH 44 (ASSOCIATION POUR ADULTES ET JEUNES HANDICAPÉS) DU COLLÈGE DE LA DURANTIÈRE DE NANTES. PRÉSENTÉE DANS LE CADRE DU 22e FESTIVAL HANDICLAP ORGANISÉ PAR L’APAJH 44. DANSEURS DU CCN DE NANTES : BENJAMIN LAMARCHE, VINCENT BLANC, ELISABETTA GARERI, LISE FASSIER, JULIEN GROSVALET AVEC LES ÉLÈVES DE LA DURANTIÈRE : FATHI ARAS, LÉONORE BARRIERE-PUJOL, NICOLAS BEROST, TAMARA BOLOUX, CLÉMENT BOYER, JIMMY CHAUVEAU, CHLOÉ DANIELO, MARIE DANIELO, BENJAMIN DELORME, LÉO DUCOIN, MATHIEU GRONDIN, FABIEN HÉRAUD, AMÈLE LEGAULT, CHRIST LÉPICIER, JENNIFER LOGEAIS, CORENTIN MAY, EMMANUEL MENARD, CORENTIN POMMIER, AMÉLIE RIVIÈRE, ALEXANDRE ROUAUD, SIMON TARDIVAUX CONCEPTION DE LA BANDE-SON : CLAUDE BRUMACHON LUMIÈRES : OLIVIER TESSIER COSTUMES : CLAUDE BRUMACHON, JACQUELINE BROCHET PRODUCTION : CCN DE NANTES EN PARTENARIAT AVEC L’APAJH 44 ET MUSIQUE ET DANSE EN LOIRE-ATLANTIQUE DURÉE : UNE HEURE

> « LA TRAVERSÉE » CRÉATION LE 15 MARS 2012 AU CCN DE NANTES AVEC TRENTE ÉLÈVES DE 4e DE L’UNITÉ D’ENSEIGNEMENT APAJH 44 (ASSOCIATION POUR ADULTES ET JEUNES HANDICAPÉS DE LOIRE-ATLANTIQUE) DU COLLÈGE DE LA DURANTIÈRE DE NANTES. PRÉSENTÉE DANS LE CADRE DU 25e FESTIVAL HANDICLAP ORGANISÉ PAR L’APAJH 44. DANSEURS DU CCN DE NANTES : STEVEN CHOTARD, LISE FASSIER, ELISABETTA GARERI, JULIEN GROSVALET, BENJAMIN LAMARCHE, MARTIN MAURIÈS AVEC LES ÉLÈVES DE LA DURANTIÈRE : ADELINE BERTRET, CLÉMENCE BOUYER, LÉA BUREAU, LUCIE CALVÉ, EVA CHARRIER, LÉA CHAUVET, ROMAN DAVOINE, M’BEMBA DIABY, CHARLY ESCOBNA, ANTOINE FRIBOULET, ANTONIN GATEAU, HUGO GUILLOU, HEÏATA HARDY, BAPTISTE JAMES, MANUELA JUTEAU, KAOUTHAR KHALFALLAH, NICOLAS LARTIGUE, CLÉMENT LAUNAY, GASPARD LE FLOCH, MATHIS LE PESQUER, HUGO MAINGUY, FLORIA MARTIN, CHLOÉ MARTINEAU, MAXIME MERESSE, VALENTIN RIVIERE, BENJAMIN ROBIN, LÉA ROGET, IMÈNE TARIF, PAULA TESSIER, OPHÉLIE TETU DAVID CAILLON, PROFESSEUR D’EPS AU COLLÈGE LA DURANTIÈRE CONCEPTION DE LA BANDE-SON : CLAUDE BRUMACHON LUMIÈRES : OLIVIER TESSIER COSTUMES : CLAUDE BRUMACHON PRODUCTION : CCN DE NANTES EN PARTENARIAT AVEC L’APAJH 44 DURÉE : UNE HEURE


Le Manoir 165


Parfois une hirondelle OPÉRA NATIONAL DE BORDEAUX, 2013

Après avoir passé Les Étreintes brisées et Les Indomptés aux danseurs du Ballet, Charles Jude m’a invité à créer avec le Ballet une pièce de vingt minutes. Toute liberté m’est offerte. Je puise dans une récurrence romantique qui est mienne, qui est nôtre. Sur des élans jaunes et blancs, avec la musique de Beethoven, nous embarquons vingt-deux danseurs disponibles fascinés et généreux. Vers des chutes et des remontées rapides qu’ils ne connaissaient pas. Échevelés, enthousiasmés, passionnés et sincères. N’est-ce pas là quatre adjectifs qui disent le plaisir que nous avons eu à créer cette pièce avec eux ? J’ai apprécié leur patience à comprendre cette gestuelle si ardue pour eux. L’hirondelle est un oiseau qui revient. C.B.

> COMMANDE DE CHARLES JUDE (DIRECTEUR DU BALLET DE L’OPÉRA NATIONAL DE BORDEAUX) POUR LES DANSEURS DU BALLET CRÉATION LE 16 MARS 2013 À L’OPÉRA NATIONAL DE BORDEAUX DANS LE CADRE DE QUATRE TENDANCES 4 DANSEURS DU BALLET DE L’OPÉRA NATIONAL DE BORDEAUX : YUMI AIZAWA, ALINE BELLARDI, JULIANE BUBL, ÉMILIE CERRUTI, GUILLAUME DEBUT, PASCALINE DI FAZIO, LOUISE DJABRI, LUDOVIC DUSSARPS, STÉPHANIE GRAVOUILLE, KASE CRAIG, LAURE LAVISSE, DIANE LE FLOC’H, ROMAN MIKHALEV, NICOLE MURATOV, MARIE-LYS NAVARRO, SAMUELE NINCI, SARA RENDA, STÉPHANIE ROUBLOT, ASHLEY WHITTLE, MARC-EMMANUEL ZANOLI MUSIQUE : LUDWIG VAN BEETHOVEN LUMIÈRES : OLIVIER TESSIER COSTUMES : JEAN-PHILIPPE BLANC ET LES ATELIERS DE L’OPÉRA NATIONAL DE BORDEAUX PRODUCTION : OPÉRA NATIONAL DE BORDEAUX DURÉE : 35 MINUTES

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Les exilés MUSÉE ZADKINE, PARIS, 2014

Les Exilés : une partition chorégraphique pour huit danseurs. Dans les espaces où Zadkine vécut et travailla pendant près de cinquante ans, dans la maison, les ateliers, le jardin où les œuvres se dressent et convoquent les muses, un solo, huit fois dansé, invite, dans l’errance des sens, à une déambulation entre gestes et matière, sur le fil de la poésie, entre fuite du temps et immobile éternité. Huit corps, huit figures, huit sensibilités intimes nourries des béances du bronze, des courbes et contre-courbes des granites, des marbres et des bois. Langage chorégraphié susurrant ce qui se trame dans l’œuvre sculptée. Lieu de mémoire, d’intimité, de création, la maison-atelier, scène de l’alliance de la danse et de la sculpture, se fait théâtre. Dans l’exploration des forces primitives/primordiales, la recherche du point de fusion entre l’humain et la matière, le sculpteur et le chorégraphe se rejoignent. Femme à demi arbre, hybride de chair et de métal, cariatides mutantes, le vivant, insaisissable, est partout, dans le tremblement d’un geste, l’échappée, l’irruption, la racine, dans la trace reliant le passé au présent. Nul ne verra, nul ne vivra le même instant. De chaque danseur, de chaque bloc, dans chacun des espaces habités par les corps, s’élève un autre sens. Moments singuliers emplis des instants du passé, du fourmillement des pensées et des forces qui irriguent une vie. C.B.

> CRÉATION DU 11 AU 21 JUIN 2014 POUR LE MUSÉE ZADKINE, PARIS DANSEURS À LA CRÉATION : CLAUDE BRUMACHON, STEVEN CHOTARD, LISE FASSIER, MICKAËL FRAPPAT, JULIEN GROSVALET, BENJAMIN LAMARCHE, MARTIN MAURIÈS, VALÉRIE SOULARD MUSIQUE : CHRISTOPHE ZURFLUH LUMIÈRES : OLIVIER TESSIER PRODUCTION : CCN DE NANTES AVEC LE SOUTIEN DE L’ETABLISSEMENT PUBLIC PARIS MUSÉES ET DE LA VILLE DE PARIS, REMERCIEMENTS À VÉRONIQUE KOEHLER DURÉE : UNE HEURE

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Fragments d’Olympe FESTIVAL PETITS ET GRANDS, CCN DE NANTES, 2015

La Grèce antique  : cela fait longtemps que je tourne autour de cette thématique. Ces mythes qui racontent explorations fantastiques et expéditions délirantes, voyages mêlés de luttes et de batailles, traversés d’énigmes et d’oracles, bercés de rêves et de cauchemars. La mythologie grecque nous accompagne depuis toujours. Chaque épopée, chaque histoire, chaque tragédie ou chaque voyage initiatique est connu, fait partie du paysage imaginaire de notre enfance, et bien au-delà est un des fondements de notre civilisation. L’apport des masques est presque une évidence. Transformation, transmutation et métamorphose sont présents à chaque instant. Francis Debeyre est un ancien compagnon de route, nous avons travaillé ensemble pour Chemins oubliés et Aventures extraordinaires. Le symbolisme de l’animalité résonne dans l’alliage qu’il utilise pour la confection de ces autres visages : cuir, métal, peau, papier, lainages, tissus… Une tête de Méduse – la Gorgone. Une tête de Minotaure. Deux casques grecs. Un cyclope. Hadès. Pégase. Une tête de cygne. Une tête de cerf – Actéon. Un devin – oracle – Tirésias. Une harpie. C.B.

Les quatre guerriers convaincants que sont Julien Grosvalet, Steven Chotard, Martin Mauriès et Arthur Orblin portent la pièce à bras-le-corps. Ils traversent des situations épiques au milieu de monstres qui les assaillent. Première création de Barbara Salliez au CCN après six années de reprises de rôle.

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> CRÉATION LE 1er AVRIL 2015 DANS LE CADRE DU FESTIVAL  PETITS ET GRANDS AU CCN DE NANTES DANSEURS À LA CRÉATION : STEVEN CHOTARD, ELISABETTA GARERI, JULIEN GROSVALET, BENJAMIN LAMARCHE, MARTIN MAURIÈS, ARTHUR ORBLIN, BARBARA SALLIEZ-VASQUEZ, VALÉRIE SOULARD MUSIQUE : CHRISTOPHE ZURFLUH LUMIÈRES : OLIVIER TESSIER COSTUMES : JACQUELINE BROCHET ET CLAUDE BRUMACHON MASQUES : FRANCIS DEBEYRE ET PATRICK SMITH DÉCORS : JEAN-JACQUES BRUMACHON RÉALISATION : ATELIER TECHNIQUE DU GRAND T, THÉÂTRE DE LOIRE-ATLANTIQUE GRAPHISME DES RIDEAUX : CLAUDE BRUMACHON ET LES DANSEURS DU CCN PRODUCTION : CCN DE NANTES DURÉE : UNE HEURE


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Ils ont accueilli le Centre chorĂŠgraphique national de Nantes

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Porter à l’incandescence l’art et l’artisanat de la danse Jackie Marchand et Florence Simonet Centre chorégraphique national, la dénomination administrative a toujours quelque chose de distant et formaté. Celui de Nantes, c’est le Ballet de Claude et Benjamin, il a le visage de ce duo et la dimension humaine, charnelle, d’un projet porté par la passion brûlante et la conviction. La proximité avec La Rochelle ne tient pas à la géographie. Les nombreuses escales de leurs créations à la Coursive, sans contrainte ni rituel, ont été guidées par notre désir de partager, avec le public, cette énergie féconde et la pertinence, en perpétuel mouvement, de leurs explorations artistiques. Et leur goût des esthétiques hiératiques et fougueuses.

Ils peuvent partir au bout du monde, nous gardons la race émue de solos, de duos ou de somptueux ensembles au bord de l’épuisement. Claude et Benjamin savent porter à l’incandescence l’art et l’artisanat de la danse, en écrivant généreusement et indifféremment pour le corps des hommes et des femmes, leurs semblables fraternels. JACKIE MARCHAND est directeur de la Coursive, Scène nationale de La Rochelle. FLORENCE SIMONET est co-directrice de la Coursive.

La fureur admirable des œuvres de Claude Brumachon Thierry Malandain C’est un lieu commun, mais c’est aussi une vérité première que de rappeler la fureur admirable des œuvres de Claude Brumachon et de son alter ego Benjamin Lamarche. Il y a presque trente ans, comme face aux manifestations d’un culte barbare concentrant les mystères de la nature, la puissance hallucinante de Texane se transforma en éblouissement. Aujourd’hui, avec son étrange caractère de grandeur primitive, la danse de Claude Brumachon m’impressionne toujours. Car elle n’est le reflet d’aucune autre. Puisant

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dans les fantaisies de l’imagination, sa vitalité sauvage se gouverne par ses propres lois. Normands tous les deux, nos horizons diffèrent, toutefois Claude peut se flatter d’être le digne enfant des dompteurs de la mer qui trouvant leurs terres trop resserrées en découvrirent de nouvelles. THIERRY MALANDAIN est le directeur du CCN Malandain Ballet Biarritz.


Un choc émotionnel et artistique Sabine Cossin S’engager dans les métiers de la culture, et notamment dans celui de la direction artistique de théâtres de ville, a été un vrai choix de ma part et je ne l’ai bien sûr jamais regretté. En effet, cette merveilleuse aventure sans fin, car toujours renouvelée, m’a permis des découvertes, des rencontres, des chocs, des émotions surprenantes et riches. Parmi ces grands moments, il en est un, cher à mon cœur : la rencontre avec Claude Brumachon et Benjamin Lamarche en 1984 au centre d’action culturelle de Saint-Quentin-en-Yvelines lors d’un week-end de « jeunes chorégraphes ». Ils figuraient parmi les artistes invités aux côtés d’Angelin Preljocaj, de Josef Nadj, d’Hervé Robbe, de Maïté Fossen et quelques autres… La force de ces deux danseurs pointait très clairement à travers leurs choix d’écriture chorégraphique. Les corps donnaient leur énergie et rendaient l’émotion possible. Très vite, je suivis leur proposition artistique… C’est ainsi, à la même époque, que je courus presque à la maison de la culture de Créteil pour assister à une étape de travail entre Claude et Benjamin autour de la future création d’Icare, œuvre toujours mythique quant à l’écriture chorégraphique du tandem et à l’interprétation exceptionnelle de Benjamin.

Ce fut, à partir de l’année 2000, la porte ouverte à une belle complicité avec le Prisme, centre de développement artistique de Saint-Quentin-enYvelines, qui s’est, au fil du temps, transformée en fidélité  ! Ils ont pris la direction du Centre chorégraphique national de Nantes et ont tourné dans le monde entier avec leurs pièces, ils sont régulièrement venus sur le plateau de notre théâtre, mais c’est au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, Scène nationale, qu’un choc émotionnel et artistique m’est arrivé en assistant à la représentation de Humains dites-vous ! La théâtralité de cette pièce où la musique règne presque en maître m’a émue au plus haut point jusqu’à se révéler encore aujourd’hui comme un de mes plus forts souvenirs des pièces de la compagnie. Cette émotion n’efface aucunement la qualité, l’originalité de l’ensemble des ballets de Claude et Benjamin. Leur présence au CCN de Nantes disparaît mais rien ne s’effacera jamais ; les plateaux des théâtres restent avides de leur prochaine création. SABINE COSSIN est directrice du Prisme de SaintQuentin-en-Yvelines.

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Je me souviens Jacques Bénaud

Première saison à Blois Catherine Bizouarn

Je me souviens de m’être assis sur le plateau de Phobos au milieu de la fureur des corps qui nous frôlent. Je me souviens des différentes représentations de Folie, au fil des années, avec toujours cet effluve de tourbe qui vient chatouiller nos narines, et ce même frisson qui nous gagne toujours au même moment. Je me souviens des représentations de Nina… sous les lustres de l’escalier d’honneur et du grand salon de l’hôtel de ville de Limoges, visions irréelles dans les lumières pâles d’une soirée d’hiver. Je me souviens m’être installé à trois reprises autour de la grande table du Festin pour déguster ce repas de chair. Je me souviens des lumières chaudes et des tabourets de Fauves, des lanternes, de la baignoire et de l’ambiance humide de hammam d’Éclats d’absinthe. Je me souviens d’Icare, Texane, D’Indicibles Violences, La Fulgurance du vivant… Combien de vos pièces présentées à Limoges durant toutes ces années ? Tu dis dix-neuf, Benjamin ! Peutêtre ! Sûrement ! Mais je me souviens, surtout, de l’enthousiasme et de l’engagement toujours intacts en vous, Claude et Benjamin, à répondre favorablement, sans hésitation, à toutes nos demandes de présentations, de reprises, de rencontres, d’échanges avec le public. Un public avec lequel un lien si particulier, unique, s’est tissé au fil de ces années. Un lien construit grâce à votre goût des autres, de l’échange et du partage. Alors, on continue ? Oui, on continue l’histoire, celle de votre danse avec Limoges !

Le matin. Grisaille. Fin de semaine. Arrivée au bureau. Point à faire avec l’équipe. Point sur les spectacles, fréquentation, recettes de billetterie, communication, etc. Et tout d’abord, le spectacle Phobos : – Bon ça s’est passé comment ? – Bien je crois. En tout cas l’accueil était super. – C’est quoi les chiffres ? J’ai eu l’impression que c’était archiplein, on a refusé du monde ? – Oui. Appel de la responsable billetterie à l’accueil, en bas : – Catherine, il y a un drôle de message sur le répondeur, tu peux descendre ? – OK j’arrive. Une fois la touche du répondeur enclenchée, l’enregistrement laisse entendre une voix criarde, haut perchée, au bord de l’hystérie : – Allo ? Allo ? Oui j’appelle parce que j’ai besoin de parler à quelqu’un, j’ai jamais ressenti un truc pareil… Je ne sais pas dire… Ça coupe. La responsable de billetterie : – Tu crois que c’est une folle ? Et ça revient : – Allo ? Oui ça a coupé, excusez-moi, je suis émue. Comme je vous disais, je n’ai jamais vécu une expérience semblable. J’ai assisté au spectacle, à l’intérieur du spectacle ! Assise sur une des chaises du plateau, je n’ai pas compris ce qui m’arrivait. Dans un tourbillon des corps, à toucher les danseurs, j’ai senti la chaleur des peaux et reçu leur sueur… J’ai jamais vécu ça, j’ai jamais vécu ça… Rires, cris… Au cœur du spectacle, c’est une expérience que je n’oublierai jamais… Est-ce que je peux savoir ce qu’il y a après ? Je voudrais tout voir ! Soudain la voix se calme. – Merci… clic. La responsable de billetterie, à nouveau : – Elle est folle ? – Non, elle a juste vécu Phobos de Claude Brumachon !

JACQUES BÉNAUD est chargé de la danse, centres culturels de Limoges, Scène conventionnée pour la danse.

CATHERINE BIZOUARN est directrice de la Halle aux grains, Scène nationale de Blois.

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Revue de presse

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Texane

Le piédestal des vierges

Gérard Mannoni

René Sirvin

Le Quotidien de Paris 14 novembre 1988

Le Figaro 8 octobre 1989

En voyant les six danseurs de la compagnie tracer toutes ses figures vibrantes, agressives mais parfaitement organisées, on songe à quelques arts de la fugue, à l’une de ces constructions sans faille, dont les créateurs maîtrisaient jadis si bien l’architecture. Brumachon organise l’espace, le temps, les groupes, les duos, les rapports humains avec une rigueur magnifique, sans bavardage, sans concession au goût du jour ni aux modes passagères.

On retrouve dans cette chorégraphie pour six danseurs le style si particulier de Claude Brumachon, fait de violences, d’arrêts brusques, de chutes à terre et de mouvements répétitifs. On admire la maîtrise de l’architecture, toujours équilibrée et d’une netteté géométrique sans faute. Les six personnages symboliques se livrent à une sorte de parade-tournoi, comme un rituel rigoureux, dans un silence impressionnant ou sur une musique originale de Christophe Zurfluh, dans un clair-obscur très étudié. L’affrontement est sauvage. Les groupes s’animent à tour de rôle, les uns restent penchés tandis que les autres sont poussés par une force brutale en des mouvements saccadés, rigoureusement parallèles.

Sylvie de Nussac Le Monde 13 et 14 novembre 1988

Non seulement ça danse chez Claude Brumachon, mais ça soutient l’intérêt pendant soixante minutes par des procédés purement chorégraphiques, c’est-à-dire sans le secours d’une histoire, d’anecdotes, de costumes alambiqués ou de décors – sinon quelques tubes de néon et trois tables. […] Cette danse est saccadée, violente ; même la tendresse y est brutale. Elle effectue une recherche très poussée sur les sauts, dont elle présente une étonnante variété : dans les bras ou sur le dos de son partenaire, corps arqué ou replié avec l’aide d’une table ou non, etc.

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Jean-Claude Douin Télérama 8 mai 1991

Du Piédestal des vierges émane une poésie particulière, inattendue. Cette pièce a des accents incantatoires qui font son charme. Les gestes s’inscrivent dans l’espace avec une lenteur retenue. Les temps de pause sont riches de leurs silences. Un certain charme hypnotique n’est pas loin de naître.


Folie

Éclats d’absinthe

Jean Théfaine

Philippe Verrièle

Ouest-France 30 novembre 1990

Les Saisons de la danse Décembre 1993

Le corps, Brumachon le décline dans Folie avec tellement de force incendiée qu’on se demande parfois s’il ne joue pas avec lui à la roulette russe, constamment au point de rupture. Corps aimé, corps meurtri. Corps à cris et à cœur. Corps célébré avec une grandeur tragique mêlée de sanglots, par quinze danseurs montant à la vie et à la mort comme d’autres montent aux barricades. Vrai : mercredi soir dans la pénombre, des spectateurs ont pleuré devant ce miroir où ils reconnaissaient par lambeaux les chemins creux de leur propre jardin de nuit.

Comme au hammam Peu à peu se découvrent, en un mouvement très lent de lumière, des corps alanguis et dénudés, ou vêtus de savant déshabillés. Tout le spectacle va ainsi baigner dans une lenteur de bain turc, une sensualité de hammam, transpercée de fulgurantes violences. Entre les lampes ajourées, les baignoires de cuivre, les étoffes chamarrées, la nuance crème des lumières, Claude Brumachon nous donne une version chorégraphique du Bain turc d’Ingres. Ou peut-être – car l’étalage de chairs est aux antipodes du style épuré du chorégraphe – ­est-ce plutôt la série des Odalisques qu’il convient d’évoquer. Sans doute est-ce un hasard si la posture de bras récurrente chez l’une des danseuses est aussi celle de L’Odalisque à l’esclave de Ingres… Il y a là au moins une affinité entre deux démarches qui interrogent, dans un Orient prétexte, la nature de l’homme, ses poses, son corps et ses vérités. Claude Brumachon a su construire une atmosphère, les lumières de Philippe Mombellet sont superbes, la construction des mouvements parfaitement maitrisée. Tout y est, mais le chorégraphe est victime de sa facilité et de sa générosité. Éclats d’ab­sinthe est la première partie d’un diptyque, et cette partie dure une heure et quart… Si la seconde est en proportion, la tétralogie fera figure de clip. Or si le format fleuve peut avoir ses charmes, l’art du chorégraphe s’accomode mal de ses longueurs induites. Maintenant que tout y est, il faut élaguer un peu, et sélectionner les bons éclats.

Isabelle Brochard Les Saisons de la danse Février 1997

Il faut saluer la mise en danger des corps plutôt rare dans la danse contemporaine française, qui signe une complicité touchante entre les membres de la compagnie. Voilà pourquoi il est important de reprogrammer Folie : parce qu’au-delà de la simple thématique de la guerre et de l’oppression, et par une rhétorique de la répétition, c’est l’énergie impétueuse qui ne renonce jamais, c’est la transgression des limites du corps, des données de l’univers physique réel qui est donné à voir.

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La danse charnelle de Claude Brumachon et Benjamin Lamarche Monique Plouchard Bénoliel La danse charnelle de Claude Brumachon et Benjamin Lamarche a toujours été inscrite dans mes appétences chorégraphiques depuis qu’il m’a été donné d’œuvrer pour cet art. Quand j’ai dirigé un théâtre en région parisienne il y a vingt ans de cela, ils ont été parmi les premiers à y être invités et y ont par la suite, et à plusieurs reprises, retrouvé le chemin pour y rencontrer la ferveur des spectateurs qui ne s’est jamais démentie. Ce qui distingue l’œuvre de ces artistes importants du paysage chorégraphique national, c’est cette écriture chorégraphique si singulière où les corps des interprètes exaltent le propos, le subliment et interpellent les spectateurs que nous sommes car sincèrement touchés dans notre « intime ». J’aime profondément l’art chorégraphique parce que sa particularité est la multiplicité des formes que ses auteurs lui donnent. L’enrichissement que je reçois à chaque proposition trouve toujours sa plénitude quand évolue sur le plateau celle de Claude et Benjamin.

Lorsqu’en 2008 la ville de Nantes et la direction régionale des Affaires culturelles des Pays de la Loire me demandèrent d’intégrer le conseil d’administration du Centre chorégraphique national de Nantes, j’acceptai bien volontiers, curieuse d’une nouvelle aventure professionnelle, il est vrai, mais surtout parce qu’il s’agissait d’être au plus proche d’artistes dont j’étais sensible à la créativité de leur univers chorégraphique. J’ai découvert, en plus, des directeurs attentifs, respectueux, soucieux de leur équipe, exemplaires dans la gestion de leur équipement. J’ai découvert des hommes cultivés, chaleureux, passionnés, profonds. En tant qu’artistes ils m’avaient déjà convaincue, la rencontre humaine a complété et consolidé la grande admiration que je leur porte. L’envie de les accompagner s’en est naturellement trouvée confortée. Ça a donc été pour moi une grande fierté d’œuvrer comme présidente, en complicité avec un bureau et des membres du conseil d’administration investis comme je le suis, pour que ce CCN de Nantes soit une institution modèle au service du bien-être et de la créativité chorégraphique. Claude Brumachon et Benjamin Lamarche démarrent en 2016 une nouvelle aventure artistique avec la fierté de transmettre un équipement sain, et où leur empreinte s’inscrit de manière indélébile. Qu’il me soit permis ici de remercier l’équipe du CCN de Nantes pour son engagement et son dévouement au service d’un artiste et de sa reconnaissance. MONIQUE PLOUCHARD BÉNOLIEL est présidente du Centre chorégraphique national de Nantes.

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José-Miguel Acevedo, Tarek Aïtmeddour, Teresa Alcaíno Caviedes, Soledad Alfaro, Grégory Alliot, Alejandro Alonso, Sunday Aluko, Ioulia Angot-Plotnikova, Ana Armas, Esther Aumatell, Benjamin Bac, Magdalena Bahamondes, Christian Bakalov, Marc Barret, Jérôme Benoist, Faith Benson, Nemecio Berrio-Guererro, Aymeric Bichon, Damiano Bigi, Vincent Blanc, Jean-Marc Bocchi, Caroline Bouquet, Stéphane Bourgeois, Delphine Brouard, Juliane Bubl, Marianela Buttazi, Fernando CarilloZevada, Alexandre Castres, Luciano Cejas, Steven Chotard, Oriana Cifras, Martine Clary, Hélène Corchuan, Joan Crespo March, Corentin Cronier, Isabel Croxatto, Timothée Cuny, Roxana Del Castillo, Alena Dittrichova, Fabienne Donnio, Fabienne Durand, Alain El Sakhawi, Jody Étienne, Federica Faldi, German Farias,

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Lise Fassier-Blanc, Ingrid Florin, Yves Fournes, Mickaël Frappat, Elisabetta Gareri, Nicolas Garsault, Britta Gemmer, Gabriela Gobbi, Diego M. Gomez, Justin Gouin , Julien Grosvalet, Amalia Gullo, Cristian Hewitt-Carrasco, Hervé Koubi, Nikola Krizkova, François Lamargot, Victor Launay, Julien Le Cuziat, Guillaume Lemasson,

Olabayo Julius Ogunrinola, Esther Olaniran, José Olavarria-Schellhorn, Arthur Orblin, Damien Orsal, Mario Osandon, Santiago Palumbo, Jun-Hee Park, José-Pablo Parra, Michaël Pascault, Vladimir Pastoukhov, Stanley Phillips, Ambre Pini, Hoang Quach-Phuong, Véronique Redoux, Claire Richard, Gaël Rougegrez, Fabienne Saint-Patrice, Barbara Sallier-Vasquez,

Les interprètes Véronique Lemonnier, Tereza Lenerova, Adedayo Liadi, Nathalie Licastro, Yolande Limousin, Sébastien Ly, Jess Lyon, Hervé Maigret, Alzbeta Majova, Christine Maltête, Ernest Mandap, Africa Manso Asensio, Julien Massard, Luis-Andrès Maulen, Martin Mauries, Guillaume Milhac, Anne Minetti, Belèm Moquera, Mathieu Morin, Muriel Nicolas, Yakubu Nyango,

Loïg Seignoux, Valérie Soulard, Marie Souquet, Isabelle Teruel, Oliver Tida-Tida, Natasha Torres, Sophie Torrion, Radomil Trafny, Alice Tremblay, Abubakar Usman, Abel Utuedor, Lenka Vagnerovà, Victor Vasquez, Gaëtan Viau, Sabrina Vicari, Manuel Vignoulle, Jaro Vinarsky, Cindy Villemin, Abdul Christopher Yisa.


Direction Claude Brumachon (depuis 1992) Benjamin Lamarche (codirection depuis 1996) Administration Francis Sastre, administrateur (depuis 2000) Denise Maggio, administratrice (de 1992 à 2000) Agnès Izrine, administratrice (de 1992 à 1995) Jean-Yves Rebourgeard, directeur du développement (de 2005 à 2011) Marie-France Delieuvin, directrice de projets (de 2004 à 2009) Direction technique Jean-Jacques Brumachon (depuis 1992) Diffusion et production Benoît Barreault (de 2008 à 2015) Jeanne Hébrard (2004) Franck Ragueneau (2004) Olivier Quero (de 2000 à 2003) Mareï Schultze (de 1994 à 2002) Francesca Poloniato (de 1995 à 2000) Communication Anttar Tehami (depuis 2006) Agnès Garnier (de 2000 à 2006) Véronique Guiho (de 1996 à 2000) Relations publiques et actions culturelles Pauline Tessier-Talon (depuis 2009) Richard Le Normand (de 2005 à 2007) Vincent Blanc, répétiteur et responsable pédagogique (depuis 2011) Comptabilité Nicolas Chantebel (depuis 2007) Christine Lucas (de 2005 à 2007) Nathalie Favreau (de 2003 à 2005) Marc-Henri Broussaudier (de 2003 à 2004) Odile Carado (de 1993 à 2003) Secrétariat Roxana Del Castillo (depuis 2011) Lucie Gourdelier (de 2006 à 2009) Jennifer Rabilier (2007 et 2008) Laurence Berger (de 2000 à 2002) Françoise Guiho (de 1992 à 1995)

Créateurs : Musiques Christophe Zurfluh Bruno Billaudeau Christine Groult Lumières Olivier Tessier Denis Rion Philippe Mombellet Xavier Fananas Philippe Quillet Costumes Jacqueline Brochet Huguette Blanchard Martine Ritz Patrick Teroitin

Les équipes Masques Francis Debeyre Patrick Smith Maquillages Carole Anquetil Techniciens Caroline Audrain, costumière Anthony Baizé, régisseur son Laurie Barrère, régisseuse son Laurent Fallot, régisseur lumière Nathalie Gilet, régisseuse plateau Erwann Guillemot, régisseur son Éric Lebrec’h, régisseur son Cyril Le Brozec, régisseur lumière Philippe Mandonnet, régisseur lumière Thierry Mathieu, régisseur lumière Fabrice Peduzzi, régisseur lumière Manfred Schäfer, régisseur plateau Katia Thuia, régisseuse lumière Basile Verrier, régisseur lumière 247


Le Centre chorégraphique national de Nantes au cœur de la vitalité chorégraphique nantaise Johanna Rolland Un changement de direction constitue toujours une étape marquante dans l’histoire d’une institution, en particulier lorsqu’il résulte du départ des créateurs de la structure, de personnalités aussi engagées et talentueuses que Benjamin Lamarche et Claude Brumachon, qui ont fait du Centre chorégraphique national de Nantes un haut lieu de la danse et une institution culturelle incontournable à Nantes, où l’exigence artistique est portée très haut, où jamais rien n’est cédé sur la qualité de l’œuvre. Créateurs d’œuvres originales et novatrices, ils ont su aussi se tourner vers la ville et vers la vie, ouvrir la danse à tous les publics, en particulier les plus éloignés. Je veux les en remercier très sincèrement. Grâce au travail ainsi accompli, grâce au talent, au projet riche et ouvert sur le monde d’Ambra Senatore, le CCNN va naturellement poursuivre, dans les années à venir, son rôle de premier plan dans la construction et la diffusion d’une danse à la fois exigeante et accessible dans notre ville. L’enjeu de la danse à Nantes est en effet de première importance et la place qu’y jouera le CCNN est primordiale.

Signe du dynamisme du secteur chorégraphique, notre ville voit se développer le nombre d’artistes et de compagnies. Cela implique de répondre à leurs besoins et d’offrir des espaces de diffusion à destination des Nantaises et Nantais. C’est le sens du diagnostic partagé de la danse, mené par la Ville. Et naturellement, dans cette double perspective, le CCNN jouera un rôle tout particulier. Il sera au cœur de la transmission de la culture chorégraphique et de la formation pour les danseurs professionnels. Plus que jamais, il portera la danse auprès d’un large public. Le CCNN saura aussi faire rayonner la danse nantaise par l’approfondissement des collaborations et des synergies sur le territoire de la ville et de la métropole, comme des coopérations à l’échelle du Grand Ouest, et le développement des coopérations internationales. Le CCNN sera plus que jamais le lieu de l’exigence et de l’inventivité artistique, de toutes les esthétiques, là où les talents émergent, où l’originalité et l’audace se donnent rendez-vous pour allumer l’étincelle qu’on ne trouve qu’à Nantes. Je suis certaine que grâce à sa direction et à ses équipes, grâce au travail avec l’ensemble des acteurs du territoire, le CCNN sera plus que jamais un moteur de la vitalité chorégraphique du territoire, qu’il saura parfaitement illustrer la magnifique phrase de Jean Babilée : «  Éphémère, immortelle, versatile, la danse est le seul art qui, ne laissant aucun déchet sur la Terre, hante certaines mémoires de souvenirs merveilleux. » JOHANNA ROLLAND est maire de Nantes.

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Un lieu moteur de diffusion de culture chorégraphique Ambra Senatore J’ai la chance de prendre prochainement la direction du lieu que Claude et Benjamin, avec leur équipe, ont construit et fait vivre pendant plus de vingt ans. Vingt ans de créations, de vies, de rencontres humaines qui ont nourri le CCNN et les très nombreuses personnes, à Nantes et ailleurs, qui ont partagé cette histoire avec eux. Pour moi, le sens du travail créatif est dans la relation, dans le partage, dans l’échange d’expériences. Concernant l’échange, je garde en mémoire l’accueil très ouvert et chaleureux que j’ai reçu lors de mes premiers pas au CCNN, avant et après ma nomination. Je ne connaissais pas Claude et Benjamin, ni les autres, mais la rencontre a été immédiatement tout à fait positive, dans la disponibilité comme dans l’écoute, et nous vivons aujourd’hui une belle passation au déroulement que je trouve très naturel.

À travers nos différences de poétique chorégraphique et d’approches à la création, je ressens une forte proximité avec les directeurs et l’équipe du point de vue des relations humaines et de la passion pour le travail. Cela permet une phase de transition bien positive et me fait imaginer une installation sereine et la possibilité de défendre mon projet comme je le souhaite. C’est en effet avec un désir de partage et de construction de relations humaines que j’arrive dans ce beau lieu : que le CCNN soit ouvert, avec une activité permanente menée par nous et par d’autres chorégraphes et danseurs, où les habitants peuvent rencontrer la création et la danse ; un lieu moteur de diffusion de culture chorégraphique. Je connais la danse pour sa grande capacité à créer des liens entre les personnes, entre les vies. La danse est un moyen, celui qui m’est proche et auquel un CCN est dédié, pour provoquer des occasions d’échanges. Le premier de ces échanges, avec Claude, Benjamin et toute l’équipe, est placé sous le signe de très bons auspices, tant pour la pérennité du CCNN que pour les activités prochaines de Claude et Benjamin. Octobre 2015

AMBRA SENATORE est la nouvelle directrice du CCNN.

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Sommaire Avant-propos Jean-Marc et Brigitte Ayrault............................... 6

Christophe Zurfluh.............................................. 32

Préface Brigitte Lefèvre..................................................... 8

Éclairer tous ces corps en mouvement Olivier Tessier..................................................... 32

Hommage à ceux qui vivent pour leur art Geneviève Page..................................................... 9

L’inatteignable intérieur François Gauducheau......................................... 33

L’écriture de Claude Brumachon Agnès Izrine........................................................ 10

Ces espérances exagérées qui font avancer le monde Jean-Louis Jossic............................................... 34

Autoportraits Claude Brumachon, Benjamin Lamarche.......... 13 La compagnie Claude Brumachon..................... 17 Lettre à Claude Catherine May Atlani.......................................... 18 Vivre la danse comme une réflexion sur l’être humain Claude Brumachon............................................. 19 GENÈSE DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE NANTES

La présence de la danse dans la cité Yannick Guin........................................................ 24 Ces années-là… Pierre Leenhardt................................................. 26 L’homme de l’ombre Jean-Jacques Brumachon................................. 29 L’occupation des anges… Vincent Braud..................................................... 30 Humains dites-vous ! Marc Chevrier..................................................... 31 L’harmonie artistique

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CRÉER AVEC DES ENFANTS

Claude Nougaro : « La danse est une cage où l’on apprend l’oiseau » Louisette Guibert................................................ 36 Les élèves danseurs de Malakoff Patrice Guillou.................................................... 38 L’ACCUEIL-STUDIO

L’aide aux compagnies Anttar Tehami..................................................... 42 L’accueil-studio Claude Brumachon, Benjamin Lamarche.......... 43 Ouvrir un livre de danse Benjamin Lamarche........................................... 46


25 ANS DE CRÉATION Texane................................................................. 48 Le piédestal des vierges..................................... 50 Folie..................................................................... 52 Éclats d’absinthe................................................ 54 Fauves................................................................. 58 Le palais des vents............................................. 60 Alice, Le magicien d’Oz, Pinocchio, Voyages de Gulliver, Les petits poètes, Les fugues........................................................... 62 Les funambules du désir.................................... 68 Les indomptés.................................................... 70 Lame de fond...................................................... 72 Les déambulations de Lola................................ 74 Nina ou la voleuse d’esprits............................... 76 Émigrants........................................................... 78 Soirée duos......................................................... 82 Les amants gris.................................................. 86 Bohèmes-hommes............................................. 88 Les avalanches................................................... 90 Les larmes des dieux.......................................... 92 Una vita............................................................... 94 Icare.................................................................... 96 La blessure......................................................... 98 Les nuits perdues............................................. 100 Los ruegos........................................................ 102 Une aventure extraordinaire............................. 104 Dandy................................................................ 106 Humains dites-vous !........................................ 108 Embrasés.......................................................... 110 La fracture de l’âme.......................................... 112 Les murailles d’hermine.................................. 113 La femme qui voulait parler avec le vent......... 114 Absence............................................................. 115 Voyageurs d’innocence..................................... 116 Hôtel central..................................................... 118 Imprévu ou les porteurs de rêves..................... 120 Les chemins oubliés ou le temps d’un songe.. 122 Rebelles............................................................ 124 Les coquelicots sauvages................................. 126 Le témoin.......................................................... 128 Boxeurs et vagabondes..................................... 132 Soudain l’insolence........................................... 134 Écorchés vifs..................................................... 136 L’héroïne ou la gloire imprudente.................... 138 Le festin............................................................ 140 Soirée duos (deuxième histoire)....................... 142

Orphée............................................................... 144 La mélancolie des profondeurs........................ 146 Ellipse............................................................... 150 Histoire d’Argan le visionnaire.......................... 152 Silence............................................................... 156 Phobos.............................................................. 158 Le labyrinthe, Androgynes................................ 162 Les explorateurs de temps, La traversée, Le manoir, Légendaires.................................... 164 La désobéissance............................................. 170 Liberté............................................................... 172 Le prince de verre............................................. 174 Foudre............................................................... 176 Opulences tragiques......................................... 178 Ashbury St......................................................... 180 Absalon, l’insurgé............................................. 182 D’indicibles violences....................................... 184 La consecuencia............................................... 188 Destellos volcanicos......................................... 190 Un bruissement de volupté.............................. 192 Parfois une hirondelle...................................... 194 Les exilés.......................................................... 196 La fulgurance du vivant.................................... 198 Fragments d’Olympe........................................ 200 La suite logique des choses............................. 202 ILS ONT ACCUEILLI LE CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE NANTES Jackie Marchand et Florence Simonet............. 208 Thierry Malandain............................................. 208 Sabine Cossin................................................... 209 Jacques Bénaud............................................... 210 Catherine Bizouarn........................................... 210 Josette Joubier................................................. 211 Marie-Noëlle Pistora........................................ 211 Francesca Poloniato......................................... 212 Philippe Coutant............................................... 213 Jean-Paul Davois.............................................. 214 Yves de Villeblanche......................................... 214 Blandine Chavanne........................................... 215 Véronique Koehler............................................ 216 REVUE DE PRESSE..........................................219

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La danse charnelle de Claude Brumachon et Benjamin Lamarche Monique Plouchard Bénoliel............................ 245 Les interprètes................................................. 246 Les équipes....................................................... 247 Les membres du conseil d’administration....... 248

Sarabande Francis Sastre................................................... 249 Le centre chorégraphique national en quelques chiffres......................................... 250 Remerciements Benjamin Lamarche......................................... 251

Le Centre chorégraphique national de Nantes au cœur de la vitalité chorégraphique nantaise Johanna Rolland............................................... 252 Un lieu moteur de diffusion de culture chorégraphique Ambra Senatore................................................ 253 Crédit photo...................................................... 257

Comité éditorial : Philippe Coutant, Louisette Guibert, Benjamin Lamarche, Bernard Martin, Francis Sastre, Anttar Tehami Maquette : Bernard Martin Relecture : Romain Allais Impression : Offset 5 à la Mothe-Achard Achevé d’imprimer en décembre 2015. Dépôt légal à parution

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Chorégraphe de l’humain et explorateur du corps, Claude Brumachon, dont l’œuvre compte une centaine de pièces, est une personnalité importante dans le paysage chorégraphique français et international. Avec son complice Benjamin Lamarche, ils n’ont cessé de créer et d’entretenir d’étroites relations entre les publics et leur art. Ce livre retrace l’histoire de leur aventure humaine et artistique. Une histoire commune avec la Ville de Nantes, depuis la création du Centre chorégraphique national de Nantes en 1992.

25 ans de danse à Nantes au Centre chorégraphique national

25 ans de danse à Nantes au Centre chorégraphique national

25 ans de danse à Nantes au Centre chorégraphique national

Claude Brumachon Benjamin Lamarche

C L A U D E BENJAMIN BRUMACHON LAMARCHE

C L A U D E BENJAMIN BRUMACHON LAMARCHE

25 €

9 782848 092591

isbn 978-2-84809-259-1

www.jocaseria.fr

CCNN Joca Seria

Joca Seria / Centre chorégraphique national de Nantes


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