L'ARTICLE INVITÉ
Figure 1 : Détermination du taux de taxation optimal en fonction de l’approche coût-bénéfice. approche aux avantages obtenus du fait de la réduction des émissions, indépendamment des coûts supportés
par unité de polluant déversé ; il a intérêt à payer la taxe si le coût unitaire de dépollution lui est supérieur.
mais il est souvent difficile de donner une valeur moné-
4. L’approche en termes de « prix notionnel » ou « prix
taire à ces avantages. Quelle est la valeur d’un site non
tutélaire » : c’est une valeur fixée « politiquement » par
INONDÏ OU D UNE RESSOURCE NATURELLE PROTÏGÏE /N RECOURT
la collectivité. Cela correspond à une vision téléologique
alors parfois à la méthode des « prix hédonistes » : on
ou normative des choix. Le décideur public peut fixer un
compare par exemple le prix d’un logement avec vue sur
prix arbitraire pour la tonne de carbone émise. Ce « prix
une forêt à celui d’un logement sans vue pour déterminer
fictif » (“shadow price” dans la littérature anglo-saxonne)
la valeur de cette forêt.
sert à orienter les choix d’investissement. Ce n’est pas un
2. L’approche en termes de « coût d’abattement » : c’est
prix réellement payé donc cela ne génère pas de rentrées
le coût supporté pour réduire les émissions de CO2 mais
fiscales pour la collectivité, mais cela sert à pénaliser les
il convient alors de distinguer le coût total, le coût moyen
investissements émetteurs de CO2. Beaucoup d’opéra-
et le coût marginal de cet abattement. C’est le coût mar-
teurs énergétiques recourent aujourd’hui à cette approche
ginal qui guide les comportements. Au-delà d’un certain
(cas du pétrolier Total par exemple). Le rapport Nicholas
seuil de réduction, le coût marginal d’abattement s’accroît
Stern (2007) avait proposé une valeur tutélaire de 150
très rapidement. C’est une approche de type coût-effica-
à 200 USD /t de CO2 et le rapport Quinet (2009) une
cité puisque l’on se donne un objectif de réduction des
valeur de 100 F/t de CO2. On est loin des chiffres obser-
émissions considéré ne varietur et que l’on calcule le coût
vés sur le marché européen du CO2 (7 à 8 F/t de CO2).
marginal et par ricochet le coût moyen et le coût total des
Cette valeur tutélaire peut se transformer en taxe carbone
efforts entrepris pour atteindre l’objectif (Keller 2009).
si la puissance publique décide de l’imposer aux divers
3. L’approche en termes de « valeur sociale du carbone » :
opérateurs ; le recouvrement de la taxe fournira alors des
on procède à une analyse coûts-avantages en déterminant
recettes publiques qui pourront être affectées au finan-
le point d’intersection entre la courbe de coût marginal
cement de certaines actions environnementales. Mais si
d’abattement et la courbe de bénéfice marginal lié aux
l’Etat demeure maître du prix, il ignore au départ l’impact
émissions évitées. Cela revient à utiliser simultanément
que cette taxe aura sur la quantité des émissions puisqu’il
les deux approches précédentes. On a intérêt à réduire les
existe en général une incertitude sur l’allure de la courbe
émissions de CO2 jusqu’au point où le bénéfice marginal
de coût marginal de réduction des émissions.
de la réduction est égal au coût marginal de cette réduc-
5. L’approche en termes de « prix du marché » : c’est le
tion. En pratique il existe une asymétrie car la courbe du
cas lorsque la valeur du carbone est fixée par le marché
bénéfice marginal est plus difficile à tracer que celle du
du CO2. La collectivité publique fixe un volume d’émis-
coût marginal. Cette approche coût-bénéfice est illustrée
sions de CO2 à ne pas dépasser et autorise les émetteurs
dans le schéma donné figure 1. Elle fournit le taux optimal
à échanger leurs quotas via des certificats. On déterminera
de taxation : un pollueur a intérêt à dépolluer tant que le
ainsi ex post le niveau du prix d’équilibre de la tonne de
coût unitaire de dépollution est inférieur à la taxe payée
CO2. Cela concerne par exemple les électriciens et certains
REE N°1/2016 Z 31