Aperçu du numéro 2017-1 de la REE (février 2017)

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2017 1 Numéro

EDITORIAL L'énergie nucléaire : une solution d'avenir durable et bas carbone Dominique Minière

ÉNERGIE

TELECOMMUNICATIONS

DOSSIERS

SIGNAL

COMPOSANTS

AUTOMATIQUE

INFORMATIQUE

Cet aperçu gratuit permet aux lecteurs ou aux futurs lecteurs de la REE de découvrir le sommaire et les principaux articles du numéro 2017-1 de la revue, publié en février 2017. Pour acheter le numéro ou s'abonner, se rendre à la dernière page.

ISSN 1265-6534

L'ARTICLE INVITÉ

L’intelligence économique. Evolutions technologiques, enjeux internationaux : les failles du système français Alexandre Medvedowsky www.see.asso.fr


EDITORIAL

DOMINIQUE MINIÈRE

L'énergie nucléaire : une solution d'avenir durable et bas carbone ’accès à l'énergie a rendu possible le développement économique mondial ces 200 dernières années. Il existe en effet une corrélation directe entre le taux de croissance d'un pays, reflet de son développement économique, et sa capacité à accéder à de l'énergie bon marché. Face aux ambitions de développement mondial, les besoins en énergie continuent de croître et seront considérables dans les décennies à venir.

L

L'augmentation de la demande énergétique mondiale d'ici 2040 devra tenir compte des objectifs climatiques. Nous devons développer un monde dans lequel la place de l'électricité sera de plus en plus importante et sera générée par des moyens de production bas-carbone, un mix qui allie nucléaire et énergies renouvelables. C'est une condition indispensable à un développement durable. La maîtrise de la production d'électricité nucléaire confère à la France de réels atouts depuis plus de 50 ans. Dès les années 70, la France a en effet fait le choix de l'indépendance énergétique et a mis en œuvre un programme nucléaire national, qui s'est traduit par de vastes chantiers de construction. EDF exploite en toute sûreté 58 réacteurs en France et est responsable aujourd’hui du premier parc nucléaire dans le monde. La France maîtrise l'ensemble de la chaîne de valeur de la production nucléaire, de l'extraction de l'uranium à la construction de centrales nucléaires en passant par la fabrication et le retraitement du combustible et le conditionnement des déchets. L'indépendance énergétique de la France se trouve donc consolidée par l'autonomie technologique de l'industrie nucléaire, qui maîtrise tous les procédés qu'elle utilise.

Le nucléaire s'inscrit comme une solution d'avenir, en ce sens qu'il produit une électricité de qualité, sûre, propre, compétitive et ancrée dans les territoires : un modèle de développement durable. La baisse des prix de marché de l'électricité à court terme, guidé en particulier par la baisse des prix des commodités, ne doit pas masquer l'impérieuse nécessité de construire et de mener une politique de long terme. C'est à ce titre que nous avons engagé un programme industriel majeur, le programme « Grand Carénage », qui vise à prolonger la durée de fonctionnement des centrales nucléaires existantes au-delà de 40 ans. Ce défi industriel et financier s’appuie sur l’ensemble de la filière nucléaire, troisième filière industrielle française, composée de près de 220 000 salariés, d'un réseau d'entreprises de toutes tailles, ancrées dans les territoires, de métiers multiples et variés, porteurs d’innovations. La prolongation du parc nucléaire existant constitue un socle favorable pour le développement des énergies renouvelables. Le parc nucléaire fournit de l'électricité en base, suffisamment flexible pour s'adapter à l'intermittence des énergies renouvelables, et assure la sécurité d'alimentation du système à tout instant. Le programme « Grand Carénage » permet de préparer l'avenir vers un mix énergétique composé de nucléaire et d'énergies renouvelables, et de garantir, dans la durée, une production sûre, propre et compétitive. Dominique Minière diplômé de l'Ecole des Mines de Paris. Directeur exécutif au Groupe EDF, chargé de la direction du parc nucléaire et thermique.

REE N°1/2017 Z 1


sommaire Numéro 1

1

EDITORIAL L’énergie nucléaire : une solution d’avenir durable et bas carbone Dominique Minière

2

SOMMAIRE

4

LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE La lutte contre le vol, la copie et la contrefaçon de circuits intégrés

10

Technologie RFID sans puce

17

Petite broderie autour des jeux du sans fil

p. 1

Lilian Bossuet Etienne Perret Samson Lasaulce

24 FLASH INFOS 25

La première turbine hydrolienne de Meygen (Ecosse) a été mise en service mais la filière est en période de morte-eau Véhicule connecté : quels moyens de communication ?

27 ACTUALITÉS p. 47

29 31 33

Cybersécurité de l’Internet des objets : même les ampoules connectées pourraient être attaquées Un succès pour la constellation Galileo Faut-il donner aux autorités chargées du respect de la loi l’accès aux données chiffrées ? Participation record des start-up françaises au Consumer Electronic Show

36 A RETENIR Congrès et manifestations

38 VIENT DE PARAÎTRE La REE vous recommande

40 ARTICLE INVITÉ

p. 75

L’intelligence économique Alexandre Medvedowsky

47 LES GRANDS DOSSSIERS 57

Le Grand carénage Introduction : Etienne Dutheil Les Diesels d’ultime secours : véritable rempart face aux événements les plus extrêmes Robert Acalet, Pablo Fuenzalida

p. 40

p. 130

64

La modernisation du contrôle-commande, une opération minutieuse Ingrid Feron & Laurent Everwyn

86 Photo de couverture : ryanking999 - Fotolia

2 Z REE N°1/2017

Le développement des relations avec le tissu industriel local Valérie Tordeur


75

77

Le développement des liaisons à courant-continu (HVDC) Introduction : Bruno Meyer Panorama mondial des projets de liaisons à courant-continu

82

La liaison à courant continu Baixas - Santa Llogaia

86

L’évolution des liaisons à courant continu insérées dans le système électrique

Monique Le Stum Yves Decoeur

David Glaise, Germán Perez, Carmen Longas, Silvia Sanz

97

La liaison Baixas-Santa Llogaia : une étape importante du développement des liaisons VSC Frank Schettler, Oliver Kuhn, Volker Lehmann, Antoine Larger

104 Recent advancements in HVDC transmission Magnus Callavik

110 La simulation temps réel au service de l’exploitation des liaisons à courant continu Sébastien Dennetière & Bertrand Clerc

130 GROS PLAN SUR … Introduction : Un nouveau regard sur la conjecture de Riemann

12TH INTERNATIONAL CONFERENCE ON LIVE MAINTENANCE

Jean-Pierre Hauet

118 Autosimilarité, fonction zêta et conjecture de Riemann Philippe Riot, Alain Le Méhauté

128 RETOUR SUR ... Paul Langevin (1872-1946)

26 28

APRIL

Marc Leconte

138 CHRONIQUE Culture scientifique et technique & thrillers Bernard Ayrault

Program and registration available on www.icolim2017.org Contact info@icolim2017.org

139 ENSEIGNEMENT & RECHERCHE Conception, gestation et naissance d’une nouvelle école : Télécom Bretagne + Mines Nantes = IMT Atlantique Paul Friedel

144 Echos de l’enseignement supérieur Alain Brenac

146 LIBRES PROPOS Consommer de l’électricité serait-il devenu un péché ? Jean-Pierre Hauet

152 Electricité et développement. Frein ou levier ? Gilles Bellec

88 SEE EN DIRECT La vie de l'association

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LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE

La lutte contre le vol, la copie et la contrefaçon de circuits intégrés LLilian B Bossuet Grand Prix de l’Electronique Général Ferrié Maître de conférences férenc HDR R Laboratoire Hubert Curien ien, universitéé Jean M Monneet Le Grand Prix de l’Electronique Général Ferrié é récomp pense e des travaux ayant ant contri contribué contr tribué aux progrès de la a radio radioélectricité, ioélectricité,

Une menace grandissante et réelle sur la propriété intellectuelle des concepteurs L’industrie microélectronique microélec fait face à l’augmentation la des coûts de produ oduction et de la complexité des de circuits intégrés. ntégré Cela entraîne, depuis plusieurs années, une plu ne augmentation forte du nombre nom de sociétés sans moyens de production (dites fabless) e et une délocali délocalisation de la produc tion. Il en découle que les es circuits intég intégrés égr sont ont devenus deven des cibles de la contrefaçon et du vol. Cette e problématique probléma matique ss’est est considé considérablement me accrue ces dernières années. Par ex exemple, entre 20 2006 0 06 et 20 2010, le dist distributeur américain VisionTech a écoulé coulé pas loin de 60 000 00 circuits circu contrefaits ntrefai avec parmi ses clients l’US Navy et Raytheon Missile e System. S Syste Depuis, de très nombreux cas de circuits contrefaits conttrefaits ont o été signalés signal aux

de l’électronique ’électronique et de leurs

Etats-Unis et en Europe dans des applicat applications grand nd public et des aapplica-

applications. lications. Décerné D Décern depuis is 1949, il commémore mmémore less travau travaux

tions sensibles. Par exemple, il existe te de nombreux e et trè très ès détaillés cas de

du u Général énéral Fer Ferr Fe errié, pionnier

sénat américain daté de 2012 [1]. En 2011, 1, le Président de e l’association ll’associa a de des

de l’ut ’utilisation tion d de la radio auquel on doitt d des es réalisations réal ti s remarquab ables ttelles que la liaiso liaison Côte d’Azur-Corse r-C dès 1901

contrefaçons dans le matériel militaire américain signaléss d da dans ans un rap rapport du u industries de la microélectronique déclarait arai au Sénat américain améri ricain que q l’est estimation de la part de composants électroniques niques co contrefaits dans les le achats ach du Pentagone était de 15 %. Le nombre de contrefaçons de e circuit circu uits électro niques saisis par la douane américaine de 2001 à 2011 a été multiplié multiplié par 700 environ. Entre 2007 et 2010, cette m même e douane a saisi 5,6 ,6 millions de d

et la première mière station radiophonique radi phon

produits électroniques contrefaits. La figure ure 1 illustre i stre la très forte rte p progression rogress

commerciale com rciale de d la Tour T r Eif Eiffel.

du nombre de contrefaçons de produits électroniqu électroniques dé déclarés larés au aux services vices américains de la répression des fraudes.. Globalement, ll’estimation estimation de la contrefaçon se situe entre 7 % et 10 % du du marché des sem emi-c mi-conducteurs ce qui a représenté en 2015 une perte minim minimum m d’environ 33 3 Md USD pour l’industrie légale [2, 3].

Figure 1 : Evolution du nombre b dde contrefaçons de composants électroniques saisies aux USA de 2001 à 2011 [3].

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La lutte contre le vol, la copie et la contrefaçon de circuits intégrés

Figure 2 : Les principales menaces ciblant la propriété intellectuelle d’un concepteur de circuits intégrés. Apporter des solutions technologiques aux industriels de

Dans le domaine de la microélectronique nous pouvons

la microélectronique pour protéger efficacement leur pro-

transposer cette définition et l’enrichir de menaces propres à

priété intellectuelle, aux industriels de l’aéronautique et du

ce domaine telles que le recyclage de composants usagés ou

domaine militaire pour sécuriser leur chaîne d’approvision-

obsolètes, en plus des menaces que sont l’imitation et la co-

nement, et enfin au grand public pour lui garantir un niveau

pie (à l’identique). Nous pouvons lister quatre cas : le chan-

de qualité et de sécurité de ses achats de matériels élec-

gement de boitier d’une puce (repackaging), le changement

troniques est crucial et stratégique pour le France et pour

de marquage d’un circuit intégré (relabeling), le recyclage de

l’Europe. Cela passe par une étude des principales menaces

puce usagée (solvaging/refurbishing) et enfin l’imitation de

sur la propriété intellectuelle des concepteurs comme nous

circuit intégré avec une puce généralement obsolète (coun-

allons le voir dans la suite de cet article.

terfeiting). Il existe un cas très simple de contrefaçon mais

Synthèse des menaces La figure 2 présente les principales menaces qui concernent la propriété intellectuelle du concepteur fabless durant la vie d’un circuit intégré en partant de sa conception,

relativement courant (car très peu coûteux pour le contrefacteur) : la vente d’un boitier de circuit intégré sans puce à l’intérieur.

Solutions envisageables

jusqu’à sa mise au rebut. Ce cycle regroupe de nombreuses

Les solutions envisageables sont variées et elles vont opé-

menaces pour la propriété intellectuelle du concepteur : le vol

rer à différents niveaux suivant un des deux objectifs sui-

de netlist, le vol de masque, la sur-fabrication (overbuilding),

vants : (1) apporter une protection au concepteur du circuit

le vol de circuits en test, le maquillage de circuits d’ancienne

intégré contre la copie et/ou le vol du circuit, c’est le cas

génération (refurbishing, repackaging, relabeling), le recy-

notamment d’un système de licence d’utilisation du matériel

clage de circuit, et enfin l’ingénierie inverse par un concurrent

tel que nous allons le décrire dans la suite, (2) permettre

(reverse engineering).

à l’utilisateur du circuit intégré de vérifier si celui-ci est une

Les menaces qui pèsent sur la propriété intellectuelle

contrefaçon ou non, c’est le cas notamment des systèmes de

du concepteur de circuits intégrés et d’IP sont donc nom-

marquage (watermarking) et de transmission discrète d’in-

breuses et variées [2]. La menace principale pour l’industrie

formation de propriété intellectuelle sur lesquels nous avons

légale est la contrefaçon, mais celle-ci représente finale-

travaillé [4-5] mais qui ne sont pas décrits dans cet article.

ment plusieurs menaces distinctes. La définition couramment adoptée pour la contrefaçon de biens ou de services est la suivante : « La contrefaçon se définit comme la repro-

Développement d’un système de licence d’utilisation du matériel

duction, l’imitation ou l’utilisation totale ou partielle d’une

Nous sommes tous habitués à fournir des licences d’utilisa-

marque, d’un dessin, d’un modèle, d’un brevet, d’un logi-

tion des logiciels qui ont été développées et déployées dans

ciel, d’un droit d’auteur ».

le domaine informatique pour pallier les problématiques de

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LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE

Figure 3 : Illustration du fonctionnement d’une PUF qui extrait l’entropie issue de la variation du procÊdÊ de fabrication pour gÊnÊrer une rÊponse imprÊvisible, unique et stable pour un challenge donnÊ (1,2) et schÊma d’une cellule logique oscillante utilisÊe dans la TERO-PUF (3). vol, de copie illÊgale et d’utilisation abusive de programmes.

s LE SYSTĂ’ME D ACTIVATION N EST UTILISĂ? QU UNE SEULE FOIS DANS LE

Il semble judicieux de proposer des mĂŠcanismes ĂŠquivalents

circuit, de ce fait il doit ĂŞtre ultra lĂŠger en ce qui concerne la

pour le domaine de l’Êlectronique. Utiliser une activation

surface de silicium occupĂŠe ;

fonctionnelle du circuit après fabrication ou après la distri-

s LE SYSTĂ’ME DOIT Ă?TRE SĂ?CURISĂ? 0OUR CELA AU MINIMUM UN

bution peut limiter les menaces liĂŠes au vol de masques, de

canal cryptographique assurant la conďŹ dentialitĂŠ de la re-

puces et de circuits intĂŠgrĂŠs durant la fabrication, et limiter la

quĂŞte et l’authentiďŹ cation du concepteur doit ĂŞtre implantĂŠ

menace d’overbuilding.

dans le matĂŠriel.

Pour dÊployer des licences d’utilisation dans le matÊriel,

La suite de cet article va se concentrer sur les deux pre-

il faut mettre en Ĺ“uvre un système d’activation (ĂŠventuelle-

mières parties de ce système de licence d’utilisation du

ment de dĂŠsactivation) Ă distance avec certaines propriĂŠtĂŠs

matĂŠriel Ă savoir l’identiďŹ cation intrinsèque et le blocage

telles que :

fonctionnel de circuits intĂŠgrĂŠs.

s LA REQUĂ?TE D ACTIVATION Ă?QUIVALENTE ĂŒ UNE LICENCE CRĂ?Ă?E PAR le concepteur du circuit intĂŠgrĂŠ et transmise Ă l’utilisateur) doit ĂŞtre diffĂŠrente pour chaque circuit intĂŠgrĂŠ. Cela im-

Identification intrinsèque de circuits intÊgrÊs

plique de pouvoir identiďŹ er chaque circuit sĂŠparĂŠment. Cela

Comme nous l’avons vu, une PUF permet l’identiďŹ cation

peut se faire par l’utilisation d’une empreinte digitale mi-

intrinsèque d’un circuit intĂŠgrĂŠ Ă la façon d’une empreinte

croĂŠlectronique du circuit intĂŠgrĂŠ. Il est possible de conce-

digitale microĂŠlectronique. Comme l’illustre la ďŹ gure 3 (1-2),

voir une telle empreinte en utilisant le concept de fonctions

la rĂŠponse de la PUF Ă un challenge (une conďŹ guration) doit

physiques non clonables (physical unclonable function ou

être imprÊvisible de par son caractère alÊatoire et elle doit

PUF) ou d’un identiďŹ ant stockĂŠ ÂŤ en dur Âť dans le circuit.

ĂŞtre clairement diffĂŠrente si la PUF est implantĂŠe dans plu-

Cette dernière possibilitĂŠ est difďŹ cilement applicable pour

sieurs puces identiques (même conçues simultanÊment sur

tous les circuits, notamment parce que le fabricant (fonde-

le même wafer), on parle alors d’unicitÊ de la rÊponse. Elle

rie) n’est pas forcĂŠment de conďŹ ance et ne peut donc pas

doit aussi ĂŞtre stable dans le temps malgrĂŠ les variations

prendre en charge ces aspects ;

de la tempÊrature et de la tension d’alimentation et malgrÊ

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La lutte contre le vol, la copie et la contrefaçon de circuits intégrés

Figure 4 : Architecture d’un système de blocage/déblocage de circuit intégré par le concepteur.

Figure 5 : Principe de l’insertion de portes de blocage (en gris) dans un circuit logique via une recherche de nœuds intéressants pour la propagation de valeur de blocage dans un graphe représentant le circuit logique [9].

le vieillissement du composant, on parle donc de stabilité

FPGA et en ASIC. La TERO-PUF est auto-immune vis-à-vis de

de la réponse. Pour obtenir ce comportement, la PUF doit

cette attaque car elle n’utilise pas la mesure de la fréquence

extraire la valeur de la réalisation d’une variable aléatoire

d’oscillation des cellules mais la mesure du nombre d’oscil-

qui ne se réalise qu’une seule fois. Pour les PUF en silicium,

lations des cellules avant qu’elles atteignent un état logique

l’entropie provient de la variation du procédé de fabrication

stable. Effectivement, nous avons prouvé que le nombre

microélectronique en technologie CMOS (par exemple, la

d’oscillations des cellules TERO était lié à la variation du pro-

variation de la position et de la densité de dopants dans le

cédé de fabrication et qu’elles pouvaient être utilisées par

silicium, la variabilité de l’épaisseur des couches d’oxyde,

une PUF pour générer des réponses imprévisibles, stables et

etc.). En mesurant des différences minimes des caracté-

uniques [6]. Pour générer ces réponses, un challenge envoyé

ristiques de deux cellules logiques identiques, une PUF

au PUF permet de sélectionner deux cellules TERO parmi N

génère intrinsèquement dans le circuit intégré un nombre

dont on soustrait le nombre d’oscillations avant l’arrêt après

imprévisible, unique et stable.

excitation des cellules. Lors de travaux récents, nous avons

En 2013, nous avons proposé une nouvelle architecture

réalisé la TERO-PUF sur ASIC et sur FPGA et nous avons mon-

baptisée TERO-PUF car elle utilise des cellules logiques

tré qu’il est possible d’exploiter de un à trois bits du résultat

oscillantes de façon transitoire (en anglais TERO pour tran-

de la soustraction pour générer la réponse de la TERO-PUF

sient effect ring oscillator) [6] illustré sur la figure 4 (3). La

avec une qualité statistique équivalente à celle obtenue pour

TERO-PUF n’est pas sensible aux attaques par analyse du

la RO-PUF [8].

rayonnement électromagnétique [7] dont nous avions mon-

Notons que ces travaux trouvent aussi leur application

tré l’efficacité sur les PUF à base de cellules oscillantes (RO-

dans le contexte de la traçabilité du matériel dans l’Internet

PUF pour ring oscillator-PUF) qui étaient alors considérées

des objets et qu’ils soulèvent un vif intérêt de la part des

comme les meilleures candidates pour une implantation en

industriels de la microélectronique.

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LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE

Figure 6 : Temps d’analyse de la méthode proposée (en verts) et de la meilleure méthode de l’état de l’art (en rouge) en fonction du nombre de portes logiques des circuits à traiter [9].

Blocage fonctionnel de la partie logique d’un circuit La figure 4 présente une architecture de système de blocage qui s’appuie sur un bloc cryptographique, sur un système d’identification du circuit intégré (par un identifiant stocké en mémoire non volatile ou généré intrinsèquement par une PUF) et d’un système de blocage fonctionnel de la logique. Le bloc cryptographique permet de s’assurer que la requête a bien été générée par le concepteur qui est le seul à détenir la ou les clés secrètes. Pour le blocage fonctionnel des circuits intégrés numériques, nous avons proposé une méthode qui utilise un algorithme d’analyse de la logique représentée sous forme de graphe [9]. L’idée est de trier, dans un graphe représentant un circuit logique, les nœuds qui sont les plus susceptibles de propager une valeur bloquante pour la fonctionnalité logique du circuit. Ces nœuds sont ensuite remplacés dans le circuit par des portes de blocage. Le principe de la méthode est illustré sur la figure 5. Une fois verrouillée, la fonctionnalité logique pourra être débloquée par l’application d’une clé de verrouillage dont les valeurs sont calculées en fonction des portes de blocage ajoutées. Avec un surcoût en surface de 3 % en moyenne, cette méthode est la plus efficace de la littérature [8]. Elle s’applique à des circuits de quelques centaines à plus d’un million de transistors ce qui n’est pas le cas des meilleures propositions précédentes de l’état de l’art qui utilisent une analyse de la propagation de fautes, comme nous le montre la figure 6. En s’appuyant sur une structure de graphe, et grâce à ses performances, la méthode proposée est la seule actuellement capable de s’insérer efficacement dans les flots

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L’AUTEUR Lilian Bossuet est maître de conférences à l’université Jean Monnet. Il conduit ses travaux de recherche au laboratoire Hubert Curien (UMR CNRS 5516), où il dirige le département informatique, télécom et image, et il enseigne à Télécom Saint-Etienne. Il est ingénieur de l’ENSEA (1999), ancien élève de l’ENS Cachan et agrégé de génie électrique (2000), il a obtenu le master de l’INSA de Rennes (2001), le doctorat de l’université de Bretagne Sud (2004) et enfin l’habilitation à diriger des recherches (HDR) de l’Université de Bordeaux (2010). Ses travaux portent essentiellement sur la sécurité matérielle et la sécurité des systèmes embarqués.


La lutte contre le vol, la copie et la contrefaçon de circuits intégrés

de conception classiques et de pouvoir être utilisée pour des applications industrielles.

Conclusion La lutte contre le vol, la copie illégale et la contrefaçon de circuits intégrés est devenue stratégique aujourd’hui pour l’industrie de la microélectronique et pour ses clients. De nombreuses protections sont apparues ces dernières années dans la littérature académique mais très peu sont compatibles avec une utilisation industrielle. Dans cet article nous avons présenté des travaux sur l’identification intrinsèque et sur le blocage fonctionnel de circuits intégrés numériques dont les résultats nous permettent d’envisager une valorisation industrielle. Nous avons mené conjointement d’autres travaux qui permettent par exemple la transmission sans contact d’information de propriété intellectuelle depuis le circuit intégré en utilisant le canal électromagnétique pour la détection rapide de contrefaçon dans la chaîne d’approvisionnement [5]. Dans le futur il serait intéressant d’étendre les protections proposées à l’ensemble des circuits intégrés, y compris les composants analogiques.

Références [1] Inquiry into counterfeit electronic parts in the Department of Defense supply chain. Report 112-1267 of Committee on armed services, USA, May 2012. [2] B. Colombier, L. Bossuet. A survey of hardware protection of design data for integrated circuits and intellectual properties. IET Computers & Digital Techniques, Vol. 8, No. 6, pp. 274-287, November 2014.

[3] C. Gorman. Counterfeit chips on rise. IEEE Spectrum, Vol. 49, No. 6, pp. 16-17, 2012. [4] B. Le Gal, L. Bossuet. Automatic low-cost IP watermarking technique based on output mark insertion. Design Automation for Embedded System, Springer, Vol. 16, No. 2, pp. 71-92, June 2012. [5] L. Bossuet, P. Bayon, V. Fischer. An ultra-lightweight BFSK transmitter for contactless rapid identification of embedded IP in FPGA. IEEE Embedded Systems Letters, Vol. 7, No. 4, pp. 97-100, December 2015. [6] L. Bossuet, X. T. Ngo, Z. Cherif, V. Fischer. A PUF based on a transient effect ring oscillator and insensitive to locking phenomenon. IEEE Transactions on Emerging Topics in Computing, Vol. 2, Issue 1, pp. 30-36, 2014. [7] P. Bayon, L. Bossuet, A. Aubert, V. Fischer. Electromagnetic Analysis on Ring Oscillator-Based True Random Number Generators. In Proceedings of the IEEE International Symposium on Circuits and Systems, ISCAS 2013, Beijing, China, May 2013. [8] A. Cherkaoui, L. Bossuet, C. Marchand. Design, Evaluation and Optimization of Physical Unclonable Functions based on Transient Effect Ring Oscillators. IEEE Transactions on Information Forensics and Security, IEEE Signal Processing Society, Vol. 11, No. 6, pp. 1291-1305, June 2016. [9] B. Colombier, L. Bossuet, D. Hely. From Secured Logic to IP Protection. Microprocessors and Microsystems, Embedded Hardware Design, Elsevier, Vol. 47, Part A, pp. 44-54, November 2016.

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LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE

Technologie RFID sans puce Les technologies RFID pour l’identification par radiofréquences font aujourd’hui l’objet d’un engouement sans précédent. La RFID (de l’anglais Radio Frequency Identification) est basée sur l’échange d’informations véhiculées par des ondes électromagnétiques entre une étiquette, appelée souvent « tag », et un lecteur. Actuellement, cette technologie est en plein essor

E Etienne Perret P Prix Brillouin-Glavieux Université Grenoblee Alpes Al - LCIS Institut Universitaire taire de France nce

sur le plan économique. Cet essor se traduit par des activités de recherche très soutenues notamment avec l’objectif d’introduire de nouvelles solutions technologiques. La RFID sans puce (ou chipless technolo ipless RFID en anglais) en est un n exemple. C’est pourquoi aujourd’hui, aujourd’h il convient nvient de d démontrer que cette récente approche a tous us les atouts pour concurrencer urrencer les codes à barres et

Le Prix Brillouin-Glavieux

même les remplacer dans ns certaines appl application ns.

est décerné er conjointement njointeme parr l’IEEE l’IE et la SEE. Il a pour but d de promou-

coût, permettant de faire communiquer co uer les « objets ob bjets » entre eux, pour pou faire de

voir l’interaction l’inter n entre recherche re recherc rche fondamentale, damenta enseign nseig seigne gnement supérieur érieur et industrie ustrie

La mise au point d’une nouvelle technologie, technolo tech e, simple d’utilisation d tio et à bas la traçabilité, par exemple, e, est très attendue. attendue. Cette Cette thématique thém e est connue sous le nom d’Internet des objets (Internet off thin things). ings). C C’est avant vant tout tou l’idée de pouvoir étendre l’Internet au monde des obje objets ets et d des lieux ieux moy moyennant l’utilisation d’étiquettes qui assureront ont le e lien lien. La possibilité ossibilité de faire remonter rem

et de contribu contribuer er ainsi au triangle

des informations (fonction identification, cation, fonction fonctio capteu capteur, ur, …) par un lien

de la a connaissance connaisssance : sciences, iences,

RF d’objets du quotidien à un lecteurr lui-même connecté ecté é à Internet permett

technologie te nologie ett innov innovation. inn

un grand nombre d’applications nouvelles, es, jusqu’alors inso insoupçonnées. oupçonné No Nos récentes avancées dans le domaine, notamment ta ment en ce qui ui conc concerne oncer la ré récupération de la signature électromagnétique tique (EM) ( – c’est-à-dire ’ -à-dire l’emp mpreinte analogique – d’un objet, aussi bien en RF qu’en Terahertz Tera z (THz), n nous permettent aujourd’hui d’envisager la RFID sans puce comme me une un nouvelle technologie d’identification suceptible d’apporter porter une réponse se e à certaines certaine problématiques qui ne peuvent pas être e couvertes co rtes aujourd’huii par par les so solutions existantes [1, 2].

Contexte Les besoins d’identification et de capture aptu e d’information physique physique sont des sujets d’importance capitale dans les sociétés so étés modernes. modern rne es. L’identification par radiofréquence dont le principe pe a été introduitit il y a plus de d 60 ans est une des technologies majeures aje s qui connaît conna un n essor considérable ble dans le domaine de l’identification. on. C’est C une technique technique de capture ca re auto automatique d’information, par lecture radio à distance, stance, d’une e étiquette étiq contenant contenan les données. L’étiquette te est e constituée nstituée d’une e puce électronique élect ctronique qui contient cont l’inf ’information et d’une une antenne an qui assure la communication ommunic n nication avec un lecteur dédié ié. Malgré les es nomb nombreux avantages vantages que qu procurentt la RFID, son s déploie ment d demeure e freiné par p plusieurs ieurs facteurs facteu urs aussi bien économiques, es, que technolo ogiques es ou sociétaux. socié Parmi armi ces fr freins, reins, on peut citer le coût e encore trop élevé é dess tags, mai mais également alement nt le m manque de fiabilité et de sécurité séc des informations informati tions contenues ontenue nues dans dan la puce RFID. RFID. De plus, la RFID reste re une techno logie e d’identification tion relativement relativeme complexe, co si, par exemple, on la compare aux co codes à barres. res. En effet, les codes à barres ssont très simples à mettre en œ œuvre, ou encore re à utiliser. Ils sont, de plus, plu parfaitement standardisés et universels. Ils sont également d’un coût extrêmement bas autant pour les

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Technologie RFID sans puce

Figure 1 : Comparatif entre différentes technologies d’identification.

étiquettes que pour la partie lecteur. Toutefois le principal

chipless, il dispose lui aussi de bons arguments en termes de

inconvénient de cette technologie repose sur le mode de

fonctionnalités. Certaines sont des versions dégradées de ce

capture de l’information qui va nécessiter le plus souvent une

que peut faire la RFID (par exemple la distance/flexibilité de

intervention humaine. A l’opposé, le mode de communica-

lecture reste réduite…), d’autres s’avèrent même être plus

tion par onde radio est le principal intérêt de la RFID, permet-

pertinentes en chipless (discrétion du tag, intégrité du pro-

tant une automatisation des lectures. A cette flexibilité de

duit à taguer). Le principal atout du chipless reste le coût des

lecture, s’ajoute la possibilité de faire de la lecture multiple.

tags. Par rapport aux codes à barres, le chipless doit apporter

De même, il est possible d’obtenir des distances de lecture

d’autres fonctionnalités impossibles à mettre en œuvre avec

de plusieurs mètres. En revanche, la solution RFID est com-

l’approche optique, le tout en restant sur des versions bas coût,

plexe, elle nécessite l’utilisation d’une puce, d’un protocole

c’est-à-dire imprimables. En termes applicatifs la mise au point

de communication qui induit des coûts importants au niveau

de tags-capteurs à très bas coût est aujourd’hui très attendue.

des tags. Cette solution n’est pas universelle, dans la mesure

Il serait intéressant de pouvoir lire un code d’identification ren-

où elle utilise des bandes de fréquences qui peuvent être

seignant sur le contenu d’un contenant quelconque, ceci avec

différentes d’un pays à un autre. Toutes ces constatations

une information sur l’hygrométrie de l’objet. On aurait à dispo-

expliquent pourquoi de plus en plus de recherches visent à

sition un système de traçage à distance d’objets, très complet,

développer de nouveaux systèmes de traçabilité. Parmi eux,

reposant sur une technologie bas coût [3]. En plus du gain

la RFID sans puce (chipless), ou encore dénommée « le code

en précision, le fait de se soustraire aux contraintes liées à la

barre RF », est très prometteuse [1, 2].

puce permet de diminuer le coût, d’augmenter la durée de vie,

La figure 1 présente une comparaison entre les trois technologies d’identification et permet de mieux comprendre le positionnement de la RFID sans puce. On remarque qu’en termes de fonctionnalités, la RFID dispose d’arguments de

d’avoir des tags plus robustes au niveau du taux de lecture et des tenues en vibration et en température.

Principe de fonctionnement

poids. Le seul point noir reste le prix. Le code à barres ne

Les tags sans puce sont habituellement des dispositifs for-

propose quasiment aucune fonction autre que la récupéra-

més de composants à bas coût, de matériaux magnétiques

tion d’un ID ; en revanche, la technologie est éprouvée, très

ou encore de matériaux réfléchissant ou absorbant les ondes

répandue et d’un coût extrêmement bas. Pour ce qui est du

RF. Les dispositifs “chipless”, comparativement aux tags RFID

REE N°1/2017 Z 11


LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE

Figure 2 : Principe de fonctionnement d’un système chipless – Approche radar.

avec puce, ont généralement un prix moindre, sont souvent des dispositifs jetables et sont utilisés sur des objets de faible

s SUR LA RÏPONSE %- DE CIRCUITS 2& PASSIFS IMPRIMÏS OU GRAVÏS [1, 2].

valeur marchande. Les dispositifs peuvent être réalisés à partir

Le troisième point est celui qui nous intéresse. Le principe

de matériaux à coût extrêmement bas, ou encore extrême-

de codage de l’information, c’est-à-dire l’ID de l’étiquette, est

ment robustes pour avoir une meilleure fiabilité de fonctionne-

basé sur la génération d’une signature électromagnétique spé-

ment, des tenues thermiques et mécaniques supérieures aux

cifique, à l’image du principe radar : une onde est envoyée sur

tags intégrant une puce. Toutefois, ces avantages doivent être

le tag, la partie du signal réfléchie par le tag constitue sa signa-

pondérés face à la capacité de mémoire limitée par rapport à

ture EM (figure 2). La principale différence est que la forme

la RFID classique et surtout l’impossibilité de modifier l’infor-

du motif conducteur constituant le tag est imposée pour avoir

mation présente sur le tag (fonction réécriture).

une signature spécifique et parfaitement reconnaissable. Ainsi,

Les tags sans puce, bien que peu commercialisés actuelle-

l’information n’est plus mémorisée à l’aide d’une puce, comme

ment, se déclinent en plusieurs sous-familles. Pour ne citer que

on peut le rencontrer dans les tags RFID traditionnels, mais di-

les plus prometteuses, mentionnons celles qui sont basées :

rectement «inscrite» dans la forme géométrique de l’étiquette.

s SUR LA FABRICATION DE TRANSISTORS ORGANIQUES PAR IMPRESSION

On observe également dans la figure 2 qu’en pratique le

jet d’encre, approche encore prospective, dont le principe

tag n’est pas seul, et que le signal qui revient au lecteur est

de fonctionnement reste proche des tags avec puce mais

la superposition de différentes réflexions. De plus le signal

avec des performances bien plus faibles ;

en provenance du tag est extrêmement faible par rapport au

s SUR LES PROPRIÏTÏS ACOUSTO OPTIQUES DE CERTAINS MATÏRIAUX approche déjà commercialisée ;

12 Z REE N°1/2017

signal total. Il convient dès lors de mettre en place des techniques pour récupérer le signal utile (et par là l’ID du tag),


Technologie RFID sans puce

Figure 3 : Illustration du lien qui existe entre les fréquences de résonance et la géométrie des tags en forme de C. a) Amplitude du signal rétrodiffusé en fonction de la fréquence, le signal est normalisé par rapport au signal incident, b) densité de courant visualisée sur le tag à différentes fréquences de résonance. c) Amplitude du signal rétrodiffusé pour trois longueurs différentes L 2 de la fente n°2. comme l’utilisation de la polarisation croisée (figure 2, [4]),

s SOIT EN MESURANT PRÏCISÏMENT LA DURÏE OU L INTERVALLE RES-

ou encore un principe de séparation temporelle basé sur la

pectivement en régime temporel et spectral) entre la pré-

récupération du mode propre du tag qui lui est indépendant

sence de parties distinctives du signal (figure 3).

du mode de lecture ou de l’environnement.

Considérons le tag présenté dans les figures 3 et 4. Il

Pour ce qui est du codage utilisé, le point essentiel réside

est composé de quatre résonateurs notés 1, 2, 3 et 4 indé-

dans le lien qui existe entre la géométrie du motif conducteur

pendants les uns des autres. Des courts-circuits permettent

de l’étiquette et la signature RF attendue. Le motif du tag

d’ajuster la longueur des trois fentes 1, 2 et 4 et donc les

doit être généré directement à partir de l’identifiant à coder

fréquences de résonance (figure 4). L’intérêt d’une telle

et inversement. Pour coder de l’information en chipless, les

structure repose sur le fait que les résonances sont décou-

deux approches les plus simples consistent :

plées les unes des autres, bien que les fentes soient très

s SOIT Ì REPÏRER LA PRÏSENCE OU NON D UNE PARTIE DISTINCTIVE

proches. Cette absence de couplage permet de contrôler in-

(pic ou creux, lié à une résonance du motif présent sur

dépendamment chaque fréquence de résonance et donc de

l’étiquette, par exemple) du signal temporel ou fréquentiel ;

coder un nombre important d’informations, le tout sur une

REE N°1/2017 Z 13


LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE

Figure 4 : Illustration du principe de codage à travers l’exemple du tag en C. Le tableau de correspondances indique le lien entre les fréquences de résonance du tag et le code binaire associé, ici un code sur 6 bits. surface réduite à 1.5 cm × 2 cm. Ce principe est illustré sur

conformément au tableau de correspondance, il suffit de

la figure 3. On voit également les trois résonances relatives à

faire résonner la fente n°1 à 2,55 GHz et les fentes n°2 et 4

chacune des trois fentes utilisées, ceci pour trois fréquences

respectivement à 2,1 et 4,8 GHz.

caractéristiques. La figure 3c présente le signal rétrodiffusé pour trois configurations différentes : seule la longueur L 2

Avancées technologiques

d’une des trois fentes varie (fente n°2). On observe bien

Depuis quelques années, un travail important a porté au

un décalage de la fréquence de résonance correspondant

LCIS sur l’élaboration d’approches technologiques originales,

à cette fente, alors que les deux autres restent inchangées.

dans le but de démontrer le potentiel pratique et écono-

Intéressons-nous à la récupération de l’information conte-

mique du chipless. Plusieurs verrous ont été levés et désor-

nue dans le tag à partir de sa signature EM. Pour remonter

mais, grâce à ces avancées, la technologie chipless à coût

à l’information du tag, le signal rétrodiffusé et récupéré par

extrêmement bas n’est plus simplement un concept mais

le lecteur est traité. Ensuite, une correspondance entre ces

bien une réalité. Des solutions adaptées ont été apportées

valeurs physiques et un code binaire (l’identifiant du tag) est

aux principaux problèmes de sensibilité de détection en envi-

définie, comme le montre la figure 4.

ronnement réel d’utilisation. Ainsi, la densité de codage [5],

Un tableau permet d’associer à chaque combinaison de

la robustesse de détection [4, 6], l’orientation de lecture [5],

fréquences une combinaison de zéros et de uns, cette der-

le coût de réalisation des tags [7] et du lecteur, la problé-

nière constituant le code binaire du tag. La figure 4 illustre

matique du respect des normes d’émission, sont autant de

ainsi le principe de codage que l’on peut mettre en œuvre

thématiques à très fort impact pratique qui ont été traitées et

pour relier la signature au code binaire. Dans la mesure où le

pour lesquelles une réponse a été apportée. Il a été montré

tag admet trois fentes totalement découplées, on peut coder

pour la première fois qu’il est possible de réaliser des tags

de cette manière un total de 6 bits, deux bits par fentes.

chipless à grande échelle et pour un coût unitaire de l’ordre

A titre d’exemple, si l’on cherche à coder l’identifiant 110110,

de 0,004 F, c’est-à-dire conforme aux projections 2019 de

14 Z REE N°1/2017


Technologie RFID sans puce

Figure 5 : Exemple de tags chipless imprimés par différents procédés : flexographie (gauche), jet d’encre (droite). certains instituts. Ces tags sont obtenus par impression en flexographie sur du papier (figure 5). La seule différence avec les codes à barres est l’utilisation d’une encre conductrice qui est à l’origine de la signature électromagnétique spécifique au tag. Aujourd’hui il est également possible d’utiliser une imprimante jet d’encre, standard, grand public pour imprimer ces étiquettes. Dans ce cas il suffit d’utiliser une cartouche contenant de l’encre conductrice, à l’image d’une énième couleur.

Perspectives Afin de se différencier encore plus du code à barres, il reste nécessaire de démontrer que la technologie chipless peut apporter d’autres fonctionnalités tout en restant sur l’idée de tags imprimables. La première d’entre elles concerne l’aspect capteur. En effet, il est possible d’ajouter cette fonction moyennant l’utilisation d’un matériau sensible à une grandeur physique [3]. Une deuxième fonctionnalité recherchée est la possibilité de pouvoir réinscrire l’identifiant du tag [1]. Ce service est lui aussi, particulièrement attendu dans le domaine de l’identification, d’autant plus qu’il est impossible à mettre en œuvre avec des codes à barres, ce qui permettrait de se différencier nettement de cette dernière technologie. Enfin, il est également possible d’utiliser l’étiquette pour interagir avec un système électronique sur la base, par exemple,

L’AUTEUR Etienne Perret est maître de conférences à l’Institut Polytechnique de Grenoble, membre de l’Institut Universitaire de France. Les activités de recherche d’Etienne Perret s’effectuent au LCIS, où il est responsable du groupe ORSYS (SYStèmes Optoéléctroniques et Radiofréquences). Elles portent sur l’utilisation des technologies et signaux radiofréquences (RF), sans fil (Wireless) pour la communication, le traitement des signaux et la mesure. Plus précisément, Etienne Perret s’intéresse au développement d’outils de calcul couplés permettant la conception de dispositifs hyperfréquences, ainsi qu’au développement de la RFID et tout particulièrement de la RFID Chipless, dont il est actuellement l’un des principaux protagonistes au niveau mondial. Il s’intéresse à l’ajout d’une information de type capteur à celle contenant classiquement l’identifiant.

de la détection de gestes particuliers. L’objectif ici est d’avoir une étiquette jetable qui pourrait servir de télécommande ou de clavier qui permettrait à l’utilisateur de contrôler un système à distance, c’est dire sans contact comme c’est le cas actuellement avec les écrans tactiles. Ces fonctionnalités font appel à l’approche radar qui supporte cette technologie et qui permet de mettre en œuvre de telles interactions.

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LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE

Références [1] E. Perret, Radio Frequency Identification and Sensors: From RFID to Chipless RFID: Wiley-ISTE, 2014. [2] A. Vena, E. Perret, and S. Tedjini, Chipless RFID based on RF Encoding Particle - Realization, Coding and Reading System: ISTE - Elsevier, 2016. [3] R. S. Nair, E. Perret, S. Tedjini, and T. Baron, “A Group Delay Based Chipless RFID Humidity Tag Sensor Using Silicon Nanowires,” IEEE Antennas and Wireless Propagation Letters, vol. 12, pp. 729-732, 2013. [4] A. Vena, E. Perret, and S. Tedjini, “A Depolarizing Chipless RFID Tag for Robust Detection and Its FCC Compliant UWB Reading System,” IEEE Transactions on Microwave Theory and Techniques, vol. 61, pp. 2982 - 2994, 2013.

16 Z REE N°1/2017

[5] A. Vena, E. Perret, and S. Tedjini, “High Capacity Chipless RFID Tag Insensitive to the Polarization,” IEEE Transactions on Antennas and Propagation, vol. 60, pp. 4509 - 4515 Oct. 2012. [6] A. Vena, E. Perret, and S. Tedjini, “Design of Compact and Auto Compensated Single Layer Chipless RFID Tag,” IEEE Transactions on Microwave Theory and Techniques, vol. 60, pp. 2913 – 2924, September 2012. [7] A. Vena, E. Perret, S. Tedjini, G. E. P. Tourtollet, A. Delattre, F. Garet, and Y. Boutant, “Design of Chipless RFID Tags Printed on Paper by Flexography,” IEEE Transactions on Antennas and Propagation, vol. 61, pp. 5868-5877, 2013.


LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE

Petite broderie autour

Focus sur le contrôle de puissance distribué Samson LLasaulce S Médaille Blondel Directeur de Recherche herch CNRS – L2S – CentraleSupélec traleS La Médaille Blondell ré écomp pense des travaux va de recherche et d dévelo éveloppement ent contribuant c buant auxx progrès de la a science scien et des industries indu dustrie ies

Le but de cet article est double. Il vise à la fois à présenter de manière didactique le problème didactiqu roblème de contrôle con de puissance ance distribué dans les réseaux sans ans fil et à décrire deux contributions scientifiques fiques de d l’auteur et de ses collègues qui concernent ce problème. Le problème lè p ème de contrôle c de puissance peut se modéliser comme me un jeu au se sens mathémati mathématique dans lequel les joueurs sont les émetteurss et les actions action ions des de joueurs sont so données n par les niveaux de puissance d’émission. L’esprit esprit de ce cet et article ssuit ainsi si l’approche l’a retenue pour la présentation ion donnée lo lors de la cérémonie cérémonie de remise mise des prix de la SEE en 2016.

électriques ctriques et électroni ctroniq t niques, menés avecc le même mêm souci d’approfondisse d’approfondiss d’ ment nt et de rigueur rigueur que qu ceux d’André ndré

Le contrôle de puissance distribué. C’est quoi ? Pourquoi est-ce important ?

Blondel, ndel, pionnier pionni nier du transport ansport de

Pourquoi ne voit-on pas les étoiless lorsqu’il fait jourr et que que le ciel est e parr-

l’énergie l’é rgie électrique électr triqu ique à grande dis dis--

faitement dégagé ? La raison est qu’il y a une étoile dominan dominante ante qui empêche e he

tanc nce et à trè trèss haute tension,

de voir toutes les autres, c’est le soleil. Danss un réseau sans san ans ns fil, fifil si s plusie sieurs

initiate teur de la construction cconstructio de l’usine l’us hydroélec ectrique ctrique de e Génissiat sur

émetteurs radio opèrent sur la même bande de fréquence, é nce, le même me type

le Rhône et créateur cré des premi premiers radiophares adiopharess en 1911.

d’effet peut se produire à savoir qu’un émetteur metteur qui se s trouve uve trop p près d’un récepteur empêche ce dernier de « voir » les autres émette émetteurs. eurs. Pour P remédier à ce problème d’éblouissement, on utilise ise le contrôle de puissance. puissance. Un émetteur doit adapter son niveau de puissance issa e à la qualité du llien lie de com co munication qui le relie à son récepteur d’intérêt. Typiquement, piquement ent, si l’émetteur l’éme ur est près du récepteur, le premier n’a pas besoin esoin d’émettre d’émettr à pleine puissan ssance. Dans les réseaux de type 3G et dans ses e versions avancées, avancée es, le e co ccontrôle de puissance est réalisé de manière centralisée. lisé C’est la station de base qui va spécifier aux terminaux mobiles qui y sont nt con connectés ectés le niveau au u de puissance avec lequel chaque mobile doit émettre. e. A cont contrario, dans d ns un réseau réseau Wi-Fi, W un point d’accès (une « box » typiquement) piq ment) doit sélectionner ctionne de manière ère autonome la bande de fréquence e sur laquelle uelle il émet ; il n’y a pas de station de base ou de terminal qui va spécifier pécifie au u point d’accès ès que quelle bande il doi doit utiliser. On dit que la déc décision est distr distribuée e ou décent décentralisée. tralisée. Le problè problème de sélection de bande nde en e Wi-Fi est en fait fa un problème me de contrôle de puissance ce distribué. Le cara caractère distribué istribué du contrôle ntrôle de e puissance permet de rendre e le l déploiement oiement d’un réseau seau aisé du d fait de la non-nécessité de terrminaux ccentraux aux de coordination, coo n, mais il peut p peu entraîner en contrepartie une perte sign nificative ative d’effic d’efficacité d’utilisation d’utilisatio lisation n des ressources radio. Ce p problème de perte e d’efficacité ficacité é n’est n’e n est pas encore cr crucial rucial dans les réseaux Wi-Fi actuels, mais iiss avec l’augmentation mentation du nomb no nombre d’objets communicants opérant dans les baandes d Wi-Fi, i ii, l’augmentation des débits indu induite par le déploiement de la fib fibre optique et par les usages de plus en plus « débivores », le problème d’efficacité prendra certainement davantage d’importance.

17 Z REE N°1/2017


LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE

Les objectifs ambitieux affichés pour les réseaux 5G (mul-

débit monter à 40 Mbit/s en passant à puissance forte, et ce

tiplier les débits par 1 000 tout en réduisant la consomma-

tant que l’autre émetteur maintient sa décision de départ.

tion énergétique d’un facteur 100 à 1 000) se fonderont sur

Mais l’émetteur 2 verra alors son débit chuter à 1 Mbit/s.

des changements majeurs dans les réseaux sans fil. Un des

L’émetteur 1 étant à puissance forte, l’émetteur 2 refera

changements attendus est le déploiement de petites cellules

monter son débit en émettant à puissance forte également.

(“small cells”), c’est-à-dire d’un très grand nombre de petites

Et il est facile à vérifier que toute mise à jour individuelle

stations de bases 5G (de la taille d’une « box »). Ces petites

(distribuée donc) ne fera plus quitter les émetteurs du point

stations seront beaucoup plus rapprochées que ne le sont

(10,10).

les stations de bases actuelles et il sera essentiel d’implanter des mécanismes de contrôle de puissance pour gérer l’interférence entre toutes les communications. La situation sera comparable à celle d’un restaurant d’entreprise ou une cantine où tout le monde parle très fort pour se faire entendre. Pour des raisons de complexité au niveau des petites stations de base et parce qu’il ne sera pas possible de contrôler une

Puissance forte

Puissance faible

Puissance forte

(10,10)

(40,01)

Puissance faible

(01,40)

(30,30)

Tableau 1: Illustration du problème d’efficacité dans les réseaux distribués. Le point (10,10) est un point attracteur pour de nombreux algorithmes distribués et ce point n’est pas Pareto-efficace. L’unité des débits peut par exemple être le Mbit/s.

multitude de stations de manière centralisée, le contrôle de puissance devra là-aussi être distribué. Enfin, pour conclure

Un défi technique récurrent dans les réseaux sans fil est

sur l’importance du problème du contrôle de puissance, il

de concevoir un algorithme de contrôle de puissance qui soit

faut rappeler que le manque de savoir-faire dans la mise en

distribué (au sens de la décision mais aussi au sens de l’infor-

œuvre du contrôle de puissance a été un des éléments tech-

mation) et soit efficace par exemple au sens de Pareto ou au

nologiques qui a retardé le déploiement des réseaux 3G.

sens du débit-somme (ici on aurait 60 Mbits/s au mieux).

Le problème d’efficacité du contrôle de puissance distribué. Pour obtenir de l’efficacité, une approche en rupture avec l’existant

Une approche complètement nouvelle a été proposée dans [1][2] au travers de l’idée innovante de contrôle de puissance codé. C’est l’une des contributions scientifiques-clé qui sera présentée dans cet article.

Contrôle de puissance codé

Distribué mais pas efficace, pourquoi ? Explication sur un exemple Tout d’abord essayons de comprendre sur un exemple

particulier de deux émetteurs et deux récepteurs (figure 1).

simple le lien entre la distribution des décisions de contrôle

Chaque émetteur veut communiquer avec son récepteur

de puissance et la perte d’efficacité. Considérons deux émet-

respectif (flèches en trait plein) et chaque récepteur reçoit le

teurs qui ont chacun le choix d’émettre avec une puissance

signal qui lui est utile mais aussi les émissions de l’autre émet-

faible ou forte. Selon le choix des émetteurs, ceux-ci bénéfi-

teur (flèches en pointillés). Pour analogie, imaginez vous dans

cient alors d’un certain débit de communication indiqué dans

un carré TGV en train de parler à la personne en face de vous

le tableau 1. L’émetteur 1 (resp. 2) choisit la ligne (resp. la

alors que la conversation des deux personnes d’à côté est sans

colonne) du tableau. Il en résulte un couple de débits de

intérêt pour votre locuteur. Cette conversion représente de l’in-

communication (par exemple en Mbit/s), la première (resp.

terférence pour la personne qui vous écoute. Pour gérer l’inter-

la deuxième) composante correspondant au débit de l’émet-

férence de manière la plus efficace possible, il faudrait qu’il y

teur 1 (resp. 2). Si les émetteurs implantent un algorithme

ait un lien de communication entre les émetteurs pour que

distribué, le point de fonctionnement qui risque d’être ob-

ceux-ci se coordonnent. Or, dans un réseau sans fil distribué ce

tenu est le point (10,10) qui est moins intéressant que le

lien est typiquement inexistant. Par exemple, il n’existe aucun

point (30,30) pour les deux émetteurs ; on dit que le point

lien de communication explicite entre les points d’accès Wi-Fi

(10 ,10) n’est pas Pareto-efficace (c’est-à-dire qu’il existe un

tels que les « boxes » que nous avons à la maison. Il en sera

autre point tel que tout le monde fasse mieux). A partir d’un

très vraisemblablement de même pour les petites stations

raisonnement particulier, expliquons pourquoi le point (10,

de bases des réseaux à petites cellules des réseaux 5G. Sans

10) est un point typiquement attracteur. Supposons que les

coordination, nous avons vu au travers de l’exemple du tableau

deux émetteurs opèrent à puissance faible. Si un émetteur,

1, que les émetteurs risquent de mal exploiter les ressources

par exemple l’émetteur 1 met à jour sa décision, il verra son

radio, par exemple en émettant à pleine puissance, sur toute

18 Z REE N°1/2017

Expliquons le problème et la solution proposée pour le cas


Petite broderie autour des jeux du sans fil

la bande de fréquence disponible et peut-être même tout le temps. Comment induire de la coordination sans possibilité de communication ? L’idée innovante sur laquelle repose le contrôle de puissance codé [1][2] est de gérer l’interférence en utilisant celleci comme un canal de communication entre les émetteurs et en codant la puissance pour qu’elle transporte de l’information. En effet, lorsqu’un émetteur modifie sa puissance d’émission, cela produit un effet sur l’interférence perçue par le récepteur gêné. Or, beaucoup de systèmes sans fils possèdent une voie de retour qui donne à l’émetteur une image de l’interférence subie par son récepteur ; par exemple un retour de type ACK/NACK (acknowledgement/non-acknowledgment) indiquant à l’émetteur si le récepteur a bien reçu un paquet de données est une image binaire du rapport signal-à-interférence plus bruit. Pour revenir à l’exemple

Figure 1 : Scénario de communication illustrant le problème d’interférence. L’idée innovante sur laquelle repose le contrôle de puissance codé est de gérer l’interférence en utilisant celle-ci comme un canal de communication entre les émetteurs et en codant la puissance pour qu’elle transporte de l’information.

du carré TGV, c’est comme si vous ne changiez pas votre discours pour votre locuteur mais moduliez la puissance de

par le problème d’allocation de ressources radio considéré

votre voix pour communiquer avec votre voisin qui gêne votre

(le débit-somme du réseau, l’énergie consommée par le

locuteur. Ici, l’explication est triviale mais pour le contrôle de

réseau, la latence du réseau, etc.).

puissance, il faut revisiter le problème de la modulation et

La figure 2 permet de quantifier l’apport du contrôle de

du codage pour obtenir des stratégies de contrôle de puis-

puissance codé par rapport à l’état de l’art. Elle représente le

sance qui permettent d’obtenir un système de communica-

débit-somme du système de la figure 1 en fonction du rapport

tion distribué et efficace. Il faut revoir en particulier le codage

signal-à-bruit. La courbe du bas correspond à l’état de l’art et

parce que le critère de performance de la communication

est obtenue avec l’algorithme « iterative water-filling » [3]. La

(implicite) n’est pas un taux d’erreur binaire ou un rendement

courbe du haut est une borne supérieure qui serait obtenue

informatif comme c’est le cas classiquement. Le critère de

s’il y avait un lien de communication parfait entre les deux

performance est un critère de performance arbitraire donné

émetteurs. Les trois courbes intermédiaires correspondent aux

Figure 2 : Débit-somme (en bit/s par Hz) en fonction du rapport signal-à-bruit. Comparaison entre le contrôle de puissance distribué classique (courbe du bas) et le contrôle de puissance codé. Le scénario est celui de la figure 1 [2].

REE N°1/2017 Z 19


LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE

Figure 3: Mise en évidence d’un paradoxe de Braess dans les réseaux sans fil. En ayant accès à plus de bande, chaque émetteur peut voir ses performances se dégrader dans un réseau distribué [7]. performances du contrôle de puissance codé (avec un code

a donc proposé d’exploiter plusieurs canaux pour augmenter le

de taille 1, un code de taille 3 et le meilleur code de grande

débit. Ceci est rendu possible en plaçant plusieurs « dongles »

taille). Ces courbes intermédiaires sont obtenues en faisant

sur les ports USB de l’ordinateur et sur le point d’accès. La so-

une analyse non-triviale des performances limites fondée sur

ciété propose un logiciel qui permet de gérer cette communi-

la théorie de Shannon [1] [2] ; l’établissement d’un lien entre

cation multiports et d’offrir un débit multiplié par le nombre de

le contrôle de puissance et la théorie de Shannon a été un

ports utilisés. Mais en pratique, le débit peut être en effet aug-

résultat surprenant et mis en évidence pour la première fois

menté mais aussi diminué par rapport à la solution à un seul

dans [1]. L’effet de saturation lié au fait que les émetteurs dis-

canal ! Ce résultat surprenant a été démontré dans [6][7]. Le

tribués peuvent émettre à pleine puissance est évité. Mais sur-

résultat est surprenant au sens de l’optimisation puisque plus

tout, les émetteurs échangent de l’information via leurs actions

l’espace d’optimisation est grand et meilleures sont les perfor-

(à savoir les niveaux de puissance d’émission). L’information

mances. Le problème est qu’ici nous avons affaire à un réseau

échangée concerne principalement la qualité des liens de

distribué dans lequel les décisions ne sont pas centralisées

communication. Plus d’information sur cette technique peut

et choisies par une seule entité ou un seul optimiseur et le

être trouvée dans [1][2][4][5].

caractère distribué fait que relation ressources-performances

« Moins j’ai le choix, mieux je me porte »

n’est plus monotone (croissante classiquement). Pour comprendre l’intuition de la démonstration de [6], considérons

Dans la section précédente, le problème était de conce-

l’exemple du tableau 1. Supposons que les émetteurs n’aient

voir des stratégies de contrôle de puissance les plus efficaces

qu’un seul choix : émettre à puissance faible. Alors, les deux

possible, l’espace d’action des émetteurs étant donné. Dans

émetteurs peuvent opérer à 30 Mbit/s chacun. Or, si on laisse

cette section nous allons discuter l’influence de l’espace d’ac-

aussi le choix à l’émetteur d’émettre à puissance forte, nous

tion sur l’efficacité globale et relater un résultat contre-intuitif

avons expliqué que typiquement le point de fonctionnement

et important pour l’ingénieur du sans fil ; ce résultat a été

sera tel que les deux émetteurs émettront à puissance forte

démontré dans différents scénarios [6][7].

et donc obtiendront chacun un débit de 10 Mbit/s. Ainsi, nous

Pour augmenter le débit des communications Wi-Fi entre

voyons que si l’espace d’optimisation grandit dans un réseau

le point d’accès et le terminal (disons un ordinateur), la so-

distribué, la solution résultant peut s’avérer moins bonne pour

ciété américaine Codeon [8] propose une solution logicielle

tous les émetteurs. C’est ce type de phénomène qui se pro-

dont l’idée-clé est d’élargir la bande exploitée. En effet, actuel-

duit pour l’exemple du Wi-Fi. Il s’agit d’une instanciation d’un

lement, les systèmes Wi-Fi tels que les « boxes » n’utilisent

phénomène qu’on appelle le paradoxe de Braess et qui avait

qu’une seule bande de fréquence ou canal. La société Codeon

été observé dans d’autres domaines. Le phénomène avait été

20 Z REE N°1/2017


Petite broderie autour des jeux du sans fil

observé dans le transport routier (à Stuttgart) dans la fin des années 60 : le fait d’avoir construit une route avait dégradé le trafic dans la zone concernée. L’enseignement est donc important pour l’ingénieur du sans fil : dès lors que les décisions sont distribuées, donner plus de ressources à un terminal (par exemple plus de bande, de puissance, de durée de transmission ou d’antennes) peut dégrader ses performances. La figure 3 montre le débit-somme en fonction du rapport signal-à-bruit pour un réseau sans fil distribué avec interférence. La figure donne le rapport des performances du cas multi-bande sur les performances du cas à une seule bande. Lorsque ce rapport est inférieur à un, les performances du cas multi-bande sont moins bonnes et donc avoir plus de bande conduit à une dégradation des performances.

Conclusion Dans cet article nous avons vu un problème concret d’application de la théorie des jeux aux réseaux sans fil distribués. Le jeu de contrôle de puissance est un jeu car les performances d’un émetteur dépendent de ses décisions mais aussi des décisions des autres émetteurs. Dans un jeu de contrôle de puissance, les joueurs sont les émetteurs et les actions des joueurs sont les puissances (ou vecteurs de puissance) d’émission. Les raisonnements de la théorie des jeux permettent de concevoir des stratégies innovantes dans les réseaux sans fil et d’éviter des pièges dans lesquelles l’ingénieur peut facilement tomber en suivant les raisonnements classiques de l’optimisation. Pour illustrer la première partie de cette assertion, nous avons vu comment exploiter l’idée

L’AUTEUR Samson Lasaulce est actuellement directeur de recherche au CNRS, au Laboratoire des signaux et systèmes (Gif-sur-Yvette). Avant de rejoindre le CNRS, il a été ingénieur R&D, d’abord à Motorola Labs puis à Orange Labs. Ses travaux de recherche actuels portent sur les réseaux distribués de communication et d’énergie pour lesquels il utilise des outils tels que la théorie des jeux, la théorie de l’information et de l’apprentissage.

fondamentale qu’un joueur communique de l’information en agissant. Cette idée bien qu’assez commune en théorie des jeux n’avait jamais été exploitée pour les problèmes d’allocation de ressources et celle-ci conduit à la notion de communication implicite dont la mise en œuvre demande à revisiter le problème du codage, ouvrant ainsi de nombreuses perspectives en termes d’innovations. Pour illustrer la seconde partie de l’assertion, nous avons mis en évidence l’existence d’un paradoxe de Braess dans les réseaux sans fil distribués : donner plus de ressources à un émetteur peut le conduire à avoir des performances individuelles moins bonnes. Ce genre de paradoxes sera à éviter dans les réseaux émergents tels que les réseaux 5G qui auront un caractère distribué assez marqué.

Références [1] B. Larrousse and S. Lasaulce, “Coded Power Control: Performance Analysis”, IEEE Intl. Symposium on Information Theory (ISIT), Istanbul, Turkey, July 2013.

REE N°1/2017 Z 21


LES GRANDS PRIX 2016 DE LA SEE

[2] B. Larrousse, S. Lasaulce, and M. Bloch, “Coordination in distributed networks via coded actions with application to power control”, IEEE Transactions on Information Theory, to appear. [3] W. Yu, G. Gini et J. M. Cioffi, “Distributed multiuser power control for digital subscriber lines,” IEEE J. Sel. Areas Commun., vol. 20, no. 5, pp. 1105–1115, May 2002. [4] V. Varma, S. Lasaulce, C. Zhang, and R. Visoz, “Power Modulation: Application to Inter-Cell Interference Coordination”, IEEE Proc. of the EUSIPCO conference, Nice, France, Aug.-Sep. 2015. [5] C. Zhang, V. Varma, S. Lasaulce, and R. Visoz, “Implementing Coordination in Interference Networks through Power Domain Channel Estimation”, IEEE Transactions on Wireless Communications, to appear.

22 Z REE N°1/2017

[6] S. M. Perlaza, S. Lasaulce, and M. Debbah, “Equilibria of Channel Selection Games in Parallel Multiple Access Channels”, EURASIP Journal on Wireless Communications and Networking (JWCN), Jan. 2013. [7] C. Zhang, S. Lasaulce, and E. V. Belmega, “Using more channels can be detrimental to the global performance in interference networks, IEEE International Conference on Communications (ICC), London, UK, June 2015. [8] Codeon: http://www.codeontechnologies.com/technology/ [9] Braess, D., 1969. Ueber ein Paradoxon aus der Verkehrs Unternehmens Forsch. 24 (5), 258–268.


FLASHINFOS

taille d’une hydrolienne viendrait à surpasser celle d’une

La première turbine hydrolienne de Meygen (Ecosse) a été mise en service mais la filière est en période de morte-eau

éolienne de puissance équivalente. C’est ce qui interdit d’envisager l’exploitation des courants marins et limite le champ d’investigation à celui des courants de marée. La profondeur d’eau est également un élément déterr

La première turbine hydrolienne du projet Meygen

minant : elle permet, dans le Pentland Firth, d’immerger

au nord de l’Ecosse est entrée en production le 15 no-

des éoliennes de 18 m de rotor, tout en garantissant au-

vembre 2016. Cette turbine de 1,5 MW, fabriquée par

dessus un minimum de tirant d’eau de 8 m, même lors

Atlantis Resources (Singapour), est la première d’un lot de

des marées les plus fortes.

quatre turbines de 1,5 MW chacune aujourd’hui en cours

Les turbines de 200 t comprennent trois pales et sont

d’achèvement. Outre la turbine d’Atlantis Resources, les

à axe horizontal (figure 2). Elles reposent par gravité sur

trois autres proviendront d’Andritz Hydro Hammerfest

un tripode et sont connectées à une station de converr

(Autriche). Ultérieurement, Atlantis Resources qui est

sion, distante de 16 km, par des câbles opérant sous

l’actionnaire majoritaire du consortium maître d’ouvrage

4,4 kV. Les turbines sont censées avoir une durée de vie

de Meygen, estime que le projet pourra accueillir 269 turr

de 25 ans.

bines, ce qui porterait la puissance installée aux environs

L’un des avantages de l’énergie des courants de marée

de 400 MW et ferait de Meygen la plus grande installa-

par rapport à la plupart des autres énergies « nouvelles »

tion hydrolienne au monde. Le productible annuel serait

est que, bien qu’intermittente, elle n’est pas aléatoire et

de l’ordre de 11 TWh par an.

que son apport peut être prévu avec une grande pré-

Meygen est situé dans la partie sud du Pentland Firth,

cision. L’énergie produite peut en outre être combinée

le détroit qui sépare l’île de Grande Bretagne au sud, des

avec celle provenant de champs éoliens afin d’assurer un

Orcades au nord. Le courant de marée y est particuliè-

maximum de disponibilité.

rement fort, sa vitesse atteint 5 m/s et la navigation aux alentours de l’île Stroma est très dangereuse.

L’obstacle essentiel reste celui de la compétitivité économique, car les investissements sont élevés et

La force du courant de marée est le paramètre essen-

même si elle est prévisible, l’intermittence, voire la dis-

tiel de détermination de la faisabilité d’une installation

parition de la ressource pendant les périodes de morte-

hydrolienne. En effet, la puissance qui peut être fournie

eau, constituent un handicap important. La fiabilité des

par une turbine varie en fonction du cube de la vitesse

machines (étanchéité, résistance à la corrosion, effet

du courant. Les courants les plus violents au monde vont

des salissures), la mise en place dans des zones de fort

jusqu’à 12 nœuds (6,18 m/s) au Canada. En France, ils

courant, l’organisation de la maintenance, la stabilité des

atteignent 10 nœuds (5,15 m/s) au Raz de Sein et au

machines et la tenue des câbles, sont autant d’éléments

Raz Blanchard et 9 nœuds (4,6 m/s) au Fromveur entre

à ne pas sous-estimer. Dans la baie de Fundy, au Canada,

Ouessant et Molène. Pour des courants modestes (moins

la première hydrolienne connectée au réseau électrique

de 2,5 m/s), les hydroliennes ne sont absolument pas

livrerait de l’énergie électrique à un prix de 530 dollars

viables et si le courant tombe au-dessous de 1,5 m/s, la

canadiens (380 euros) par MWh.

Figure 1 : Localisation de Meygen dans le détroit de Pentland Firth.

24 Z REE N°1/2017


FLASHINFOS

DCNS qui estime disposer d’un capital technologique très important et souhaite le mettre en valeur en développant, au travers d’une nouvelle filiale, DCNS Energies, dont la constitution avec BPI France a été annoncée le 6 janvier 2017, une offre de fermes marines qui pourrait intéresser le marché dès 2023. ■

JPH

Véhicule connecté : quels moyens de communication ? Le développement du véhicule autonome et connecté est, avec celui des smart grids, l’un des buzz words qui occupent la sphère médiatique intéressant la REE. Mais il faut donner de la chair à ces concepts si l’on veut qu’ils deviennent des réalités industrielles. Pour le véhicule connecté, il faut en premier lieu développer des technologies de communication sans fil Figure 2 : Turbine Atlantis de 1,5 MW.

qui permettront au véhicule de correspondre avec son environnement en temps réel, avec un haut niveau de

En France, nous disposons, au-delà du barrage de la

disponibilité et de fiabilité. Ainsi est apparue la notion

Rance, de quelques sites pouvant donner lieu à aménage-

de communications VtoX où X veut dire tout à la fois V

ment : Ouessant, Sein, Bréhat et le Raz Blanchard au nord

pour véhicules, I pour infrastructure, P pour piétons, etc.

du Cotentin. La programmation pluriannuelle de l’énergie

(figure 1).

(PPE), approuvée par décret du 17 octobre 2016, prévoit

De tels systèmes de communication sont indispen-

que la puissance installée en énergies marines (éolien

sables pour pouvoir localiser avec précision un véhicule

flottant et hydrolien) devrait atteindre 100 MW en 2023

et pour pouvoir faire partager des dizaines de fois par

mais avec des projets attribués venant ajouter à cette

seconde les informations le concernant, y compris sa vi-

date de 200 à 2 000 MW, en fonction du retour d’expé-

tesse, avec tous les autres véhicules et acteurs de la voie-

rience des fermes pilotes et sous condition de prix.

rie publique, notamment et surtout avec ceux avec les-

Mais pour l’heure, le temps n’est pas au beau fixe.

quels il n’est pas en vue directe. Il faut également pouvoir

Récemment, General Electric a annoncé qu’il avait décidé

communiquer avec l’infrastructure en place pour recevoir

de suspendre le développement de la turbine Oceade

en temps réel toutes les informations pertinentes sur

que développait Alstom, se détachant du projet Nepthyd

la régulation du trafic : vitesses autorisées, position des

de mise en valeur des ressources du Raz Blanchard et

feux, occurrence d’événements exceptionnels… Il s’agit là

qu’Engie, pilote du projet, semble à présent vouloir arrê-

de systématiser, d’étendre et de fiabiliser les informations

ter. Quant aux deux turbines DCNS immergées en 2016

qui commencent à être disponibles au travers de la 4G

par EDF au large de Paimpol et Bréhat (Côtes-d’ Armor),

grâce à des systèmes collaboratifs tels que Waze.

elles doivent être réparées en raison d’un problème tech-

Le défi technique est considérable car il faut trouver des

nique sérieux : les fixations utilisées ne correspondaient

solutions qui répondent à des cahiers des charges particu-

pas aux spécifications et n’ont pas supporté la corrosion.

lièrement exigeants. Des briques technologiques existent :

Aujourd’hui, le seul projet en France à avoir des MWh

s ,ES TECHNIQUES DE 2&)$ UTILISÏES POUR LE PÏAGE AUTO-

hydroliens est celui de la société bretonne Sabella qui a testé une hydrolienne de 1 MW au large d’Ouessant.

matique ; s ,ES DIFFÏRENTS 7I &I EN PREMIER LIEU LA VERSION )%%%

Au niveau international, Siemens et Voith Hydro

802.11p mais plus généralement les versions autorisant

se sont retirés, au moins provisoirement, considérant

désormais le très haut débit (WiGig), le fonctionnement

comme GE que l’horizon de développement de la filière

à longue distance, les architectures maillées, le hand-

hydrolienne était trop lointain. Cependant, un horizon

over, bientôt le fonctionnement dans les fréquences

même éloigné ne suffit pas à ralentir les ardeurs de

blanches et la radio cognitive ;

REE N°1/2017 Z 25


FLASHINFOS

Figure 1 : Communications VtoX - US Department of transportation.

s ,E ,I &I DONT PEUT S ÏTONNER QU IL NE SE DÏVELOPPE PAS s ,E ,I &I DONT PEUT S ÏTONNER QU IL NE SE DÏVELOPPE PAS

de quelques décimètres. C’est l’objet du projet Escape

plus rapidement tant il paraît intuitif que les véhicules

(European Safety Critical Applications Positioning En-

puissent recevoir des informations transmises à partir

gine) lancé il y a quelques semaines par l’Agence euro-

des LED équipant les feux de trafic et les feux arrières

péenne pour les systèmes de navigation globale par

des véhicules qui précédent ;

satellite (GSA) dont l’objectif est d’exploiter les services

s ,E "LUETOOTH QUI ÏQUIPE DÏJÌ COMMUNÏMENT LA PLUPART s ,E "LUETOOTH QUI ÏQUIPE DÏJÌ COMMUNÏMENT LA PLUPART

Galileo pour la conduite automobile autonome.

des véhicules dans sa version courte distance mais dont

On comprend que l’avènement de ces communications

la dernière version (V5.0) permet d’envisager des porr

VtoX va demander un effort considérable de normalisation

tées plus importantes ;

pour que tous les systèmes atteignent un niveau d’inter-

s ,ES SYSTÒMES #"4# #OMMUNICATION "ASED 4RAIN s ,ES 4RAIN

opérabilité suffisant. Parmi les mesures les plus élémen-

Control) développés pour assurer les communications

taires, il y a à l’évidence la réservation de bandes de fré-

avec les rames de métro ;

quence comme il en existe depuis longtemps aux Etats-

s ,ES SYSTÒMES EN ONDES MILLIMÏTRIQUES QUI SONT ENCORE s ,ES SYSTÒMES EN ONDES MILLIMÏTRIQUES QUI SONT ENCORE

Unis pour les Dedicated Short Range Communications

dans l’enfance mais qui sont appelés à se développer

au-dessus de la bande Wi-Fi des 5 GHz, de 5 855 MHz à

de façon fantastique, notamment dans la bande 57-

5 925 Mhz. Mais il faut aller beaucoup plus loin et l’Europe

66 GHz, etc.

est à l’évidence le terrain où une action normative construc-

Il n’y aura probablement pas de système unique au niveau local car chaque problème peut avoir sa probléma-

tive peut être menée à l’instar de ce que le Department of transportation a décidé de lancer aux Etats-Unis.

tique propre rendant nécessaire la recours à des solutions

r L’Europe et la France en particulier ne peuvent se per-

spécifiques. Nous pensons par contre que ces systèmes

mettre d’être suiveurs dans ce domaine. Il est essentiel

devront s’articuler autour de grands systèmes communs

que la « Stratégie européenne relative aux systèmes de

assurant l’architecture de base. Nous en voyons deux

transport intelligents coopératifs » proposée par la Com-

aujourd’hui :

mission européenne dans le cadre du “Winter package”

s LES COMMUNICATIONS MOBILES DE génération qui, s LES

du 30 novembre 2016 soit rapidement traduite en ac-

grâce à des techniques très innovantes (MI-MO massif,

tions concrètes. La promotion du véhicule électrique ira

ondes millimétriques, nouvelles techniques d’accès…)

de pair avec celle du véhicule autonome et connecté : les

devraient servir de backbone à l’Internet des objets, y

deux permettront de construire des systèmes de trans-

compris au véhicule connecté ;

port, individuels et collectifs, fiables, confortables et ne

e

LE SYSTÒME 'ALILEO QUI PERMETTRA DE DISPOSER DE LA LOCAss LE SYSTÒME 'ALILEO QUI PERMETTRA DE DISPOSER DE LA LOCAlisation en temps réel des véhicules avec une précision

26 Z REE N°1/2017

portant pas atteinte à l’environnement. ■

JPH


ACTUALITÉS

Cybersécurité de l’Internet des objets : même les ampoules connectées pourraient être attaquées

Figure 1: A gauche, les ampoules Philips-Hue et la passerelle à laquelle elles se connectent – A droite : La commande locale. Après les spectaculaires attaques en déni de service distribué (DDoS) dont la REE a rendu compte dans son dernier numéro (REE 2016-5), la question de la cybersécurité des objets connectés reste aux avant-postes de l’actualité avec la publication le 3 novembre 2016 d’une étude cosignée par quatre spécialistes de l’Institut Weizmann de Rehovot (Israël) et de l’université Dalhousie à Halifax au Canada1. Parmi ces auteurs, figure Adi Shamir, le plus éminent spécialiste au monde en cryptanalyse et co-auteur du fameux algorithme de chiffrement asymétrique RSA (Rivest, Shamir, Aldeman).

Figure 2 : Création d’ambiance avec les lampes Philips-Hue.

Il ne s’agit pas dans ce cas d’une attaque proprement dite mais d’une démonstration de vulnérabilité menée sur l’un

Grâce à ces équipements, il est possible de programmer

des systèmes les plus répandus dans le monde des objets

chacune des lampes de façon à créer des scènes correspon-

connectés : les ampoules télécommandables Philips-Hue

dant à des situations ou à des ambiances données (figure 2).

qui peuvent être contrôlées localement par l’intermédiaire d’une télécommande, ou à distance, par l’intermédiaire d’un smartphone envoyant ses commandes, via l’Internet, à une passerelle à laquelle sont connectées les ampoules.

Le principe des réseaux ZigBee LL Le système peut être schématisé par la figure 3 dans laquelle le réseau reliant la passerelle à chacune des lampes est un profil du protocole ZigBee dénommé ZigBee Light Link

1

IoT Goes Nuclear: Creating a ZigBee Chain Reaction; Eyal Ronen (*), Colin O’Flynn (**), Adi Shami (*) et Achi-Or Weingarten (*) – (*) Weizmann Institute of Science, Rehovot, Israel – (**) Dalhousie University, Halifax, Canada – 3 November 2016.

(ZLL). Dans ce profil, les communications avec les lampes sont chiffrées par une clé de 128 bits propre à chaque réseau et générée lors de sa mise en service.

Figure 3 : Schéma général d’un réseau ZLL avec la communication Wi-Fi entre la passerelle et la box Internet.

REE N°1/2017 Z 27


ACTUALITÉS

En rÊgime stationnaire, le système est correctement protÊgÊ. Il lui faut par contre rÊpondre à des circonstances ex-

symĂŠtriques), il arrivera nĂŠcessairement un moment oĂš elles seront dĂŠvoilĂŠes.

ceptionnelles telles que : s L ACCUEIL D UNE NOUVELLE LAMPE s L ACCUEIL D UNE NOUVELLE LAMPE s LA MISE ĂŒ JOUR DES LOGICIELS s LA MISE ĂŒ JOUR DES LOGICIELS

La dĂŠmonstration de l’attaque La première partie de l’attaque a ĂŠtĂŠ dĂŠmontrĂŠe par un

L’accueil d’une nouvelle lampe (le “commissioning�) se

drone, emportant l’Êquipement ZigBee, et naviguant le long

fait selon une procĂŠdure spĂŠciale dans laquelle la passerelle

d’un bâtiment ĂŠquipĂŠ de quelques lampes Philips-Hue. La

entre en contact avec un candidat à l’intÊgration. Celui-ci ap-

prise de contrĂ´le ĂŠtant faite, les lampes se sont mises Ă cli-

porte la preuve qu’il dĂŠtient la “Master keyâ€? c’est-Ă -dire la

gnoter en ĂŠmettant un ÂŤ S-O-S Âť (ďŹ gure 4).

 graine  dÊmontrant qu’il appartient bien à la famille des lampes ZLL. Une fois cette preuve apportÊe, la passerelle va lui transmettre la clÊ du rÊseau local codÊe avec la Master key. Le candidat à l’intÊgration sera lors à même de rejoindre le rÊseau. Une protection supplÊmentaire est ajoutÊe : la passerelle s’assure que le candidat à l’intÊgration est à proximitÊ immÊdiate, typiquement à une distance de 50 à 70 cm. La mise à jour des logiciels se fait par diffusion du nouveau software selon une technique rÊputÊe sÝre de chiffrement symÊtrique, l’AES-CCM, basÊe sur le chiffrement par blocs (AES) combinant le CBC-MAC (chiffrement avec enchainement de blocs) et le chiffrement par compteur (CTR).

Une attaque en deux Êtapes La dÊmonstration de l’Êquipe Weizmann-Dalhousie repose

Figure 4 : Prise de contrĂ´le de cinq lampes par un drone navigant face Ă un bâtiment – VidĂŠo accessible sur https://youtu.be/Ed1OjAuRARU. Source : Op. Cit.

sur des vulnÊrabilitÊs dÊtectÊes lors de ces circonstances exceptionnelles. L’attaque dÊmontrÊe comporte deux Êtapes :

La deuxième partie de l’attaque a fait l’objet d’une altĂŠra-

s L a prise de contrôle des lampes à partir d’un Êmetteur s La

tion superďŹ cielle du ďŹ rmware des lampes, sans modiďŹ cation

standard en utilisant deux failles dans le dispositif : d’une

profonde de façon à ne pas les rendre inutilisables. Cette

part la divulgation Ă la mi-2015 de la Master key ZLL dont on

altĂŠration a simplement consistĂŠ Ă porter la mention “Irra-

espĂŠrait qu’elle restât secrète, d’autre part un bug dans l’im-

diateHue� dans le pedigree numÊrique des lampes contami-

plĂŠmentation du protocole de commissioning ÂŤ Touchlink Âť,

nĂŠes (ďŹ gure 5).

bug rĂŠparĂŠ depuis mais faisant que pour certaines instructions, le contrĂ´le de proximitĂŠ n’Êtait pas opĂŠrationnel s Le remplacement permanent du ďŹ rmware des lampes s Le par un ďŹ rmware ÂŤ pirate Âť, susceptible de compromettre de façon dĂŠďŹ nitive leur bon fonctionnement. Cette deuxième partie de l’attaque a demandĂŠ des moyens d’investigation très ĂŠvoluĂŠs et notamment le dĂŠploiement d’une attaque par canal auxiliaire, spĂŠcialitĂŠ israĂŠlienne consistant Ă exploiter des informations matĂŠrielles telles les ĂŠmissions ĂŠlectromagnĂŠtiques des processeurs, leur bruit (c’est ce qu’on appelle la ÂŤ cryptanalyse acoustique Âť), les consommations d’Ênergie. C’est cette dernière mĂŠthode, sous ses deux approches : DPA (Differential Power

Figure 5 : Mention  d’irradiation  dans le logiciel d’application des lampes contaminÊes – Source : Op. Cit.

Analysis) et CPA (Correlation Power Analysis) qui a ÊtÊ utilisÊe par Adi Shamir et ses collègues pour craquer les co-

Les consĂŠquences possibles

des de l’AES-CCM. Une telle approche n’est accessible qu’Ă

Ce sont surtout sur les consÊquences possibles d’une telle

DES Ă?QUIPES DE SPĂ?CIALISTES DE HAUT NIVEAU CEPENDANT LES DES Ă?QUIPES DE SPĂ?CIALISTES DE HAUT NIVEAU CEPENDANT LES

contamination des lampes que les auteurs de l’Êtude voulaient

auteurs du papier font valoir que les codes AES-CCM ĂŠtant

appeler l’attention. En utilisant la thÊorie de la percolation, ils

identiques pour toutes les lampes d’un mĂŞme modèle (clĂŠs

ont bâti un modèle de propagation de l’attaque par rĂŠaction

28 Z REE N°1/2017


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L'ARTICLE INVITÉ

ALEXANDRE MEDVEDOWSKY Président du directoire du groupe ESL

L’intelligence économique Evolutions technologiques, enjeux internationaux : les failles du système français ABSTRACT Growing economic competition between countries and recent strategic operations have shed a light on the flaws of the French Business Intelligence system. Confronted to an increasingly poor French support system from the governmental organization, the needs and solutions within the companies are gaining ground. France is lagging behind when it comes to Business Intel-l ligence, and it took a long time to the country to become aware of the increasing part played by strategic information in the defense of its own economic interests. Indeed, it was not before 1994 that the first report underlining the need for establishment of a French Business Intelligence policy was issued. In the meantime, Japan, in the 1970s, and the US, in the 1990s, were among the first to implement policies in that respect. The purpose of this paper is to consider more closely the origins of Business Intelligence and the features of effecc tive intelligence systems in other countries, to examine their implementation and their effects based on concrete cases, and to confront them to the French system. By stressing current trends impacting information-seeking processes, it also seeks to increase awareness about the necessity of re-inventing our own business intelligence model and about the multiple opportunities offered by the big data revolution.

1

RÉSUMÉ Alors que la compétition économique mondiale s’intensifie, les grandes opérations stratégiques récentes ont mis en lumière les failles du système d’intelligence économique déployé en France. Face à un appauvrissement du système étatique français, les besoins et les dispositifs au sein des entreprises montent en puissance. La France souffre d’un retard conséquent en la matière et n’a pris que très tard conscience du rôle de l’information stratégique dans la défense de ses intérêts économiques. En effet, le premier rapport faisant état de la nécessité de mettre en place une véritable politique d’intelli-i gence économique n’est publié qu’en 1994 tandis que les premières politiques d’intelligence économique sont établies par le Japon dès les années 70 et les Etats-Unis dès les années 90. Le but de cet article est de revenir sur les origines de l’intelligence économique, sur les ressorts des systèmes déployés à l’international, d’en étudier leur application à des cas concrets et de les confronter au système français. L’article cherche également à souligner le besoin de réinvention du modèle d’intelligence économique français face aux enjeux portés par la révolution du “Big Data”.

967 : Harold Wilensky,

entre Etats et secteur privé,

professeur à l’univer-

apparaissent des agences dé-

sité de Berkeley, défi-

diées, souvent gouvernemen-

nit pour la première

tales prenant à bras le corps

fois le concept de “Business

les

Intelligence”, ou en français

stratégique des entreprises. La

questions

d’information

« intelligence économique »,

mondialisation, et ce qu’elle im-

comme étant une « activité de

plique en termes de circulation

production de connaissances

des informations, des savoirs,

servant les buts économiques et stratégiques d’une orga-

des marchandises et des capitaux, font émerger une concep-

nisation, recueillie et produite dans un contexte légal et à

tion nouvelle de l’économie. La France ne s’empare de cette

partir de sources ouvertes ».

notion que tardivement. La mise en place du marché unique

Les prémisses modernes de l’intelligence économique ap-

(1990-1992), pousse à une évolution de la perception des

paraissent au milieu du XXe siècle et commencent à se mettre

politiques industrielles. La société ESL & Network, première

en place au Japon et aux Etats-Unis. Fruit d’une collaboration

entreprise de prestations de services en matière d’intelligence

NDLR : l’interprétation de faits récents, intéressant notamment certaines entreprises françaises, restent de la responsabilité exclusive de l’auteur de cet article.

40 Z REE N°3/2014


L'ARTICLE INVITÉ

économique, naît en France en 1989. En 1994, le Commis-

La démocratisation de l’information, favorisée par un accès

sariat général au Plan, l’ancêtre de notre actuel France Straté-

simplifié et étendu aux sources d’information1, a permis, bien

gie, publie le rapport Martre, véritable acte de naissance de

sûr, aux acteurs issus de la société civile et économique d’accé-

l’intelligence économique à la française. Il définit l’intelligence

der directement à ces informations stratégiques. Néanmoins,

économique comme « l’ensemble des actions coordonnées

compte tenu de leur complexité et des entreprises de désin-

de recherche, de traitement, de distribution en vue de son

formation fréquentes, notamment dans le cadre des grandes

exploitation, de l’information utile aux acteurs économiques.

opérations stratégiques, le rôle des Etats reste essentiel.

Ces diverses actions sont menées légalement avec toutes

L’information est désormais perçue comme un facteur de

les garanties de protection nécessaires à la préservation du

compétitivité nationale, et devient un élément de la politique

patrimoine de l’entreprise ». Outre cette définition, une série

économique que l’Etat met en place. L’Etat a ainsi pour fonc-

de recommandations est proposée, permettant la mise en

tion d’assurer l’efficacité de la collecte d’information et de

place de la diffusion de l’information stratégique entre les sec-

son utilisation à des fins économiques nationales : instances

teurs privé et public. En 2003, le premier ministre Jean-Pierre

et organisations sont dédiées à la recherche et délivrance

Raffarin mandate le député Bernard Carayon afin de trai-

d’informations, le cadre juridique est adapté à une utilisa-

ter la question des lacunes et insuffisances de l’intelligence

tion efficace et une intervention directe dans la communi-

économique en France. Ce dernier, via le rapport portant son

cation et la livraison de l’information est effectuée. Les sys-

nom, dénonce le manque de concertation entre l’Etat et les

tèmes les plus efficaces et aboutis d’intelligence économique

entreprises privées et propose la création d’une délégation

sont ainsi mis en place au Japon, dès les années 1950, et aux

interministérielle à l’intelligence économique qui se met en

Etats-Unis dès les années 1990.

place et dont le premier dirigeant est Alain Juillet. En France,

La mise en place d’instances dédiées à la collecte d’informations

l’intelligence économique est donc un concept historiquement marqué par la culture de centralisation de l’Etat.

Le rôle de l’information décisive dans les grandes décisions stratégiques Des enjeux mondiaux créateurs de compétition internationale

Le rôle de l’information a été intégré très tôt au Japon, où les pouvoirs publics ont pris conscience de manière précoce des enjeux économiques liés à la collecte d’informations. En 1990, le rapport américain « Japan 2000 » décrit le Japon comme s’étant doté « d’une société industrielle d’une effica-

L’émergence de ce concept et des pratiques profession-

cité unique au monde, capable d’absorber toutes les tech-

nelles qui s’ensuivent est bien sûr concomitante à la mon-

nologies les plus avancées et de dominer les marchés mon-

dialisation des marchés et à la compétition internationale

diaux à un rythme étonnamment rapide. [...] Toutefois, la

de plus en plus féroce entre les agents économiques. Der-

puissance du Japon n’est pas construite sur une supériorité

rière ces enjeux purement économiques se cachent sou-

militaire, mais essentiellement sur la connaissance et sur

vent de véritables enjeux de souveraineté et d’influence

la technologie de l’information. L’acquisition de la connais-

nationale : les secteurs de l’énergie, du financement de

sance [...] a été et demeure toujours un fantastique atout

l’économie, les secteurs à fort contenu technologique sont

de supériorité en faveur du Japon sur le plan économique ».

particulièrement concernés. Mais ce ne sont pas les seuls.

Au cœur de cette stratégie centrée sur l’innovation, le MITI

La sécurité alimentaire, la maîtrise de l’approvisionnement

(ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie du

en matières premières, le contrôle des infrastructures sont

Japon), fondé en 1949, qui centralise et redistribue l’informa-

autant de terrains de compétition et de véritable guerre

tion technologique vers les autres ministères. En 1958, un

économique.

service de renseignement économique est fondé au sein du

Dans ce contexte, la maîtrise de l’information stratégique

MITI, le JETRO (Japan External Trade Organization).

est une arme souvent décisive. La capacité des acteurs éco-

Les Etats-Unis ne sont pas en reste. En 1977, l’Office of In-

nomiques à maîtriser celle-ci (dans l’obtention et dans la pro-

telligence Liaison est créé afin de traiter les informations pour

tection des données) et à l’utiliser est devenue essentielle.

défendre les intérêts économiques et commerciaux améri-

Or l’information est aujourd’hui diffuse, multiple, complexe,

cains. A la fin de la guerre froide, les Etats-Unis se lancent plei-

mondiale. Ses canaux de diffusion sont de plus en plus nom-

nement dans la guerre économique. En 1992, le programme

breux, et nécessitent donc des mécanismes de collecte de

SBIR (Small Business Innovation Research) est lancé et verse

plus en plus sophistiqués. Aux techniques de veille (logiciels

des fonds pour aider les entreprises à créer des services ou

de plus en plus pointus) doivent s’ajouter des mécanismes

des produits innovants. En 1993, le National Economic Serr

de collecte à partir de sources humaines, qui nécessitent des

1

moyens sur les terrains d’opérations.

http://bdc.aege.fr/public/Quels_sont_les_impacts_de_la_societe_ de_l_information_sur_les_rapports_de_force_economiques.pdf

REE N°1/2017 Z 41


Introduction

LES GRANDS DOSSIERS

Le « Grand Carénage » : vers une transition énergétique maîtrisée Introduction

nuum, qui a commencé avant lui et se

Le « Grand Carénage » est un vaste

prolongera après.

programme d’investissements consacré

Etant donné le volume d’activité et

au parc nucléaire français. Lancé en 2014,

la durée de réalisation de ces multiples

il répond à trois grands objectifs indisso-

chantiers, EDF a jugé utile de les rassem-

ciables : poursuivre le fonctionnement

bler au sein d’un même macro-projet,

des réacteurs du parc nucléaire après

le « Grand Carénage » , afin de disposer

40 ans ; respecter un objectif global de production d’électricité en toute sûreté ; et enfin, mener les travaux nécessaires en optimisant autant que possible la trajectoire financière.

Etienne Dutheil Electricité de France Directeur du programme Grand Carénage

d’une vision d’ensemble et d’en optimiser la réalisation, sur les plans aussi bien économiques que techniques et logistiques. La création de ce programme traduit la volonté d’EDF de mener à bien cet

Ce triptyque implique la réalisation d’un très

ensemble de chantiers dans les meilleures condi-

grand nombre de « chantiers », d’ampleur et de

tions possibles pour atteindre les trois objectifs clés

nature très variables. Pour donner une idée de

indissociables cités plus haut.

cette diversité d’échelle, disons que ces chantiers de modernisation des unités de production vont du remplacement d’un clapet d’un circuit de ventilation à la révision décennale complète d’une

Assurer l’approvisionnement des français en électricité en toute sûreté

centrale, en passant par le remplacement de

Les enjeux de « Grand Carénage » sont à la

nombreux composants et équipements. Certains

mesure de l’investissement, estimé à 51 milliards

travaux prévus au programme s’inscrivent dans le

d’euros sur la période 2014-2025. EDF exerce une

cours normal de l’exploitation d’un parc nucléaire,

mission de service public qui consiste à garantir

d’autres revêtent un caractère plus exceptionnel,

l’approvisionnement des Français en électricité.

lié par exemple au retour d’expérience de Fuku-

Notre groupe s’appuie pour cela sur des moyens

shima ou au franchissement de la durée d’exploi-

de production diversifiés qui combinent de mul-

tation après 40 ans. Le « Grand carénage » s’inscrit

tiples énergies, principalement à faibles émissions

donc dans un continuum, ou plutôt correspond à

de carbone : nucléaire, renouvelables (hydraulique,

une période d’intense activité au sein de ce conti-

éolienne, etc.) et, dans une faible proportion, ther-

In order to continue safe operation of its nuclear fleet, EDF has launched a programme of investment entitled “Grand Carénage” (in other words, a fleet upgrade programme). The term – which is a maritime expression – suggests a ship which, after years at sea, undergoes a retrofit to get a new lease of life. This programme aims to extend the operating lifetime of the French fleet’s reactors beyond 40 years, and to do so in complete safety. The “Grand Carénage”, which represents a real industrial and financial challenge, relies on the entire nuclear industry, the third largest French industrial sector, comprising 220,000 employees, a network of regional companies of all sizes, numerous and varied professions, all being drivers of innovation. Lastly, the “Grand Carénage” helps lay the foundations for a mix of nuclear and renewable energies, and guarantees the sustainable generation of safe, clean and competitive electricity.

Afin de poursuivre l’exploitation de son parc nucléaire en toute sûreté, EDF a engagé un programme d’investissements baptisé « Grand Carénage ». Ce terme, emprunté au monde maritime, évoque un navire qui, après des années passées à parcourir les mers, doit passer en carénage pour retrouver une seconde jeunesse. Ce programme consiste donc à prolonger la durée de fonctionnement des réacteurs du parc nucléaire français au-delà de 40 ans, en toute sûreté. Véritable défi industriel et financier le « Grand Carénage » s’appuie sur l’ensemble de la filière nucléaire, 3e filière industrielle française, composée de près de 220 000 salariés, d’un réseau d’entreprises de toutes tailles ancrées dans les territoires, de métiers multiples, variés et porteurs d’innovations. Enfin, le « Grand Carénage » permet de préparer l’avenir vers un mix énergétique composé de nucléaire et d’énergies renouvelables, et de garantir, dans la durée, une production sûre, propre et compétitive.

ABSTRACT

RÉSUMÉ

REE N°1/2017 Z 47


LES GRANDS DOSSIERS

Introduction

Figure 1 : Implantation des centrales nucléaires EDF en France. mique. Ce mix contribue par ailleurs à l’indépen-

pays. Le gaz naturel présente un bilan carbone plus

dance énergétique de notre pays avec une part de

satisfaisant, mais soulève la question de la sécurité

production d’électricité d’origine nucléaire prépon-

des approvisionnements. Si ces énergies étaient

dérante, de l’ordre de 78 %.

choisies, le coût de l’électricité deviendrait alors

Historiquement, cette répartition a été motivée

tributaire des cours mondiaux, dont on connaît la

par les nombreux atouts du nucléaire, qui produit

volatilité. Quant aux énergies renouvelables, dont

une électricité sûre, bas carbone et compétitive, le

le niveau de production n’est pas pilotable puisqu’il

tout grâce à une filière industrielle qui fait référence

dépend de facteurs externes comme le vent ou

à travers le monde. Dans notre pays, cette dernière

l’ensoleillement, elles présentent des niveaux de

constitue le troisième secteur industriel, fort de

maturité variables et des structures de coûts qui

2 600 entreprises et de 220 000 salariés.

les rendent encore peu compétitives et elles ne

Aujourd’hui, les 58 réacteurs qui composent le

permettent pas de « boucler » l’approvisionnement

parc nucléaire français affichent un âge moyen de

en électricité en assurant l’équilibre production/

30 ans. Nous avons ainsi pris les mesures néces-

consommation requis à chaque instant, compte

saires pour garantir l’approvisionnement en électri-

tenu de l’impossibilité de stocker l’électricité à

cité des Français au cours des prochaines décennies

grande échelle.

en tenant compte de plusieurs paramètres majeurs.

En préparant la prolongation de la durée de

Tout d’abord, les experts conviennent que le

fonctionnement des réacteurs du parc après 40

seul recours aux énergies renouvelables et aux éco-

ans, le « Grand Carénage »s’impose comme la solu-

nomies d’énergie ne suffira pas à faire face à des

tion industrielle la plus performante sur le double

besoins en électricité. Le parc nucléaire constituant

plan économique et environnemental pour assurer

le socle du mix énergétique actuel, il n’existe pas,

l’approvisionnement de la France en électricité. Au

pour l’heure, d’alternative satisfaisante sur le triple

demeurant, compte tenu de l’organisation du mar-

plan technique, économique et environnemental.

ché européen et de l’interconnexion des différents

Le recours à des centrales fonctionnant aux éner-

réseaux, nucléaire et renouvelables ne sont pas

gies fossiles classiques, comme le charbon ou le

antinomiques mais complémentaires. Pilotable,

fioul, ferait exploser les émissions de CO2 de notre

massive, bas carbone, l’énergie nucléaire est par-

48 Z REE N°1/2017


Introduction

LES GRANDS DOSSIERS

ticulièrement bien adaptée pour fournir le socle

de 10 à 12 MdF d’investissements par an pour le

du mix énergétique, qui peut être complété par un

groupe EDF. Sur toute la période de « Grand Caré-

large éventail d’énergies renouvelables.

nage », nous investirons donc en moyenne 4,2 MdF

Il faut donc bien comprendre que nous n’op-

par an, chiffre qui reviendra à son niveau récurrent,

posons pas le nucléaire aux autres énergies. EDF

de l’ordre de 3 MdF par an, à l’issue du programme.

investit aussi dans les énergies renouvelables,

A terme, le coût économique complet du parc nu-

mais nous devons avoir une vision à long terme

cléaire incluant le « Grand Carénage » débouchera

et faire face à des contraintes opérationnelles bien

sur un coût moyen de l’électricité produite d’environ

réelles comme la continuité d’approvisionnement

55 F par MWh, calculé sur 50 ans, ce qui contribuera

en électricité. Nous avons donc besoin de temps

à la préservation du pouvoir d’achat des ménages

car les problèmes énergétiques ne se règlent pas

ainsi qu’à la compétitivité des entreprises.

à court terme mais sont pensés sur l’échelle des décennies.

Un choix partagé par d’autres grands pays

Sécuriser la transition énergétique

Cette réflexion globale sur l’approvisionnement

A ce titre, le « Grand Carénage » constitue un

énergétique de notre pays et les coûts de produc-

levier de sécurisation de la transition énergétique.

tion nous a donc amenés à engager le processus

L’allongement de la durée de fonctionnement des

devant mener à une prolongation de la durée de

réacteurs, à 50 voire 60 ans, placera la France en

fonctionnement des centrales nucléaires après 40

situation d’accompagner la montée en puissance

ans. Cette solution permettra de continuer à béné-

progressive des énergies renouvelables ainsi que

ficier des atouts d’un parc déjà largement amorti

la construction de nouveaux modèles de réacteurs.

et à produire une électricité bas carbone. Notre

Ce projet, essentiel pour la solidité du mix énergé-

pays n’est d’ailleurs pas le seul à s’engager sur cette

tique français, s’inscrit donc complètement dans le

voie. Aux Etats-Unis, 75 % des réacteurs ont déjà

cadre des programmations pluriannuelles de l’éner-

reçu leur licence pour être exploités jusqu’à 60 ans,

gie prévues dans la loi sur la transition énergétique.

dont une trentaine de la même technologie que les

Un choix performant sur le plan économique

réacteurs français (Source : NRC). Et d’autres pays, comme les Pays-Bas ou la Suisse, ont également acté une prolongation de l’exploitation de leurs ré-

Décrit et chiffré dans le cadre des discussions

acteurs nucléaires jusqu’à 60 ans : la centrale suisse

préparatoires à la loi Nome puis dans les enquêtes

de Beznau comprends deux réacteurs démarrés en

de la cour des Comptes et des commissions parle-

1969 et 1971. Pour autant, répétons-le, EDF n’op-

mentaires, le programme « Grand Carénage » a vu

pose pas le nucléaire aux autres énergies, et inves-

son principe approuvé par le Conseil d’administra-

tit également dans les énergies renouvelables.

tion d’EDF le 22 janvier 2015. Son montant global

Le « Grand Carénage » est d’ailleurs mené dans

a été évalué début 2016 à 51 MdF sur la période

le respect des objectifs de la loi relative à la transi-

2014-2025. L’investissement global peut paraître

tion énergétique pour une croissance verte, qui ne

élevé mais s’avère très inférieur à ce que coûterait

s’oppose pas à la prolongation de cette durée de

le remplacement global des centrales actuelles

fonctionnement, mais l’encadre plus strictement1.

par des installations neuves, quelles que soient les énergies retenues. Le coût d’un remplacement

Passer le cap des 30 ans

complet est estimé entre 70 et 100 MdF sur la

Avant de rentrer dans le contenu du programme,

même période, et verrait s’envoler le coût global de

il importe de s’attarder sur quelques notions tech-

la production énergétique française.

niques et réglementaires qui aideront à mieux en

Cette enveloppe de 51 MdF renvoie à un niveau récurrent d’investissement de maintenance

comprendre certains volets, notamment la question de l’échéance des 40 ans.

et d’améliorations d’environ 3 MdF par an et à des investissements supplémentaires de l’ordre de 1 à 1,5 MdF par an, correspondant au caractère exceptionnel du « Grand Carénage ». Et ce, sur un total

1

Via la création d’un régime d’autorisation par l’ASN applicable notamment aux travaux nécessaires à la prolongation, par une enquête publique, ainsi qu’un rapport supplémentaire à l’ASN cinq ans après la 4e visite décennale.

REE N°1/2017 Z 49


LES GRANDS DOSSIERS

Introduction

En France, c’est EDF, en tant qu’exploitant, qui

prolonger le fonctionnement des réacteurs après 40

est le premier responsable de la sûreté des cen-

ans. Mais revenons sur cette charnière des 40 ans

trales nucléaires. Il nous incombe de tout mettre en

qui pourrait laisser penser que l’objectif du « Grand

œuvre pour garantir leur bon fonctionnement, évi-

Carénage » consiste à dépasser une “date limite”.

ter les accidents et gérer les éventuels incidents de

En fait, si l’on revient à l’époque de leur construc-

manière à en minimiser les conséquences. Néan-

tion dès les années 70, les études techniques sur

moins, in fine, l’autorisation de faire fonctionner un

les matériels ont bien été menées selon des hypo-

réacteur n’appartient pas à EDF, mais à une autorité

thèses basées sur une durée d’exploitation de 40

indépendante, l’Autorité l’A ’ utorité de sûreté nucléaire (ASN),

ans. Mais dans une centrale, tous les composants

qui effectue chaque année près de 500 inspections

sont remplaçables, et peuvent donc être modifiés

sur les sites EDF.

dans la perspective d’un allongement de la durée

Sur chaque réacteur, tous les 10 ans, EDF est

de fonctionnement du réacteur. Il n’y a que deux

tenue d'effectuer une vérification complète de la

exceptions : la cuve et l’enceinte de confinement.

situation de l’installation aux regard des règles qui

C’est donc la durée de vie de ces deux composants

lui sont applicables (c’est l’examen de conformité)

qui détermine in fine la durée de vie potentielle

et d’actualiser l’appréciation des risques ou des

d’un réacteur. Les études menées pour établir leurs

inconvénients que l’installation présente afin de

spécifications techniques ont elles aussi été fon-

proposer des modifications permettant d’améliorer

dées sur une hypothèse de 40 ans, mais elles com-

la maîtrise de ces risques ou de ces inconvénients

portaient des marges explicites.

(c’est la réévaluation de sûreté) au regard de l’évo-

’ utorité de sûreté nucléaire a émis des Enfin, l’A l’Autorité

lution des connaissances, des techniques ou du

exigences particulières en matière d’amélioration de

retour d’expérience. Concrètement cette démarche

sûreté associées au passage des 40 ans : le « step » de

se traduit par un programme de modifications

sûreté à viser est particulièrement ambitieux puisqu’il

proposé par EDF qui doit recevoir l’approbation

s’agit, pour les réacteurs concernés, de se rapprocher

l’Autorité de l’A ’ utorité de sûreté nucléaire, et par un pro-

des objectifs de sûreté des réacteurs de 3e génération,

gramme de contrôle dont les résultats sont égale-

c’est-à-dire de l’EPR.

ment vérifiés par l’Autorité l’A ’ utorité de sûreté nucléaire. Ces contrôles et ces modifications sont réalisés dans le cadre de visites décennales à l’issue desquelles

Une meilleure compréhension des phénomènes physiques

l’ASN l’AS ’ N délivre, ou non, une autorisation permettant

Les progrès techniques et scientifiques accom-

de faire fonctionner le réacteur 10 années de plus.

plis depuis la construction des premières centrales

Pour cela l’ASN l’AS ’ N évalue les résultats des contrôles et

autorisent aujourd’hui une analyse fine des phé-

vérifie la mise en œuvre effective des modifications

nomènes physiques, qui a clairement démontré

permettant d’améliorer la sûreté des installations

l’existence de ces marges. L’état de vieillissement

qu’EDF s’est engagé à réaliser. Cette pratique, qui

de l’enceinte et de la cuve est surveillé en perma-

relève en France d’une obligation réglementaire, a

l’Autorité nence par EDF et par l’A ’ utorité de sûreté nucléaire.

pour résultat de faire évoluer progressivement le

A chaque visite décennale, le circuit primaire prinprin-

design des installations en améliorant leur robus-

cipal et l’enceinte de confinement font l’objet d’ins-

tesse sur le plan de la sûreté. Ce processus auto-

pections complétées par des épreuves de mise en

rise le fonctionnement des centrales par palier de

pression. L’ensemble des résultats est analysé afin

10 ans ; ainsi avant d’envisager de prolonger la

d’établir la conformité de ces composants aux ré-

durée de vie des réacteurs après 40 ans, il y a une

férentiels en vigueur et d’apprécier leur niveau de

étape à franchir qui consiste à passer le cap des

sûreté. Après instruction de ces différents dossiers,

30 ans. Fin 2016, cette étape était bien engagée :

l’ASN l’AS ’ N donne l’autorisation de poursuivre l’exploi-

29 réacteurs sur 58 avaient reçu cette autorisation

tation sous forme d’une décision technique assor-

après leur troisième visite décennale.

tie le cas échéant de prescriptions techniques. Au

La charnière des 40 ans Ce préalable passé, l’étape suivante consiste à mettre en œuvre les évolutions nécessaires pour

50 Z REE N°1/2017

final, les études réalisées ont montré que la cuve et l’enceinte de confinement pouvaient fonctionner jusqu’à 60 ans à condition de maîtriser leurs conditions de vieillissement.


LE GRAND CARÉNAGE

DOSSIER 1

Les Diesels d’ultime secours : véritable rempart face aux événements les plus extrêmes Robert Acalet 1, Pablo Fuenzalida 2 Chef des projets DUS et post-Fukushima du programme Grand Carénage – EDF 1 Chef du service Modifications et Ingénierie du Parc de la centrale de St Laurent-des-Eaux 2 After the Fukushima accident, the countries operating nuclear power, such as France, learned lessons on nuclear safety and prevention of so-called “extreme” events. In agreement with the nuclear safety authority (ASN), EDF has defined a set of post-Fukushima measures. This was the backdrop to the development of the Last Resort Diesel Generator (‘DUS’), an absolute bunker designed to resist the most aggressive external threats (earthquakes, high winds, tornadoes, floods, lightning strikes, projectiles) and capable of supplying electricity to the power plant in the event of widespread electrical failure. 25 m long and 12 m wide, the DUS incorporates a combination of technologies, and can start-up within 30 seconds from start-command and run autonomously for 15 days. By the end of 2018, 58 DUS will be installed across the fleet.

ABSTRACT

Après l’accident de Fukushima, l’ensemble des pays qui exploitent l’énergie nucléaire, tels que la France, ont tiré des enseignements en matière de sûreté et de prévention des catastrophes dites « extrêmes ». En accord avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), EDF a défini un ensemble de mesures dites « post Fukushima ». C’est dans ce contexte que sont apparus les Diesels d’ultime secours, véritables bunkers conçus pour résister aux agressions extérieures les plus violentes (séismes, grands vents, tornades, inondations, foudre, projectiles) et capables d’alimenter la centrale en électricité en cas de coupure généralisée. Les DUS sont un condensé de technologies de 25 m de long, pour 12 m de large, capables de démarrer en 30 secondes dès l’ordre de démarrage puis de fonctionner en toute autonomie pendant 15 jours. 58 DUS seront construits sur le parc d’ici fin 2018. RÉSUMÉ

La sûreté et la sécurité des centrales

prévoit l’augmentation de la robustesse

300 équipiers formés et entraînés,

nucléaires ont été prévues dès leur

des installations pour garantir l’intégrité

répartis sur quatre bases françaises

conception et celles-ci restent deux

du parc EDF en toute situation, y com-

d’intervention. Ces agents spécialisés

priorités absolues pour EDF. La prise en

pris face à des événements hautement

sont capables d’intervenir en moins de

compte de l’expérience accumulée lors

hypothétiques et donc non retenus lors

24 heures en cas d’accident majeur et

de l’exploitation des réacteurs nucléaires

du dimensionnement des installations.

d’amener sur place des moyens de se-

en France et à l’étranger permet à EDF

Les inspections effectuées sur les

cours mobiles appropriés tels que des

d’analyser les dysfonctionnements ren-

installations nucléaires ont montré que

générateurs électriques, des pompes,

contrés, d’en tirer des enseignements

les dispositions existantes étaient d’un

ou encore de l’eau (figures 1 et 2).

et de faire évoluer les installations ainsi

bon niveau global et ne présentaient pas

s ,A MISE EN UVRE D UNE PREMIÒRE

que les méthodes d’exploitation.

de manquements. Toutefois, comme la

vague de modifications dites « lé-

A la suite de l’accident de la cen-

sûreté est une préoccupation majeure

gères », permettant une amélioration

trale de Fukushima en 2011, l’Autorité

qui s’inscrit dans un processus d’amé-

de la gestion d’un accident du type

de sûreté nucléaire a demandé à EDF

lioration continue, un certain nombre

Fukushima. La création de la FARN a

de soumettre son parc nucléaire à des

de mesures supplémentaires ont été

notamment nécessité dans les cen-

évaluations complémentaires de sûreté.

programmées afin d’élever encore plus

trales un certain nombre de modi-

En parallèle, la communauté des spé-

ce niveau de sûreté, en tenant compte

fications, afin de lui permettre d’y

cialistes de la sûreté nucléaire a passé

d’événements extrêmes, comme ceux

raccorder le plus rapidement possible

au crible le déroulement des faits afin

qui se sont produits au Japon.

ses moyens mobiles.

d’en tirer tous les enseignements pour

Ce travail d’analyse a donné lieu à un

s ,A MISE EN UVRE D UN ENSEMBLE DE

faire en sorte qu’un tel événement,

programme de modifications qui com-

modifications lourdes permettant de

s’il devait se reproduire, ne puisse pas

prend trois volets :

prévenir un éventuel accident, l’objec-

conduire à des conséquences graves.

s ,A CRÏATION DE LA &ORCE D ACTION RAPIDE

tif étant non plus d’améliorer la gestion

Le programme industriel qui en découle

du nucléaire (FARN), forte de plus de

d’un accident, mais de l’éviter.

REE N°5/2016 Z 57


DOSSIER 1

LE GRAND CARÉNAGE

L’accident de Fukushima Daiichi (Japon) Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 8,9 sur l’échelle de Richter a frappé la côte est du Japon déclenchant un important tsunami. Le séisme a entraîné l’arrêt automatique des réacteurs de la centrale de Fukushima Daiichi, puis le tsunami a endommagé les prises d’eau permettant le refroidissement du réacteur, ainsi que des alimentations électriques. Sans électricité ni moyen de refroidissement, une partie du combustible s’est détériorée sous l’effet de la chaleur résiduelle provoquant la production d’hydrogène. L’hydrogène ainsi accumulé a explosé, endommageant le confinement de trois réacteurs. Il faut noter que ces réacteurs sont de technologie très différente des réacteurs du parc français, puisqu’il s’agit de réacteurs à eau bouillante (de première génération) et non de réacteurs à eau sous pression. Encadré 11.

Figure 1 : Opération d’héliportage, équipe engagée sur la base arrière lors des exercices de la FARN à la centrale nucléaire de Gravelines. ©EDF – Bruno Bony.

Un noyau dur, garant de la sûreté ultime

Figure 2 : La FARN est capable d’intervenir en moins de 24 heures sur un site nucléaire gravement accidenté – Simulation d’intervention : déroulage des tuyaux ©EDF - Laurent Vautrin.

inondations, foudre, projectile), capable

de vapeur dans l’enceinte du réacteur.

d’alimenter la centrale en électricité en

Tous les composants du noyau dur

Ces différents niveaux de modifica-

cas de coupure généralisée. La puis-

sont dimensionnés pour des niveaux

tions s’articulent autour de la notion de

sance de ce groupe électrogène de

de risque ou d’agressions encore supé-

« noyau dur », c’est à dire d’un ensemble

secours est de 3 MWe.

rieurs à ceux du référentiel de sûreté,

d’équipements « vitaux », qui doivent

Le noyau dur comporte d’autres vo-

déjà très élevés. La constitution de ce

être capables de continuer à fonctionner

lets, notamment la création d’un réseau

noyau dur s’effectuera progressivement

dans les pires conditions, même lorsque

électrique très résistant et l’instauration

et se terminera au cours des prochaines

tous les autres systèmes font défaut. La

d’une source d’alimentation en eau

visites décennales (VD4) dans le cadre

logique qui préside à l’élaboration de ce

supplémentaire, différente de la source

du projet « Grand Carénage ».

noyau dur est que, quelle que soit la si-

principale, avec ses pompes et ses ré-

tuation, une centrale doit être alimentée

servoirs. Dans beaucoup de centrales,

en eau et en électricité afin de garantir la

cette source sera obtenue par la créa-

sûreté des réacteurs et d’éviter tout rejet

tion d’un captage souterrain de la nappe

radioactif dans l’atmosphère.

phréatique. Le noyau dur prévoit aussi la

Le DUS est l’une des composantes du

Un équipement complémentaire aux Diesels de secours déjà en place

Le Diesel d’ultime secours (DUS) fait

création d’un système complémentaire

noyau dur, qui vient s’ajouter aux équi-

partie des composantes de ce noyau

(en relais du système existant considéré

pements de secours en place. En effet,

dur. Comme son nom l’indique, c’est un

comme inopérant après un évènement

chaque unité de production du parc est

groupe électrogène de secours, implan-

du type Fukushima) de condensation de

déjà équipée de deux groupes électro-

té dans un bâtiment conçu pour résister

vapeur (EASU) qui, en cas de rupture du

gènes de secours, qui en cas de coupure

aux agressions extérieures les plus vio-

circuit primaire, serait capable de faire

du réseau électrique, sont capables de

lentes (séismes, grands vents, tornades,

baisser la pression liée au dégagement

fournir en quelques minutes l’électricité

58 Z REE N°1/2017


LES GRANDS DOSSIERS

Introduction

Le développement des liaisons à courant-continu (HVDC) Un nouveau paysage dans les réseaux électriques Les premiers réseaux électriques in-

3 100 MW, dont la mise en service date

dustriels déployés à la fin du XIXe siècle,

de 1970. Ou encore de la liaison Itai-

comme à New York sous l’impulsion de

pu-Sao Paulo d’une puissance totale de

Thomas Edison, étaient en courant con-

6 300 MW en aérien sur 800 km ou de la

tinu ou DC (Direct Current). Malgré un

liaison de 2 000 MW qui, sur 1 500 km,

succès commercial, notamment pour

relie la Baie James à la Nouvelle Angle-

promouvoir l’éclairage électrique (et

terre.

un célèbre brevet de Thomas Edison, celui de l’ampoule à incandescence), ce type de réseau exigeait des centrales

Bruno Meyer RTE

Les cas d’Itaipu ou de la Baie James sont

emblématiques

:

lorsque

les

sources d’énergie sont loin des centres

de production de quelques dizaines de kW situés

de consommation, le transport d’électricité à longue

à quelques dizaines de kilomètres des consom-

distance rend la solution à courant continu écono-

mateurs, qui étaient alimentés à une tension de

miquement pertinente. Et les grands barrages en

110 V. Avec l’invention des alternateurs triphasés

construction amèneront de nouvelles liaisons HVDC

par Nikola Tesla et l’utilisation des transformateurs,

ou UHVDC dès lors qu’ils se situent loin des centres

les réseaux à haute tension à courant alternatif tri-

de consommation.

phasé, promus par George Westinghouse, prirent

En outre, en ce début du XXIe siècle, un chan-

l’ascendant sur les réseaux à courant continu. En

gement majeur transforme le paysage des réseaux

effet, ils offraient un meilleur rendement et une

électriques : l’émergence de sources d’énergie

meilleure fiabilité. Dans cette « guerre des cou-

éolienne ou solaire. Tout comme les grands bar-

rants », Edison alla jusqu’à ajouter un brevet à son

rages, les fermes éoliennes ou solaires ne sont pas

vaste catalogue, celui de la chaise électrique ali-

nécessairement localisées à proximité des centres

mentée à courant alternatif, pour dénigrer la solu-

de consommation. Ainsi en va-t-il des parcs éoliens

tion rivale. Mais rien n’y fit. Les réseaux électriques

off-shore du nord de l’Allemagne pour une consom-

du XX siècle furent ceux du courant alternatif ou

mation plutôt localisée dans le sud du pays, ou les

AC (Alternative Current).

parcs éoliens du nord-est du Brésil. Ou encore du

e

Ceci étant, les liaisons à courant continu à haute

potentiel solaire dans le désert de Gobi ou au nord

tension ou HVDC (High-Voltage Direct Current),

de l’Afrique et au Moyen Orient (ces deux derniers

voire UHVDC (Ultra High Voltage DC) avaient leur

exemples ayant fait l’objet d’une étude au sein de

place dans la carte des réseaux électriques. Elles

la fondation Desertec). Certains de ces projets sont

étaient rares et réservées aux longues distances et

encore futuristes, mais certains voient le jour et la

aux puissances importantes ou lorsqu’il s’agissait

tendance est bien là.

de relier des réseaux non synchrones.

Le renouveau des liaisons HVDC vient en partie

Ainsi en allait-il de la liaison sous-marine IFA 2000

de l’éloignement des sources d’énergie, mais est

entre la France et l’Angleterre, mise en service en

également la conséquence du développement de

1986, d’une puissance de 2 000 MW et qui faisait

nouvelles technologies à base d’électronique de

suite à une liaison plus modeste datant de 1961

puissance ainsi que de nouveaux câbles.

et d'une puissance de 160 MW. Ou des liaisons à

Cette combinaison, sans qu’on puisse déjà la

longue distance comme le Pacific Intertie qui re-

qualifier de changement de paradigme, constitue

lie la Californie à l’Oregon sur quelque 1 300 km,

néanmoins un bouleversement dans le monde

d’une puissance initiale de 1 400 MW et désormais

des réseaux électriques. Au point que certains

REE N°1/2017 Z 75


LES GRANDS DOSSIERS

Introduction

acteurs envisagent déjà dans un proche avenir des

la part des gestionnaires de réseaux français (RTE)

« supergrids » constitués de réseaux maillés entiè-

et espagnol (REE) depuis sa construction jusqu’à

rement basés sur du courant continu.

son exploitation.

Le présent dossier consacré aux nouvelles ten-

Cette ligne a permis de doubler la capacité exis-

dances dans le domaine des liaisons à courant conti-

tant jusqu’alors entre les deux pays. Outre le défi

nu permet de prendre la mesure de la formidable

technologique que ce projet a constitué, il est éga-

croissance de cette technologie. La Chine envisage

lement une première européenne en permettant

à elle-seule de mettre en service une vingtaine de

l’exploitation simultanée d’une liaison à courant

lignes HVDC d’ici 2030, pour un coût de l’ordre de

continu avec quatre lignes à courant alternatif.

90 milliards d’euros. Le projet de ligne Changji-

Ce nouvel ouvrage utilise une technologie inno-

Guquan sur plus de 3 000 km transportera 12 GW du

vante, le VSC (Voltage Source Converter) r qui ap -

nord-ouest du pays (avec ses réserves de charbon) vers

porte de la souplesse dans la conduite de la ligne

la zone côtière (où se situent les principaux consom-

et le pilotage du transit actif. Il est notamment pos-

mateurs). Au Brésil, le complexe de Belo Monte de

sible d’adopter un mode de pilotage qui émule le

11 GW en Amazonie verra son potentiel énergétique

comportement d’une liaison AC. Il constitue égale-

transporté vers Rio sur une liaison de 2 500 km par

ment une première mondiale par l’utilisation d’un

deux lignes de 4 000 MW chacune.

système HVDC en câbles synthétiques. En cela ce

Ce numéro aborde le sujet selon différentes approches. Un tour d’horizon mondial décrit les

projet représente un ensemble de premières européennes ou mondiales.

grands projets du XX siècle et permet de visualiser

Deux entreprises, parmi les acteurs technolo-

la formidable croissance du nombre de liaisons pré-

giques majeurs au niveau mondial dans la technolo-

vues dans le monde d’ici 2030.

gie du HVDC, ABB et Siemens, font état des dernières

e

Puis une présentation est faite de la liaison à courant-continu mise en service en 2015 entre la France et l’Espagne. Le dossier décrit le projet de-

avancées dans ces technologies qui concourent à modeler les réseaux électriques de l’avenir. Enfin le dossier explique l’intérêt qu’apportent

puis son origine, en passant par l’appui politique et financier européen dont il a bénéficié, en allant jusqu’à l’organisation mise en place pour conduire ce chantier d’envergure. Cet

des Bruno Meyer est Manager Business Development à RTE. Il a travaillé à EDF de 1985 à 2008 où il a exercé différentes fonctions d’expertise et de management avant de rejoindre le groupe RTE en 2009

plates-formes

d’essais

en temps réel pour tester le contrôle-commande

mis

en

place dans les liaisons à courant continu avant et après leur

où il a été directeur général d’Arteria de

mise en service. Une illustra-

ouvrage a nécessité une colla-

2011 à 2016. Il est membre senior de la SEE

tion est donnée sur celle déve-

boration franco-espagnole de

et Fellow de l’IEEE.

loppée par RTE.

LES ARTICLES

Panorama mondial des projets à courant continu Monique Le Stum ........................................................................................................................................................... p. 77 La liaison à courant continu Baixas – Santa Llogaia Yves Decoeur ..................................................................................................................................................................... p. 82 L’évolution des liaisons à courant-continu insérées dans le système électrique David Glaise, Germán Pérez, Carmen Longã, Silvia Sanz ............................................................................... p. 86 Le transport VSC aujourd’hui et demain. La liaison à haute tension Baixas-Santa Llogaia marque une étape importante Frank Shettler, Oliver Ku , Volker Lehmann , Antoine Larger ....................................................................p. 97 Recent advancements in HVDC transmission Magnus Callavik ............................................................................................................................................................ p. 104 La simulation temps réel au service de l’exploitation des liaisons à courant continu Sébastien Dennetière, Bertrand Clerc .................................................................................................................. p. 110

76 Z REE N°1/2017


LE DÉVELOPPEMENT DES LIAISONS À COURANT-CONTINU (HVDC)

DOSSIER 2

Panorama mondial des projets à courant continu Monique Le Stum Expert RTE Most countries in the world are developing renewable generation plants, generally far away fromconsumption areas, needing bulk transmission of electrical power on long-distance links: overhead lines in large countries such as China (up to 3 000 km), underground lines for environmental reasons (up to several hundred km), submarine links as in Europe (up to 700 km) and offshore wind farms located away from the coast. Consequently the demand is rapidly growing worldwide and the HVDC technology is evolving, as well for converter stations as for cables, towards increasing voltage levels for more powerful links.

ABSTRACT

Le courant continu, une technologie qui revient en force Historique

20e siècle. Leur nombre d’abord limité

tion dans des centres urbains qui se

dans la première moitié du siècle (neuf

densifient. Ce mouvement est ampli-

liaisons entre 1906 et 1950), plus sou-

fié dans des pays comme la Chine ou

tenu dans la deuxième moitié (44

l’Inde, dont les besoins énergétiques

A la fin du 19e siècle, période de

liaisons entre 1950 et 1999) est mainte-

augmentent. Ainsi, les zones de produc-

développement des usages industriels

nant en forte croissance depuis le début

tion et de consommation peuvent être

et domestiques de l’électricité, les tech-

des années 2000.

éloignées parfois de plus de 2 000 km.

niques du courant continu et du courant alternatif étaient en concurrence . 1

Le courant alternatif s’est imposé

En Europe les distances sont plus

Un nouvel essor en ce début du 21e siècle

faibles, mais les besoins d’échange entre les pays s’accroissent du fait de la com-

grâce à l’invention du transformateur, qui

La transition énergétique qui est

plémentarité des énergies produites,

a permis d’élever les niveaux de tension,

engagée dans la plupart des pays du

et le recours aux câbles souterrains

de transporter ainsi l’électricité sur de

monde conduit à des besoins crois-

ou sous-marins est plus systématique

grandes distances et de constituer des

sants de transport massif d’électricité

pour des raisons environnementales ou

réseaux de transport d’électricité maillés.

entre des zones de production d’origine

géographiques.

Le courant continu est resté adapté

renouvelable (autrefois essentiellement

à des usages particuliers de transport

hydraulique, désormais le plus souvent

mettent

massif de l’électricité sur de longues dis-

éolienne) et des zones de consomma-

réseaux non synchrones (par exemple

Les liaisons à courant continu perégalement

de

relier

des

tances : plusieurs centaines de km en ligne aérienne, quelques dizaines de km en liaison souterraine ou sous-marine. Il est en général limité à des liaisons entre deux extrémités, car la coordination de plusieurs extrémités est un sujet complexe. Seules quelques liaisons de ce type existent à ce jour dans le monde. Ainsi, après quelques lignes expérimentales réalisées à la fin du 19e siècle, les premières liaisons à courant continu industrielles ont vu le jour au début du 1

La « guerre des courants » opposait alors Thomas Edison à Georges Westinghouse. La chaise électrique fut inventée et brevetée à la demande d’Edison, pour démontrer la dangerosité du courant alternatif.

Figure 1 : Evolution du parc de liaisons HVDC dans le monde – Source : RTE

REE N°1/2017 Z 77


DOSSIER 2

LE DÉVELOPPEMENT DES LIAISONS À COURANT-CONTINU (HVDC)

Figure 2 : Complémentarité des énergies produites en Europe – Source : DG Energie

Figure 3 : Projets de liaisons HVDC en Chine – Source : The Lantau Group au Royaume Uni, en Scandinavie, au

s EN .ORD UNE DIZAINE DIZAINE s EN !MÏRIQUE DU .ORD

±500kV) au Congo, de 1 700 km. La

Québec,…) ou de fréquences diffé-

de réalisations en commençant par le

liaison Caprivi Linkk en 2010 (300 MW,

rentes (Japon) et offrent des possibilités

C Intertie en 1970 (1 400 MW, Pacific DC

350 kV) entre la Namibie et la Zam-

d’exploitation intéressantes, notamment

±400 kV), de 1 362 km à l’ouest des

bie, de 950 km, fut la première utili-

le contrôle de la puissance transitée (Cf.

USA, entre l’Oregon et la Californie. A

sation de la technologie VSC2 en ligne

article de D. Glaise et al.).

noter la liaison Québec - New England

aérienne ;

Ainsi, le taux actuel de croissance de

Transmission reconfigurée en 1991 en

s EN !MÏRIQUE DU 3UD Itaipu s EN !MÏRIQUE DU 3UD Itaipu 1 en 1984

la technologie du courant continu est

liaison tri-terminale, qui fut à l’époque

(3 150 MW à ±600 kV), de 785 km

estimé à 8 % par an au niveau mondial.

une première mondiale (2 000 MW,

et Itaipu 2 en 1987 (3 150 MW sup-

±450 kV), de 1 480 km entre la baie

plémentaires à ±600 kV), de 805 km

James, Montréal au Québec et Boston

au Brésil, Rio Madeira en 2013

aux Etats-Unis ;

(2x3150 MW à ±600 kV) au Brésil, de

Des lignes aériennes de plus en plus en longues Dès les années 1970, des lignes aé-

s EN s EN !FRIQUE Cahora-Bassa en 1979

riennes de grande longueur ont été réali-

(1 920 MW, ±533 kV), entre le Mozam-

sées en Afrique, en Amérique du Nord et

bique et l’Afrique du Sud (1420 km).

en Amérique du sud :

Puis Inga-Shaba en 1982 (560 MW,

78 Z REE N°1/2017

2 350 km.

2

VSC (Voltage Source Converter).


GROS PLAN SUR

Un nouveau regard sur la conjecture de Riemann Introduction par Jean-Pierre Hauet

D

ans son numéro 2013-5, nous appelions l’at-

géométrique que comme un produit infini, dit produit eulé-

tention de nos lecteurs sur les progrès réalisés

rien, de facteurs réservés aux seuls nombres premiers

dans la démonstration de la conjecture de Riemann et sur les enjeux qui s’y attachent. On

rappelle que cette conjecture fait l’hypothèse que les zéros

non triviaux de la fonction zêta de Riemann [1] sont tous situés dans le plan complexe sur la droite d’abscisse

[2]

formule dans laquelle ⺞ est l’ensemble des entiers positifs et § l’ensemble des entiers premiers. La fonction zêta et ses zéros sont ainsi apparus comme pouvant constituer le chaînon reliant des mondes a priori disjoints : l’addition et la multiplication, le discret et le continu, le

(figure 1).

conventionnel et le quantique. C’est dire que la démonstraDes centaines de milliards de zéro ont été calculés le

tion de la conjecture et, surtout une compréhension de ses

long de cet axe et leur répartition fait apparaître une grande

fondements, auraient très certainement des répercussions

similitude avec celle des nombres premiers. Cependant la

allant bien au-delà des mathématiques et intéresseraient

démonstration formelle de la conjecture de Riemann, qui

tout autant le monde de la physique. A la suite des travaux

constitue l’un des sept défis du Millénaire lancés en 2000 par

d’Hilbert et de Polyà tendant à établir que la distribution

le Clay Mathematical Institute, n’a pas encore été apportée.

des zéros de la fonction zêta était celle des valeurs propres

L’enjeu d’une telle démonstration est loin d’être purement

d’un opérateur hermitien, a été formulée la loi empirique de

académique. Le lien entre la fonction zêta et les nombres

Montgomry-Odlyzko (1987) selon laquelle la répartition de

premiers avait été établi par Euler en montrant que la fonc-

ces zéros s’identifierait aux niveaux quantiques des systèmes

tion pouvait aussi bien s’écrire comme somme d’une série

atomiques complexes. Cette nouvelle conjecture reste à éta-

Figure 1 : Les zones clés de la recherche des zéros de la fonction Zêta.

REE N°1/2017 Z 115


GROS PLAN SUR

blir mais montre l’intrication entre mathématique et physique

ligne ne l’est pas et qu’une surface que l’on croit plane ne

dès que l’on aborde le cas de la conjecture de Riemann.

l’est pas davantage. Bien entendu la théorie des échanges, au

C’est cette bivalence qui est l’origine du travail de deux

niveau des électrodes d’une batterie par exemple, s’en trouve

ingénieurs chercheurs français dont nous publions l’article

complètement bouleversée. Une notion fondamentale appa-

qui suit. Cet article pourra paraître difficile à certains de

raît : la dimension fractale, que l’on démontre être égale à 2

nos lecteurs mais on peut en comprendre les fondements.

dans le cas de la courbe de Péano mais qui peut être infé-

L’un d'eux réside dans l’une des vertus de la fonction c s

rieure. Une autre grandeur joue aussi un rôle essentiel dans

d’être « universelle » c’est à dire, selon le théorème de Voronin (1975), qu’elle peut approximer n’importe quelle fonction analytique f ne s’annulant pas dans un ensemble compact K donné, ce qui s’écrit :

la théorie : l’inverse de la dimension fractale,

dans le cas

de la courbe de Péano, mais c’est aussi – coïncidence ? – l’abscisse de la droite critique de la fonction de Riemann (figure 1). On relève aussi que la courbe de Péano permet de com-

[3]

prendre l’autosimilarité de l’ensemble ⺞ des entiers posi-

Il serait tentant d’appliquer la formule [3] à la fonction c s

tifs. En effet, un entier peut se repérer dans le plan à deux

elle-même mais on ne sait précisément pas si elle s’annule

dimensions ⺞ x ⺞ par ses coordonnées le long des axes

ou non dans la bande ]1/2,1[. Par contre, Bagchi a démon-

orthogonaux. Mais on peut aussi le repérer par une gran-

tré (1982) que la vérification du théorème d’universalité de

deur unique qui est l’abscisse de sa position sur la courbe

Voronin dans la cas où la fonction f(s) serait la fonction c s

de Péano.

équivaudrait à la validation de la conjecture de Riemann.

On remarque enfin que l’hypothèse de Bagchi sur la fonc-

La propriété d’universalité de la fonction c s fait penser

tion c s si elle est vérifiée, et donc si la conjecture de Rie-

à ces courbes bizarres dites de Péano qui permettent par

mann est vraie, est une forme d’autosimilarité de la fonction

un tracé linéaire continu de s’approcher d’aussi près qu’on le

c s qui se retrouve égale à elle-même après translation d’un

souhaite de n’importe quel point d’un carré (figure 2).

certain it0. Les pièces du puzzle sont ainsi posées et la démarche proposée par Alain Le Méhauté et Philippe Riot s’éclaire et apparaît naturelle : il s’agit d’établir que la fonction zêta n’est autre qu’une représentation particulière de l’ensemble des nombres entiers naturels dont on établit l’autosimilarité. Pour ce faire les auteurs passent par un intermédiaire qui est la représentation de ⺞ sous forme d’un espace topologique dont les axes de base sont les logarithmes des nombres premiers, lesquels permettent, comme chacun sait, une décomposition unique de tout entier n en facteurs premiers qui constituent alors ses composantes dans cet espace. Ils opèrent en outre une « dilatation linéaire » de cet espace selon un facteur –s. Ils notent alors que les coordonnées de chaque élément de ce nouvel espace, noté ⺞(s), sont celles de l’opérateur exponentiation n -s et donc que la fonction c s est la trace de l’opérateur d’exponentia-

Figure 2 : Courbes de Péano.

tion dans ⺞(s). L’espace ⺞(s) est ensuite « fibré » par des translations successives de paramètre o qui permettent de

Ces courbes de Péano nous amènent directement à la

recouvrir tout ensemble compact K inclus dans ⺞(s) par

géométrie fractale sur laquelle Alain Le Méhauté a beaucoup

des « copies » dont on démontre l’autosimilarité grâce au

travaillé lorsqu’il dirigeait à nos côtés une équipe de re-

morphisme entre l’addition et la multiplication dans ⺞.

cherche des Laboratoires de Marcoussis d’Alcatel-Alsthom.

L’autosimilarité ainsi établie sur les ensembles ⺞(s) per-

Cette géométrie fractale, basée sur la réplication de motifs

met d’en inférer celle de la fonction c s et donc d’établir

identiques à la façon des côtes bretonnes – c’est ce qu’on

l’inégalité de Bagchi et en conséquence de valider la conjec-

appelle l’autosimilarité –, fait qu’un tracé que l’on croit recti-

ture de Riemann.

116 Z REE N°1/2017


Un nouveau regard sur la conjecture de Riemann

Les auteurs n’ont pas la prétention d’avoir apporté une

namique de la conjecture de Riemann dans un cadre qui est

démonstration mathématique de cette conjecture. Une telle

plus général que celui des états propres1, ouvre à n’en pas

démonstration impliquerait des développements beaucoup

douter de nouvelles pistes en matière de sécurité : dans les

plus poussés mais leur approche nous a semblé innovante et

domaines de la stabilité dynamique des réseaux complexes

suffisamment robuste pour ouvrir de nombreuses perspec-

(réseaux de distribution électrique, packs de batteries lors

tives et notamment dans le champ applicatif qui intéresse

des procédures de charge et de décharge, réseaux de com-

bien entendu au premier plan la REE.

munications en sciences humaines) ou du profilage de sys-

Ces applications potentielles concernent les sciences

tèmes complexes. Par ailleurs on peut observer que des liens

de l’information car le raisonnement suivi par nos auteurs

entre les auteurs et les sciences du vivant existent déjà car

conduit à s’interroger sur l’usage pratique qui pourrait être fait

il est apparu que l'analyse engagée commence à éclairer les

des fonctions universelles telles que la fonction zêta, pour

questions aussi subtiles que celle du système immunitaire et

traiter dynamiquement et dans de bons espaces de repré-

du vieillissement. Q

sentation, les systèmes de systèmes. Jean-Pierre Hauet Rédacteur en chef de la REE

Dans le même esprit, une autre approche pourrait consister à développer une cryptographie fondée sur l’intelligence artificielle capable de concurrencer la cryptographie quantique. Dans le domaine de l’ingénierie, la compréhension dy-

1

Cf notre article sur les nombres entiers et la conjecture de Riemann paru dans la REE 2013-5.

REE N°1/2017 Z 117


GROS PLAN SUR

Autosimilarité, fonction zêta et conjecture de Riemann Introduction

L

tous les cas ces modèles sont loin

’étude des milieux dié-

de justifier des propriétés univer-

lectriques [1] et électro-

selles observées expérimentale-

chimiques ainsi que des

ment sur de très larges spectres

phénomènes de relaxa-

d’usages [5].

tion qui s’y déroulent [2] présente

Une classe d’opérateurs, dits de

un grand intérêt à la fois pratique

différentiation non entière, est appa-

et théorique. Alors que macroscopiquement

les

phénomènes

sont parfaitement descriptibles au moyen des variables électrodyna-

Philippe Riot

Alain Le Méhauté

rue assez tôt comme un outil sus-

Institut franco-québécois, Groupe de mathématiques

Kazan Federal University

ceptible de rendre compte des dynamiques observées [6, 7, 8]. C’est par le truchement des opéra-

miques habituelles et des tech-

teurs de convolution sur des distri-

niques de traitement du signal, la géométrie des substrats

butions, que de tels opérateurs permettent de prendre en

d’échanges (mélanges hétérogènes de matériaux, dépôts

compte les lois d’échelle géométriques et donc de retrouver

complexes agrégatifs, matériaux dendritiques, verres, poly-

une analyse apte à décrire des comportements souvent

mères polycristallins) est difficile à décrire. Elle présente le

anormaux au regard des règles habituelles de différentiation

plus souvent des propriétés d’autosimilarité sur de larges

locale (l’exemple de « l’anomalous diffusion » est bien connu

gammes d’échelles (3-10). Ces propriétés sont asso-

mais il est loin d’être unique). Ainsi, bien que la théorie de

ciables aux difficultés d’optimisation technique auxquelles

tels opérateurs n’ait pas atteint un degré de maturité totale-

se heurte l’ingénieur lorsqu’il cherche à concevoir de nou-

ment satisfaisant et donne encore lieu à controverses, leur

veaux dispositifs ou à améliorer les systèmes existants [3,

usage apparaît d’une grande utilité pratique et d’une réelle

4]. L’usage des outils classiques d’analyse est en effet com-

portée heuristique. A titre d’illustration, la progression des tra-

promis par l’absence de propriétés de régularité des inter-

vaux de modélisation conçus dans ce contexte, a mis en évi-

faces d’échange et les solutions “optimales” éventuellement

dence l’existence d’un lien structurel entre certaines classes

approchées apparaissent formellement insatisfaisantes. Tel

d’opérateurs de dérivation non entière associées à des opé-

est par exemple le cas des tentatives de modélisation et

rateurs d’exponentiation et à la fonction zêta de Riemann c s

d’optimisation des cycles de charge et de décharge des

où s D ⺓, et

batteries et piles à combustibles en utilisant le concept de

approximatifs et intuitifs liés à l’existence de cer taines

lignes à retard. L’usage des outils de modélisation numé-

symétries ont alors conduit à penser que la conjecture

rique aujourd’hui très largement répandu a certes amélioré

de Riemann relative à la distribution des zéros non tri-

les capacités d’ingénierie mais les modèles, même s’ils font

viaux de cet te fonction c s pourrait être validée de

apparaitre les propriétés de renormalisation expérimentale-

manière “mathématico-expérimentale” comme le sug-

ment observées, sont le plus souvent construits de manière

gèrent par ailleurs d’autres études récentes [10, 11,

ad hoc et leurs domaines de validité sont restreints. Dans

12].

This note introduces the Riemann zeta function in terms of self-similarity. Suggested by electrochemical and electrodynamics works, this property appears as a pathway able to feature a new categorical approach of the Riemann hypothesis. The full approach of the conjecture is not given herein, but the aim of this note is to outline the main steps of a categorical approach able to introduce a formal justification of the famous hypothesis.

ABSTRACT

La présente note appréhende la fonction zêta de Riemann sous l’angle de l’autosimilarité. Suggérée par des études d'ingénierie électrochimique et électrodynamique et analysée sous l’angle catégorique, cette propriété apparaît comme une clef permettant de réinterpréter la conjecture de Riemann. En recourant à la théorie des catégories, le présent article expose de manière intuitive les étapes conduisant à une nouvelle approche de la conjecture. RÉSUMÉ

MOTS CLÉS : Opérateurs fractionnaires, théorie des catégories, fonction Zêta, conjecture de Riemann

118 Z REE N°1/2017

[9]. Des raisonnements


AutosimilaritĂŠ, fonction zĂŞta et conjecture de Riemann

Les constats empiriques conduisent en effet naturelle-

quences ici exprimĂŠes implicitement par le truchement de

ment aux deux interrogations suivantes :

la fonction Zêta de Riemann n’est autre qu’un nouveau type

) 0OURRAIT ON CONlRMER MATHĂ?MATIQUEMENT LE LIEN STRUCTUss ) 0OURRAIT ON CONlRMER MATHĂ?MATIQUEMENT LE LIEN STRUCTU-

ďŹ d’expression certes bizarre mais expĂŠrimentalement efďŹ -

s et les constructions gĂŠomĂŠtriques rel entre la fonction c s

cace, de la notion de dĂŠrivation, donc de lien entre le statut

auto-similaires en gĂŠnĂŠral ?

local de la fonction et son statut global.

s )) 3I CE LIEN EST AVĂ?RĂ? EST IL ALORS POSSIBLE D ABORDER LA RĂ?SOs )) 3I CE LIEN EST AVĂ?RĂ? EST IL ALORS POSSIBLE D ABORDER LA RĂ?SO-

/N DOIT ĂŒ 3ERGEY 6ORONIN UN THĂ?ORĂ’ME DIT D UNIVERSALITĂ? ;

lution de la conjecture de Riemann en exploitant des propriĂŠ-

15] susceptible d’acquĂŠrir en ingĂŠnierie des systèmes com-

tÊs d’autosimilaritÊ de gÊomÊtries pensÊes adÊquatement ?

plexes une importance qu’il n’a pas encore mais que dÊsignent

On rappelle que la conjecture de Riemann afďŹ rme que les

aujourd’hui implicitement ou explicitement les Êtudes expÊri-

s = 0, sont tels zĂŠros non triviaux de la fonction zĂŞta, soit c s

mentales. Ce thÊorème Ênonce que toute fonction analytique

se trouve verver-

– par exemple une gÊodÊsique sur une variÊtÊ hyperbolique

(verrouillage de

– peut ĂŞtre approximĂŠe dans les conditions ďŹ xĂŠes ci-dessous,

phase). Cette propriĂŠtĂŠ est connue pour ĂŞtre en lien avec la

par des fonctions dites universelles ; or la première d’entre

distribution des nombres premiers. Le prĂŠsent article, qui fait

s . Ce elles n’est autre que la fonction zêta de Riemann c s .

suite Ă une communication parue dans la REE 2013-5 [13],

thĂŠorème s’Ênonce plus prĂŠcisĂŠment de la manière suivante :

que la partie rĂŠelle de la variable rouillĂŠe sur la valeur rationnelle

vise à rendre compte des rÊponses aujourd’hui obtenues sur

Pour K compact dans la bande critique

avec

le plan mathĂŠmatique, Ă ces deux questions. On observera

complĂŠment connexe et pour f(s (s) fonction continue analy f(s) analy--

que l’exposÊ exhaustif de la thÊorie sous-jacente nÊcessite

tique dans son intÊrieur ne s’annulant pas sur K K, alors

d’introduire de nombreux concepts et de faire appel Ă plusieurs thĂŠories comme la thĂŠorie analytique des nombres, la thĂŠorie des catĂŠgories ou encore la thĂŠorie des semi-groupes. Tous ces dĂŠveloppements font cependant apparaitre l’autosimilaritĂŠ comme source première des propriĂŠtĂŠs de la foncs ainsi que du bienfondĂŠ de la conjecture de Riemann. tion c s A condition d’être exprimĂŠ dans le bon espace de reprĂŠsentation, ce rĂ´le est alors ĂŠtonnamment explicable de manière presque intuitive. L’ambition du prĂŠsent article est d’illustrer cette afďŹ rmation. On rappelle que la fonction zĂŞta de Riemann rĂŠpond Ă deux formulations distinctes sous forme de sĂŠries :

La ďŹ gure 1 illustre la signiďŹ cation de cette formule. La fonction zĂŞta ĂŠtant utilisĂŠe comme rĂŠfĂŠrence l’extension de l’abscisse conformĂŠment Ă

conduit Ă un â€œĂŠcrasementâ€?

s . Dix ans après de la fonction analytique sur la rĂŠfĂŠrence c s . que Voronin a ĂŠtabli son rĂŠsultat, Bagchi a dĂŠmontrĂŠ [16] que la validitĂŠ de la conjecture de Riemann est ĂŠquivalente Ă la vĂŠriďŹ cation du thĂŠorème d’universalitĂŠ de Voronin dans le cas s), particulier oĂš la fonction f(s) f(s (s) n’est autre que la fonction c((s), soit encore pour l’inĂŠgalitĂŠ de Bagchi :

) UNE SĂ?RIE ADDITIVE ss ) UNE SĂ?RIE ADDITIVE s )) UNE SĂ?RIE MULTIPLICATIVE s )) UNE SĂ?RIE MULTIPLICATIVE

, formule

dans laquelle § dĂŠsigne l’ensemble des nombres premiers.

La fonction de Riemann s’approxime alors elle-même

On rappelle Êgalement que toute fonction analytique s’ex-

donc, dans un certain sens à prÊciser, et l’inÊgalitÊ de

prime par dĂŠďŹ nition par une sĂŠrie additive de type . Il en rĂŠsulte une propriĂŠtĂŠ de dualitĂŠ asso-

(s).. Bagchi afďŹ rme l’autosimilaritĂŠ de c(s) On observera que la restriction introduite dans l’ÊnoncĂŠ

s telle que la fonction analytique dispose d’un ciant f(s) f(s (s) et c s telle

du thÊorème de Voronin sur la fonction continue

s s’Êcrit au terme gÊnÊrique en s tandis que la fonction c s

sur le compact K ne permet pas d’appliquer le thĂŠorème Ă la

moyen du terme gĂŠnĂŠrique n −s ; au signe près il y a donc une

s) puisque la distribution des zÊros n’est prÊcisÊprÊcisÊ fonction c((s)

n

et

inversion des places occupÊes par l’argument complexe s et

s), la ment pas connue. Ainsi le lien entre la fonction c((s),

l’entier n. Or les deux fonctions duales peuvent être compa-

conjecture de Riemann et l’autosimilaritÊ doit être une pro-

rĂŠes Ă l’aide du thĂŠorème de Voronin auquel nous allons

priĂŠtĂŠ singulière et ĂŠmergente au regard de l’analycitĂŠ. Cette

maintenant faire appel pour approcher la conjecture.

propriĂŠtĂŠ va ici ĂŞtre examinĂŠe en considĂŠrant les propriĂŠtĂŠs

PropriÊtÊ d’universalitÊ de la fonction zêta de Riemann

de l’ensemble des entiers exprimĂŠes dans le langage de la thĂŠorie des catĂŠgories. Le recours Ă cette thĂŠorie se justiďŹ e au moins de deux manières :

On imagine dans cette section les consĂŠquences de la

s) peut ) DEPUIS LES TRAVAUX DE ' # 2OTA ; = LA FONCTION c((s) ss ) DEPUIS LES TRAVAUX DE ' # 2OTA ; = LA FONCTION

reprĂŠsentation dans un ÂŤ espace vectoriel vu Ă diffĂŠrentes

aisĂŠment ĂŞtre exprimĂŠe dans le cadre des ensembles par-

Êchelles  d’une fonction de variable complexe. Ces consÊ-

tiellement ordonnĂŠs, cas particuliers de catĂŠgories ;

REE N°1/2017 Z 119


❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱❱ RETOUR SUR

Paul Langevin (1872-1946) Marc Leconte Membre émérite de la SEE

Paul, après la communale, son certificat d’étude en poche en 1883, entre sur concours à l’école primaire Lavoisier qui permet à des élèves issus de milieux pauvres de faire des études gratuites. En 1888, Paul

Ami d’Albert Einstein, de Jean Perrin et de Pierre

Langevin est reçu premier au concours d’entrée de

et Marie Curie, Paul Langevin a porté brillamment

l’Ecole municipale de physique et de chimie indus-

les couleurs de la physique française dans le monde.

trielle fondée en 1882 par la ville de Paris. C’est une

Il n’a pas eu les honneurs d’un prix Nobel mais ses

école d’ingénieur accessible à ceux qui n’ont pas

conférences et ses travaux sont restés gravés dans

reçu l’enseignement des lycées. Dans cette école,

les mémoires. Il faut citer notamment sa théorie du

Langevin suit les cours et l’enseignement de labo-

magnétisme et son paradoxe des jumeaux dont nous

ratoire de Pierre Curie dont il deviendra l’ami. Sur

verrons l’origine. Il fut aussi un passeur de sciences

les conseils de ce dernier, il renonce à une carrière

exceptionnel, professeur au Collège de France, confé-

d’ingénieur en se présentant au concours de l’Ecole

rencier et enseignant infatigable. Nous allons suivre

normale supérieure en 1893 où il est reçu premier et

le fil de sa vie et nous arrêter sur quelques travaux et

où il passe l’agrégation avec succès en 1897.

interventions marquantes.

Ses mérites lui permettent d’obtenir une bourse pour un stage d’une année au Cavendish Labora-

La vie d’un physicien

tory à Cambridge en octobre 1897. Ce laboratoire

Paul Langevin est né le 23 janvier 1872 au 13 rue

qui est l’un des meilleurs lieux d’expérimentation de

Ravigan, près de la butte Montmartre à Paris. Son père

la physique en Europe, est dirigé par Joseph-John

Victor s’est engagé à 18 ans dans l’armée et s’est re-

Thomson (1856-1940) qui a succédé à Lord Rayleigh

trouvé en Algérie de 1854 à 1870 avec les troupes

à l’âge de 28 ans. Au Cavendish, Langevin rencontre

impériales de Napoléon III. Revenu en 1870 pour se

un jeune chercheur qui vient d’arriver de Nouvelle-

marier avec Marie Adèle Pinel, petite nièce d’un psy-

Zélande, Ernest Rutherford. Ces années de la fin du

chiatre célèbre, Victor et son épouse s’installent sur la

XIXe siècle sont marquées pour la physique par quatre

butte Montmartre. Il est en 1871 aux premières loges

grandes découvertes : les rayons X, l’électron, l’effet

de la révolte de la Commune de Paris et est témoin des

Zeeman et la radioactivité. Ces découvertes furent très

répressions qui s’ensuivent. C’est donc au sein d’une

importantes pour la compréhension de la structure

famille traumatisée par ces évènements que Paul, deu-

atomique. Langevin travaille sur ces sujets en com-

xième enfant du couple, voit le jour. La maison rue Ra-

mençant par mettre au point un dispositif expérimental

vigan deviendra plus tard le célèbre « bateau-lavoir » où

pour détecter les rayons secondaires émis par les sur-

tant de peintres et d’artistes se retrouveront au cours

faces métalliques frappées par des rayons X. Il en étu-

du XXe siècle. Il indiquera plus tard :

die par la suite les propriétés. Ces résultats, ainsi que la

« J’ai grandi au lendemain de la guerre de 1870

détermination d’un coefficient de recombinaison des

entre un père républicain jusqu’au fond de l’âme et

ions gazeux, seront présents plus tard dans sa thèse

une mère dévouée jusqu’au sacrifice, au milieu de cet

de doctorat dont le titre est « Recherche sur les gaz

admirable peuple de Paris, dont je me suis toujours

ionisés » en décembre 1902. Ce stage au cœur d’un la-

senti si profondément solidaire. Mon père qui avait

boratoire réputé pour son excellence expérimentale et

dû, malgré lui, interrompre ses études à l’âge de dix-

ses spéculations théoriques sera crucial pour Langevin

huit ans, m’a inspiré le désir de savoir ; lui et ma

qui se lie d’amitié avec des chercheurs qui deviendront

mère, témoins oculaires du siège et de la sanglante

célèbres comme Ernest Rutherford ou C.T.R. Wilson2.

répression de la Commune, m’ont, par leurs récits,

Langevin travaille au Cavendish dans la période pen-

mis au cœur l’horreur de la violence et le désir pas-

dant laquelle Joseph John Thomson mesure la vitesse

sionné de la justice sociale » – Paul Langevin 1945 . 1

1

[1] p 20

128 Z REE N°1/2017

2

Inventeur de la chambre à brouillard qui permet la détection des particules.


Paul Langevin (1872-1946)

des électrons. Tout cela forgera la carrière

siècle les plus éminents physiciens de

scientifique de Langevin dans les années

leur temps. Langevin y rencontre pour la

du début du XX siècle.

première fois Einstein avec qui il se lie

e

d’une grande amitié. Il se fera l’infatigable

Début de carrière

pédagogue de la relativité en France,

De retour à Paris, préparateur à la

nous y reviendrons plus loin.

Faculté des sciences, il poursuit ses

Sa vie privée suit également un cours

travaux sur l’ionisation des gaz, en parr

normal, en 1898, Langevin se marie

ticulier sur les lois de la diffusion et de

avec Jeanne Desfosses avec laquelle

la mobilité des ions, sujet sur lequel il

il aura quatre enfants. Certains de ses

soutint sa thèse de doctorat. Après son

collègues deviennent des amis comme

doctorat, il obtient un poste de profes-

Jean Perrin, Emile Borel ainsi que Pierre

seur suppléant au Collège de France. Ses

et Marie Curie. Ils forment un groupe

grandes qualités qui allient de solides

soudé et se retrouvent fréquemment

connaissances théoriques à une grande compétence dans l’expérimentation le

Paul Langevin à Cambridge en 1897. Source : Wikipédia.

chez les uns et les autres. Après la mort tragique de Pierre Curie, les familles

font connaitre très rapidement dans le

Langevin, Curie et Perrin assurent à tour

monde de la physique internationale.

de rôle l’éducation de leurs enfants.

En 1904, à l’âge de 32 ans, il repré-

Ils partent ensemble en vacances à

sente la physique française avec Henri

l’Arcouest petit village de pêcheur situé

Poincaré, au congrès international de

en face de Paimpol. Cet endroit est déjà

physique de Saint Louis aux Etats-Unis.

chargé d’histoire car il a servi de villégia-

Langevin, d’abord suppléant d’Eleuthère

ture à nombre d’intellectuels parisiens

Mascart (1837-1908), devient son suc-

et a été surnommé Sorbonne-Plage4.

cesseur, en 1909, comme professeur au

Certains de leurs enfants par la suite

Collège de France dans la chaire de phy-

se marieront et seront également des

sique générale et expérimentale. Il en-

scientifiques de premier plan comme

seigne également à l’Ecole de physique

Francis Perrin et Irène Curie. Tout le

et chimie de Paris et, plus tard, à l’Ecole

monde mène une vie de bohème, c’est

normale de jeunes filles de Sèvres. Dès

l’esprit du temps de cette avant-guerre

1904, Langevin manifeste en parallèle

que l’on baptisera rétrospectivement,

à sa carrière de chercheur, un grand

par référence aux évènements drama-

intérêt pour la didactique et la péda-

tiques qui interviendront en 1914, la

gogie des sciences. Son premier grand texte sur ce sujet est présenté au cours

Mariage de Paul Langevin. Source : Revue Regard.

Belle Epoque. Cependant les activités de physicien ne sont pas les plus lucratives

d’une conférence intitulée l’esprit

et entament la sérénité du couple

de l’enseignement scientifique3.

Langevin. En 1911, une aventure

C’est une attaque violente des

de Paul Langevin avec Marie Curie

manuels et des cours de physique

fera scandale. Des lettres person-

du secondaire. Toute sa vie, il garr

nelles paraissent dans la presse

dera ce goût pour la pédagogie des

et Langevin provoque en duel

sciences en général et de la phy-

Gustave Tery, un ancien disciple

sique en particulier, en s’appuyant

de l’EPCI qui a publié un article

sur la révolution de l’atomisme du

sur les scandales de la Sorbonne.

début du siècle.

Le duel se termine sans blessé

L’année 1911 marque le début des conférences Solvay à Bruxelles qui réuniront au cours du vingtième 3

[3] p25-55

mais Langevin quitte sa femme Marie Curie dans son laboratoire de l’EPCI. Source : serious-science.org (2016)

pour un temps et vit avec ses deux fils ainés. 4

[1] p32

REE N°1/2017 Z 129


CHRONIQUE

Culture scientifique et technique & thrillers

C

es derniers mois ont vu la parution d’ouvrages se présentant explicitement en couverture comme des thrillers, avec une trame faisant largement place à la science ou à la technique. Les deux ouvrages sélectionnés pour cette chronique sont illustratifs d’une tendance de l’édition, qui reflète la place croissante dans la société des préoccupations sociotechniques, craintes autant qu'espoirs. Des thrillers, ces deux ouvrages ont à l’évidence les caractéristiques essentielles : ils décrivent des enquêtes policières complexes, aux multiples rebondissements tenant en haleine le lecteur tout au long de plus de 500 pages. Ajoutons qu’ils témoignent l’un et l’autre d’un savoir-faire et d’une aisance d'écriture dignes d'éloges même s'ils sont tous deux œuvres de débutants dans ce genre littéraire ; Marc Elsberg est le pseudonyme d’un essayiste autrichien, formé aux arts appliqués et que l’ouvrage récemment traduit a révélé au grand public (au total 12 millions d’exemplaires !) après diverses publications moins marquantes sous son nom patronymique. Sans doute stimulé par ce succès notre auteur a récidivé avec deux nouveaux thrillers : ZERO en 2014 ((Sie wissen was du tust – Ils savent ce que vous faites) s consacré au Big Data et traduit en même temps que BLACKOUT, puis HELIX en 2016 (Sie ( werden uns ersetzen – Ils vont nous remplacer) r qui s’intéresse à la génétique et dont la traduction française ne tardera sans doute pas. De son côté Jérôme Legras, polytechnicien et économiste, aura attendu la quarantaine pour faire ses débuts littéraires, avec un ouvrage qui atteste de sa fidélité à des passions juvéniles pour la physique et les intrigues policières. Le Blackout que décrit Marc Elsberg est celui qu’il imagine survenir, dans toute l’Europe électriquement interconnectée, après des défaillances inexpliquées qui affectent successivement les réseaux des opérateurs nationaux. Le livre est le récit des trois semaines qui s’ensuivent, au cours desquelles, dans un chaos croissant, l’intrigue proprement policière s’ébauche puis se déploie. Il est évident que l’absence d’électricité va en entrainer bien d’autres, par exemple celle de la distribution de carburant, et le récit de l’apocalypse qui s’installe un peu partout est tout à fait passion-

138 Z REE N°1/2017

nant, d’autant que nous suivons jour par jour et lieu par lieu, les efforts des diverses autorités pour juguler cette crise dévastatrice et inédite. Cette première partie, sobrement écrite, par-r faitement documentée est tout à fait plausible. Mais l’affaire dégénère et on repère des attentats contre des installations puis des défaillances dans les centrales nucléaires entraînant de drastiques mesures d'évacuation ; le continent américain lui-même est atteint… Alors que l’on adhère aux efforts souvent pathétiques pour rétablir le fonctionnement de réseaux in-

Marc El M Elsberg b BLACK OUT Demain il sera trop tard Thriller Black out "Morgen ist zu spät" (2012) Traduit de l'allemand par Pierre Malherbet Le Livre de Poche - Avril 2016 - 576 p. 8,10 F

Jérôme Legras La conjuration de Göttingen Thriller Editions de l’Archipel Septembre - 2016 504 p. 22 F

terconnectés, que l’on comprend les difficultés à rechercher les défaillances techniques et/ou informatiques, bref tant que les hommes et leurs diverses organisations, nationales ou européennes, gardent espoir et se battent, le récit reste passionnant et techniquement crédible ; mais la situation devient désespérée, la menace terroriste se fait brutale et la contamination par des compteurs intelligents, irréversible. Le récit vire au policier classique, voire violent et perd en crédibilité comme en vraisemblance ; apparaissent alors des épisodes nettement

conventionnels, avec violences, voitures de sport et jolies journalistes… La conjuration de Göttingen est d’une facture originale et se déroule, fort astucieusement, sur deux échelles de temps différentes : celle de la semaine avec une enquête policière, assez classique et rondement menée par la police locale après le meurtre mystérieux d'un bibliothécaire dans un square de Princeton ; on est alors en pleine guerre froide, au moment de l’exécution des Rosenberg (juin 1953), et le spectre du nucléaire et de l’espionnage atomique plane sur l’enquête avec Edgar Hoover et le FBI… Et c’est là qu'intervient la seconde échelle de temps : celle qui s’étale sur un demi-siècle, depuis qu’à Göttingen s’est ourdie une conjuration, dont nous ne dévoilerons pas le machiavélisme teinté de nationalisme ! Mentionnons simplement que dans la ville universitaire allemande vivaient alors Hilbert, Planck et bien d’autres d'autres savants, alors que régnaient entre l’Allemagne et la France, sur fond de guerre et de revanche, des rivalités d’un autre âge. Einstein qui eut en 1905 son année merveilleuse et qui vivait encore à Princeton en 1953 fait bien sûr le lien entre les deux récits, dont le lecteur comprend finalement l’intrication… Pour ses débuts, Jérôme Legras embrasse et développe avec brio des histoires, policières ou scientifiques, même si parfois il a tendance à en faire un peu trop. Il garantit que “Tous les faits historiques ici relatés sont réels”,” ce qui constitue une admirable tautologie et dans une post-face d’une dizaine de pages, la conjuration elle-même est présentée comme tout à fait vraisemblable, ce qui reste fort contestable au plan historique. Mais on aura passé d’excellents moments à l'évocation de la petite histoire et de la grande Physique. Coquetterie littéraire, nos deux auteurs donnent souvent à leurs héros ou héroïnes les noms de grands savants, réels ou à peine déformés – Wien, Shannon, Barlowe, Michelsen. Cet artifice ajoute aux connaissances variées que Mark Elsberg et Jérôme Legras mobilisent pour mieux contextualiser leur récit. Mais au delà de la vraisemblance scientifique, les trames restent classiquement policières, avec les ressorts usuels du genre. Q B. Ay A.


ENSEIGNEMENT & RECHERCHE

Conception, gestation et naissance d’une nouvelle école : Télécom Bretagne + Mines Nantes = IMT Atlantique Paul Friedel Ancien directeur de Télécom Bretagne Directeur d’IMT Atlantique Bretagne Pays de la Loire En novembre 2013, le ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique, par la voix du vice-président du Conseil général de l’économie, a demandé à Anne Beauval et Paul Friedel, directeurs des écoles Mines Nantes et Télécom Bretagne dont il exerce la tutelle, d’engager une pré-étude en vue d’un rapprochement structurel fort de ces deux écoles. Cette demande faisait suite à des discussions préliminaires entre les deux directeurs, avec l’appui de la direction générale de l’Institut Mines-Télécom, qui les avaient conduits à proposer cette évolution pour leurs écoles. Au 1er janvier 2017, le décret modificatif de l’Institut Mines Télécom officialise la fusion entre les deux écoles pour donner naissance à un nouvel acteur, IMT Atlantique Bretagne Pays de la Loire. Cette date, hautement symbolique, n’est toutefois qu’une étape dans une construction qui se poursuivra sur les années à venir. Cet article retrace le cheminement parcouru, les raisons de ce choix, les joies, les douleurs et les ambitions. Il ouvre aussi une perspective en aval sur la route, si on peut le dire ainsi, puisqu’il s’agit plutôt de gravir une montagne que de glisser dans la mer ! En apparente contradiction avec les politiques de sites prônées par les jacobins de la République, cette école multi-site possède une forte ambition d’attractivité, de modernisme et de capacité à se transformer et à transformer les territoires, divers, distants et dynamiques où elle est implantée. La genèse d’un projet Dans une France qui s’interroge sur ses modèles d’enseignement supérieur et de recherche et dans un monde où les besoins de formation sont rapidement croissants, le statu quo pour les écoles créées en nombre dans la deuxième moitié du XXe siècle constituerait une prise de risque importante. Nos écoles doivent développer une plus grande visibilité internationale, ainsi qu’un positionnement de premier plan sur la scène nationale. Dans le peloton de tête de ces écoles, le caractère généraliste au sens du choix offert à l’étudiant entrant après deux ou trois années de préparation (classes préparatoires aux grandes écoles ou licence 3, ou encore DUT pour les formations en alternance) est un critère d’attractivité majeur. Le facteur géographique et en particulier l’éloignement de la capitale, jouent aussi dans le choix des étudiants, qu’ils soient français ou étrangers. En 2012, le ministère de l’Économie, de l’industrie et du numérique a choisi de concentrer toutes ses écoles en un seul institut, l’Institut Mines-Télécom, de façon à créer un établissement puis-

sant, acteur du développement économique régional et national et fédérateur d’écoles proches des entreprises, fondées sur une activité de recherche de haut niveau et formant des ingénieurs de qualité. Cette concentration se conduit par étapes avec dans un premier temps la création d’un établissement à caractère scientifique culturel et professionnel auxquelles les écoles des Mines ont été initialement rattachées, avant de l’intégrer au 1er janvier 2017. Il en a découlé le premier institut national de formation d’ingénieurs dont les missions sont largement consacrées au dynamisme économique de notre pays. Cet institut est un réseau d’écoles au fonctionnement très autonome et en prise forte avec leurs territoires d’implantation. En 2013, la loi Fioraso a conduit à créer des regroupements de sites, les communautés d’établissements et d’universités (Comue) dont l’archétype doit être Paris-Saclay. Dans le contexte de cette volonté du ministère de l’Education nationale et de l’enseignement supérieur et de la recherche (MENESR), la Comue Université Bretagne-Loire a vu le jour, avec sept universités et 15 grandes écoles dont Télécom Bretagne et Mines Nantes. Dès 2012, il était apparu important de placer les deux écoles dans une dynamique de développement cohérent avec la direction pointée par l’Institut Mines-Télécom au plan national et le rôle éminent que nous souhaitions jouer au plan régional et international. Nous avions en particulier conscience que les dynamiques de progression de Télécom Bretagne et Mines Nantes risquaient à moyen terme de les mettre en concurrence entre elles, quand elles avaient au contraire beaucoup à gagner en termes d’attractivité en jouant de concert. Par ailleurs, et même si ce n’était pas une motivation à l’origine, nous avons progressivement pris conscience de la taille qu’une école issue de notre fusion pourrait atteindre et des nouvelles ambitions qui nous seraient alors ouvertes. Enfin, nous avons très rapidement réalisé que les filières industrielles avec lesquelles nous travaillons le plus étroitement étaient, elles-aussi, en train de converger et d’exprimer des besoins en termes d’hybridation de compétences. C’est ainsi que, malgré la distance séparant Nantes de Brest, nous avons proposé d’étudier les options d’un rapprochement. Tel est le projet que nous avons conduit depuis 2013 à la demande de la tutelle, le Conseil général de l’économie, et de la direction générale de l’Institut Mines-Télécom. Ce projet a connu trois phases majeures : s L ÏTUDE D OPPORTUNITÏ ET D OPTIONS DE DURÏE COURTE ALLANT DE novembre 2013 à mars 2014 ;

REE N°1/2017 Z 139


ENSEIGNEMENT & RECHERCHE

Brest

Nantes

Rennes

Figure 1 : Les trois campus de l’IMT Atlantique Bretagne Pays de la Loire. s L ÏTUDE DE FAISABILITÏ DE LA FUSION DES DEUX ÏCOLES DE MARS Ì s L ÏTUDE DE FAISABILITÏ DE LA FUSION DES DEUX ÏCOLES DE MARS Ì mars 2015 ; s LE PROJET DE CONSTRUCTION DE CETTE NOUVELLE ÏCOLE DE MARS Ì s LE PROJET DE CONSTRUCTION DE CETTE NOUVELLE ÏCOLE DE MARS Ì septembre 2018 avec l’étape majeure de création administrative au 1err janvier 2017 que nous venons de franchir. L’ambition de l’École Partant du constat que nos deux écoles, avec des histoires récentes mais denses et différentes, convergeaient en termes d’attractivité au sein des classes préparatoires aux grandes écoles, au risque de devenir potentiellement concurrentes, nous nous sommes donné un objectif pour la formation emblématique d’ingénieurs généralistes : construire une seule et même formation d’ingénieur avec un recrutement sur le seul concours Mines Ponts et un seul diplôme. Il s’agit d’une ambition forte, car il est très rare que des fusions d’écoles d’ingénieurs se traduisent de manière concomitante par une telle évolution de leurs formations phares. Cela revenait à gommer des différences historiques, les deux écoles recrutant à ce jour sur deux concours différents et conduisant de ce fait à deux diplômes différents. Dans un premier temps les masters, mastères spécialisés et diplômes de doctorat délivrés par les écoles d’origine ne seront pas affectés. La date de complétion du projet est celle de l’intégration de la première promotion recrutée sur le seul concours commun Mines-Ponts, soit septembre 2018. À cette date, les deux parcours historiques de Télécom Bretagne et de Mines Nantes seront mis en extinction et le nouveau parcours d’IMT Atlantique démarrera. Le cursus de cette nouvelle promotion fait l’objet de toutes les attentions de l’ensemble de l’École. L’architecture, entièrement renouvelée, s’ouvrira sur un tronc commun à spectre thématique large, confirmant l’appellation « généraliste » de l’École. Elle conduira ensuite à des thématiques d’approfondissement d’une année dont les choix permettront une spécialisation suffisante pour maintenir la réputation de nos diplômés, ingénieurs à la fois de haut niveau scientifique et technique et à fort potentiel d’évolution au sein des entreprises. Une attention particulière sera apportée aux sciences humaines et de gestion, à la responsabilité sociétale, aux langues et à l’interculturel. La formation à l’entreprise et à l’entrepreneuriat sera présente dans tout le cursus

140 Z REE N°1/2017

et, dès la première année, des expériences telles que le « parcours d’excellence par la recherche » pour les élèves ingénieurs seront valorisées. Au travers de différents groupes de travail et avec l’appui des conseils de programmes ouverts à nos parties prenantes externes ou des conseils d’École ou d’administration, cela a conduit à une vision synthétique :

Cette vision nourrit un profil d’ingénieur, acteur responsable du changement du monde. Dans un monde en constante mutation, au cœur des questions scientifiques, technologiques et économiques, l’ingénieur IMT Atlantique aura pour ambition d’agir et de relever les défis des transitions numérique, énergétique et environnementale en affirmant sa responsabilité sociétale. Cette triple transition affecte toutes les activités humaines. L’ingénieur en sortie d’école pourra donc trouver sa voie dans une très grande variété de domaines : santé, ville intelligente, transports, industrie, etc. Il s’appuiera pour cela sur sa vision d’ensemble, sa connaissance des systèmes complexes fortement interconnectés, sa capacité à innover, ainsi que son aptitude naturelle à travailler en réseau dans un environnement interculturel. La vision se déclinera dès lors en une ambition en termes de visibilité, de positionnement, d’exemplarité avec un fonctionnement agile, interactif et multi-site et en termes de qualité des relations avec les entreprises, d’attractivité internationale ou de responsabilité sociétale. L’objectif est de créer un pôle d’ingénierie d’excellence, lequel pourra d’ailleurs se renforcer par d’autres partenariats à l’avenir comme l’atteste la convention qui nous lie depuis le 2 février à l’ENSTA Bretagne. Ce pôle continuera à collaborer de façon très constructive comme nos écoles l’ont toujours fait avec les autres acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur le territoire et au-delà. En particulier les relations fortes avec les écoles associées à l’IMT, l’ENIB (Brest) et l’ENSATT (Lannion) se renforceront. Les col-


LIBRES PROPOS

Préambule

L’électricité en panne Depuis 10 ans la consommation d’énergie électrique en France ne croît plus et a même plutôt tendance à décliner. Pourtant, comme l’exemple de la Suède le montre, la pénétration de l’électricité est loin d’avoir atteint en France son seuil de saturation. Cette situation n’est pas un signe de vitalité économique et crée une situation paradoxale dans laquelle on continue de construire à un rythme très soutenu des moyens nouveaux de production d’électricité d’origine éolienne et solaire alors que la demande correspondante n’est pas là. Il s’ensuit un dérèglement des marchés et un assombrissement des perspectives de développement des énergies renouvelables pour lesquelles l’énergie électrique reste de loin le vecteur privilégié. Deux spécialistes donnent, sous forme de Libres Propos, leurs points de vue sur les origines de cette situation et sur les moyens d’y remédier : s *EAN 0IERRE (AUET ANCIEN RAPPORTEUR GÏNÏRAL DE LA COMMISSION DE L ÏNERGIE DU 6))e plan et rédacteur en chef de la REE, pense que le carcan réglementaire dans lesquels ont été enfermés les usages de l’électricité, explique pour une large part la situation. s 'ILLES "ELLEC )NGÏNIEUR GÏNÏRAL DE MINES ET ANCIEN DIRECTEUR DU GAZ ET DE L ÏLECTRICITÏ PENSE QUE LES structures tarifaires actuelles sont défavorables à un nouvel essor de l’électricité. Les deux analyses ne sont pas antinomiques. Le lecteur pourra se faire une idée du poids relatif à donner à chacune d’elles. La REE sera heureuse de publier les contributions qui pourraient nous être apportées sur ce thème.

© AFP/Frederick Florin

© EDF

La rédaction

LES ARTICLES

Consommer de l’électricité serait-il devenu un péché ? Par Jean-Pierre Hauet ....................................................................................................................... p. 147 Electricité et développement. Frein ou levier ? Par Gilles Bellec ................................................................................................................................... p. 151

146 Z REE N°1/2017


PROPOS

LIBRES

Consommer de l’électricité serait-il devenu un péché ? Jean-Pierre Hauet Rédacteur en chef de la REE

I

core davantage, on doit tenir compte du déclassement de quelques centrales à combustibles fossiles mais il faut aussi intégrer le raccordement espéré à échéance

l y a quelque chose qui ne tourne plus rond dans

rapprochée de la grande centrale de Flamanville. Clai-

la programmation des grands investissements

rement l’équilibre du réseau n’appelait pas des inves-

électriques. Pendant des décennies, EDF a enga-

tissements aussi massifs, pour autant d’ailleurs que les

gé ses programmes d’investissement, sous l’œil

centrales à production intermittente puissent contribuer

vigilant de sa tutelle, en fonction des besoins que l’éta-

à sa stabilité et ne soient pas davantage des éléments

blissement estimait avoir à satisfaire. Chacun pouvait se

du problème que de sa solution. Par ailleurs, comme

tromper mais la démarche était celle d’une adaptation

le mix électrique français est depuis longtemps grâce

permanente de l’offre à la demande avec des regards

à l’hydraulique et au nucléaire quasiment totalement

prévisionnels croisés qui permettaient d’éviter des er-

décarboné, l’utilité environnementale de ces investisse-

reurs trop grossières. C’est ainsi que ce sont construits

ments ne saute pas aux yeux.

les grands programme hydrauliques puis nucléaires.

Les programmes d’investissement sont à présent décrétés mais la demande ne suit pas

Il demeure qu’ils représentent quelque 80 à 100 Mds F1 que l’on a mis d’office pour 20 ans à la charge du consommateur par le canal de la CSPE2 transformée récemment en TICFE3. On a en quelque sorte obligé le consommateur à s’endetter pour financer un

Les temps ont changé : les programmes d’inves-

investissement dont il ne tire pas avantage. On sait par

tissement se décident à présent par décret dans le cadre

ailleurs le désordre qu’a créé sur les marchés de l’électri-

de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE)

cité, l’arrivée massive d’une électricité d’origine renouve-

qui détermine par exemple qu’il convient de disposer

lable développée dans un cadre administré.

en 2023 de 18 200 à 20 200 MW de photovoltaïque et de 21 800 à 26 600 MW d’éolien terrestre. Les appels d’offre puis les réalisations s’enchaînent avec

Il n’y a pas lieu de se réjouir de la baisse des consommations d’électricité Le diagnostic est cependant plus grave que celui

l’obligation pour les opérateurs historiques d’absorber les productions qui en résultent. Ce processus, étonnamment dirigiste, se com-

d’une grosse erreur de programmation dont les effets pourraient s’estomper avec le temps. Le problème de

prendrait s’il y avait urgence et si l’équilibre du réseau

fond est celui du recul des consommations d’électri-

électrique imposait que l’on engageât, par des procé-

cité. Certains s’en réjouissent au nom de la recherche

dures exceptionnelles, des investissements jugés indis-

permanente d’économies d’énergie, thème qui revient

pensables. Le problème est qu’il n’en est pas ainsi et la

DEPUIS PLUS DE ANS COMME UNE ANTIENNE DE LA PO-

figure 1 illustre une réalité bien différente :

litique énergétique et qui conduit à considérer toute

s D UN CÙTÏ -7 DE SOLAIRE PHOTOVOLTAÕQUE ET

réduction des consommations d’énergie comme un

d’éolien ont été mis en service en 10 ans à la fin 2016

progrès. Comme si l’énergie, et l’électricité en parti-

cependant que 12 250 MW additionnels se trouvent

culier, étaient devenues des substances toxiques dont

en instance de raccordement à la même date ;

il faudrait se garder. En ces périodes où la croissance

s DE L AUTRE ET PENDANT LA MÐME PÏRIODE LA CONSOMMA-

économique piétine et où malheureusement beau-

TION D ÏLECTRICITÏ N A PAS AUGMENTÏ ET A MÐME PLUTÙT décliné.

1

Selon la Cour des comptes, le programme nucléaire français a coûté, tous frais compris, 101 Md F 2015.

Pour justifier des engagements qui atteignaient à la

2

fin 2016 30 650 MW et qui sont amenés à croître en-

Contribution au service public de l’électricité.

3

Taxe intérieure sur les consommations finales d’énergie électrique.

REE N°1/2017 Z 147


PROPOS

LIBRES

Figure 1 : Evolution comparative de la consommation intérieure brute d'électricité en France et des investissements engagés dans les domaines de l'éolien et du photovoltaïque. coup de nos concitoyens en situation de précarité sont

usagers ? Nous ne le pensons pas. Il faudrait mener une

amenés à rogner sur leurs dépenses d’énergie, on

enquête plus précise mais il nous semble que cette

ferait mieux d’admettre que la consommation d’éner-

absence de dynamique trouve son origine dans trois

gie est indispensable à la croissance et au bien-être

raisons majeures.

des populations et que ce qui doit être recherché, en dehors des périodes de rationnement, c’est l’efficacité énergétique et non pas la réduction des consommations ex abrupto.

Une approche commerciale trop hésitante La première est qu’EDF, pour différentes raisons, dont sans doute la nécessité de faire profil bas au moment où

Notre propos n’est pas par ailleurs de contester le

il doit faire face à de grosses difficultés sur différents

bien-fondé de développer les énergies renouvelables

fronts, ne se sent pas en état à promouvoir les usages

afin de diversifier, de façon non carbonée, notre mix

de l’électricité comme il le faisait auparavant. Il est vrai

énergétique – pour autant qu’on le fasse sans excès et

qu’il n’est pas facile d’expliquer à l’opinion que l’on doit

sans précipitation. Mais on sait, par expérience, que le

à la fois réduire la part du nucléaire comme le veut la

développement des énergies renouvelables par d’autres

loi sur la transition énergétique et élargir le marché de

vecteurs que l’énergie électrique, ne conduit qu’à des

l’électricité. EDF subit sur ce point le choc en retour de

résultats limités, qu’il s’agisse de l’utilisation thermique

l’approche commerciale des années 1980-1990 où la

directe de la chaleur solaire, de la filière des biocarbu-

promotion de l’électricité allait de pair avec celle du nu-

rants, de la méthanisation ou de la production hydrogène.

cléaire qui était à l’époque plus populaire qu’aujourd’hui.

Si les usages de l’électricité ne se développent pas,

L’assimilation de l’électricité au nucléaire s’est ancrée

les énergies renouvelables ne se développeront pas.

dans les esprits et est à présent volontairement entrete-

Constater de façon durable un recul des consom-

nue par les lobbies antinucléaires. Comme on évite de

mations d’électricité est donc un mauvais signal aussi

parler du nucléaire – un sujet qui clive – on ne parle pas

bien du point de vue de la croissance et du mieux-vivre

non plus de l’électricité.

que de la mise en valeur des ressources énergétiques renouvelables.

Des concurrents de la grande société nationale l’ont bien compris, qui se sont approprié le concept d’électricité verte, concept qui objectivement ne

Comment on est-on arrivé à cette situation ?

veut rien dire, mais qui retient l’attention et génère

Considérée jadis comme un vecteur de progrès

la sympathie. En tant qu’électricien le moins carboné

économique et social, comme le moyen d’améliorer

d’Europe, EDF ne manquerait pourtant pas d’argu-

la santé, le bien-être et le confort, comme un passage

ments pour construire elle aussi une campagne de

quasi-obligé de la modernisation de l’appareil industriel,

promotion de l’électricité s’appuyant sur la protection

l’électricité soufrerait-elle d’un désamour de la part des

de l’environnement.

148 Z REE N°1/2017


PROPOS

LIBRES

Une fiscalitÊ devenue pÊnalisante pour l’ÊlectricitÊ

la notion de consommation d’Ênergie primaire est patent, car comment parler de consommation d’Ênergie primaire,

La deuxième raison est ďŹ scale. Au ďŹ l des annĂŠes, la

censĂŠe correspondre, selon la dĂŠďŹ nition qu’en donne le

CSPE est venue lourdement grever le prix de l’ÊlectricitÊ

ministère, au prĂŠlèvement ÂŤ d’Ênergies fournies par la

et les taxes reprÊsentent aujourd’hui plus de 37 % du

nature  lorsqu’il s’agit d’Ênergies renouvelables, gratuites

prix rendu consommateur domestique. La situation est

et inÊpuisables ? En outre, la consommation d’Ênergie pri-

quelque peu ubuesque : on favorise le dĂŠveloppement

maire n’a aucun rapport avec la consommation ďŹ nale que

d’importants moyens de production d’ÊlectricitÊ d’origine

le consommateur peut piloter et dont il connait le coĂťt.

renouvelable mais on taxe simultanĂŠment son usage. Les

Les effets sont là : aujourd’hui 75 % des logements

rĂŠformes adoptĂŠes par le Parlement en 2015 et 2016 ont

neufs sont chauffĂŠs au gaz et le resteront pour des dĂŠcen-

conduit Ă fusionner la CSPE avec la TICFE et Ă plafonner

nies alors qu’ils Êmettent des quantitÊs de CO2 par m2 in-

cette dernière Ă 22,5 F/MWh. Le compte d’affectation

compatibles avec les objectifs ďŹ xĂŠs pour 2050. La situation

spÊciale transition ÊnergÊtique n’est plus, budgÊtaire-

ne va pas à s’en amÊliorant, l’expÊrimentation lancÊe en

ment parlant, alimentĂŠ depuis le 1er janvier 2017 par la

novembre 2016 pour prĂŠďŹ gurer le logement Ă haute per-

CSPE, mais par les taxes pesant sur les ĂŠnergies fossiles,

formance ÊnergÊtique et environnementale de l’horizon

TICC (charbon) et TICPE (carburants). La TICFE (nouvelle

2018-2020, ignore les orientations de la loi sur la transition

CSPE) est rÊintÊgrÊe dans le budget de l’Etat mais son

ÊnergÊtique et reste calÊe sur la notion d’Ênergie primaire.

montant subsiste (22,5 F/Mh) et reste trop ĂŠlevĂŠ et trop

Les dispositions aujourd’hui retenues font qu’aucune so-

pÊnalisant pour l’ÊlectricitÊ en l’absence d’un prix du CO2

lution ĂŠlectrique ne peut atteindre les seuils de qualiďŹ ca-

sufďŹ samment dissuasif quant Ă l’usage des ĂŠnergies fos-

tion ĂŠnergĂŠtique dans des conditions ĂŠconomiquement

siles. Par ailleurs, le nouveau rĂŠgime ďŹ scal de la TIFCE la

compĂŠtitives. Les solutions de pompe Ă chaleur ou de

DISPENSE DE L AVIS DE LA #2% CE QUI VA ÙTER DE LA VISIBILIT�

radiateurs Ă inertie Ă haute performance se trouvent ainsi

sur le dispositif et peut-être aussi, pour l’avenir, la priver

condamnĂŠes sauf dans les zones non desservies en gaz.

d’un ÊlÊment de rÊgulation.

On connait Êgalement le DPE, ou diagnostic de performances ÊnergÊtiques, qui retient deux critères de

Une rÊglementation dÊfavorable à l’ÊlectricitÊ

caractÊrisation des bâtiments : la consommation en Ênergie primaire et les Êmissions de CO2. La consomma-

La troisième raison, et sans soute la plus importante,

tion d’Ênergie primaire est afďŹ chĂŠe en couleurs vives :

tient au dĂŠveloppement au ďŹ l des annĂŠes d’un appareil nor-

vert, jaune, rouge. Les ĂŠmissions de CO2 sont rarement

matif qui entrave le dĂŠveloppement de l’ÊlectricitĂŠ de façon

afďŹ chĂŠes et quand elles le sont, c’est sous forme d’un

insidieuse mais dÊvastatrice. Il s’agit gÊnÊralement de me-

CAMAÕEU DE MAUVES PLUTÙT RASSURANT )L VA SANS DIRE QUE

sures rĂŠglementaires qui se sont accumulĂŠes depuis plus

les logements chauffÊs à l’ÊlectricitÊ sont tous grevÊs

d’une dÊcennie alors même que la loi ne les imposait pas.

dans ce système, avec le coefďŹ cient 2,58, d’une très

Citons en quelques-unes.

mauvaise cotation ĂŠnergĂŠtique qui les place aux niveaux

Il y a bien sÝr et en premier lieu l’utilisation abusive du

F ou G, alors que leurs performances intrinsèques en

concept d’Ênergie primaire qui consiste Ă affecter un coefďŹ -

termes d’isolation thermique sont excellentes et que

cient multiplicateur de 2,58 Ă tout kWh ĂŠlectrique consom-

leurs ĂŠmissions de CO2 sont des plus faibles

mÊ lorsqu’il s’agit d’Êvaluer les performances ÊnergÊtiques

Diverses dispositions s’appuient sur le DPE pour inci-

d’un système ĂŠnergĂŠtique, bâtiment ou ĂŠquipement. Ce

ter les maitres d’ouvrage à rendre leur patrimoine plus

coefďŹ cient, qui date de1972 et n’a jamais ĂŠtĂŠ revu depuis,

performant. En application de la loi sur la transition ĂŠner-

est un coefďŹ cient d’Êquivalence conçu Ă l’Êpoque pour re-

gÊtique, les bâtiments rÊsidentiels privÊs de classe F ou

grouper dans une mĂŞme statistique le charbon, le pĂŠtrole

G devront impÊrativement faire l’objet d’une rÊnovation

et le gaz. L’administration en a fait depuis un indicateur rÊ-

ĂŠnergĂŠtique avant 2025. Pour se mettre en conformitĂŠ

glementaire d’efďŹ cacitĂŠ ĂŠnergĂŠtique qui pĂŠnalise considĂŠ-

avec la loi, il leur sufďŹ ra de passer au gaz ce qui n’amĂŠ-

rablement les solutions ĂŠlectriques, pour le chauffage des

liorera pas leurs caractĂŠristiques thermiques et ira dans

bâtiments notamment. Pourtant, avec le dÊveloppement

le sens inverse de la dĂŠcarbonation souhaitĂŠe. Il en va

des Ênergies renouvelables, le caractère inappropriÊ de

de mĂŞme pour les logements HLM individuels mis Ă la

REE N°1/2017 Z 149


PROPOS

LIBRES

vente et qui, en application d’un décret du 28 décembre

totalement neutre sur ce sujet : l’ATRD5 (tarif péréqué

2015, doivent impérativement afficher une performance

d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz

minimale de niveau E et pour lesquels le passage au gaz

naturel) approuvé en mars 2016 conserve une rubrique

constituera donc la solution la plus facile.

de « régulation incitative du développement du nombre

Des aberrations analogues se retrouvent dans les condi-

de consommateurs raccordés aux réseaux de gaz » alors

tions d’accès à certains financements supposés être ciblés

que rien de similaire n’existe dans le domaine de l’électri-

sur la rénovation énergétique mais qui conduisent, de fait,

cité dans les tarifs réglementés du TURPE.

au remplacement de l’électricité par le gaz sans que soient nécessairement engagés des travaux d’isolation.

Réhabiliter la consommation d’électricité

On pourrait également citer toutes les démonstra-

Il faut sortir de cette situation où consommer de l’élec-

tions faites pour tenter d’établir par des raisonnements

tricité est regardé comme un péché. Bien sûr certains font

spécieux dignes de Diafoirus que les kWh utilisés à des

valoir que les usages de l’électricité dans les transports

fins thermiques engendrent des quantités considérables

vont se développer. Certes, mais il faut resituer les ordres

d’émissions de CO2. Le kWh a beau être quasiment

de grandeur. Il y a aujourd’hui quelque 120 000 véhi-

complètement décarboné à la production, il ne le serait

cules électriques ou hybrides rechargeables en France qui

pas à l’utilisation. Calculs académiques sans importance,

consomment quelque 0,25 TWh. Peut-être y en aura-t-il

pensera-t-on. Mais non, le contenu en carbone du kWh

vers 2020, 1 million mais ceci ne représentera guère que

se retrouve dans de plus en plus d’évaluations et de

2 TWh de consommation additionnelle. Le compte n’y

réglementations et il n’est pas normal que l’avantage

est donc pas si l’on veut donner à l’électricité d’origine

évident du kWh électrique en matière de décarbonation

renouvelable un débouché à la hauteur des ambitions de

de l’économie se trouve ainsi mis en cause.

développement qu’on lui accorde.

Il faudrait aussi citer le mécanisme des certificats d’éco-

C’est bien la consommation d’électricité dans son

nomie d’énergie qui fait obligation aux vendeurs de pro-

ensemble qu’il faut réhabiliter. Cela passe par la prise de

duits énergétiques de favoriser les opérations d’efficacité

conscience du problème au niveau politique afin que les

énergétique afin d’être en mesure de rassembler, sous

impulsions soient données pour que l’action réglemen-

peine de pénalités, un montant minimum de certificats

taire s’organise désormais autour des deux seuls grands

d’économie d’énergie (CEE). Chaque « obligé » est ainsi

critères qui valent :

tenu d’exposer à la fin de chaque période triennale un

s LA RÏDUCTION DES ÏMISSIONS DE #/2 d’une part ;

minimum de certificats qui sont exprimés en kWh cumulés ou kWh d’énerr gie finale cumac. Ce mécanisme e

QUI VA ENTRER DÏBUT DANS SA

période devient à la longue très malthusien en matière de consommation

s L AMÏLIORATION DE L EFlCACITÏ ÏNERGÏ-

Jean-Pierre Hauet est ingénieur au corps des Mines. Il est associate partner de KB Intelligence. Au cours de sa carrière, il a été adjoint au délégué général à l’Energie et rapporteur général de la Commission

tique, caractérisée par la consommation d’énergie finale à service rendu donné, d’autre part. L’action réglementaire ne doit pas entraîner de biais dans les choix énerr

de l’énergie du 7e Plan. Entré dans

gétiques ou technologiques au-delà

obligés des obligations beaucoup plus

le groupe de Compagnie générale

des incitations explicitement prévues

sévères pour l’électricité que pour les

d’électricité (CGE), il a occupé différents

par la loi. Peut-être faudrait-il aller

autres formes d’énergie (typiquement

postes de responsabilité dont la direcc

plus loin et adopter, par voie légis-

0,238 kWh cumac par kWh électrique

tion de Novelerg, spécialisée dans les

lative voire même sous forme d’un

vendu contre 0,153 kWh cumac par

énergies nouvelles, puis celle du centre

amendement à la Charte de l’Envi-

kWh gaz vendu) sans aucune justifica-

de recherches de Marcoussis. Il a dirigé

ronnement, le principe selon lequel

tion rationnelle.

la branche Produits et Techniques de

« Aucune disposition législative ou

Même la Commission de régu-

Cegelec et a été Chief Technology Offifi

réglementaire ne saurait avoir pour

lation de l’énergie (CRE) n’est pas

cer du groupe ALSTOM. Il est membre

effet d’entraîner de façon directe ou

d’énergie mais surtout il impose aux

4

NDLR : Voir article invité de Stéphane Signoret et Daniel Cappe dans la REE 2015-4.

150 Z REE N°1/2017

émérite de la SEE, conseiller scientifique de l’association Equilibre des Energies et rédacteur en chef de la REE.

indirecte un accroissement des émissions de gaz à effet de serre ». Q


LIBRES

PROPOS

Electricité et développement. Frein ou levier ? Gilles Bellec Ingénieur général des mines

du marché européen ne représente qu’une partie de plus en plus marginale du coût total. Seul le prix final, à l’endroit où l’on habite, importe.

L’électricité, un système orphelin couvert de dettes

L

La demande en énergie électrique stagne en France car l’électricité est devenue trop chère. Ceci s’explique

’électricité est bien plus qu’un simple service

en partie par les taxes, en partie par la baisse des prix

qu’on achète et qu’on vend. Elle est devenue

des fossiles. De plus, pour les usagers, le prix devient

indispensable au fonctionnement de tous

illisible et imprévisible. Plus personne ne fait la promo-

les objets et à la communication entre les

tion de l’électricité, la substitution est arrêtée, la transition

hommes. S’agit-il d’un bien commun ? On peut l’affirmer

plafonne. Du coup, les émissions carbonées globales se

tant il est impossible d’imaginer la vie en société sans

maintiennent à des niveaux qui pourraient être fortement

électricité, comme on ne l’imagine pas non plus sans

diminués, car la filière électrique offre des options à zéro

langage commun ou sans monnaie.

émission et que, la plupart du temps, l’électricité est plus

En France, depuis que la gestion du système élec-

efficace que la combustion directe énergie des fossiles.

trique a été retirée à EDF, ce bien commun est devenu

L’électricité, facilitateur des échanges, est en train de

orphelin. Sa tutelle a été dispersée entre une myriade

devenir un frein pour l’économie et un luxe pour les

d’acteurs répartis aux niveaux européen et français. Mais

usagers, tant elle est pénalisée. Elle l’est aussi par des

c’est un orphelin sans conseil de famille. En France, l’or-

régulations contraignantes qui ne sont pas évoquées ici.

phelin a été détourné de ses objectifs premiers.

Pour le prix, l’avenir est sombre car des engagements

L’électricité peut être considérée comme le marqueur

considérables ont été pris dans le canal de la CSPE1.

premier pour évaluer l’état de modernisation d’une éco-

Certes, ces engagements ne sont pas comptés dans la

nomie. La fiabilité et le prix de l’électricité déterminent la

dette maastrichtienne. Ils sont néanmoins bien réels.

qualité de la vie quotidienne et le niveau de l’emploi. Et

Une mise en perspective illustre cette évolution.

c’est le seul vecteur de l’énergie sans émissions de CO2

Alors que la dette publique française passait de 1 000 à

(nucléaire et ENR).

2 000 MdF en 10 ans, les engagements cumulés de la

Pourtant, en France, la croissance en volume de

CSPE s’élevaient déjà à plus de 100 MdF. Si on place ce

l’électricité dans le bilan énergétique n’est plus un

chiffre dans son contexte, avec moins de 2 % de valeur

objectif des responsables publics. Sur les trois décen-

ajoutée dans le PIB, la filière de production et distribu-

nies allant de 1985 à 2015, l’électricité avait beaucoup

tion de l’électricité a ajouté à elle seule de l’ordre de

progressé, passant de 15 % de notre demande d’éner-

10 % à la dette publique, soit un déséquilibre cinq fois

gie finale à 25 % en 2015. Mais cette dynamique s’est

plus rapide que le reste de l’économie publique.

essoufflée. La croissance annuelle est passée de 0,6 %

Si un jour les régulateurs financiers prennent con-

POUR LA PREMIÒRE DÏCENNIE Ì ENSUITE PUIS

science de ces engagements électriques hors bilan et

dans la dernière décennie, et ce taux n’augmente plus.

les réintègrent dans la dette publique, la trajectoire éco-

La Suède, avec un taux de 35 %, montre le potentiel qui

nomique du système électrique finira par apparaitre ce

reste accessible.

qu’elle est devenue : insoutenable.

Progressivement, et clairement depuis 2008, le niveau du prix de l’électricité n’est plus une préoccupation de premier rang. Dans les objectifs pris en compte par l’Union européenne, peu importe que le coût soit élevé du moment que le prix du marché de gros européen de l’électricité soit unifié. Pourtant, ce qu’on appelle le prix

1

Contribution au service public de l’électricité. Prélèvement de nature fiscale sur les consommateurs d’électricité en France, destiné à dédommager les opérateurs des surcoûts engendrés par les obligations de service public qui leur sont imposées, notamment au titre de l’obligation d’achat de l’énergie électrique d’origine renouvelable.

REE N°1/2017 Z 151


PROPOS

LIBRES

Pourtant le retour de la ďŹ lière ĂŠlectrique sur une trajectoire de rationalitĂŠ ĂŠconomique est possible et prĂŠsente un intĂŠrĂŞt multiple : environnement, pouvoir d’achat, emploi.

le faire face Ă l’incapacitĂŠ de ses voisins Ă absorber ses futurs excĂŠdents de production. Pour la demande, stimuler le dĂŠveloppement de solutions favorables Ă l’environnement et Ă l’emploi est possible. Dès maintenant, le confort des logements est bridĂŠ

Les prix de dĂŠtail trop ĂŠlevĂŠs rĂŠsultant de la surcapacitĂŠ sont devenus punitifs

par un dĂŠveloppement insufďŹ sant des pompes Ă chaleur (logements neufs et retroďŹ tting du chauffage ĂŠlectrique

Comme EDF n’est plus chargĂŠe du système ĂŠlec-

direct) et du conditionnement en ĂŠtĂŠ. Dans un second

trique dans son ensemble, personne ne peut lui repro-

temps, les vĂŠhicules ĂŠlectriques pourront prendre le re-

cher la dĂŠrive ĂŠconomique actuelle. Cette dĂŠrive rĂŠsulte

lais. Mais leur dĂŠveloppement sera trop lent pour rĂŠĂŠqui-

pour l’essentiel d’un dÊsÊquilibre entre offre et demande

librer la chaĂŽne ĂŠlectrique dans la dĂŠcennie Ă venir.

suite Ă la relance des investissements de production

Une baisse des prix est nĂŠcessaire.

sur des technologies immatures et coĂťteuses et Ă un

La prioritĂŠ porte sur la baisse des taxes (CSPE et

moment oĂš la crise de 2008 diminuait la demande. La

TAXES LOCALES VIA UN TRANSFERT VERS L IMPÙT G�N�RAL OU

sortie du nuclĂŠaire en Allemagne et le dĂŠveloppement

VERS UN IMPÙT CARBONE 4AXER L �LECTRICIT� EST UNE TENTA-

trop rapide des EnR auront coĂťtĂŠ de l’ordre de près de

tion Ă laquelle il est difďŹ cile de rĂŠsister, le rendement en

1 000 MdF à l’Êconomie europÊenne. Ceci a contribuÊ

Êtant excellent et la perception facile. Mais c’est un poi-

au dÊcrochage Êconomique de l’Union europÊenne par

r son pour l’Êconomie, car cela pèse sur la transition ĂŠner-

rapport aux Etats-Unis, d’autant plus que pendant ce

gÊtique, pÊnalise la uiditÊ des Êchanges Êconomiques

temps, aux Etats-Unis, la mise en production des gaz de

et au ďŹ nal dĂŠtruit de l’emploi.

schiste a conduit à une baisse du prix de l’Ênergie.

Pour dĂŠclencher des investissements nĂŠcessaires

En Europe, la demande d’ÊlectricitÊ n’augmente plus,

pour relancer la demande, la baisse du prix ďŹ nal de

les opÊrateurs se recentrent de façon dÊfensive sur

l’ÊlectricitĂŠ doit ĂŞtre signiďŹ cative. Pour ce faire, on peut

leurs marchĂŠs captifs : industriels, usagers tributaires

imaginer une prise en charge de la modernisation des

du chauffage Êlectrique direct, usages d’Êclairage et de

INFRASTRUCTURES DE R�SEAUX PAR L IMPÙT G�N�RAL COMME

communication.

r c’est le cas pour les rÊseaux routiers nationaux ou dÊpar-

Le manque de pilotage de la ďŹ lière orpheline a permis

tementaux. Affecter directement une partie de la ďŹ scalitĂŠ

sa subordination Ă des objectifs sectoriels spĂŠciďŹ ques et

carbone au renouvellement de l’Êquipement ďŹ nal chez

des intĂŠrĂŞts particuliers. La dĂŠsoptimisation globale est

les usagers se fait dĂŠjĂ pour les vĂŠhicules ĂŠlectriques.

agrante. L’excès d’offre subventionnĂŠe nourrit le dĂŠďŹ cit

L’ancienne vignette qui assurait la prise en charge des

de demande. Une spirale rĂŠgressive est lancĂŠe.

ÂŤ vieux Âť a ĂŠtĂŠ remplacĂŠe par un bonus/malus : l’achat des vĂŠhicules thermiques ne ďŹ nance plus la politique

Le rÊÊquilibrage par le haut nÊcessite d’inverser la politique fiscale sur l’Ênergie

gĂŠnĂŠrale mais directement les vĂŠhicules ĂŠlectriques. Le chauffage domestique qui offre un potentiel technique

La sous-utilisation du capital immobilisĂŠ dans le sys-

de substitution est encore plus important. En France, les

tème Êlectrique (production, rÊseaux, personnel, etc.)

ĂŠmissions carbonĂŠes du chauffage des concurrents de

est considÊrable. Pourtant, l’offre dÊjà surcapacitaire

l’ÊlectricitÊ sont spÊcialement peu taxÊes (le FOD et le

continue de recevoir de nouvelles aides d’Etat. Et la

gaz sont quatre fois plus taxĂŠs en Suède qu’en France

demande est bridĂŠe Ă la fois par les taxes et par une

par exemple).

tariďŹ cation orientĂŠe vers les coĂťts du passĂŠ au lieu d'ĂŞtre pilotĂŠe par ceux de l’avenir. Pour l’offre, le moyen le plus facile pour rĂŠduire les coĂťts est clairement la pause sur les aides d’Etat aux

Le pilotage de la demande passe par la mobilisation de l’intelligence dÊcentralisÊe

sources intermittentes. L’Espagne l’a fait avec brutalitÊ

Après des dÊcennies de relative stabilitÊ, des tech-

en 2012 face au risque de faillite du système Êlectrique,

nologies de rupture sont arrivÊes à maturitÊ, d’abord le

un cas unique au monde. L’Allemagne est en train de

nuclĂŠaire, il y a 50 ans, plus rĂŠcemment le photovol-

152 Z REE N°1/2017


Entre science et vie sociĂŠtale,

les ĂŠlĂŠments du futur Une publication de la

Edition/Administration : SEE - 17, rue de l’Amiral Hamelin - 75783 Paris cedex 16 TĂŠl. : 01 5690 3709/17 Site Web : www.see.asso.fr Directeur de la publication : François Gerin ComitĂŠ de rĂŠdaction : Bernard Ayrault, Alain Brenac, Patrice Collet, AndrĂŠ Deschamps, Jean-Pierre Hauet, Jacques Horvilleur, eur,, Marc Leconte,, Bruno Meyer y SecrĂŠtariat de rĂŠdaction : Alain Brenac, AurĂŠlie Courtoisier TĂŠl. : 01 5690 377717

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160 Z REE N°1/2017

DĂŠpĂ´t lĂŠgal : mars 2017

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