TRANSPORT ET DÉVELOPPEMENT URBAIN
CONGESTION, QUAND TU NOUS TIENS…
Paul Lewis Expert invité
Les automobilistes montréalais sont souvent exaspérés, ils n’en peuvent plus de la congestion. Il devient en effet souvent très compliqué de circuler dans les rues de la métropole. Les nombreux travaux routiers – notamment pour reconstruire l’échangeur Turcot – rendent encore plus pénible une situation qui était déjà difficile. Mais le véritable problème se trouve ailleurs, dans l’augmentation très rapide du nombre d’automobiles, qui va bien au-delà de la croissance démographique : dans les cinq dernières années uniquement, le nombre de véhicules de promenade a augmenté de près de 330 000 au Québec, avec les conséquences que l’on sait1.
La congestion s’aggrave d’année en année. Tous peuvent le constater : les bouchons sont plus nombreux, plus longs et surtout ils touchent de plus en plus de zones. Les chiffres sont là pour le démontrer. En 1998, le coût de la congestion était estimé à 953 M$ (de 2008)2. Dix ans plus tard, il avait doublé, pour s’établir à 1,9 G$ (de 2008). En 2018, ce coût avait encore doublé; selon la Communauté métropolitaine de Montréal, il atteindrait maintenant 4,2 G$ pour la région de Montréal3, sur la base d’une nouvelle étude, réalisée pour la ville de Laval4.
Paul Lewis est professeur à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, dont il a été doyen de 2014 à 2018 ; il est également chercheur à l’Observatoire Ivanhoé Cambridge du développement immobilier. Ses recherches portent principalement sur la mobilité, notamment celle des jeunes, de même que sur la planification et la gouvernance des services de transport.
62
La congestion est-elle pire à Montréal qu’ailleurs ? Il n’est pas facile de répondre à cette question. Inrix5 compare la congestion dans les grandes villes de 38 pays en estimant les heures perdues dans les bouchons. Selon Inrix, Los Angeles serait la pire ville au monde pour la congestion : les automobilistes y perdraient en moyenne 102 heures par année dans les bouchons. La perte de temps serait moitié moindre à Montréal, à peine 50 heures ; mais la métropole serait tout de même la ville qui présente le pire bilan au Canada. À Québec, où la congestion fait aussi enrager les automobilistes, la perte moyenne de temps dans les bouchons ne serait que de 28 heures par année ; une donnée qui permet de relativiser la pertinence d’un troisième lien entre Québec et Lévis…
L’impact des bouchons va bien au-delà des pertes de temps ; pour certains, la congestion signifie aussi qu’ils se déplaceront moins, et qu’ils ne pourront donc profiter pleinement de ce qu’une grande ville leur offre. La congestion pose aussi problème aux entre prises, qui voient augmenter leurs coûts de livraison et éprouvent des difficultés à attirer travailleurs et clients. Comme la congestion n’est pas répartie également sur le territoire, certaines entreprises sont plus touchées que d’autres. Aussi la congestion modifie-t-elle l’attractivité des différentes adresses et, sur le temps long, les choix de localisation des entreprises, notamment au profit de la banlieue, où vit une part croissante des travailleurs et des clients. Comparativement à d’autres villes nordaméricaines, Montréal est encore fortement caractérisée par la concentration des emplois dans la zone centrale, desservie par le métro, mais la déconcentration est en marche, tant sur le plan des emplois que sur celui des lieux de résidence. À long terme, cette déconcentration pourrait signifier que la congestion touchera un territoire encore plus vaste que celui observé aujourd’hui et qu’il sera difficile de proposer des solutions de remplacement.
1. Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) (2018). Bilan 2017. Dossier statistique. https://saaq.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/publications/espace-recherche/dossier-statistique-bilan-2017.pdf 2 . Les conseillers ADEC inc. (2014). Évaluation des coûts de la congestion routière dans la région de Montréal pour les conditions de référence de 2008. Ministère des transports du Québec. http://www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1165444.pdf 3. Kathleen Lévesque (2018) (13 septembre). « Les coûts de la congestion évalués à 4,2 milliards pour 2018 ». La Presse. http://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/201809/13/01-5196357-les-couts-de-la-congestion-evalues-a-42-milliards-pour-2018.php 4. Les conseillers ADEC inc. (2018). Coûts économiques de la congestion routière à Ville de Laval et dans la Couronne Nord. Ville de Laval. https://promo.laval.ca/solution-reseau/docs/rapport_ADEC_couts-congestion-routiere.pdf 5. Inrix (2017). Inrix Global Traffic Scorecard, 5 continents, 38 countries, 1,360 cities. http://inrix.com/scorecard/
IMMOBILIER COMMERCIAL : : OCTOBRE – NOVEMBRE 2018