TRANSPORT ET DÉVELOPPEMENT URBAIN
AUTOMOBILE CONTRE TRANSPORT COLLECTIF ?
QUÉBEC ET LE TROISIÈME LIEN, OU LE TRAMWAY, OU LE SRB… Paul Lewis Expert invité
Constamment mis en opposition à l’automobile, le transport collectif peine à s’imposer à Québec. Étant donné que la grande majorité des déplacements se fait en automobile – comme c’est le cas à Montréal d’ailleurs –, le transport collectif ne peut qu’en sortir perdant. Depuis la mise en place du Métrobus, en 1992, le réseau de transport de la capitale n’a pas connu de grands développements. Depuis des années, on discute de transport collectif structurant, sans qu’une décision soit prise. En effet, on ne parvient pas à choisir : on a envisagé un tramway, puis un système rapide par bus (SRB), puis de nouveau un tramway. L’indécision ne peut qu’affaiblir le transport collectif, alors que les individus et les entreprises s’installent et s’implantent en fonction d’une accessibilité essentiellement automobile. Il n’est guère surprenant, dans ce contexte, que plusieurs rêvent d’un troisième lien entre Québec et Lévis. On s’étonne toutefois que ce lien puisse être prioritaire pour le gouvernement provincial, puisqu’on cherche à réduire la dépendance à l’automobile…
Paul Lewis est doyen de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal et chercheur à l’Observatoire Ivanhoé Cambridge du développement urbain et immobilier, dont il a été directeur jusqu’en 2012. Ses recherches portent principalement sur les transports, notamment la mobilité des jeunes, de même que la planification et la gouvernance des services de transport.
Partisans et opposants s’affrontent depuis plusieurs mois sur la pertinence d’un troisième lien, qui n’est pourtant qu’une fuite en avant. Son coût est élevé, surtout s’il s’agit de la construction d’un tunnel1, sans qu’il permette de régler les problèmes de mobilité que connaît Québec. Ce lien est hérité d’un autre siècle, une époque où l’avenir était à l’automobile, où l’on s’imaginait venir un jour à bout de la congestion, à coup d’autoroutes. Depuis plusieurs années, le nombre d’auto mobiles qui franchissent le pont de Québec ou le pont Pierre-Laporte serait à peu près stable, même en pointes du matin ou du soir ; il aurait en outre décliné par rapport à la situation observée au début des années 20102. Les problèmes
MON QUARTIER PAR CÉLINE FABRIÈS
résident plutôt dans les déplacements est-ouest, en croissance, pour lesquels les automobilistes n’ont guère d’autres options que d’accepter la congestion. L’augmentation de la capacité routière seule ne parvient pas à résoudre les problèmes de congestion ; elle ne peut que les amplifier. Car elle se traduit toujours par une hausse de l’achalandage. En augmentant la capacité routière, on se retrouvera inévitablement avec le problème initial de congestion, en pire, au bout de quelques années. Une nouvelle approche à la mobilité s’impose à Québec. Un meilleur transport collectif est essentiel pour améliorer la mobilité et l’accessibilité pour tous, ce que nous devons viser. Un meilleur transport collectif est essentiel, même pour les automobilistes : les déplacements qui se font en transport collectif réduisent d’autant la demande sur le réseau routier et, ce faisant, permettent d’augmenter la fluidité de la circulation.
1. Une étude situait le coût d’un tunnel à 4 milliards de dollars. Voir Massicotte, B. (2016). Étude de faisabilité technique et des coûts sur le cycle de vie d’un tunnel entre les villes de Lévis et de Québec. Repéré à https://www.transports.gouv.qc.ca/fr/ministere/acces-information-renseignements-personnels/documents-reglementdiffusion/Documents/etudes/tunnel-levis-quebec/rapport-etude-tunnel-levis-qc.pdf) 2. Ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports (2017), État de la circulation Lévis et Québec. Repéré à https://www.transports.gouv.qc.ca/fr/salle-de-presse/nouvelles/Documents/2017-02-23/etat-circulation-quebec-levis.pdf)
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