Manuel pratique d'algologie - Prise en charge de la douleur chronique
Christophe Perruchoud
Visit to download the full and correct content document: https://ebookmass.com/product/manuel-pratique-dalgologie-prise-en-charge-de-la-do uleur-chronique-christophe-perruchoud/
Chez le mĂȘme Ă©diteur
Manuel pratique dâanesthĂ©sie, par Albrecht Ăric, Jean-Pierre Haberer, Ăric Buchser, VĂ©ronique Moret, 2015, 864 pages.
La douleur en ORL â Rapport 2014 de la SociĂ©tĂ© française dâORL et de chirurgie cervico-faciale , par Jean-Michel Prades, 2014, 240 pages.
Manuel pratique dâanesthĂ©sie locorĂ©gionale Ă©choguidĂ©e, par Ăric Albrecht, SĂ©bastien Bloc, Hugues Cadas, VĂ©ronique Moret, 2014, 296 pages.
Posturologie clinique. Comprendre, Ă©valuer, soulager les douleurs, par lâAPI (Association de Posturologie Internationale), Bernard Weber, Philippe Villeneuve, 2012, 224 pages.
Anesthésie loco-régionale et traitement de la douleur, par Pierre Gauthier-Lafaye, André Muller, Elisabeth Gaertner, 2009, 4e édition, 720 pages.
Douleurs rachidiennes : 100 défis cliniques, par Lynton G.F Giles, édition française coordonnée par Fabrice Duparc, 2012, 568 pages.
Dans la collection « Abrégés »
Douleurs â Soins palliatifs â Deuils, CoordonnĂ© par Alain de Broca, 2012, 240 pages.
Dans la collection « Pratiques en psychothérapie »
Pratiques en psychothĂ©rapie â Approches thĂ©oriques et cliniques, par GĂ©rard Salem, Ăric Bonvin, 2017, 6e Ă©dition, 392 pages.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Manuel pratique dâalgologie
Prise en charge de la douleur chronique
Christophe Perruchoud
MĂ©decin-chef, centre lĂ©manique dâantalgie et de neuromodulation, dĂ©partement dâanesthĂ©siologie, hĂŽpital de Morges, Suisse, MĂ©decin agréé, centre dâantalgie, service dâanesthĂ©siologie, centre hospitalier universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse, Privat docent et maĂźtre dâenseignement et de recherche de lâuniversitĂ© de Lausanne (UNIL).
Ăric Albrecht
MĂ©decin-adjoint, service dâanesthĂ©siologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse, Privat docent et maĂźtre dâenseignement et de recherche de lâuniversitĂ© de Lausanne (UNIL), Auteur du Manuel pratique dâanesthĂ©sie et du Manuel pratique dâanesthĂ©sie locorĂ©gionale Ă©choguidĂ©e.
Véronique Moret
Ancien mĂ©decin associĂ©, service dâanesthĂ©siologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Avec la collaboration de Ălodie Andrieux-Chastonay, Chantal Berna, SĂ©bastien Bloc, Vincent Bourquin, MichĂšle Bovy, Ăric Buchser, Matthieu Cachemaille, Laurence Clivaz-Mariotti, Martine Jacot-Guillarmod, Carlos Madrid, Bruno Marchand, Nicolas Mariotti, BenoĂźt Marlier, Jean-Pierre Mustaki, Charles Peltier, Philippe Rigoard, Alexandra Simard, Marc Suter, Tanguy Vendeuvre et Dragana Viceic
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
Manuel pratique dâalgologie - Prise en charge de la douleur chronique, de Christophe Perruchoud, Ăric Albrecht et VĂ©ronique Moret.
© 2017 Elsevier Masson SAS
ISBNÂ : 978-2-294-74493-8 e-ISBNÂ : 978-2-294-74534-8
Tous droits réservés.
Illustrations réalisées par Alain Jacot-Guillarmod : figures 2.1, 2.2, 2.3, 2.5, 2.6, 3.10, 8.3, 26.1, 27.7, 27.11, 27.24, 27.34 et 27.35.
Les indications et posologies de tous les mĂ©dicaments citĂ©s dans ce livre ont Ă©tĂ© recommandĂ©es dans la littĂ©rature mĂ©dicale et concordent avec la pratique de la communautĂ© mĂ©dicale. Elles peuvent, dans certains cas particuliers, diffĂ©rer des normes dĂ©finies par les procĂ©dures dâAMM. De plus, les protocoles thĂ©rapeutiques pouvant Ă©voluer dans le temps, il est recommandĂ© au lecteur de se rĂ©fĂ©rer en cas de besoin aux notices des mĂ©dicaments, aux publications les concernant et Ă lâAgence du mĂ©dicament. Lâauteur et lâĂ©diteur ne sauraient ĂȘtre tenus pour responsables des prescriptions de chaque mĂ©decin.
Tous droits de traduction, dâadaptation et de reproduction par tous procĂ©dĂ©s, rĂ©servĂ©s pour tous pays. Toute reproduction ou reprĂ©sentation intĂ©grale ou partielle, par quelque procĂ©dĂ© que ce soit, des pages publiĂ©es dans le prĂ©sent ouvrage, faite sans lâautorisation de lâĂ©diteur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisĂ©es, dâune part, les reproductions strictement rĂ©servĂ©es Ă lâusage privĂ© du copiste et non destinĂ©es Ă une utilisation collective et, dâautre part, les courtes citations justifiĂ©es par le caractĂšre scientifique ou dâinformation de lâĆuvre dans laquelle elles sont incorporĂ©es (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle).
+ Ce logo a pour objet dâalerter le lecteur sur la menace que reprĂ©sente pour lâavenir de lâĂ©crit, tout particuliĂšrement dans le domaine universitaire, le dĂ©veloppement massif du « photo-copillage ». Cette pratique qui sâest gĂ©nĂ©ralisĂ©e, notammentdans les Ă©tablissements dâenseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilitĂ© mĂȘme pour les auteurs de crĂ©er des Ćuvres nouvelles et de les faire Ă©diter correctement est aujourdâhui menacĂ©e. Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes dâautorisation de photocopier doivent ĂȘtre adressĂ©es Ă lâĂ©diteur ou au Centre français dâexploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. TĂ©l. 01 44 07 47 70.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Liste des collaborateurs
Ălodie Andrieux-Chastonay, cheffe de clinique, service dâanesthĂ©siologie, centre hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Chantal Berna, cheffe de clinique, centre dâantalgie, service dâanesthĂ©siologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Sébastien Bloc, médecin anesthésiste-réanimateur, hÎpital privé Claude Galien, Quincy-sous-Sénart, France
Vincent Bourquin, médecin consultant, médecine interne et néphrologie, hÎpital de la Tour, GenÚve, Suisse
MichĂšle Bovy, mĂ©decin-cheffe, centre lĂ©manique dâantalgie et de neuromodulation, dĂ©partement dâanesthĂ©siologie, hĂŽpital de Morges, Suisse
Ăric Buchser, mĂ©decin-chef, Centre lĂ©manique dâantalgie et de neuromodulation, dĂ©partement dâanesthĂ©siologie, hĂŽpital de Morges, Suisse.
Matthieu Cachemaille, chef de clinique, centre dâantalgie, service dâanesthĂ©siologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Laurence Clivaz Mariotti, mĂ©decin-adjointe, centre cantonal dâaddictologie, RĂ©seau fribourgeois de santĂ© mentale (RFSM), Fribourg, Suisse
Martine Jacot-Guillarmod, médecin-associée, département femme-mÚre-enfant, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Carlos Madrid, médecin-associé, division de chirurgie orale et maxillo-faciale, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Bruno Marchand, médecin-chef, service de radiologie, hÎpital de Morges, Suisse
Nicolas Mariotti, mĂ©decin-chef adjoint, centre de traitement de la douleur, service dâanesthĂ©siologie et de rĂ©animation, HFR-Fribourg hĂŽpital cantonal, Fribourg, Suisse
BenoĂźt Marlier, neurochirurgien, service de neurochirurgie, centre hospitalier universitaire Maison-Blanche, Reims, France
Jean-Pierre Mustaki, mĂ©decin-chef, centre lĂ©manique dâantalgie et de neuromodulation, dĂ©partement dâanesthĂ©siologie, HĂŽpital de Morges, Suisse
Charles Peltier, neurochirurgien, Unité du rachis et de neurostimulation, centre hospitalier universitaire de la Milétrie, Poitiers, France
Philippe Rigoard, professeur de neurochirurgie, unité du rachis et de neurostimulation, centre hospitalier universitaire de la Milétrie, Poitiers, France
Alexandra Simard, anesthĂ©siste, clinical and research fellow neuromodulation, centre hospitalier universitaire de QuĂ©bec âuniversitĂ© de Laval, QuĂ©bec, Canada.
Marc Suter, mĂ©decin associĂ©, centre dâantalgie, service dâanesthĂ©siologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Tanguy Vendeuvre, chef de clinique en orthopédie, Unité du rachis et de neurostimulation, centre hospitalier universitaire de la Milétrie, Poitiers, France
Dragana Viceic, cheffe de clinique, service de neurologie, centre hospitalier du valais romand, hĂŽpital de Sion, Suisse
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
ACR American College of Rheumatology
AL anesthésique local
ALIF Anterior Lumbar Interbody Fusion
ASA American Society of Anesthesiologists
AVR anesthésie intraveineuse
BDI Beck Depression Inventory
BPI Brief Pain Inventory
COX cyclo-oxygénase
CRPS Complex Regional Pain Syndrom
DFG débit de filtration glomérulaire
DRG Dorsal Root Ganglion
EMG électromyogramme
EQ-5D EuroQoL 5-dimensions
HAD Hospital Anxiety and Depression scale
HD hernie discale
HIZ High signal Intensity Zone
IASP International Association for the Study of Pain
IMC infirmes moteurs cérébraux
IPPS International Pelvic Pain Society
IRC insuffisance rénale chronique
IRM imagerie par résonance magnétique
IRSN inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline
ISSVD International Society for the Study of Vulvovaginal Disease
ISSWSH International Society for the Study of Womenâs Sexual Health
KDIGO Kidney Disease/Improving Global Outcomes
LANSS Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs
LCR liquide céphalorachidien
MBL Mannose-Binding Lectin
MELD Model for End-Stage Liver Disease
MOSÂ SF-36 Medical Outcome Study Short Form-36
MPI Multidimensional Pain Inventory
MPQ McGill Pain Questionnaire
Abréviations
NNT Number Needed to Treat, nombre nécessaire de patients à traiter
NPQ Neuropathic Pain Questionnaire
NPS Neuropathic Pain Scale
ODI Oswestry Disability Index
OMS Organisation mondiale de la Santé
OWS Oswestry Low Back Pain and Disability Score
PAG substance grise périaqueducale
PLIF Posterior Lumbar Interbody Fusion
PNP polyneuropathies
POEMS Polyneuropathie Organomegalie Endocrinopathie Monoclonal proteine
Skin change
QALY Quality Adjusted Life Year
QCD questionnaire concis sur les douleurs
QDSA questionnaire de Saint-Antoine
QST Quantitative sensory testing, évaluation quantifiée de la sensibilité cutanée
RC rétrécissement canalaire
RDQ Roland Disability Questionnaire
rTMS stimulation magnétique transcrùnienne répétitive
RVM moelle rostroventrale
SDRC Complex Regional Pain Syndrome, syndrome douloureux régional complexe
SS Severity Scale
SSRI inhibiteurs purs de la recapture de la sérotonine
StEP Standardized Evaluation of Pain
tDCS transcranial Direct Curent Stimulation, stimulation transcrĂąnienne Ă courant direct
TENS transcutaneous electrical nerve stimulation
TLIF Transverse Lumbar Interbody Fusion
WPI Widespread Pain Index
XLIF eXtreme Lateral Interbody Fusion
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Chapitre 1
LâĂ©pidĂ©miologie de la douleur chronique
Marc Suter, Christophe Perruchoud
Définition
LâInternational Association for the Study of Pain (IASP) dĂ©finit la douleur comme une « expĂ©rience sensorielle et Ă©motionnelle dĂ©sagrĂ©able, liĂ©e Ă une lĂ©sion tissulaire existante ou potentielle, ou dĂ©crite en des termes Ă©voquant une telle lĂ©sion » [1]. Cette dĂ©finition implique que tout Ă©pisode douloureux est liĂ© Ă une sensation de lĂ©sion tissulaire, que cette lĂ©sion existe ou non. La distinction entre douleur « rĂ©elle » et douleur « imaginaire » ne fait donc pas de sens.
Pour lâAmerican Society of Anesthesiologists (ASA), une douleur chronique est une « douleur persistante ou Ă©pisodique, dâune durĂ©e ou dâune intensitĂ© qui affecte de façon pĂ©jorative le comportement ou le bien-ĂȘtre du patient, attribuable Ă toute cause non maligne » [2]. Cette seconde dĂ©finition introduit de nouvelles notions, Ă savoir lâinutilitĂ© de la douleur chronique comme signal dâalerte protecteur, et son caractĂšre dĂ©lĂ©tĂšre en termes de retentissement psychologique. Par opposition, la douleur aiguĂ« est un mĂ©canisme de dĂ©fense permettant de signaler un danger et nĂ©cessaire Ă notre survie. En pratique clinique, on diffĂ©rencie souvent la douleur chronique dâorigine cancĂ©reuse de la douleur chronique non cancĂ©reuse. La notion de chronicitĂ© diffĂšre selon les auteurs, mais correspond gĂ©nĂ©ralement Ă une Ă©volution supĂ©rieure Ă 3 ou 6 mois. Selon lâOMS, « une douleur qui dure longtemps, ou qui est
permanente ou récurrente, est appelée chronique quand elle dure plus de 6 mois » [3].
Le traitement de la douleur est reconnu comme un droit fondamental [4]. La douleur est considĂ©rĂ©e comme une maladie Ă part entiĂšre [5] et une classification est prĂ©vue pour lâICD-11 [6]. Son importance comme unitĂ© propre est aussi mise en avant par les Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques. Elle diminue la qualitĂ© de vie et lorsquâelle est sĂ©vĂšre et constitue mĂȘme un facteur de risque indĂ©pendant de mortalitĂ© [7].
I
ncidence, prévalence et présentation clinique
LâĂ©pidĂ©miologie Ă©tudie la distribution, la cause et les dĂ©terminants dâĂ©vĂ©nements en relation Ă la santĂ© dans des populations ainsi que leurs applications dans la prise en charge des problĂšmes de santĂ©. Dans le cadre de la douleur chronique, il est important de connaĂźtre la prĂ©valence et les facteurs de risques pour amĂ©liorer notre approche globale en diminuant la sĂ©vĂ©ritĂ© de lâatteinte ainsi quâen minimisant lâincapacitĂ© fonctionnelle [8]. La prĂ©valence est dĂ©finie par le pourcentage de personnes souffrant de douleur chronique dans la position gĂ©nĂ©rale (Ă un instant donnĂ©, sur une pĂ©riode prĂ©cise ou durant la vie entiĂšre). La prĂ©valence permet de dĂ©terminer les ressources cliniques, financiĂšres,
Manuel pratique d'algologie © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
éducationnelles nécessaires aux praticiens de premier recours.
Lâincidence est dĂ©finie comme le nombre de nouveaux cas sur une pĂ©riode donnĂ©e (gĂ©nĂ©ralement une annĂ©e) rapportĂ©e Ă la population gĂ©nĂ©rale. Lâincidence de la douleur chronique est difficile Ă prĂ©ciser, les patients ne se rappelant souvent pas du dĂ©but des symptĂŽmes et ne consultant souvent que lorsque la douleur est dĂ©jĂ prĂ©sente depuis un certain temps [9].
La douleur est tellement frĂ©quente si lâon considĂšre tous les Ă©pisodes (seul 1 patient sur 5 rapporte ne pas avoir eu de douleur durant le mois prĂ©cĂ©dent [10]) quâil est plus utile de se concentrer sur la douleur chronique et invalidante.
LâĂ©tude tĂ©lĂ©phonique rĂ©alisĂ©e en 2006 par Breivik [11], dans 15 pays europĂ©ens et IsraĂ«l, a conclu Ă une prĂ©valence de la douleur chronique de 19 %, dĂ©finie par une douleur prĂ©sente depuis plus de 6 mois, avec au moins deux Ă©pisodes par semaine, prĂ©sente le mois prĂ©cĂ©dent, dâintensitĂ© supĂ©rieure ou Ă©gale Ă 5 sur une Ă©chelle de numĂ©rique de 1 Ă 10 lors du dernier Ă©pisode. Les localisations les plus frĂ©quentes Ă©taient la rĂ©gion lombaire (18 %), suivie du genou (14 %), de la jambe (14 %), de la tĂȘte (15 %), de lâĂ©paule (9 %), de la colonne cervicale et de la hanche (8 %), de la main (6 %), de la colonne dorsale (5 %). La durĂ©e des douleurs Ă©tait de 2 Ă 15 ans chez 60 % des participants. La cause de douleurs selon la rĂ©ponse donnĂ©e par les participants, aidĂ©s par une liste de propositions, Ă©tait lâarthrose (34 %), un problĂšme discal (15 %), un traumatisme (12 %), une polyarthrite (8 %), des cĂ©phalĂ©es/ migraines (7 %), une fracture/dĂ©tĂ©rioration de la colonne (6 %), un dommage dâun nerf (4 %) ou dâun cartilage (4 %), un « coup du lapin » (4 %) ou une chirurgie (3 %). Douze pour cent des rĂ©pondants ignoraient la cause de leur douleur. Lâimpact sur les activitĂ©s quotidiennes Ă©tait marquĂ©, avec 56 % des sondĂ©s qui mentionnaient que leur sommeil Ă©tait affectĂ© et 9 % qui ne dormaient plus. Un quart prĂ©tendait que les douleurs avaient impactĂ© leur statut professionnel. Un absentĂ©isme moyen de 7,8 jours sur les 6 derniers mois Ă©tait rapportĂ© par ceux qui
avaient encore une activité. Moins de 2 % des patients souffrant de douleurs chroniques ont consulté une clinique spécialisée, les autres étant suivis par les médecins de premier recours, voire pas suivis du tout.
La plupart des études de prévalence sont transversales. Landmark et al. [12] ont effectué un suivi longitudinal sur une année avec un questionnaire tous les 3 mois, qui a permis de valider la reproductibilité des données sur la durée. Environ 75 % des sujets ont répondu au premier questionnaire et la moitié aux quatre. La prévalence de douleur moyenne à sévÚre est de 31 %.
Influence du genre sur la douleur
La prévalence de la douleur chronique est plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Les femmes ont un seuil de sensibilité à la douleur inférieur aux hommes [13].
Pourtant, malgrĂ© ces facteurs de risques augmentĂ©s, les femmes sont rĂ©guliĂšrement exclues des Ă©tudes cliniques, et par consĂ©quent, les rĂ©sultats rarement exprimĂ©s en fonction du sexe. On retrouve les mĂȘmes biais de sĂ©lection dans les Ă©tudes prĂ©cliniques [14].
Cette discrĂ©pance entre hommes et femmes est influencĂ©e par le fait que certaines sociĂ©tĂ©s concĂšdent aux femmes qui souffrent le droit de sâexprimer plus bruyamment que les hommes. Sont mises en cause les hormones : dâun cĂŽtĂ©, lâeffet antinociceptif et protecteur de la testostĂ©rone, de lâautre la versatilitĂ© des ĆstrogĂšnes et de la progestĂ©rone. Des Ă©tudes prĂ©cliniques ont rĂ©cemment dĂ©menti lâimplication de la microglie (monocyte-macrophages du systĂšme nerveux central) chez les animaux femelles. Ce mĂ©canisme dâinteraction neuro-immune Ă©tabli depuis plus de 10 ans peut ĂȘtre induit chez les animaux femelles traitĂ©s par de la testostĂ©rone [15].
Femmes et hommes affrontent la douleur de maniĂšre diffĂ©rente. Les hommes auraient tendance Ă utiliser des techniques de distraction alors que les femmes recourent de prĂ©fĂ©rence au support social ou Ă des techniques dâentraĂźnement attentionnel.
4 Principes généraux
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Finalement, lâinteraction des sexes entre soignant et patient participe Ă la discrĂ©pance, les mĂ©decins ayant tendance Ă prescrire plus facilement un opiacĂ© Ă un patient du mĂȘme sexe [16].
Facteurs de risque de la douleur chronique
ConnaĂźtre les facteurs de risques de la douleur chronique est important ; cela permettrait dâamĂ©liorer la prise en charge en agissant sur ces derniers sâils sont modifiables et de cibler certaines mesures prĂ©ventives sur les autres.
Les sujets de sexe fĂ©minin prĂ©sentent des seuils de douleur et de tolĂ©rance infĂ©rieurs, une prĂ©valence de douleurs chroniques plus Ă©levĂ©e et surtout une prĂ©valence de syndrome de douleurs chroniques augmentĂ©e. Les sujets ĂągĂ©s prĂ©sentent aussi un risque augmentĂ©, ce qui est prĂ©occupant avec le vieillissement de la population. Cette catĂ©gorie de patient prĂ©sente aussi plus souvent des comorbiditĂ©s ainsi quâune polymĂ©dication, qui va influencer les Ă©ventuels traitements que lâon pourra proposer. Un statut socioĂ©conomique infĂ©rieur est un autre facteur de risque sociodĂ©mographique [13]
La douleur elle-mĂȘme est probablement le facteur de risque le plus grand pour le dĂ©veloppement dâune douleur chronique, quâelle soit aiguĂ« ou chronique sur un autre site [17]. Le passage Ă la chronicitĂ© est augmentĂ© en fonction de lâintensitĂ© de la douleur aiguĂ«. Une prise en charge rapide est ainsi Ă privilĂ©gier aussi pour Ă©ventuellement baisser ce risque. La transition vers le long terme est aussi influencĂ©e par les croyances et les attitudes par rapport Ă la douleur [18]. Certaines caractĂ©ristiques psychologiques comme lâanxiĂ©tĂ©, la dĂ©pression ou le catastrophisme sont associĂ©es Ă la douleur chronique. La relation temporelle avec la douleur nâest pas toujours claire, et lâinfluence mutuelle est probablement bidirectionnelle.
Le sommeil prĂ©sente le mĂȘme type dâinteraction avec une influence rĂ©ciproque sur la douleur [19]. Ces facteurs contributifs ou associĂ©s doivent ĂȘtre pris en compte dans le traitement de la douleur chronique.
Coûts de la douleur chronique
Plusieurs études ont estimé le coût total imputable à la douleur chronique. Les frais sont dus aux coûts directs de traitement (consultations, médicaments, hospitalisations) et aux coûts indirects liés aux absences professionnelles et à la diminution de productivité.
Lâune des plus rĂ©centes [20], rĂ©alisĂ©e aux ĂtatsUnis et se basant sur le Medical Expenditure Panel Survey (MEPS), a calculĂ© des coĂ»ts annuels de 560 Ă 635 milliards de dollars US pour 2010. Cette somme dĂ©passe les coĂ»ts annuels estimĂ©s dâautres maladies chroniques (maladies cardiovasculaires : 309 milliards, cancer : 243 milliards, diabĂšte : 188 milliards). Ces coĂ»ts se rĂ©partissent entre frais mĂ©dicaux additionnels suite Ă la douleur de 261 Ă 300 milliards (frais directs) et perte de productivitĂ© de 299 Ă 335 milliards (frais indirects). Ces coĂ»ts massifs sont probablement sous-estimĂ©s, puisquâils ne prennent pas en compte par exemple les coĂ»ts dâabsences des tiers prenant en charge les malades sur leur temps de travail, les personnes institutionnalisĂ©es, les personnes dont lâĂąge est infĂ©rieur Ă 18 ans, et dâautres frais tels que transports ou frais juridique [21]. Le coĂ»t en termes de qualitĂ© de vie perdue est aussi Ă considĂ©rer. Une perte de productivitĂ© suite Ă des plaintes douloureuses a Ă©tĂ© observĂ©e chez 13 % des personnes actives durant une pĂ©riode de 2 semaines. La cĂ©phalĂ©e en Ă©tait la premiĂšre cause, suivie des douleurs de dos. LâĂ©quivalent financier estimĂ© de la perte de productivitĂ© Ă©tait de 61 milliards de dollars US/annĂ©e, dont la majoritĂ© causĂ©e aussi bien par la diminution de performance pendant le travail que par lâabsentĂ©isme [22]
Les douleurs dorsales et/ou lombaires sont les plus frĂ©quentes et le but du traitement, comme dans la douleur chronique en gĂ©nĂ©ral, nâest pas de les Ă©liminer, mais de les rendre compatibles avec une qualitĂ© de vie correcte. Lâimpact Ă©conomique dâune amĂ©lioration des exacerbations de douleurs dorsales est dĂ©jĂ important, mettant en avant lâutilitĂ© de stabiliser une maladie douloureuse chronique aussi du point de vue financier. Les travailleurs avec des exacerbations douloureuses reprĂ©sentent 71 % des 7,4 milliards imputĂ©s Ă la perte de productivitĂ© des
Chapitre 1. LâĂ©pidĂ©miologie de la douleur chronique 5
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
douleurs dorsales [22]. Concernant des pathologies comme le diabĂšte, le coĂ»t dĂ©jĂ Ă©levĂ© de la pathologie de base est augmentĂ© lorsque se surajoutent les troubles neurologiques sous forme de fourmillements et dâinsensibilitĂ© [23].
Références
1. Merskey H, Bogduk N. Classification of chronic pain. Descriptions of chronic pain syndromes and definitions of pain terms. Prepared by the Task Force on Taxonomy of the International Association for the Study of Pain, 2nd ed. Seattle (VA): IASP Press, 1994.
2. American Society of Anesthesiologists. Practice guidelines for chronic pain management. A report by the American Society of Anesthesiologists Task Force on Pain Management. Chronic Pain Section. Anesthesiology 1997;86:995â1004.
3. World Health Organization. A new understanding chronic pain. In : Kaplun A, ed. Health promotion and chronic illness. Discovering a new quality of health. Copenhagen: WHO Regional Publications; 1992 : 141-226.
4. Brennan F, Carr DB, Cousins M. Pain management: a fundamental human right. AnesthAnalg 2007;105(1):205â21.
5. Tracey I, Bushnell MC. How neuroimaging studies have challenged us to rethink: is chronic pain a disease ? J. Pain 2009;10(11):1113â20.
6. Treede RD, Rief W, Barke A, Aziz Q, Bennett MI, Benoliel R, et al. A classification of chronic pain for ICD-11. Pain 2015;156(6):1003â7. Epub 2015/04/07.
7. Torrance N, Elliott AM, Lee AJ, Smith BH. Severe chronic pain is associated with increased 10Â year mortality. A cohort record linkage study. European journal of pain (London, England) 2010;14(4):380â6. Epub 2009/09/04.
8. Van Hecke O, Torrance N, Smith BH. Chronic pain epidemiology and its clinical relevance. British journal of anaesthesia 2013;111(1):13â8. Epub 2013/06/26.
9. Macfarlane GJM, J, Jones GT. Epidemiology of Pain. In : McMahon S, Koltzenburg M, Tracey I, Turk DC, ed. Wall and Melzackâs Textbook of Pain: Churchill Livingstone; 2013 : 232-247.
10. Jones EA, McBeth J, Nicholl B, Morriss RK, Dickens C, Jones GT, et al. What characterizes persons who do not report musculoskeletal pain? Results from a 4-year Population-based longitudinal study (the Epifund study). The Journal of rheumatology 2009;36(5):1071â7. Epub 2009/04/17.
11. Breivik H, Collett B, Ventafridda V, Cohen R, Gallacher D. Survey of chronic pain in Europe: Prevalence, impact on daily life, and treatment. Eur J Pain 2006;10(4):287â333.
12. Landmark T, Romundstad P, Dale O, Borchgrevink PC, Kaasa S. Estimating the prevalence of chronic pain: validation of recall against longitudinal reporting (the HUNT pain study). Pain. 2012;153(7):1368â73. Epub 2012/05/12.
13. Bartley EJ, Fillingim RB. Sex differences in pain: a brief review of clinical and experimental findings. British journal of anaesthesia 2013;111(1):52â8. Epub 2013/06/26.
14. Beery AK, Zucker I. Sex bias in neuroscience and biomedical research. Neuroscience and biobehavioral reviews 2011;35(3):565â72. Epub 2010/07/14.
15. Sorge RE, Mapplebeck JC, Rosen S, Beggs S, Taves S, Alexander JK, et al. Different immune cells mediate mechanical pain hypersensitivity in male and female mice. Nature neuroscience 2015;18(8):1081â3. Epub 2015/06/30.
16. Weisse CS, Sorum PC, Sanders KN, Syat BL. Do gender and race affect decisions about pain management? Journal of general internal medicine 2001;16(4):211â7. Epub 2001/04/25.
17. van Hecke O, Torrance N, Smith BH. Chronic pain epidemiology - where do lifestyle factors fit in ? British journal of pain 2013;7(4):209â17. Epub 2013/11/01.
18. Darlow B, Fullen BM, Dean S, Hurley DA, Baxter GD, Dowell A. The association between health care professional attitudes and beliefs and the attitudes and beliefs, clinical management, and outcomes of patients with low back pain: a systematic review. Eur J Pain 2012 Jan;16(1):3â17.
19. McBeth J, Wilkie R, Bedson J, Chew-Graham C, Lacey RJ. Sleep disturbance and chronic widespread pain. Current rheumatology reports 2015;17(1):469. Epub 2015/01/22.
20. Gaskin DJ, Richard P. The economic costs of pain in the United States. The journal of pain: official journal of the American Pain Society 2012;13(8):715â24. Epub 2012/05/23.
21. Stewart WF, Ricci JA, Chee E, Morganstein D, Lipton R. Lost productive time and cost due to common pain conditions in the US workforce. JAMA 2003;290(18):2443â54. Epub 2003/11/13.
22. Ricci JA, Stewart WF, Chee E, Leotta C, Foley K, Hochberg MC. Back pain exacerbations and lost productive time costs in United States workers. Spine (Phila Pa 1976) 2006;31(26):3052â60. Epub 2006/12/19.
23. Stewart WF, Ricci JA, Chee E, Hirsch AG, Brandenburg NA. Lost productive time and costs due to diabetes and diabetic neuropathic pain in the US workforce. Journal of occupational and environmental medicine/American College of Occupational and Environmental Medicine 2007;49(6):672â9. Epub 2007/06/15.
6 Principes généraux
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Chapitre 2 Physiopathologie et mécanismes de la douleur
LâĂ©tude de la physiopathologie et des mĂ©canismes de la douleur chronique passe par lâĂ©vocation des diffĂ©rents types de douleurs et la physiologie de la nociception.
Voies de la douleur
On peut schĂ©matiser la transmission dâun stimulus nociceptif de la pĂ©riphĂ©rie au systĂšme nerveux central par lâactivation successive de trois neurones :
âą Le neurone nocicepteur transmet lâinformation du site de stimulation (peau, muscle, articulation) jusquâĂ la moelle Ă©piniĂšre.
âą Le deuxiĂšme transfĂšre cette information au thalamus par le tractus spinothalamique.
âą Le dernier relais transmet lâinformation du thalamus au cortex somatosensoriel primaire [1].
Le neurone nociceptif
Un neurone nociceptif est une cellule nerveuse spécialisée dans la détection des stimuli nociceptifs
2.1.
Marc Suter, Christophe Perruchoud
[2,3]. Le corps cellulaire de ce neurone est situĂ© dans les ganglions spinaux ou dans le ganglion trigĂ©minal. Son axone se projette dâun cĂŽtĂ© vers le tissu-cible en pĂ©riphĂ©rie (terminaison libre) et de lâautre vers la moelle Ă©piniĂšre (terminaison centrale). Il est de type C, non myĂ©linisĂ©, ou de type A delta, finement myĂ©linisĂ© (tableau 2.1). Il est composĂ© des quatre Ă©lĂ©ments suivants :
âą La terminaison pĂ©riphĂ©rique (rĂ©cepteur nociceptif) qui traduit le signal potentiellement nocif en potentiels dâaction Ă©lectriques.
âą La fibre nerveuse qui conduit ces potentiels le long de lâaxone.
âą Le corps cellulaire qui maintient lâidentitĂ© et lâintĂ©gritĂ© de la cellule.
âą La terminaison centrale qui est lâĂ©lĂ©ment prĂ©synaptique du premier relais.
Les récepteurs nociceptifs sont spécifiques aux différentes modalités que sont la chaleur (TRV1 ou TRPV2), le froid (TRPA1 ou TRPM8), les stimulations mécaniques ou chimiques (ASIC pour les stimuli acides, récepteurs purinergiques P2X ou P2Y pour les dérivés de nucléotides). La stimulation de ces récepteurs entraßne la
Manuel pratique d'algologie © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Fibre Information vĂ©hiculĂ©e Gaine de myĂ©line DiamĂštre (micromĂštre) Vitesse de conduction (m/s) A-alpha Proprioception MyĂ©linisĂ©e 13-20 80-120 A-bĂȘta Toucher MyĂ©linisĂ©e 6-12 35-90 A-delta Douleur (mĂ©canique et thermique) MyĂ©linisĂ©e 1-5 5-40 C Douleur (mĂ©canique, thermique et chimique) Non myĂ©linisĂ©e 0,2-1,5 0,5-2 BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Tableau
Les différentes fibres nerveuses.
dĂ©polarisation de la terminaison libre, qui se traduit par un potentiel dâaction, gĂ©nĂ©rĂ© au niveau des canaux sodiques sensibles au voltage (NaV). LâarrivĂ©e des potentiels dâaction au premier relais synaptique entraĂźne la libĂ©ration de glutamate.
La transmission du signal Ă©lectrique implique la prĂ©sence de canaux ioniques au sodium et au potassium voltage-dĂ©pendants. Il existe neuf types de canaux sodiques et plus de 40 types de canaux potassiques. Les canaux sodiques sont exprimĂ©s de maniĂšre sĂ©lective en fonction des fibres. Les canaux NaV1,7, NaV1,8 et NaV1,9 sont ainsi exprimĂ©s prĂ©fĂ©rentiellement sur les fibres nociceptives. Les mutations du gĂšne SCN9A codant pour le canal NaV1,7 empĂȘchent le canal de fonctionner normalement. Les porteurs de ces mutations peuvent ĂȘtre totalement insensibles Ă la douleur (les modalitĂ©s sensitives sont parfaitement conservĂ©es), ou au contraire ressentir des douleurs dâune extrĂȘme intensitĂ©. Ce canal constitue une cible intĂ©ressante dans la recherche et le dĂ©veloppement de nouveaux mĂ©dicaments antalgiques [4].
Dans la moelle épiniÚre, les nocicepteurs se projettent dans les couches superficielles I et II de Rexed de la corne dorsale (figure 2.1). Les fibres myélinisées, plus épaisses, pénÚtrent dans les couches plus profondes.
Le faisceau spinothalamique
Le faisceau spinothalamique (figure 2.2) prend naissance au niveau de la corne dorsale de la moelle Ă©piniĂšre, croise la ligne mĂ©diane au mĂȘme niveau et emprunte le tractus ventrolatĂ©ral jusquâau thalamus. Ce faisceau est constituĂ© de neurones exclusivement nociceptifs, dans les couches superficielles, et de neurones mixtes qui circulent dans les couches plus profondes et rĂ©pondent aussi Ă des affĂ©rences A bĂȘta non nociceptives [5]
Lâorganisation supraspinale (figure 2.3)
Les projections supraspinales peuvent ĂȘtre globalement classĂ©es en deux types :
⹠La voie spinothalamique latérale (faisceau néospinothalamique) rejoint la voie lemniscale médiale (mais en reste bien distincte) et se projette de maniÚre somatotopique sur le noyau ventro-postéro-latéral du thalamus (VPL). Ces noyaux constituent un relais pour toutes les voies sensitives ayant des projections corticales. Le thalamus contient ainsi le corps du 3e neurone de la voie nociceptive et représente le lieu du deuxiÚme relais des voies de projection. La voie
8 Principes généraux
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 2.1. Couches de la moelle épiniÚre selon Rexed.
spinothalamique latĂ©rale se termine au niveau des cortex somatosensoriels primaire et secondaire. Elle code de maniĂšre spĂ©cifique lâintensitĂ©, la spatialitĂ©, et la modalitĂ© du stimulus.
âą La voie spinothalamique mĂ©diale (faisceau palĂ©ospino-rĂ©ticulo-thalamique) se termine au niveau du cortex limbique, qui comprend le cortex cingulaire antĂ©rieur et lâinsula rostrale. Ces structures sont responsables de la composante Ă©motionnelle de la douleur. La projection dâinformations nociceptives sur lâhypothalamus est Ă lâorigine de rĂ©ponses neuroendocrines Ă la douleur (augmentation de la sĂ©crĂ©tion des hormones mĂ©dullosurrĂ©naliennes). De plus, les rĂ©flexes au niveau du tronc
cĂ©rĂ©bral avec les noyaux vĂ©gĂ©tatifs de la substance rĂ©ticulĂ©e et des nerfs crĂąniens (III, VII, IX, X) sont responsables des modifications vĂ©gĂ©tatives de lâactivitĂ© cardiovasculaire (tachycardie, hypertension), respiratoires (tachypnĂ©e) et mydriase. Le concept de « pain matrix » intĂšgre toutes les zones concernĂ©es par le phĂ©nomĂšne de la douleur au niveau cĂ©rĂ©bral. Les Ă©lĂ©ments de ce rĂ©seau traitent de maniĂšre spĂ©cifique mais non exclusive les divers aspects de la douleur, comme lâanticipation, la discrimination, la perception affective. Appartiennent Ă cet immense rĂ©seau : les cortex somatosensoriels primaire et secondaire, les cortex cingulaires antĂ©rieur et postĂ©rieur, le cortex
Chapitre 2. Physiopathologie et mécanismes de la douleur 9
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 2.2. Faisceau spinothalamique.
prĂ©frontal, le cortex pariĂ©tal postĂ©rieur, lâinsula, le thalamus, lâhypothalamus, lâamygdale, la substance grise pĂ©riaqueducale, les noyaux parabrachiaux et les ganglions de la base [6].
Classification et type de douleurs
Les douleurs sont généralement classées en quatre groupes [7] :
âą nociceptive : douleur transitoire rĂ©sultant de lĂ©sions tissulaires et de lâactivation des nocicepteurs (par exemple : fracture ou entorse). Elle est aiguĂ« et implique un systĂšme nerveux affĂ©rent normal, spĂ©cialisĂ© dans le signalement du danger ;
âą inflammatoire : autrefois appelĂ©e douleur par excĂšs de nociception, elle rĂ©sulte dâune hypersensibilitĂ© secondaire Ă une lĂ©sion tissulaire ou Ă une inflammation. Elle peut ĂȘtre aiguĂ« (par exemple : douleur postopĂ©ratoire ou coup de soleil) ou chronique dans le cadre dâune atteinte rhumatologique de type arthrosique. Elle prĂ©sente une
utilité en phase aiguë, permettant la mise au repos pendant la réparation du dommage ;
⹠neuropathique : associée à une lésion ou une atteinte du systÚme nerveux somatosensoriel, (par exemple : radiculopathie ou névralgie postherpétique) ;
âą dysfonctionnelle : douleur chronique dont lâorigine nâest a priori ni une inflammation, ni une lĂ©sion nerveuse Ă©vidente. La cause serait un traitement inadĂ©quat de lâinformation par les centres modulateurs de la douleur, dâorigine centrale, rĂ©sultant en un Ă©quilibre perturbĂ© entre excitation et inhibition et un seuil de perception douloureuse abaissĂ© (par exemple : fibromyalgie, cĂŽlon irritable ou cĂ©phalĂ©es tensionnelles).
Modulation du signal douloureux
DiffĂ©rents filtres limitent lâafflux dâinformations Ă©manant du systĂšme nociceptif vers le cerveau.
10 Principes généraux
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 2.3. Organisation supraspinale du faisceau spinothalamique.
La théorie du portillon (gate control theory)
La thĂ©orie du portillon (figure 2.4) dĂ©crit le blocage de lâinflux nociceptif par un stimulus non nociceptif entre le neurone pĂ©riphĂ©rique et le neurone central au niveau de la moelle Ă©piniĂšre. Cette rĂ©action semble rĂ©sulter de lâinhibition du neurone central par des interneurones inhibiteurs de la corne dorsale. Cette thĂ©orie, dĂ©crite par Wall et Melzack en 1965, a permis de combler partiellement les lacunes des thĂ©ories de lâintensitĂ© (les influx nociceptifs suivent les mĂȘmes voies que les influx non douloureux, mais ont une intensitĂ© plus forte), et de la spĂ©cificitĂ© (la transmission des modalitĂ©s douloureuses et non douloureuses se fait par des voies entiĂšrement sĂ©parĂ©es) [8].
Lâinhibition descendante
Les voies descendantes inhibitrices prennent leurs origines dans la substance grise pĂ©riaqueducale (PAG), la moelle rostroventrale (RVM), le locus coeruleus, le gyrus cingulaire antĂ©rieur, lâamygdale et lâhypothalamus (figure 2.5). Une sĂ©rie de neurotransmetteurs sont impliquĂ©s : la sĂ©rotonine, la noradrĂ©naline, la dopamine et les opiacĂ©s endogĂšnes [1]. Le contrĂŽle descendant est subdivisĂ© en deux systĂšmes :
Chapitre 2. Physiopathologie et mécanismes de la douleur 11
Figure 2.4. La théorie du portillon.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 2.5. Voies descendantes.
âą le systĂšme PAGÂRVM, mĂ©dian, agit prĂ©fĂ©rentiellement sur les influx nociceptifs transmis par les fibres C ;
⹠le systÚme latéral implique le noyau réticulaire dorsal et la moelle ventrolatérale [9].
Le contrĂŽle descendant nâest pas purement inhibiteur. Au niveau de la RVM, il est composĂ© de cellules on/off recrutĂ©es par les centres supĂ©rieurs impliquĂ©s dans la peur, la maladie ou le stress. Ces cellules maintiennent un seuil de stimulation dĂ©pendant des conditions du moment et contribuent aux Ă©tats douloureux chroniques pathologiques. Elles semblent jouer un rĂŽle aussi dans lâeffet placebo, ou dans les rĂ©ponses Ă diverses techniques utilisĂ©es dans le traitement des douleurs chroniques, comme lâhypnose [10].
Conséquences cliniques
La douleur nociceptive aiguĂ« est un signal dâalarme nĂ©cessaire Ă notre survie. Les patients atteints dâinsensibilitĂ© congĂ©nitale ont une espĂ©rance de vie rĂ©duite en raison de lâaccumulation de traumatismes les plus divers au cours de leur existence.
Les phĂ©nomĂšnes de sensibilisation et de modulation interviennent dans la prĂ©sentation clinique et la prise en charge. Lâallodynie et lâhyperalgĂ©sie peuvent ĂȘtre la consĂ©quence dâune sensibilisation pĂ©riphĂ©rique ou centrale. Une bonne connaissance de la pathophysiologie, des concepts de sensibilisation et de la modulation de la douleur est nĂ©cessaire Ă la comprĂ©hension, lâĂ©valuation et au traitement de la douleur chronique. Peu dâĂ©tudes prĂ©cliniques basĂ©es sur la pathophysiologie ont abouti Ă ce jour Ă des traitements efficaces. La dimension multifacettaire de la douleur nĂ©cessite une approche thĂ©rapeutique plus globale.
Sensibilisation centrale et périphérique
Lorsque la stimulation nociceptive se prolonge, des phĂ©nomĂšnes de sensibilisation apparaissent, tant au niveau pĂ©riphĂ©rique quâau niveau
central. La distinction entre douleur inflammatoire et douleur neuropathique nâest pas toujours aisĂ©e. Dans les deux cas, les mĂ©canismes qui sous-tendent la chronicisation se superposent souvent. Le concept de « neuro-inflammation » implique une communication entre le systĂšme nerveux et le systĂšme immunitaire/ inflammatoire.
La sensibilisation périphérique
AprĂšs une lĂ©sion tissulaire pĂ©riphĂ©rique, les cellules lĂ©sĂ©es et les cellules inflammatoires attirĂ©es sur le site de la lĂ©sion libĂšrent de nombreux mĂ©diateurs, la « soupe inflammatoire » (prostaglandines PGE1 et PGE2, ATP/ADP, sĂ©rotonine, bradykinine, nerve growth factor, ions H+). Ces mĂ©diateurs agissent sur des rĂ©cepteurs spĂ©cifiques situĂ©s sur les neurones nocicepteurs. La « soupe inflammatoire » induit, par exemple, une modification des rĂ©cepteurs TRPV1 et TRPA1, Ă lâorigine de lâabaissement du seuil de sensibilitĂ© au chaud et au froid. Les influx se dirigent vers la terminaison centrale, mais reviennent aussi vers la pĂ©riphĂ©rie (rĂ©flexe axonal antidromique). Cela libĂšre des neuromĂ©diateurs, la substance P et le peptide reliĂ© au gĂšne calcitonine (CGRP), prĂ©sents dans les nocicepteurs, responsables de lâinflammation neurogĂšne. Ces mĂ©diateurs agissent au niveau de leurs rĂ©cepteurs (neurokinin 1 et CGRP1) et activent le chimiotactisme des cellules inflammatoires (neutrophiles, macrophages et lymphocytes), la dĂ©granulation des mastocytes, lâaccĂ©lĂ©ration du flux sanguin, la permĂ©abilitĂ© de lâendothĂ©lium vasculaire, et lâallumage des cellules dendritiques responsables de la diffĂ©rentiation de lymphocytes T [11]. La lĂ©sion tissulaire induit des changements dâexpression gĂ©nĂ©tique au niveau du ganglion spinal qui, sur le long terme, modifient la rĂ©ponse des fibres affĂ©rentes (plasticitĂ© du nocicepteur). Lâexpression des canaux sodiques est augmentĂ©e, celle des canaux potassiques est diminuĂ©e. Les canaux sodiques proches des lĂ©sions nerveuses participent Ă lâexcitabilitĂ© pĂ©riphĂ©rique. Une activitĂ© ectopique dans les nerfs lĂ©sĂ©s et non lĂ©sĂ©s adjacents contribue Ă la sensibilisation centrale (figure 2.6).
12 Principes généraux
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
La sensibilisation centrale
AprĂšs avoir cheminĂ© dans la racine dorsale, les terminaisons centrales font synapse avec les neurones secondaires de la corne dorsale de la moelle Ă©piniĂšre. Les synapses excitatrices sont principalement glutamatergiques. Lâaction du glutamate sur les rĂ©cepteurs AMPA provoque lâentrĂ©e rapide de sodium dans le second neurone. Lors dâune activitĂ© soutenue, le rĂ©cepteur NMDA, prĂ©alablement bloquĂ© par un ion Mg2+, est activĂ© et dĂ©clenche lâentrĂ©e de calcium au niveau post-synaptique. Divers neurotransmetteurs et facteurs trophiques (substance P et CGRP) sont Ă©galement libĂ©rĂ©s. Ces mĂ©diateurs possĂšdent la capacitĂ© de moduler la rĂ©ponse par la phosphorylation de rĂ©cepteurs post-synaptiques, qui entraĂźne une rĂ©ponse plus puissante et prolongĂ©e, et par lâaugmentation du nombre de ces rĂ©cepteurs. Vient ensuite lâexpression de nouveaux gĂšnes, comme par exemple la Cox-2, permettant de synthĂ©tiser des prostaglandines), qui agissent au niveau prĂ©- et post-synaptique. Les premiers phĂ©nomĂšnes apparaissent en quelques secondes et durent quelques minutes. Les rĂ©actions suivantes peuvent nâapparaĂźtre quâaprĂšs plusieurs jours et persister longtemps. LâirrĂ©versibilitĂ© de certains
mĂ©canismes de sensibilisation apparaĂźt lors de la mort neuronale (apoptose) des neurones inhibiteurs de la corne dorsale qui participent Ă la perte de lâinhibition, facilitant ainsi la transmission du signal nociceptif. Le caractĂšre irrĂ©versible de la mort neuronale est controversé : un groupe de chercheurs a transplantĂ© chez lâanimal des prĂ©curseurs de cellules inhibitrices gabaergiques cĂ©rĂ©brales dans la moelle. Non seulement ces cellules ont survĂ©cu, mais elles se sont connectĂ©es au rĂ©seau et ont attĂ©nuĂ© la douleur neuropathique modĂ©lisĂ©e [12]. De maniĂšre moins dĂ©finitive, les interneurones inhibiteurs gabaergiques ou glycinergiques peuvent ĂȘtre modulĂ©s, exercer un effet inhibiteur moins marquĂ©, voire dĂ©velopper un effet excitateur en fonction des gradients ioniques auxquels ils sont exposĂ©s. Le concept de dĂ©sinhibition est une cible thĂ©rapeutique intĂ©ressante [13].
ParallĂšlement Ă ces phĂ©nomĂšnes neuronaux, on observe une activation des cellules non neuronales, en particulier des astrocytes et de la microglie (Ă©quivalent de la lignĂ©e des monocytes/ macrophages du systĂšme nerveux central). Une lĂ©sion nerveuse, mĂȘme pĂ©riphĂ©rique, entraĂźne dâabord des modifications morphologiques de la microglie, de ses propriĂ©tĂ©s et de lâexpression
Chapitre 2. Physiopathologie et mécanismes de la douleur 13
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 2.6. Sensibilisation périphérique.
de ses gÚnes [14]. La microglie modifiée sécrÚte ensuite des médiateurs inflammatoires (brainderived neurotrophic factor) qui exercent leur influence sur les neurones, par exemple en modifiant le gradient électrochimique du chlore dans les neurones de projection, rendant les neurones inhibiteurs gabaergiques excitateurs [15].
La sensibilisation centrale permet dâaugmenter le gain de la synapse. En clinique, elle se traduit par les phĂ©nomĂšnes dâallodynie et dâhyperalgĂ©sie pĂ©rilĂ©sionnelle (figure 2.7) [16]. Lâallodynie est dĂ©finie par une douleur provoquĂ©e par un stimulus mĂ©canique ou thermique habituellement indolore, comme lâeffleurement de la peau par les vĂȘtements. LâhyperalgĂ©sie se manifeste par une rĂ©ponse accrue Ă un stimulus douloureux.
Références
1. Cohen SP, Mao J. Neuropathic pain: mechanisms and their clinical implications. BMJ 2014;348. f7656. Epub 2014/02/07.
2. Woolf CJ, Ma Q. Nociceptors-noxious stimulus detectors. Neuron 2007;55(3):353â64.
3. Dubin AE, Patapoutian A. Nociceptors: the sensors of the pain pathway. J Clin Invest 2010;120(11):3760â72. Epub 2010/11/03.
4. Waxman SG, Merkies IS, Gerrits mm, Dib-Hajj SD, Lauria G, Cox JJ, et al. Sodium channel genes in pain-related disorders: phenotype-genotype associations and recommendations for clinical use. Lancet neurology 2014;13(11):1152â60. Epub 2014/10/16.
5. Todd AJ. Neuronal circuitry for pain processing in the dorsal horn. Nat Rev Neurosci 2010;11(12):823â36.
6. Apkarian AV, Bushnell MC, Treede RD, Zubieta JK. Human brain mechanisms of pain perception and regulation in health and disease. Eur J Pain 2005;9(4):463â84.
7. Costigan M, Scholz J, Woolf CJ. Neuropathic Pain: A Maladaptive Response of the Nervous System to Damage. Annu Rev Neurosci 2009;32:1â32.
8. Moayedi M, Davis KD. Theories of pain : from specificity to gate control. Journal of neurophysiology 2013;109(1):5â12. Epub 2012/10/05.
9. Kuner R. Central mechanisms of pathological pain. Nat Med. 2010 Nov;16(11):1258â66.
10. Heinricher mm, Tavares I, Leith JL, Lumb BM. Descending control of nociception: Specificity, recruitment and plasticity. Brain Res Rev 2009;60(1):214â25.
11. Chiu IM, von Hehn CA, Woolf CJ. Neurogenic inflammation and the peripheral nervous system in host defense and immunopathology. Nat Neurosci 2012;15(8):1063â7.
12. Braz JM, Sharif-Naeini R, Vogt D, Kriegstein A, Alvarez-Buylla A, Rubenstein JL, et al. Forebrain GABAergic neuron precursors integrate into adult spinal cord and reduce injury-induced neuropathic pain. Neuron. 2012;74(4):663â75.
13. Zeilhofer HU, Benke D, Yevenes GE. Chronic pain states: pharmacological strategies to restore diminished inhibitory spinal pain control. Annu Rev Pharmacol Toxicol 2012;52:111â33.
14. Suter MR, Wen YR, Decosterd I, Ji RR. Do glial cells control pain? Neuron Glia Biol 2007;3(3):255â68.
15. Tsuda M, Beggs S, Salter MW, Inoue K. Microglia and intractable chronic pain. Glia 2013;61(1):55â61.
16. Woolf CJ. Central sensitization: implications for the diagnosis and treatment of pain. Pain 2011;152(3 Suppl):S2â15.
14 Principes généraux
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 2.7. Sensibilisation centrale.
Chapitre 3
LâĂ©valuation de la douleur chronique
Christophe Perruchoud
LâĂ©valuation du patient douloureux chronique inclut une anamnĂšse, un examen clinique et, dâĂ©ventuels examens paracliniques en fonction de la situation. Une cartographie dĂ©taillĂ©e des zones douloureuses et lâutilisation de questionnaires ciblĂ©s et validĂ©s permettent dâobtenir une Ă©valuation initiale prĂ©cise et constituent des outils utiles pour le suivi du patient.
AnamnĂšse
Bien quâorientĂ©e et structurĂ©e, lâanamnĂšse doit offrir au patient la possibilitĂ© de sâexprimer librement. Lâexaminateur sâinformera des Ă©lĂ©ments
suivants :
⹠Ancienneté de la douleur (semaines, mois, années, dates précises).
⹠Apparition de la douleur :
â circonstances exactes (maladie, traumatisme, accident de travail, chirurgie, choc Ă©motionnel ou professionnel) ;
â modalitĂ©s dâapparition (progressive, brutale, rĂ©cidivante) ;
â description de la douleur initiale ;
â signes et symptĂŽmes associĂ©s ;
â investigations et diagnostics prĂ©liminaires ;
â modalitĂ©s de prise en charge, traitements prĂ©alables ou en cours (intolĂ©rances mĂ©dicamenteuses, effets secondaires) ;
â impact psychologique (anxiĂ©tĂ©, dĂ©pression, troubles du sommeil), fonctionnel et professionnel ;
â Ă©volution/mode Ă©volutif de la douleur : permanent, rĂ©cidivant, intermittent.
⹠Douleur actuelle :
â cartographie des zones douloureuses ;
â zones dâirradiations douloureuses ;
â prĂ©sentation (douleur continue, intermittente, paroxystique) ;
â qualitĂ© de la douleur (brĂ»lure, piqĂ»re, serrement, crampe, courbature, dĂ©charge Ă©lectrique, pesanteur, coup de couteau) ;
â symptĂŽmes sensitifs nĂ©gatifs (hypoesthĂ©sie mĂ©canique ou thermique, hypoalgĂ©sie, hypopallesthĂ©sie) et positifs (paresthĂ©sie, dysesthĂ©sie, allodynie, hyperalgĂ©sie) ;
â intensitĂ© de la douleur, minimale et maximale, au repos et Ă lâeffort ;
â horaire des douleurs (aggravation nocturne, dĂ©rouillage matinal) ;
â facteurs aggravants et apaisants ;
â influences mĂ©tĂ©orologiques ;
â critĂšres de gravitĂ© (fiĂšvre, sudation, infection, traumatisme rĂ©cent, perte de poids, inappĂ©tence, antĂ©cĂ©dents oncologiques) ;
â impact psychologique (anxiĂ©tĂ© et dĂ©pression) ;
â impact fonctionnel et professionnel ;
â troubles du sommeil (normal, perturbĂ©, latence dâendormissement, rĂ©veils prĂ©coces ou itĂ©ratifs).
⹠Comorbidités et antécédents médicochirurgicaux, expériences douloureuses antérieures.
âą Contexte familial.
âą Contexte socioprofessionnel.
⹠Contexte médicolégal (plainte, situation assécurologique, indemnités perçues ou attendues, situation financiÚre).
⹠Contexte cognitivocomportemental (représentation de la maladie, croyance, attitude face à la pathologie douloureuse, compliance thérapeutique, attente du patient).
Manuel pratique d'algologie
2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
©
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Intensité de la douleur
De par sa nature entiĂšrement subjective, la douleur est difficile Ă mesurer. Sa perception est largement influencĂ©e par des facteurs cognitivocomportementaux propres Ă chaque individu. LâintensitĂ© de la douleur peut ĂȘtre Ă©valuĂ©e de façon reproductible grĂące Ă plusieurs types dâĂ©chelles dâautoĂ©valuation.
Ăchelles dâautoĂ©valuation
LâĂ©chelle visuelle analogique (EVA) existe sur papier ou sous la forme dâune rĂ©glette munie dâun curseur mobile (figure 3.1). Elle est reprĂ©sentĂ©e par une ligne horizontale ou verticale de 100 mm de long, orientĂ©e de gauche Ă droite ou de bas en haut, sur fond blanc. Les extrĂ©mitĂ©s sont respectivement libellĂ©es « pas de douleur » et « pire douleur imaginable ». Le patient note
lâintensitĂ© de sa douleur par un trait sur la ligne (papier) ou en dĂ©plaçant le curseur le long de la rĂ©glette. La distance mesurĂ©e en millimĂštres (0 Ă 100) entre lâextrĂ©mitĂ© « pas de douleur » et la marque du patient indique lâintensitĂ© de la douleur. LâEVA est une Ă©chelle simple et rapide dâutilisation, nĂ©cessitant peu dâinstruction au patient et pouvant ĂȘtre rĂ©pĂ©tĂ©e plusieurs fois par jour. Son emploi est toutefois limitĂ© chez les enfants ou chez les patients ĂągĂ©s souffrant de troubles cognitifs. Les scores dâEVA infĂ©rieurs Ă 3 correspondent Ă des douleurs lĂ©gĂšres, de 3 Ă 6 Ă des douleurs modĂ©rĂ©es. Les scores supĂ©rieurs Ă 6 indiquent des douleurs sĂ©vĂšres Ă intolĂ©rables.
Les Ă©chelles numĂ©riques (EN) se prĂ©sentent sous forme Ă©crite ou orale. Dans leur forme orale, le soignant demande au patient de chiffrer sa douleur entre 0 (« pas de douleur ») et 10 (« pire douleur imaginable »). LâEN Ă©crite comprend 11 chiffres alignĂ©s verticalement ou horizontalement, entre 0 (« pas de douleur ») et 10 (« pire
18 Ăvaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 3.1. Ăchelle numĂ©rique papier, Ă©chelle visuelle analogique papier et rĂ©glette.
douleur imaginable »). Le patient entoure ou dĂ©signe le chiffre correspondant Ă lâintensitĂ© de sa douleur. Excellentes alternatives Ă lâEVA, les EN permettent dâobtenir une mesure de la douleur au moment de la consultation, mais Ă©galement de maniĂšre rĂ©trospective.
Les Ă©chelles verbales simples (EVS) offrent un choix dâadjectifs dĂ©finissant lâintensitĂ© de la douleur : absente, faible, modĂ©rĂ©e, intense, extrĂȘmement intense. Les EVS sont gĂ©nĂ©ralement rĂ©servĂ©es aux personnes avec une faible capacitĂ© dâabstraction.
LâĂ©chelle des visages prĂ©sente des expressions faciales illustrant des douleurs dâintensitĂ© croissante (figure 3.2). Elle constitue une alternative particuliĂšrement appropriĂ©e chez les enfants.
Les Ă©chelles unidimensionnelles dâautoĂ©valuation permettent dâĂ©valuer la rĂ©ponse Ă un traitement antalgique et facilitent le suivi du patient. Elles nâapportent toutefois pas dâinformation sur lâĂ©tiologie des douleurs et ne permettent pas dâĂ©tablir des comparaisons entre les patients.
Ăchelles dâhĂ©tĂ©roĂ©valuation
Les Ă©chelles dâhĂ©tĂ©roĂ©valuation, basĂ©es sur lâapprĂ©ciation de la douleur par une tierce personne, sont utilisĂ©es chez les patients atteints de troubles cognitifs ou incapables de communiquer. Elles font appel Ă six classes de comportements :
⹠expressions faciales : grimaces, froncements de sourcils ;
⹠verbalisation et vocalisation : gémissements, appels, soupirs ;
âą attitude corporelle : protection, changement dâattitude, rigiditĂ©, agitation ;
⹠comportement social : agressivité, isolement, résistance aux soins ;
âą changement dans les activitĂ©s : refus de sâalimenter, modification du sommeil ;
âą changement de lâĂ©tat psychologique : irritabilitĂ©, confusion, pleurs.
Quatre Ă©chelles dâhĂ©tĂ©roĂ©valuation sont validĂ©es en langue française : DOLOPLUS, ECPA-2, ALGOPLUS et PACSLAC.
LâĂ©chelle DOLOPLUS , constituĂ©e de 10 items, graduĂ©s de 0 Ă 3, Ă©value trois aspects de la douleur : ses effets somatiques (plaintes, position antalgique, protection de zones douloureuses, mimiques, sommeil), psychomoteur (toilette-habillage, mouvements) et psychosocial (communication, vie sociale, troubles du comportement). Un Ă©tat douloureux se dĂ©finit par un score supĂ©rieur ou Ă©gal Ă 5/30.
LâECPA-2 (Ă©chelle comportementale pour personne ĂągĂ©e ) se base sur la diffĂ©rence dâattitude du patient avant les soins (grimaces, positions spontanĂ©es et mouvements) et pendant les soins (anticipation anxieuse, rĂ©action pendant la mobilisation, plaintes). Elle contient huit items de quatre degrĂ©s dâintensitĂ©.
Le PACSLAC (pain assessment check-list for senior with limited ability to communicate) comprend 60 items explorant quatre dimensions : expressions faciales, activités et mouvements du corps, comportement/personnalité/humeur, autres.
LâĂ©chelle ALGOPLUS comporte cinq Ă©lĂ©ments : expression du visage, expression du regard, plaintes, attitudes corporelles et comportement gĂ©nĂ©ral. Un score supĂ©rieur ou Ă©gal Ă 2/5 permet de diagnostiquer un Ă©tat douloureux.
Topographie des douleurs
Une image schĂ©matique du corps humain (de face, de dos et de profil) facilite la description des zones douloureuses et des symptĂŽmes sensitifs (figure 3.3). Les informations fournies par le patient permettent dâorienter le bilan Ă©tiologique et sont trĂšs utiles pour le suivi.
Chapitre 3. LâĂ©valuation de la douleur chronique 19
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 3.2. Ăchelle des visages.
20 Ăvaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 3.3. Cartographie des douleurs et des symptĂŽmes sensitifs.
Questionnaires
Ăvaluation de la douleur neuropathique
Plusieurs outils permettant de diffĂ©rencier une douleur neuropathique dâune douleur nociceptive ont Ă©tĂ© validĂ©s ces derniĂšres annĂ©es [1] Certains se basent uniquement sur lâinterrogatoire (PainDETECT, Neuropathic Pain Questionnaire, ID Pain), alors que dâautres sâappuient sur lâanamnĂšse et lâexamen clinique (Douleur neuropathique en quatre questions, Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs, Standardized Evaluation of Pain). CaractĂ©riser le type de douleur a une importance sĂ©miologique et thĂ©rapeutique, compte tenu du fait que les traitements sont spĂ©cifiques Ă chaque type de douleur.
Le PainDETECT a Ă©tĂ© conçu pour dĂ©celer la composante neuropathique dâune lombalgie chronique. Ce test, validĂ© auprĂšs de 8 000 patients, a une sensibilitĂ© et une spĂ©cificitĂ© proches de 80 % [2].
Le Neuropathic Pain Questionnaire (NPQ) contient 12 items et permet de diffĂ©rencier les composantes neuropathique et nociceptive avec une sensibilitĂ© de 66,6 % et une spĂ©cificitĂ© de 74,4 % [3]. Le NPQ ne doit pas ĂȘtre confondu avec le Neuropathic Pain Scale (NPS), qui Ă©value les diffĂ©rentes caractĂ©ristiques de la douleur neuropathique, mais ne permet pas de faire la distinction entre douleurs nociceptive et neuropathique [4]
Le Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs (LANSS) comporte sept items relatifs Ă la composante sensorielle de la douleur [5]. Les cinq premiĂšres questions sâintĂ©ressent Ă la prĂ©sence de sensations dĂ©sagrĂ©ables (piqĂ»res, picotements, fourmillements), Ă lâapparence de la peau (rougeur, marbrure), Ă lâhypersensibilitĂ© au toucher, aux dĂ©charges Ă©lectriques et Ă la sensation de brĂ»lure. Les deux derniĂšres questions portent sur lâexamen clinique Ă la recherche dâune allodynie et dâune altĂ©ration du toucher-piquer.
Un score supĂ©rieur Ă 12/24 signe la prĂ©sence dâune douleur neuropathique, avec une sensibilitĂ© de 85 %, une spĂ©cificitĂ© de 80 % et une valeur prĂ©dictive positive de 82 %.
Le questionnaire Douleur neuropathique en quatre questions (DN4), que remplit lâexaminateur, comporte quatre questions totalisant 10 items (figure 3.4). Sept dâentre eux sont basĂ©s sur lâanamnĂšse (sensation de brĂ»lure, de froid douloureux, prĂ©sence de dĂ©charges Ă©lectriques, douleur associĂ©e Ă des fourmillements, picotements, engourdissements ou dĂ©mangeaisons), et trois sur lâexamen clinique (hypoesthĂ©sie au toucher, Ă la piqĂ»re et allodynie mĂ©canique) [6] Chaque symptĂŽme ou signe compte un point. Un score â„ 4 est hautement suspect dâune douleur neuropathique. Le DN4 a une valeur prĂ©dictive positive de 86 %, une sensibilitĂ© de 82,9 % et une spĂ©cificitĂ© de 89,9 %.
Le Standardized Evaluation of Pain (StEP) se compose de six questions et 10 tests cliniques. Il est destiné au patient souffrant de lombalgie chronique [7] Sa sensibilité et sa spécificité dans la détection de la douleur neuropathique sont supérieures à 90 %.
Ă cĂŽtĂ© de lâintensitĂ©, du type et de la topographie des douleurs, les composantes physique, psychologique, sociale, comportementale et cognitive peuvent Ă©galement ĂȘtre Ă©valuĂ©es.
Description verbale de la douleur
Le McGill Pain Questionnaire (MPQ) est un questionnaire de 78 mots distribuĂ©s en 25 sousclasses dâadjectifs permettant de qualifier la douleur. Le MPQ est un outil trĂšs pratique, traduit en plusieurs langues et largement utilisĂ© en recherche clinique. La version française, intitulĂ©e Questionnaire de Saint-Antoine (QDSA), comporte moins de mots que le MPQ (61 mots). Certains qualificatifs orientent le diagnostic, en particulier en cas de douleurs neuropathiques et renseignent le praticien sur le retentissement affectif de la douleur (figure 3.5).
Chapitre 3. LâĂ©valuation de la douleur chronique 21
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Questionnaires multidimensionnels
Le Brief Pain Inventory (BPI) explore les aspects principaux de la douleur : intensitĂ©, soulagement, incapacitĂ© fonctionnelle, retentissement social, vie relationnelle et dĂ©tresse psychologique. La version française est connue sous le nom de Questionnaire concis sur les douleurs QCD (figure 3.6). Le BPI est validĂ© pour lâĂ©valuation de la douleur cancĂ©reuse et non cancĂ©reuse.
Le Multidimensional Pain Inventory (MPI) intĂšgre la plupart des composantes de la douleur, mais la traduction française nâest pas validĂ©e Ă ce jour. Le MPI est considĂ©rĂ© comme lâoutil de
choix pour lâĂ©valuation de lâefficacitĂ© de la rééducation chez le douloureux chronique. Il permet dâidentifier diffĂ©rents groupes de patients : ceux qui rĂ©agissent de maniĂšre adaptĂ©e, les patients dysfonctionnels et les patients prĂ©sentant des difficultĂ©s interpersonnelles.
Ăvaluation de la capacitĂ© fonctionnelle
Les effets de la douleur sur les capacitĂ©s fonctionnelles sont Ă©valuĂ©s Ă lâaide dâĂ©chelles multidimensionnelles ou de questionnaires spĂ©cifiques. Parmi les questionnaires multidimensionnels, figurent
22 Ăvaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 3.4. Le questionnaire Douleur neuropathique en quatre questions (DN4).
le Medical Outcome Study Short Form-36 (MOS SF-36), le MPI ou le BPI. Plusieurs questionnaires validĂ©s permettent dâĂ©valuer spĂ©cifiquement lâincapacitĂ© fonctionnelle. Les deux outils les plus rĂ©pandus sont lâOswestry Disability Index (ODI) (tableau 3.1) et le Roland Disability Questionnaire (RDQ).
LâODI, utilisĂ© en cas de douleur du rachis, comporte 10 items graduĂ©s de 0 Ă 5. Le score final (exprimĂ© en pourcentage dâincapacitĂ©) reprĂ©sente le total des scores obtenus pour chaque question, divisĂ© par (50 - 5 fois le nombre de questions restĂ©es sans rĂ©ponse) x 100.
Ăvaluation de la qualitĂ© de vie
Dans les analyses coĂ»t-utilitĂ©, les effets dâun traitement sont souvent dĂ©crits en QALY (Quality Adjusted Life Year). Cet indicateur pondĂšre le temps passĂ© dans un Ă©tat de santĂ© donnĂ© par un coefficient rendant compte de la valeur accordĂ©e Ă cet Ă©tat. Lâutilisation dâun tel indicateur suppose de connaĂźtre, dâune part lâĂ©tat de santĂ© du patient, dâautre part la valeur affectĂ©e Ă cet Ă©tat par la collectivitĂ©. Des index dâĂ©tats de santĂ© pondĂ©rĂ©s par les prĂ©fĂ©rences, ou index dâutilitĂ©, ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s. Lâun des plus utilisĂ©s, du fait de sa
Chapitre 3. LâĂ©valuation de la douleur chronique 23
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 3.5. Le questionnaire de Saint-Antoine.
24 Ăvaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires
Figure 3.6. Le questionnaire concis sur les douleurs.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Tableau 3.1. LâOswestry Disability Index (ODI).
Douleur (ne cocher quâune case)
Soins personnels (ne cocher quâune case)
SoulĂšvement dâobjets
(ne cocher quâune case)
h Je ne ressens aucune douleur actuellement
h La douleur est trÚs légÚre actuellement
h La douleur est modérée actuellement
h La douleur est assez intense actuellement
h La douleur est trĂšs intense actuellement
h La douleur est la pire que lâon puisse imaginer
h Je peux effectuer normalement mes soins personnels sans douleur supplémentaire
h Je peux effectuer normalement mes soins personnels, mais câest trĂšs douloureux
h Effectuer mes soins personnels est douloureux et je dois prendre des précautions et faire attention
h Je peux effectuer mes soins personnels, mais jâai besoin dâaide
h Jâai besoin dâaide chaque jour pour la plupart de mes soins personnels
h Je ne peux pas mâhabiller, je me lave avec difficultĂ© et je reste au lit
h Je peux soulever des objets lourds sans augmenter la douleur
h Je peux soulever des objets lourds mais la douleur augmente
h La douleur mâempĂȘche de soulever des objets lourds qui se trouvent au sol, mais je peux les soulever sâils sont Ă ma portĂ©e (par ex., sur une table)
h La douleur mâempĂȘche de soulever des objets lourds, mais je peux soulever des objets lĂ©gers ou moyennement lourds sâils sont Ă ma portĂ©e
h Je ne peux soulever que des objets trÚs légers
h Je ne peux rien soulever
Marche (ne cocher quâune case)
Position assise (ne cocher quâune case)
Position debout
(ne cocher quâune case)
Sommeil (ne cocher quâune case)
h La douleur ne mâempĂȘche pas de marcher, quelle que soit la distance
h La douleur mâempĂȘche de marcher au-delĂ de 1600 mĂštres
h La douleur mâempĂȘche de marcher au-delĂ de 800 mĂštres
h La douleur mâempĂȘche de marcher au-delĂ de 100 mĂštres
h Je ne peux marcher quâavec une canne ou des bĂ©quilles
h Je reste au lit la plupart du temps et je dois me traĂźner jusquâaux toilettes
h Je peux rester assis(e) sur un siĂšge aussi longtemps que je le veux
h Je peux rester assis(e) sur mon siĂšge favori aussi longtemps que je le veux
h La douleur mâempĂȘche de rester assis(e) pendant plus dâune heure
h La douleur mâempĂȘche de rester assis(e) pendant plus dâune demi-heure
h La douleur mâempĂȘche de rester assis(e) pendant plus de 10 minutes
h La douleur mâempĂȘche de rester assis(e)
h Je peux me tenir debout aussi longtemps que je le veux sans augmenter la douleur
h Je peux me tenir debout aussi longtemps que je le veux mais la douleur augmente
h La douleur mâempĂȘche de me tenir debout pendant plus dâune heure
h La douleur mâempĂȘche de me tenir debout pendant plus dâune demi-heure
h La douleur mâempĂȘche de me tenir debout pendant plus de 10 minutes
h La douleur mâempĂȘche de me tenir debout
h Mon sommeil nâest jamais perturbĂ© par la douleur
h Mon sommeil est parfois perturbé par la douleur
h La douleur fait que je dors moins de 6 heures
h La douleur fait que je dors moins de 4 heures
h La douleur fait que je dors moins de 2 heures
h La douleur mâempĂȘche de dormir
Vie sexuelle (ne cocher quâune case)
Vie sociale (ne cocher quâune case)
h Ma vie sexuelle est normale et ne me cause pas plus de douleur
h Ma vie sexuelle est normale mais me cause plus de douleur
h Ma vie sexuelle est presque normale, mais trĂšs douloureuse
h Ma vie sexuelle est trÚs limitée par la douleur
h Je nâai quasiment plus de vie sexuelle Ă cause de la douleur
h La douleur mâempĂȘche toute vie sexuelle
h Ma vie sociale est normale et ne me cause pas plus de douleur
h Ma vie sociale est normale mais me cause plus de douleur
h La douleur nâa pas dâeffet important sur ma vie sociale, sauf de limiter mes activitĂ©s physiques (par exemple, les sports, etc.)
h La douleur limite ma vie sociale et je ne sors pas aussi souvent
h La douleur limite sérieusement ma vie sociale et je reste chez moi
h Je nâai pas de vie sociale Ă cause de la douleur
Chapitre 3. LâĂ©valuation de la douleur chronique 25 ï·
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Voyages (ne cocher quâune case)
Score : %
h Je peux voyager nâimporte oĂč sans me causer plus de douleur
h Je peux voyager nâimporte oĂč mais ça me cause plus de douleur
h La douleur est forte, mais je peux faire des déplacements de plus de deux heures
h La douleur me limite Ă des dĂ©placements de moins dâune heure
h La douleur me limite à de courts déplacements essentiels de moins de 30 minutes
h La douleur mâempĂȘche de voyager sauf pour des traitements
simplicitĂ©, est lâEuroQoL 5-dimensions (EQ5D). Les cinq aspects explorĂ©s sont la mobilitĂ©, lâautonomie, les activitĂ©s courantes, la douleur ou la gĂȘne, la dĂ©pression ou lâanxiĂ©tĂ©. Pour le calcul de lâindex, le patient indique la gravitĂ© des problĂšmes rencontrĂ©s dans chacune des dimensions considĂ©rĂ©es. LâEQ-5D inclut lâEQ-5D VAS, constituĂ©e dâune Ă©chelle visuelle verticale de 20 cm, numĂ©rotĂ©e de 0 Ă 100, sur laquelle le patient note son Ă©tat de santĂ© actuel (figure 3.7).
Ăvaluation psychologique
LâanxiĂ©tĂ© et la dĂ©pression sont deux paramĂštres frĂ©quemment pris en compte. LâĂ©valuation
psychologique est dâautant plus importante que les douleurs chroniques peuvent ĂȘtre Ă lâorigine de troubles psychiatriques, lâinverse Ă©tant Ă©galement possible. Lâaspect psychologique est souvent inclus dans les questionnaires dâĂ©valuation multidimensionnelle de la douleur chronique. Deux Ă©chelles simples, traduites en français, permettent dâexplorer spĂ©cifiquement la dimension dĂ©pressive ( Beck Depression Inventory ou BDI), lâanxiĂ©tĂ© et la dĂ©pression ( Hospital Anxiety and Depression Scale ou HAD). Le HAD contient 14 questions, graduĂ©es de 0 Ă 3, Ă©galement rĂ©parties entre dĂ©pression et anxiĂ©tĂ© ( tableau 3.2 ). Un score compris entre 8 et 10 doit faire Ă©voquer un Ă©tat dĂ©pressif ou anxieux, un total de 10/21 le confirme.
26 Ăvaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires ï·
Figure 3.7. LâEuroQoL 5-dimensions (EQ-5D) et lâEQ-5D VAS.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
1. Je me sens tendu ou énervé
h Jamais
h De temps en temps
h Souvent
h La plupart du temps
2. Jâai une sensation de peur comme si quelque chose dâhorrible allait mâarriver
3. Je me fais du souci
4. Je peux rester tranquillement assis à ne rien faire et me sentir décontracté
5. JâĂ©prouve des sensations de peur et jâai lâestomac nouĂ©
6. Jâai la bougeotte et nâarrive pas Ă tenir en place
7. JâĂ©prouve des sensations soudaines de panique
Dépression
8. Je prends plaisir aux mĂȘmes choses quâautrefois
9. Je ris facilement et vois le bon cÎté des choses
10. Je suis de bonne humeur
11. Jâai lâimpression de fonctionner au ralenti
12. Je me mâintĂ©resse plus Ă mon apparence
h Pas du tout
h Un peu mais cela ne mâinquiĂšte pas
h Oui, mais ce nâest pas trop grave
h Oui, trĂšs nettement
h TrĂšs occasionnellement
h Occasionnellement
h Assez souvent
h TrĂšs souvent
h Oui, quoi quâil arrive
h Oui, en général
h Rarement
h Jamais
h Jamais
h Parfois
h Assez souvent
h Souvent
h Pas du tout
h Pas tellement
h Un peu
h Oui, câest tout Ă fait le cas
h Jamais
h Pas trĂšs souvent
h Assez souvent
h Vraiment trĂšs souvent
h Oui, tout autant
h Pas autant
h Un peu seulement
h Presque plus
h Autant que par le passé
h Plus autant quâavant
h Vraiment moins quâavant
h Plus du tout
h La plupart du temps
h Assez souvent
h Rarement
h Jamais
h Jamais
h Parfois
h TrĂšs souvent
h Presque toujours
h Jây prĂȘte autant dâattention quâavant
h Il se peut que je nây fasse plus autant attention
h Je nây accorde pas autant dâattention que je devrais
h Plus du tout
Chapitre 3. LâĂ©valuation de la douleur chronique 27 ï·
Tableau 3.2. LâĂ©chelle Hospital Anxiety and Depression Scale (HAD). AnxiĂ©tĂ©
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
13. Je me rĂ©jouis dâavance Ă lâidĂ©e de faire certaines choses
14. Je peux prendre plaisir à un bon livre ou à une bonne émission radio ou télévision
h Autant quâavant
h Un peu moins quâavant
h Bien moins quâavant
h Presque jamais
h Souvent
h Parfois
h Rarement
h TrĂšs rarement
Résultats : Cette échelle explore les symptÎmes anxieux et dépressifs. Faire le total du versant anxiété et dépression : 21 points maximum pour chacun. Entre 8 et 10 : état anxieux ou dépressif douteux. Au-delà de 10 : état anxieux ou dépressif certain.
Examen clinique
Pour Ă©viter toute influence, lâexamen physique est gĂ©nĂ©ralement effectuĂ© avant la consultation des examens radiologiques et complĂ©mentaires. OrientĂ© par lâanamnĂšse et les antĂ©cĂ©dents du patient, lâexamen clinique du patient douloureux chronique se concentre essentiellement sur lâappareil musculosquelettique et le systĂšme nerveux. Chaque rĂ©gion douloureuse est minutieusement examinĂ©e (inspection, palpation, mobilisation, amplitudes articulaires).
Lâexamen articulaire est complĂ©tĂ© par un examen physique gĂ©nĂ©ral Ă la recherche de signes Ă©vocateurs dâune pathologie systĂ©mique ou de la manifestation systĂ©mique dâune arthropathie.
Lâexamen neurologique comprend lâĂ©valuation de la sensibilitĂ© (tactile, thermique, proprioceptive, toucher-piquer), de la force musculaire (tableau 3.3) et des rĂ©flexes ostĂ©otendineux (tableaux 3.4â3.6).
La manĆuvre de Jendrassik permet de dĂ©sinhiber des rĂ©flexes apparemment diminuĂ©s. En demandant au patient de se concentrer sur la
Tableau 3.3. Ăvaluation de la force musculaire.
Score Ăvaluation dâun dĂ©ficit musculaire
0 Aucune contraction
1 Contraction visible ou palpable nâentraĂźnant aucun mouvement
2 Contraction permettant le mouvement en lâabsence de pesanteur
3 Contraction permettant le mouvement contre la pesanteur
4 Contraction permettant le mouvement contre la résistance, mais la force réalisée reste déficitaire
5 Force musculaire normale
Tableau 3.4. Ăvaluation des rĂ©flexes.
Score Réponse observée
0 Aréflexie
1 Réflexe diminué
2 Réflexe normal
3 Réponse augmentée
4 Réponse trÚs augmentée
28 Ăvaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires
ï·
Anxiété
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Tableau 3.5. Diagnostic topographique dâune atteinte radiculaire du membre supĂ©rieur.
Racine Déficits moteurs Réflexe Douleurs et/ou déficits sensitifs
C5 Abduction du bras, rotation de lâĂ©paule Bicipital Moignon de lâĂ©paule, face antĂ©rieure du bras
C6 Flexion du coude, supination de lâavant-bras, flexion du pouce
C7 Extension du coude, du poignet et des doigts, pronation de lâavant-bras
Stylo radial Face antĂ©rieure du bras, face externe de lâavant-bras jusquâau pouce
Tricipital Face postĂ©rieure du bras jusquâaux 2e et 3e doigts
C8-D1 Flexion des doigts, abduction des doigts Cubitopronateur Face interne du bras jusquâaux 4e et 5e doigts
Tableau 3.6. Diagnostic topographique dâune
Racine Déficits moteurs Réflexe
L3 Extension du genou (muscles psoas et quadriceps fémoral)
L4 Flexion dorsale du pied (muscle jambier antérieur)
L5 Extenseurs des orteils (muscles péroniers latéraux et partiellement jambier antérieur)
S1 Flexion plantaire du pied (muscle triceps sural : marche sur la pointe des pieds difficile ou impossible)
Rotulien Fesse
Douleurs et/ou déficits sensitifs
Face antérieure de la cuisse,
Face interne du genou
Rotulien Fesse
Face externe de la cuisse, face antérieure du genou
Face antéro-interne de la jambe
- Fesse
Face postérieure de la cuisse
Face externe de la jambe
Face dorsale du pied et du gros orteil
Achilléen Fesse
Face postérieure de la cuisse, de la jambe, du talon, de la plante du pied et du petit orteil
traction latĂ©rale de ses deux mains, on induit un relĂąchement des autres groupes musculaires. LâhyperrĂ©flexie est le signe dâune atteinte centrale. Il est important de rechercher une extension de la zone rĂ©flexogĂšne, un clonus (secousses rĂ©pĂ©tĂ©es Ă lâĂ©tirement dâun muscle) ou un polycinĂ©tisme (rĂ©ponses musculaires multiples aprĂšs une stimulation unique).
On recherche les irradiations douloureuses au niveau des dermatomes (figure 3.8), des territoires des nerfs périphériques (figures 3.9 et 3.10) ou des nerfs crùniens (figure 3.11).
Les douleurs projetĂ©es peuvent ĂȘtre de deux types : rapportĂ©es ou rĂ©fĂ©rĂ©es.
âą Les douleurs rapportĂ©es sont liĂ©es Ă une atteinte situĂ©e sur les voies nerveuses et sont perçues dans le territoire dâinnervation correspondant Ă ces voies (par exemple : compression du nerf
sciatique par une hernie discale L5-S1 produisant une douleur radiculaire S1).
âą Les douleurs rĂ©fĂ©rĂ©es sont plus complexes et sont la consĂ©quence du phĂ©nomĂšne de convergence. Des influx nociceptifs de diverses origines (cutanĂ©e, tendinomusculaire, ligamentaire, ostĂ©oarticulaire ou viscĂ©rale) convergent, sans atteinte des voies nerveuses, vers le mĂȘme neurone de la corne postĂ©rieure de la moelle qui transmet les affĂ©rences au niveau du thalamus et du cortex. Lâorigine de ces influx est mal interprĂ©tĂ©e par le cortex qui possĂšde une capacitĂ© discriminative prĂ©cise pour la peau ou les articulations, mais beaucoup plus imprĂ©cise pour les muscles et quasiment absente pour les viscĂšres. Ainsi la sensation douloureuse provenant dâun viscĂšre peut ĂȘtre localisĂ©e Ă tort dans la zone cutanĂ©e correspondant au mĂȘme mĂ©tamĂšre.
Chapitre 3. LâĂ©valuation de la douleur chronique 29
atteinte radiculaire du membre inférieur.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
30 Ăvaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires
Figure 3.8. La distribution des dermatomes.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 3.9. Les territoires dâinnervation sensitive du membre supĂ©rieur.
Chapitre 3. LâĂ©valuation de la douleur chronique 31
Figure 3.10. Les territoires dâinnervation sensitive du membre infĂ©rieur.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 3.11. Les territoires dâinnervation sensitive de la tĂȘte.
Examen de la colonne cervicale
Lâexamen de la colonne cervicale est effectuĂ© sur un patient assis. Il inclut les Ă©lĂ©ments suivants :
âą Inspection de lâalignement des Ă©pineuses et de la lordose cervicale.
âą Palpation des apophyses Ă©pineuses et articulaires postĂ©rieures par segment : segment supĂ©rieur : C0-C3, moyen : C4-C5 et infĂ©rieur C6-C7. C2, C4 (en regard de lâangle de la mandibule) et C7 (vertĂšbre cervicale la plus proĂ©minente) constituent les repĂšres anatomiques externes.
âą Palpation des muscles : Ă©lĂ©vateur de lâĂ©paule, splĂ©nius du cou, trapĂšze, semi-Ă©pineux de la tĂȘte, transversaire Ă©pineux et sous-occipitaux, Ă la recherche de cordons myalgiques, de contractures musculaires ou dâatrophie.
âą Ăvaluation de lâamplitude des mouvements actifs en rotation (normale : 80°), en flexion (normale : 45°), en extension (normale : 45°) et en inclinaison (normale : 45°), et recherche des limitations (douloureuses ou indolores).
âą ManĆuvre de Spurling (ou test de compression foraminale) Ă la recherche dâune irritation radiculaire. La pression sur une racine nerveuse atteinte aggrave la douleur radiculaire ou les dysesthĂ©sies associĂ©es. La tĂȘte est inclinĂ©e du cĂŽtĂ© symptomatique et lâexaminateur effectue une pression axiale sur le sommet de la tĂȘte. La manĆuvre est positive si la douleur radiculaire est augmentĂ©e (spĂ©cificitĂ© Ă©levĂ©e, faible sensibilitĂ©).
âą ManĆuvre de distraction Ă la recherche dâune irritation radiculaire par diminution de la tension sur la racine nerveuse atteinte. Le test consiste Ă Ă©tirer la tĂȘte du patient. Il est positif si la douleur radiculaire ou les dysesthĂ©sies diminuent (spĂ©cificitĂ© Ă©levĂ©e, mais sensibilitĂ© faible).
âą ManĆuvre dâabduction de lâĂ©paule Ă la recherche dâune irritation radiculaire par diminution de la tension sur la racine nerveuse atteinte. Le test consiste en une abduction passive complĂšte de lâĂ©paule du cĂŽtĂ© symptomatique. Il est positif si la douleur radiculaire ou les dysesthĂ©sies diminuent au niveau des racines C4 Ă C6 (spĂ©cificitĂ© Ă©levĂ©e, faible sensibilitĂ©).
⹠Examen neurologique : recherche des signes déficitaires (moteurs, sensitifs ou réflexes) permettant de préciser le territoire radiculaire ou périphérique.
âą Signe de Hoffmann  : la flexion forcĂ©e de la phalange distale de lâindex suivie de son relĂąchement brusque entraĂźne une flexion des doigts et du pouce en prĂ©sence dâun syndrome pyramidal.
âą Le diagnostic diffĂ©rentiel dâune cervicobrachialgie inclut les pathologies dâorigine non cervicale : atteinte de la coiffe des rotateurs (trajet douloureux Ă©voquant une radiculalgie C5 ou C6), syndrome de Parsonage et Turner (plexopathie brachiale aiguĂ« dâorigine inconnue associant douleurs de lâĂ©paule et du bras avec une amyotrophie secondaire), syndrome du dĂ©filĂ© thoracique (trajet C8), Ă©picondylalgie ou syndrome du canal carpien (trajet C6).
âą ManĆuvre de Roos (ou manĆuvre du chandelier dynamique ) : cette manĆuvre permet de reproduire les symptĂŽmes du syndrome du dĂ©filĂ© thoracique (douleur graduelle au niveau de la colonne cervicale, lâĂ©paule et le bras, ou paresthĂ©sies dans les avant-bras et les doigts). On demande au patient de lever les bras en abduction et rotation externe, de flĂ©chir les coudes Ă 90°, et dâouvrir et fermer les doigts pendant 3 minutes. Ce test est le plus fiable dans le diagnostic du syndrome du dĂ©filĂ© thoracique.
Examen de la colonne thoracique
Lâexamen de la colonne thoracique est effectuĂ© sur un patient debout. Il inclut les Ă©lĂ©ments suivants :
⹠Inspection de la cyphose dorsale :
â recherche de dĂ©viation latĂ©rale (scoliose vraie avec rotation vertĂ©brale ou attitude scoliotique antalgique) ou antĂ©rieure (cyphose) ;
â diffĂ©rence de hauteur des Ă©paules, asymĂ©trie thoracique. La scoliose peut ĂȘtre dorsale, cervicodorsale ou dorsolombaire ; â caractĂ©risation de la scoliose (concave ou convexe).
32 Ăvaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
⹠Palpation des épineuses et de la région paravertébrale.
âą Palpation musculaire Ă la recherche de cordons myalgiques, de contractures musculaires ou dâatrophie.
âą Ăvaluation de lâamplitude des mouvements actifs : â rotation (normale : 50°), flexion (normale : 20°), extension (normale : 10°) et inclinaison avec contre-pression de la main opposĂ©e (normale : 35°) ; â recherche des limitations (douloureuses ou indolores). Les mouvements de la colonne thoracique sont limitĂ©s, notamment en raison des articulations costales.
âą Mesure de lâampliation thoracique (normale : 6 cm).
⹠Signe de Foletti  : une hypoesthésie thermique au froid en regard de la charniÚre dorsolombaire est fréquente dans le syndrome de Maigne.
Examen de la colonne lombaire
Lâexamen de la colonne lombaire inclut les Ă©lĂ©ments suivants :
En position debout
âą Ăvaluation de la marche, Ă la recherche dâanomalies provoquĂ©es par la douleur, une faiblesse musculaire, une atteinte neurologique ou une asymĂ©trie des membres infĂ©rieurs. La boiterie antalgique est due Ă une douleur au niveau du dos ou du membre infĂ©rieur dans son entier. Elle se prĂ©sente gĂ©nĂ©ralement par une phase dâappui raccourcie du cĂŽtĂ© douloureux. En cas de claudication neurogĂšne, la douleur peut limiter drastiquement le pĂ©rimĂštre de marche.
⹠Attitude antalgique (spontanée ou lors du déshabillage).
⹠Inspection de la lordose lombaire (hyperlordose, rectitude, inversion), des déviations latérales (scoliose vraie avec rotation vertébrale, attitude scoliotique antalgique), déviation de la ligne du bassin.
âą Palpation des muscles multifidus, de lâĂ©recteur du rachis, des fessiers et du pyramidal Ă la recherche de cordons myalgiques, de contractures musculaires ou dâatrophie.
âą Ăvaluation de lâamplitude des mouvements actifs : rotation (normale : 30°), flexion (normale : 90°), extension (normale : 30°) et inclinaison (normale : 30°). Recherche des limitations (douloureuses ou indolores). Une douleur lombaire en extension Ă©voque une lyse isthmique ou un canal Ă©troit avec ou sans spondylolisthĂ©sis. Aucune Ă©tude nâa dĂ©montrĂ© de corrĂ©lation claire entre une douleur du rachis lombaire Ă lâextension et la prĂ©sence dâarthrose au niveau des articulations postĂ©rieures [8]. Sept facteurs corrĂ©lĂ©s de façon significative avec un syndrome facettaire ont Ă©tĂ© dĂ©crits par Jackson : Ăąge avancĂ©, antĂ©cĂ©dent de lombalgie, marche normale, douleur maximale en extension, absence dâirradiation dans le membre infĂ©rieur, absence de spasme musculaire et absence dâimpulsivitĂ© [9]. Une douleur radiculaire provoquĂ©e par lâextension Ă©voque une stĂ©nose foraminale et possiblement une discopathie inflammatoire. Une douleur lors de lâinclinaison du cĂŽtĂ© opposĂ© Ă la lombalgie (« LasĂšgue du tronc ») peut ĂȘtre le signe dâune atteinte des branches postĂ©rieures cutanĂ©es des racines D12, L1 et L2 (charniĂšre dorsolombaire).
âą Mesure de la distance doigts-sol (DDS) en centimĂštres (normale : 0 cm). La raideur liĂ©e Ă la contraction des muscles spinaux Ă©voque une pathologie discale ou arthrosique lombaire. La douleur peut nâĂȘtre prĂ©sente quâĂ mi-course ou en fin dâexercice et disparaĂźtre par la suite (passage ou arc douloureux).
âą Le test de Schöber mesure le degrĂ© de souplesse de la colonne lombaire. Le protocole du test consiste Ă effectuer deux marquages sur le patient en position debout. Le premier au niveau de lâapophyse Ă©pineuse de L5 et le second 10 cm plus haut. Lâallongement de cette distance est ensuite mesurĂ©e en flexion antĂ©rieure maximale. LâĂ©cart doit ĂȘtre supĂ©rieur Ă 4 cm (indice de Schöber = + 4).
En décubitus ventral
âą Palpation segmentaire depuis la charniĂšre dorsolombaire jusquâau sacrum : dĂ©crite par Maigne [10], la manipulation qui consiste Ă associer
Chapitre 3. LâĂ©valuation de la douleur chronique 33
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE