Manuel pratique d'algologie - Prise en charge de la douleur chronique
Christophe Perruchoud
Visit to download the full and correct content document: https://ebookmass.com/product/manuel-pratique-dalgologie-prise-en-charge-de-la-do uleur-chronique-christophe-perruchoud/
Chez le même éditeur
Manuel pratique d’anesthésie, par Albrecht Éric, Jean-Pierre Haberer, Éric Buchser, Véronique Moret, 2015, 864 pages.
La douleur en ORL – Rapport 2014 de la Société française d’ORL et de chirurgie cervico-faciale , par Jean-Michel Prades, 2014, 240 pages.
Manuel pratique d’anesthésie locorégionale échoguidée, par Éric Albrecht, Sébastien Bloc, Hugues Cadas, Véronique Moret, 2014, 296 pages.
Posturologie clinique. Comprendre, évaluer, soulager les douleurs, par l’API (Association de Posturologie Internationale), Bernard Weber, Philippe Villeneuve, 2012, 224 pages.
Anesthésie loco-régionale et traitement de la douleur, par Pierre Gauthier-Lafaye, André Muller, Elisabeth Gaertner, 2009, 4e édition, 720 pages.
Douleurs rachidiennes : 100 défis cliniques, par Lynton G.F Giles, édition française coordonnée par Fabrice Duparc, 2012, 568 pages.
Dans la collection « Abrégés »
Douleurs – Soins palliatifs – Deuils, Coordonné par Alain de Broca, 2012, 240 pages.
Dans la collection « Pratiques en psychothérapie »
Pratiques en psychothérapie – Approches théoriques et cliniques, par Gérard Salem, Éric Bonvin, 2017, 6e édition, 392 pages.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Manuel pratique d’algologie
Prise en charge de la douleur chronique
Christophe Perruchoud
Médecin-chef, centre lémanique d’antalgie et de neuromodulation, département d’anesthésiologie, hôpital de Morges, Suisse, Médecin agréé, centre d’antalgie, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse, Privat docent et maître d’enseignement et de recherche de l’université de Lausanne (UNIL).
Éric Albrecht
Médecin-adjoint, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse, Privat docent et maître d’enseignement et de recherche de l’université de Lausanne (UNIL), Auteur du Manuel pratique d’anesthésie et du Manuel pratique d’anesthésie locorégionale échoguidée.
Véronique Moret
Ancien médecin associé, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Avec la collaboration de Élodie Andrieux-Chastonay, Chantal Berna, Sébastien Bloc, Vincent Bourquin, Michèle Bovy, Éric Buchser, Matthieu Cachemaille, Laurence Clivaz-Mariotti, Martine Jacot-Guillarmod, Carlos Madrid, Bruno Marchand, Nicolas Mariotti, Benoît Marlier, Jean-Pierre Mustaki, Charles Peltier, Philippe Rigoard, Alexandra Simard, Marc Suter, Tanguy Vendeuvre et Dragana Viceic
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
Manuel pratique d’algologie - Prise en charge de la douleur chronique, de Christophe Perruchoud, Éric Albrecht et Véronique Moret.
© 2017 Elsevier Masson SAS
ISBN : 978-2-294-74493-8 e-ISBN : 978-2-294-74534-8
Tous droits réservés.
Illustrations réalisées par Alain Jacot-Guillarmod : figures 2.1, 2.2, 2.3, 2.5, 2.6, 3.10, 8.3, 26.1, 27.7, 27.11, 27.24, 27.34 et 27.35.
Les indications et posologies de tous les médicaments cités dans ce livre ont été recommandées dans la littérature médicale et concordent avec la pratique de la communauté médicale. Elles peuvent, dans certains cas particuliers, différer des normes définies par les procédures d’AMM. De plus, les protocoles thérapeutiques pouvant évoluer dans le temps, il est recommandé au lecteur de se référer en cas de besoin aux notices des médicaments, aux publications les concernant et à l’Agence du médicament. L’auteur et l’éditeur ne sauraient être tenus pour responsables des prescriptions de chaque médecin.
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).
+ Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photo-copillage ». Cette pratique qui s’est généralisée, notammentdans les établissements d’enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d’autorisation de photocopier doivent être adressées à l’éditeur ou au Centre français d’exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Liste des collaborateurs
Élodie Andrieux-Chastonay, cheffe de clinique, service d’anesthésiologie, centre hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Chantal Berna, cheffe de clinique, centre d’antalgie, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Sébastien Bloc, médecin anesthésiste-réanimateur, hôpital privé Claude Galien, Quincy-sous-Sénart, France
Vincent Bourquin, médecin consultant, médecine interne et néphrologie, hôpital de la Tour, Genève, Suisse
Michèle Bovy, médecin-cheffe, centre lémanique d’antalgie et de neuromodulation, département d’anesthésiologie, hôpital de Morges, Suisse
Éric Buchser, médecin-chef, Centre lémanique d’antalgie et de neuromodulation, département d’anesthésiologie, hôpital de Morges, Suisse.
Matthieu Cachemaille, chef de clinique, centre d’antalgie, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Laurence Clivaz Mariotti, médecin-adjointe, centre cantonal d’addictologie, Réseau fribourgeois de santé mentale (RFSM), Fribourg, Suisse
Martine Jacot-Guillarmod, médecin-associée, département femme-mère-enfant, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Carlos Madrid, médecin-associé, division de chirurgie orale et maxillo-faciale, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Bruno Marchand, médecin-chef, service de radiologie, hôpital de Morges, Suisse
Nicolas Mariotti, médecin-chef adjoint, centre de traitement de la douleur, service d’anesthésiologie et de réanimation, HFR-Fribourg hôpital cantonal, Fribourg, Suisse
Benoît Marlier, neurochirurgien, service de neurochirurgie, centre hospitalier universitaire Maison-Blanche, Reims, France
Jean-Pierre Mustaki, médecin-chef, centre lémanique d’antalgie et de neuromodulation, département d’anesthésiologie, Hôpital de Morges, Suisse
Charles Peltier, neurochirurgien, Unité du rachis et de neurostimulation, centre hospitalier universitaire de la Milétrie, Poitiers, France
Philippe Rigoard, professeur de neurochirurgie, unité du rachis et de neurostimulation, centre hospitalier universitaire de la Milétrie, Poitiers, France
Alexandra Simard, anesthésiste, clinical and research fellow neuromodulation, centre hospitalier universitaire de Québec –université de Laval, Québec, Canada.
Marc Suter, médecin associé, centre d’antalgie, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Tanguy Vendeuvre, chef de clinique en orthopédie, Unité du rachis et de neurostimulation, centre hospitalier universitaire de la Milétrie, Poitiers, France
Dragana Viceic, cheffe de clinique, service de neurologie, centre hospitalier du valais romand, hôpital de Sion, Suisse
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
ACR American College of Rheumatology
AL anesthésique local
ALIF Anterior Lumbar Interbody Fusion
ASA American Society of Anesthesiologists
AVR anesthésie intraveineuse
BDI Beck Depression Inventory
BPI Brief Pain Inventory
COX cyclo-oxygénase
CRPS Complex Regional Pain Syndrom
DFG débit de filtration glomérulaire
DRG Dorsal Root Ganglion
EMG électromyogramme
EQ-5D EuroQoL 5-dimensions
HAD Hospital Anxiety and Depression scale
HD hernie discale
HIZ High signal Intensity Zone
IASP International Association for the Study of Pain
IMC infirmes moteurs cérébraux
IPPS International Pelvic Pain Society
IRC insuffisance rénale chronique
IRM imagerie par résonance magnétique
IRSN inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline
ISSVD International Society for the Study of Vulvovaginal Disease
ISSWSH International Society for the Study of Women’s Sexual Health
KDIGO Kidney Disease/Improving Global Outcomes
LANSS Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs
LCR liquide céphalorachidien
MBL Mannose-Binding Lectin
MELD Model for End-Stage Liver Disease
MOS SF-36 Medical Outcome Study Short Form-36
MPI Multidimensional Pain Inventory
MPQ McGill Pain Questionnaire
Abréviations
NNT Number Needed to Treat, nombre nécessaire de patients à traiter
NPQ Neuropathic Pain Questionnaire
NPS Neuropathic Pain Scale
ODI Oswestry Disability Index
OMS Organisation mondiale de la Santé
OWS Oswestry Low Back Pain and Disability Score
PAG substance grise périaqueducale
PLIF Posterior Lumbar Interbody Fusion
PNP polyneuropathies
POEMS Polyneuropathie Organomegalie Endocrinopathie Monoclonal proteine
Skin change
QALY Quality Adjusted Life Year
QCD questionnaire concis sur les douleurs
QDSA questionnaire de Saint-Antoine
QST Quantitative sensory testing, évaluation quantifiée de la sensibilité cutanée
RC rétrécissement canalaire
RDQ Roland Disability Questionnaire
rTMS stimulation magnétique transcrânienne répétitive
RVM moelle rostroventrale
SDRC Complex Regional Pain Syndrome, syndrome douloureux régional complexe
SS Severity Scale
SSRI inhibiteurs purs de la recapture de la sérotonine
StEP Standardized Evaluation of Pain
tDCS transcranial Direct Curent Stimulation, stimulation transcrânienne à courant direct
TENS transcutaneous electrical nerve stimulation
TLIF Transverse Lumbar Interbody Fusion
WPI Widespread Pain Index
XLIF eXtreme Lateral Interbody Fusion
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Chapitre 1
L’épidémiologie de la douleur chronique
Marc Suter, Christophe Perruchoud
Définition
L’International Association for the Study of Pain (IASP) définit la douleur comme une « expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle, ou décrite en des termes évoquant une telle lésion » [1]. Cette définition implique que tout épisode douloureux est lié à une sensation de lésion tissulaire, que cette lésion existe ou non. La distinction entre douleur « réelle » et douleur « imaginaire » ne fait donc pas de sens.
Pour l’American Society of Anesthesiologists (ASA), une douleur chronique est une « douleur persistante ou épisodique, d’une durée ou d’une intensité qui affecte de façon péjorative le comportement ou le bien-être du patient, attribuable à toute cause non maligne » [2]. Cette seconde définition introduit de nouvelles notions, à savoir l’inutilité de la douleur chronique comme signal d’alerte protecteur, et son caractère délétère en termes de retentissement psychologique. Par opposition, la douleur aiguë est un mécanisme de défense permettant de signaler un danger et nécessaire à notre survie. En pratique clinique, on différencie souvent la douleur chronique d’origine cancéreuse de la douleur chronique non cancéreuse. La notion de chronicité diffère selon les auteurs, mais correspond généralement à une évolution supérieure à 3 ou 6 mois. Selon l’OMS, « une douleur qui dure longtemps, ou qui est
permanente ou récurrente, est appelée chronique quand elle dure plus de 6 mois » [3].
Le traitement de la douleur est reconnu comme un droit fondamental [4]. La douleur est considérée comme une maladie à part entière [5] et une classification est prévue pour l’ICD-11 [6]. Son importance comme unité propre est aussi mise en avant par les études épidémiologiques. Elle diminue la qualité de vie et lorsqu’elle est sévère et constitue même un facteur de risque indépendant de mortalité [7].
I
ncidence, prévalence et présentation clinique
L’épidémiologie étudie la distribution, la cause et les déterminants d’événements en relation à la santé dans des populations ainsi que leurs applications dans la prise en charge des problèmes de santé. Dans le cadre de la douleur chronique, il est important de connaître la prévalence et les facteurs de risques pour améliorer notre approche globale en diminuant la sévérité de l’atteinte ainsi qu’en minimisant l’incapacité fonctionnelle [8]. La prévalence est définie par le pourcentage de personnes souffrant de douleur chronique dans la position générale (à un instant donné, sur une période précise ou durant la vie entière). La prévalence permet de déterminer les ressources cliniques, financières,
Manuel pratique d'algologie © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
éducationnelles nécessaires aux praticiens de premier recours.
L’incidence est définie comme le nombre de nouveaux cas sur une période donnée (généralement une année) rapportée à la population générale. L’incidence de la douleur chronique est difficile à préciser, les patients ne se rappelant souvent pas du début des symptômes et ne consultant souvent que lorsque la douleur est déjà présente depuis un certain temps [9].
La douleur est tellement fréquente si l’on considère tous les épisodes (seul 1 patient sur 5 rapporte ne pas avoir eu de douleur durant le mois précédent [10]) qu’il est plus utile de se concentrer sur la douleur chronique et invalidante.
L’étude téléphonique réalisée en 2006 par Breivik [11], dans 15 pays européens et Israël, a conclu à une prévalence de la douleur chronique de 19 %, définie par une douleur présente depuis plus de 6 mois, avec au moins deux épisodes par semaine, présente le mois précédent, d’intensité supérieure ou égale à 5 sur une échelle de numérique de 1 à 10 lors du dernier épisode. Les localisations les plus fréquentes étaient la région lombaire (18 %), suivie du genou (14 %), de la jambe (14 %), de la tête (15 %), de l’épaule (9 %), de la colonne cervicale et de la hanche (8 %), de la main (6 %), de la colonne dorsale (5 %). La durée des douleurs était de 2 à 15 ans chez 60 % des participants. La cause de douleurs selon la réponse donnée par les participants, aidés par une liste de propositions, était l’arthrose (34 %), un problème discal (15 %), un traumatisme (12 %), une polyarthrite (8 %), des céphalées/ migraines (7 %), une fracture/détérioration de la colonne (6 %), un dommage d’un nerf (4 %) ou d’un cartilage (4 %), un « coup du lapin » (4 %) ou une chirurgie (3 %). Douze pour cent des répondants ignoraient la cause de leur douleur. L’impact sur les activités quotidiennes était marqué, avec 56 % des sondés qui mentionnaient que leur sommeil était affecté et 9 % qui ne dormaient plus. Un quart prétendait que les douleurs avaient impacté leur statut professionnel. Un absentéisme moyen de 7,8 jours sur les 6 derniers mois était rapporté par ceux qui
avaient encore une activité. Moins de 2 % des patients souffrant de douleurs chroniques ont consulté une clinique spécialisée, les autres étant suivis par les médecins de premier recours, voire pas suivis du tout.
La plupart des études de prévalence sont transversales. Landmark et al. [12] ont effectué un suivi longitudinal sur une année avec un questionnaire tous les 3 mois, qui a permis de valider la reproductibilité des données sur la durée. Environ 75 % des sujets ont répondu au premier questionnaire et la moitié aux quatre. La prévalence de douleur moyenne à sévère est de 31 %.
Influence du genre sur la douleur
La prévalence de la douleur chronique est plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Les femmes ont un seuil de sensibilité à la douleur inférieur aux hommes [13].
Pourtant, malgré ces facteurs de risques augmentés, les femmes sont régulièrement exclues des études cliniques, et par conséquent, les résultats rarement exprimés en fonction du sexe. On retrouve les mêmes biais de sélection dans les études précliniques [14].
Cette discrépance entre hommes et femmes est influencée par le fait que certaines sociétés concèdent aux femmes qui souffrent le droit de s’exprimer plus bruyamment que les hommes. Sont mises en cause les hormones : d’un côté, l’effet antinociceptif et protecteur de la testostérone, de l’autre la versatilité des œstrogènes et de la progestérone. Des études précliniques ont récemment démenti l’implication de la microglie (monocyte-macrophages du système nerveux central) chez les animaux femelles. Ce mécanisme d’interaction neuro-immune établi depuis plus de 10 ans peut être induit chez les animaux femelles traités par de la testostérone [15].
Femmes et hommes affrontent la douleur de manière différente. Les hommes auraient tendance à utiliser des techniques de distraction alors que les femmes recourent de préférence au support social ou à des techniques d’entraînement attentionnel.
4 Principes généraux
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Finalement, l’interaction des sexes entre soignant et patient participe à la discrépance, les médecins ayant tendance à prescrire plus facilement un opiacé à un patient du même sexe [16].
Facteurs de risque de la douleur chronique
Connaître les facteurs de risques de la douleur chronique est important ; cela permettrait d’améliorer la prise en charge en agissant sur ces derniers s’ils sont modifiables et de cibler certaines mesures préventives sur les autres.
Les sujets de sexe féminin présentent des seuils de douleur et de tolérance inférieurs, une prévalence de douleurs chroniques plus élevée et surtout une prévalence de syndrome de douleurs chroniques augmentée. Les sujets âgés présentent aussi un risque augmenté, ce qui est préoccupant avec le vieillissement de la population. Cette catégorie de patient présente aussi plus souvent des comorbidités ainsi qu’une polymédication, qui va influencer les éventuels traitements que l’on pourra proposer. Un statut socioéconomique inférieur est un autre facteur de risque sociodémographique [13]
La douleur elle-même est probablement le facteur de risque le plus grand pour le développement d’une douleur chronique, qu’elle soit aiguë ou chronique sur un autre site [17]. Le passage à la chronicité est augmenté en fonction de l’intensité de la douleur aiguë. Une prise en charge rapide est ainsi à privilégier aussi pour éventuellement baisser ce risque. La transition vers le long terme est aussi influencée par les croyances et les attitudes par rapport à la douleur [18]. Certaines caractéristiques psychologiques comme l’anxiété, la dépression ou le catastrophisme sont associées à la douleur chronique. La relation temporelle avec la douleur n’est pas toujours claire, et l’influence mutuelle est probablement bidirectionnelle.
Le sommeil présente le même type d’interaction avec une influence réciproque sur la douleur [19]. Ces facteurs contributifs ou associés doivent être pris en compte dans le traitement de la douleur chronique.
Coûts de la douleur chronique
Plusieurs études ont estimé le coût total imputable à la douleur chronique. Les frais sont dus aux coûts directs de traitement (consultations, médicaments, hospitalisations) et aux coûts indirects liés aux absences professionnelles et à la diminution de productivité.
L’une des plus récentes [20], réalisée aux ÉtatsUnis et se basant sur le Medical Expenditure Panel Survey (MEPS), a calculé des coûts annuels de 560 à 635 milliards de dollars US pour 2010. Cette somme dépasse les coûts annuels estimés d’autres maladies chroniques (maladies cardiovasculaires : 309 milliards, cancer : 243 milliards, diabète : 188 milliards). Ces coûts se répartissent entre frais médicaux additionnels suite à la douleur de 261 à 300 milliards (frais directs) et perte de productivité de 299 à 335 milliards (frais indirects). Ces coûts massifs sont probablement sous-estimés, puisqu’ils ne prennent pas en compte par exemple les coûts d’absences des tiers prenant en charge les malades sur leur temps de travail, les personnes institutionnalisées, les personnes dont l’âge est inférieur à 18 ans, et d’autres frais tels que transports ou frais juridique [21]. Le coût en termes de qualité de vie perdue est aussi à considérer. Une perte de productivité suite à des plaintes douloureuses a été observée chez 13 % des personnes actives durant une période de 2 semaines. La céphalée en était la première cause, suivie des douleurs de dos. L’équivalent financier estimé de la perte de productivité était de 61 milliards de dollars US/année, dont la majorité causée aussi bien par la diminution de performance pendant le travail que par l’absentéisme [22]
Les douleurs dorsales et/ou lombaires sont les plus fréquentes et le but du traitement, comme dans la douleur chronique en général, n’est pas de les éliminer, mais de les rendre compatibles avec une qualité de vie correcte. L’impact économique d’une amélioration des exacerbations de douleurs dorsales est déjà important, mettant en avant l’utilité de stabiliser une maladie douloureuse chronique aussi du point de vue financier. Les travailleurs avec des exacerbations douloureuses représentent 71 % des 7,4 milliards imputés à la perte de productivité des
Chapitre 1. L’épidémiologie de la douleur chronique 5
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
douleurs dorsales [22]. Concernant des pathologies comme le diabète, le coût déjà élevé de la pathologie de base est augmenté lorsque se surajoutent les troubles neurologiques sous forme de fourmillements et d’insensibilité [23].
Références
1. Merskey H, Bogduk N. Classification of chronic pain. Descriptions of chronic pain syndromes and definitions of pain terms. Prepared by the Task Force on Taxonomy of the International Association for the Study of Pain, 2nd ed. Seattle (VA): IASP Press, 1994.
2. American Society of Anesthesiologists. Practice guidelines for chronic pain management. A report by the American Society of Anesthesiologists Task Force on Pain Management. Chronic Pain Section. Anesthesiology 1997;86:995–1004.
3. World Health Organization. A new understanding chronic pain. In : Kaplun A, ed. Health promotion and chronic illness. Discovering a new quality of health. Copenhagen: WHO Regional Publications; 1992 : 141-226.
4. Brennan F, Carr DB, Cousins M. Pain management: a fundamental human right. AnesthAnalg 2007;105(1):205–21.
5. Tracey I, Bushnell MC. How neuroimaging studies have challenged us to rethink: is chronic pain a disease ? J. Pain 2009;10(11):1113–20.
6. Treede RD, Rief W, Barke A, Aziz Q, Bennett MI, Benoliel R, et al. A classification of chronic pain for ICD-11. Pain 2015;156(6):1003–7. Epub 2015/04/07.
7. Torrance N, Elliott AM, Lee AJ, Smith BH. Severe chronic pain is associated with increased 10 year mortality. A cohort record linkage study. European journal of pain (London, England) 2010;14(4):380–6. Epub 2009/09/04.
8. Van Hecke O, Torrance N, Smith BH. Chronic pain epidemiology and its clinical relevance. British journal of anaesthesia 2013;111(1):13–8. Epub 2013/06/26.
9. Macfarlane GJM, J, Jones GT. Epidemiology of Pain. In : McMahon S, Koltzenburg M, Tracey I, Turk DC, ed. Wall and Melzack’s Textbook of Pain: Churchill Livingstone; 2013 : 232-247.
10. Jones EA, McBeth J, Nicholl B, Morriss RK, Dickens C, Jones GT, et al. What characterizes persons who do not report musculoskeletal pain? Results from a 4-year Population-based longitudinal study (the Epifund study). The Journal of rheumatology 2009;36(5):1071–7. Epub 2009/04/17.
11. Breivik H, Collett B, Ventafridda V, Cohen R, Gallacher D. Survey of chronic pain in Europe: Prevalence, impact on daily life, and treatment. Eur J Pain 2006;10(4):287–333.
12. Landmark T, Romundstad P, Dale O, Borchgrevink PC, Kaasa S. Estimating the prevalence of chronic pain: validation of recall against longitudinal reporting (the HUNT pain study). Pain. 2012;153(7):1368–73. Epub 2012/05/12.
13. Bartley EJ, Fillingim RB. Sex differences in pain: a brief review of clinical and experimental findings. British journal of anaesthesia 2013;111(1):52–8. Epub 2013/06/26.
14. Beery AK, Zucker I. Sex bias in neuroscience and biomedical research. Neuroscience and biobehavioral reviews 2011;35(3):565–72. Epub 2010/07/14.
15. Sorge RE, Mapplebeck JC, Rosen S, Beggs S, Taves S, Alexander JK, et al. Different immune cells mediate mechanical pain hypersensitivity in male and female mice. Nature neuroscience 2015;18(8):1081–3. Epub 2015/06/30.
16. Weisse CS, Sorum PC, Sanders KN, Syat BL. Do gender and race affect decisions about pain management? Journal of general internal medicine 2001;16(4):211–7. Epub 2001/04/25.
17. van Hecke O, Torrance N, Smith BH. Chronic pain epidemiology - where do lifestyle factors fit in ? British journal of pain 2013;7(4):209–17. Epub 2013/11/01.
18. Darlow B, Fullen BM, Dean S, Hurley DA, Baxter GD, Dowell A. The association between health care professional attitudes and beliefs and the attitudes and beliefs, clinical management, and outcomes of patients with low back pain: a systematic review. Eur J Pain 2012 Jan;16(1):3–17.
19. McBeth J, Wilkie R, Bedson J, Chew-Graham C, Lacey RJ. Sleep disturbance and chronic widespread pain. Current rheumatology reports 2015;17(1):469. Epub 2015/01/22.
20. Gaskin DJ, Richard P. The economic costs of pain in the United States. The journal of pain: official journal of the American Pain Society 2012;13(8):715–24. Epub 2012/05/23.
21. Stewart WF, Ricci JA, Chee E, Morganstein D, Lipton R. Lost productive time and cost due to common pain conditions in the US workforce. JAMA 2003;290(18):2443–54. Epub 2003/11/13.
22. Ricci JA, Stewart WF, Chee E, Leotta C, Foley K, Hochberg MC. Back pain exacerbations and lost productive time costs in United States workers. Spine (Phila Pa 1976) 2006;31(26):3052–60. Epub 2006/12/19.
23. Stewart WF, Ricci JA, Chee E, Hirsch AG, Brandenburg NA. Lost productive time and costs due to diabetes and diabetic neuropathic pain in the US workforce. Journal of occupational and environmental medicine/American College of Occupational and Environmental Medicine 2007;49(6):672–9. Epub 2007/06/15.
6 Principes généraux
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Chapitre 2 Physiopathologie et mécanismes de la douleur
L’étude de la physiopathologie et des mécanismes de la douleur chronique passe par l’évocation des différents types de douleurs et la physiologie de la nociception.
Voies de la douleur
On peut schématiser la transmission d’un stimulus nociceptif de la périphérie au système nerveux central par l’activation successive de trois neurones :
• Le neurone nocicepteur transmet l’information du site de stimulation (peau, muscle, articulation) jusqu’à la moelle épinière.
• Le deuxième transfère cette information au thalamus par le tractus spinothalamique.
• Le dernier relais transmet l’information du thalamus au cortex somatosensoriel primaire [1].
Le neurone nociceptif
Un neurone nociceptif est une cellule nerveuse spécialisée dans la détection des stimuli nociceptifs
2.1.
Marc Suter, Christophe Perruchoud
[2,3]. Le corps cellulaire de ce neurone est situé dans les ganglions spinaux ou dans le ganglion trigéminal. Son axone se projette d’un côté vers le tissu-cible en périphérie (terminaison libre) et de l’autre vers la moelle épinière (terminaison centrale). Il est de type C, non myélinisé, ou de type A delta, finement myélinisé (tableau 2.1). Il est composé des quatre éléments suivants :
• La terminaison périphérique (récepteur nociceptif) qui traduit le signal potentiellement nocif en potentiels d’action électriques.
• La fibre nerveuse qui conduit ces potentiels le long de l’axone.
• Le corps cellulaire qui maintient l’identité et l’intégrité de la cellule.
• La terminaison centrale qui est l’élément présynaptique du premier relais.
Les récepteurs nociceptifs sont spécifiques aux différentes modalités que sont la chaleur (TRV1 ou TRPV2), le froid (TRPA1 ou TRPM8), les stimulations mécaniques ou chimiques (ASIC pour les stimuli acides, récepteurs purinergiques P2X ou P2Y pour les dérivés de nucléotides). La stimulation de ces récepteurs entraîne la
Manuel pratique d'algologie © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Fibre Information véhiculée Gaine de myéline Diamètre (micromètre) Vitesse de conduction (m/s) A-alpha Proprioception Myélinisée 13-20 80-120 A-bêta Toucher Myélinisée 6-12 35-90 A-delta Douleur (mécanique et thermique) Myélinisée 1-5 5-40 C Douleur (mécanique, thermique et chimique) Non myélinisée 0,2-1,5 0,5-2 BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Tableau
Les différentes fibres nerveuses.
dépolarisation de la terminaison libre, qui se traduit par un potentiel d’action, généré au niveau des canaux sodiques sensibles au voltage (NaV). L’arrivée des potentiels d’action au premier relais synaptique entraîne la libération de glutamate.
La transmission du signal électrique implique la présence de canaux ioniques au sodium et au potassium voltage-dépendants. Il existe neuf types de canaux sodiques et plus de 40 types de canaux potassiques. Les canaux sodiques sont exprimés de manière sélective en fonction des fibres. Les canaux NaV1,7, NaV1,8 et NaV1,9 sont ainsi exprimés préférentiellement sur les fibres nociceptives. Les mutations du gène SCN9A codant pour le canal NaV1,7 empêchent le canal de fonctionner normalement. Les porteurs de ces mutations peuvent être totalement insensibles à la douleur (les modalités sensitives sont parfaitement conservées), ou au contraire ressentir des douleurs d’une extrême intensité. Ce canal constitue une cible intéressante dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments antalgiques [4].
Dans la moelle épinière, les nocicepteurs se projettent dans les couches superficielles I et II de Rexed de la corne dorsale (figure 2.1). Les fibres myélinisées, plus épaisses, pénètrent dans les couches plus profondes.
Le faisceau spinothalamique
Le faisceau spinothalamique (figure 2.2) prend naissance au niveau de la corne dorsale de la moelle épinière, croise la ligne médiane au même niveau et emprunte le tractus ventrolatéral jusqu’au thalamus. Ce faisceau est constitué de neurones exclusivement nociceptifs, dans les couches superficielles, et de neurones mixtes qui circulent dans les couches plus profondes et répondent aussi à des afférences A bêta non nociceptives [5]
L’organisation supraspinale (figure 2.3)
Les projections supraspinales peuvent être globalement classées en deux types :
• La voie spinothalamique latérale (faisceau néospinothalamique) rejoint la voie lemniscale médiale (mais en reste bien distincte) et se projette de manière somatotopique sur le noyau ventro-postéro-latéral du thalamus (VPL). Ces noyaux constituent un relais pour toutes les voies sensitives ayant des projections corticales. Le thalamus contient ainsi le corps du 3e neurone de la voie nociceptive et représente le lieu du deuxième relais des voies de projection. La voie
8 Principes généraux
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 2.1. Couches de la moelle épinière selon Rexed.
spinothalamique latérale se termine au niveau des cortex somatosensoriels primaire et secondaire. Elle code de manière spécifique l’intensité, la spatialité, et la modalité du stimulus.
• La voie spinothalamique médiale (faisceau paléospino-réticulo-thalamique) se termine au niveau du cortex limbique, qui comprend le cortex cingulaire antérieur et l’insula rostrale. Ces structures sont responsables de la composante émotionnelle de la douleur. La projection d’informations nociceptives sur l’hypothalamus est à l’origine de réponses neuroendocrines à la douleur (augmentation de la sécrétion des hormones médullosurrénaliennes). De plus, les réflexes au niveau du tronc
cérébral avec les noyaux végétatifs de la substance réticulée et des nerfs crâniens (III, VII, IX, X) sont responsables des modifications végétatives de l’activité cardiovasculaire (tachycardie, hypertension), respiratoires (tachypnée) et mydriase. Le concept de « pain matrix » intègre toutes les zones concernées par le phénomène de la douleur au niveau cérébral. Les éléments de ce réseau traitent de manière spécifique mais non exclusive les divers aspects de la douleur, comme l’anticipation, la discrimination, la perception affective. Appartiennent à cet immense réseau : les cortex somatosensoriels primaire et secondaire, les cortex cingulaires antérieur et postérieur, le cortex
Chapitre 2. Physiopathologie et mécanismes de la douleur 9
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 2.2. Faisceau spinothalamique.
préfrontal, le cortex pariétal postérieur, l’insula, le thalamus, l’hypothalamus, l’amygdale, la substance grise périaqueducale, les noyaux parabrachiaux et les ganglions de la base [6].
Classification et type de douleurs
Les douleurs sont généralement classées en quatre groupes [7] :
• nociceptive : douleur transitoire résultant de lésions tissulaires et de l’activation des nocicepteurs (par exemple : fracture ou entorse). Elle est aiguë et implique un système nerveux afférent normal, spécialisé dans le signalement du danger ;
• inflammatoire : autrefois appelée douleur par excès de nociception, elle résulte d’une hypersensibilité secondaire à une lésion tissulaire ou à une inflammation. Elle peut être aiguë (par exemple : douleur postopératoire ou coup de soleil) ou chronique dans le cadre d’une atteinte rhumatologique de type arthrosique. Elle présente une
utilité en phase aiguë, permettant la mise au repos pendant la réparation du dommage ;
• neuropathique : associée à une lésion ou une atteinte du système nerveux somatosensoriel, (par exemple : radiculopathie ou névralgie postherpétique) ;
• dysfonctionnelle : douleur chronique dont l’origine n’est a priori ni une inflammation, ni une lésion nerveuse évidente. La cause serait un traitement inadéquat de l’information par les centres modulateurs de la douleur, d’origine centrale, résultant en un équilibre perturbé entre excitation et inhibition et un seuil de perception douloureuse abaissé (par exemple : fibromyalgie, côlon irritable ou céphalées tensionnelles).
Modulation du signal douloureux
Différents filtres limitent l’afflux d’informations émanant du système nociceptif vers le cerveau.
10 Principes généraux
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 2.3. Organisation supraspinale du faisceau spinothalamique.
La théorie du portillon (gate control theory)
La théorie du portillon (figure 2.4) décrit le blocage de l’influx nociceptif par un stimulus non nociceptif entre le neurone périphérique et le neurone central au niveau de la moelle épinière. Cette réaction semble résulter de l’inhibition du neurone central par des interneurones inhibiteurs de la corne dorsale. Cette théorie, décrite par Wall et Melzack en 1965, a permis de combler partiellement les lacunes des théories de l’intensité (les influx nociceptifs suivent les mêmes voies que les influx non douloureux, mais ont une intensité plus forte), et de la spécificité (la transmission des modalités douloureuses et non douloureuses se fait par des voies entièrement séparées) [8].
L’inhibition descendante
Les voies descendantes inhibitrices prennent leurs origines dans la substance grise périaqueducale (PAG), la moelle rostroventrale (RVM), le locus coeruleus, le gyrus cingulaire antérieur, l’amygdale et l’hypothalamus (figure 2.5). Une série de neurotransmetteurs sont impliqués : la sérotonine, la noradrénaline, la dopamine et les opiacés endogènes [1]. Le contrôle descendant est subdivisé en deux systèmes :
Chapitre 2. Physiopathologie et mécanismes de la douleur 11
Figure 2.4. La théorie du portillon.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 2.5. Voies descendantes.
• le système PAGRVM, médian, agit préférentiellement sur les influx nociceptifs transmis par les fibres C ;
• le système latéral implique le noyau réticulaire dorsal et la moelle ventrolatérale [9].
Le contrôle descendant n’est pas purement inhibiteur. Au niveau de la RVM, il est composé de cellules on/off recrutées par les centres supérieurs impliqués dans la peur, la maladie ou le stress. Ces cellules maintiennent un seuil de stimulation dépendant des conditions du moment et contribuent aux états douloureux chroniques pathologiques. Elles semblent jouer un rôle aussi dans l’effet placebo, ou dans les réponses à diverses techniques utilisées dans le traitement des douleurs chroniques, comme l’hypnose [10].
Conséquences cliniques
La douleur nociceptive aiguë est un signal d’alarme nécessaire à notre survie. Les patients atteints d’insensibilité congénitale ont une espérance de vie réduite en raison de l’accumulation de traumatismes les plus divers au cours de leur existence.
Les phénomènes de sensibilisation et de modulation interviennent dans la présentation clinique et la prise en charge. L’allodynie et l’hyperalgésie peuvent être la conséquence d’une sensibilisation périphérique ou centrale. Une bonne connaissance de la pathophysiologie, des concepts de sensibilisation et de la modulation de la douleur est nécessaire à la compréhension, l’évaluation et au traitement de la douleur chronique. Peu d’études précliniques basées sur la pathophysiologie ont abouti à ce jour à des traitements efficaces. La dimension multifacettaire de la douleur nécessite une approche thérapeutique plus globale.
Sensibilisation centrale et périphérique
Lorsque la stimulation nociceptive se prolonge, des phénomènes de sensibilisation apparaissent, tant au niveau périphérique qu’au niveau
central. La distinction entre douleur inflammatoire et douleur neuropathique n’est pas toujours aisée. Dans les deux cas, les mécanismes qui sous-tendent la chronicisation se superposent souvent. Le concept de « neuro-inflammation » implique une communication entre le système nerveux et le système immunitaire/ inflammatoire.
La sensibilisation périphérique
Après une lésion tissulaire périphérique, les cellules lésées et les cellules inflammatoires attirées sur le site de la lésion libèrent de nombreux médiateurs, la « soupe inflammatoire » (prostaglandines PGE1 et PGE2, ATP/ADP, sérotonine, bradykinine, nerve growth factor, ions H+). Ces médiateurs agissent sur des récepteurs spécifiques situés sur les neurones nocicepteurs. La « soupe inflammatoire » induit, par exemple, une modification des récepteurs TRPV1 et TRPA1, à l’origine de l’abaissement du seuil de sensibilité au chaud et au froid. Les influx se dirigent vers la terminaison centrale, mais reviennent aussi vers la périphérie (réflexe axonal antidromique). Cela libère des neuromédiateurs, la substance P et le peptide relié au gène calcitonine (CGRP), présents dans les nocicepteurs, responsables de l’inflammation neurogène. Ces médiateurs agissent au niveau de leurs récepteurs (neurokinin 1 et CGRP1) et activent le chimiotactisme des cellules inflammatoires (neutrophiles, macrophages et lymphocytes), la dégranulation des mastocytes, l’accélération du flux sanguin, la perméabilité de l’endothélium vasculaire, et l’allumage des cellules dendritiques responsables de la différentiation de lymphocytes T [11]. La lésion tissulaire induit des changements d’expression génétique au niveau du ganglion spinal qui, sur le long terme, modifient la réponse des fibres afférentes (plasticité du nocicepteur). L’expression des canaux sodiques est augmentée, celle des canaux potassiques est diminuée. Les canaux sodiques proches des lésions nerveuses participent à l’excitabilité périphérique. Une activité ectopique dans les nerfs lésés et non lésés adjacents contribue à la sensibilisation centrale (figure 2.6).
12 Principes généraux
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
La sensibilisation centrale
Après avoir cheminé dans la racine dorsale, les terminaisons centrales font synapse avec les neurones secondaires de la corne dorsale de la moelle épinière. Les synapses excitatrices sont principalement glutamatergiques. L’action du glutamate sur les récepteurs AMPA provoque l’entrée rapide de sodium dans le second neurone. Lors d’une activité soutenue, le récepteur NMDA, préalablement bloqué par un ion Mg2+, est activé et déclenche l’entrée de calcium au niveau post-synaptique. Divers neurotransmetteurs et facteurs trophiques (substance P et CGRP) sont également libérés. Ces médiateurs possèdent la capacité de moduler la réponse par la phosphorylation de récepteurs post-synaptiques, qui entraîne une réponse plus puissante et prolongée, et par l’augmentation du nombre de ces récepteurs. Vient ensuite l’expression de nouveaux gènes, comme par exemple la Cox-2, permettant de synthétiser des prostaglandines), qui agissent au niveau pré- et post-synaptique. Les premiers phénomènes apparaissent en quelques secondes et durent quelques minutes. Les réactions suivantes peuvent n’apparaître qu’après plusieurs jours et persister longtemps. L’irréversibilité de certains
mécanismes de sensibilisation apparaît lors de la mort neuronale (apoptose) des neurones inhibiteurs de la corne dorsale qui participent à la perte de l’inhibition, facilitant ainsi la transmission du signal nociceptif. Le caractère irréversible de la mort neuronale est controversé : un groupe de chercheurs a transplanté chez l’animal des précurseurs de cellules inhibitrices gabaergiques cérébrales dans la moelle. Non seulement ces cellules ont survécu, mais elles se sont connectées au réseau et ont atténué la douleur neuropathique modélisée [12]. De manière moins définitive, les interneurones inhibiteurs gabaergiques ou glycinergiques peuvent être modulés, exercer un effet inhibiteur moins marqué, voire développer un effet excitateur en fonction des gradients ioniques auxquels ils sont exposés. Le concept de désinhibition est une cible thérapeutique intéressante [13].
Parallèlement à ces phénomènes neuronaux, on observe une activation des cellules non neuronales, en particulier des astrocytes et de la microglie (équivalent de la lignée des monocytes/ macrophages du système nerveux central). Une lésion nerveuse, même périphérique, entraîne d’abord des modifications morphologiques de la microglie, de ses propriétés et de l’expression
Chapitre 2. Physiopathologie et mécanismes de la douleur 13
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 2.6. Sensibilisation périphérique.
de ses gènes [14]. La microglie modifiée sécrète ensuite des médiateurs inflammatoires (brainderived neurotrophic factor) qui exercent leur influence sur les neurones, par exemple en modifiant le gradient électrochimique du chlore dans les neurones de projection, rendant les neurones inhibiteurs gabaergiques excitateurs [15].
La sensibilisation centrale permet d’augmenter le gain de la synapse. En clinique, elle se traduit par les phénomènes d’allodynie et d’hyperalgésie périlésionnelle (figure 2.7) [16]. L’allodynie est définie par une douleur provoquée par un stimulus mécanique ou thermique habituellement indolore, comme l’effleurement de la peau par les vêtements. L’hyperalgésie se manifeste par une réponse accrue à un stimulus douloureux.
Références
1. Cohen SP, Mao J. Neuropathic pain: mechanisms and their clinical implications. BMJ 2014;348. f7656. Epub 2014/02/07.
2. Woolf CJ, Ma Q. Nociceptors-noxious stimulus detectors. Neuron 2007;55(3):353–64.
3. Dubin AE, Patapoutian A. Nociceptors: the sensors of the pain pathway. J Clin Invest 2010;120(11):3760–72. Epub 2010/11/03.
4. Waxman SG, Merkies IS, Gerrits mm, Dib-Hajj SD, Lauria G, Cox JJ, et al. Sodium channel genes in pain-related disorders: phenotype-genotype associations and recommendations for clinical use. Lancet neurology 2014;13(11):1152–60. Epub 2014/10/16.
5. Todd AJ. Neuronal circuitry for pain processing in the dorsal horn. Nat Rev Neurosci 2010;11(12):823–36.
6. Apkarian AV, Bushnell MC, Treede RD, Zubieta JK. Human brain mechanisms of pain perception and regulation in health and disease. Eur J Pain 2005;9(4):463–84.
7. Costigan M, Scholz J, Woolf CJ. Neuropathic Pain: A Maladaptive Response of the Nervous System to Damage. Annu Rev Neurosci 2009;32:1–32.
8. Moayedi M, Davis KD. Theories of pain : from specificity to gate control. Journal of neurophysiology 2013;109(1):5–12. Epub 2012/10/05.
9. Kuner R. Central mechanisms of pathological pain. Nat Med. 2010 Nov;16(11):1258–66.
10. Heinricher mm, Tavares I, Leith JL, Lumb BM. Descending control of nociception: Specificity, recruitment and plasticity. Brain Res Rev 2009;60(1):214–25.
11. Chiu IM, von Hehn CA, Woolf CJ. Neurogenic inflammation and the peripheral nervous system in host defense and immunopathology. Nat Neurosci 2012;15(8):1063–7.
12. Braz JM, Sharif-Naeini R, Vogt D, Kriegstein A, Alvarez-Buylla A, Rubenstein JL, et al. Forebrain GABAergic neuron precursors integrate into adult spinal cord and reduce injury-induced neuropathic pain. Neuron. 2012;74(4):663–75.
13. Zeilhofer HU, Benke D, Yevenes GE. Chronic pain states: pharmacological strategies to restore diminished inhibitory spinal pain control. Annu Rev Pharmacol Toxicol 2012;52:111–33.
14. Suter MR, Wen YR, Decosterd I, Ji RR. Do glial cells control pain? Neuron Glia Biol 2007;3(3):255–68.
15. Tsuda M, Beggs S, Salter MW, Inoue K. Microglia and intractable chronic pain. Glia 2013;61(1):55–61.
16. Woolf CJ. Central sensitization: implications for the diagnosis and treatment of pain. Pain 2011;152(3 Suppl):S2–15.
14 Principes généraux
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 2.7. Sensibilisation centrale.
Chapitre 3
L’évaluation de la douleur chronique
Christophe Perruchoud
L’évaluation du patient douloureux chronique inclut une anamnèse, un examen clinique et, d’éventuels examens paracliniques en fonction de la situation. Une cartographie détaillée des zones douloureuses et l’utilisation de questionnaires ciblés et validés permettent d’obtenir une évaluation initiale précise et constituent des outils utiles pour le suivi du patient.
Anamnèse
Bien qu’orientée et structurée, l’anamnèse doit offrir au patient la possibilité de s’exprimer librement. L’examinateur s’informera des éléments
suivants :
• Ancienneté de la douleur (semaines, mois, années, dates précises).
• Apparition de la douleur :
– circonstances exactes (maladie, traumatisme, accident de travail, chirurgie, choc émotionnel ou professionnel) ;
– modalités d’apparition (progressive, brutale, récidivante) ;
– description de la douleur initiale ;
– signes et symptômes associés ;
– investigations et diagnostics préliminaires ;
– modalités de prise en charge, traitements préalables ou en cours (intolérances médicamenteuses, effets secondaires) ;
– impact psychologique (anxiété, dépression, troubles du sommeil), fonctionnel et professionnel ;
– évolution/mode évolutif de la douleur : permanent, récidivant, intermittent.
• Douleur actuelle :
– cartographie des zones douloureuses ;
– zones d’irradiations douloureuses ;
– présentation (douleur continue, intermittente, paroxystique) ;
– qualité de la douleur (brûlure, piqûre, serrement, crampe, courbature, décharge électrique, pesanteur, coup de couteau) ;
– symptômes sensitifs négatifs (hypoesthésie mécanique ou thermique, hypoalgésie, hypopallesthésie) et positifs (paresthésie, dysesthésie, allodynie, hyperalgésie) ;
– intensité de la douleur, minimale et maximale, au repos et à l’effort ;
– horaire des douleurs (aggravation nocturne, dérouillage matinal) ;
– facteurs aggravants et apaisants ;
– influences météorologiques ;
– critères de gravité (fièvre, sudation, infection, traumatisme récent, perte de poids, inappétence, antécédents oncologiques) ;
– impact psychologique (anxiété et dépression) ;
– impact fonctionnel et professionnel ;
– troubles du sommeil (normal, perturbé, latence d’endormissement, réveils précoces ou itératifs).
• Comorbidités et antécédents médicochirurgicaux, expériences douloureuses antérieures.
• Contexte familial.
• Contexte socioprofessionnel.
• Contexte médicolégal (plainte, situation assécurologique, indemnités perçues ou attendues, situation financière).
• Contexte cognitivocomportemental (représentation de la maladie, croyance, attitude face à la pathologie douloureuse, compliance thérapeutique, attente du patient).
Manuel pratique d'algologie
2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
©
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Intensité de la douleur
De par sa nature entièrement subjective, la douleur est difficile à mesurer. Sa perception est largement influencée par des facteurs cognitivocomportementaux propres à chaque individu. L’intensité de la douleur peut être évaluée de façon reproductible grâce à plusieurs types d’échelles d’autoévaluation.
Échelles d’autoévaluation
L’échelle visuelle analogique (EVA) existe sur papier ou sous la forme d’une réglette munie d’un curseur mobile (figure 3.1). Elle est représentée par une ligne horizontale ou verticale de 100 mm de long, orientée de gauche à droite ou de bas en haut, sur fond blanc. Les extrémités sont respectivement libellées « pas de douleur » et « pire douleur imaginable ». Le patient note
l’intensité de sa douleur par un trait sur la ligne (papier) ou en déplaçant le curseur le long de la réglette. La distance mesurée en millimètres (0 à 100) entre l’extrémité « pas de douleur » et la marque du patient indique l’intensité de la douleur. L’EVA est une échelle simple et rapide d’utilisation, nécessitant peu d’instruction au patient et pouvant être répétée plusieurs fois par jour. Son emploi est toutefois limité chez les enfants ou chez les patients âgés souffrant de troubles cognitifs. Les scores d’EVA inférieurs à 3 correspondent à des douleurs légères, de 3 à 6 à des douleurs modérées. Les scores supérieurs à 6 indiquent des douleurs sévères à intolérables.
Les échelles numériques (EN) se présentent sous forme écrite ou orale. Dans leur forme orale, le soignant demande au patient de chiffrer sa douleur entre 0 (« pas de douleur ») et 10 (« pire douleur imaginable »). L’EN écrite comprend 11 chiffres alignés verticalement ou horizontalement, entre 0 (« pas de douleur ») et 10 (« pire
18 Évaluation de la douleur et examens complémentaires
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 3.1. Échelle numérique papier, échelle visuelle analogique papier et réglette.
douleur imaginable »). Le patient entoure ou désigne le chiffre correspondant à l’intensité de sa douleur. Excellentes alternatives à l’EVA, les EN permettent d’obtenir une mesure de la douleur au moment de la consultation, mais également de manière rétrospective.
Les échelles verbales simples (EVS) offrent un choix d’adjectifs définissant l’intensité de la douleur : absente, faible, modérée, intense, extrêmement intense. Les EVS sont généralement réservées aux personnes avec une faible capacité d’abstraction.
L’échelle des visages présente des expressions faciales illustrant des douleurs d’intensité croissante (figure 3.2). Elle constitue une alternative particulièrement appropriée chez les enfants.
Les échelles unidimensionnelles d’autoévaluation permettent d’évaluer la réponse à un traitement antalgique et facilitent le suivi du patient. Elles n’apportent toutefois pas d’information sur l’étiologie des douleurs et ne permettent pas d’établir des comparaisons entre les patients.
Échelles d’hétéroévaluation
Les échelles d’hétéroévaluation, basées sur l’appréciation de la douleur par une tierce personne, sont utilisées chez les patients atteints de troubles cognitifs ou incapables de communiquer. Elles font appel à six classes de comportements :
• expressions faciales : grimaces, froncements de sourcils ;
• verbalisation et vocalisation : gémissements, appels, soupirs ;
• attitude corporelle : protection, changement d’attitude, rigidité, agitation ;
• comportement social : agressivité, isolement, résistance aux soins ;
• changement dans les activités : refus de s’alimenter, modification du sommeil ;
• changement de l’état psychologique : irritabilité, confusion, pleurs.
Quatre échelles d’hétéroévaluation sont validées en langue française : DOLOPLUS, ECPA-2, ALGOPLUS et PACSLAC.
L’échelle DOLOPLUS , constituée de 10 items, gradués de 0 à 3, évalue trois aspects de la douleur : ses effets somatiques (plaintes, position antalgique, protection de zones douloureuses, mimiques, sommeil), psychomoteur (toilette-habillage, mouvements) et psychosocial (communication, vie sociale, troubles du comportement). Un état douloureux se définit par un score supérieur ou égal à 5/30.
L’ECPA-2 (échelle comportementale pour personne âgée ) se base sur la différence d’attitude du patient avant les soins (grimaces, positions spontanées et mouvements) et pendant les soins (anticipation anxieuse, réaction pendant la mobilisation, plaintes). Elle contient huit items de quatre degrés d’intensité.
Le PACSLAC (pain assessment check-list for senior with limited ability to communicate) comprend 60 items explorant quatre dimensions : expressions faciales, activités et mouvements du corps, comportement/personnalité/humeur, autres.
L’échelle ALGOPLUS comporte cinq éléments : expression du visage, expression du regard, plaintes, attitudes corporelles et comportement général. Un score supérieur ou égal à 2/5 permet de diagnostiquer un état douloureux.
Topographie des douleurs
Une image schématique du corps humain (de face, de dos et de profil) facilite la description des zones douloureuses et des symptômes sensitifs (figure 3.3). Les informations fournies par le patient permettent d’orienter le bilan étiologique et sont très utiles pour le suivi.
Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 19
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 3.2. Échelle des visages.
20 Évaluation de la douleur et examens complémentaires
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 3.3. Cartographie des douleurs et des symptômes sensitifs.
Questionnaires
Évaluation de la douleur neuropathique
Plusieurs outils permettant de différencier une douleur neuropathique d’une douleur nociceptive ont été validés ces dernières années [1] Certains se basent uniquement sur l’interrogatoire (PainDETECT, Neuropathic Pain Questionnaire, ID Pain), alors que d’autres s’appuient sur l’anamnèse et l’examen clinique (Douleur neuropathique en quatre questions, Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs, Standardized Evaluation of Pain). Caractériser le type de douleur a une importance sémiologique et thérapeutique, compte tenu du fait que les traitements sont spécifiques à chaque type de douleur.
Le PainDETECT a été conçu pour déceler la composante neuropathique d’une lombalgie chronique. Ce test, validé auprès de 8 000 patients, a une sensibilité et une spécificité proches de 80 % [2].
Le Neuropathic Pain Questionnaire (NPQ) contient 12 items et permet de différencier les composantes neuropathique et nociceptive avec une sensibilité de 66,6 % et une spécificité de 74,4 % [3]. Le NPQ ne doit pas être confondu avec le Neuropathic Pain Scale (NPS), qui évalue les différentes caractéristiques de la douleur neuropathique, mais ne permet pas de faire la distinction entre douleurs nociceptive et neuropathique [4]
Le Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs (LANSS) comporte sept items relatifs à la composante sensorielle de la douleur [5]. Les cinq premières questions s’intéressent à la présence de sensations désagréables (piqûres, picotements, fourmillements), à l’apparence de la peau (rougeur, marbrure), à l’hypersensibilité au toucher, aux décharges électriques et à la sensation de brûlure. Les deux dernières questions portent sur l’examen clinique à la recherche d’une allodynie et d’une altération du toucher-piquer.
Un score supérieur à 12/24 signe la présence d’une douleur neuropathique, avec une sensibilité de 85 %, une spécificité de 80 % et une valeur prédictive positive de 82 %.
Le questionnaire Douleur neuropathique en quatre questions (DN4), que remplit l’examinateur, comporte quatre questions totalisant 10 items (figure 3.4). Sept d’entre eux sont basés sur l’anamnèse (sensation de brûlure, de froid douloureux, présence de décharges électriques, douleur associée à des fourmillements, picotements, engourdissements ou démangeaisons), et trois sur l’examen clinique (hypoesthésie au toucher, à la piqûre et allodynie mécanique) [6] Chaque symptôme ou signe compte un point. Un score ≥ 4 est hautement suspect d’une douleur neuropathique. Le DN4 a une valeur prédictive positive de 86 %, une sensibilité de 82,9 % et une spécificité de 89,9 %.
Le Standardized Evaluation of Pain (StEP) se compose de six questions et 10 tests cliniques. Il est destiné au patient souffrant de lombalgie chronique [7] Sa sensibilité et sa spécificité dans la détection de la douleur neuropathique sont supérieures à 90 %.
À côté de l’intensité, du type et de la topographie des douleurs, les composantes physique, psychologique, sociale, comportementale et cognitive peuvent également être évaluées.
Description verbale de la douleur
Le McGill Pain Questionnaire (MPQ) est un questionnaire de 78 mots distribués en 25 sousclasses d’adjectifs permettant de qualifier la douleur. Le MPQ est un outil très pratique, traduit en plusieurs langues et largement utilisé en recherche clinique. La version française, intitulée Questionnaire de Saint-Antoine (QDSA), comporte moins de mots que le MPQ (61 mots). Certains qualificatifs orientent le diagnostic, en particulier en cas de douleurs neuropathiques et renseignent le praticien sur le retentissement affectif de la douleur (figure 3.5).
Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 21
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Questionnaires multidimensionnels
Le Brief Pain Inventory (BPI) explore les aspects principaux de la douleur : intensité, soulagement, incapacité fonctionnelle, retentissement social, vie relationnelle et détresse psychologique. La version française est connue sous le nom de Questionnaire concis sur les douleurs QCD (figure 3.6). Le BPI est validé pour l’évaluation de la douleur cancéreuse et non cancéreuse.
Le Multidimensional Pain Inventory (MPI) intègre la plupart des composantes de la douleur, mais la traduction française n’est pas validée à ce jour. Le MPI est considéré comme l’outil de
choix pour l’évaluation de l’efficacité de la rééducation chez le douloureux chronique. Il permet d’identifier différents groupes de patients : ceux qui réagissent de manière adaptée, les patients dysfonctionnels et les patients présentant des difficultés interpersonnelles.
Évaluation de la capacité fonctionnelle
Les effets de la douleur sur les capacités fonctionnelles sont évalués à l’aide d’échelles multidimensionnelles ou de questionnaires spécifiques. Parmi les questionnaires multidimensionnels, figurent
22 Évaluation de la douleur et examens complémentaires
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 3.4. Le questionnaire Douleur neuropathique en quatre questions (DN4).
le Medical Outcome Study Short Form-36 (MOS SF-36), le MPI ou le BPI. Plusieurs questionnaires validés permettent d’évaluer spécifiquement l’incapacité fonctionnelle. Les deux outils les plus répandus sont l’Oswestry Disability Index (ODI) (tableau 3.1) et le Roland Disability Questionnaire (RDQ).
L’ODI, utilisé en cas de douleur du rachis, comporte 10 items gradués de 0 à 5. Le score final (exprimé en pourcentage d’incapacité) représente le total des scores obtenus pour chaque question, divisé par (50 - 5 fois le nombre de questions restées sans réponse) x 100.
Évaluation de la qualité de vie
Dans les analyses coût-utilité, les effets d’un traitement sont souvent décrits en QALY (Quality Adjusted Life Year). Cet indicateur pondère le temps passé dans un état de santé donné par un coefficient rendant compte de la valeur accordée à cet état. L’utilisation d’un tel indicateur suppose de connaître, d’une part l’état de santé du patient, d’autre part la valeur affectée à cet état par la collectivité. Des index d’états de santé pondérés par les préférences, ou index d’utilité, ont été développés. L’un des plus utilisés, du fait de sa
Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 23
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 3.5. Le questionnaire de Saint-Antoine.
24 Évaluation de la douleur et examens complémentaires
Figure 3.6. Le questionnaire concis sur les douleurs.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Tableau 3.1. L’Oswestry Disability Index (ODI).
Douleur (ne cocher qu’une case)
Soins personnels (ne cocher qu’une case)
Soulèvement d’objets
(ne cocher qu’une case)
h Je ne ressens aucune douleur actuellement
h La douleur est très légère actuellement
h La douleur est modérée actuellement
h La douleur est assez intense actuellement
h La douleur est très intense actuellement
h La douleur est la pire que l’on puisse imaginer
h Je peux effectuer normalement mes soins personnels sans douleur supplémentaire
h Je peux effectuer normalement mes soins personnels, mais c’est très douloureux
h Effectuer mes soins personnels est douloureux et je dois prendre des précautions et faire attention
h Je peux effectuer mes soins personnels, mais j’ai besoin d’aide
h J’ai besoin d’aide chaque jour pour la plupart de mes soins personnels
h Je ne peux pas m’habiller, je me lave avec difficulté et je reste au lit
h Je peux soulever des objets lourds sans augmenter la douleur
h Je peux soulever des objets lourds mais la douleur augmente
h La douleur m’empêche de soulever des objets lourds qui se trouvent au sol, mais je peux les soulever s’ils sont à ma portée (par ex., sur une table)
h La douleur m’empêche de soulever des objets lourds, mais je peux soulever des objets légers ou moyennement lourds s’ils sont à ma portée
h Je ne peux soulever que des objets très légers
h Je ne peux rien soulever
Marche (ne cocher qu’une case)
Position assise (ne cocher qu’une case)
Position debout
(ne cocher qu’une case)
Sommeil (ne cocher qu’une case)
h La douleur ne m’empêche pas de marcher, quelle que soit la distance
h La douleur m’empêche de marcher au-delà de 1600 mètres
h La douleur m’empêche de marcher au-delà de 800 mètres
h La douleur m’empêche de marcher au-delà de 100 mètres
h Je ne peux marcher qu’avec une canne ou des béquilles
h Je reste au lit la plupart du temps et je dois me traîner jusqu’aux toilettes
h Je peux rester assis(e) sur un siège aussi longtemps que je le veux
h Je peux rester assis(e) sur mon siège favori aussi longtemps que je le veux
h La douleur m’empêche de rester assis(e) pendant plus d’une heure
h La douleur m’empêche de rester assis(e) pendant plus d’une demi-heure
h La douleur m’empêche de rester assis(e) pendant plus de 10 minutes
h La douleur m’empêche de rester assis(e)
h Je peux me tenir debout aussi longtemps que je le veux sans augmenter la douleur
h Je peux me tenir debout aussi longtemps que je le veux mais la douleur augmente
h La douleur m’empêche de me tenir debout pendant plus d’une heure
h La douleur m’empêche de me tenir debout pendant plus d’une demi-heure
h La douleur m’empêche de me tenir debout pendant plus de 10 minutes
h La douleur m’empêche de me tenir debout
h Mon sommeil n’est jamais perturbé par la douleur
h Mon sommeil est parfois perturbé par la douleur
h La douleur fait que je dors moins de 6 heures
h La douleur fait que je dors moins de 4 heures
h La douleur fait que je dors moins de 2 heures
h La douleur m’empêche de dormir
Vie sexuelle (ne cocher qu’une case)
Vie sociale (ne cocher qu’une case)
h Ma vie sexuelle est normale et ne me cause pas plus de douleur
h Ma vie sexuelle est normale mais me cause plus de douleur
h Ma vie sexuelle est presque normale, mais très douloureuse
h Ma vie sexuelle est très limitée par la douleur
h Je n’ai quasiment plus de vie sexuelle à cause de la douleur
h La douleur m’empêche toute vie sexuelle
h Ma vie sociale est normale et ne me cause pas plus de douleur
h Ma vie sociale est normale mais me cause plus de douleur
h La douleur n’a pas d’effet important sur ma vie sociale, sauf de limiter mes activités physiques (par exemple, les sports, etc.)
h La douleur limite ma vie sociale et je ne sors pas aussi souvent
h La douleur limite sérieusement ma vie sociale et je reste chez moi
h Je n’ai pas de vie sociale à cause de la douleur
Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 25
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Voyages (ne cocher qu’une case)
Score : %
h Je peux voyager n’importe où sans me causer plus de douleur
h Je peux voyager n’importe où mais ça me cause plus de douleur
h La douleur est forte, mais je peux faire des déplacements de plus de deux heures
h La douleur me limite à des déplacements de moins d’une heure
h La douleur me limite à de courts déplacements essentiels de moins de 30 minutes
h La douleur m’empêche de voyager sauf pour des traitements
simplicité, est l’EuroQoL 5-dimensions (EQ5D). Les cinq aspects explorés sont la mobilité, l’autonomie, les activités courantes, la douleur ou la gêne, la dépression ou l’anxiété. Pour le calcul de l’index, le patient indique la gravité des problèmes rencontrés dans chacune des dimensions considérées. L’EQ-5D inclut l’EQ-5D VAS, constituée d’une échelle visuelle verticale de 20 cm, numérotée de 0 à 100, sur laquelle le patient note son état de santé actuel (figure 3.7).
Évaluation psychologique
L’anxiété et la dépression sont deux paramètres fréquemment pris en compte. L’évaluation
psychologique est d’autant plus importante que les douleurs chroniques peuvent être à l’origine de troubles psychiatriques, l’inverse étant également possible. L’aspect psychologique est souvent inclus dans les questionnaires d’évaluation multidimensionnelle de la douleur chronique. Deux échelles simples, traduites en français, permettent d’explorer spécifiquement la dimension dépressive ( Beck Depression Inventory ou BDI), l’anxiété et la dépression ( Hospital Anxiety and Depression Scale ou HAD). Le HAD contient 14 questions, graduées de 0 à 3, également réparties entre dépression et anxiété ( tableau 3.2 ). Un score compris entre 8 et 10 doit faire évoquer un état dépressif ou anxieux, un total de 10/21 le confirme.
26 Évaluation de la douleur et examens complémentaires
Figure 3.7. L’EuroQoL 5-dimensions (EQ-5D) et l’EQ-5D VAS.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
1. Je me sens tendu ou énervé
h Jamais
h De temps en temps
h Souvent
h La plupart du temps
2. J’ai une sensation de peur comme si quelque chose d’horrible allait m’arriver
3. Je me fais du souci
4. Je peux rester tranquillement assis à ne rien faire et me sentir décontracté
5. J’éprouve des sensations de peur et j’ai l’estomac noué
6. J’ai la bougeotte et n’arrive pas à tenir en place
7. J’éprouve des sensations soudaines de panique
Dépression
8. Je prends plaisir aux mêmes choses qu’autrefois
9. Je ris facilement et vois le bon côté des choses
10. Je suis de bonne humeur
11. J’ai l’impression de fonctionner au ralenti
12. Je me m’intéresse plus à mon apparence
h Pas du tout
h Un peu mais cela ne m’inquiète pas
h Oui, mais ce n’est pas trop grave
h Oui, très nettement
h Très occasionnellement
h Occasionnellement
h Assez souvent
h Très souvent
h Oui, quoi qu’il arrive
h Oui, en général
h Rarement
h Jamais
h Jamais
h Parfois
h Assez souvent
h Souvent
h Pas du tout
h Pas tellement
h Un peu
h Oui, c’est tout à fait le cas
h Jamais
h Pas très souvent
h Assez souvent
h Vraiment très souvent
h Oui, tout autant
h Pas autant
h Un peu seulement
h Presque plus
h Autant que par le passé
h Plus autant qu’avant
h Vraiment moins qu’avant
h Plus du tout
h La plupart du temps
h Assez souvent
h Rarement
h Jamais
h Jamais
h Parfois
h Très souvent
h Presque toujours
h J’y prête autant d’attention qu’avant
h Il se peut que je n’y fasse plus autant attention
h Je n’y accorde pas autant d’attention que je devrais
h Plus du tout
Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 27
Tableau 3.2. L’échelle Hospital Anxiety and Depression Scale (HAD). Anxiété
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
13. Je me réjouis d’avance à l’idée de faire certaines choses
14. Je peux prendre plaisir à un bon livre ou à une bonne émission radio ou télévision
h Autant qu’avant
h Un peu moins qu’avant
h Bien moins qu’avant
h Presque jamais
h Souvent
h Parfois
h Rarement
h Très rarement
Résultats : Cette échelle explore les symptômes anxieux et dépressifs. Faire le total du versant anxiété et dépression : 21 points maximum pour chacun. Entre 8 et 10 : état anxieux ou dépressif douteux. Au-delà de 10 : état anxieux ou dépressif certain.
Examen clinique
Pour éviter toute influence, l’examen physique est généralement effectué avant la consultation des examens radiologiques et complémentaires. Orienté par l’anamnèse et les antécédents du patient, l’examen clinique du patient douloureux chronique se concentre essentiellement sur l’appareil musculosquelettique et le système nerveux. Chaque région douloureuse est minutieusement examinée (inspection, palpation, mobilisation, amplitudes articulaires).
L’examen articulaire est complété par un examen physique général à la recherche de signes évocateurs d’une pathologie systémique ou de la manifestation systémique d’une arthropathie.
L’examen neurologique comprend l’évaluation de la sensibilité (tactile, thermique, proprioceptive, toucher-piquer), de la force musculaire (tableau 3.3) et des réflexes ostéotendineux (tableaux 3.4–3.6).
La manœuvre de Jendrassik permet de désinhiber des réflexes apparemment diminués. En demandant au patient de se concentrer sur la
Tableau 3.3. Évaluation de la force musculaire.
Score Évaluation d’un déficit musculaire
0 Aucune contraction
1 Contraction visible ou palpable n’entraînant aucun mouvement
2 Contraction permettant le mouvement en l’absence de pesanteur
3 Contraction permettant le mouvement contre la pesanteur
4 Contraction permettant le mouvement contre la résistance, mais la force réalisée reste déficitaire
5 Force musculaire normale
Tableau 3.4. Évaluation des réflexes.
Score Réponse observée
0 Aréflexie
1 Réflexe diminué
2 Réflexe normal
3 Réponse augmentée
4 Réponse très augmentée
28 Évaluation de la douleur et examens complémentaires
Anxiété
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Tableau 3.5. Diagnostic topographique d’une atteinte radiculaire du membre supérieur.
Racine Déficits moteurs Réflexe Douleurs et/ou déficits sensitifs
C5 Abduction du bras, rotation de l’épaule Bicipital Moignon de l’épaule, face antérieure du bras
C6 Flexion du coude, supination de l’avant-bras, flexion du pouce
C7 Extension du coude, du poignet et des doigts, pronation de l’avant-bras
Stylo radial Face antérieure du bras, face externe de l’avant-bras jusqu’au pouce
Tricipital Face postérieure du bras jusqu’aux 2e et 3e doigts
C8-D1 Flexion des doigts, abduction des doigts Cubitopronateur Face interne du bras jusqu’aux 4e et 5e doigts
Tableau 3.6. Diagnostic topographique d’une
Racine Déficits moteurs Réflexe
L3 Extension du genou (muscles psoas et quadriceps fémoral)
L4 Flexion dorsale du pied (muscle jambier antérieur)
L5 Extenseurs des orteils (muscles péroniers latéraux et partiellement jambier antérieur)
S1 Flexion plantaire du pied (muscle triceps sural : marche sur la pointe des pieds difficile ou impossible)
Rotulien Fesse
Douleurs et/ou déficits sensitifs
Face antérieure de la cuisse,
Face interne du genou
Rotulien Fesse
Face externe de la cuisse, face antérieure du genou
Face antéro-interne de la jambe
- Fesse
Face postérieure de la cuisse
Face externe de la jambe
Face dorsale du pied et du gros orteil
Achilléen Fesse
Face postérieure de la cuisse, de la jambe, du talon, de la plante du pied et du petit orteil
traction latérale de ses deux mains, on induit un relâchement des autres groupes musculaires. L’hyperréflexie est le signe d’une atteinte centrale. Il est important de rechercher une extension de la zone réflexogène, un clonus (secousses répétées à l’étirement d’un muscle) ou un polycinétisme (réponses musculaires multiples après une stimulation unique).
On recherche les irradiations douloureuses au niveau des dermatomes (figure 3.8), des territoires des nerfs périphériques (figures 3.9 et 3.10) ou des nerfs crâniens (figure 3.11).
Les douleurs projetées peuvent être de deux types : rapportées ou référées.
• Les douleurs rapportées sont liées à une atteinte située sur les voies nerveuses et sont perçues dans le territoire d’innervation correspondant à ces voies (par exemple : compression du nerf
sciatique par une hernie discale L5-S1 produisant une douleur radiculaire S1).
• Les douleurs référées sont plus complexes et sont la conséquence du phénomène de convergence. Des influx nociceptifs de diverses origines (cutanée, tendinomusculaire, ligamentaire, ostéoarticulaire ou viscérale) convergent, sans atteinte des voies nerveuses, vers le même neurone de la corne postérieure de la moelle qui transmet les afférences au niveau du thalamus et du cortex. L’origine de ces influx est mal interprétée par le cortex qui possède une capacité discriminative précise pour la peau ou les articulations, mais beaucoup plus imprécise pour les muscles et quasiment absente pour les viscères. Ainsi la sensation douloureuse provenant d’un viscère peut être localisée à tort dans la zone cutanée correspondant au même métamère.
Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 29
atteinte radiculaire du membre inférieur.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
30 Évaluation de la douleur et examens complémentaires
Figure 3.8. La distribution des dermatomes.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 3.9. Les territoires d’innervation sensitive du membre supérieur.
Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 31
Figure 3.10. Les territoires d’innervation sensitive du membre inférieur.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Figure 3.11. Les territoires d’innervation sensitive de la tête.
Examen de la colonne cervicale
L’examen de la colonne cervicale est effectué sur un patient assis. Il inclut les éléments suivants :
• Inspection de l’alignement des épineuses et de la lordose cervicale.
• Palpation des apophyses épineuses et articulaires postérieures par segment : segment supérieur : C0-C3, moyen : C4-C5 et inférieur C6-C7. C2, C4 (en regard de l’angle de la mandibule) et C7 (vertèbre cervicale la plus proéminente) constituent les repères anatomiques externes.
• Palpation des muscles : élévateur de l’épaule, splénius du cou, trapèze, semi-épineux de la tête, transversaire épineux et sous-occipitaux, à la recherche de cordons myalgiques, de contractures musculaires ou d’atrophie.
• Évaluation de l’amplitude des mouvements actifs en rotation (normale : 80°), en flexion (normale : 45°), en extension (normale : 45°) et en inclinaison (normale : 45°), et recherche des limitations (douloureuses ou indolores).
• Manœuvre de Spurling (ou test de compression foraminale) à la recherche d’une irritation radiculaire. La pression sur une racine nerveuse atteinte aggrave la douleur radiculaire ou les dysesthésies associées. La tête est inclinée du côté symptomatique et l’examinateur effectue une pression axiale sur le sommet de la tête. La manœuvre est positive si la douleur radiculaire est augmentée (spécificité élevée, faible sensibilité).
• Manœuvre de distraction à la recherche d’une irritation radiculaire par diminution de la tension sur la racine nerveuse atteinte. Le test consiste à étirer la tête du patient. Il est positif si la douleur radiculaire ou les dysesthésies diminuent (spécificité élevée, mais sensibilité faible).
• Manœuvre d’abduction de l’épaule à la recherche d’une irritation radiculaire par diminution de la tension sur la racine nerveuse atteinte. Le test consiste en une abduction passive complète de l’épaule du côté symptomatique. Il est positif si la douleur radiculaire ou les dysesthésies diminuent au niveau des racines C4 à C6 (spécificité élevée, faible sensibilité).
• Examen neurologique : recherche des signes déficitaires (moteurs, sensitifs ou réflexes) permettant de préciser le territoire radiculaire ou périphérique.
• Signe de Hoffmann : la flexion forcée de la phalange distale de l’index suivie de son relâchement brusque entraîne une flexion des doigts et du pouce en présence d’un syndrome pyramidal.
• Le diagnostic différentiel d’une cervicobrachialgie inclut les pathologies d’origine non cervicale : atteinte de la coiffe des rotateurs (trajet douloureux évoquant une radiculalgie C5 ou C6), syndrome de Parsonage et Turner (plexopathie brachiale aiguë d’origine inconnue associant douleurs de l’épaule et du bras avec une amyotrophie secondaire), syndrome du défilé thoracique (trajet C8), épicondylalgie ou syndrome du canal carpien (trajet C6).
• Manœuvre de Roos (ou manœuvre du chandelier dynamique ) : cette manœuvre permet de reproduire les symptômes du syndrome du défilé thoracique (douleur graduelle au niveau de la colonne cervicale, l’épaule et le bras, ou paresthésies dans les avant-bras et les doigts). On demande au patient de lever les bras en abduction et rotation externe, de fléchir les coudes à 90°, et d’ouvrir et fermer les doigts pendant 3 minutes. Ce test est le plus fiable dans le diagnostic du syndrome du défilé thoracique.
Examen de la colonne thoracique
L’examen de la colonne thoracique est effectué sur un patient debout. Il inclut les éléments suivants :
• Inspection de la cyphose dorsale :
– recherche de déviation latérale (scoliose vraie avec rotation vertébrale ou attitude scoliotique antalgique) ou antérieure (cyphose) ;
– différence de hauteur des épaules, asymétrie thoracique. La scoliose peut être dorsale, cervicodorsale ou dorsolombaire ; – caractérisation de la scoliose (concave ou convexe).
32 Évaluation de la douleur et examens complémentaires
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
• Palpation des épineuses et de la région paravertébrale.
• Palpation musculaire à la recherche de cordons myalgiques, de contractures musculaires ou d’atrophie.
• Évaluation de l’amplitude des mouvements actifs : – rotation (normale : 50°), flexion (normale : 20°), extension (normale : 10°) et inclinaison avec contre-pression de la main opposée (normale : 35°) ; – recherche des limitations (douloureuses ou indolores). Les mouvements de la colonne thoracique sont limités, notamment en raison des articulations costales.
• Mesure de l’ampliation thoracique (normale : 6 cm).
• Signe de Foletti : une hypoesthésie thermique au froid en regard de la charnière dorsolombaire est fréquente dans le syndrome de Maigne.
Examen de la colonne lombaire
L’examen de la colonne lombaire inclut les éléments suivants :
En position debout
• Évaluation de la marche, à la recherche d’anomalies provoquées par la douleur, une faiblesse musculaire, une atteinte neurologique ou une asymétrie des membres inférieurs. La boiterie antalgique est due à une douleur au niveau du dos ou du membre inférieur dans son entier. Elle se présente généralement par une phase d’appui raccourcie du côté douloureux. En cas de claudication neurogène, la douleur peut limiter drastiquement le périmètre de marche.
• Attitude antalgique (spontanée ou lors du déshabillage).
• Inspection de la lordose lombaire (hyperlordose, rectitude, inversion), des déviations latérales (scoliose vraie avec rotation vertébrale, attitude scoliotique antalgique), déviation de la ligne du bassin.
• Palpation des muscles multifidus, de l’érecteur du rachis, des fessiers et du pyramidal à la recherche de cordons myalgiques, de contractures musculaires ou d’atrophie.
• Évaluation de l’amplitude des mouvements actifs : rotation (normale : 30°), flexion (normale : 90°), extension (normale : 30°) et inclinaison (normale : 30°). Recherche des limitations (douloureuses ou indolores). Une douleur lombaire en extension évoque une lyse isthmique ou un canal étroit avec ou sans spondylolisthésis. Aucune étude n’a démontré de corrélation claire entre une douleur du rachis lombaire à l’extension et la présence d’arthrose au niveau des articulations postérieures [8]. Sept facteurs corrélés de façon significative avec un syndrome facettaire ont été décrits par Jackson : âge avancé, antécédent de lombalgie, marche normale, douleur maximale en extension, absence d’irradiation dans le membre inférieur, absence de spasme musculaire et absence d’impulsivité [9]. Une douleur radiculaire provoquée par l’extension évoque une sténose foraminale et possiblement une discopathie inflammatoire. Une douleur lors de l’inclinaison du côté opposé à la lombalgie (« Lasègue du tronc ») peut être le signe d’une atteinte des branches postérieures cutanées des racines D12, L1 et L2 (charnière dorsolombaire).
• Mesure de la distance doigts-sol (DDS) en centimètres (normale : 0 cm). La raideur liée à la contraction des muscles spinaux évoque une pathologie discale ou arthrosique lombaire. La douleur peut n’être présente qu’à mi-course ou en fin d’exercice et disparaître par la suite (passage ou arc douloureux).
• Le test de Schöber mesure le degré de souplesse de la colonne lombaire. Le protocole du test consiste à effectuer deux marquages sur le patient en position debout. Le premier au niveau de l’apophyse épineuse de L5 et le second 10 cm plus haut. L’allongement de cette distance est ensuite mesurée en flexion antérieure maximale. L’écart doit être supérieur à 4 cm (indice de Schöber = + 4).
En décubitus ventral
• Palpation segmentaire depuis la charnière dorsolombaire jusqu’au sacrum : décrite par Maigne [10], la manipulation qui consiste à associer
Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 33
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE