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Manuel pratique d'algologie - Prise en charge de la douleur chronique

Christophe Perruchoud

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Chez le mĂȘme Ă©diteur

Manuel pratique d’anesthĂ©sie, par Albrecht Éric, Jean-Pierre Haberer, Éric Buchser, VĂ©ronique Moret, 2015, 864 pages.

La douleur en ORL – Rapport 2014 de la SociĂ©tĂ© française d’ORL et de chirurgie cervico-faciale , par Jean-Michel Prades, 2014, 240 pages.

Manuel pratique d’anesthĂ©sie locorĂ©gionale Ă©choguidĂ©e, par Éric Albrecht, SĂ©bastien Bloc, Hugues Cadas, VĂ©ronique Moret, 2014, 296 pages.

Posturologie clinique. Comprendre, Ă©valuer, soulager les douleurs, par l’API (Association de Posturologie Internationale), Bernard Weber, Philippe Villeneuve, 2012, 224 pages.

Anesthésie loco-régionale et traitement de la douleur, par Pierre Gauthier-Lafaye, André Muller, Elisabeth Gaertner, 2009, 4e édition, 720 pages.

Douleurs rachidiennes : 100 défis cliniques, par Lynton G.F Giles, édition française coordonnée par Fabrice Duparc, 2012, 568 pages.

Dans la collection « Abrégés »

Douleurs – Soins palliatifs – Deuils, CoordonnĂ© par Alain de Broca, 2012, 240 pages.

Dans la collection « Pratiques en psychothérapie »

Pratiques en psychothĂ©rapie – Approches thĂ©oriques et cliniques, par GĂ©rard Salem, Éric Bonvin, 2017, 6e Ă©dition, 392 pages.

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Manuel pratique d’algologie

Prise en charge de la douleur chronique

Christophe Perruchoud

MĂ©decin-chef, centre lĂ©manique d’antalgie et de neuromodulation, dĂ©partement d’anesthĂ©siologie, hĂŽpital de Morges, Suisse, MĂ©decin agréé, centre d’antalgie, service d’anesthĂ©siologie, centre hospitalier universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse, Privat docent et maĂźtre d’enseignement et de recherche de l’universitĂ© de Lausanne (UNIL).

Éric Albrecht

MĂ©decin-adjoint, service d’anesthĂ©siologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse, Privat docent et maĂźtre d’enseignement et de recherche de l’universitĂ© de Lausanne (UNIL), Auteur du Manuel pratique d’anesthĂ©sie et du Manuel pratique d’anesthĂ©sie locorĂ©gionale Ă©choguidĂ©e.

Véronique Moret

Ancien mĂ©decin associĂ©, service d’anesthĂ©siologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse

Avec la collaboration de Élodie Andrieux-Chastonay, Chantal Berna, SĂ©bastien Bloc, Vincent Bourquin, MichĂšle Bovy, Éric Buchser, Matthieu Cachemaille, Laurence Clivaz-Mariotti, Martine Jacot-Guillarmod, Carlos Madrid, Bruno Marchand, Nicolas Mariotti, BenoĂźt Marlier, Jean-Pierre Mustaki, Charles Peltier, Philippe Rigoard, Alexandra Simard, Marc Suter, Tanguy Vendeuvre et Dragana Viceic

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Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France

Manuel pratique d’algologie - Prise en charge de la douleur chronique, de Christophe Perruchoud, Éric Albrecht et VĂ©ronique Moret.

© 2017 Elsevier Masson SAS

ISBN : 978-2-294-74493-8 e-ISBN : 978-2-294-74534-8

Tous droits réservés.

Illustrations réalisées par Alain Jacot-Guillarmod : figures 2.1, 2.2, 2.3, 2.5, 2.6, 3.10, 8.3, 26.1, 27.7, 27.11, 27.24, 27.34 et 27.35.

Les indications et posologies de tous les mĂ©dicaments citĂ©s dans ce livre ont Ă©tĂ© recommandĂ©es dans la littĂ©rature mĂ©dicale et concordent avec la pratique de la communautĂ© mĂ©dicale. Elles peuvent, dans certains cas particuliers, diffĂ©rer des normes dĂ©finies par les procĂ©dures d’AMM. De plus, les protocoles thĂ©rapeutiques pouvant Ă©voluer dans le temps, il est recommandĂ© au lecteur de se rĂ©fĂ©rer en cas de besoin aux notices des mĂ©dicaments, aux publications les concernant et Ă  l’Agence du mĂ©dicament. L’auteur et l’éditeur ne sauraient ĂȘtre tenus pour responsables des prescriptions de chaque mĂ©decin.

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procĂ©dĂ©s, rĂ©servĂ©s pour tous pays. Toute reproduction ou reprĂ©sentation intĂ©grale ou partielle, par quelque procĂ©dĂ© que ce soit, des pages publiĂ©es dans le prĂ©sent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisĂ©es, d’une part, les reproductions strictement rĂ©servĂ©es Ă  l’usage privĂ© du copiste et non destinĂ©es Ă  une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiĂ©es par le caractĂšre scientifique ou d’information de l’Ɠuvre dans laquelle elles sont incorporĂ©es (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriĂ©tĂ© intellectuelle).

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Liste des collaborateurs

Élodie Andrieux-Chastonay, cheffe de clinique, service d’anesthĂ©siologie, centre hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse

Chantal Berna, cheffe de clinique, centre d’antalgie, service d’anesthĂ©siologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse

Sébastien Bloc, médecin anesthésiste-réanimateur, hÎpital privé Claude Galien, Quincy-sous-Sénart, France

Vincent Bourquin, médecin consultant, médecine interne et néphrologie, hÎpital de la Tour, GenÚve, Suisse

MichĂšle Bovy, mĂ©decin-cheffe, centre lĂ©manique d’antalgie et de neuromodulation, dĂ©partement d’anesthĂ©siologie, hĂŽpital de Morges, Suisse

Éric Buchser, mĂ©decin-chef, Centre lĂ©manique d’antalgie et de neuromodulation, dĂ©partement d’anesthĂ©siologie, hĂŽpital de Morges, Suisse.

Matthieu Cachemaille, chef de clinique, centre d’antalgie, service d’anesthĂ©siologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse

Laurence Clivaz Mariotti, mĂ©decin-adjointe, centre cantonal d’addictologie, RĂ©seau fribourgeois de santĂ© mentale (RFSM), Fribourg, Suisse

Martine Jacot-Guillarmod, médecin-associée, département femme-mÚre-enfant, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse

Carlos Madrid, médecin-associé, division de chirurgie orale et maxillo-faciale, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse

Bruno Marchand, médecin-chef, service de radiologie, hÎpital de Morges, Suisse

Nicolas Mariotti, mĂ©decin-chef adjoint, centre de traitement de la douleur, service d’anesthĂ©siologie et de rĂ©animation, HFR-Fribourg hĂŽpital cantonal, Fribourg, Suisse

BenoĂźt Marlier, neurochirurgien, service de neurochirurgie, centre hospitalier universitaire Maison-Blanche, Reims, France

Jean-Pierre Mustaki, mĂ©decin-chef, centre lĂ©manique d’antalgie et de neuromodulation, dĂ©partement d’anesthĂ©siologie, HĂŽpital de Morges, Suisse

Charles Peltier, neurochirurgien, Unité du rachis et de neurostimulation, centre hospitalier universitaire de la Milétrie, Poitiers, France

Philippe Rigoard, professeur de neurochirurgie, unité du rachis et de neurostimulation, centre hospitalier universitaire de la Milétrie, Poitiers, France

Alexandra Simard, anesthĂ©siste, clinical and research fellow neuromodulation, centre hospitalier universitaire de QuĂ©bec –universitĂ© de Laval, QuĂ©bec, Canada.

Marc Suter, mĂ©decin associĂ©, centre d’antalgie, service d’anesthĂ©siologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse

Tanguy Vendeuvre, chef de clinique en orthopédie, Unité du rachis et de neurostimulation, centre hospitalier universitaire de la Milétrie, Poitiers, France

Dragana Viceic, cheffe de clinique, service de neurologie, centre hospitalier du valais romand, hĂŽpital de Sion, Suisse

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ACR American College of Rheumatology

AL anesthésique local

ALIF Anterior Lumbar Interbody Fusion

ASA American Society of Anesthesiologists

AVR anesthésie intraveineuse

BDI Beck Depression Inventory

BPI Brief Pain Inventory

COX cyclo-oxygénase

CRPS Complex Regional Pain Syndrom

DFG débit de filtration glomérulaire

DRG Dorsal Root Ganglion

EMG électromyogramme

EQ-5D EuroQoL 5-dimensions

HAD Hospital Anxiety and Depression scale

HD hernie discale

HIZ High signal Intensity Zone

IASP International Association for the Study of Pain

IMC infirmes moteurs cérébraux

IPPS International Pelvic Pain Society

IRC insuffisance rénale chronique

IRM imagerie par résonance magnétique

IRSN inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline

ISSVD International Society for the Study of Vulvovaginal Disease

ISSWSH International Society for the Study of Women’s Sexual Health

KDIGO Kidney Disease/Improving Global Outcomes

LANSS Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs

LCR liquide céphalorachidien

MBL Mannose-Binding Lectin

MELD Model for End-Stage Liver Disease

MOS SF-36 Medical Outcome Study Short Form-36

MPI Multidimensional Pain Inventory

MPQ McGill Pain Questionnaire

Abréviations

NNT Number Needed to Treat, nombre nécessaire de patients à traiter

NPQ Neuropathic Pain Questionnaire

NPS Neuropathic Pain Scale

ODI Oswestry Disability Index

OMS Organisation mondiale de la Santé

OWS Oswestry Low Back Pain and Disability Score

PAG substance grise périaqueducale

PLIF Posterior Lumbar Interbody Fusion

PNP polyneuropathies

POEMS Polyneuropathie Organomegalie Endocrinopathie Monoclonal proteine

Skin change

QALY Quality Adjusted Life Year

QCD questionnaire concis sur les douleurs

QDSA questionnaire de Saint-Antoine

QST Quantitative sensory testing, évaluation quantifiée de la sensibilité cutanée

RC rétrécissement canalaire

RDQ Roland Disability Questionnaire

rTMS stimulation magnétique transcrùnienne répétitive

RVM moelle rostroventrale

SDRC Complex Regional Pain Syndrome, syndrome douloureux régional complexe

SS Severity Scale

SSRI inhibiteurs purs de la recapture de la sérotonine

StEP Standardized Evaluation of Pain

tDCS transcranial Direct Curent Stimulation, stimulation transcrĂąnienne Ă  courant direct

TENS transcutaneous electrical nerve stimulation

TLIF Transverse Lumbar Interbody Fusion

WPI Widespread Pain Index

XLIF eXtreme Lateral Interbody Fusion

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Chapitre 1

L’épidĂ©miologie de la douleur chronique

Définition

L’International Association for the Study of Pain (IASP) dĂ©finit la douleur comme une « expĂ©rience sensorielle et Ă©motionnelle dĂ©sagrĂ©able, liĂ©e Ă  une lĂ©sion tissulaire existante ou potentielle, ou dĂ©crite en des termes Ă©voquant une telle lĂ©sion » [1]. Cette dĂ©finition implique que tout Ă©pisode douloureux est liĂ© Ă  une sensation de lĂ©sion tissulaire, que cette lĂ©sion existe ou non. La distinction entre douleur « rĂ©elle » et douleur « imaginaire » ne fait donc pas de sens.

Pour l’American Society of Anesthesiologists (ASA), une douleur chronique est une « douleur persistante ou Ă©pisodique, d’une durĂ©e ou d’une intensitĂ© qui affecte de façon pĂ©jorative le comportement ou le bien-ĂȘtre du patient, attribuable Ă  toute cause non maligne » [2]. Cette seconde dĂ©finition introduit de nouvelles notions, Ă  savoir l’inutilitĂ© de la douleur chronique comme signal d’alerte protecteur, et son caractĂšre dĂ©lĂ©tĂšre en termes de retentissement psychologique. Par opposition, la douleur aiguĂ« est un mĂ©canisme de dĂ©fense permettant de signaler un danger et nĂ©cessaire Ă  notre survie. En pratique clinique, on diffĂ©rencie souvent la douleur chronique d’origine cancĂ©reuse de la douleur chronique non cancĂ©reuse. La notion de chronicitĂ© diffĂšre selon les auteurs, mais correspond gĂ©nĂ©ralement Ă  une Ă©volution supĂ©rieure Ă  3 ou 6 mois. Selon l’OMS, « une douleur qui dure longtemps, ou qui est

permanente ou récurrente, est appelée chronique quand elle dure plus de 6 mois » [3].

Le traitement de la douleur est reconnu comme un droit fondamental [4]. La douleur est considĂ©rĂ©e comme une maladie Ă  part entiĂšre [5] et une classification est prĂ©vue pour l’ICD-11 [6]. Son importance comme unitĂ© propre est aussi mise en avant par les Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques. Elle diminue la qualitĂ© de vie et lorsqu’elle est sĂ©vĂšre et constitue mĂȘme un facteur de risque indĂ©pendant de mortalitĂ© [7].

I

ncidence, prévalence et présentation clinique

L’épidĂ©miologie Ă©tudie la distribution, la cause et les dĂ©terminants d’évĂ©nements en relation Ă  la santĂ© dans des populations ainsi que leurs applications dans la prise en charge des problĂšmes de santĂ©. Dans le cadre de la douleur chronique, il est important de connaĂźtre la prĂ©valence et les facteurs de risques pour amĂ©liorer notre approche globale en diminuant la sĂ©vĂ©ritĂ© de l’atteinte ainsi qu’en minimisant l’incapacitĂ© fonctionnelle [8]. La prĂ©valence est dĂ©finie par le pourcentage de personnes souffrant de douleur chronique dans la position gĂ©nĂ©rale (Ă  un instant donnĂ©, sur une pĂ©riode prĂ©cise ou durant la vie entiĂšre). La prĂ©valence permet de dĂ©terminer les ressources cliniques, financiĂšres,

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éducationnelles nécessaires aux praticiens de premier recours.

L’incidence est dĂ©finie comme le nombre de nouveaux cas sur une pĂ©riode donnĂ©e (gĂ©nĂ©ralement une annĂ©e) rapportĂ©e Ă  la population gĂ©nĂ©rale. L’incidence de la douleur chronique est difficile Ă  prĂ©ciser, les patients ne se rappelant souvent pas du dĂ©but des symptĂŽmes et ne consultant souvent que lorsque la douleur est dĂ©jĂ  prĂ©sente depuis un certain temps [9].

La douleur est tellement frĂ©quente si l’on considĂšre tous les Ă©pisodes (seul 1 patient sur 5 rapporte ne pas avoir eu de douleur durant le mois prĂ©cĂ©dent [10]) qu’il est plus utile de se concentrer sur la douleur chronique et invalidante.

L’étude tĂ©lĂ©phonique rĂ©alisĂ©e en 2006 par Breivik [11], dans 15 pays europĂ©ens et IsraĂ«l, a conclu Ă  une prĂ©valence de la douleur chronique de 19 %, dĂ©finie par une douleur prĂ©sente depuis plus de 6 mois, avec au moins deux Ă©pisodes par semaine, prĂ©sente le mois prĂ©cĂ©dent, d’intensitĂ© supĂ©rieure ou Ă©gale Ă  5 sur une Ă©chelle de numĂ©rique de 1 Ă  10 lors du dernier Ă©pisode. Les localisations les plus frĂ©quentes Ă©taient la rĂ©gion lombaire (18 %), suivie du genou (14 %), de la jambe (14 %), de la tĂȘte (15 %), de l’épaule (9 %), de la colonne cervicale et de la hanche (8 %), de la main (6 %), de la colonne dorsale (5 %). La durĂ©e des douleurs Ă©tait de 2 Ă  15 ans chez 60 % des participants. La cause de douleurs selon la rĂ©ponse donnĂ©e par les participants, aidĂ©s par une liste de propositions, Ă©tait l’arthrose (34 %), un problĂšme discal (15 %), un traumatisme (12 %), une polyarthrite (8 %), des cĂ©phalĂ©es/ migraines (7 %), une fracture/dĂ©tĂ©rioration de la colonne (6 %), un dommage d’un nerf (4 %) ou d’un cartilage (4 %), un « coup du lapin » (4 %) ou une chirurgie (3 %). Douze pour cent des rĂ©pondants ignoraient la cause de leur douleur. L’impact sur les activitĂ©s quotidiennes Ă©tait marquĂ©, avec 56 % des sondĂ©s qui mentionnaient que leur sommeil Ă©tait affectĂ© et 9 % qui ne dormaient plus. Un quart prĂ©tendait que les douleurs avaient impactĂ© leur statut professionnel. Un absentĂ©isme moyen de 7,8 jours sur les 6 derniers mois Ă©tait rapportĂ© par ceux qui

avaient encore une activité. Moins de 2 % des patients souffrant de douleurs chroniques ont consulté une clinique spécialisée, les autres étant suivis par les médecins de premier recours, voire pas suivis du tout.

La plupart des études de prévalence sont transversales. Landmark et al. [12] ont effectué un suivi longitudinal sur une année avec un questionnaire tous les 3 mois, qui a permis de valider la reproductibilité des données sur la durée. Environ 75 % des sujets ont répondu au premier questionnaire et la moitié aux quatre. La prévalence de douleur moyenne à sévÚre est de 31 %.

Influence du genre sur la douleur

La prévalence de la douleur chronique est plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Les femmes ont un seuil de sensibilité à la douleur inférieur aux hommes [13].

Pourtant, malgrĂ© ces facteurs de risques augmentĂ©s, les femmes sont rĂ©guliĂšrement exclues des Ă©tudes cliniques, et par consĂ©quent, les rĂ©sultats rarement exprimĂ©s en fonction du sexe. On retrouve les mĂȘmes biais de sĂ©lection dans les Ă©tudes prĂ©cliniques [14].

Cette discrĂ©pance entre hommes et femmes est influencĂ©e par le fait que certaines sociĂ©tĂ©s concĂšdent aux femmes qui souffrent le droit de s’exprimer plus bruyamment que les hommes. Sont mises en cause les hormones : d’un cĂŽtĂ©, l’effet antinociceptif et protecteur de la testostĂ©rone, de l’autre la versatilitĂ© des ƓstrogĂšnes et de la progestĂ©rone. Des Ă©tudes prĂ©cliniques ont rĂ©cemment dĂ©menti l’implication de la microglie (monocyte-macrophages du systĂšme nerveux central) chez les animaux femelles. Ce mĂ©canisme d’interaction neuro-immune Ă©tabli depuis plus de 10 ans peut ĂȘtre induit chez les animaux femelles traitĂ©s par de la testostĂ©rone [15].

Femmes et hommes affrontent la douleur de maniĂšre diffĂ©rente. Les hommes auraient tendance Ă  utiliser des techniques de distraction alors que les femmes recourent de prĂ©fĂ©rence au support social ou Ă  des techniques d’entraĂźnement attentionnel.

4 Principes généraux
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Finalement, l’interaction des sexes entre soignant et patient participe Ă  la discrĂ©pance, les mĂ©decins ayant tendance Ă  prescrire plus facilement un opiacĂ© Ă  un patient du mĂȘme sexe [16].

Facteurs de risque de la douleur chronique

ConnaĂźtre les facteurs de risques de la douleur chronique est important ; cela permettrait d’amĂ©liorer la prise en charge en agissant sur ces derniers s’ils sont modifiables et de cibler certaines mesures prĂ©ventives sur les autres.

Les sujets de sexe fĂ©minin prĂ©sentent des seuils de douleur et de tolĂ©rance infĂ©rieurs, une prĂ©valence de douleurs chroniques plus Ă©levĂ©e et surtout une prĂ©valence de syndrome de douleurs chroniques augmentĂ©e. Les sujets ĂągĂ©s prĂ©sentent aussi un risque augmentĂ©, ce qui est prĂ©occupant avec le vieillissement de la population. Cette catĂ©gorie de patient prĂ©sente aussi plus souvent des comorbiditĂ©s ainsi qu’une polymĂ©dication, qui va influencer les Ă©ventuels traitements que l’on pourra proposer. Un statut socioĂ©conomique infĂ©rieur est un autre facteur de risque sociodĂ©mographique [13]

La douleur elle-mĂȘme est probablement le facteur de risque le plus grand pour le dĂ©veloppement d’une douleur chronique, qu’elle soit aiguĂ« ou chronique sur un autre site [17]. Le passage Ă  la chronicitĂ© est augmentĂ© en fonction de l’intensitĂ© de la douleur aiguĂ«. Une prise en charge rapide est ainsi Ă  privilĂ©gier aussi pour Ă©ventuellement baisser ce risque. La transition vers le long terme est aussi influencĂ©e par les croyances et les attitudes par rapport Ă  la douleur [18]. Certaines caractĂ©ristiques psychologiques comme l’anxiĂ©tĂ©, la dĂ©pression ou le catastrophisme sont associĂ©es Ă  la douleur chronique. La relation temporelle avec la douleur n’est pas toujours claire, et l’influence mutuelle est probablement bidirectionnelle.

Le sommeil prĂ©sente le mĂȘme type d’interaction avec une influence rĂ©ciproque sur la douleur [19]. Ces facteurs contributifs ou associĂ©s doivent ĂȘtre pris en compte dans le traitement de la douleur chronique.

Coûts de la douleur chronique

Plusieurs études ont estimé le coût total imputable à la douleur chronique. Les frais sont dus aux coûts directs de traitement (consultations, médicaments, hospitalisations) et aux coûts indirects liés aux absences professionnelles et à la diminution de productivité.

L’une des plus rĂ©centes [20], rĂ©alisĂ©e aux ÉtatsUnis et se basant sur le Medical Expenditure Panel Survey (MEPS), a calculĂ© des coĂ»ts annuels de 560 Ă  635 milliards de dollars US pour 2010. Cette somme dĂ©passe les coĂ»ts annuels estimĂ©s d’autres maladies chroniques (maladies cardiovasculaires : 309 milliards, cancer : 243 milliards, diabĂšte : 188 milliards). Ces coĂ»ts se rĂ©partissent entre frais mĂ©dicaux additionnels suite Ă  la douleur de 261 Ă  300 milliards (frais directs) et perte de productivitĂ© de 299 Ă  335 milliards (frais indirects). Ces coĂ»ts massifs sont probablement sous-estimĂ©s, puisqu’ils ne prennent pas en compte par exemple les coĂ»ts d’absences des tiers prenant en charge les malades sur leur temps de travail, les personnes institutionnalisĂ©es, les personnes dont l’ñge est infĂ©rieur Ă  18 ans, et d’autres frais tels que transports ou frais juridique [21]. Le coĂ»t en termes de qualitĂ© de vie perdue est aussi Ă  considĂ©rer. Une perte de productivitĂ© suite Ă  des plaintes douloureuses a Ă©tĂ© observĂ©e chez 13 % des personnes actives durant une pĂ©riode de 2 semaines. La cĂ©phalĂ©e en Ă©tait la premiĂšre cause, suivie des douleurs de dos. L’équivalent financier estimĂ© de la perte de productivitĂ© Ă©tait de 61 milliards de dollars US/annĂ©e, dont la majoritĂ© causĂ©e aussi bien par la diminution de performance pendant le travail que par l’absentĂ©isme [22]

Les douleurs dorsales et/ou lombaires sont les plus frĂ©quentes et le but du traitement, comme dans la douleur chronique en gĂ©nĂ©ral, n’est pas de les Ă©liminer, mais de les rendre compatibles avec une qualitĂ© de vie correcte. L’impact Ă©conomique d’une amĂ©lioration des exacerbations de douleurs dorsales est dĂ©jĂ  important, mettant en avant l’utilitĂ© de stabiliser une maladie douloureuse chronique aussi du point de vue financier. Les travailleurs avec des exacerbations douloureuses reprĂ©sentent 71 % des 7,4 milliards imputĂ©s Ă  la perte de productivitĂ© des

Chapitre 1. L’épidĂ©miologie de la douleur chronique 5
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douleurs dorsales [22]. Concernant des pathologies comme le diabĂšte, le coĂ»t dĂ©jĂ  Ă©levĂ© de la pathologie de base est augmentĂ© lorsque se surajoutent les troubles neurologiques sous forme de fourmillements et d’insensibilitĂ© [23].

Références

1. Merskey H, Bogduk N. Classification of chronic pain. Descriptions of chronic pain syndromes and definitions of pain terms. Prepared by the Task Force on Taxonomy of the International Association for the Study of Pain, 2nd ed. Seattle (VA): IASP Press, 1994.

2. American Society of Anesthesiologists. Practice guidelines for chronic pain management. A report by the American Society of Anesthesiologists Task Force on Pain Management. Chronic Pain Section. Anesthesiology 1997;86:995–1004.

3. World Health Organization. A new understanding chronic pain. In : Kaplun A, ed. Health promotion and chronic illness. Discovering a new quality of health. Copenhagen: WHO Regional Publications; 1992 : 141-226.

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5. Tracey I, Bushnell MC. How neuroimaging studies have challenged us to rethink: is chronic pain a disease ? J. Pain 2009;10(11):1113–20.

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9. Macfarlane GJM, J, Jones GT. Epidemiology of Pain. In : McMahon S, Koltzenburg M, Tracey I, Turk DC, ed. Wall and Melzack’s Textbook of Pain: Churchill Livingstone; 2013 : 232-247.

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11. Breivik H, Collett B, Ventafridda V, Cohen R, Gallacher D. Survey of chronic pain in Europe: Prevalence, impact on daily life, and treatment. Eur J Pain 2006;10(4):287–333.

12. Landmark T, Romundstad P, Dale O, Borchgrevink PC, Kaasa S. Estimating the prevalence of chronic pain: validation of recall against longitudinal reporting (the HUNT pain study). Pain. 2012;153(7):1368–73. Epub 2012/05/12.

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14. Beery AK, Zucker I. Sex bias in neuroscience and biomedical research. Neuroscience and biobehavioral reviews 2011;35(3):565–72. Epub 2010/07/14.

15. Sorge RE, Mapplebeck JC, Rosen S, Beggs S, Taves S, Alexander JK, et al. Different immune cells mediate mechanical pain hypersensitivity in male and female mice. Nature neuroscience 2015;18(8):1081–3. Epub 2015/06/30.

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6 Principes généraux
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Chapitre 2 Physiopathologie et mécanismes de la douleur

L’étude de la physiopathologie et des mĂ©canismes de la douleur chronique passe par l’évocation des diffĂ©rents types de douleurs et la physiologie de la nociception.

Voies de la douleur

On peut schĂ©matiser la transmission d’un stimulus nociceptif de la pĂ©riphĂ©rie au systĂšme nerveux central par l’activation successive de trois neurones :

‱ Le neurone nocicepteur transmet l’information du site de stimulation (peau, muscle, articulation) jusqu’à la moelle Ă©piniĂšre.

‱ Le deuxiùme transfùre cette information au thalamus par le tractus spinothalamique.

‱ Le dernier relais transmet l’information du thalamus au cortex somatosensoriel primaire [1].

Le neurone nociceptif

Un neurone nociceptif est une cellule nerveuse spécialisée dans la détection des stimuli nociceptifs

2.1.

[2,3]. Le corps cellulaire de ce neurone est situĂ© dans les ganglions spinaux ou dans le ganglion trigĂ©minal. Son axone se projette d’un cĂŽtĂ© vers le tissu-cible en pĂ©riphĂ©rie (terminaison libre) et de l’autre vers la moelle Ă©piniĂšre (terminaison centrale). Il est de type C, non myĂ©linisĂ©, ou de type A delta, finement myĂ©linisĂ© (tableau 2.1). Il est composĂ© des quatre Ă©lĂ©ments suivants :

‱ La terminaison pĂ©riphĂ©rique (rĂ©cepteur nociceptif) qui traduit le signal potentiellement nocif en potentiels d’action Ă©lectriques.

‱ La fibre nerveuse qui conduit ces potentiels le long de l’axone.

‱ Le corps cellulaire qui maintient l’identitĂ© et l’intĂ©gritĂ© de la cellule.

‱ La terminaison centrale qui est l’élĂ©ment prĂ©synaptique du premier relais.

Les récepteurs nociceptifs sont spécifiques aux différentes modalités que sont la chaleur (TRV1 ou TRPV2), le froid (TRPA1 ou TRPM8), les stimulations mécaniques ou chimiques (ASIC pour les stimuli acides, récepteurs purinergiques P2X ou P2Y pour les dérivés de nucléotides). La stimulation de ces récepteurs entraßne la

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Fibre Information vĂ©hiculĂ©e Gaine de myĂ©line DiamĂštre (micromĂštre) Vitesse de conduction (m/s) A-alpha Proprioception MyĂ©linisĂ©e 13-20 80-120 A-bĂȘta Toucher MyĂ©linisĂ©e 6-12 35-90 A-delta Douleur (mĂ©canique et thermique) MyĂ©linisĂ©e 1-5 5-40 C Douleur (mĂ©canique, thermique et chimique) Non myĂ©linisĂ©e 0,2-1,5 0,5-2 BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Tableau Les différentes fibres nerveuses.

dĂ©polarisation de la terminaison libre, qui se traduit par un potentiel d’action, gĂ©nĂ©rĂ© au niveau des canaux sodiques sensibles au voltage (NaV). L’arrivĂ©e des potentiels d’action au premier relais synaptique entraĂźne la libĂ©ration de glutamate.

La transmission du signal Ă©lectrique implique la prĂ©sence de canaux ioniques au sodium et au potassium voltage-dĂ©pendants. Il existe neuf types de canaux sodiques et plus de 40 types de canaux potassiques. Les canaux sodiques sont exprimĂ©s de maniĂšre sĂ©lective en fonction des fibres. Les canaux NaV1,7, NaV1,8 et NaV1,9 sont ainsi exprimĂ©s prĂ©fĂ©rentiellement sur les fibres nociceptives. Les mutations du gĂšne SCN9A codant pour le canal NaV1,7 empĂȘchent le canal de fonctionner normalement. Les porteurs de ces mutations peuvent ĂȘtre totalement insensibles Ă  la douleur (les modalitĂ©s sensitives sont parfaitement conservĂ©es), ou au contraire ressentir des douleurs d’une extrĂȘme intensitĂ©. Ce canal constitue une cible intĂ©ressante dans la recherche et le dĂ©veloppement de nouveaux mĂ©dicaments antalgiques [4].

Dans la moelle épiniÚre, les nocicepteurs se projettent dans les couches superficielles I et II de Rexed de la corne dorsale (figure 2.1). Les fibres myélinisées, plus épaisses, pénÚtrent dans les couches plus profondes.

Le faisceau spinothalamique

Le faisceau spinothalamique (figure 2.2) prend naissance au niveau de la corne dorsale de la moelle Ă©piniĂšre, croise la ligne mĂ©diane au mĂȘme niveau et emprunte le tractus ventrolatĂ©ral jusqu’au thalamus. Ce faisceau est constituĂ© de neurones exclusivement nociceptifs, dans les couches superficielles, et de neurones mixtes qui circulent dans les couches plus profondes et rĂ©pondent aussi Ă  des affĂ©rences A bĂȘta non nociceptives [5]

L’organisation supraspinale (figure 2.3)

Les projections supraspinales peuvent ĂȘtre globalement classĂ©es en deux types :

‱ La voie spinothalamique latĂ©rale (faisceau nĂ©ospinothalamique) rejoint la voie lemniscale mĂ©diale (mais en reste bien distincte) et se projette de maniĂšre somatotopique sur le noyau ventro-postĂ©ro-latĂ©ral du thalamus (VPL). Ces noyaux constituent un relais pour toutes les voies sensitives ayant des projections corticales. Le thalamus contient ainsi le corps du 3e neurone de la voie nociceptive et reprĂ©sente le lieu du deuxiĂšme relais des voies de projection. La voie

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Figure 2.1. Couches de la moelle épiniÚre selon Rexed.

spinothalamique latĂ©rale se termine au niveau des cortex somatosensoriels primaire et secondaire. Elle code de maniĂšre spĂ©cifique l’intensitĂ©, la spatialitĂ©, et la modalitĂ© du stimulus.

‱ La voie spinothalamique mĂ©diale (faisceau palĂ©ospino-rĂ©ticulo-thalamique) se termine au niveau du cortex limbique, qui comprend le cortex cingulaire antĂ©rieur et l’insula rostrale. Ces structures sont responsables de la composante Ă©motionnelle de la douleur. La projection d’informations nociceptives sur l’hypothalamus est Ă  l’origine de rĂ©ponses neuroendocrines Ă  la douleur (augmentation de la sĂ©crĂ©tion des hormones mĂ©dullosurrĂ©naliennes). De plus, les rĂ©flexes au niveau du tronc

cĂ©rĂ©bral avec les noyaux vĂ©gĂ©tatifs de la substance rĂ©ticulĂ©e et des nerfs crĂąniens (III, VII, IX, X) sont responsables des modifications vĂ©gĂ©tatives de l’activitĂ© cardiovasculaire (tachycardie, hypertension), respiratoires (tachypnĂ©e) et mydriase. Le concept de «  pain matrix » intĂšgre toutes les zones concernĂ©es par le phĂ©nomĂšne de la douleur au niveau cĂ©rĂ©bral. Les Ă©lĂ©ments de ce rĂ©seau traitent de maniĂšre spĂ©cifique mais non exclusive les divers aspects de la douleur, comme l’anticipation, la discrimination, la perception affective. Appartiennent Ă  cet immense rĂ©seau : les cortex somatosensoriels primaire et secondaire, les cortex cingulaires antĂ©rieur et postĂ©rieur, le cortex

Chapitre 2. Physiopathologie et mécanismes de la douleur 9
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Figure 2.2. Faisceau spinothalamique.

prĂ©frontal, le cortex pariĂ©tal postĂ©rieur, l’insula, le thalamus, l’hypothalamus, l’amygdale, la substance grise pĂ©riaqueducale, les noyaux parabrachiaux et les ganglions de la base [6].

Classification et type de douleurs

Les douleurs sont généralement classées en quatre groupes [7] :

‱ nociceptive : douleur transitoire rĂ©sultant de lĂ©sions tissulaires et de l’activation des nocicepteurs (par exemple : fracture ou entorse). Elle est aiguĂ« et implique un systĂšme nerveux affĂ©rent normal, spĂ©cialisĂ© dans le signalement du danger ;

‱ inflammatoire : autrefois appelĂ©e douleur par excĂšs de nociception, elle rĂ©sulte d’une hypersensibilitĂ© secondaire Ă  une lĂ©sion tissulaire ou Ă  une inflammation. Elle peut ĂȘtre aiguĂ« (par exemple : douleur postopĂ©ratoire ou coup de soleil) ou chronique dans le cadre d’une atteinte rhumatologique de type arthrosique. Elle prĂ©sente une

utilité en phase aiguë, permettant la mise au repos pendant la réparation du dommage ;

‱ neuropathique : associĂ©e Ă  une lĂ©sion ou une atteinte du systĂšme nerveux somatosensoriel, (par exemple : radiculopathie ou nĂ©vralgie postherpĂ©tique) ;

‱ dysfonctionnelle : douleur chronique dont l’origine n’est a priori ni une inflammation, ni une lĂ©sion nerveuse Ă©vidente. La cause serait un traitement inadĂ©quat de l’information par les centres modulateurs de la douleur, d’origine centrale, rĂ©sultant en un Ă©quilibre perturbĂ© entre excitation et inhibition et un seuil de perception douloureuse abaissĂ© (par exemple : fibromyalgie, cĂŽlon irritable ou cĂ©phalĂ©es tensionnelles).

Modulation du signal douloureux

DiffĂ©rents filtres limitent l’afflux d’informations Ă©manant du systĂšme nociceptif vers le cerveau.

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Figure 2.3. Organisation supraspinale du faisceau spinothalamique.

La théorie du portillon (gate control theory)

La thĂ©orie du portillon (figure 2.4) dĂ©crit le blocage de l’influx nociceptif par un stimulus non nociceptif entre le neurone pĂ©riphĂ©rique et le neurone central au niveau de la moelle Ă©piniĂšre. Cette rĂ©action semble rĂ©sulter de l’inhibition du neurone central par des interneurones inhibiteurs de la corne dorsale. Cette thĂ©orie, dĂ©crite par Wall et Melzack en 1965, a permis de combler partiellement les lacunes des thĂ©ories de l’intensitĂ© (les influx nociceptifs suivent les mĂȘmes voies que les influx non douloureux, mais ont une intensitĂ© plus forte), et de la spĂ©cificitĂ© (la transmission des modalitĂ©s douloureuses et non douloureuses se fait par des voies entiĂšrement sĂ©parĂ©es) [8].

L’inhibition descendante

Les voies descendantes inhibitrices prennent leurs origines dans la substance grise pĂ©riaqueducale (PAG), la moelle rostroventrale (RVM), le locus coeruleus, le gyrus cingulaire antĂ©rieur, l’amygdale et l’hypothalamus (figure 2.5). Une sĂ©rie de neurotransmetteurs sont impliquĂ©s : la sĂ©rotonine, la noradrĂ©naline, la dopamine et les opiacĂ©s endogĂšnes [1]. Le contrĂŽle descendant est subdivisĂ© en deux systĂšmes :

Chapitre 2. Physiopathologie et mécanismes de la douleur 11
Figure 2.4. La théorie du portillon.
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Figure 2.5. Voies descendantes.

‱ le systĂšme PAG­RVM, mĂ©dian, agit prĂ©fĂ©rentiellement sur les influx nociceptifs transmis par les fibres C ;

‱ le systĂšme latĂ©ral implique le noyau rĂ©ticulaire dorsal et la moelle ventrolatĂ©rale [9].

Le contrĂŽle descendant n’est pas purement inhibiteur. Au niveau de la RVM, il est composĂ© de cellules on/off recrutĂ©es par les centres supĂ©rieurs impliquĂ©s dans la peur, la maladie ou le stress. Ces cellules maintiennent un seuil de stimulation dĂ©pendant des conditions du moment et contribuent aux Ă©tats douloureux chroniques pathologiques. Elles semblent jouer un rĂŽle aussi dans l’effet placebo, ou dans les rĂ©ponses Ă  diverses techniques utilisĂ©es dans le traitement des douleurs chroniques, comme l’hypnose [10].

Conséquences cliniques

La douleur nociceptive aiguĂ« est un signal d’alarme nĂ©cessaire Ă  notre survie. Les patients atteints d’insensibilitĂ© congĂ©nitale ont une espĂ©rance de vie rĂ©duite en raison de l’accumulation de traumatismes les plus divers au cours de leur existence.

Les phĂ©nomĂšnes de sensibilisation et de modulation interviennent dans la prĂ©sentation clinique et la prise en charge. L’allodynie et l’hyperalgĂ©sie peuvent ĂȘtre la consĂ©quence d’une sensibilisation pĂ©riphĂ©rique ou centrale. Une bonne connaissance de la pathophysiologie, des concepts de sensibilisation et de la modulation de la douleur est nĂ©cessaire Ă  la comprĂ©hension, l’évaluation et au traitement de la douleur chronique. Peu d’études prĂ©cliniques basĂ©es sur la pathophysiologie ont abouti Ă  ce jour Ă  des traitements efficaces. La dimension multifacettaire de la douleur nĂ©cessite une approche thĂ©rapeutique plus globale.

Sensibilisation centrale et périphérique

Lorsque la stimulation nociceptive se prolonge, des phĂ©nomĂšnes de sensibilisation apparaissent, tant au niveau pĂ©riphĂ©rique qu’au niveau

central. La distinction entre douleur inflammatoire et douleur neuropathique n’est pas toujours aisĂ©e. Dans les deux cas, les mĂ©canismes qui sous-tendent la chronicisation se superposent souvent. Le concept de « neuro-inflammation » implique une communication entre le systĂšme nerveux et le systĂšme immunitaire/ inflammatoire.

La sensibilisation périphérique

AprĂšs une lĂ©sion tissulaire pĂ©riphĂ©rique, les cellules lĂ©sĂ©es et les cellules inflammatoires attirĂ©es sur le site de la lĂ©sion libĂšrent de nombreux mĂ©diateurs, la « soupe inflammatoire » (prostaglandines PGE1 et PGE2, ATP/ADP, sĂ©rotonine, bradykinine, nerve growth factor, ions H+). Ces mĂ©diateurs agissent sur des rĂ©cepteurs spĂ©cifiques situĂ©s sur les neurones nocicepteurs. La « soupe inflammatoire » induit, par exemple, une modification des rĂ©cepteurs TRPV1 et TRPA1, Ă  l’origine de l’abaissement du seuil de sensibilitĂ© au chaud et au froid. Les influx se dirigent vers la terminaison centrale, mais reviennent aussi vers la pĂ©riphĂ©rie (rĂ©flexe axonal antidromique). Cela libĂšre des neuromĂ©diateurs, la substance P et le peptide reliĂ© au gĂšne calcitonine (CGRP), prĂ©sents dans les nocicepteurs, responsables de l’inflammation neurogĂšne. Ces mĂ©diateurs agissent au niveau de leurs rĂ©cepteurs (neurokinin 1 et CGRP1) et activent le chimiotactisme des cellules inflammatoires (neutrophiles, macrophages et lymphocytes), la dĂ©granulation des mastocytes, l’accĂ©lĂ©ration du flux sanguin, la permĂ©abilitĂ© de l’endothĂ©lium vasculaire, et l’allumage des cellules dendritiques responsables de la diffĂ©rentiation de lymphocytes T [11]. La lĂ©sion tissulaire induit des changements d’expression gĂ©nĂ©tique au niveau du ganglion spinal qui, sur le long terme, modifient la rĂ©ponse des fibres affĂ©rentes (plasticitĂ© du nocicepteur). L’expression des canaux sodiques est augmentĂ©e, celle des canaux potassiques est diminuĂ©e. Les canaux sodiques proches des lĂ©sions nerveuses participent Ă  l’excitabilitĂ© pĂ©riphĂ©rique. Une activitĂ© ectopique dans les nerfs lĂ©sĂ©s et non lĂ©sĂ©s adjacents contribue Ă  la sensibilisation centrale (figure 2.6).

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La sensibilisation centrale

AprĂšs avoir cheminĂ© dans la racine dorsale, les terminaisons centrales font synapse avec les neurones secondaires de la corne dorsale de la moelle Ă©piniĂšre. Les synapses excitatrices sont principalement glutamatergiques. L’action du glutamate sur les rĂ©cepteurs AMPA provoque l’entrĂ©e rapide de sodium dans le second neurone. Lors d’une activitĂ© soutenue, le rĂ©cepteur NMDA, prĂ©alablement bloquĂ© par un ion Mg2+, est activĂ© et dĂ©clenche l’entrĂ©e de calcium au niveau post-synaptique. Divers neurotransmetteurs et facteurs trophiques (substance P et CGRP) sont Ă©galement libĂ©rĂ©s. Ces mĂ©diateurs possĂšdent la capacitĂ© de moduler la rĂ©ponse par la phosphorylation de rĂ©cepteurs post-synaptiques, qui entraĂźne une rĂ©ponse plus puissante et prolongĂ©e, et par l’augmentation du nombre de ces rĂ©cepteurs. Vient ensuite l’expression de nouveaux gĂšnes, comme par exemple la Cox-2, permettant de synthĂ©tiser des prostaglandines), qui agissent au niveau prĂ©- et post-synaptique. Les premiers phĂ©nomĂšnes apparaissent en quelques secondes et durent quelques minutes. Les rĂ©actions suivantes peuvent n’apparaĂźtre qu’aprĂšs plusieurs jours et persister longtemps. L’irrĂ©versibilitĂ© de certains

mĂ©canismes de sensibilisation apparaĂźt lors de la mort neuronale (apoptose) des neurones inhibiteurs de la corne dorsale qui participent Ă  la perte de l’inhibition, facilitant ainsi la transmission du signal nociceptif. Le caractĂšre irrĂ©versible de la mort neuronale est controversé : un groupe de chercheurs a transplantĂ© chez l’animal des prĂ©curseurs de cellules inhibitrices gabaergiques cĂ©rĂ©brales dans la moelle. Non seulement ces cellules ont survĂ©cu, mais elles se sont connectĂ©es au rĂ©seau et ont attĂ©nuĂ© la douleur neuropathique modĂ©lisĂ©e [12]. De maniĂšre moins dĂ©finitive, les interneurones inhibiteurs gabaergiques ou glycinergiques peuvent ĂȘtre modulĂ©s, exercer un effet inhibiteur moins marquĂ©, voire dĂ©velopper un effet excitateur en fonction des gradients ioniques auxquels ils sont exposĂ©s. Le concept de dĂ©sinhibition est une cible thĂ©rapeutique intĂ©ressante [13].

ParallĂšlement Ă  ces phĂ©nomĂšnes neuronaux, on observe une activation des cellules non neuronales, en particulier des astrocytes et de la microglie (Ă©quivalent de la lignĂ©e des monocytes/ macrophages du systĂšme nerveux central). Une lĂ©sion nerveuse, mĂȘme pĂ©riphĂ©rique, entraĂźne d’abord des modifications morphologiques de la microglie, de ses propriĂ©tĂ©s et de l’expression

Chapitre 2. Physiopathologie et mécanismes de la douleur 13
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Figure 2.6. Sensibilisation périphérique.

de ses gÚnes [14]. La microglie modifiée sécrÚte ensuite des médiateurs inflammatoires (brainderived neurotrophic factor) qui exercent leur influence sur les neurones, par exemple en modifiant le gradient électrochimique du chlore dans les neurones de projection, rendant les neurones inhibiteurs gabaergiques excitateurs [15].

La sensibilisation centrale permet d’augmenter le gain de la synapse. En clinique, elle se traduit par les phĂ©nomĂšnes d’allodynie et d’hyperalgĂ©sie pĂ©rilĂ©sionnelle (figure 2.7) [16]. L’allodynie est dĂ©finie par une douleur provoquĂ©e par un stimulus mĂ©canique ou thermique habituellement indolore, comme l’effleurement de la peau par les vĂȘtements. L’hyperalgĂ©sie se manifeste par une rĂ©ponse accrue Ă  un stimulus douloureux.

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Figure 2.7. Sensibilisation centrale.

Chapitre 3

L’évaluation de la douleur chronique

L’évaluation du patient douloureux chronique inclut une anamnĂšse, un examen clinique et, d’éventuels examens paracliniques en fonction de la situation. Une cartographie dĂ©taillĂ©e des zones douloureuses et l’utilisation de questionnaires ciblĂ©s et validĂ©s permettent d’obtenir une Ă©valuation initiale prĂ©cise et constituent des outils utiles pour le suivi du patient.

AnamnĂšse

Bien qu’orientĂ©e et structurĂ©e, l’anamnĂšse doit offrir au patient la possibilitĂ© de s’exprimer librement. L’examinateur s’informera des Ă©lĂ©ments

suivants :

‱ AnciennetĂ© de la douleur (semaines, mois, annĂ©es, dates prĂ©cises).

‱ Apparition de la douleur :

– circonstances exactes (maladie, traumatisme, accident de travail, chirurgie, choc Ă©motionnel ou professionnel) ;

– modalitĂ©s d’apparition (progressive, brutale, rĂ©cidivante) ;

– description de la douleur initiale ;

– signes et symptĂŽmes associĂ©s ;

– investigations et diagnostics prĂ©liminaires ;

– modalitĂ©s de prise en charge, traitements prĂ©alables ou en cours (intolĂ©rances mĂ©dicamenteuses, effets secondaires) ;

– impact psychologique (anxiĂ©tĂ©, dĂ©pression, troubles du sommeil), fonctionnel et professionnel ;

– Ă©volution/mode Ă©volutif de la douleur : permanent, rĂ©cidivant, intermittent.

‱ Douleur actuelle :

– cartographie des zones douloureuses ;

– zones d’irradiations douloureuses ;

– prĂ©sentation (douleur continue, intermittente, paroxystique) ;

– qualitĂ© de la douleur (brĂ»lure, piqĂ»re, serrement, crampe, courbature, dĂ©charge Ă©lectrique, pesanteur, coup de couteau) ;

– symptĂŽmes sensitifs nĂ©gatifs (hypoesthĂ©sie mĂ©canique ou thermique, hypoalgĂ©sie, hypopallesthĂ©sie) et positifs (paresthĂ©sie, dysesthĂ©sie, allodynie, hyperalgĂ©sie) ;

– intensitĂ© de la douleur, minimale et maximale, au repos et Ă  l’effort ;

– horaire des douleurs (aggravation nocturne, dĂ©rouillage matinal) ;

– facteurs aggravants et apaisants ;

– influences mĂ©tĂ©orologiques ;

– critĂšres de gravitĂ© (fiĂšvre, sudation, infection, traumatisme rĂ©cent, perte de poids, inappĂ©tence, antĂ©cĂ©dents oncologiques) ;

– impact psychologique (anxiĂ©tĂ© et dĂ©pression) ;

– impact fonctionnel et professionnel ;

– troubles du sommeil (normal, perturbĂ©, latence d’endormissement, rĂ©veils prĂ©coces ou itĂ©ratifs).

‱ ComorbiditĂ©s et antĂ©cĂ©dents mĂ©dicochirurgicaux, expĂ©riences douloureuses antĂ©rieures.

‱ Contexte familial.

‱ Contexte socioprofessionnel.

‱ Contexte mĂ©dicolĂ©gal (plainte, situation assĂ©curologique, indemnitĂ©s perçues ou attendues, situation financiĂšre).

‱ Contexte cognitivocomportemental (reprĂ©sentation de la maladie, croyance, attitude face Ă  la pathologie douloureuse, compliance thĂ©rapeutique, attente du patient).

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Intensité de la douleur

De par sa nature entiĂšrement subjective, la douleur est difficile Ă  mesurer. Sa perception est largement influencĂ©e par des facteurs cognitivocomportementaux propres Ă  chaque individu. L’intensitĂ© de la douleur peut ĂȘtre Ă©valuĂ©e de façon reproductible grĂące Ă  plusieurs types d’échelles d’autoĂ©valuation.

Échelles d’autoĂ©valuation

L’échelle visuelle analogique (EVA) existe sur papier ou sous la forme d’une rĂ©glette munie d’un curseur mobile (figure 3.1). Elle est reprĂ©sentĂ©e par une ligne horizontale ou verticale de 100 mm de long, orientĂ©e de gauche Ă  droite ou de bas en haut, sur fond blanc. Les extrĂ©mitĂ©s sont respectivement libellĂ©es « pas de douleur » et « pire douleur imaginable ». Le patient note

l’intensitĂ© de sa douleur par un trait sur la ligne (papier) ou en dĂ©plaçant le curseur le long de la rĂ©glette. La distance mesurĂ©e en millimĂštres (0 Ă  100) entre l’extrĂ©mitĂ© « pas de douleur » et la marque du patient indique l’intensitĂ© de la douleur. L’EVA est une Ă©chelle simple et rapide d’utilisation, nĂ©cessitant peu d’instruction au patient et pouvant ĂȘtre rĂ©pĂ©tĂ©e plusieurs fois par jour. Son emploi est toutefois limitĂ© chez les enfants ou chez les patients ĂągĂ©s souffrant de troubles cognitifs. Les scores d’EVA infĂ©rieurs Ă  3 correspondent Ă  des douleurs lĂ©gĂšres, de 3 Ă  6 Ă  des douleurs modĂ©rĂ©es. Les scores supĂ©rieurs Ă  6 indiquent des douleurs sĂ©vĂšres Ă  intolĂ©rables.

Les Ă©chelles numĂ©riques (EN) se prĂ©sentent sous forme Ă©crite ou orale. Dans leur forme orale, le soignant demande au patient de chiffrer sa douleur entre 0 (« pas de douleur ») et 10 (« pire douleur imaginable »). L’EN Ă©crite comprend 11 chiffres alignĂ©s verticalement ou horizontalement, entre 0 (« pas de douleur ») et 10 (« pire

18 Évaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires
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Figure 3.1. Échelle numĂ©rique papier, Ă©chelle visuelle analogique papier et rĂ©glette.

douleur imaginable »). Le patient entoure ou dĂ©signe le chiffre correspondant Ă  l’intensitĂ© de sa douleur. Excellentes alternatives Ă  l’EVA, les EN permettent d’obtenir une mesure de la douleur au moment de la consultation, mais Ă©galement de maniĂšre rĂ©trospective.

Les Ă©chelles verbales simples (EVS) offrent un choix d’adjectifs dĂ©finissant l’intensitĂ© de la douleur : absente, faible, modĂ©rĂ©e, intense, extrĂȘmement intense. Les EVS sont gĂ©nĂ©ralement rĂ©servĂ©es aux personnes avec une faible capacitĂ© d’abstraction.

L’échelle des visages prĂ©sente des expressions faciales illustrant des douleurs d’intensitĂ© croissante (figure 3.2). Elle constitue une alternative particuliĂšrement appropriĂ©e chez les enfants.

Les Ă©chelles unidimensionnelles d’autoĂ©valuation permettent d’évaluer la rĂ©ponse Ă  un traitement antalgique et facilitent le suivi du patient. Elles n’apportent toutefois pas d’information sur l’étiologie des douleurs et ne permettent pas d’établir des comparaisons entre les patients.

Échelles d’hĂ©tĂ©roĂ©valuation

Les Ă©chelles d’hĂ©tĂ©roĂ©valuation, basĂ©es sur l’apprĂ©ciation de la douleur par une tierce personne, sont utilisĂ©es chez les patients atteints de troubles cognitifs ou incapables de communiquer. Elles font appel Ă  six classes de comportements :

‱ expressions faciales : grimaces, froncements de sourcils ;

‱ verbalisation et vocalisation : gĂ©missements, appels, soupirs ;

‱ attitude corporelle : protection, changement d’attitude, rigiditĂ©, agitation ;

‱ comportement social : agressivitĂ©, isolement, rĂ©sistance aux soins ;

‱ changement dans les activitĂ©s : refus de s’alimenter, modification du sommeil ;

‱ changement de l’état psychologique : irritabilitĂ©, confusion, pleurs.

Quatre Ă©chelles d’hĂ©tĂ©roĂ©valuation sont validĂ©es en langue française : DOLOPLUS, ECPA-2, ALGOPLUS et PACSLAC.

L’échelle DOLOPLUS , constituĂ©e de 10 items, graduĂ©s de 0 Ă  3, Ă©value trois aspects de la douleur : ses effets somatiques (plaintes, position antalgique, protection de zones douloureuses, mimiques, sommeil), psychomoteur (toilette-habillage, mouvements) et psychosocial (communication, vie sociale, troubles du comportement). Un Ă©tat douloureux se dĂ©finit par un score supĂ©rieur ou Ă©gal Ă  5/30.

L’ECPA-2 (Ă©chelle comportementale pour personne ĂągĂ©e ) se base sur la diffĂ©rence d’attitude du patient avant les soins (grimaces, positions spontanĂ©es et mouvements) et pendant les soins (anticipation anxieuse, rĂ©action pendant la mobilisation, plaintes). Elle contient huit items de quatre degrĂ©s d’intensitĂ©.

Le PACSLAC (pain assessment check-list for senior with limited ability to communicate) comprend 60 items explorant quatre dimensions : expressions faciales, activités et mouvements du corps, comportement/personnalité/humeur, autres.

L’échelle ALGOPLUS comporte cinq Ă©lĂ©ments : expression du visage, expression du regard, plaintes, attitudes corporelles et comportement gĂ©nĂ©ral. Un score supĂ©rieur ou Ă©gal Ă  2/5 permet de diagnostiquer un Ă©tat douloureux.

Topographie des douleurs

Une image schĂ©matique du corps humain (de face, de dos et de profil) facilite la description des zones douloureuses et des symptĂŽmes sensitifs (figure 3.3). Les informations fournies par le patient permettent d’orienter le bilan Ă©tiologique et sont trĂšs utiles pour le suivi.

Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 19
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Figure 3.2. Échelle des visages.
20 Évaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires
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Figure 3.3. Cartographie des douleurs et des symptĂŽmes sensitifs.

Questionnaires

Évaluation de la douleur neuropathique

Plusieurs outils permettant de diffĂ©rencier une douleur neuropathique d’une douleur nociceptive ont Ă©tĂ© validĂ©s ces derniĂšres annĂ©es [1] Certains se basent uniquement sur l’interrogatoire (PainDETECT, Neuropathic Pain Questionnaire, ID Pain), alors que d’autres s’appuient sur l’anamnĂšse et l’examen clinique (Douleur neuropathique en quatre questions, Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs, Standardized Evaluation of Pain). CaractĂ©riser le type de douleur a une importance sĂ©miologique et thĂ©rapeutique, compte tenu du fait que les traitements sont spĂ©cifiques Ă  chaque type de douleur.

Le PainDETECT a Ă©tĂ© conçu pour dĂ©celer la composante neuropathique d’une lombalgie chronique. Ce test, validĂ© auprĂšs de 8 000 patients, a une sensibilitĂ© et une spĂ©cificitĂ© proches de 80 % [2].

Le Neuropathic Pain Questionnaire (NPQ) contient 12 items et permet de diffĂ©rencier les composantes neuropathique et nociceptive avec une sensibilitĂ© de 66,6 % et une spĂ©cificitĂ© de 74,4 % [3]. Le NPQ ne doit pas ĂȘtre confondu avec le Neuropathic Pain Scale (NPS), qui Ă©value les diffĂ©rentes caractĂ©ristiques de la douleur neuropathique, mais ne permet pas de faire la distinction entre douleurs nociceptive et neuropathique [4]

Le Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs (LANSS) comporte sept items relatifs Ă  la composante sensorielle de la douleur [5]. Les cinq premiĂšres questions s’intĂ©ressent Ă  la prĂ©sence de sensations dĂ©sagrĂ©ables (piqĂ»res, picotements, fourmillements), Ă  l’apparence de la peau (rougeur, marbrure), Ă  l’hypersensibilitĂ© au toucher, aux dĂ©charges Ă©lectriques et Ă  la sensation de brĂ»lure. Les deux derniĂšres questions portent sur l’examen clinique Ă  la recherche d’une allodynie et d’une altĂ©ration du toucher-piquer.

Un score supĂ©rieur Ă  12/24 signe la prĂ©sence d’une douleur neuropathique, avec une sensibilitĂ© de 85 %, une spĂ©cificitĂ© de 80 % et une valeur prĂ©dictive positive de 82 %.

Le questionnaire Douleur neuropathique en quatre questions (DN4), que remplit l’examinateur, comporte quatre questions totalisant 10 items (figure 3.4). Sept d’entre eux sont basĂ©s sur l’anamnĂšse (sensation de brĂ»lure, de froid douloureux, prĂ©sence de dĂ©charges Ă©lectriques, douleur associĂ©e Ă  des fourmillements, picotements, engourdissements ou dĂ©mangeaisons), et trois sur l’examen clinique (hypoesthĂ©sie au toucher, Ă  la piqĂ»re et allodynie mĂ©canique) [6] Chaque symptĂŽme ou signe compte un point. Un score ≄ 4 est hautement suspect d’une douleur neuropathique. Le DN4 a une valeur prĂ©dictive positive de 86 %, une sensibilitĂ© de 82,9 % et une spĂ©cificitĂ© de 89,9 %.

Le Standardized Evaluation of Pain (StEP) se compose de six questions et 10 tests cliniques. Il est destiné au patient souffrant de lombalgie chronique [7] Sa sensibilité et sa spécificité dans la détection de la douleur neuropathique sont supérieures à 90 %.

À cĂŽtĂ© de l’intensitĂ©, du type et de la topographie des douleurs, les composantes physique, psychologique, sociale, comportementale et cognitive peuvent Ă©galement ĂȘtre Ă©valuĂ©es.

Description verbale de la douleur

Le McGill Pain Questionnaire (MPQ) est un questionnaire de 78 mots distribuĂ©s en 25 sousclasses d’adjectifs permettant de qualifier la douleur. Le MPQ est un outil trĂšs pratique, traduit en plusieurs langues et largement utilisĂ© en recherche clinique. La version française, intitulĂ©e Questionnaire de Saint-Antoine (QDSA), comporte moins de mots que le MPQ (61 mots). Certains qualificatifs orientent le diagnostic, en particulier en cas de douleurs neuropathiques et renseignent le praticien sur le retentissement affectif de la douleur (figure 3.5).

Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 21
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Questionnaires multidimensionnels

Le Brief Pain Inventory (BPI) explore les aspects principaux de la douleur : intensitĂ©, soulagement, incapacitĂ© fonctionnelle, retentissement social, vie relationnelle et dĂ©tresse psychologique. La version française est connue sous le nom de Questionnaire concis sur les douleurs QCD (figure 3.6). Le BPI est validĂ© pour l’évaluation de la douleur cancĂ©reuse et non cancĂ©reuse.

Le Multidimensional Pain Inventory (MPI) intĂšgre la plupart des composantes de la douleur, mais la traduction française n’est pas validĂ©e Ă  ce jour. Le MPI est considĂ©rĂ© comme l’outil de

choix pour l’évaluation de l’efficacitĂ© de la rééducation chez le douloureux chronique. Il permet d’identifier diffĂ©rents groupes de patients : ceux qui rĂ©agissent de maniĂšre adaptĂ©e, les patients dysfonctionnels et les patients prĂ©sentant des difficultĂ©s interpersonnelles.

Évaluation de la capacitĂ© fonctionnelle

Les effets de la douleur sur les capacitĂ©s fonctionnelles sont Ă©valuĂ©s Ă  l’aide d’échelles multidimensionnelles ou de questionnaires spĂ©cifiques. Parmi les questionnaires multidimensionnels, figurent

22 Évaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires
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Figure 3.4. Le questionnaire Douleur neuropathique en quatre questions (DN4).

le Medical Outcome Study Short Form-36 (MOS SF-36), le MPI ou le BPI. Plusieurs questionnaires validĂ©s permettent d’évaluer spĂ©cifiquement l’incapacitĂ© fonctionnelle. Les deux outils les plus rĂ©pandus sont l’Oswestry Disability Index (ODI) (tableau 3.1) et le Roland Disability Questionnaire (RDQ).

L’ODI, utilisĂ© en cas de douleur du rachis, comporte 10 items graduĂ©s de 0 Ă  5. Le score final (exprimĂ© en pourcentage d’incapacitĂ©) reprĂ©sente le total des scores obtenus pour chaque question, divisĂ© par (50 - 5 fois le nombre de questions restĂ©es sans rĂ©ponse) x 100.

Évaluation de la qualitĂ© de vie

Dans les analyses coĂ»t-utilitĂ©, les effets d’un traitement sont souvent dĂ©crits en QALY (Quality Adjusted Life Year). Cet indicateur pondĂšre le temps passĂ© dans un Ă©tat de santĂ© donnĂ© par un coefficient rendant compte de la valeur accordĂ©e Ă  cet Ă©tat. L’utilisation d’un tel indicateur suppose de connaĂźtre, d’une part l’état de santĂ© du patient, d’autre part la valeur affectĂ©e Ă  cet Ă©tat par la collectivitĂ©. Des index d’états de santĂ© pondĂ©rĂ©s par les prĂ©fĂ©rences, ou index d’utilitĂ©, ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s. L’un des plus utilisĂ©s, du fait de sa

Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 23
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Figure 3.5. Le questionnaire de Saint-Antoine.
24 Évaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires
Figure 3.6. Le questionnaire concis sur les douleurs. BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Tableau 3.1. L’Oswestry Disability Index (ODI).

Douleur (ne cocher qu’une case)

Soins personnels (ne cocher qu’une case)

Soulùvement d’objets

(ne cocher qu’une case)

h Je ne ressens aucune douleur actuellement

h La douleur est trÚs légÚre actuellement

h La douleur est modérée actuellement

h La douleur est assez intense actuellement

h La douleur est trĂšs intense actuellement

h La douleur est la pire que l’on puisse imaginer

h Je peux effectuer normalement mes soins personnels sans douleur supplémentaire

h Je peux effectuer normalement mes soins personnels, mais c’est trùs douloureux

h Effectuer mes soins personnels est douloureux et je dois prendre des précautions et faire attention

h Je peux effectuer mes soins personnels, mais j’ai besoin d’aide

h J’ai besoin d’aide chaque jour pour la plupart de mes soins personnels

h Je ne peux pas m’habiller, je me lave avec difficultĂ© et je reste au lit

h Je peux soulever des objets lourds sans augmenter la douleur

h Je peux soulever des objets lourds mais la douleur augmente

h La douleur m’empĂȘche de soulever des objets lourds qui se trouvent au sol, mais je peux les soulever s’ils sont Ă  ma portĂ©e (par ex., sur une table)

h La douleur m’empĂȘche de soulever des objets lourds, mais je peux soulever des objets lĂ©gers ou moyennement lourds s’ils sont Ă  ma portĂ©e

h Je ne peux soulever que des objets trÚs légers

h Je ne peux rien soulever

Marche (ne cocher qu’une case)

Position assise (ne cocher qu’une case)

Position debout

(ne cocher qu’une case)

Sommeil (ne cocher qu’une case)

h La douleur ne m’empĂȘche pas de marcher, quelle que soit la distance

h La douleur m’empĂȘche de marcher au-delĂ  de 1600 mĂštres

h La douleur m’empĂȘche de marcher au-delĂ  de 800 mĂštres

h La douleur m’empĂȘche de marcher au-delĂ  de 100 mĂštres

h Je ne peux marcher qu’avec une canne ou des bĂ©quilles

h Je reste au lit la plupart du temps et je dois me traüner jusqu’aux toilettes

h Je peux rester assis(e) sur un siĂšge aussi longtemps que je le veux

h Je peux rester assis(e) sur mon siĂšge favori aussi longtemps que je le veux

h La douleur m’empĂȘche de rester assis(e) pendant plus d’une heure

h La douleur m’empĂȘche de rester assis(e) pendant plus d’une demi-heure

h La douleur m’empĂȘche de rester assis(e) pendant plus de 10 minutes

h La douleur m’empĂȘche de rester assis(e)

h Je peux me tenir debout aussi longtemps que je le veux sans augmenter la douleur

h Je peux me tenir debout aussi longtemps que je le veux mais la douleur augmente

h La douleur m’empĂȘche de me tenir debout pendant plus d’une heure

h La douleur m’empĂȘche de me tenir debout pendant plus d’une demi-heure

h La douleur m’empĂȘche de me tenir debout pendant plus de 10 minutes

h La douleur m’empĂȘche de me tenir debout

h Mon sommeil n’est jamais perturbĂ© par la douleur

h Mon sommeil est parfois perturbé par la douleur

h La douleur fait que je dors moins de 6 heures

h La douleur fait que je dors moins de 4 heures

h La douleur fait que je dors moins de 2 heures

h La douleur m’empĂȘche de dormir

Vie sexuelle (ne cocher qu’une case)

Vie sociale (ne cocher qu’une case)

h Ma vie sexuelle est normale et ne me cause pas plus de douleur

h Ma vie sexuelle est normale mais me cause plus de douleur

h Ma vie sexuelle est presque normale, mais trĂšs douloureuse

h Ma vie sexuelle est trÚs limitée par la douleur

h Je n’ai quasiment plus de vie sexuelle à cause de la douleur

h La douleur m’empĂȘche toute vie sexuelle

h Ma vie sociale est normale et ne me cause pas plus de douleur

h Ma vie sociale est normale mais me cause plus de douleur

h La douleur n’a pas d’effet important sur ma vie sociale, sauf de limiter mes activitĂ©s physiques (par exemple, les sports, etc.)

h La douleur limite ma vie sociale et je ne sors pas aussi souvent

h La douleur limite sérieusement ma vie sociale et je reste chez moi

h Je n’ai pas de vie sociale à cause de la douleur

Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 25 
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Voyages (ne cocher qu’une case)

Score : %

h Je peux voyager n’importe oĂč sans me causer plus de douleur

h Je peux voyager n’importe oĂč mais ça me cause plus de douleur

h La douleur est forte, mais je peux faire des déplacements de plus de deux heures

h La douleur me limite Ă  des dĂ©placements de moins d’une heure

h La douleur me limite à de courts déplacements essentiels de moins de 30 minutes

h La douleur m’empĂȘche de voyager sauf pour des traitements

simplicitĂ©, est l’EuroQoL 5-dimensions (EQ5D). Les cinq aspects explorĂ©s sont la mobilitĂ©, l’autonomie, les activitĂ©s courantes, la douleur ou la gĂȘne, la dĂ©pression ou l’anxiĂ©tĂ©. Pour le calcul de l’index, le patient indique la gravitĂ© des problĂšmes rencontrĂ©s dans chacune des dimensions considĂ©rĂ©es. L’EQ-5D inclut l’EQ-5D VAS, constituĂ©e d’une Ă©chelle visuelle verticale de 20 cm, numĂ©rotĂ©e de 0 Ă  100, sur laquelle le patient note son Ă©tat de santĂ© actuel (figure 3.7).

Évaluation psychologique

L’anxiĂ©tĂ© et la dĂ©pression sont deux paramĂštres frĂ©quemment pris en compte. L’évaluation

psychologique est d’autant plus importante que les douleurs chroniques peuvent ĂȘtre Ă  l’origine de troubles psychiatriques, l’inverse Ă©tant Ă©galement possible. L’aspect psychologique est souvent inclus dans les questionnaires d’évaluation multidimensionnelle de la douleur chronique. Deux Ă©chelles simples, traduites en français, permettent d’explorer spĂ©cifiquement la dimension dĂ©pressive ( Beck Depression Inventory ou BDI), l’anxiĂ©tĂ© et la dĂ©pression ( Hospital Anxiety and Depression Scale ou HAD). Le HAD contient 14 questions, graduĂ©es de 0 Ă  3, Ă©galement rĂ©parties entre dĂ©pression et anxiĂ©tĂ© ( tableau 3.2 ). Un score compris entre 8 et 10 doit faire Ă©voquer un Ă©tat dĂ©pressif ou anxieux, un total de 10/21 le confirme.

26 Évaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires 
Figure 3.7. L’EuroQoL 5-dimensions (EQ-5D) et l’EQ-5D VAS.
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1. Je me sens tendu ou énervé

h Jamais

h De temps en temps

h Souvent

h La plupart du temps

2. J’ai une sensation de peur comme si quelque chose d’horrible allait m’arriver

3. Je me fais du souci

4. Je peux rester tranquillement assis à ne rien faire et me sentir décontracté

5. J’éprouve des sensations de peur et j’ai l’estomac nouĂ©

6. J’ai la bougeotte et n’arrive pas à tenir en place

7. J’éprouve des sensations soudaines de panique

Dépression

8. Je prends plaisir aux mĂȘmes choses qu’autrefois

9. Je ris facilement et vois le bon cÎté des choses

10. Je suis de bonne humeur

11. J’ai l’impression de fonctionner au ralenti

12. Je me m’intĂ©resse plus Ă  mon apparence

h Pas du tout

h Un peu mais cela ne m’inquiùte pas

h Oui, mais ce n’est pas trop grave

h Oui, trĂšs nettement

h TrĂšs occasionnellement

h Occasionnellement

h Assez souvent

h TrĂšs souvent

h Oui, quoi qu’il arrive

h Oui, en général

h Rarement

h Jamais

h Jamais

h Parfois

h Assez souvent

h Souvent

h Pas du tout

h Pas tellement

h Un peu

h Oui, c’est tout à fait le cas

h Jamais

h Pas trĂšs souvent

h Assez souvent

h Vraiment trĂšs souvent

h Oui, tout autant

h Pas autant

h Un peu seulement

h Presque plus

h Autant que par le passé

h Plus autant qu’avant

h Vraiment moins qu’avant

h Plus du tout

h La plupart du temps

h Assez souvent

h Rarement

h Jamais

h Jamais

h Parfois

h TrĂšs souvent

h Presque toujours

h J’y prĂȘte autant d’attention qu’avant

h Il se peut que je n’y fasse plus autant attention

h Je n’y accorde pas autant d’attention que je devrais

h Plus du tout

Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 27 
Tableau 3.2. L’échelle Hospital Anxiety and Depression Scale (HAD). AnxiĂ©tĂ©
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13. Je me rĂ©jouis d’avance Ă  l’idĂ©e de faire certaines choses

14. Je peux prendre plaisir à un bon livre ou à une bonne émission radio ou télévision

h Autant qu’avant

h Un peu moins qu’avant

h Bien moins qu’avant

h Presque jamais

h Souvent

h Parfois

h Rarement

h TrĂšs rarement

Résultats : Cette échelle explore les symptÎmes anxieux et dépressifs. Faire le total du versant anxiété et dépression : 21 points maximum pour chacun. Entre 8 et 10 : état anxieux ou dépressif douteux. Au-delà de 10 : état anxieux ou dépressif certain.

Examen clinique

Pour Ă©viter toute influence, l’examen physique est gĂ©nĂ©ralement effectuĂ© avant la consultation des examens radiologiques et complĂ©mentaires. OrientĂ© par l’anamnĂšse et les antĂ©cĂ©dents du patient, l’examen clinique du patient douloureux chronique se concentre essentiellement sur l’appareil musculosquelettique et le systĂšme nerveux. Chaque rĂ©gion douloureuse est minutieusement examinĂ©e (inspection, palpation, mobilisation, amplitudes articulaires).

L’examen articulaire est complĂ©tĂ© par un examen physique gĂ©nĂ©ral Ă  la recherche de signes Ă©vocateurs d’une pathologie systĂ©mique ou de la manifestation systĂ©mique d’une arthropathie.

L’examen neurologique comprend l’évaluation de la sensibilitĂ© (tactile, thermique, proprioceptive, toucher-piquer), de la force musculaire (tableau 3.3) et des rĂ©flexes ostĂ©otendineux (tableaux 3.4–3.6).

La manƓuvre de Jendrassik permet de dĂ©sinhiber des rĂ©flexes apparemment diminuĂ©s. En demandant au patient de se concentrer sur la

Tableau 3.3. Évaluation de la force musculaire.

Score Évaluation d’un dĂ©ficit musculaire

0 Aucune contraction

1 Contraction visible ou palpable n’entraünant aucun mouvement

2 Contraction permettant le mouvement en l’absence de pesanteur

3 Contraction permettant le mouvement contre la pesanteur

4 Contraction permettant le mouvement contre la résistance, mais la force réalisée reste déficitaire

5 Force musculaire normale

Tableau 3.4. Évaluation des rĂ©flexes.

Score Réponse observée

0 Aréflexie

1 Réflexe diminué

2 Réflexe normal

3 Réponse augmentée

4 Réponse trÚs augmentée

28 Évaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires

Anxiété
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Tableau 3.5. Diagnostic topographique d’une atteinte radiculaire du membre supĂ©rieur.

Racine Déficits moteurs Réflexe Douleurs et/ou déficits sensitifs

C5 Abduction du bras, rotation de l’épaule Bicipital Moignon de l’épaule, face antĂ©rieure du bras

C6 Flexion du coude, supination de l’avant-bras, flexion du pouce

C7 Extension du coude, du poignet et des doigts, pronation de l’avant-bras

Stylo radial Face antĂ©rieure du bras, face externe de l’avant-bras jusqu’au pouce

Tricipital Face postĂ©rieure du bras jusqu’aux 2e et 3e doigts

C8-D1 Flexion des doigts, abduction des doigts Cubitopronateur Face interne du bras jusqu’aux 4e et 5e doigts

Tableau 3.6. Diagnostic topographique d’une

Racine Déficits moteurs Réflexe

L3 Extension du genou (muscles psoas et quadriceps fémoral)

L4 Flexion dorsale du pied (muscle jambier antérieur)

L5 Extenseurs des orteils (muscles péroniers latéraux et partiellement jambier antérieur)

S1 Flexion plantaire du pied (muscle triceps sural : marche sur la pointe des pieds difficile ou impossible)

Rotulien Fesse

Douleurs et/ou déficits sensitifs

Face antérieure de la cuisse,

Face interne du genou

Rotulien Fesse

Face externe de la cuisse, face antérieure du genou

Face antéro-interne de la jambe

- Fesse

Face postérieure de la cuisse

Face externe de la jambe

Face dorsale du pied et du gros orteil

Achilléen Fesse

Face postérieure de la cuisse, de la jambe, du talon, de la plante du pied et du petit orteil

traction latĂ©rale de ses deux mains, on induit un relĂąchement des autres groupes musculaires. L’hyperrĂ©flexie est le signe d’une atteinte centrale. Il est important de rechercher une extension de la zone rĂ©flexogĂšne, un clonus (secousses rĂ©pĂ©tĂ©es Ă  l’étirement d’un muscle) ou un polycinĂ©tisme (rĂ©ponses musculaires multiples aprĂšs une stimulation unique).

On recherche les irradiations douloureuses au niveau des dermatomes (figure 3.8), des territoires des nerfs périphériques (figures 3.9 et 3.10) ou des nerfs crùniens (figure 3.11).

Les douleurs projetĂ©es peuvent ĂȘtre de deux types : rapportĂ©es ou rĂ©fĂ©rĂ©es.

‱ Les douleurs rapportĂ©es sont liĂ©es Ă  une atteinte situĂ©e sur les voies nerveuses et sont perçues dans le territoire d’innervation correspondant Ă  ces voies (par exemple : compression du nerf

sciatique par une hernie discale L5-S1 produisant une douleur radiculaire S1).

‱ Les douleurs rĂ©fĂ©rĂ©es sont plus complexes et sont la consĂ©quence du phĂ©nomĂšne de convergence. Des influx nociceptifs de diverses origines (cutanĂ©e, tendinomusculaire, ligamentaire, ostĂ©oarticulaire ou viscĂ©rale) convergent, sans atteinte des voies nerveuses, vers le mĂȘme neurone de la corne postĂ©rieure de la moelle qui transmet les affĂ©rences au niveau du thalamus et du cortex. L’origine de ces influx est mal interprĂ©tĂ©e par le cortex qui possĂšde une capacitĂ© discriminative prĂ©cise pour la peau ou les articulations, mais beaucoup plus imprĂ©cise pour les muscles et quasiment absente pour les viscĂšres. Ainsi la sensation douloureuse provenant d’un viscĂšre peut ĂȘtre localisĂ©e Ă  tort dans la zone cutanĂ©e correspondant au mĂȘme mĂ©tamĂšre.

Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 29
atteinte radiculaire du membre inférieur.
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30 Évaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires
Figure 3.8. La distribution des dermatomes.
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Figure 3.9. Les territoires d’innervation sensitive du membre supĂ©rieur.
Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 31
Figure 3.10. Les territoires d’innervation sensitive du membre infĂ©rieur.
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Figure 3.11. Les territoires d’innervation sensitive de la tĂȘte.

Examen de la colonne cervicale

L’examen de la colonne cervicale est effectuĂ© sur un patient assis. Il inclut les Ă©lĂ©ments suivants :

‱ Inspection de l’alignement des Ă©pineuses et de la lordose cervicale.

‱ Palpation des apophyses Ă©pineuses et articulaires postĂ©rieures par segment : segment supĂ©rieur : C0-C3, moyen : C4-C5 et infĂ©rieur C6-C7. C2, C4 (en regard de l’angle de la mandibule) et C7 (vertĂšbre cervicale la plus proĂ©minente) constituent les repĂšres anatomiques externes.

‱ Palpation des muscles : Ă©lĂ©vateur de l’épaule, splĂ©nius du cou, trapĂšze, semi-Ă©pineux de la tĂȘte, transversaire Ă©pineux et sous-occipitaux, Ă  la recherche de cordons myalgiques, de contractures musculaires ou d’atrophie.

‱ Évaluation de l’amplitude des mouvements actifs en rotation (normale : 80°), en flexion (normale : 45°), en extension (normale : 45°) et en inclinaison (normale : 45°), et recherche des limitations (douloureuses ou indolores).

‱ ManƓuvre de Spurling (ou test de compression foraminale) Ă  la recherche d’une irritation radiculaire. La pression sur une racine nerveuse atteinte aggrave la douleur radiculaire ou les dysesthĂ©sies associĂ©es. La tĂȘte est inclinĂ©e du cĂŽtĂ© symptomatique et l’examinateur effectue une pression axiale sur le sommet de la tĂȘte. La manƓuvre est positive si la douleur radiculaire est augmentĂ©e (spĂ©cificitĂ© Ă©levĂ©e, faible sensibilitĂ©).

‱ ManƓuvre de distraction Ă  la recherche d’une irritation radiculaire par diminution de la tension sur la racine nerveuse atteinte. Le test consiste Ă  Ă©tirer la tĂȘte du patient. Il est positif si la douleur radiculaire ou les dysesthĂ©sies diminuent (spĂ©cificitĂ© Ă©levĂ©e, mais sensibilitĂ© faible).

‱ ManƓuvre d’abduction de l’épaule Ă  la recherche d’une irritation radiculaire par diminution de la tension sur la racine nerveuse atteinte. Le test consiste en une abduction passive complĂšte de l’épaule du cĂŽtĂ© symptomatique. Il est positif si la douleur radiculaire ou les dysesthĂ©sies diminuent au niveau des racines C4 Ă  C6 (spĂ©cificitĂ© Ă©levĂ©e, faible sensibilitĂ©).

‱ Examen neurologique : recherche des signes dĂ©ficitaires (moteurs, sensitifs ou rĂ©flexes) permettant de prĂ©ciser le territoire radiculaire ou pĂ©riphĂ©rique.

‱ Signe de Hoffmann  : la flexion forcĂ©e de la phalange distale de l’index suivie de son relĂąchement brusque entraĂźne une flexion des doigts et du pouce en prĂ©sence d’un syndrome pyramidal.

‱ Le diagnostic diffĂ©rentiel d’une cervicobrachialgie inclut les pathologies d’origine non cervicale : atteinte de la coiffe des rotateurs (trajet douloureux Ă©voquant une radiculalgie C5 ou C6), syndrome de Parsonage et Turner (plexopathie brachiale aiguĂ« d’origine inconnue associant douleurs de l’épaule et du bras avec une amyotrophie secondaire), syndrome du dĂ©filĂ© thoracique (trajet C8), Ă©picondylalgie ou syndrome du canal carpien (trajet C6).

‱ ManƓuvre de Roos (ou manƓuvre du chandelier dynamique ) : cette manƓuvre permet de reproduire les symptĂŽmes du syndrome du dĂ©filĂ© thoracique (douleur graduelle au niveau de la colonne cervicale, l’épaule et le bras, ou paresthĂ©sies dans les avant-bras et les doigts). On demande au patient de lever les bras en abduction et rotation externe, de flĂ©chir les coudes Ă  90°, et d’ouvrir et fermer les doigts pendant 3 minutes. Ce test est le plus fiable dans le diagnostic du syndrome du dĂ©filĂ© thoracique.

Examen de la colonne thoracique

L’examen de la colonne thoracique est effectuĂ© sur un patient debout. Il inclut les Ă©lĂ©ments suivants :

‱ Inspection de la cyphose dorsale :

– recherche de dĂ©viation latĂ©rale (scoliose vraie avec rotation vertĂ©brale ou attitude scoliotique antalgique) ou antĂ©rieure (cyphose) ;

– diffĂ©rence de hauteur des Ă©paules, asymĂ©trie thoracique. La scoliose peut ĂȘtre dorsale, cervicodorsale ou dorsolombaire ; – caractĂ©risation de la scoliose (concave ou convexe).

32 Évaluation de la douleur et examens complĂ©mentaires
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‱ Palpation des Ă©pineuses et de la rĂ©gion paravertĂ©brale.

‱ Palpation musculaire à la recherche de cordons myalgiques, de contractures musculaires ou d’atrophie.

‱ Évaluation de l’amplitude des mouvements actifs : – rotation (normale : 50°), flexion (normale : 20°), extension (normale : 10°) et inclinaison avec contre-pression de la main opposĂ©e (normale : 35°) ; – recherche des limitations (douloureuses ou indolores). Les mouvements de la colonne thoracique sont limitĂ©s, notamment en raison des articulations costales.

‱ Mesure de l’ampliation thoracique (normale : 6 cm).

‱ Signe de Foletti  : une hypoesthĂ©sie thermique au froid en regard de la charniĂšre dorsolombaire est frĂ©quente dans le syndrome de Maigne.

Examen de la colonne lombaire

L’examen de la colonne lombaire inclut les Ă©lĂ©ments suivants :

En position debout

‱ Évaluation de la marche, Ă  la recherche d’anomalies provoquĂ©es par la douleur, une faiblesse musculaire, une atteinte neurologique ou une asymĂ©trie des membres infĂ©rieurs. La boiterie antalgique est due Ă  une douleur au niveau du dos ou du membre infĂ©rieur dans son entier. Elle se prĂ©sente gĂ©nĂ©ralement par une phase d’appui raccourcie du cĂŽtĂ© douloureux. En cas de claudication neurogĂšne, la douleur peut limiter drastiquement le pĂ©rimĂštre de marche.

‱ Attitude antalgique (spontanĂ©e ou lors du dĂ©shabillage).

‱ Inspection de la lordose lombaire (hyperlordose, rectitude, inversion), des dĂ©viations latĂ©rales (scoliose vraie avec rotation vertĂ©brale, attitude scoliotique antalgique), dĂ©viation de la ligne du bassin.

‱ Palpation des muscles multifidus, de l’érecteur du rachis, des fessiers et du pyramidal Ă  la recherche de cordons myalgiques, de contractures musculaires ou d’atrophie.

‱ Évaluation de l’amplitude des mouvements actifs : rotation (normale : 30°), flexion (normale : 90°), extension (normale : 30°) et inclinaison (normale : 30°). Recherche des limitations (douloureuses ou indolores). Une douleur lombaire en extension Ă©voque une lyse isthmique ou un canal Ă©troit avec ou sans spondylolisthĂ©sis. Aucune Ă©tude n’a dĂ©montrĂ© de corrĂ©lation claire entre une douleur du rachis lombaire Ă  l’extension et la prĂ©sence d’arthrose au niveau des articulations postĂ©rieures [8]. Sept facteurs corrĂ©lĂ©s de façon significative avec un syndrome facettaire ont Ă©tĂ© dĂ©crits par Jackson : Ăąge avancĂ©, antĂ©cĂ©dent de lombalgie, marche normale, douleur maximale en extension, absence d’irradiation dans le membre infĂ©rieur, absence de spasme musculaire et absence d’impulsivitĂ© [9]. Une douleur radiculaire provoquĂ©e par l’extension Ă©voque une stĂ©nose foraminale et possiblement une discopathie inflammatoire. Une douleur lors de l’inclinaison du cĂŽtĂ© opposĂ© Ă  la lombalgie (« LasĂšgue du tronc ») peut ĂȘtre le signe d’une atteinte des branches postĂ©rieures cutanĂ©es des racines D12, L1 et L2 (charniĂšre dorsolombaire).

‱ Mesure de la distance doigts-sol (DDS) en centimĂštres (normale : 0 cm). La raideur liĂ©e Ă  la contraction des muscles spinaux Ă©voque une pathologie discale ou arthrosique lombaire. La douleur peut n’ĂȘtre prĂ©sente qu’à mi-course ou en fin d’exercice et disparaĂźtre par la suite (passage ou arc douloureux).

‱ Le test de Schöber mesure le degrĂ© de souplesse de la colonne lombaire. Le protocole du test consiste Ă  effectuer deux marquages sur le patient en position debout. Le premier au niveau de l’apophyse Ă©pineuse de L5 et le second 10 cm plus haut. L’allongement de cette distance est ensuite mesurĂ©e en flexion antĂ©rieure maximale. L’écart doit ĂȘtre supĂ©rieur Ă  4 cm (indice de Schöber = + 4).

En décubitus ventral

‱ Palpation segmentaire depuis la charniĂšre dorsolombaire jusqu’au sacrum : dĂ©crite par Maigne [10], la manipulation qui consiste Ă  associer

Chapitre 3. L’évaluation de la douleur chronique 33
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