La Vérité sur Mademoiselle Pérec

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Du même auteur aux Éditions Jacob-Duvernet

CARRÈRE par Christian Carrère Éditions Jacob-Duvernet, collection « Légendes du Sport », 2006 LE RUGBY DES FAMILLES Éditions Jacob-Duvernet, 2007 LA COMÉDIE DU RUGBY Éditions Jacob-Duvernet, 2007 FOUROUX ENTRE AMIS Éditions Jacob-Duvernet, 2007 1907 APRÈS JÉSUS-CHRIST, LA PÉTRANQUE Éditions Jacob-Duvernet, 2007

© Éditions Jacob-Duvernet, 2008


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ALAIN GEX

La vérité sur Mademoiselle Pérec

ÉDITIONS JACOB-DUVERNET


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Sommaire

Préface de Paco Rabanne. Si fragile…. . . . . . . . . . . . . 11 Introduction. Destin de diva . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 ACTE 1. L’île papillon Chapitre 1. Mémère et ses jupons. . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Chapitre 2. Fernand et le muret . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Chapitre 3. Azdine et son soleil . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 ACTE 2. Les Ramblas de Barcelone Chapitre 1. François et « ces gens-là » . . . . . . . . . . . . 53 Chapitre 2. Bill et le diamant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 Chapitre 3. Marie-Christine et la patate . . . . . . . . . . . 65 Chapitre 4. Claude et la fourmi . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71 Chapitre 5. Patrick et le parolier . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 Chapitre 6. Patricia et son émissaire . . . . . . . . . . . . . . 87 Chapitre 7. Pia et les grands principes . . . . . . . . . . . . 95 Chapitre 8. Philippe et la classe affaires . . . . . . . . . . 105 Chapitre 9. Michel et les transistors. . . . . . . . . . . . . . 111 Chapitre 10. Denis et le sein. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117

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ACTE 3. Bons baisers de Géorgie Chapitre 1. Paco et l’accroche-cœur . . . . . . . . . . . . . 127 Chapitre 2. Marco et la case . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 Chapitre 3. Éric et ses semelles . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 Chapitre 4. Poc et sa louve . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 Chapitre 5. Jean-Pierre et son Concorde . . . . . . . . . . 153 Chapitre 6. John et sa « Mary » . . . . . . . . . . . . . . . . . 159 Chapitre 7. François et sa cravate . . . . . . . . . . . . . . . 163 Chapitre 8. Guy et le salaire de la peur . . . . . . . . . . . 171 Chapitre 9. Annick ou le saint-bernard. . . . . . . . . . . . 177 Chapitre 10. Patricia et la gazelle . . . . . . . . . . . . . . . 181 ACTE 4. Comme un wallaby Chapitre 1. Cathy et le didgeridoo . . . . . . . . . . . . . . . 195 Chapitre 2. Richard et le business . . . . . . . . . . . . . . . 201 Chapitre 3. Bernard et le trombinoscope . . . . . . . . . . 209 Chapitre 4. Hervé et Madeleine . . . . . . . . . . . . . . . . . 213 Chapitre 5. Philippe et sa porcelaine . . . . . . . . . . . . . 219 Épilogue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223

Annexes Marie-José Pérec en bref . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229 À vos marques !. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231 Bibliographie et docuemnts. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237 Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239 7


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« Va où tu veux. Meurs où tu dois. » (Dicton créole rapporté par Marie-José Pérec)

À Colette Besson, Pour son talent de femme et de championne et Aux perchistes, pour leur géniale fantaisie … et à leurs chefs d’escadrille Jean-Claude Perrin et Maurice Houvion


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Préface de Paco Rabanne

Si fragile…

Pour avoir été le premier à faire défiler des jeunes femmes noires dès 1965, les Antilles me restent reconnaissantes de cette avancée mais, au-delà de l’hommage historique qui m’a été rendu, le monde antillais et guadeloupéen m’est vite apparu proche pour devenir familier. De solides liens me rattachent depuis bien longtemps à ces deux îles et aux caractéristiques qu’elles déploient tant au plan moral qu’humain. J’aime ainsi me replonger le plus souvent possible dans cette ambiance bon enfant, où l’on déguste les acras, debout, dans la cuisine, sur un air de zouk avec les accents du groupe Kassav, au milieu de gens simples, qu’un rien civilement habille. Il n’est d’ailleurs pas rare que je sois le seul Blanc de l’assemblée, mais qu’importe : je ne saurais me sentir étranger aux mœurs locales, puisque je parle couramment le créole. C’est du reste au cours d’une de ces soirées d’aimable décontraction et de franche convivialité qu’une amie, « Gigi » Vadeleux, m’a fait part d’une bien étrange requête… 11


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« Tu sais, Marie-Jo Pérec, la championne du 400 m, aimerait bien défiler pour toi… » Je ne connaissais alors Marie-José qu’au travers le petit écran, mais pour avoir pratiqué en Vendée l’athlétisme, un sport où je ne me débrouillais pas trop mal dans les disciplines comme le javelot et le 110 m haies, j’étais donc parfaitement au courant de ses formidables qualités de sportive et des grandes lignes de son fabuleux palmarès. « Elle est vraiment très admirative de tes collections : elle me l’a confié le regard émerveillé, au cours d’un dîner, glisse encore Gigi. “Ce serait chouette de défiler pour lui… Tu crois qu’il accepterait ?”… » « Elle est grande et mince, ai-je immédiatement songé. Pourquoi pas ? » Qu’elle « daigne » se produire pour moi m’a du reste procuré, je me dois de l’avouer, un infini plaisir. Voilà l’origine de mon histoire avec Marie-José, laquelle a participé à deux de mes défilés et qui, en ces occasions, a eu le loisir d’analyser combien le milieu de la mode pouvait être agressif et cruel. Après quarante-cinq ans de sacerdoce, je m’aperçois que j’ai moi-même passé l’essentiel de mon temps à être critiqué et vilipendé. Mais défiler n’était pas vraiment le « truc » de Marie-José : elle n’est pas du tout « traqueuse ». Il s’agit en fait d’une fille adorable, pas bégueule ni snob pour un sou, mais si fragile. Je suis pour ma part sensible à son délicieux et indélébile naturel. Marie-José ne s’est accordé cependant aucune condescendance dans sa hâte de tâter le milieu après avoir copié les catalogues comme tout un chacun aux Antilles afin de fabriquer des vêtements bon marché ; elle avait sans nul doute le désir « vrai » d’essayer le mannequinat sans détour. J’ai eu à cet instant le loisir d’observer qu’elle se donnait trop, car c’est une fille qui ne triche pas. Les mannequins, eux, jouent un rôle. Elle, pas. Marie-José a ainsi affiché cette naïveté propre 12


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Préface

à toute jeune Antillaise, révélant une poignante gentillesse, et s’est pliée de bonne grâce à l’apprentissage de la marche sur le podium. L’aspect « jeune femme fragile » a néanmoins toujours constitué, de mon point de vue, une caractéristique majeure dans le cheminement sportif de Marie-José. Voyez d’ailleurs ses départs sur la piste : ils étaient tous ratés. Les premiers appuis n’étaient pas les bons ; elle démarrait sa course dans le doute. Quand elle apercevait ses rivales, elle développait sa foulée et alors, alors seulement, devenait une dévoreuse. Cela pourra paraître bizarre, mais j’ai toujours été convaincu qu’elle aurait des problèmes dans le futur en raison de cette récurrente fragilité ; cela me sautait aux yeux. Elle avait le doute chevillé en elle. Pour pétrie de dons et connaissant bien son corps, elle n’était pas en acier. Elle était simplement Marie-José. Belle, éblouissante, tueuse mais si fragile à la fois… Paco Rabanne

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Introduction Destin de diva

À l’aune des Jeux de Pékin, l’actualité nous incite à se payer benoîtement, entre amis ou connaissances, un voyage au pays de la longue femme brune, la Marie-José de nos soirées de liesse, comme certains font un tour du Côté de chez Swan ou vont passer une Nuit chez Maud. Pourquoi évoquer celle qui s’est effacée en 1997, drapée de mystères, puis qui a claqué la porte en 2000 à la manière d’une tragédienne ? Parce qu’en deux olympiades, la maîtresse dame n’a pas été remplacée. La piste en est restée longtemps éplorée, un peu comme les planches d’un opéra se sentiraient orphelines de sa cantatrice étoile. La comparaison n’est en rien osée, car nul doute que l’athlète de cristal était aussi une diva dans l’âme, qui ne va d’ailleurs pas hésiter à prendre des leçons de théâtre au cours Florent en vue de son entrée à l’Essec, en 2005. Afin que se lève, une seconde fois, le rideau rouge… Pour l’avoir observé sur « scène » et, plus souvent encore, en coulisses, j’ai d’ailleurs l’intime conviction que la Pérec savourait, à juste titre, cette appellation qui lui collait harmonieusement à la peau comme ce motif de gazelles un jour entrelacées sur sa cuisse. 15


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La Vérité sur mademoiselle Pérec

La Guadeloupéenne au patronyme bretonnant en raison d’un lointain ancêtre du pays « de Breizh » – les Pérec fleurissent harmonieusement dans le Finistère – fut presque une décennie durant en effet LA star féminine de la piste avec trois titres olympiques successivement conquis à Barcelone (400 m), en 92, et Atlanta (200/400 m) en 96, agrémentés de deux couronnes mondiales à Tokyo (91) et Göteborg (95), lauriers la hissant au rang de plus grande athlète de tous les temps… toutes nations confondues. Mais j’en vois déjà quelques-uns parmi vous sourire : vous estimez l’habit grand pour elle ? Auriez-vous donc d’autres noms à me proposer ? Pour talentueuses qu’elles furent, la diaphane Néerlandaise Fanny Blankers-Koen, auteur d’un quarté olympique (100, 200, 80 m haies et 4 X 100 m) durant l’« âge de pierre » de l’athlétisme féminin (1948), les explosives Américaines Wilma Rudolph (100, 200 m, 4 X 100 m en 60) et Valerie Brisco-Hooks (200, 400 m en 84), la plaisante polonaise Irena Szewinska (4 X 100 m en 64, 200 m en 68 et 400 m en 76) ou la savoureuse allemande Heike Dreschler (longueur en 92) n’ont jamais en vérité affiché la même et parfaite assiduité au firmament du sport olympique numéro 1. J’ai bien sûr zappé, à dessein, les nébuleuses et opaques Florence Griffith-Joyner et Marion Jones, pouliches US nourries aux pastilles et gélules, irriguées aux perfusions, ainsi que l’Allemande Marita Koch (47 s 60 en 85) et la Tchécoslovaque Jarmila Kratochvilova (47 s 99 en 83), deux autres « athlètes biologiques » sorties des laboratoires du bloc de l’Est, qui précèdent, hélas, la lumineuse petite fille de « Mémère » Éléonore Nelson, le grand amour de notre diva nationale. « Je suis la recordwoman du monde des non-dopés du 400 m », claironne encore celle-ci, forte de ses 48 s 25 signées dans l’étuve d’Atlanta. Hormis peut-être les intéressées, personne dans le monde des pointes ne serait en réalité assez sot pour lui contester ce titre de noblesse. 16


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Introduction

J’ai en mémoire ce double exploit arraché au pays de Martin Luther King, qui avait alors guidé ma plume sur le chemin des trompettes de la renommée. Sans pousser « Mémère » (l’autre) dans les orties, je n’y étais pas allé par quatre chemins pour saluer celle que je considérais, à cet instant précis, comme la numéro 1 de l’Histoire. Mais sachez toutefois que dans tout journaliste, sommeille un cabot (limite diva) qui se plaît au retour de mission à savourer sa prose et qui, en conséquence, n’apprécie pas trop des écarts de relecture dans son dos… surtout à l’AFP, le média de ma carrière. Néanmoins, au terme de l’exercice, les bras m’en sont tombés. Un adjectif biffé me fit littéralement devenir manchot : on avait enlevé « mondiale » à « meilleure athlète de tous les temps ». Pire, on avait ajouté « française ». Comme si Cassius Clay n’était plus que le meilleur poids lourd « américain » de l’Histoire ou Lance Armstrong, le meilleur coureur « US » du Tour. C’est bien là l’exception française : on déconsidère l’évidence, mais on continue à cultiver d’autres légendes comme feu le « french flair » en rugby, une particularité qui a pourtant passablement vécu avec les retraites des Serge Blanco, Didier Codorniou, JeanBaptiste Lafond et Philippe Sella. Fallait voir à l’époque la grande mademoiselle, dans le sens royal et historique du terme, faire son entrée dans l’enceinte, un air de Souchon dans les écouteurs (« foule sentimentale, on a soif d’idéal »), son sac de sport nonchalamment pendu à ses larges épaules, dominant (toujours et encore) d’une tête ses adversaires. Toute petite (à 13 ans) dans son île « en forme de papillon », elle était déjà trop grande (1,75 m) sur ses « cannes de sauterelle ». Pensez donc, avec cinq centimètres de plus ! Notre farouche célibataire prétendait avoir un trac d’enfer comme toutes les divas (au point de rendre ses repas avant les courses), mais je n’en crois pas un traître mot. Marie-José était au-dessus de cela. Sur un nuage. Inaccessible avec ses jambes 17


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profilées et fuselées, magnifiques comme celles d’une Marlene (Dietrich), inoubliable « Ange bleu », d’une Mistinguett star de l’entre-deux-guerres justement révélée pour ses « belles jambettes », d’une Zizi (Jeanmaire), sulfureuse animatrice de revue avec son « truc en plumes », et, plus près de nous, tout près, d’une Carla (Bruni), heptathlonienne des cœurs. À y bien considérer, je n’ai du reste vu qu’une seule fois la Marie-Jo la gorge un rien nouée. C’était sur un autre style de piste, de tulle et de falbalas, à la salle Wagram, en ce lieu de tournage d’une scène-culte du Dernier Tango à Paris… Trois ans en effet avant de régler ses deux « valses » en Géorgie, mademoiselle avait en effet défilé, exquise, frivole et radieuse, pour Paco Rabanne, lovée dans une tenue Lycra tricolore délicieusement ajourée qui laissait apparaître une plastique de reine. Le mot n’est pas trop fort. Celles et ceux qui n’ont pas eu L’Équipe Magazine du 4 mars 1989 entre les mains ne peuvent pas comprendre. Avant d’offrir sa nudité peinte à la galerie de Babylon-X, l’ambassadrice de la pointe et du tartan posait, à 20 ans, pour ce magazine dans le plus simple appareil. Avec le temps, « va, tout s’en va… », chantait l’avisé Léo Ferré. Deux ans plus tard, elle entrait dans une colère noire contre le même magazine, scandalisée par un cliché représentant sa paire de fesses, pleine à souhait malgré les charges d’entraînement, la raie bien en valeur, moulée dans le body révélateur, après son premier grand succès chez les Nippons le 27 août 1991 : « Ce magazine m’a accordé un quart de page pour montrer mon cul… » Ce fut là le premier d’une longue série d’éclats propre à toute diva bien née. Comme ce jour, en conférence de presse à Stuttgart, où elle rudoie un journaliste : « Si je n’étais pas là, tu n’aurais rien à manger et tu resterais dans ta case (sic). » Elle parle ensuite de le mordre, quand elle ne menace pas de « crever un œil » à un reporter s’il lui prend l’audace de lui poser une question ; ou ce lendemain 18


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où elle boycotte la presse qui l’agace après avoir fait fondre en larmes l’entraîneuse du relais ; celui-là où elle vire un journaliste de l’entraînement, le traitant de raciste ; cet autre où, révoltée, elle se hisse sur la pointe des pieds et sautille en direct, à la stupéfaction de l’intervieweur, pour que le nom de son sponsor (Reebok) apparaisse cadré sur le petit écran ; enfin celui-ci, au Club France à Atlanta, où elle conspue en public un envoyé spécial de ses intimes qui porte, pourtant, le nom d’un célèbre commissaire, preuve que rien ni personne ne pondère ses poussées de fièvre. Avec la Marie-José qui, championne, suçait encore son pouce, il faut parfois prendre des gants (de boxe). J’en veux pour preuve ce délirant combat qu’elle livra, à coups de poing, pour de vrai, à s’en exploser la frimousse, à sa camarade de chambrée et rivale nationale, Marie-Christine Cazier, autre grande plante vivace des îles, pour de menues vétilles de propriété de drap de bain. Quand on est reine de la piste, on ne se laisse pas marcher sur les pieds ! Ainsi est constituée la femme anthropophage (ayant croqué sept entraîneurs majeurs en seize ans), un brin épicée, un soupçon veloutée, fragile et inquiète, lunatique et emportée, impulsive et caractérielle, charmeuse et enjouée, évanescente et instable, rebelle et sauvageonne à l’image d’un décapant spot publicitaire la représentant en félin pour un fabricant de pneumatiques (Pirelli). Ses surnoms de prime jeunesse : « Grand Cric-Crac », « Canne à sucre » (les copains) et « la Pigrièche », « gamine capricieuse » en créole (Mémère) ou « Jambes fines » (la famille) ne lui allaient-ils pas à ravir ? « MJP » peut aussi briller par ses absences et apparaître soudainement là où on l’attend le moins : dans le camp ennemi. Le pire d’entre tous. À l’heure où le relais 4 X 100 m tricolore, recordman du monde depuis Split (37 s 79), n’a de cesse que de bouter l’Anglais, arrogant et insolent, elle fréquente assidûment en effet les Lindford Christie et John Regis… Et le drapeau bon sang ! 19


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Existe-t-il plus cinglant camouflet ? Mais peut-on vraiment en vouloir à celle qui porte à bout de bras l’athlétisme national ? « Ne contrariez pas madame… » aurait pu écrire l’homme de théâtre Jean Anouilh, assurément conforté par le président de la FFA, l’élégant Philippe Lamblin : « Marie-Jo, c’est de la porcelaine, c’est beau, c’est esthétique, mais ça casse comme un rien… » Concentrons-nous alors sur la grâce de la divine, véritable ode à l’esthétisme et l’efficacité. Regardez la diva se produire, hautaine comme une montgolfière, légère comme un ULM et supersonique comme un Rafale, et délectons-nous de cette chaleur qui monte en nous pour bientôt nous enserrer le palpitant, et de cette chair de poule qui nous envahit forcément. Quand bien même serait-elle insupportablement et délicieusement cabotine, elle reste la déesse du vent, périssable libellule descendue en blanche tenue immaculée, aérienne, un soir du Parthénon, accrochée au bras d’un nouveau compagnon (américain) Anthuan Maybank, dans le cadre des championnats du monde d’Athènes qu’elle devra néanmoins abandonner en cours. Le début d’une longue agonie qui mènera la gazelle à la piteuse sortie de route de Sydney en prélude des jeux Olympiques de l’an 2000, où elle était venue, à nouveau, quérir l’or, et rien d’autre, bien qu’elle n’en ait raisonnablement plus les moyens avec un cœur malmené et un corps trop longtemps gavé de cortisone, un temps détestable pour avoir « profité » de douze kilos. La première sportive en couverture de Elle (qui a aussi l’honneur du Larousse) invoque alors un danger, une conspiration, un complot… Mademoiselle se sent épiée, traquée et menacée. Sa fin sera pathétique. Comme une Maria Callas fragilisée et mettant fin à ses jours, elle se « suicidera », elle, dans le sens sportif du terme, en prenant la fuite de la plus rocambolesque et tapageuse des manières. 20


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Tient-elle encore, huit ans après, au silence ? Les clameurs se sont tues, mais Marie José, mystérieuse et évaporée, n’a pas répondu à nos sollicitations : deux courriels et un appel téléphonique, lesquels lui proposaient de coucher ses souvenirs de reine. Adhérera-t-elle finalement à ce livre n’ayant d’autre ambition que de la remettre sur un piédestal, sans complaisance toutefois, en quatre actes, avec la complicité de quelques fidèles et aussi d’ex-proches amers ? Ou prendra-t-elle plutôt le parti de taxer l’ouvrage, se voulant l’expression d’un convivial jubilé, d’un coup de patte de tigresse ? Chacun l’ignore, la versatilité l’ayant toujours arrosée. Mais le fait que la Pigrièche ait brusquement empêché, en 2000, la parution d’une autobiographie à son terme (Ma Liberté), et plus encore qu’elle va accrocher, dans les jours qui suivent, un deuxième tome à ses mémoires (Mes Idées noires, Grasset) inciterait à penser qu’elle condamnera notre initiative. Qu’importe cependant ! Comme la tueuse, mettons-nous aux ordres du starter : « Prêts ? »… « Partez ! » La Vérité sur mademoiselle Pérec s’éveillera donc à l’heure chinoise, au terme de ses 40 printemps, pour les trois coups d’une fête olympique dont elle demeure un des personnages de légende, en vertu, bien sûr, des devoirs de mémoire et d’éternelle reconnaissance. Et tout simplement aussi, parce que « l’on vous aime toujours, chère Marie-Jo… »

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