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Restaurations unitaires tout céramique pour traiter un émail endommagé

Résultats à long terme chez les patients avec et sans amélogenèse imparfaite Une contribution du Dr Andrea Klink, du Dr Fabian Hüttig, Tübingen/Allemagne, et du PD Dr Martin Groten, Reutlingen/Allemagne

Les lésions non carieuses de l’émail peuvent être acquises ou génétiques. Dans les deux cas, les restaurations tout céramique collées offrent un succès thérapeutique à long terme. L’article donne un aperçu des résultats obtenus, pour des cas cliniquement complexes.

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La restauration de dentures complètes endommagées concerne deux groupes de patients :

1. Les patients touchés par des soucis d’érosion, d’abrasion et d’attrition prononcées liés à l’alimentation (p. ex. consommation excessive de boissons énergétiques) et / ou de troubles fonctionnel (p. ex. grincement). 2. Les patients présentant des défauts d’origine génétique de la structure et de la composition de l’émail (p. ex. amélogenèse imparfaite, AI) (Figs 1 à 3).

Chez les patients appartenant au premier groupe, les problèmes (p. ex. douleur, répercussions esthétiques) surviennent habituellement au cours de la quarantaine ou de la cinquantaine. Les dents ont perdu en longueur et sont plus colorées ; les parties de la substance dentaire dure encore existante sont plus fragiles (menant secondairement à un affaissement de l’occlusion). Chez les patients présentant des défauts de l’émail d’origine génétique, il est nécessaire de commencer à traiter au cours de la deuxième décennie de vie. L’amélioration continue des systèmes tout céramique et adhésifs permet de minimiser les préparations et d’obtenir des restaurations stables, fonctionnelles et esthétiques à long terme. En cas d’érosion, l’anamnèse doit être fondée sur les antécédents médicaux généraux (boulimie, maladies de reflux, par exemple) et les habitudes alimentaires si nécessaire, rectifiées ou prises en charge par le médecin traitant. En cas de pathologie fonctionnelle, un prétraitement approprié est indiqué. En cas de lésion congénitale de la substance dentaire dure, il est important de procéder à des examens cliniques et radiographiques précis, car en plus des malformations de l’émail (Figs 4 et 5), des kystes folliculaires, une éruption dentaire tardive, des dents retenues ou incluses, une béance ou des calcifications intrapulpaires peuvent apparaître (Figs 6 à 8). De plus, les désordres

07 04 et 05 — Les dents postérieures des patients souffrant d’AI présentent également des variantes en termes de défauts d’émail, pouvant aller jusqu’à la quasi-inexistence de ce dernier.

06 et 07 — L’intégralité de la couronne de 23 est absente (Fig. 6). La radiographie rétro-alvéolaire (Fig. 7) montre une dentine normalement formée avec un émail fin voire inexistant.

08 — Les radiographies montrent une forme sévère d’AI et l’absence de structure amélaire.

09 — La teinte de la dentine s’écarte beaucoup de la norme. Bien choisir la teinte du moignon assure le résultat esthétique des couronnes monolithiques.

sont généralement associés à une inflammation gingivale et parodontale. Cet élément doit être pris en compte lors du prétraitement de l’émail hypominéralisé ou hypocalcifié. En fonction de la sévérité du trouble de formation de l’émail, la liaison adhésive est nettement inférieure à celle obtenue sur un émail sain de sorte que, dans la plupart des cas, la fixation adhésive se fait sur la dentine (Fig. 9). Il n’existe actuellement pas de lignes directrices ni de rapports scientifiques fondés sur des données probantes, pour le traitement des patients souffrant d’AI. Une observation à long terme effectuée à l’Hôpital Universitaire de Tübingen a permis de répertorier les problèmes survenus sur des restaurations unitaires tout céramique fixées par technique adhésive chez ces groupes de patients.

10 — Fracture de niveau 3 d’une couronne antérieure IPS Empress 2 après 16 ans. Le fragment a pu être repositionné et collé selon la technique adhésive.

11 — Fracture classique d’une couronne molaire (ici céramique au silicate CELAY, Vita Zahnfabrik) après 14 ans. La couronne a pu être déposée et une nouvelle restauration a été placée, après une légère préparation.

10 11

Base de données et recherches

Une sélection a été faite parmi des patients qui consultaient régulièrement pour des examens de contrôle et qui présentaient le schéma de soins suivant :

Restaurations unitaires (couronnes, couronnes partielles) en silicate (Si) ou en céramique disilicate de lithium (LiDi), fixées selon la technique adhésive avec un composite de collage. Le tableau 1 donne un aperçu des matériaux utilisés (QR code page 7).

Il manquait, au maximum, quatre dents aux patients. Les dents manquantes ont été remplacées par un bridge tout céramique 3 éléments maximum ou par un implant unitaire avec couronne tout céramique. Si une augmentation de la dimension verticale d’occlusion supérieure à 4 mm était nécessaire, les patients ont été prétraités avec une gouttière occlusale 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 pendant au moins quatre mois. Le développement rapide des matériaux tout céramique continue à offrir de nouvelles modalités de traitement. Par le passé, les céramiques feldspathiques ou silicate renforcées à la leucite ont permis de réaliser des couronnes unitaires esthétiques, également utilisées dans la région postérieure et solidarisées par technique adhésive.

La première génération des céramiques LiDi IPS Empress ® 2 a minimisé le risque de fracture grâce à une amélioration des propriétés mécaniques (suivie par la vitrocéramique IPS e.max ® Press optimisée).

Un programme d’évaluations cliniques a été initié pour évaluer la qualité des résultats des traitements. Chaque année, l’état des dents, la profondeur du sulcus et l’indice de saignement papillaire ainsi que la qualité de toutes les restaurations sont déterminés et classés selon les critères Ryge. Les fractures irréparables, la perte de dents et la présence de poches parodontales sont classées comme « échec absolu ». Si une observation remet en question la qualité de la restauration mais ne justifie pas une nouvelle fabrication, il s’agit d’un « échec relatif » (p. ex. éclats, fissures dans la céramique).

Patients, observations et résultats

17 patients âgés de 12 à 69 ans (âge au moment de la restauration) avec un total de 450 restaurations ont été suivis (Tab. 1 – QR Code page 7). Parmi eux, neuf patients souffraient d’une forme d’AI. Les patients ont été observés pendant une période maximale de 17 ans. Au cours de cette période, les complications suivantes sont survenues sur 44 restaurations (10 %) chez 11 patients (65 %) :

Sur les 44 restaurations, 11 ont été classées en « échec absolu », soit un taux de survie de 99,8% après trois ans et 91,4% après dix ans. Il n’y avait aucune différence entre les patients qui souffraient d’AI et ceux qui n’en souffraient pas.

Les 33 complications classées comme « échec relatif » concernaient principalement un souci d’éclats (25). Il est à noter que 11 d’entre elles sont survenues chez un seul patient. Toutes les complications observées ont montré un taux de réussite de 95,7 % après trois ans et de 81,4% après dix ans. Ici, on a pu constater une différence entre les patients souffrant d’AI et ceux qui n’en souffraient pas. Le taux de réussite chez les patients souffrant d’AI était significativement plus élevé.

Discussion

La performance à long terme des matériaux présenté dans les tableaux 1 et 2 (QR code page 7) permet de tirer des conclusions sur le concept des restaurations unitaires monolithiques fixées selon la technique adhésive avec les systèmes disponibles. On peut en déduire que les restaurations unitaires en céra

12 — Vue d’ensemble de la réhabilitation après cinq ans (patiente de la figure 02).

mique silicatée ont tendance à se fracturer sur une période de un à dix ans (Figs 10 et 11), tandis que les couronnes en disilicate de lithium ont plutôt tendance à céder au bout de dix ans. Ces résultats coïncident avec ceux de la littérature. Cependant, malgré le nombre élevé de restaurations, le nombre de patients observés ici est faible. Cette analyse nous permet de faire des déclarations valides limitées, mais surtout une analyse qualitative des tendances. Les restaurations molaires sont les plus fréquemment fracturées, après environ cinq ans et principalement chez les patients sans augmentation de la dimension verticale. Le matériau ou une épaisseur de matériau trop faible peuvent en être l’origine. Le fait que les patients souffrant d’AI étaient moins souvent touchés par des complications que les patients ne souffrant pas d’AI était surprenant étant donné les conditions supposées « moins favorables » pour la fixation adhésive. L’âge peut également jouer un rôle ici, car les patients souffrant d’AI étaient environ 24 ans plus jeunes que la moyenne. Les résultats des patients souffrant d’AI montrent également que les restaurations tout céramique adhésives ne causent pas de problèmes endodontiques et peuvent donc être considérées comme une thérapie à long terme. Cependant, chez les patients souffrant d’AI, les dents sont toujours préparées de manière périphérique circulaire afin d’éviter la faiblesse aux limites de collage et de pouvoir reconstruire l’ensemble de la forme anatomique de façon fonctionnelle.

Résumé

Les restaurations unitaires tout céramique fixées selon la technique adhésive donnent de très bons résultats cliniques, quel que soit la situation initiale (Fig. 12). Cependant, on peut s’attendre à des taux de complications techniques plus élevés chez les patients présentant des problèmes fonctionnels. En général, il est probable qu’après cinq à dix ans, environ deux couronnes sur cent présentent une complication, principalement des fractures sur des molaires. Un contrôle annuel minimum est recommandé afin de traiter les complications possibles à un stade précoce et de minimiser le risque d’échec.

Note/Annotation

Les résultats disponibles ont déjà été publiés sous le nom de : Klink A, Groten M, Huettig F; Complete rehabilitation of compromised full dentitions with adhesively bonded all-ceramic single-tooth restorations: Long-term outcome in patients with and without amelogenesis imperfecta. J Dent. 2018 Mar;70:51-58. doi: 10.1016/j.jdent.2017.12.011. Epub 2017 Dec 21.

Tableau 1 + 2 online

Dr Andrea Klink, Dr Fabian Hüttig, PD Dr Martin Groten Universitätsklinikum Tübingen (Universitätsklinik für Zahn-, Mund- und Kieferheilkunde / Center for Dentistry, Oral Medicine, and Maxillofacial Surgery) Osianderstraße 2-8 72076 Tübingen/Allemagne andrea.klink@med.uni-tuebingen.de www.medizin.uni-tuebingen.de