Prisme 2010

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politique societal generationnel

LeS nouveLLeS

fĂŠminiSteS POLITIQUE

Loppsi : encore une loi inutile

REPORTAGE

P L U S

en vadrouille avec les pickpockets

Le Steampunk

martin ScorSeSe motoS mythiqueS

aLexander mcqueen



sommaire les flash Monde (pages 6 à 8) Politique (pages 10 à 13) Économie (pages 14 à 16) Société (pages 17 à 20) Culture (page 22) Sports (pages 23)

le magazine Larry Ellison, vainqueur de la très controversée Coupe de l’América (p. 60).

Féminisme : an 2010 La 100e édition de la journée des droits des femmes sonne comme une invitation à se remémorer les grandes victoires arrachées par les pionnières du Mouvement de la libération des femmes. Pourtant, les combats d’hier ne sont pas les acquis d’aujourd’hui. 26 à 32

l’éditorial par Grégory Rozières es hommes on les écoute, les femmes on les regarde ». Julie Muret, dans notre dossier sur le féminisme d’aujourd’hui, résume en quelques mots une situation qu’il nous fallait développer. Alors que ce mouvement souffle ses 40 bougies, les volontés originales ont été faussées, vidées de leurs sens. Il reste encore beaucoup de combats à gagner. Mais comment gagner un combat détourné ? Prenons pour exemple la liberté sexuelle. Elle devait permettre l’émancipation des femmes. Pourtant, dans la sphère publique, elles sont de plus en plus traitées comme des objets. Un malaise perçu par les femmes, mais aussi par nombre d’hommes. Ce fourvoiement n’est pas le seul. Ecologie, démocratisation des institutions, respect des immigrés en France ou encore transsexualisme... De nombreuses thématiques qui méritent bien plus qu’un simple écho dans la presse. D’autant que nous sentons une véritable volonté de la part de nos contemporains de s’impliquer, de cerner ces réalités qui touchent toute notre société. Sans prétentions, nous souhaitons donner une autre vision de ces sujets, à travers un prisme qui permettra une lecture inédite, nouvelle. Des focus, une manière de voir notre monde tel qu’il est actuellement, voici ce que propose notre Prisme.

L

Loppsi, La Loi de L’émotion La Loppsi symbolise à merveille les méthodes d’un gouvernement devenu expert en matière de législation hâtive. La recette : un savant dosage d’inutilité, de démagogie et de surenchère sécuritaire. 34-35

L’accueiL made in Besson : paRcouRs d’un immiGRé Quand il s’agit de recevoir, Eric Besson, notre ministre de l’Immigration ne lésine pas sur les moyens. Il sort même le grand jeu. 38-39

suR Le RaiL des pickpockets Le métro parisien est considéré comme le cinquième endroit au monde le plus touché par le vol à la tire ou le pickpocketing. 40-44

tRanssexuaLité : nouveLLe identité La question trans’ fait débat. Un décret français a enlevé cette pathologie des maladies mentales. Mais la situation juridique et médicale des transsexuels reste floue. 46-47 3


Un fan de Steampunk (p. 72) déguisé en officier

Le cLan du néon : que La LumièRe ne soit pLus… L’activisme écologique, ça existe. Prisme a suivi une nuit un groupe s’attaquant aux enseignes lumineuses des commerces. 48-49

BataiLLe navaLe à coups de miLLions La 33e édition de la Coupe de l’America a tourné au fiasco. Depuis 2007, Larry Ellison et Ernesto Bertarelli, les deux protagonistes, ont passé plus de temps au tribunal que sur l’eau. Une parodie de match en somme. 60 à 63

au maRché de RunGis Prisme vous emmène au Pavillon de la Marée, à Rungis. Grossistes et acheteurs sont toujours présents, malgré les difficultés du secteur et la raréfaction du poisson-sauvage. Portfolio de cette France qui se lève tôt. 64 à 69

et aussi... e-démocratie / e-réputation / Les journalistes et Strasbourg / Itinéraires du pavot afghan / Vancouver est-il vert ?

zeitgeist 72 à 77

Dans le prisme Steampunk, le futur à vapeur : Le genre offre une multitude d’œuvres et cela sur tous les supports. Mais au fait, c’est quoi déjà le steampunk ? 78 à 84

Cultur e Ciné : Martin Scorsese et ses goodfellas. Musique : Les sorties du mois, du top au flop. Littérature : Nouveautés B.D et livres 86 à 91

Innovations Sciences : Voyage à travers des mondes parallèles. Santé : Doit-on se méfier de la 3D au cinéma ? High-Tech : Les nouveaux ennemis d’Apple. Lucie Oriol, Adrien Toffolet, Amaury Lemaitre

92 à 98

Tendances Bling-bling : Les gadgets inutiles et hors de prix. Mode : Alexander McQueen, un hooligan du style. Moto : les mythes à deux roues Billet d’humeur : les scanners corporels

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FLASH

monde

TOGO

Fraudes, népotisme et présidentielles après aVOir éTé repOussées, les éleCTiOns présidenTielles TOGOlaises deVraienT se Tenir le 4 mars. Qu’impOrTe les éViCTiOns de CandidaTs eT le reTraiT prOVisOire de CandidaTures : Faure GnassinGbé, le présidenT sOrTanT, assure Que le sCruTin sera démOCraTiQue. « Il n’y a ici ni clan, ni famille régnante », a déclaré Faure Gnassingbé dans les colonnes de Jeune Afrique. Difficile à croire puisque il n’est autre que le fils d’Eyadéma Gnassingbé, qui a gouverné le Togo d’une main de fer pendant près de 40 ans. Initialement prévu le 28 février, le scrutin présidentiel a été reporté au 4 mars. Mais un nouveau report de l’élection ne surprendrait personne. Sept candidats devraient se présenter contre Faure Gnassingbé, qui brigue un deuxième mandat. Blaise Compaoré, le président du Burkina Faso a été nommé facilitateur du dialogue inter togolais. Un rôle difficile voire impossible tant les désaccords sont grands entre Faure Gnassingbé et l’opposition. Le mode de scrutin, uninominal à un tour, est au cœur des débats. Ce type d’élection, mis en place à la faveur d’un changement de la Constitution en 2002 -pendant le « règne » de son père- favorise le népotisme, puisque le président togolais est élu à la majorité des suffrages exprimés mais sans recueillir une majorité absolue. Les changements de Constitution sont courants chez les Gnassingbé : en 2002, Eyadema avait baissé l’âge autorisé pour être président de 45 à 35 ans, soit l’âge de son fils à l’époque. Pour se justifier, Faure Gnassingbé indique que ce mode de scrutin « réduit la période de tensions ». Les élections togolaises sont connues pour engendrer des périodes de violence et de ré-

Faure Gnassingbé, candidat à sa propre succession

voltes populaires. En 2005, la répression avait fait entre 100 et 800 morts selon les sources. Eviction dE candidats Toutes les excuses sont bonnes pour évincer un candidat. Gilchrist Olympio, vétéran de la politique togolaise n’a pu se présenter car il n’est pas allé à une visite médicale. Kofi Yamgnane a lui été évincé en raison de dates de naissance différentes sur ses papiers d’identité français et togo-

lais. D’après lui, le président de la cour constitutionnelle, Aboudou Assouma, aurait subi des pressions directes de la part des militaires pour invalider sa candidature.La fraude électorale est monnaie courante dans un pays où la corruption est largement répandue. Le corps électoral sera gonflé ou diminué en fonction des intérêts locaux : « Dans les fiefs de l’opposition, le gouvernement va baisser le nombre d’électeurs. Au Togo la palette de la fraude électorale est large avec des faux-électeurs, des électeurs itinérants et l’achat de votes », déplore Comi Toulabor, chercheur au Centre d’Etude d’Afrique Noir. Devant ce simulacre de démocratie, des candidats ont provisoirement suspendu leur candidature. C’est le cas de l'ancien Premier ministre et poids lourd de l’opposition Yawovi Agboyibo, du Comité d'action pour le renouveau, et de Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, première femme à se présenter aux présidentielles pour « Convention démocratique des peuples africains » (CDPA). Par ces retraits, les candidats souhaitent « dénoncer les anomalies dans les révisions de listes électorales ». Une Commission électorale nationale indépendante (CENI) sera chargée de l'organisation, de la supervision et de la proclamation des résultats provisoires de l'élection au Togo. Mais avec un mode de scrutin taillé sur mesure, nul doute que Faure Gnassingbé obtiendra les voix pour se faire élire et marcher dans les pas de son père. Julien Van Caeyseele

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monde

HSALF

pays-bas

Le gouvernement chute sur le dossier afghan FauTe d'aCCOrd sur le mainTien de l'armée en aFGhanisTan, le GOuVernemenT néerlandais esT TOmbé le 22 FéVrier dernier. C’esT un reVers pOur l’OTan.

le gouvernement néerlandais était dans l’impasse et celle-ci aura précipitée sa chute. Alors que l'Alliance avait demandé le 4 février dernier aux Pays-Bas de main-

tenir un an de plus une mission « de petite taille » chargée de former les forces de sécurité afghanes, le gouvernement néerlandais se sera déchiré sur la ques-

tion. Aucun accord n’ayant été trouvé, le gouvernement est finalement tombé le 22 février. « Je vais présenter à la reine, plus tard dans la journée, la démission des ministres et des secrétaires d'Etat du PvdA (le parti travailliste) », a déclaré Jan Peter Balkenende, lors d'une conférence de presse à La Haye. En Afghanistan depuis août 2006, les Pays-Bas ont déployé 1 950 soldats en Uruzgan (sud), une province où les forces talibanes sont particulièrement présentes. La chute du gouvernement hollandais est une mauvaise nouvelle pour l’Otan. L’annonce est ainsi intervenue alors que l’organisation transatlantique était engagée dans une vaste offensive à Marjah, autre fief des talibans dans le sud de l'Afghanistan. D’autre part, les soldats néerlandais constituaient des appuis précieux pour l’Otan comme l’a souligné Anders Forgh Rasmussen, le secrétaire général de l'alliance : « La meilleure façon de progresser était l’envoi d’une nouvelle mission néerlandaise plus petite pour consolider les progrès réalisés jusqu'ici par les Néerlandais et pour contribuer au processus de transition ». L’été dernier, Obama leur avait lui-même rendu un hommage appuyé. Vincent Girard

paKisTan

« Le mollah Omar reste l’enfant chéri d’Islamabad » la maisOn blanChe a COnFirmé le 17 FéVrier l’arresTaTiOn d’abdu Ghani baradar, le respOnsable miliTaire des Talibans aFGhans, au paKisTan. prisme a JOinT alain rOdier, direCTeur de reCherChe sur le TerrOrisme eT le Crime OrGanisé au CenTre Français de reCherChe sur le renseiGnemenT. Prisme : Pourquoi l’isi a arrêté abdul Ghani Baradar ? Alain Rodier : Les autorités pakistanaises sont particulièrement irritées de l’attitude des talibans afghans. En effet, il y a bien longtemps que ces derniers ont échappé au contrôle des services spéciaux pakistanais et n’en font « qu’à leur tête ». Il est probable qu’Islamabad ait voulu, par cette opération, montrer sa détermination à l’égard des talibans afghans. Quelle est la portée de cette opération au niveau de la direction des talibans afghans ? A.R : L’arrestation de Baradar constitue un « signe fort » adressé au mollah Omar qui reste tout de même l’enfant chéri d’Islamabad. En effet, les Pakistanais sont persuadés –peut-être à juste titre- que les forces

de la coalition quitteront un jour l’Afghanistan et que le pouvoir sera alors repris par les talibans. Il convient donc pour eux de rester fermes mais de protéger le mollah Omar qui sera un interlocuteur incontournable. cette arrestation marque-t-elle une ère nouvelle dans la coopération entre les Etats-Unis et le Pakistan ? A.R : Cette opération est aussi un gage de bonne volonté adressé aux

Américains mais cela ne changera rien aux relations ambiguës qui existent entre ces deux Etats. Les Pakistanais sont ravis quand les drones Predator US tuent des « mauvais talibans » (ceux qui s’opposent au pouvoir d’Islamabad), mais forts mécontents quand ils s’attaquent aux « bons talibans » qui agissent en Afghanistan. propos recueillis par François perriGaulT

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FLASH

monde

iTalie

Vers un racisme d’Etat ? sarah di nella esT JOurnalisTe à CarTa, hebdOmadaire iTalien basé à milan. inTerrOGée sur le permis de séJOur à pOinTs Qui Va bienTôT déCider du sOrT des immiGrés, elle déCriT une iTalie en prOie à une xénOphObie Quasi insTiTuTiOnnalisée. moins visible – à Cassibile (Sicile) ou dans les Pouilles… Le gouvernement utilise la peur comme instrument de guerre sociale. Les manifestations de racisme se multiplient dans tout le pays et les tentatives de la société civile – qui existent – ne parviennent pas à limiter la casse.

En quoi consiste ce projet de permis à points ? Les nouveaux arrivants devront signer un «contrat d’intégration» et auront deux ans pour en remplir les conditions. Pour obtenir les 30 points qui leur permettront de rester en Italie, les migrants devront connaître l’italien et les principes fondamentaux de la Constitution, avoir une «connaissance adéquate de la vie civile en Italie», scolariser leurs enfants et être inscrit à la sécurité sociale. Celui qui aura eu des précédents judiciaires perdra des points. Voilà en quoi consiste «l’intégration» selon Roberto Maroni (le ministre de l’Intérieur). Il n’est pas inutile de souligner que la plupart des citoyens italiens n’obtiendraient pas les 30 points nécessaires. d’où provient cette mesure ? Il s’agit d’une vielle idée de la Ligue du Nord qui en parle régulièrement depuis 2008. Elle était insérée au tristement célèbre paquet sécurité, approuvé en 2009, qui introduit le délit de clandestinité : un véritable manuel du racisme. L’objectif de ce permis, qui passera par décret est d’aggraver la précarité et l’invisibilité des migrants. Celle-là même qui permet leur exploitation comme on l’a vu à Rosarno (1). Mais aussi – c’est pour l’instant 8

L'italie semble aujourd’hui partie en « chasse » contre ses immigrés, est-ce un phénomène nouveau ? C’est un phénomène en réalité assez ancien. Il suffit de penser que le cas Rosarno, devenu apparent avec les premières révoltes de migrants en 2008, dure depuis les années 1990. Les gouvernements de droite comme de gauche qui se sont succédé ont des responsabilités. C’est par exemple la gauche qui a introduit en Italie les centres de rétention avec la loi Turco-Napolitano. Mais avec le troisième gouvernement Berlusconi on a assisté à une

institutionnalisation du racisme. Cette offensive se vérifie au niveau national et au niveau local: dans le Nord, la Ligue gouverne de nombreuses communes où elle n’hésite pas à mettre en oeuvre de véritables mesures d’apartheid. Les migrants qui subissent ces attaques commencent à réagir: à Rome, s’est constituée l’Assemblée des travailleurs africains de Rosarno, qui réunit les migrants déportés après les pogroms du 7 et 9 janvier. Par ailleurs, une cinquantaine de comités locaux ont été créés en vue du 1er mars, date à laquelle aura lieu la journée « 24 heures sans nous », sur le modèle français. (1) Début janvier, 67 saisonniers agricoles, africains en grande majorité, avaient été blessés lors d’une « chasse à l’homme » organisée par les habitants de Rosarno (Calabre). propos recueillis par laurence Texier



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politique

réGiOnales

La société civile à besoin des politiques le nOuVeau parTi anTiCapiTalisTe (npa), le mOuVemenT démOCraTe (mOdem) eT eurOpe éCOlOGie OnT ChOisi de Faire COnFianCe à des CandidaTs Qui ne sOnT pas des pOliTiQues de Carrière pOur les prOChaines éleCTiOns réGiOnales. mais CeTTe sTraTéGie a peu de ChanCe d’abOuTir à un résulTaT éleCTOral siGniFiCaTiF. Le nPa : du neuf avec du vieux. NPA, LCR, même combat. Pas seulement révolutionnaire, également électoral. Le parti qui a succédé à la formation d’Alain Krivine continue de faire la part belle sur ses listes aux « militant(e)s impliqué(e)s dans différents syndicats et associations » (extrait de la profession de foi de la liste NPA de Basse-Normandie). Seule évolution notable, l’ouverture aux militants des quartiers populaires. Omar Slaouti, tête de liste Val d’Oise et membre de la Commission des quartiers populaires du parti, symbolise cette politique. Plus qu’un choix, c’est une obligation pour le NPA comme l’explique le spécialiste de l’extrême-gauche Serge Cosseron : « Aujourd’hui, il y a 8 000 militants-adhérents. Ce qui oblige le parti à essayer de ratisser plus large pour constituer les listes ». Et attirer de nouveaux électeurs. Mais l’ouverture aux quartiers populaires reste limitée conclut Serge Cosseron. Le grand soir électoral attendra.

Europe Ecologie : La passe de deux ? Le mouvement qui rassemble les Verts et les « environnementalistes » (les candidats issus des associations et des collectifs traitant des questions d’environnement) surfe sur le raz-de-marée des dernières européennes. La stratégie initiée par Daniel Cohn-Bendit a permis de recueillir 16,28% des suffrages au niveau national et a logiquement été reconduite pour les régionales. Sans garantie. « Europe écologie a déjà tiré des cartouches. Les meilleurs candidats ont été élus au parlement européen » explique Daniel Boy, chercheur spécialiste des mouvements verts en Europe pour le CEVIPOF (Centre de recherche politique de Sciences po). Le mouvement a dû creuser davantage et faire fonctionner les réseaux. Eva Joly, une des figures de proue au moment des européennes, a convaincu son ancienne collègue et amie magistrate Laurence Vichnievsky de s’engager. Cette dernière est tête de liste en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Une nouvelle venue qui aura fort à faire pour égaler son ainé. 10

Le Modem : Un choix catastrophique. Le parti de François Bayrou a privilégié des candidats qui ont une notoriété au détriment d’élus locaux peu connus. Marc Duffour, le président héraultais du Modem, a été désigné tête de liste pour les régionales. Pas du goût de François Bayrou qui a cherché à imposer Patrice Drevet, ex-journaliste météo. La formation centriste n’aura finalement pas de liste dans cette région. Cette dissension n’est pas un cas isolé. Le Mouvement démocrate n’en aurait que le nom. Sophie Landrin, journaliste au Monde, explique : « Les candidats sont choisis par le Bureau exécutif du parti et les fédérations régionales votent ce choix. C’est un faux semblant démocratique ». Conséquences, les démissions se multiplient au sein du parti. Le pari de François Bayrou pourrait lui coûter cher selon Sophie Landrin : « Le MoDem est en péril pour les prochaines élections présidentielles ». François perriGaulT


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politique

inTerneT

Les partis rament sur la toile après aVOir FaiT leurs preuVes lOrs de la CampaGne présidenTielle aux eTaTs-unis, les siTes de sOCialisaTiOn pOliTiQue débarQuenT en FranCe. sans Grand suCCès JusQu’à présenT, auTanT au ps Qu’à l’ump. Benjamin Lancar, le président des jeunes UMP en a fait l’amer constat. Face à un nombre d’inscrits en berne sur le réseau social du parti, il en est venu à contraindre les membres de son équipe qui trainaient les pieds de s’y créer un profil. Sous peine d’une sanction sévère, la démission pure et simple, ils ont été « invités » à s’impliquer dans la plate-forme communautaire, pour donner l’exemple. Cette sommation est révélatrice d’un malaise, suscité par le manque d’intérêt des militants pour ces nouveaux dispositifs numériques destinés à les mobiliser. A l’heure des sites de socialisations comme Facebook qui en rassemble des millions, leur désertion à de quoi étonner alors qu’un outil ad hoc a été créé pour eux. L’ExEMPLE aMéricain coMME ModèLE Aux Etats-Unis, la formule avait pourtant rencontré un succès sans précédent lors des dernières élections présidentielles. Inspirés par la réussite de mybarackobama.com qui a grandement servi la campagne victorieuse de l’actuel président américain, les partis politiques français ont voulu faire de même. Mais quelques mois après le lancement des sites Créateurs de Possibles pour l’UMP et de la Coopol pour le PS, les résultats sont décevants. Le premier n’enregistre que 9000 inscrits environ, tandis que le second plafonne à 20 000. « Les modes de militantisme ne sont pas les même en France qu’aux Etats-Unis », justifie Gilbert Cuzou, assistant parlementaire et militant du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS). « La Coopol c’est surtout une plus-value dans le militantisme classique, mais ça ne viendra pas le remplacer », ajoute-t-il reconnaissant que les adhésions escomptées sont insuffisantes. Selon lui, il y a tout un travail d’initiation à cette nouvelle forme d’activisme politique qui reste à faire : « il y a une génération internet qui doit inciter les aînés à utiliser cet outil ». Mais les 18-35 ans sont-ils eux même mobilisés ? « On ne se demande jamais combien il y a de jeunes militants », rappelle Nicolas Hubé, membre du centre de recherche scientifique de la Sorbonne (CRPS). Les jeunes engagés en politique ne sont pas très nombreux et ils « ne trouvent pas forcément un intérêt à militer sur un clavier ». Même son de cloche du côté de la majorité. « C’est le bouche à oreille qui va faire bouger les choses », pense Geoffroy Beaudot, militant des Jeunes Populaires en charge des fi12

lières professionnelles. Comme son homologue socialiste, il relativise sur le peu d’enthousiasme jusqu’ici manifesté à l’égard du réseau de socialisation. « ca MarchEra aU BoUt d’Un MoMEnt » « Ce n’est pas un site qui a une ancienneté énorme (il a été lancé il y a 6 semaines NDLR), les choses se mettent en place tout doucement, ça marchera au bout d’un mo-

ment ». Reste qu’on ne constate toujours pas de dynamique qui permette d’envisager un afflux massif à l’avenir. Pour l’heure, on ne s’alarme pas outre-mesure d’un côté comme de l’autre. Le vrai objectif de ces agrégateurs d’idées et de projets reste l’horizon 2012. Dans une logique de démocratie participative, ils définissent d’ores et déjà les grands thèmes de campagne sur lesquels les candidats à la présidentielle s’affronteront. abdel piTrOipa


politique

HSALF

réGiOnales

Le choix de Martine la première seCréTaire du parTi sOCialisTe Va se reTrOuVer FaCe à un ChOix COrnélien sur le suJeT des reTraiTes. Comment paraître réformateur sans renier ses idées ? Voilà la question qui taraude le PS. Le sujet des retraites est épineux, rue de Solferino. Et ressemble de plus en plus à la quadrature du cercle. Avec en toile de fond, un Nicolas Sarkozy qui pose le débat et embarrasse un peu plus le clan adverse. C’était le 15 février. Le président de la République lançait la première des négociations sur la réforme du régime d’assurance retraite. Celle du dialogue avec les partenaires sociaux, qui devrait durer quelques mois. Histoire de se placer en conciliateur, quand le PS peine à s’accorder. Avant cela, Martine Aubry s’était emmêlée dans les années. Une première fois, la maire de Lille a proposé de porter l’âge de la retraite à « 61 ou 62 ans ». Cacophonie au sein du parti, quelques jours plus tard, elle était contredite par Benoit Hamon, le porte-parole. Ce couac illustre à merveille les hésitations qui règnent au PS sur un sujet que Lionel Jospin n’avait pas su régler en son temps. Rue de Solférino, les commentaires se font rares. Et surtout plein de retenue. L’idée, ne pas ruiner les efforts de cohésion récent en mettant sur la table un nouveau sujet de discorde. Seul Razzi Hammadi, un proche de Benoit Hamon se risque à répondre:

« La position du PS a été arrêtée en février 2008, elle prévoit le maintien de l’âge légal à 60 ans. Rien ne justifie sa remise en cause. » Il y quelques jours, le bureau national du Parti Socialiste a fait le choix, tout comme le PCF le NPA et la majorité des syndicats, de se ranger dans le camp des disciples du statu quo. Fin de la discussion. Pas si simple. Au lendemain des régionales, le débat refera surface. Et le PS sera obligé de se placer. Et la encore le choix sera cornélien. S’il choisit de rentrer dans le jeu d’une réforme consensuelle, il se met à dos une partie de la gauche de la gauche. Dans l’autre cas de figure, l’opposition stérile, le PS risque de se priver d’un électorat plus modéré et favorable à une réforme. Avec en tête de gondole, la hausse des cotisations. Solution envisagée par certains députés UMP, mais refusée en bloc par Nicolas Sarkozy. A l’inverse, le PS, sans envisager une hausse généralisée des cotisations, préconise la fin des exonérations de charges qui représenteraient près d’un milliard d’euros. Autre piste: élargir l'assiette des cotisations. Au Parti socialiste, Martine Aubry a ainsi proposé « que les stock-options et bonus paient les mêmes cotisations - cela fera 5 millions par an rien que pour cette simple réforme ». Dans tous les cas, rue de Solferino,

on exclu catégoriquement l’abandon du système par répartition. Proposée par le NPA, la solution d’un retour à 37,5 années de cotisation et d’une taxation plus massive de la valeur ajoutée des entreprises et de l’impôt sur la fortune, n’a pas trouvé d’écho auprès de Martine Aubry. Trop risqué quand on souhaite se positionner en présidentiable. Vous avez dit cornélien… Vincent GauTrOnneau

pOlémiQue

L’ « affaire » Ali Soumaré enCOre une GuéGuerre pré-éleCTOrale. a TrOis semaines du sCruTin des réGiOnales, ump eT ps se TirenT enCOre dessus. deux maires ump aCCusenT ali sOumaré d’êTre un « délinQuanT mulTiréCidiVisTe CheVrOnné ». sauF Que CeTTe FOis, C’esT un TOllé. Francis Delattre, maire de Franconville, pensait frapper fort en accusant Ali Soumaré de cinq affaires dérangeantes. C’est raté. Trois des affaires imputées à Ali Soumaré ne le concerne pas. L’une d’elle concerne son homonyme. Marie-Thérèse

de Givry, procureure de la République de Pontoise, a signifié qu’il y avait erreur sur la personne, et dédouane ainsi M. Soumaré. Francis Delattre et Sébastien Meurant (maire UMP de Saint-Leu la Forêt) se retrouve donc le bec dans l’eau. L’autre Ali Soumaré, mineur au moment des faits, était passé devant un tribunal pour enfant. Or, les jugements rendus dans ces tribunaux ne sont pas accessibles au public. Mais si l’un des faits reproché à Ali Soumaré est celui d’un homonyme, il reste toujours quatre autres dossiers. Mais cela suffit, pour l’avocat de Soumaré, JeanPierre Mignard, à démontrer le caractère diffamatoire des accusations. Reste sa condamnation pour « rébellion à agent de la force publique », pour laquelle il a fait appel, ayant appris cette condamnation par Delattre lui-même.

Jean-Pierre Mignard s’apprête donc à lancer une batterie de plaintes contre Francis Delattre et Sébastien Meurant, pour diffamation, atteinte à la présomption d’innocence, violation du secret professionnel et évocation publique de « condamnation pénale réhabilitée». Puisque les faits qui lui sont reproché et qu’Ali Soumaré assume pleinement datent de 1999. Alors coup-bas ou coup de zèle de Messieurs Delattre et Meurant, de toute façon, ça n’a pas marché. Bien pire, ils vont se retrouver sur le banc des accusés, et leur crédibilité risque d’en prendre un coup. Ali Soumaré se contente aujourd’hui d’espérer « que l'on va enfin parler du programme et des vrais problèmes des Franciliens ». pauline bOrdOne

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F L A S H economie Crise

Déficit public : la Grèce est-elle contagieuse ? en 2009, la GrèCe a CrOulé sOus les déFiCiTs publiCs. auJOurd’hui, elle Tarde à s’expliQuer sur ses manipulaTiOns FinanCières, alOrs Que le risQue de prOpaGaTiOn à d’auTres pays eurOpéens s’aCCenTue. après le pOrTuGal, l'irlande, l'iTalie eT l'espaGne, l’allemaGne pOurraiT elle aussi êTre en première liGne. « La Grèce appliquera de façon crédible son plan d'austérité visant à réduire son déficit budgétaire ». Malgré toutes les bonnes intentions du Premier Ministre grec Georges Papandréou, la situation du pays inquiète les investisseurs et pèse largement sur les marchés boursiers. En 2009, la Grèce a explosé ses déficits publics. Ils sont ainsi attendus à presque 10 % du produit intérieur brut (PIB) soit environ 30 milliards d’euros. La dette publique, de son côté, doit atteindre 113,4% du PIB cette année. Dans les deux cas, Athènes est très au dessus des limites européennes - respectivement 3% et 60%. Et 2010 s’annonce à peine mieux : le projet du budget déposé par le gouvernement grec la semaine dernière au Parlement, prévoit en effet la réduction du déficit de 9,4% à 9,1% du PIB pour 2010. Le pays est donc logiquement dans le col-

limateur de Bruxelles pour déficit excessif. Ainsi, la Grèce est notamment accusée d’avoir utilisé des « swaps de change » qui, sur les conseils de la banque Goldman Sachs, lui auraient permis de camoufler le montant de sa dette. Mais Athènes tarde à s’expliquer sur ce point et justifie son retard par les grèves à répétition dans le secteur public, et en particulier, la semaine du 15 au 21 février dernier, au ministère des Finances. Par ailleurs, les agences de notation

ont baissé la dette de la Grèce à BBB+ (voir encadré). Reste que si les marchés financiers s'interrogent sur la capacité de la Grèce à pouvoir rembourser ses emprunts, l’objectif est avant tout d’éviter une contagion au reste du continent. Alors que plusieurs pays sont déjà sous la menace, l’Allemagne affiche aussi des signes inquiétants. Le risque principal pour le secteur financier allemand repose sur les « difficultés collectives traversées par les PIIGS », selon un rapport interne du régulateur financier allemand, la BAFIN, révélé par l'hebdomadaire Der Spiegel. Les PIIGS sont le Portugal, l'Irlande, l'Italie, l'Espagne et la Grèce, qui pourraient être « l'élément déclencheur » de telles difficultés, poursuit l'hebdomadaire. Les banques allemandes détiennent quelques 522,4 milliards d'euros d'actifs financiers sur ces pays, ce qui représente un cinquième de leurs engagements étrangers.

COMMENT FONCTIONNENT LES AGENCES DE NOTATION ? L'activité principale des agences de notation consiste à émettre périodiquement des avis sur la qualité des crédits - la capacité à honorer les obligations financières - d'un émetteur ou d'un instrument financier particulier. Ces notations de crédit classent les émetteurs selon des catégories qui correspondent à des degrés plus importants (risque élevé, « catégorie spéculative ») ou moins importants (risque faible, « catégorie investissement ») de risque de défaillance. Les notes iront alors de AAA (pour une dette à long terme avec une sécurité maximale), généralement attribuées aux Etats, à D, signifiant le défaut de paiement. Dans le cas de la Grèce, les agences de notation lui ont attribué un BBB+. 14

Mais les agences de notation sont aujourd’hui largement critiquées notamment pour avoir laissé les banques prendre des risques. Des instituions financière qui sont aujourd’hui sauvées par les liquidités injectée par les Etats. « Pour les agences de notations, c'était tout bénéfice: leurs clients habituels, banques et hedge funds, retrouvaient leur superbe et les moyens de leur passer des commandes; et les Etats, en s'endettant, se mettaient en situation d'être critiqués par les agences. L'accusé redevenait juge » explique Jacques Attali.

Vincent Girard


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F L A S H economie sénaT u.s.a

Mieux vaut être Ghosn en France aKiO TOyOda, le pdG de TOyOTa, a répOndu le 24 FéVrier aux QuesTiOns d’une COmmissiOn de la Chambre des représenTanTs sur les déFauTs de FabriCaTiOns Qui OnT COnduiT au rappel de milliOns de VéhiCules aux eTaTs-unis. le COnGrès amériCain l’a FaiT, le parlemenT Français ne peuT même pas en rêVer. Une instance politique capable de faire venir un patron étranger pour lui poser des questions embarrassantes. Impensable en France, c’est le tour de force réussit par le Congrès américain. Akio Toyoda, le PDG de Toyota, en a fait les frais le 24 févier. Il n’a eu d’autres choix car l’instance législative a des pouvoirs étendus dans le domaine du commerce international. C’est un lieu de passage obligé pour ratifier une décision internationale et les élus peuvent proposer des lois quel que soit le sujet. Dans le cas de Toyota, « le Congrès pourrait adopter des mesures sur les normes de sécurité qui viseraient sans la nommer l’entreprise nippone » explique Philippe Crével, économiste spécialiste de l’industrie automobile. La

société qui fabrique la Prius ne peut pas prendre ce risque. Elle aurait eu moins de soucis à se faire en France : le champ de compétence des commissions du Parlement est

limité à l’Hexagone. Et même dans ce cadre, leur influence en matière d’économie est insignifiante. Carlos Ghosn, le PDG de Renault, vient devant le Parlement parfois. « Mais quand l’entreprise au losange a voulu délocaliser la production des Clios en Turquie, c’est Nicolas Sarkozy qui a pris son téléphone pour l’en dissuader » note Philippe Crével. Pouvoir zéro et moyens dérisoires : La capacité d’audit des commissions est minime. Une dizaine d’administrateurs seulement sont aux services des commissions. Par rapport à son équivalent américain, le Parlement français est en pointe en matière de libéralisme économique. François perriGaulT

reVendiCaTiOns

IKEA, le mythe de l’entreprise sociale en kit la Firme suédOise, spéCialisTe de l’ameublemenT à bas prix, VanTe la réussiTe de sOn « mOdèle sOCial ». un myThe en passe de se Fissurer. «Sur le devant de la vitrine, le verre est transparent mais en réalité, la politique sociale d’IKEA est beaucoup plus opaque », assure Marylène Laure, déléguée CGT chez IKEA. Le problème vient de l’écart entre les profits du groupe et les conditions salariales des employés. Les syndicats ont estimé qu’IKEA France « a réalisé, en 2009, un bénéfice net de 52 millions d’euros ». Des chiffres impossibles à vérifier car la holding propriétaire d’Ikea (Inter IKEA Systems BV) a le statut de fondation charitable. Elle ne publie que son chiffre d’affaires (21,5 milliards d’euros en 2009) et pas ses profits. Un manque de transparence criant qui contredit les propos de Stefan Vanoverbeke, le directeur général d’Ikea France, dans une vidéo postée le 18 février 16

sur Dailymotion : « Le modèle social d’Ikea repose sur une culture de l’égalité et de la transparence ». Une grève, qualifiée

d ’ « historique » par les syndicats a débutée le 6 février. « L’entreprise n’est pas pire ou meilleure qu’une autre, l’objectif est de faire

de l’argent. Salaires faibles, pas d’embauche : nous ne voulons pas que ce soit les effectifs qui payent cette dégradation du cadre de travail », poursuit la déléguée. Les salariés réclament une hausse de 4% des salaires alors que la direction propose 1 % d’augmentation collective et 1 % au mérite. Autre motif de mécontentement : les conditions de travail. Résultats individuels qui priment sur les collectifs, durcissement du management et polyvalence à outrance viennent ébrécher l’image de cette entreprise qui se présente comme un modèle de gestion sociale. « Après un sondage auprès des salariés, il apparaît que le personnel est prêt à continuer le mouvement en cas d’échec des négociations », conclut Marylène Laure. La direction est prévenue. Julien Van Caeyseele


société

HSALF

prisOns

Kits anti-suicide, mais pour qui ? après le suiCide de Jean-pierre Treiber dans sa Cellule, les méThOdes d’aTTribuTiOn des KiTs anTi-suiCide sOnT remises en Cause. Qui esT susCepTible d’en bénéFiCier ? sur Quels CriTères se base l’adminisTraTiOn péniTenTiaire aVanT d’aTTribuer Ou nOn Ces KiTs de « surVie » ? des QuesTiOns subsisTenT. Ils étaient censés limiter les dégâts, ils ont finalement fini par envenimer le débat. Le samedi 20 février dernier, le corps de Jean-Pierre Treiber, présumé coupable des meurtres de Géraldine Giralt et Katia Lherbier, était retrouvé pendu à son drap dans sa cellule de la maison d’arrêt de Fleury-Merogis. Il n’avait pas bénéficié de kit de survie comprenant un matelas anti-feu, un drap indéchirable et un pyjama en papier à usage unique-, outil mis en place en novembre dernier par Michelle Alliot-Marie dans le but de limiter le nombre de suicides carcéraux. En plus des mystères que JeanPierre Treiber a emmenés avec lui, sa disparition a également mis en exergue des interrogations non soulevées jusque-là. Car oui, JeanPierre Treiber était suicidaire ! Mais selon les mises en application des kits anti-suicide, « rien ne laissait présager qu’il était potentiellement suicidaire » affirmait l’administration pénitentiaire le jour même. Seulement voilà : en décembre dernier, Treiber confiait au juge d’instruction à propos de son évasion : « c’était ça ou je m’accrochais ». Difficile d’être plus claire. « Il faut se souvenir que lors sa première arrestation, M. Treiber avait déjà déclaré aux forces de l’ordre que si ce n’était pas l’évasion, ce serait le suicide, rappelle

Me Bouzrou, ancien avocat de l’ex-femme de l’accusé. Après son arrestation au terme de sa cavale, il paraissait incroyablement logique de lui attribuer un de ces kits. Pour moi, l’administration pénitentiaire a commis des er-

reurs. » D’autant que 90 % des suicides en prison se font à l’aide d’un drap classique. Le problème ? C’est qu’on ignore sur quels critères l’administration pénitentiaire s’est basée pour octroyer cette prise de risque. « Les premières choses à prendre en compte,

en plus de son dossier médical, sont l’état physique et psychologique du prisonnier. Ensuite, il faut savoir si la personne en question a déjà tenté de mettre fin à ses jours, aussi lointaine soit sa dernière tentative, explique Nathalie Berdon, psychologue pénitentiaire en région parisienne. Cependant, certains cas sont plus complexes qu’ils n’y paraissent. » Les premiers concernés sont évidemment les suicidaires classiques avec de graves problèmes psychologiques, des tentatives répétées et des menaces constantes quant à leur futur passage à l’acte. Mais pour d’autres - qui ne présentent aucun trouble apparent -, le jugement concernant leur équilibre vital reste vague. Selon les syndicats de surveillants, Treiber, qui ne bénéficiait pas du kit anti-suicide, ne remplissait pas les critères. « On ne donne pas le kit à tous ceux qui disent qu'ils vont se suicider », précise Jean, de l'Union Fédérale Autonome Pénitentiaire (Ufap). Des syndicats qui réfutent toute défaillance du système : « On peut mettre une caméra ou un gardien derrière chaque porte, on n'empêchera pas quelqu'un de se suicider. » Mais on peut tout de même limiter les risques. Que celui qui soit en cause s’appelle ou non JeanPierre Treiber. alan de silVesTri


FLASH

société

eduCaTiOn

« Un élève de onze ans m’a frappé » luC ChaTel a annOnCé, le 16 FéVrier, la Tenue d’éTaTs Généraux en aVril sur la séCuriTé dans les éCOles. alOrs Que 16000 suppressiOns de pOsTes sOnT préVues en 2010, les enseiGnanTs aTTendenT des résulTaTs COnCreTs eT dénOnCenT le manQue de mOyen. renCOnTre aVeC elisabeTh balmain, enseiGnanTe en primaire, en lOrraine. Que faire d’autre ? Il y a peu, un élève de onze ans m’a frappé. Je me suis dit qu’il fallait marquer le coup. On le signalait comme pouvant être dangereux depuis des années sans qu’il ne se passe rien. Le 15 octobre dernier encore, un courrier avait été envoyé pour dire qu’on ne pouvait plus le gérer. Je me suis dit qu’il fallait agir avant qu’il ne finisse par aller vraiment trop loin. J’ai porté plainte.

La violence existe-t-elle dès l’école primaire ? Bien sûr. Dans mon école, les bagarres et les insultes sont quotidiennes, et depuis peu, ça empire : on constate de la violence même envers les adultes. Certains enfants n’ont pas de cadre dans leurs structures familiales. La société leur permet de ne prendre aucune responsabilité. il n’y a aucune sanction pour calmer un enfant ? Dans mon établissement, le même élève a frappé trois enseignants sans qu’il ne se passe rien. On ne peut même pas priver un élève de récréation. Tout ce qu’on peut faire, c’est faire copier des lignes, ou lui faire écrire une lettre pour expliquer pourquoi il a mal agi. ce qui n’est pas efficace ? Un jour, un enfant n’a pas accepté une punition, il a fugué de l’école. Ce sont les policiers qui l’ont ramené. C’est devenu fréquent, les policiers viennent souvent à l’école. Les enfants s’en fichent, ils ont l’habitude et ils savent qu’il ne leur arrivera rien. Et les profs… ils parient sur quel élève ça va tomber. « Ce coup ci, c’est pour ta classe ! » De toute façon, quand il s’agit d’un cas où l’enfant tape délibérément sur son professeur, faire copier des lignes, c’est un peu léger.

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Etiez-vous appuyée par votre hiérarchie ? Absolument pas. Si l’inspecteur décide de ne pas agir on ne peut rien faire. On a envoyé des courriers qui sont restés sans réponse. Pour ne pas laisser de trace écrite, il répondait oralement au directeur de l’établissement, et l’histoire s’arrêtait là. Il y a eu une réunion à la suite de mon agression, mais l’inspecteur ne voulait pas que j’assiste à sa totalité. Je devais venir expliquer les faits et après m’en aller, « la suite ne me concernait pas » ! Il a même dit qu’il désapprouvait le fait que

je porte plainte. Par la suite, l’Inspection d’Académie a été mise au courant de ma démarche et enfin, j’ai été soutenue. Etiez-vous conseillée par un syndicat ? Je ne suis pas syndiquée. Cela dit, au cours de cette histoire j’ai quand même pris l’avis des syndicats. Mais je ne voulais pas que mon histoire serve de cheval de bataille. D’autant plus que ma hiérarchie était dans le collimateur des syndicats. C’est une démarche personnelle, je ne veux pas servir de prétexte pour dénoncer tout un tas de choses. Qu’est-ce qu’il va se passer maintenant pour l’élève ? Il va passer au tribunal. Il peut être placé. Moi, je souhaite qu’il soit envoyé dans une structure adaptée qui s’occupe d’enfants qui ont des troubles comportementaux. Mais il ne faut surtout pas le retirer à sa mère. C’est une histoire familiale dramatique et ils ont besoin de rester ensemble. Je ne regrette cependant pas d’avoir porté plainte, car au moins ça aura fait bouger les choses. Si on ne fait rien, ça ne sert plus à rien de se poser en victime. marie KOeniG


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FLASH

société

prOpaGande

Campagne anti-tabac : un fumeux fiasco pOumOns CalCinés, bébés inTOxiQués, les imaGes ChOC anTi-TabaC ne semblenT aVOir auCun impaCT sur la Jeunesse. JusQu’Où peuT aller la préVenTiOn pOur leur Faire prendre COnsCienCe du danGer ? l’assOCiaTiOn des drOiTs des nOn-Fumeurs a FranChi un pas de TrOp. leur dernière CampaGne a éTé immédiaTemenT suspendue. met en scène deux jeunes Les agences publicihommes et une jeune taires et les associafemme à genou devant tions ont tout tenté. un homme en costard Mais rien n’y fait. Les qui leur tient la tête et images choc diffusées dont le sexe a été remen boucle à la télé, sur placé par une cigarette. les affiches et dans les Elle avait commencé à magazines n’ont aucun être diffusée sur des afeffet sur les jeunes : ils fiches et cartes postales continuent à fumer. Et disponibles entre autres de plus en plus. dans les discothèques et Selon l’Office Français les bars. de prévention du tabaSon message ambigu est gisme, le taux de fuallé trop loin. La cammeurs quotidiens a pagne a été suspendu à la augmenté de 25% chez demande de l’Autorité de les ados de 18 ans entre régulation professionelle 2004 et 2009. Et 40% de la publicité. Des images des fumeurs de 12 à 25 qui « enfreignent le Code ans sont dépendants. de déontologie de la profesPourquoi les camsion, notamment en termes pagnes de lutte de respect de la personne anti-tabac ne marhumaine », accusait Jochent-elles pas ? « Les seph Besnaïnou, président messages en rapport de l’Arpp. Le message de avec la maladie ou la ces images prête à confumort ne touchent pas les sion : la fellation peut-elle jeunes », constate provoquer un cancer ? Rémi Parola, coordinaNon, « Fumer, c’est être teur de l’association l’esclave du tabac » proDroits des non-fuclame le slogan. Le paralmeurs (DNF). Il appalèle entre abus sexuel et raît de plus tabagisme est bien malextrêmement comheureux, tiré par les cheplexe de faire changer leurs habitudes aux fumeurs, même citent au simple achat, le but des cam- veux, voire douteux. pagnes est plus difficile à atteindre. Et à Mais Rémi Parola s’en défend : « La cigaaux plus jeunes, par les images. Comme pour la prévention routière, si mesurer. Mais est-ce une raison pour tom- rette est simplement assimilée à un partenaire elles interpellent, elles ne font pas lever le ber dans le n’importe quoi ? De tenter le que s’impose le jeune à lui-même. Chez les jeunes, la cigarette n’est pas un acte transgrespied ni écraser la cigarette. Bercé d’insou- tout pour le tout ? ciance, le jeune ne se sent pas concerné. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. La der- sif comme ils le croient, mais une soumission Loin des publicités commerciales qui in- nière campagne de l’association DNF et une preuve de naïveté. C’est ce que nous montrons là ». Admettons. En quoi cette campagne aurait-elle été plus efficace ? Utiliser le sexe pour attirer l’attention des jeunes est une chose, mais les faire arrêter de fumer en est une autre. Si cette campagne a réussi quelque chose, c’est bien de faire parler d’elle, de créer la polémique, au risque de laisser loin derrière elle le message qu’elle voulait faire passer. La campagne anti-tabac a été lancée mi-février pour être aussitôt suspendue.

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laura béheulière


société sport

HSALF

J.O

Arrêtez le foot, faites du biathlon aVeC mOins de 300 liCenCiés, le biaThlOn esT la disCipline Française la plus TiTrée de Ces Jeux OlympiQues. Oubliez benzema Ou Thierry henry, les nOuVelles idOles s’appellenT VinCenT Jay Ou enCOre VinCenT deFrasne.

En France, on devrait changer de sport national. Stop au football, place au biathlon. Car dans un monde où l’important c’est la rentabilité, le biathlon, c’est le top. 300 licenciés, 6 médailles olym-

piques à Vancouver. Un sacré ratio, près d’une médaille pour 50 participants. Ils font pale figure, les deux millions de footballeurs et leur unique titre dans l’histoire de la Coupe du Monde. Pareil pour le handball, on nous rebat les oreilles avec leurs titres en pagaille… Facile, ils sont 364 000 à pratiquer ce sport. Pourtant, ce n’était pas gagné. Ce drôle de sport, -vous vous imaginez, faire du ski de fond pendant 20km et tirer avec une carabine sur des cibles à 50m ?- doit tout à deux hommes, David Moretti et Francis Mougel, fondateurs du premier club français de cette étonnante discipline inspirée des entraînements des armées scandinaves. En 1992, sur les pistes des Saisies, lors des Jeux Olympiques d’Albertville, le grand public découvre le biathlon, alors pratiqué par une trentaine de passionnés. L’équipe féminine entraînée par Francis Mougel s’impose. Anne Briand, Véronique Claudel et Corinne Niogret font leur apparition sur les plateaux télé. Le biathlon devient un sport français. Depuis, les Bleus ont raflé 14 médailles lors des Jeux Olympiques. Pas mal non ? Mais même vainqueur, le biathlon reste confidentiel. Les biathlètes passent à la télévision tous les quatre ans, lors des Jeux Olympiques, et ne

font pas parler d’eux durant le reste du temps. En dehors de la magie des Jeux, la discipline ne prend pas réellement son envol. Pourtant, «les gamins veulent faire du biathlon, affirme Corinne Niogret, responsable du Circuit national fond et biathlon et consultante pour France Télévision. Surtout chez les minimes et les cadets.» Face à la demande, le Fédération Française de Ski (FFS) tente de s’adapter. Pas facile. Peu accessible, le biathlon croît, mais doucement : « En fait, on n’est pas plus nombreux qu’avant en haut niveau, poursuit Niogret. En revanche, il y a 60 athlètes chez les jeunes, 25 chez les juniors. Côté seniors, il y a toujours 15 hommes et 8 femmes, ce qui correspond en gros au collectif France.» Alors un conseil, mettez-vous au biathlon. Avec un peu de chance, et de talent, vous participerez rapidement aux plus grandes compétitions. Effectivement, il est plus simple de se faire remarquer que parmi les deux millions de footballeurs. Mais ne vous faites pas d’illusion, avec un budget de 500 000 euros annuel, le biathlon ne vous fera pas devenir riche… Vincent GauTrOnneau

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FLASH

A

Culture

voir

en

mars par mégal GrOuChKa

Beat takeshi Kitano à la Fondation cartier Acteur, réalisateur, auteur, présentateur télé, peintre… Beat Takeshi Kitano est un artiste complet. Le japonais qui est pourtant peu habitué aux expositions à répondu oui à l’invitation de la Fondation Cartier. Autour du thème de l’enfance, Kitano crée un univers loufoque et ludique rempli d’objets et de décors insolites. Avec « Gosse de peintre », l’artiste donne sa vision de l’enfance et ironise sur l’art contemporain. Gosse de peintre, du 11 mars au 12 septembre 2010 à la Fondation Cartier

hot chip Grande révélation des Transmusicales de Rennes en 2005, on ne présente plus aux adeptes du genre électro le groupe Hot Chip. Pour les curieux, le gang des cinq anglais mené par Alexis Taylor est l’un des fleurons de la scène musicale britannique. Loin de se cantonner à un seul style, l’influence du groupe va du hip hop au funk des années 70. Ils sont en ce moment en tournée avec leur 4ème et dernier album « One Life Stand » et seront à Paris le 8 mars prochain. Hot Chip au Bataclan, 50 blvd Voltaire 75011 Paris, le 8 mars 2010

Yves saint Laurent au Petit Palais

Franky o’right& Friends Véritable crooner-loser de Las Vegas, Francky vous embarque dans son monde merveilleux teinté de magie, de paillettes, de drogue, de sexe et de rock’n roll ! Accompagné de ses meilleurs amis et de ses pires ennemis venus des quatre coins du monde, un show où tout sera permis et tout pourra arriver : la dérision comme la déraison. All right? Franky O’Right& Friends à l’Européen, 5 rue Biot 75017, les 12 et 13 mars 2010

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Le travail et la vie du couturier, mort en juin 2008 continuent de fasciner. Après la vente aux enchères très médiatisée de sa collection d’œuvres d’art au Grand Palais l’an dernier, Yves Saint Laurent revient hanter l’avenue du Président Wilson. Du 11 mars au 29 aout 2010, plus de 250 pièces du styliste seront exposées au Petit Palais. De la robe Mondrian au costume masculin, tous les vêtements qui ont fait la légende Saint Laurent seront enfin réunis par les soins de Pierre Bergé et Carla Bruni-Sarkozy.

the rodeo Étrange nom pour une jeune fille accompagnée simplement de sa guitare. Derrière ce nom de scène énigmatique, la chanteuse cache son prénom en anagramme. Ballades faussement naïves, comptines pour adultes sur fond de musique folk, The Rodeo marche sur les traces des petites françaises parties conquérir les US comme les jeunes Soko et Lisa Li-Lund. Elle ne révolutionne pas le genre mais reste une jolie surprise à découvrir au Café de la Danse le 30 mars prochain.

Rétrospective Yves Saint Laurent, du 11 mars au 29 aout The Rodeo au Café de la Danse, 5 passage Louis Phillipe 2010 au Petit Palais. 75011 Paris, le 30 mars 2010





le Féminisme se crie... Le 8 mars, sera célébrée la 100e édition de la journée internationale des droits des femmes. Un évènement qui sonne comme une invitation à se remémorer les grandes victoires arrachées par les pionnières du Mouvement de la libération des femmes. Droit à l’avortement, violences faites aux femmes et égalité salariale : les combats d’hier ne sont pourtant pas les acquis d’aujourd’hui. Qu’elles se battent pour une sexualité sans tabou, l’égalité des sexes ou la parité politique, les nouvelles féministes ont bel et bien repris le flambeau d’une histoire qui continue de s’écrire au présent. Dossier réalisé par Laurence TEXIER, Lucie ORIOL et Mégal GROUCHKA


... a u prĂŠsent


DOSSIER

FÉMINISME

Libération des femmes : an 40 Le MLF (Mouvement de libération des femmes) célèbre cette année ses quarante ans. Un parcours, qui à coup de victoires historiques mais aussi de combats à l’issue encore incertaine, continue de s’écrire au présent.

L

e grand problème de la domination de l'homme sur la femme n'est toujours pas résolu », décrétait Maya Surbduts, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes le 17 février dernier.lors d'un meeting organisé à l’occasion des élections régionales de 2010. Malgré son éclatement en une nébuleuse de groupes distincts, le féminisme des années 2010, doté de sang neuf et de raisons sans cesse renouvelées de se mobiliser, semble avoir encore de beaux combats devant lui. A l’image des violences faites aux femmes qui, à force de volonté et de position unitaire, devraient faire l'objet d’une loi dès le 25 février. Le texte qui sera examiné à l’Assemblée nationale prévoit notamment la création d’une « ordonnance de protection des victimes » et d’un délit de harcèlement au sein du couple. Une grande victoire pour le féminisme du XXI e à l’heure où une femme meurt tous les trois jours sous les coups de ses conjoints. Et la preuve d’une relève pour les pionnières du siècle passé.

L

e 26 août 1970, une dizaine de femmes investit l'Arc de Triomphe pour déposer une gerbe de fleurs à la mémoire de la femme du soldat inconnu. Sur les banderoles, un slogan: « Il y a plus inconnu que le soldat inconnu: sa femme ». Coup d'éclat spontané sans leaders et sans revendications précises, cet événement quasi insignifiant sur le moment, vient pourtant donner le coup d’envoi du Mouvement de libération des femmes (MLF). Dans un contexte propice aux révolutions- le Women's Libs américain est actif et mai 1968 est encore présent dans les esprits- les femmes se mettent à rêver d'une autre société où elles auraient des droits à l'égal de ceux des hommes. Quelques jours plus 28

tard, le journal « Partisans », proclame la « Libération des femmes, année zéro » et du même coup la naissance du féminisme. « Un mouvement d'un type radicalement nouveau, qui s'invente dans la rencontre des femmes sans prétendre les représenter et refuse d'être représenté par quiconque », le décrira plus tard Françoise Picq, sociologue spécialiste de l'histoire du féminisme

L

es années 1970 seront celles de la lutte pour le droit à l'avortement, à la contraception, à disposer librement de son corps. Symbole de ce combat pour la libération sexuelle, considéré souvent comme l'âge d'or du féminisme: le manifeste des « 343 salopes », publié en avril 1971 dans le Nouvel Observateur. Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Catherine Deneuve ou encore Nadine Trintignant, affirmant publiquement avoir enfreint la loi, vont contraindre les politiques à repenser l'interdiction de l'avortement. Le18 janvier 1975 la loi Veil légalise l'interruption volontaire de grossesse. Loin de la spontanéité fédératrice du MLF, le féminisme des années 1980 va pourtant perdre de sa vigueur et de sa légitimité. Son institutionnalisation progressive, avec la création d'un secrétariat à la condition féminine en 1974 et du Collectif national pour les droits des femmes (CNDF) en 1996, contribue à brouiller les cartes d'un mouvement né de la rue et désormais associé au pouvoir politique.

A

près une période de veille relative, une nouvelle vague féministe s'invite dans les décennies 19902000. De nomb r e u s e s associations voient le jour. En 1999, les Chiennes de garde, sont crées

pour défendre les femmes politiques injuriées et pour s'attaquer aux publicités sexistes, tandis que le réseau Osez le féminisme naît en 2009 pour soutenir le Mouvement français pour le planning familial. Auparavant, Ni putes ni soumises et Mix Cité, se sont engagées pour les femmes dans les banlieues tandis que la Barbe, in-

« Il y a plus inconnu que le soldat inconnu: sa femme »


DOSSIER

tervenait barbe au menton, dans les lieux traditionnellement dominés par les hommes pour matérialiser l'absence de femmes. Organisées autour de thématiques et d'actions bien précises, ces nouvelles militantes viennent témoigner d'un féminisme qui se décrit désormais au pluriel.

I

négalités salariales, parité politique, sensibilisation à la contraception, ou encore maintien des acquis face à une politique régressive vis à vis de l'IVG, demeurent pourtant autant de combats capables de réunir féministes d'hier et d'aujourd'hui, « essentialistes » et « différentialistes », autour d’un même idéal : l’égalité. L.T.

FÉMINISME

Travail : l e s f e m m e s à l a (d o u b l e) p e i n e

E m p l o i

- 46 % c’est le pourcentage de femmes que compte la population active, - 80 % des salariés payés en dessous du SMIC sont des femmes, - 20 % c’est la différence moyenne de salaire entre les hommes et les femmes, - 30 % des femmes salariées sont à temps partiel, - 28 % des femmes qui travaillent à temps partiel souhaiteraient un temps plein, - 7 % des cadres dirigeants des 5 000 premières entreprises sont des femmes,

- 38 % c'est la différence de montant entre la retraite perçue par les hommes et par les femmes.

F a m i l l E

- 96 % des bénéficiaires du congé parental sont des femmes, - 80 % des tâches parentales et domestiques sont effectuées par les femmes, - 8 minutes c’est le rallongement du temps domestique pour les hommes en treize ans, pour une diminution d’une minute concernant les femmes. 29


DOSSIER

FÉMINISME sur le féminisme. En philosophie à l'université de Toulouse, elle fait beaucoup d'exposés sur ce sujet. Mais, c'est une formation de documentaliste qui la fait finalement venir à Paris. La première fois qu'elle négocie son salaire, on lui rit au nez. « Le déclic, c'est souvent quand on rentre dans la vie active ». Depuis cinq ans elle travaille au planning familial. Sa définition du féminisme ? La réponse est immédiate : « L'égalité ». Longtemps, Julie Muret, a cherché des mouvements, des associations, des comités, pour s’engager, un peu en vain. A défaut d'être satisfaite, elle participe en 2009 avec une quinzaine d'autres femmes à la création d’Osez le féminisme. Le collectif qui publie une revue mensuelle a été créé lorsque les budgets pour le planning familial menaçaient d'être supprimés. Évidemment, ses revendications ne sont pas celles des années 70, « mais il y a encore beaucoup de choses à faire sur la violence faites aux femmes, sur l'image des femmes dans les médias, les budgets pour les centres d'interruption volontaire de grossesse ». Les coudes plantés sur la table, elle énumère des chiffres « une femme sur dix est victime de violences conjugales. Chaque année 48.000 femmes se font violer rien qu'en France ». Des chiffres affolants, pour une cause que l'on ne prend pas souvent au sérieux. Pourtant Julie garde espoir, même si, elle le dit, « rien n'est jamais acquis ». Et, de citer cette phrase qu'elle aime beaucoup : « Les hommes on les écoute, les femmes on les regarde ». L.O.

J u l ie M u re t , on l ’é co u te a 31 ans, J u l i e m u r e t e s t s o l i d e m e n t e n g a g é e da ns le mou v e m e n t f é m i n i s t e . l o i n d e s c l i c h é s qui le décré d i b i l i s e p a r f o i s , c e t t e g r e n o b l o i s e d’o r i g i n e e n p o r t e t o u t e l a f r a i c h e u r .

J 30

ulie Muret a toujours été « la féministe de service », dans sa famille. Une appellation qu'elle apprécie. « Ca a commencé en primaire. J'ai toujours été choquée qu'en grammaire le masculin l'em-

porte sur le féminin ». Avant le surnom, il y a eu plusieurs « déclics ». Des lectures et des figures déjà : Benoîte Groult, Christine Delphy, Florence Montreynaud. En année de classe préparatoire, sa professeure de littérature est très engagée

CENT ANS DE MANIFESTATIONS POUR LES DROITS DES FEMMES La journée internationale des droits des femmes a cent ans cette année. Cent ans et toujours autant de raisons de manifester pour que l’égalité homme-femme ne soit pas seulement un idéal. Au cœur de ce 8 mars 2010, plusieurs préoccupations : le droit à l’avortement, les femmes travailleuses sans-papiers et les violences faites aux femmes. Pratique : Départ de la manifestation à 18 heures place de la Nation, jusqu’à Bastille, avec un arrêt à St Antoine pour rencontrer le personnel du centre IVG menacé de fermeture.


DOSSIER

FÉMINISME

« Le droit à l’avortement n’est pas acquis » Trente cinq ans après la loi Veil, le Mouvement français pour le planning familial (MFPF), association militante et féministe, se bat au quotidien pour que l'avortement demeure un droit.

N

ous travaillons avec une clinique en Hollande que l'on connaît très bien ». Le Mouvement français pour le planning familial, association militante fondée en 1960 dans le but de « légaliser les moyens de contraception », ne s'en cache pas. Inciter les femmes ayant dépassé le délai légal des 14 semaines à se rendre en Hollande où l'interruption volontaire de grossesse (IVG) peut être pratiquée jusqu'à 24 semaines est même un engagement que revendique fermement le MFPF. Quelques 5 000 françaises avortent ainsi à l'étranger chaque année. Et la situation n'est pas prêt de changer alors que les délais d'attente se font toujours plus long (près de 3 semaines en Ile-de-France), que certains centres sont condamnés à fermer et que des hôpitaux refusent de procéder à des IVG après 12 semaines (malgré la loi de 2001 qui repousse le délai à 14 semaines). « Le droit à l'avortement n'est pas acquis, il faut continuer à se battre », regrette Vi-

viane Devitry, conseillère au planning depuis une quinzaine d'années. « L'orthogénie est le parent pauvre de la médecine » : Une référence à peine voilée à la tarification à l'acte, à la loi Hôpital patients santé et territoire et à la restructuration de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris, qui contribuent à réduire l'offre proposée. L'ombre de Tenon et des 3 autres centres IVG qui ont fermé TouT l'enjeu : que cela ne relève plus du combaT, mais du droiT en Ile-de-France en 2009, plane sur le MFPF. Subventionné par le conseil général, il a même frôlé la catastrophe l'an passé, alors que le gouvernement annonçait une réduction de 42% des aides affectées au Conseil conjugal et familial, avant de finalement se rétracter face au tollé général. Si la menace d'une remise en cause pure et simple de l'avortement n'est pas à l'ordre du jour, se sont des régressions plus

subtiles qui sont aujourd'hui à l’œuvre. « On nous demande de plus en plus d'exigences concernant les dossiers et les statistiques. Nous risquons notre budget chaque année », témoigne Viviane Devitry, d'autant plus inquiète que la génération de praticiens militants quitte peu à peu la profession. « Qui se battra alors pour que les femmes puissent choisir entre avortement chirurgical et médicamenteux? ». Plus rentables, les IVG médicamenteuses représentent en effet 43% de l'offre proposée aujourd'hui. « Les pouvoirs publics n'ont de cesse de réfléchir comment tout mettre en oeuvre pour faire baisser le nombre d'IVG (environ 200 000 par an en France), explique Eve Espinasse, jeune conseillère au planning, Mais pourquoi devrait-il à tout prix baisser? » Tout l'enjeu : que l'avortement acquis, il y a de cela 35 ans, ne relève plus du combat, mais du droit. Un droit bien fragile alors qu'entre 2000 et 2006, le nombre d'établissements pratiquant l’interruption volontaire de grossesse est passé de 729 à 639. L.T. 31


DOSSIER

FÉMINISME

« Le sexe est un pouvoir, comprenezle ! »

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otre travail a pour but de désinhiber le sexe féminin, pensez-vous qu’il s’agit d’une forme de féminisme ? sophie bramly : Probablement que oui même si je ne veux pas l’admettre. Mais je m’occupe plus du féminin que du féminisme. Je ne veux pas que l’on perde ça de vue. Je veux faire comprendre que le sexe est un pouvoir, et que maintenant que les questions économiques sont en parties réglées, il est temps d’utiliser notre sexualité. Il faut que la vapeur s’inverse et que la femme arrête d’être dans la simple consommation sexuelle.

comment expliquez-vous, à l’heure où le sexe est tant exposé sur internet, que la sexualité féminine connaisse encore autant de tabous ? Parce que nous sommes toutes et tous plein d’idées reçues ! Sur la masturbation féminine par exemple. C’est encore un énorme tabou chez la femme alors que c’est primordial. Connaître son corps et se donner du plaisir seul, c’est essentiel. Il y a aussi la pression sur l’orgasme qui est très importante. Les femmes pensent que si on n’a pas d’orgasme on ne prend pas réellement de plaisir, ce qui est faux ! Rares sont les femmes qui 32

Productrice de films érotiques et directrice d’un site dédié au sexe féminin, Sophie Bramly tient à sa vision du féminisme. en ont, pourtant elles font toutes l’amour et aiment ça ! Autre exemple d’idée reçue : je lisais encore un article ce matin sur le viol. Une grande majorité de femmes pensent encore que celle qui se fait violer, d’une certaine façon, l’a cherché ! Soit par ses vêtements, soit par son attitude. Alors que statistiquement, il y a autant de jeunes que de femmes âgées qui se font violer et je doute que la mamie de 70 ans porte une minijupe aguicheuse ! que faudrait-il faire ? Ces idées font partie d’une culture sociale que l’on transmet. Malgré nous, on véhicule ces idées. C’est la nature humaine, mais je pense qu’il faut de temps à autre se faire des petites piqûres de rappel! Depuis Simone de Beauvoir et « Le deuxième sexe », les

femmes sont en mal de grands penseurs! Il ne faut pas s’assoupir. vous êtes chef d’entreprise, avant cela, vous étiez haut placé chez universal music. etre une femme n’a jamais été un problème ? Je ne me suis jamais posée la question. Je pense qu’on ne me voit pas comme appartenant à la famille des femmes mais plutôt à celle des grandes gueules ! Et puis j’ai décidé de prendre mon sexe comme un atout et non une contrainte. J’ai arrêté de vouloir en faire dix fois plus que les hommes, d’être une fée du logis et une reine au lit. J’ai simplement décidé de lâcher du lest et de prendre du plaisir dans tout ce que j’entreprends ! M.G.



POLITIQUE

RECETTE FACILE

Loppsi, la loi de l’émotion « A force de réfléchir avant de légiférer, on reste immobile. » Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, peut être rassuré : l’immobilisme législatif ne menace guère la majorité présidentielle. En témoigne la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2), véritable symbole d’un gouvernement devenu expert en matière de législation hâtive. La recette : un savant dosage d’inutilité, de démagogie et de surenchère sécuritaire. 34

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in janvier 2010 : Un couple de retraités est assassiné à l’arme blanche dans l’Oise. Emotion et incompréhension au sommet. C’est un Brice Hortefeux indigné qui demande une aggravation des peines à l’encontre des personnes qui se rendraient coupables de tels crimes dans le futur. « Ce n’est pas la même chose d’agresser ou de cambrioler un quadragénaire ou quelqu’un qui a 85 ans », justifie alors le ministre de l’Intérieur. Hortefeux en rêvait, Loppsi 2 l’a presque fait. L’article 24 de cette loi « fourre-tout », mêlant vidéosurveillance, scanners corporels, prérogatives des agents de police ou encore fouille des bagages, prévoit en effet l’ « aggravation des peines encourues pour les vols commis à l’encontre de personnes vulnérables ». Rétention de sûreté, suivi des détenus en fin de peine, regroupement des jeunes, aggravation des sanctions contre les criminels sexuels… ou la méthode du cas particulier érigé en loi : voici un art dans

lequel la majorité excelle. Et cela depuis le passage de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur. « Un fait divers : une loi », la communication compassionnelle règne aujourd’hui en maître. DES LOIS APPLIQUÉES POUR MOITIÉ Face à cette production débridée de lois en tous genres, le système législatif a souvent du mal à suivre le rythme des annonces politiques. L’administration, à qui revient la tâche de rendre applicable une loi en la publiant au Journal officiel, est débordée et ne parvient pas à tenir la cadence. Ce qui se comprend aisément quand on sait que le journal officiel a vu son nombre de pages passer de 7 000 à 17 000 entre 1986 et 2006. « Les précédentes lois se sont souvent arrêtées au stade du déploiement des moyens nécessaires, aux intentions. Quand ce n’est pas au simple niveau de la publication des décrets d’application», signale sur son blog Jean-Jacques Urvoas, membre de la commission des lois PS. De


POLITIQUE

nombreux textes demeurent ainsi inappliqués faute de décrets d’application venus les rendre effectifs. Le Canard Enchaîné allait jusqu’à estimer en 2008 que la moitié des nouvelles lois votées depuis 2006 étaient restées lettre morte. Si sur les 10 500 lois, 127 000 décrets, 7 400 traités et 17 000 textes communautaires disponibles en France, seule une partie est effectivement usitée, l’administration n’est pourtant pas la seule fautive. Pour qu’un texte soit appliqué, encore faut-il qu’il soit utile. Ce qui est loin d’être toujours le cas. A l’image de l’article 24 de Loppsi 2 qui prévoit « l’aggravation des

RECETTE FACILE

cherche de façon grossière à séduire une fraction de l'électorat d'extrême droite », s’insurge Robert Rochefort, du Mouvement démocrate sur le site internet du parti, au sujet de Loppsi 2. « Depuis les élections présidentielles de 2002, il y a une sorte d’obsession qui va être incarnée par Nicolas Sarkozy, de faire revenir les électeurs qui ont quitté la droite à partir des municipales de 1983 pour se mettre à voter à l’extrême droite, analyse Philippe Robert, sociologue du crime et de la déviance au CNRS. Le problème c’est que la loi n’est plus prévue pour régler les conduites normales, ordinaires, mais pour répondre à quelque chose

Abécédaire des faits divers transformés en loi Bande : un lycée de Gagny (SeineSaint-Denis) est le théâtre d’une bagarre entre jeunes. Quelques jours plus tard, Nicolas Sarkozy dévoile son plan « anti-bandes ». Cagoule : suite aux incidents survenus à Strasbourg, en marge du sommet de l’Otan en mars 2009, le port de la cagoule lors d’une manifestation est interdit. Hôpital : En novembre 2008, le chef d’Etat annonce une réforme des hospitalisations d’office et un plan de sécurisation des hôpitaux. Un malade mental vient d’agresser un étudiant à Grenoble. Irresponsabilité : Nicolas Sarkozy remet en cause l’irresponsabilité pénale des malades mentaux après avoir reçu les familles de deux aides-soignantes assassinées en décembre 2004 à Pau par un schyzophrène.

peines encourues pour les vols commis à l’encontre de personnes vulnérables » alors que le code envisage déjà la possibilité de condamner à des peines à perpétuité les crimes envers les personnes dites « vulnérables », certaines mesures sont déjà prévues par le droit français. SURENCHÈRE POLITIQUE D’autres viennent simplement confirmer le bon sens général. Ce serait le cas de l’instauration d’un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans par les préfets (mesure également prévue par Loppsi 2), estiment certains observateurs politiques. « Ne pas réagir devant un enfant esseulé la nuit, dans la rue, relève de la non assistance à personne en péril et peut valoir cinq ans d’emprisonnement. C’est déjà dans les textes », commentait ainsi Noël Mamère, le 9 février dernier, lors d’une session parlementaire. « À quelques semaines des élections régionales, et après l'échec du débat sur l'identité nationale, le gouvernement

qui n’arrive que très rarement. » Inutiles, inapplicables et démagogiques, ces textes « émotionnels », tels que la rétention de sûreté ou l’aggravation des peines pour certains types de délinquant sont-ils au moins efficaces ? Pas si sûr… Il suffit de convoquer l’histoire et de se souvenir du discours d’un certain Robert Badinter, à la veille de l’abolition de la peine de mort: « Comment admettre la valeur dissuasive de la peine de mort quand je sais que dans la foule qui criait à Troyes « A mort Buffet », se trouvait un jeune homme appelé Patrick Henry ! » Ce n’est pas Benoît Hurel, secrétaire général adjoint du syndicat de la magistrature qui le contredira. Interrogé sur l’article 24 de Loppsi 2, le magistrat tranche sans équivoque : « une telle loi est criminologiquement contre-productive. Le délinquant ne se réveille pas le matin en lisant le code pénal ». Mais peut-être lit-il les faits divers ! Laurence TEXIER

Pédophile : En août 2007, Francis Evrard viole un enfant un mois après sa sortie de prison. Les conditions de remise de peines pour les pédophiles sont modifiées et la rétention de sûreté instaurée. Récidiviste: Le meurtre d’une joggeuse à Milly-la-forêt en 2009, relance le débat sur la castration chimique des violeurs récidivistes. Sûreté : Nelly Crémel est assassinée en 2005 par un homme condamné à la prison à perpétuité. Le bracelet électronique est mis en place pour les détenus en fin de peine. Vieux : Un couple de retraités est assassiné en janvier 2010, dans l’Oise. Le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux demande une aggravation des peines pour les agressions de personnes « vulnérables ». 35


POLITIQUE

OUTIL CITOYEN

Les baLbutiements de L’e-démocratie

Internet est souvent présenté comme un outil permettant la démocratie. La France est à la traine dans ce domaine, mais des initiatives individuelles tentent de développer le concept d’e-démocratie. L’association Regards Citoyens cherche à combler ce vide avec le site nosdeputes.fr. L’objectif du collectif est de créer un lien plus direct entre les institutions de l’Etat et les citoyens. par François Perrigault et grégory rozières

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oute nouveauté inspire la méfiance. Le site Nosdéputés.fr ne déroge pas à la règle. Cette plate-forme définie comme un « observatoire citoyen de l’activité parlementaire » embarrasse l’Assemblée Nationale. Créé par le collectif Regards Citoyens, ce projet a pour but de faciliter l’accès des institutions françaises aux citoyens : on appelle ça l’e-démocratie. En proposant un rassemblement des données de l’Assemblée, le site a même réussi à mettre en avant l’absentéisme au sein de l’Hémicycle. Une initiative qui n’a certainement pas ravie la plupart des députés. A tel point que deux de ses membres se sont vu refuser en février l’accès à la tri36

bune de presse pour suivre les débats sur le projet de loi Loppsi (Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure). Décision surprenante car l’objectif du site créé le 14 septembre 2009 est d’intéresser les citoyens en rendant lisible le travail de leurs élus. Et ça se sait dans les couloirs de l’Hémicycle. LA PRISE DE CONSCIENCE DES DÉPUTÉS « Dès le lancement, nous avons contacté les députés pour leur expliquer qu’ils pouvaient tirer profit de ce nouvel outil » explique Benjamin Ooghe-Tabanou, membre du duo interdit de tribune de presse et cofondateur du site. Seul retour significatif pour l’instant, des élus joignent régulière-

ment les administrateurs pour leur signaler des erreurs. Comble : elles viennent pourtant à 80% du site de l’Assemblée Nationale car l’ensemble des données sont publiques. La méfiance laisse pourtant place peu à peu à la curiosité. Certains députés comme le socialiste Jean-Patrick Gilles ont même choisi d’ajouter un lien depuis leur site vers la plate-forme pour montrer leur activité parlementaire. Autre signe d’évolution, Benjamin raconte avec amusement : « L’autre jour, alors que j’étais dans la tribune publique de l’Assemblée Nationale, j’ai constaté qu’un député était sur notre site ». Après avoir enregistré 15 000 visiteurs le jour du lancement (voir 25 000 d’après les créateurs, car le site a été hors ligne pendant près de 10 heures), la plate-forme accueille en moyenne 30 000 visiteurs


POLITIQUE

uniques par mois. « On est un peu déçus car la dynamique n’est pas encore lancée » regrette Benjamin. Seulement 700 à 800 personnes sont inscrites, condition sine qua non pour laisser des commentaires. Le débat citoyen voulu par les créateurs reste donc modeste. Mais l’idée est posée : il faut rétablir le lien entre le peuple et ses représentants, c’est ça l’e-démocratie. Pour le moment, la plupart des inscrits sont des militants qui maîtrisent les dossiers. Leurs arguments ont un poids nonnégligeable et Benjamin pense que les députés pourraient s’en servir car ils ont accès à internet dans l’Hémicycle. LA PARCIMONIE DES JOURNALISTES Toujours dans cette idée de mise en relation, la plate-forme communautaire tente de travailler main dans la main avec des journalistes. Dernièrement, avec LePost.fr pour suivre les débats sur le projet de loi Loppsi. Mais aussi avec Lexpress.fr sur le redécoupage électoral ou encore avec Médiapart pour l’étude sur la présence des députés en commission. Etablie sur internet, la relation avec les journaux-papier reste à bâtir. Une association avec Le Canard Enchaîné a été tentée mais le timing ne correspondait pas. Autre problème, le site manque de visibilité dans la Presse Nationale. «Au contraire, la Presse Quotidienne Régionale nous adore. On a déjà fait trois Unes » note Benjamin. Comprenez : les journalistes ont utilisé les données rassemblées sur le site pour écrire un article sur le député local. Cette démarche aidera peut-la plate-forme à se faire accepter comme un outil servant à mener des enquêtes, non pas une pale copie du travail des journalistes comme le redoutent certains (voir encadré sur Yvan Stefanovitch). Regards Citoyens n’a pas que Nosdéputés.fr en tête. Le collectif prépare une base de données pour localiser et centraliser les informations concernant les bureaux de vote. Le plus ? Libre d’accès, cet outil pourra être réutilisé et personnalisé par tout un chacun. Un pas supplémentaire vers l’e-démocratie en France.

OUTIL CITOYEN

Une atteinte au journalisme ? L’écrivain Yvan Stefanovitch ne cesse de mettre en lumière les privilèges de nos hommes politiques. Dernier livre en date dans sa démarche de transparence, « La Caste des 500 » (1). L’ancien journaliste évoque notamment les notes de frais des parlementaires qui s’élèvent à 6 000 euros. Et à la différence de l’Angleterre, c’est légal dans l’Hexagone. Le but d’Yvan Stefanovitch n’est pas de dénoncer, simple-

ment de montrer. Une démarche similaire à celle de Nosdéputés.fr ? Pas pour lui car il voit « la plate-forme comme un instrument de sensationnel ». Il juge facile de se tenir au courant des travaux de l’Assemblée Nationale grâce à internet. L’écrivain le met en opposition avec son travail d’enquête : un an et demi lui ont été nécessaires pour recueillir les informations. Sans internet. F.P.

Député cancre : exemple-type Ce n’est pas le but de l’outil, mais qu’est-ce que c’est drôle. Prenons en un au hasard, d’assez connu, avec une grande gueule.Tiens oui, Jack Lang, ancien ministre, éléphant du PS. Sa page, sur nosdeputes.fr, pourrait faire pâlir le pire des cancres. Le graphique de présence ressemble à s’y méprendre à un encéphalogramme d’huitre. 9 présences (toutes en Commission), 5 interventions, quelques 26 questions écrites… mais quand même, 196 amendements signés ! Ha, en y regardant de plus près –c’est qu’il est pratique ce site-, on se rendra compte que 90% des amendements concernent la réforme des conseillers généraux et territoriaux. De là à dire que ce bon vieux Jack ne s’est déplacé à l’Assemblée que

pour défendre son fief électoral, il n’y a qu’un pas… que nous ne franchirons pas. g.r.

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L’ACCUEIL MADE IN BESSON : PARCOURS D’UN IMMIGRÉ Q uand i l s’ag it de recevo ir, Er ic Besson , notre mini stre de l’ Immigrat ion, ne lé s i n e pa s s u r l e s m o ye n s . I l s o r t m ê m e l e g r a n d j e u . G râc e à s o n av a n t- p ro j e t d e l o i , q u’ i l p ré s e n te r a c o u r a n t m a r s au Co n s e i l d e s m i n i st res, i l env i sage d’amél iorer de façon no t a b l e l e s c o n d i t i o n s d ’a c c u e i l e t d ’ h é b e r ge m e n t d e s é t r a n ge r s s u r l e s o l f r a n ç a i s . Po u r cela , i l a tout prév u, r ien que pour eu x . Au pro g ra m m e : zo n e s d’attente s p éc i a l e s , s ig nat u re d’une char te des droits et devoirs, al longement de la durée de séjour, retour tous f rai s payés… Ce p ro j e t f a i t s u i te à l ’a c c u e i l é p o u v a n t a b l e q u i av a i t é té rés er vé au x 1 2 3 Ku rd es d e Sy r i e

débarqués sur une plage du Sud de la Cor se f in janv i er 2 0 1 0 . Ces d er n i er s , su i te à l’ i nter ven tion des juges des liber tés et de la détention de Mar se i l l e, Nî m es et R en n es , n’ava i ent p u p ro f iter pleinement des centres de rétention. Inaccep tabl e, sel o n Er i c B esso n. Q u e réser ve - t- i l au x sans - pap i er s d e d ema i n ? Imag i n o ns l e parco u r s d e Jean - Char l es , i m m igré venu tout dro it d’un pays lo intain. Dès son ar r i vée en Fran ce, i l p o u r ra b én é f i c i er d es serv i c e s o f f e r t s g r a c i e u s e m e n t p a r l e go u v e r n e m ent et su r to u t par B esso n , m i n i st re au g ran d cœu r ! par Laura BéheuLière

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Signature d’une charte Si un jour Jean-Charles souhaite obtenir la nationalité française, il devra, entre autre, signer une Charte des droits et devoirs devant une autorité publique, comprise dans le « contrat d’accueil et d’intégration des étrangers », une sorte de pack pour bien réussir son séjour. Cela lui permettra, d’après Eric Besson, de « mieux connaître les valeurs de la République », de « cultiver [sa] fierté d’être Français » et surtout, de renforcer son intégration !

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Allongement de la durée de rétention et limitation des pouvoir du juge des libertés Une fois sur place, Jean-Charles aura la chance de pouvoir prolonger son séjour dans sa cellule collective. Eric Besson espère en effet, si son avant-projet de loi est accepté, allonger la durée maximale du placement en rétention de 32 à 45 jours. Le juge des libertés, qui doit se prononcer sur le maintien ou non en rétention d’un étranger, interviendra uniquement 5 jours après l’arrivée de JeanCharles, contre 48h actuellement.

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Zone d’attente spéciale étrangers A son arrivée en France, après plusieurs mois d’u vers l’Europe ou l’Afrique, Jean-Charles pourra zone d’attente spéciale créée rien que pour lui, à p d’entrée sur le territoire français. Il profitera ainsi d de l’administration, qui ne le laissera jamais seul, le une demande de droit d’asile si jamais l’idée lui e estime que les zones actuelles (dans les gares, por sont bien trop petites et qu’ « il n’est pas possibl lieux de rétention respectant les normes en vigu d’un lieu d’interpellation. » Attentionné, ce cher m lui, la zone spéciale pourra s’étendre à toute la Fra


Les entreprises paieront les frais de réacheminement Eric Besson veut aussi renforcer les droits des travailleurs étrangers. En clair, si Jean-Charles est employé au black, c’est son patron qui en tirera les conséquences et devra fermer boutique à titre provisoire, pour une durée ne pouvant excéder 6 mois. Mais surtout, c’est lui qui paiera le billet retour. Pratique pour Besson, comme pour Jean-Charles !

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un road trip à trabénéficier d’une partir de son lieu de la surveillance temps qu’il fasse en prend. Besson rts et aéroports), le de trouver des ueur à proximité ministre. Grâce à ance !

Accélération du processus d’éloignement Si Jean-Charles est pressé de rentrer chez lui, pas de problème, Besson lui facilite la tâche et raccourci les délais d’attente ! Selon le cadre législatif actuel, un étranger soumis à une mesure d’expulsion dispose de 30 jours pour déposer un recours devant le tribunal administratif. Désormais, l’autorité administrative pourra réacheminer Jean-Charles « sans délai ». Il aura alors 48h pour déposer un recours.

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Interdiction de retour sur le territoire français Une fois Jean-Charles rentré chez lui, Eric Besson ne le laissera pas tomber. Toute personne ayant fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire pourra être interdite de revenir en France pendant une période pouvant aller jusqu’à 3 ans, voire 5 ans si l’interdiction n’est pas respectée. De quoi laisser largement le temps à JeanCharles d’économiser pour un prochain voyage !

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SOCIÉTÉ

REPORTAGE

Sur le rail

avec

Le métro parisien est considéré comme le cinquième endroit au monde le plus touché par le vol à la tire ou le « pickpocketing ». Alors que nombreux sont ceux à garder une certaine brutalité dans leurs pratiques, d’autres, plus discrets, ont une véritable organisation. Une journée au cœur d’un réseau. Texte : Alan de SilveSTri - Photo laura Béheulière 40


SOCIÉTÉ

REPORTAGE

les

pickpockets

G

are de Reims, aux alentours de 8 heures du matin. Comme chaque semaine, Ben, 19 ans, arrive clope au bec, chaudement habillé et attend son TGV de 8h15. Direction Paris. L’allure soignée, simplement muni d’un sac en bandoulière qu’il tient constamment contre sa jambe, le jeune homme est organisé. Voire maniaque. Son billet ? Ben l’a acheté avec sa carte 12-25 plusieurs mois à l’avance, et c’est comme ça pour chacun de ses voyages. Car pour lui, voyageur inconditionné, « hors de

mois, il a l’air vraiment assagi. Je pense qu’il a compris que c’était plus agréable de vivre dans les règles. Il a dû trouver un travail qui le motive pour faire les allers-retours constamment. » C’est le moins que l’on puisse dire. Concernant sa remise en question, le « gamin » n’a pas emprunté exactement la voie la plus réglementaire. Non, Ben n’est pas un jeune représentant commercial fraîchement embauché qui fait ses débuts dans la capitale. Il est pickpocket. Et le métro parisien est son terrain de chasse. Portable à la main, il fixe ses rendezvous avec ses collègues par SMS durant les quarante-cinq minutes de voyage, détermine le circuit qu’il empruntera aujourd’hui pour rentabiliser au mieux ses nombreux déplacements. Véritable « activité professionnelle » selon lui, le vol est devenu un pleintemps et sa source de rémunération

Pour lui, il ne faut pas attendre que le salaire tombe à chaque fin de mois, il faut aller le chercher. Alors toutes les semaines, le Rémois fait jusqu’à quatre aller-retours pour « nourrir la tribu » et mettre de l’argent de côté pour… « plus tard ». Arrivé gare de l’Est, il change d’allure : il a un planning à respecter. Sur un rythme soutenu, il rejoint la ligne 7 du métro pour y retrouver ses nombreux complices. Comme à chaque fois, Ben rejoint d’abord Marco, français d’origine italienne au style branché et au large sourire. Il est 9h40. Le métro est bondé. Tout est en place : les deux acolytes peuvent passer à l’action. « On choisit toujours le même type de personnes. Quelqu’un de trente à cinquante ans qui montre qu’il a de l’argent et qui est susceptible d’avoir du liquide sur lui, décrivent les compères. Nous ne nous attaquons jamais à des personnes âgées ou d’autres

Les deux jeunes repèrent deux hommes aux critères idéals. Les costards-cravates, Ben et sa bande adorent ça. question de manquer le travail ». Le temps de regarder si tout est en ordre dans sa besace et, quelques minutes plus tard, il s’installe en seconde classe après avoir consciencieusement composté son titre de transport. C’est là que son « travail » débute. Alors que le chef de bord lui demande, sourire en coin, de présenter son billet, l’intéressé répond poliment : « tout est en ordre m’sieur ! », carte et billet à l’appui. Les contrôleurs de la SNCF et de la RATP le connaissent bien. Et pour cause. « C’est un gamin qui a eu quelques soucis avec nous il y a quelque temps parce qu’il n’avait pas toujours ses billets, explique le chef de bord. Mais depuis plusieurs

première depuis deux ans déjà. « Avant, j’avais du mal à apprendre les techniques des plus grands pickpockets. Mais lorsque je me faisais prendre par la sécurité ou la police, je ne risquais pas grand chose étant donné que j’étais mineur, explique Ben. Aujourd’hui c’est différent, je prends moins de risques et j’ai plus d’expérience (rire). » Pourtant titulaire d’un bac technologique qu’il a passé en candidat libre l’an dernier, il ne voulait en aucun cas « se fondre » dans la masse sociétaire. Avait-il d’autres ambitions professionnelles ? « C’est ma philosophie de la vie », tranche Ben. On n’en saura pas plus.

personnes en faiblesse. » Si les cibles restent plus ou moins les mêmes, les techniques du « vol artistique » - comme aiment l’appeler les pickpockets - sont aussi diverses que bluffantes. Quelques minutes après avoir jeté un rapide coup d’œil autour d’eux, les deux jeunes repèrent deux hommes aux critères idéals. Les costards-cravates, Ben et sa bande adorent ça. Après avoir filé sa future proie, Ben peut s’adonner à sa technique favorite : « le coup de la manche », qui consiste à fouiller les poches en faisant mine de chercher quelque chose dans son propre veston. Á condition qu’il y ait assez 41


SOCIÉTÉ

de population pour que cela passe totalement inaperçu. Sur ce coup-là, la victime n’y voit que du feu. Quelques minutes plus tard, le quinquagénaire se rendra compte que ses poches sont désormais vides. « Le mieux est de se positionner sur le côté de la personne et d’attendre que le wagon soit assez rempli

REPORTAGE

pockets, non retenus dans les statistiques officielles de la délinquance. En revanche, lorsque Ben se sent en totale confiance, impossible de dire où il va s’arrêter. Outre l’argent liquide - son principal intérêt -, il s’intéresse aussi, mais beaucoup plus prudemment, aux objets tendance (Mp3, mobiles der-

temps. Au moment de faire les comptes durant les vingt minutes de pause déjeuner, les pickpockets comparent leurs butins. Avant qu’une quinzaine de jeunes - tous liés au même réseau - ne les rejoignent pour définir les zones de chacun pour les prochaines heures. Plus les complices sont répartis, plus les

Ne jamais fixer le regard d’un homme qui pourrait être un agent pour commencer à chercher. Cela fonctionne 9 fois sur 10 », affirme Ben, dépliant un billet de cinquante euros fraîchement dérobé. La journée commence plutôt bien. Pas question de s’arrêter en si bon chemin. Après avoir salué Marco, parti dans son secteur et qu’il croisera plusieurs fois dans la journée en total anonymat, Ben change de ligne. « C’est important de ne jamais rester dans les mêmes coins trop longtemps. Les agents de la brigade en civil sont partout et vous repèrent très rapidement. » Alors pour éviter toute interpellation, le « tireur » fuit, se fondant dans la foule sans jamais se retourner. Le plus important pour lui est de ne pas laisser le temps à la mémoire visuelle d’un agent de le photographier. « Ne jamais fixer le regard d’un homme qui pourrait être un agent », c’est le meilleur moyen d’engager une filature. Si les autorités sont aux aguets, difficile pour eux d’évaluer le nombre réels de pick-

l e s 1 0 par a di s de s pic kpo c ke t s 1 Le secteur piéton (Las Ramblas) de Barcelone (Espagne) 2 Le Panthéon et la fontaine de Trévise à Rome (Italie) 3 Le pont Charles de Prague (Slovaquie) 4 Le marché aux puces El Rastro, le métro et les musées à Madrid (Espagne) 5 Le métro à Paris (France) 6 La place du David de Michel-Ange à Florence (Italie) 7 Le quartier rouge d’Amsterdam (Pays-Bas) 8 Le marché de Buenos Aires (Argentine) 9 Le Parthénon d’Athènes (Grèce) 10 Le vieux quartier d’Hanoi (Vietnam) 42

nière génération, Palm…). Pour cela, Ben adopte généralement la technique de la légère bousculade. « C’est plus pratique de faire semblant de tomber pour obtenir quelque chose d’un sac à main car la personne en question a le réflexe inconscient de vouloir nous retenir, précise-il. Mais quand les sacs sont bien tenus contre le corps, on peut très bien se servir des mêmes méthodes que pour les poches. » Justement, après quelques tentatives vaines durant près de trois quart d’heure, nouveau coup de la manche… mauvaise pioche. Ce qui ressemblait fort à un Palm n’était en fait qu’une calculatrice. « Revendable » mais beaucoup moins prisée que la plupart des objets hi-tech. D’autant que Ben et ses amis ne sont pas de grands adeptes de la revente car « on ne sait jamais sur qui on peut tomber. » Durant la matinée, lui et Marco ont récolté à eux deux pas moins de 250 euros, le tout en trois heures et demi de

gains individuels sont importants. Parmi eux, les plus âgés donnent les conseils et précisent les endroits où la Brigade de Répression du Banditisme (BRB) rôde. C’est le cas de Geoffrey dit « Jeff » qui sévit depuis quatre ans et connaît le métro dans ses moindres recoins. Souvent arrêté mais jamais emprisonné, l’homme de 25 ans connaît les astuces et enseigne quelques pratiques. «Il faut se dire que la BRB est partout, mais sans entrer dans la paranoïa. Sinon, il faut changer de travail, explique Jeff, grand adepte des techniques de gestuelle. Il y en a. Mais les trois principales restent le vol à la tire en allant droit au but et en courrant très vite, le coup de la manche et le vol à deux qui consiste à détourner l’attention pour qu’un complice puisse faire les poches rapidement. Mais dans ces cas-là, c’est fiftyfifty », précise Jeff. Selon lui, dans le maniement, Ben fait d’ailleurs partie « des meilleurs ». Comme si l’aîné se devait de déterminer un classement des plus grands espoirs… En attendant, l’heure tourne et Ben doit reprendre du service. Son TGV retour est prévu à 17h27 et « il est déjà 13h30 ». Les 130 euros empochés en moins de quatre heures durant la matinée ne lui suffisent pas. D’autant que cet après-midi, les journaux ont annoncé un risque de perturbation, qui pourrait bien entraîner quelques mouvements de foule. L’occasion idéale pour Ben qui, en plus, semble avoir vu juste. Il enquille les kilomètres de marche dans les longs couloirs du métro et continue à engranger, profitant de la surpopulation. Ben enchaîne les prises, multiplie les sournoiseries en jonglant entre petites bousculades et coups de la manche. Avant que Marco, avec qui il commence à parfaitement manier le vol à deux, ne le rejoigne en fin de journée. Les deux jeunes hommes encaissent durant plus d’une heure. La somme est désormais suffisamment conséquente pour ne plus prendre de risques. Mais à quelques minutes de son retour vers la Gare de l’Est où son train l’attend, Ben,



SOCIÉTÉ

la mine innocente, demande sa route à un inconnu. Très serviable, le touriste anglosaxon ne se doute pas une minute de ce qui l’attend. Et lorsqu’il ouvre son sac pour en déplier un plan de Paris, Ben détourne son attention en lui désignant du doigt une direction qui pourrait être la bonne. Le signal donné, Marco entre en scène et subtilise, en un rien de temps, le portefeuille garni qui dépassait de quelques centimètres à peine de la poche avant de la sacoche du Britannique. Réactif, celui-ci entame une poursuite de quelques dizaines de mètres, avant de renoncer, handicapé par le poids de ses trois bagages. Revenu sur ses pas, il demande alors à Ben, resté sur place « si c’est souvent comme cela en France ». Le pickpocket

REPORTAGE

lui répond : « Non, seulement à Paris… je suis vraiment désolé pour votre portefeuille. » Le stratagème est parfait. Quelques instants plus tard, Ben partagera « le pactole » avec Marco, posté à

la Gare de l’Est après son sprint. Ce soir-là, le Rémois rentera chez lui avec plus de 300 euros, soit 50 euros par heure. Ses parents, précise-til, ignorent tout de ses périples sous-terrains. Comment dépense-til son argent ? Quels sont ses rapports familiaux ? Par précaution, Ben n’ira pas plus loin sur sa vie en dehors du métro, soucieux de préserver ceux qui lui sont chers. L’injustice ? Le Rémois en est conscient, à l’heure où une bonne partie de la population active gagne moins en une semaine de travail. Sur le retour, il avouera parfois avoir peur de l’arrestation car « ce n’est pas quelque chose qu’il faut faire toute sa vie parce qu’on se fait automatiquement avoir au bout d’un moment. »

Interview

« anticiper les nouvelles techniques » Ancien agent de la Brigade de Répression du Banditisme, aujourd’hui responsable de plusieurs arrondissements de Paris, Michel Pellaux admet que certains réseaux sont tellement discrets qu’il n’est vraiment pas évident de les identifier. Mais pour lui, c’est juste une question de temps. Les pickpockets sévissent toujours autant voire plus qu’il y a quelques années dans le métro, comment expliquez-vous ce phénomène ? Le souci vient du fait qu’ils se diversifient de plus en plus. Il y a quatre-cinq ans, les pickpockets avaient tous plus ou moins le même profil. Aujourd’hui, il existe des réseaux de jeunes et de moins jeunes avec des styles vestimentaires totalement différents. De surcroît, il y à ceux qui travaillent constamment en solitaire. Cela fait donc beaucoup plus de critères à prendre en compte lorsque l’on est sur le terrain. Leurs méthodes ont en plus évolué, quelle est la meilleure manière de les appréhender ? Ceux dont les techniques sont nouvelles sont les plus 44

dangereux car ils sont imprévisibles. Le plus difficile est d’anticiper leurs faits et gestes. Pour cela, on suit le tireur suspect afin de s’assurer qu’il est vraiment là pour commettre un vol. Le pire c’est lorsqu’ils se font passer pour des policiers civils et prétextent un contrôle policier pour fouiller leurs victimes. Cela nous met vraiment en rogne. Mais tout est une question de temps même si quelquefois, tout comme eux, on patiente pour ne rien en tirer au final. Ce qui est certain c’est que tôt ou tard ils se feront avoir. La BRB a-t-elle dû revoir ses mesures d’intervention ? Depuis trois ans, nous sommes en effet plus nombreux sur les lignes du métro. Même si cela ne se voit pas forcément. S’ils changent de technique, nous aussi. Le plus dur est d’anticiper ces nouvelles techniques Mais nous avons beaucoup plus d’agents en civil et cela a fait la différence l’année dernière car nous avons quasiment triplé nos interventions. Et 85 % d’entre elles se sont transformées en arrestations, même pour les mineurs car la plupart d’entre eux étaient des récidivistes.



SOCIETE

D’UN SEXE A L’AUTRE

Transsexualité : nouvelle identité

L

e transsexualisme avance vers la reconnaissance. Jusqu'à maintenant on n’en parlait pas, presque un sujet tabou en France. Et là, deux publications successives se sont penchées dessus. Tout a commencé avec un décret paru au Journal Officiel le 12 février dernier, qui a fait de la France le premier pays d’Europe où le transsexualisme n’est plus considéré comme une maladie mentale. Et, quelques jours après, la Haute autorité de la santé (HAS) a suivi le pas en publiant un rapport évoquant la situation actuelle. Intitulé « Situation actuelle et perspectives d’évolution de la prise en charge médicale du transsexualisme », le rapport a déçu malgré certaines bonnes intentions. Si les personnes transsexuelles saluent la volonté de réduire le délai d’attente entre l’opération et le changement sur l’état civil, ils se sont inquiétés de certains pré-

Un rapport a été publié par la Haute Autorité pour la Santé (HAS) le 19 février. Il arrive peu de temps après que la France ait enlevé cette pathologie des maladies mentales. Mais la situation juridique et médicale des transsexuels reste floue. jugés persistants et de situations humiliantes. Ce texte propose, qu’après une évaluation psychologique de plus de six mois, les candidats passent une année dans la peau du sexe opposé avant de pouvoir prétendre à l’opération. Aussi bien le décret du 12 février que le rapport de la HAS montrent le flou juridique et médical qui entoure les transsexuels. Jusqu'à présent, la définition est uniquement clinique et les facteurs réels ne sont pas encore connus. Seules certaines causes familiales ou génétiques sont

Dernière Marche des fiertés à Paris le 27 juin 2009

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quelquefois invoquées. Une avancée relativement sans conséquences pour leur quotidien. A un détail près quand même. La fin de la reconnaissance de cet état comme une pathologie mentale inquiète les transsexuels pour le remboursement des soins. Ils appartiennent maintenant aux maladies rares. Donc, ils ne sont plus des malades mentaux mais ils sont des malades quand même. Une situation qui se veut moins discriminatoire pour que le transsexualisme ne soit plus aux côtés de la schizophrénie. « Il s’agit avant tout d’une évolution de la société et d’une nouvelle reconnaissance pour les personnes transsexuelles. Avant les homosexuels étaient aussi considérés comme une grave déviation », précise le Dr Gérard Tixier, psychiatre, psychothérapeute et sexologue au service d’urologie du CHU Henri Mondor de Créteil (94). Actuellement, le transsexualisme est décrit comme un trouble de l’identité, il apparaît toujours dans le DSM 4 –livre qui répertorie les critères de diagnostic des maladies mentales. « Ce trouble de l’identité sexuelle peut être associé à divers troubles et peut entraîner suicide et dépression. Il apparaît toujours dans le chapitre des perversions dans la nouvelle édition du DSM. Je pense qu’un suivi par un psychologue reste quand même nécessaire pour les personnes qui ne vivraient pas bien cette situation », affirme Richard Breux, psychanalyste et sexologue à Fontainebleau (77). Le parcours de soins des transsexuels reste compliqué, heurté souvent à des préjugés et à des délais d’attente interminables. « Le transsexualisme n’est pas toujours définitif. Certains hommes vivent des épisodes pendant lesquels ils se déguisent mais cela peut ne pas durer. Ces hommes retrouvent souvent leur sexualité initiale», décrit Richard Breux. La simplification du parcours pour être transsexuel n’est pas pour demain. Mais, pour une fois, la loi semble avoir devancé les mentalités. Johanna AMSELEM


SOCIÉTÉ

D’UN SEXE À L’AUTRE

«

Je me suis sentie très vite différente. J'ai dû jouer un rôle mais je savais que je devais avoir un comportement en adéquation avec ma représentation physique »

Mauvais genre Camille Joséphine Barré est une militante transsexuelle. Membre du Parti Communiste français, elle se bat depuis 2005 pour une société plus équitable.

C

arré auburn parfait, lunettes rouges rectangulaires, des yeux d’un bleu perçant et sourire aux lèvres, Camille Joséphine Barré est attablée dans une brasserie de Rueil Malmaison (92). Aujourd’hui, cette salariée de la bibliothèque municipale connue de tous, est enfin une femme épanouie. Camille et Joséphine : des prénoms qui n’ont pas été choisis au hasard mais qui portent tous les deux une empreinte sentimentale très forte ; « Camille est le deuxième prénom d’une ancienne compagne qui a beaucoup compté pour moi et Joséphine est celui de ma maman aujourd’hui disparue ». A 51 ans, cette militante du Parti Communiste Français parait avoir trouvé son équilibre même si tout ne semble pas avoir été toujours aussi simple pour cet esprit féminin né dans un corps d’homme. « Enfant, j’ai très vite compris que je ressentais tout comme une petite fille mais que je n’étais pas représenté comme telle. Je jouais un rôle dans ma vie quotidienne mais mes activités étaient très différentes de celles de mon grand frère

» raconte-t-elle, en croquant dans son hot dog brûlant. Ce jeu de rôle, elle explique l’avoir mené pour honorer ce qu’elle devait être et surtout pour ne jamais laisser paraître ce qu’elle était intimement. « Je me suis interdit toute une série de bon plans avec des filles canons. Vers 14 ans je me souviens de l’une d’entre-elles qui m’avait deviné à travers mon comportement ». Elle a attendu jusqu’en 1998 pour suivre le protocole classique et devenir entièrement cette femme toujours ressentie. « L’opération a été la touche finale. Elle m’a aussi permis d’acquérir une identité sociale en accord avec mon apparence mais elle ne m’a pas été nécessaire pour me sentir une vraie fille», un changement de patronyme impossible tant que l’opération n’était pas réalisée. Son entrée en politique n’est pas le fruit du hasard. En 2005, femme aux yeux de la loi, elle tente de se marier avec Monica –née Benito Martin Leo- personne transgenre non opérée et donc de sexe masculin pour l’état civil. Une union légalement possible. C’est alors qu’elle croise le chemin de M. Patrick Ollier, maire de Rueil-Malmaison, qui s’oppose à ce mariage en l’accusant d’at-

titude provocatrice et de militantisme. Certainement une façon quand même de faire réfléchir l’opinion. Un déclic pour cette révoltée des injustices. « Je comptais m’engager plus tard mais ça a tout bouleversé. Ces personnes censées nous représenter nous méprisent. Le PC n’est pas un hasard, c’est juste le parti le plus proche de mes convictions et un parti qui porte aussi les revendications de la LGBT -Lesbian, Gay, Bisexual and Transgendered people ». Même si elle juge symbolique le retrait du transsexualisme de la liste des maladies mentales, elle attend que le ministère de la santé accepte de changer l’état civil des personnes non opérées. Quand elle se replonge dans ses souvenirs, c’est toujours avec humour et dérision que Camille parle de sa vie. Pour elle, l’humour est « l’élégance du désespoir » car, plutôt pessimiste, elle voit son bonheur entaché par le malheur de certains. Camille Joséphine Barré est une femme tendre mais elle aime rappeler, entre deux blagues, qu’elle n’en est pas pour autant une femme faible. Une femme lucide assurément. J.A.

La définition du « transsexualisme » par l’OMS : « Désir de vivre et d'être accepté en tant que personne appartenant au sexe opposé. Ce désir s'accompagne habituellement du souhait de transformer son corps pour le rendre aussi conforme que possible au sexe préféré, et ce grâce à la chirurgie ou à un traitement hormonal. L'identité de type transsexuel est présente, de manière persistante depuis au moins deux ans. Le trouble n'est ni un symptôme d'un autre trouble mental tel qu'une schizophrénie ni associé à une anomalie chromosomique. » 47


ÉCOLOGIE

MILITANTISME

Le clan du neon

que la lumiere

ne soit plus

Depuis 2007, des petits groupes d’activistes s’attaquent aux enseignes lumineuses des rues commerçantes des grandes villes de France. Rendez-vous a été pris avec ces très pacifistes membres du "Clan du néon" dans le quartier Saint-Michel de Paris, le 17 février dernier.

L

a nuit est tombée depuis longtemps, et devant les vitrines des magasins qui envahissent ce quartier du centre de la capitale, deux individus coiffés de perruques fluo profitent de l’obscurité pour se faire la courte échelle. Hissé par son collègue, l’un des

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deux abaisse le levier d’un petit boîtier situé sur la façade d’une agence bancaire. Instantanément, les néons de l’enseigne s’éteignent et l’agence tombe dans l’obscurité la plus totale. Leur objectif : réduire la consommation d'électricité engendrée par les enseignes lumineuses, limiter la pollution visuelle et partir en guerre contre la publicité imposée. S’ils ne sont que trois ce soir là, le «Clan du

néon » de Paris réunit une vingtaine d’individus au total. La plupart sont étudiants, membres ou sympathisants des mouvements «Chiche» (association française de jeunes écologistes alternatifs solidaires) et « Sortir du nucléaire ». Les contacts se font le plus souvent par mail, par le bouche-à-oreille ou via des blogs spécialement dédiés aux "Clans du néon" qui fleurissent un peu partout en


ÉCOLOGIE

MILITANTISME

France. « Le mouvement est parti de Paris en voiture de police un soir. Ils nous ont simple2007. Il y en a maintenant dans une quaran- ment conseillé de ne rien dégrader ». taine de villes », explique l'un d'eux. « L'esprit Depuis la création du concept, seul les memest le même partout : politique et ludique. Notre bres du Clan du néon de Lyon ont été emobjectif est de montrer que c'est inutile de laisser menés au poste. Résultat : deux heures de des enseignes allumées en pleine nuit, alors qu'il garde à vue, sans amende ni poursuite. Il n'y a personne dans les rues. Nous sommes déjà faut dire qu’on est loin des actions très «encontre le matraquage publicitaire, mais c’est gagées» des arracheurs de maïs transgéd’autant plus dommage quand ils gaspillent bê- nique. Sans masques, ni cagoules. Ils tement de l'électricité ! » traversent la ville à visage découvert. Et filDeuxième cible de la soirée : une agence de ment même leur virée nocturne pour alivoyage du sixième arrondissement. Le menter leur blog. « Nous n'avons rien à groupe repère le boitier en plastique au des- cacher, nous voulons juste développer la résus de la flexion sur vitrine, et l e s passe à consomContre l'action. Le mations le matraquage néon est inutiles et éteint dans la pollupublicitaire, mais c’est un grand tion vid’autant plus dommage quand suelle ». cri de joie. Au sui- ils gaspillent betement de l'electricite A p r è s vant. Il y d e u x en aura 53 heures à dans la soirée. Magasins, banques, une parcourir au hasard les rues de la capitale, agence d'assurance, deux cinémas... Les cen- le groupe de trois à déjà emmené une ditres commerciaux et ses enseignes gigan- zaine de curieux avec lui, davantage entraîtesques sont également souvent prisés par le nés par les effets de l’alcool que par des groupe. En partant, le « Clan du néon » convictions écologiques. L’ambiance reste signe son passage en collant un petit texte bon enfant et la soirée se termine finaled’explication et l'adresse du blog sur les boi- ment dans un café. Le plus haut fait d’armes tiers. du clan après la centaine d’actions menées « C’est pour les commerçants qui veulent com- depuis trois ans ? L’extinction du néon des prendre notre action » précise un membre du Galeries Lafayette au sommet du bâtiment clan. Quant aux patrouille de police rencon- du Boulevard Haussmann. Leur plus lumitrées lors de ces rivées nocturne, elles sont neuse réussite. par Vincent Girard plutôt conciliantes. « Nous avons croisé une

L e cl a n d u n eo n Naissance du mouvement : En juillet 2007 à Paris. Des groupes ont été montés à Lyon, Nantes, Rennes, Lille, Toulouse… Impact sur la consommation d’énergie : Un néon consomme environ 50 W/H/mètre linéaire. Mais la consommation varie en fonction de la taille de l’enseigne, de la durée d’allumage… L’acte est donc davantage symbolique qu’efficace en matière d’économie d’énergie. Leur éthique : Ne jamais éteindre l’enseigne d’un magasin ouvert ou de garde comme les pharmacies. Quels sont les risques juridiques ? Si ce genre d'action peut être considéré comme une dégradation de bien public, passible de 1500 euros d'amende, la police reste plutôt conciliante avec ces activistes. « Éteindre des vitrines n'entraîne aucun dégât puisqu'il suffit de relever la manette pour que l'enseigne se rallume » précise un membre du clan.

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INTERNET

E-réputation

Soignez votre image sur internet Et un dE plus ! GooGlE viEnt dE lancEr GooGlE Buzz, lE nouvEau résEau social qui sE vEut concurrEnt dirEct dE twittEr ou FacEBook. chaquE jour, dEs milliErs d’inFormations concErnant dEs particuliErs sont dévErséEs sur lE nEt. Et quElquE Fois lEs conséquEncEs sont plutôt FâchEusEs. par Marie Koenig

P

armi les nombreuses victimes de leur « e-reputation », on trouve cette quinquagénaire qui monte son entreprise dans l’artisanat et voit ressurgir de sombres vidéos pornographiques qu’elle avait tournées dans sa jeunesse. Difficile alors de rester crédible vis-à-vis des clients ! Elle commence à prendre conscience qu’elle ne maîtrise plus du tout son image. Pas plus que ce haut fonctionnaire dont l’appartenance à la franc-maçonnerie a été dévoilée, ou ce dirigeant d’entreprise qui a été vu à l’étranger avec le meneur d’un groupuscule islamiste. Toutes ces personnes sont clientes d’Infostratège. Cette société d’un nouveau genre est précurseur en France. Infostratège, Netino ou Reputation Squad… toutes ces compagnies ont été créées entre 2002 et 2007, pour aider les entreprises à filtrer les informations indésirables qui fleurissent, à leur sujet, sur Internet. A mi-chemin entre le conseil juridique et le marketing, ces équipe sont pluridisciplinaires : elles ont une dimension technique, rédactionnelle mais aussi procédurale.

Ne faut-il pas pour autant s’en méfier ? Ces compagnies, même si elles se targuent de faire appliquer la loi, ne seraientelles pas susceptibles de devenir de véritables instruments de propagande ? Pour elles, une veille informatique quotidienne est nécessaire, pour « nettoyer le web ». « Un million de messages sont lus chaque mois, explique Jean-Marc Royer, le président de l’entreprise Netino, et 100 000 d’entre eux sont supprimés ! » Soit, environ 10% ! Ces entreprises créent également du « contenu pertinent » pour leur client qu’elles référenceront de telle sorte qu’ils apparaitront dans les premiers lors d’une recherche sur le net. « C’est un meilleur reflet de leur carrière, mis à jour » se défend Albéric Guigou, co-fondateur de Reputation Squad. C’est sûr, ces nettoyeurs du web ont les moyens nécessaires pour faire remonter les informations qu’elles ont choisies ! Alors,

simple communication d’entreprise ou propagande ? Le phénomène est nouveau et personne ne souhaite s’exprimer sur le sujet. Lucie Morillon, responsable du bureau Internet et Libertés de RSF relève tout de même que « si aujourd’hui, aucune position n’est prise sur le sujet, ce n’est pas exclu de le faire dans le futur. » UN MARCHÉ PORTEUR ? Le budget investi par une entreprise pour son e-reputation est extrêmement variable. Jean-Marc Royer, qui a travaillé pour Auchan ou Cartier explique que les clients peuvent verser de 1000 € à 30 000 € par mois. Albéric Guigou souligne que des particuliers peuvent aussi être clients pour 29€. Un marché d’autant plus porteur qu’il a de l’avenir. « L’image d’une entreprise peut être ternie par des éléments de réputation négative – comme c’est le cas

« s’il apprend que vous avez changé cinq fois de copain dans la même année, est-ce que cela ne risque pas de donner une mauvaise idée de vous à votre employeur ? »

L’e-réputation en chiffres Faut-il investir pour gérer son e-reputation ? C’est la question sur laquelle se penchent la plupart des chefs d’entreprise aujourd’hui. 8 bonnes raisons de penser qu’ils n’ont pas tort : - 68 % des français considèrent qu’Internet est le média le plus influent - plus de 66% des entreprises françaises considèrent que le web 2.0 est bon pour son référencement ou son image de marque - 35 fois plus efficace : une campagne réalisée sur les médias 50

sociaux est plus efficace qu’à partir de bannières ou d’e-mail - 1 recherche sur 4 sur une marque aboutit à un contenu créée directement par un usager - 75% des utilisateurs web 2.0 ont l’habitude de consulter les avis des autres consommateurs avant d’acheter - 44% d’entres eux n’achèteront rien à cause de ce qu’ils ont lu -13 % des internautes ont l’habitude de regarder l’avis des salariés qui travaillent dans l’entreprise dans laquelle ils veulent postuler.


intErnEt

E-réputation

L’armada juridique au nom de la liberté d’expression, on voit apparaître sur le net toutes sortes d’informations, parfois fausses ou mensongères. pourtant, il existe toute une armada juridique pour se protéger contre ces agissements. Quelques pistes : pour la diffamation ou les injures- mais aussi simplement des éléments d’identité numérique laissé par soi-même dans le passé » souligne Didier Frochot, le juriste d’Infostratège. Les réseaux sociaux ou les blogs livrent une quantité d’informations pas forcément dépréciatives, mais qui peuvent tout de même nuire aux personnes visées. « L’exemple est simple, relève Didier Frochot, s’il apprend que vous avez changé cinq fois de copain dans la même année, est-ce que cela ne risque pas de donner une mauvaise idée de vous à votre employeur ? » Toutes ces informations peuvent être un frein lors d’une recherche de travail, mais aussi pour trouver des investisseurs, des clients, voire des employés. Les chiffres, à ce sujet, sont assez paradoxaux : 74 % des salariés pensent

qu’il est facile d’endommager la réputation d’une entreprise sur Internet. Pourtant 60 % d’entre eux déclarent ne pas s’autocensurer sur ces sites, en dépit du risque encouru pour leur avenir professionnel. Pire ! 15 % seulement des dirigeants d’entreprise se sentent préoccupés par le problème. « On sera de plus en plus sollicité, car Internet progresse tous les jours et le nombre de messages postés aussi » se félicite Jean-Marc Royer qui ne croit pas que les internautes vont s’autocensurer. Quant aux entreprises qui souhaitent apprendre à gérer toutes seules leur e-reputation, une formation leur est dédiée le 1 et 2 mars, au siège de la Serda dans le 9e arrondissement à Paris. Gageons qu’elles ne seront pas nombreuses.

- La présomption d’innocence (a. 9 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen)

- La diffamation et injures : article 29 de la loi du 29/07/1881 sur la liberté de la presseet la discrimination raciale : a. 32 de la loi de 1881. Limite : ne concernent que les personnes physiques. il faut saisir la justice dans les trois mois suivants la publication de tels propos.

- La provocation au suicide (a. 223-13 à 15-1 du code pénal) ou le délit de fausse bonne nouvelle (a. 27 L 1881)

- Le droit à l’oubli (le débat a été lancé récemment par la Secrétaire d’Etat nathalie Kosciusko-Morizet)

nB : on ne peut agir qu’à posteriori, soit en faisant supprimer les données (en anonymisant des informations par exemple), soit en exerçant son droit de réponse (a 614 de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance en l’économie numérique).

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MEDIAS

EUROPE

Le parlement européen

LE PARADIS DES JOURNALISTES Au Parlement européen, les journalistes sont rois. Tout est fait pour qu’ils se sentent bien et travaillent dans les meilleures conditions. De quoi douter de leur impartialité…

S

oixante-dix millions d’euros. C’est le budget communication du Parlement européen. Pour comparaison, les dépenses dédiées à la communication à l’Assemblée nationale s’élevaient à environ 3 millions d’euros en 2008. Rien à voir. La somme couvre la gestion du site internet, l’organisation de séminaires, la communication à destination des citoyens, mais aussi l’accueil des journalistes au sein du

Parlement. Et vu les avantages offerts à ces derniers, la part leur étant dédiée doit être impressionnante, à tel point que les responsables affirment ne pas la connaître. Car le Parlement européen, c’est le paradis du journaliste. Ici, tout semble avoir été conçu pour lui. Les salles de travail ne se situent pas au bout d’un escalier étroit et sinueux comme à l’Assemblée Nationale, mais au cœur même du Parlement, avec tout le confort possible. « Il y a 250 postes de travail dans

la salle de presse à Strasbourg , et un nombre similaire à Bruxelles, précise Ralph Pine, directeur général de la communication au Parlement. Et s’il y a plus de journalistes, on s’organise pour les faire rentrer ! Nous mettons à la leur disposition des ordinateurs pour suivre en direct le déroulement de la séance plénière et des commissions parlementaires, des connexions internet et des téléphones. Enfin, les équipes télé peuvent se servir de nos studios et de notre matériel de montage. » Bref, on ne comprend toujours

LE PARLEMENT FAIT DU GRINGUE AUX ÉTUDIANTS Le Parlement européen est en mal d’amour et de reconnaissance. Il exige plus d’égards et d’attention, il veut qu’on l’écoute et surtout qu’on parle de lui. Pour cela, l’Association des journalistes européens (AJE) a trouvé la solution : elle organise 4 à 6 visites par an pour les étudiants en journalisme de toute la France. Véritables voyages de presse, ces visites à Strasbourg sont subventionnées par ledit Parlement à hauteur de 2000 euros. Pendant toute une journée, les journalistes en herbe sont abreuvés de belles paroles sur l’Union Européenne et ses institutions, transparentes et acces52

sibles. Ils ont droit au buffet à volonté, à la visite express, à la séance plénière et repartent avec les numéros de nombre de députés ! Prosélytisme ? Pour Fabrice Pozzoli-Montenay, secrétaire général de l’Association des journalistes européens, on est bien loin de cela : « On est tous catastrophé par l’état de l’information sur les institutions européennes. Peut-être que les journalistes n’aiment pas l’Europe, mais ils doivent au moins regarder ce qui s’y passe »… et cela dans de bonnes conditions d’accueil !


MEDIAS

EUROPE

« Une bouffée d’air pur » Correspondante à Strasbourg pour La Libre Belgique et journaliste accréditée au Parlement depuis 2000, Véronique Le Blanc est une habituée des institutions européennes, elle est par ailleurs membre de l’Association des journalistes européens. Comment décririez-vous l’ambiance de travail des journalistes au Parlement ? Je fais partie des gens qui aiment le lieu. Les semaines de session plénière, le bâtiment est une ruche très active ! J’assiste aux différentes conférences de presse, aux petits déjeuners de presse tous les mardis matin. C’est important d’être présent pour saisir les bruits de couloirs, les réactions après un vote ou un débat. J’aime beaucoup écrire là-bas : il y a de la complicité, de la convivialité et de la solidarité. C’est une boufée d’air pur !

pas pourquoi l’Europe ennuie autant les rédactions qui ne s’attardent sur le sujet que de façon institutionnelle. « Ce n’est pas un sujet très sexy, reconnaît Véronique Le Blanc, journaliste pour la Libre Belgique. Filmer un hémicycle où des gens débattent n’est pas très excitant ! » Pourtant, le journaliste européen n’a pas à s’en faire, l’information lui est apportée sur un plateau. Transparence et disponibilité à son égard sont de mise ! Ici, tout se sait : quel député est présent ou non, et ce pour quoi il a voté. Enfin, les communiqués de presse sont traduits dans 23 langues et une couverture télé et radio de l’activité parlementaire réalisée par le Parlement lui-même peut servir de base à ses rapports et reportages. Et ce n’est pas tout ! Si une rédaction n’a pas l e s moyens d ’ e n v o y e r son journaliste à Strasbourg, le Parlement se

chargera de tout : logement, cafète, transport. Tous frais payés. Jaume Duch Guillot, porte-parole du service de presse, précise toutefois que cet avantage est réservé aux journalistes des pays membres de l’Union Européenne. « De plus, souligne-t-il, on essaie d’inviter des journalistes de petits pays peu représentés au Parlement. » Mais au détour d’une conversation, Dominique Robert-Besse, attachée de presse au bureau de Paris, souligne involontairement les ambigüités du système : « Un jour, un journaliste a écrit un article pas très gentil. On réfléchira à deux fois avant de le réinviter ! » Logique, les impôts des citoyens français ne vont tout de même pas servir à dire du mal du Parlement ! Laura BéheuLière

« UN JOUR, UN JOURNALISTE A ÉCRIT UN ARTICLE PAS TRÈS GENTIL. ON RÉFLÉCHIRA À DEUX FOIS AVANT DE LE RÉINVITER ! »

N’y a-t-il pas un risque pour l’indépendance de la presse quand on voit la manière dont sont reçus les journalistes ? Cela pourrait éventuellement poser problème. Moi je ne suis pas directement concernée puisque j’habite à Strasbourg, mais je côtoie les journalistes d’une radio belge, et ça ne réduit pas leur capacité de remise en cause. C’est très différent d’un voyage de presse organisé par un ministre qui se pose en vedette en achetant les journalistes. La presse doit être capable de garder une totale indépendance en choisissant d’y aller ou pas. La transparence et l’accessibilité sont les mots d’ordre du Parlement. Ressentezvous cela ? Les journalistes ont effectivement les moyens d’être informés. Il y a une véritable efficacité de la direction générale de la presse. Mais La transparence est une notion à relativiser. Le Parlement a un message à faire passer et il ne faut pas tout prendre brut de décoffrage. Cependant il y a une grande disponibilité des députés. Le contact se fait vite, ils donnent facilement leur numéro de portable. Par rapport à une équipe municipale avec qui il faut attendre des semaines pour avoir une information… c’est libérateur !

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INTERNATIONAL

FILIÈRE

Pavot d’Afghanistan : de la fleur à l’héroïne L’Afghanistan -premier producteur mondial d’opium- est un des points de départ du trafic d’héroïne vers l’Europe. Zoom sur la récolte du pavot, la transformation en héroïne et l’itinéraire de la « blanche » vers l’Europe.

E

n 2008, l’Afghanistan a produit quelque 7 700 tonnes d’opium, alors que la demande mondiale se situe aux alentours de 5 000 tonnes par an. Près de 30% de l’économie afghane proviendrait du commerce de l’opium. Ce pays appartient au croissant d’Or (avec l’Iran et le Pakistan) qui, avec le Triangle d’or, (Birmanie, Laos, Thaïlande) sont les deux plus grandes régions productrices d’opium au monde. L’amalgame est rapidement trouvé : l’Afghanistan est souvent présenté comme un « narco-Etat ». Un terme que conteste vigoureusement Pierre-Arnaud Chouvy, chercheur au CNRS et spécialiste de la géopolitique des drogues illicites : « ce terme ne signifie rien, la taille des exploitations en Afghanistan est très modeste, la surface du territoire afghan où sont cultivées les fleurs de pavot représente entre 1,5 et 4 % du territoire, ce qui remet en question l’idée largement répandue de narco-état ». Ce raccourci provient surement du fait que les principales régions pro-

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ductrices d’opium sont le Helmand et la région de Kandahar, soit des bastions talibans. La transformation de l’opium en héroïne se fait de plus en plus sur le territoire afghan, et non plus seulement dans les pays traversés par les routes de la drogue. « Toutefois, la Turquie et les Balkans sont des lieux où la transformation chimique de la morphine en héroïne est fréquente », indique le chercheur. Au niveau des rendements, pour obtenir un kilogramme d'héroïne, il faut un kilogramme de morphine-base, lui-même obtenu à partir de 10 kg d'opium, qui sont obtenus à partir de 500 000 fleurs de pavot, soit environ la récolte obtenue sur deux tiers d'hectare. Dix kilos D’opium pour un D’héroïne La transformation de l’opium en héroïne se fait par un processus chimique. « Une capsule se forme sur la tige de la fleur de pavot, après incision de la capsule, on récolte un latex, c’est l’opium. Il possède des principes actifs,

dont la morphine qui, après avoir été isolée sera transformée en héroïne par un processus chimique », précise Pierre-Arnaud Chouvy. Après l’étape de la transformation vient le temps du transport. Il existe deux chemins principaux de l’approvisionnement en héroïne de l’Afghanistan jusqu’à l’Europe. L’itinéraire nord part du nord de l’Afghanistan, l’opium –ou l’héroïne- transite par le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kazakhstan et la Russie pour arriver jusqu’aux Etats-Baltes et permettre à la drogue d’arriver jusqu’en Europe occidentale. L’itinéraire sud, également appelé « route des Balkans » est le chemin préférentiel : il passe par l’Iran, la Turquie et les Balkans. Ce que confirme Tim Boekhout Van Solinge, dans son ouvrage L’héroïne, la cocaïne et le crack en France (CEDRO, 1996) : « La Turquie joue un rôle-clé dans la distribution de l’héroïne en France, elle bénéficie notamment d’un réseau important de contacts par l’intermédiaire de la diaspora turque ». La culture du pavot rentre souvent dans le cadre d’une polyculture pour les agriculteurs afghans. A titre de comparaison, près de 15 000 hectares de pavot sont récoltés en France chaque année. Les fleurs de pavot sont utilisées pour la production de morphine pharmaceutique. Julien Van Caeyseele


INTERNATIONAL

FILIÈRE

Le retour de l’ héro Après un net recul de la consommation d’héroïne dans le milieu des années 1990, la blanche est de retour. Moins chère que la cocaïne, cette drogue est dorénavant consommée par des populations variées et de plus en plus jeunes.

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rown sugar, rabla, kabla pour la brune. Thai ou baïda pour la blanche : les noms ne manquent pas pour l’héroïne. Cet opiacé est en train d’effectuer un retour en force dans la consommation des drogues en France. D’après le rapport 2010 de l’Observatoire français de drogues et des toxicomanies (OFDT) : « des usages d’héroïne chez des personnes parfaitement insérées dans la société et le monde du travail de même qu’en milieu rural, ont été observés ». En 2008, les interpellations pour usage d’héroïne ont augmenté de 21% par rapport à 2007. Plus inquiétant, les consommateurs sont de plus en plus jeunes : en 2008, la fréquence d’expérimentation chez les jeunes de 17 ans était de 1,1%, soit 56 % d’augmentation par rapport à 2003. Il existe deux types d’héroïne. La brune –qui est la plus répandue en France et de moindre qualité- et la blanche. D’après l’OFDT « 94% des saisies d’héroïne en France sont de la brune ». On ne trouve de l’héroïne blanche en France que dans certaines villes des banlieues

parisiennes localisées notamment dans les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis : « l’héroïne touche de plus en plus de jeunes issus des quartiers populaires et des banlieues périphériques qui jusqu’alors ne consommaient que du cannabis », précise le rapport de l’OFDT. La brune est parfois tellement coupée qu’elle peut prendre une teinte blanche. Pour améliorer leurs profits, les dealers n’hésitent pas à couper l’héroïne brune avec des produits très variés tels que de la lessive ou du sucre. Mais le paracétamol et la caféine restent les additifs les plus souvent rencontrés lors de l’analyse d’héroïne après saisies. 45 euros le gramme Moins chère que la cocaïne, -le prix du gramme d’héroïne est stable en région parisienne et s’élève à 45 euros, contre 65 euros pour la cocaïne- l’usage de ce puissant stupéfiant est en train de se banaliser : « L’héroïne, pour sa part, étend « sa clientèle» vers des populations de plus en plus variées notamment les plus jeunes usagers, le milieu festif et des

populations très insérées socialement », détaille le rapport. Une consommation procure un effet d’euphorie et de plaisir beaucoup plus puissant que la morphine. L’intensité et l’instantanéité sont des facteurs caractéristiques de l’héroïne car le produit arrive très rapidement au cerveau. Cette drogue était souvent injectée par intraveineuse mais, autres temps, autres mœurs : l’héroïne est de plus en plus fumée ou inhalée. L’épidémie du virus du Sida ayant certainement joué un rôle majeur dans ce changement de consommation. « La consommation d’héroïne devient de plus en plus festive et s’intègre souvent dans une poly-consommation », précise Pierre-Arnaud Chouvy, géographe chargé de recherche au CNRS et spécialiste de géopolitique des drogues. Souvent caractérisée comme une drogue employée par des marginaux, l’héroïne est en train de se diffuser dans tous les milieux sociaux et effectue un retour au premier plan. J.VC

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ENVIRONNEMENT

POLLUTIONS

Vancouver 2010 : des J.O. vert pale

On nous l’assure : les JO de Vancouver qui se sont déroulés du 12 au 28 février dernier ont été résolument durables. Rien d’étonnant à cela, quand on sait que la capitale de la Colombie britannique brigue pour 2020 le titre de “ville la plus écolo du monde”. Pourtant, plusieurs points noirs sont venus atténuer ce paysage vert.

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haque année, rebelote : Vancouver, troisième ville du Canada avec 2,3 millions d’habitants, arrive dans le peloton de tête des villes où il fait bon vivre. Un rang qu’elle doit aussi bien à sa situation géographique entre mer et montagne qu’à son système de santé et ses infrastructures. Espaces verts, offre sportive, éducative et culturelle de qualité, réseau de transports en commun parmi les plus performants au monde. Mais la capitale

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Par Vincent girard

de la Colombie britannique a-t-elle poursuivi ses objectifs verts avec l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver ? Difficile de répondre par l’affirmatif, car pratiqué en milieu naturel, le ski n’est pas réellement respectueux de son environnement. « Les télésièges, le remodelage des pistes, et les autres infrastructures en haute montagne ne plaident pas forcément en sa faveur » souligne Géraldine Musnier de l’ADEME (L'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) Rhônes Alpes. Même constat sur l’utilisation des cannons à neige « 4 mil-

lions de litres d’eau sont nécessaires pour enneiger un seul hectare de piste » estime Géraldine Musnier. Or, Vancouver ayant été en manque cruel de neige pendant la première semaine de compétition, les cannons à neige auront fonctionné à plein régime en février. Pour donner une idée des ressources naturelles nécessaires à ce type d’enneigement artificiel, on estime qu’en un an, les cannons à neige des stations françaises consomment la même quantité d’eau qu’une ville comme Marseille sur la même période. Pendant les deux semaines de compéti-


ENVIRONNEMENT

tion, les organisateurs se sont vantés d’avoir été désigné par le Comité olympique international (CIO) en 2003, devant les deux villes concurrentes de Salzbourg et de Pyeong Chang (Corée du Sud) en raison « d’un projet exemplaire sur les critères de durabilité ». Depuis cette date, le Comité olympique de Vancouver (COVAN) chargé de l’organisation des Jeux, a tenté de mettre en œuvre les prescriptions proposées correspondant aux nouveaux objectifs du CIO en matière d’environnement. Résultat : beaucoup de communication et quelques bourdes. On se souvient ainsi du ballet des camions et des trois hélicoptères loués 80 000 dollars l’heure chacun pour amener la neige des hauts plateaux de la région sur les pentes toujours vertes de Vancouver, à quelques jours des épreuves de ski. De plus, pour éviter de faire fondre cette précieuse neige, les organisateurs auront déversé 650 tonnes de« ciment neige » sur les pistes. « C’est un produit à base de sel extrêmement nocif pour les sols, qui reste sur place une fois la neige fondue. Les organisateurs qui l’utilisent prennent le risque de polluer

POLLUTIONS

les nappes phréatiques » explique Géraldine Musnier. Pourtant, au-delà des mesures symboliques (les médailles qui étaient distribuées aux athlètes ont été fabriquées à partir de matériaux de récupération, des composants électroniques usagés et inutilisables), le COVAN s’était engagé à neutraliser l'impact des émissions de carbone générées avant et pendant les Jeux d'hiver. Problème, les 4,5 millions de dollars canadiens prévus pour acheter les permis d’émissions n’étaient pas compris dans le budget d’opération du COVAN (qui culmine à 1,7 milliards de dollars cana-

Un produit à base de sel ex t r ê m e m e n t n o c i f p o u r l e s s o l s , q u i reste sur place une fois la neige fondue diens). « Nous sommes en négociation avec des compagnies qui gèrent les compensations d’émissions de CO2.Elles pourraient nous aider à sponsoriser le coût de l’achat des permis de ces émissions. Une

tonne de CO2 coûte environ 10 à 20 dollars canadiens » déclaraient les organisateur une semaine avant la cérémonie d’ouverture. Mais la recherche de sponsors intervenait alors même que le COVAN et d’autres groupes d’organisation d’évènements sportifs au niveau international bataillaient déjà pour garder leurs sponsors dans un contexte de crise économique mondiale. Le 15 février dernier en pleine compétition, le COVAN annonçait finalement que l’engagement de neutraliser l'impact des émissions de carbone générées par les Jeux ne seraient probablement pas tenu. Seule solution : que le gouvernement canadien s’engage lui-même à compenser ces émissions.

Bronze écolo pour Vancouver La Fondation canadienne David Suzuki (l’équivalent de la Fondation Nicolas Hulot) a décerné quelques jours avant l’ouverture des JO une médaille de bronze au comité organisateur des Jeux olympiques de Vancouver et de Whistler pour son bilan environnemental. L'organisme reconnaît que « des efforts ont été faits pour limiter les émissions polluantes lors de l'événement ». Le coauteur de la feuille de pointage environnementale du comité organisateur, Paul Lingl, mentionne que « des installations écoénergétiques ont été construites, que des énergies propres ont été utilisées, que le transport en commun étaient encouragés et qu'un sys-

tème de compensation d'une partie des émissions de gaz à effet de serre avait été crée pour l’occasion ». Toutefois, les Jeux olympiques de Vancouver sont encore loin de la première place du podium vert puisque peu d'améliorations en matière de transport durable profiteront à la région après l'événement, selon M. Lingl. D’autre part, la fondation estime que « 100 000 tonnes d'émissions de carbone liés aux Jeux Olympiques sont imputables aux voyages en avion des spectateurs ». Or, le programme de compensation de carbone s'appuie sur le volontariat et l'expérience montre que moins de 5 % des voyageurs acceptent de compenser leur vol. Enfin, au-delà

des émissions de CO2, « des dizaines de milliers d’arbres ont été abattus pour construire les installations olympiques dans la vallée Callaghan (près de Whistler) » ajoute le rapport.

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ENVIRONNEMENT

POLLUTIONS

Val d’Isère limite l’effet de serre C’était une première en France pour l’organisation d’un événement sportif de cette ampleur. Un partenariat avait été signé entre la station française qui organisait les championnats du monde de ski alpin l’année dernière et l’ADEME. Un budget spécifique lié à l'environnement figurait au budget prévisionnel du Comité d'Organisation. Les trois objectifs majeurs étant concentrés autour des modes de déplacement pour l’accès et la circulation au sein de la station, la réduction des déchets et la limitation des dégradations de l’environnement naturel. Concrètement, via une aide de 90 000 euros, l’ADEME aura permis à la station savoyarde d’obtenir le label ISO 14001, qui prouve que le Comité d'organisation des championnats du monde de ski aura réussi une part de son défi environnemental. « Pour le transport, nous avions privilégié des bus élec-

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triques et hybrides explique Marc Bauer, maire de Val d'Isère et Président du Conseil de Surveillance du Comité d'Organisation des Championnats du Monde de Ski en 2009. Pour limiter les déchets, l’association Ecocup avait mis à disposition des participants des gobelets recyclés et recyclables, en échange d’une caution d’un euro ». PRIVILÉGIER LES INSTALLATIONS ÉLECTRIQUES Cette dernière, encaissée à l'achat de la première consommation, pouvait être récupérée en restituant le gobelet. Celui-ci était ensuite nettoyé et réintégré dans le circuit. Un concept que l’organisation estimait 25 fois moins polluant que le gobelet jetable classique et 20 fois moins polluant que les gobelets en matière biodégradable. « Concernant la gestions

des 200 000 spectateurs venus assister aux deux semaines de compétition, nous avions mis en place un partenariat avec la SNCF pour vendre des billets de train à un euro depuis Lyon ou Grenoble ajoute Marc Bauer. Nous avons ainsi évité des embouteillages monstres dans villes en limitant l’utilisation des voitures ». Enfin, les deux mille poubelles étaient à tri sélectif, les tenus des 1200 volontaires étaient fabriqués à 47 % à partir de matériaux recyclés et certains scooters des neiges étaient électriques. Résultat : le Bilan Carbone (calcul de l’impact des diverses infrastructures et activités sur l’environnement) de la station dévoilé fin 2009 révélait finalement un impact limité de la compétition sur l’environnement. Ainsi, même en incluant les championnats du monde, la ville de Val d’Isère aura émis autant de gaz à effet de serre en 2009 qu’en 2008.



B c

La 33 par O ĂŠditio au tri


Bataille navale à coups de millions

3e édition de la Coupe de l’America, plus vieille épreuve sportive au monde, remportée Oracle dimanche 14 février, a tourné au fiasco. Depuis 2007 et la fin de la précédente on, Larry Ellison et Ernesto Bertarelli, les deux protagonistes, ont passé plus de temps ibunal que sur l’eau. Une parodie de match en somme. Un combat de coqs entre deux égos démesurés, capables de créer des bateaux de course monstrueusement novateurs, mais aussi de perdre deux ans en procès, avant de bâcler sur l’eau une légende de la voile. En espérant un retour vers un format plus traditionnel pour la 34e édition. par vincent GautRonneau

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lors voilà, cela se résume à ça, la Coupe de l’América. A deux régates expédiées en trois jours au large de Valence, en Espagne. La bataille navale a tourné court. En quelques heures, le multimilliardaire américain Larry Ellison a coulé les millions de dollars dépensés par son rival, le Suisse Ernesto Bertarelli. Trop court, trop fade, après des semaines de procédures judiciaires bien éloignées de l’esprit de la plus vieille compétition sportive au monde. A l’origine, un abus de pouvoir. Les règles de la Coupe de l’América étant décidées par le vainqueur de la précédente édition, Alinghi, l’équipage suisse, décide d’imposer les siennes. Avec l’effronterie du vainqueur, Ernesto Bertarelli souhaite faire adopter un nouveau bateau aux participants. L’affaire tourne court, ses concurrents s’aperçoivent que les techniciens helvètes ont plusieurs mois d’avance dans la conception du navire. Ses rivaux s’en étranglent. Larry Ellison, quatrième fortune du monde, est le plus remonté d’entre eux. Le directeur du Yatch Club de San-Francisco passe à l’abordage. Il porte plainte, devant la justice de son pays, 61


SPORTS

CONTROVERSE

Larry Ellison (à droite) et son oracle

pour faire invalider les décisions suisses. Evidemment, il a gain de cause : « Pour les Suisses, aller affronter les Américains devant la cour de New York, c’est comme d’aller se plaindre de sa femme auprès de sa belle-mère. Le point positif est que la justice américaine a empêché les Suisses de faire main basse sur le règlement », explique Bruno Troublé, l’organisateur de la Coupe Louis Vuitton, habituellement qualificative pour la Coupe de l’América. Habituellement seulement. Car, longtemps vu comme le chevalier blanc, Larry Ellison décide ensuite de se la jouer perso. Toujours éliminé au stade de la Coupe Louis Vuitton, il se glisse en finale

disqualifier le bateau américain ou encore l’origine géographique des voiles… Ridicule. « Ces histoires judiciaires ont démontré que le Defender ne peut pas se permettre n’importe quoi, de faire de la Coupe son objet, à sa sauce, de devenir le Bernie Ecclestone de la voile », apprécie de son côté Stéphane Kandler leader du syndicat allemand qui prépare la prochaine Coupe Louis Vuitton. Depuis, l’américain Oracle a remporté la Coupe de l’América. En deux manches donc. Deux jours de navigation pour des bateaux à 300 millions de dollars… bon à jeter à la poubelle. Car c’est le propre des bateaux destinés à la Coupe de l’América. Trop de vent, et

« Vous vous rendez compte qu’en plus, ces deux bateaux ne serviront plus à rien après » - Bruno Troublé sans passer par l’eau. « Le juge de New York a simplement décidé de lancer un affrontement entre les deux. Tout le monde a été exclu de ce duel. Il y a eu depuis deux ans des combats juridiques insensés, et finalement on arrive à ce fameux duel à l’épée entre deux fous furieux qui dépensent des fortunes », déplore l’organisateur de la Coupe Louis Vuitton. Au total, les deux milliardaires ont dépensé plus de 30 millions de dollars en procédures judiciaires. Et pour Ernesto Bertarelli, tout était bon pour aller devant les tribunaux. Du lieu du combat - Ras al Khaimah aux Émirats Arabes Unis, où le vent souffle toujours à 5 ou 7 nœuds qui était souhaité par les Suisses-, à une tentative p o u r

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ils ne peuvent naviguer, trop de vagues et il est inconcevable de leur faire prendre la mer. Pourtant, tout le monde s’accorde à reconnaitre la prouesse exceptionnelle, sur le plan technologique, réalisée par Oracle. Avec, là encore, une bataille stratégique intense entre Ernesto Bertarelli et Larry Ellison, remportée par l’Américain Oracle et sa grande aile, merveille d’innovation réalisé par un chercheur français (lire ci-contre). Battus, Loïc Peyron et Alain Gauthier, experts en multicoques reconnaissent l’exploit réalisé par le team américain. «On avait je pense un très bon châssis (les flotteurs) mais un moteur (mât, voiles...) un petit peu trop atmosphérique. Ce grand pari technologique de l'aile (la voile rigide), ils ont su le gérer parfaitement », analyse Loïc Pey-


CONTROVERSE

SPORTS

Avec son aile, Oracle vole sur l’eau

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epuis dimanche, elle est sur presque toutes les lèvres. Cette fameuse aile dont s’est doté le trimaran Oracle. Cette voile rigide, deux fois plus grande que l’aile d’un Boeing 747 dont elle partage les matériaux, se montre plus rapide et plus facile à manœuvrer qu’une voile traditionnelle. L’idée n’est pas nouvelle. En 1988, déjà lors de la Coupe de l’América, le défi américain Stars and Stripes avait démontré la force de ce gréement en s’imposant très facilement face à un monocoque néozélandais. Mais jamais une aile rigide de la taille de celle d’Oracle n’avait été construite. La difficulté logistique d’un tel projet était titanesque. Si Oracle

ron, concepteur et barreur sur le défi suisse Alinghi. « J’aime beaucoup les trimarans, j’ai quasiment passé ma vie dessus, explique Alain Gauthier, lui aussi engagé dans la conception du bateau suisse. Il faut féliciter Oracle, leur bateau est très bas sur l’eau, il a des côtés assez impressionnants, l’aile est splendide et c’est génial de le voir naviguer. » Tous les protagonistes de la plus ancienne épreuve de voile au monde ne s’accordent pas sur l’intérêt d’une telle débauche de moyens. Bruno Troublé ne décolère pas : « Je trouve toutes ces dépenses absolument obscènes. Vous vous rendez compte qu’en plus, ces deux bateaux ne serviront plus à rien après. Ils auront fait deux régates, et chacun des deux syndicats aura dépensé 300 millions d’euros. » Pour rien, le milliardaire suisse songeant désormais à ranger les voiles.

l’a mise en œuvre, l’idée vient de son rival, le Suisse Alinghi. Mais ce dernier a vite abandonné le projet, effrayé par l’aspect logistique de l’aventure. Erreur. Car l’avantage de l’aile est de pouvoir changer de forme pour s’adapter à l’évolution du vent. Ce que ne peut pas faire une voile souple qui n’est réglée que par trois points d’attache. De plus, elle est aussi légère qu’un gréement classique et plus facile à régler. Sur l’eau, l’aile a toutes les qualités. A terre, c’est moins évident. Contrairement à la Formule 1, où les innovations servent ensuite aux voitures de série, il semble aujourd’hui inconcevable de voir les plaisanciers équipés d’ailes.

En revanche, la victoire américaine rassure tous les spécialistes quant à l’avenir de la Coupe de l’América. En effet, plus traditionnalistes que leur homologues suisses, les Américains, créateurs de l’épreuve, devraient revenir à un format plus proche des origines. « La victoire des américains est une bonne chose, apprécie Bruno Troublé, je pense que nous retourneront aux monocoques, et à la Coupe Louis Vuitton pour les qualifications. » Les Italiens de Mascalzone Latino, déjà désignés Challenger, devront sûrement arracher le droit de défier Oracle sur l’eau, lors des qualifications. Plus conforme à l’esprit originel de l’épreuve.

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PORTFOLIO

LE POISSON EN VRAI

Au marché de Rungis Texte et photos - Laura BÉHEULIÈRE

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uatre heures du matin. A sept kilomètres de Paris, le Marché de Rungis ouvre ses portes. Sur plus de 230 hectares, d’innombrables camions déversent leurs marchandises : fruits et légumes, fleurs, viandes, produits laitiers et poissons. Au Pavillon de la Marée, grossistes et acheteurs sont déjà en plein travail. Malgré les difficultés du secteur, la raréfaction du poisson sauvage et un manque de concurrence, ils sont plus de 800 présents chaque matin.

A 4h du matin, les étales de poissons et autres produits de la mer sont prêts, les grossistes attendent les clients. 64


LE POISSON EN VRAI

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1 Le marché est réservé aux professionnels : commerçants, restaurateurs et grandes surfaces. (1) (2) 2 Plus de 65 entreprises sont représentées au Pavillon de la Marée. (3) 3 Le Marché de Rungis exporte à l’international : Lettonie, Pologne, Grande-Bretagne. 65


PORTFOLIO

LE POISSON EN VRAI « Un bon poisson doit être brillant et pin’sé ! »

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LE POISSON EN VRAI

Derrière les stands, des hommes préparent le poisson pour les clients.

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Le Marché de Rungis est un univers presque exclusivement masculin.

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LE POISSON EN VRAI

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5 (1) 1 Ici, vendeurs et acheteurs se connaissent tous, le tutoiement et la bonne humeur sont de mise. (2) 2 Une dizaine de corps de métier est représenté au Marché : commercial, agréeur, chauffeur-livreur, etc. (3) 3 Une fois les commandes passées, le poisson est emballé et redirigé vers les camions pour être livré. (4) 4 Le secteur des produits de la mer réalise chaque année un chiffre d’affaires de 720 millions d’euros. (5) 5 La population desservie par le Marché de Rungis, tous produits confondus, est de 18 millions de consommateurs, dont 12 millions en Ile-de-France. 68


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LE POISSON EN VRAI

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3 (1) 1 Même si la plupart des poissons sont soigneusement rangés dans des caisses, quelques uns des plus beaux spécimens sont exposés, pour aguicher le client. (2) 2 La glace est l’élément indispensable pour garder le poisson au frais. Avant la livraison aux clients, les caisses sont à nouveau remplies. (3) 3 Au total, 145 000 tonnes de poissons et crustacés transitent chaque année par le Marché de Rungis, pour un chiffre d’affaires de 720 millions d’euros. 69




steampunk

le futur un Ĺ“il dans le retro par Gregory Raymond


Littérature, cinéma, animation, jeux vidéo… Le genre offre une multitude d’œuvres et cela sur tous les supports. Mais au fait, c’est quoi déjà le steampunk ?

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COURANT

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teampunk. Que peut-il bien se cacher derrière ce nom barbare ? Au commencement il y a « steam », pour « vapeur ». Et puis « punk », qu’il faut interpréter dans le sens « futur ». Futur à vapeur donc. Toujours pas saisi ? C’est normal, tâchons de nous situer. Il s’agit d’imaginer jusqu’à quel point le passé aurait pu être différent si le futur était arrivé plus tôt. C’est comme si le monde s’était bloqué à la première révolution industrielle, imaginant un futur où le moteur à combustion et l’ordinateur n’auraient jamais existé, conservant la machine à vapeur comme fer de lance d’une technologie qui aurait évolué dans une autre direction. Grosses machineries rutilantes et boulonnées, roues dentées, bielles, leviers et autres machines grinçantes et crachotantes sont l’apanage de ce genre si particulier de la science-fiction. Le XIXème siècle victorien, en particulier à Londres où s’esquissaient les prémisses de la société industrielle, est un des lieux privilégiés. Il convient de trancher dans le vif : même s’il ressemble quelque peu à l’uchronie (autre genre de la SF), cela ne fait pas du steampunk une déclinaison de cette dernière. Daniel Riche, qui fut pendant longtemps le spécialiste français

SCIENCE-FICTION

de la SF littéraire française, les différencie bien dans sa préface de Futurs Antérieurs (Fleuve Noir, 1999). « L’uchronie repose sur le principe de la réécriture de l’Histoire à partir de la modification d’un jules événement du passé, se verne déclinant sur la mode d’un « et si… », qui en fait sa spécificité. La littérature steampunk s’en moque. Les passés alternatifs qu’elle propose n’ont pas besoin d’être justifiés par un quelconque dérapage historique ». Le genre se raccroche à une longue tradition littéraire qui joue sur les rapports de la fiction et de la machine. H.G. Wells (« La machine à explorer le temps »), Mark Twain (« Tom Sawyer ») et Mary Shelley (« Frankenstein ») font parti de ceux là. Toutefois, c’est Jules Verne qui est incontestablement l’inspirateur du steampunk avec ses voyages extraordinaires et ses expéditions fantastiques. Le Nautilus, célèbre sous-marin du Capitaine Nemo dans « Vingt mille lieues sous les mers » et « L’Île mystérieuse », est tout à fait représentatif de l’esthétisme avec son utilisation du cuivre.

Il faudra attendre 1987 pour que l’écrivain américain K.W. Jeter invente le terme de « steampunk » dans « Morlock Night ». Le mouvement, quant à lui, ne l’avait pas attendu. Dès 1965 dans la série TV « Les Mystères de l’Ouest », Robert Conrad incarne un James Bond à cheval bourré de gadgets et devient le héros du premier western de s c i e n ce - fi c t i o n . Dans « Chitty chitty bang bang », sorti en 1968, l’écrivain anglais Roald Dahl, auteur de « Charlie et la chocolaterie », signe le scénario d’une fable futuriste qui s’apparente au genre. Le roman de l’américain Tim Powers, « Les Voies d’Anubis » (1983), est considéré comme l’œuvre référence en ce qui concerne la littérature. Ces 15 dernières années, c’est le Japon s’est accaparé le genre, avec son plus bel hommage en 2004 quand Katsuhiro Otomo réalise le film d’animation « Steamboy ». Les jeux vidéo n’ont pas à rougir non plus, et le septième épisode de la série à succès « Final Fantasy » l’illustre parfaitement, aux côtés de la série « Bioshock » qui indique que le genre est en plein essor. Alors n’attendez plus, attachez vos harnais, éteignez votre pipe, chaussez vos lorgnons à verres trans-temporels et…fouette, cocher !

un futur où le moteur à combustion et l’ordinateur n’auraient jamais existé

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COURANT

SCIENCE-FICTION

« C’est surtout l’esthétisme du genre qui en fait sa richesse » Frédéric Jaccaud est conservateur du musée de science fiction, de l’utopie et des voyages extraordinaires à Yverdon-les-bains (Suisse).

thétisme du genre qui en fait sa richesse. Les spécialistes ont aussi voulu opposer steampunk et cyberpunk, qu’en est-il vraiment ? Il est d’usage de mettre des étiquettes sur

Comment peut-on définir le mouvement steampunk ? C’est avant tout l’idée de modifier l’Histoire en la rendant plus technologique, et en la plaçant la plupart du temps dans un univers victorien. Au lieu de privilégier l’électricité, on a voulu privilégier la vapeur qui devient l’élément central de ce genre qui se rapproche sensiblement d’un autre qu’on appelle l’uchronie. Justement, comment différencier les deux genres ? C’est un débat qui a souvent été abordé par les spécialistes. L’uchronie est apparue beaucoup plus tôt dans la littérature, à partir de la fin du XIXème siècle. Ce qu’il faut savoir c’est qu’elle est avant toute chose une réflexion sur l’Histoire. L’uchronie se concentre sur un point précis qui a changé le cours de l’Histoire connue, et s’attache à développer ses conséquences. Et si Napoléon n’avait pas perdu à Waterloo ? Et si les Nazis avaient remporté la Seconde Guerre mondiale ? Le steampunk s’occupe nullement des conséquences. C’est surtout l’es-

tous les genres. Le cyberpunk se déroule souvent dans le futur, dans un monde où l’informatique aurait un rôle déterminant. Bien que les deux genres soient apparus au même moment, dans les années 1980, ils n’ont rien à voir. La volonté de les opposer

provient essentiellement d’une logique commerciale. Qui sont les auteurs majeurs du steampunk ? Outre Tim Powers, on peut citer James Blaylock qui publia « Homonculus » en 1986. Il y a aussi K.W. Jeter, l’auteur du scénario de « Blade Runner », qui publia « Morlock Night », un roman directement inspiré de « La Machine à explorer de temps » de H.G. Wells. Et dans le cinéma ? Le cinéma pose un sérieux problème dans les adaptations du steampunk. Les scénarios n’ont souvent pas été à la hauteur. « La ligue des gentlemen extraordinaires », par exemple, est esthétiquement très réussie mais souffre d’une histoire bien légère. « Le secret de la pyramide », produit par Steven Spielberg en 1986 et qui narre les aventures du jeune Sherlock Holmes est dans l’ensemble plus intéressant. Un film excellent comme « Brazil » que l’on liste souvent comme steampunk, car il est rétro-futuriste, n’en fait pas partie. Il n’emprunte tout simplement pas les codes. Finalement c’est le film d’animation japonais « Steamboy » qui apparaît comme la meilleure œuvre à ce jour. Il contient tous les ingrédients du genre et les connaisseurs se réjouiront des dizaines de références distillés par le réalisateur. 75


COURANT

SCIENCE-FICTION

le steampunk se est inconnu du grand public mais se décline dans toutes les branches de la culture. littérature, jeux vidéos, cinéma, musique, séries télévisées, rien n’y échappe. prisme vous a sélectionné quelques pistes à explorer.

le s Vo ies d ’an u bi s

st eam bo y

Cinema

Steamboy, disponible en DVD chez Tristar Home Vidéo

C’est probablement le plus bel hommage au steampunk qu’il ait été donné de voir sur grand écran. Sorti en 2004, et réalisé par Katsuhiro Otomo déjà auteur d’ « Akira », le manga le plus vendu à travers le monde, « Steamboy » est une déclaration d’amour au genre. L’histoire débute dans l’Angleterre de 1851, année de l’Exposition universelle de Londres. On y suit un petit garçon chargé par son grand père de protéger une boule d’énergie révolutionnaire, au nez et à la barbe d’une fondation qui fera tout pour se l’approprier. S’il y a bien quelque chose qui éclate à la vision de « Steamboy », c’est bien la richesse graphique qu’Otomo a donné à son film, qui affiche tous les codes du genre. Un monument à mettre entre toutes les mains.

lifestyle

Le steampunk est aussi un mode de vie. Le 21 février dernier s’est achevée à Oxford la première exposition consacrée au mouvement. Au musée d’Histoire des sciences, elle a été vue par 80.000 personnes et a notamment accueilli un cortège de fans déguisés. Ici, le steampunk peut-être résumé en un mot : bricolage. Dans un état d’esprit qui vise à créer, expérimenter et construire soi-même, le steampunk soigne son esthétisme industriel.

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livres « Les Voies d’Anubis » disponible en poche dans la collection J’ai lu

L’œuvre fondatrice d’après les spécialistes de la science-fiction. C’est d’ailleurs suite à son grand succès que l’on a pu mettre un nom sur ce genre qui n’avait pas encore l’audace de s’en être dôté. Edité en 1983, ce pavé de 500 pages brille par un scénario rocambolesque qui nous fait suivre les aventures de Brendan Doyle à travers un retour dans le Londres en 1810. Mêlant magie noire égyptienne, loupsgarous et voyage temporel dans le 19ème siècle, le roman est une véritable plongée dans la littérature fantastique de l’époque. Il convient parfaitement aux personnes qui envisagent de s’initier aux genres de l’imaginaire.


COURANT

SCIENCE-FICTION

f ina l f an ta sy 7 ab n ey p ar k Jeux Video musique Site internet : http://www.myspace.com/abneypark

Sur le myspace du groupe, on peut lire ceci : « musique de post apocalypse vintage ». Peut être faut-il alors se laisser emporter par la mort... Il faut l’avouer, la musique influencée par le steampunk, c’est très ennuyant et surtout, c’est probablement la chose la plus ringarde que l’homme ait pu créer depuis la révolution industrielle. Tous les groupes du genre sont ainsi. Et Abney Park en est la synthèse. Venu tout droit des Etats-Unis, le groupe sert un mélange de pop et de métal très kitch avec des textes qui reprennent les thématiques steampunk. Pour l’esthétique du groupe, chaque membre se déguise de cuir et de gadgets. La preuve que le genre n’a pas engendré que des réussites. A.T

Final Fantasy VII, disponible sur Playstation chez Square-Enix

Voilà un jeu vidéo qui est entré dans la légende et qui reste aujourd’hui comme le jeu de rôle phare de la console Playstation. Au delà des graphismes sublimes pour l’époque, le jeu développé en 1997 a séduit toute une génération par la qualité de son histoire. Final Fantasy VII se déroule dans une société post industrialisée. Le monde est dirigé par la Shinra, une compagnie qui exploite arbitrairement et outrageusement les ressources naturelles de la planète. Afin d’empêcher la planète de mourir, un groupuscule terroriste, remet en cause le fonctionnement de cette société qui court à sa perte. Un manifeste écolo avant l’heure. A.T

series

les mystères de l’ouest

Disponible en DVD chez TF1 Vidéo

Cette série à succès diffusée à la fin des années 60 est inspirée du steampunk : le décor des westerns, des intrigues dans la droite lignée des scénarios d’espionnage et des gadgets de science fiction. L’histoire se déroule encore au XIXe siècle. Le chemin de fer est roi. West et Gordon sont deux agents secrets. Ils affrontent des inventeurs comme le Dr. Loveless. Si aujourd’hui le tout paraît kitsch, la série et les inventions farfelues ont largement influencé et modélisé l’esthétique steampunk. A.T 77


CINÉMA Portrait

Scorsese

et ses goodfellas

Durant toute sa carrière Martin Scorsese s’est attaché à travailler cycliquement avec un acteur fétiche : Harvey Keitel, Robert de Niro et désormais Leonardo DiCaprio qui est à l’affiche de son nouveau film. Retour sur cette bande d’affranchis.

A

vec la sor t ie mercredi 24 fév r ier der nier de « Shutter Island », Mart in Scorsese célèbre ses di x ans de collaboration avec L eonardo DiCapr io. Une assoc iation f r uctueuse qui s’achève comme une seconde jeunesse pour le réalisateur new-yorkais déjà auteur de plusieurs f ilms majeurs de ces c inquante dernières années. « Mean Streets », « Ta x i Dr iver », « la Der nière Tentat ion du Christ », « Casino » ou encore « Les Inf i ltrés », c’est lui. Oscar isé pour ce der nier (mei l leur f i lm et 78

meilleur réalisateur), Scorsese est un cinéaste rare, capable du meilleur et souvent de l’exceptionnel. Mai s la par t icular ité de l’auteur d’origine italienne, c’est sa faculté à ne travai l ler qu’avec ses acteurs fétiches. Hier Har vey Keitel et Rober t de Niro, mai s aussi Wi l lem Defoe, Ellen Bursty n et l’inénarrable Joe Pesc i . Aujourd’ hui , L eo nardo DiCaprio. Scorsese tisse des liens toujours très for ts avec les personnes qu’il dirige. Une f usion qui dev ient une condition indissociable de son succès. Dans l’autre sens, R ober t de Niro n’aurait certainement pas eu la même carrière s’il n’avait pas rencontré son alter ego en 1973 sur le tournage de « Mean Streets ».

H A RV E Y K E I T E L, L’O U B L I É D E S PREMIÈRES ANNÉES Si Har vey Keitel est aujourd’ hui beaucoup plus rare à l’écran, c’est pour tant lui qui est à l’or igine de l’œuv re scorsesienne, par tic ipant au premier f ilm du maître : « W ho’s That Knock ing At My Door », ov ni , que cer tains chanceu x auront eu l’occasion de découvrir en salles l’été dernier pour une project ion f rançai se inédite. Tourné en quelques jours au cours de l’année 1967, c’est également le premier pas de Keitel sur grand écran. L a scène de sexe, point d’org ue du long métrage, démontre la mise en scène ex périmentale


gagne ses galons dans la fami l le Scorsese. On le ver ra également à l’af f iche de « Casino » en 1995, toujours au x côtés de R ober t de Niro, dans un f i lm qui marque la der nière col laborat ion entre les deu x géants du c inéma . « L es A f franchis » et « Casino » disposent de grandes simi lar ités, à tel point que l’on peut les imag iner comme des doubles. Univers maf ieu x , as cension et chute du héros, inf idélité et trahison… Si ce n’est Sharon Stone dans ses mei l leures heures pour le second f ilm qui se déroule cette foi s c i à L as Vegas et non à New-York . d’un réalisateur avant-gardiste, qui utilise « The End » des Doors dans cette séquence devenue culte. Quatre ans après, « Mean Streets ». C’est le f i lm qui lança vér itablement Mar tin Scorsese, en compagnie de Keitel et de Niro dans son premier f i lm de gangsters, genre qui allait devenir sa spécialité. Rebelote en 1976 pour ce ménage à trois qui sacre le cinéaste avec « Tax i Driver ». L’ histoire d’un chauffeur de taxi déséquilibré errant dans les sales quartiers de New-York, hurlant sa haine d’un monde qui l’a exclu. Si le talent de Scorsese éclate à l’écran, lui valant une Palme d’or, c’est surtout celui de Robert de Niro qui sera immortalisé. L’acteur qui avait déjà marqué les foules dans son interprétation de Vito Corleone dans la deux ième partie du « Parrain », réalisé en 1974 par Francis Ford Coppola, parachève avec « Taxi Driver » son talent dans une scène devenue mythique en face du miroir. L A R É V É L AT I O N D E N I R O A partir de là, les deux compères ne se quitteront plus. Leur col laboration se chiffrera jusqu’à huit f ilms. « New-York New-York » (1977), avec un de Niro en sa xophoniste de jazz au x côté de L iza Minneli , « R aging Bull » (1980) sur la v ie du boxeur Jack La Motta qui lui vaudra l’Oscar du mei l leur acteur ou encore « L a Val se des Pant ins » (1983), un peu oublié aujourd’ hui. Sept ans plus tard, « L es A f f ranchi s » (1990) qui f ut la consécration, aussi bien cr it ique que commerc iale. Considéré comme l’un des mei l leurs f i lms de maf ia , Mar tin Scorsese of f re à son alter ego le rôle de la maturité en lui permettant d’inter préter le rôle du gangster James Burke. R ay Liotta et Joe Pesci sont également à l’af f iche. L e second , dans son rôle inoubliable de fou furieux ,

LA RENAISSANCE DICAPRIO Vient ensuite le temps des vaches maigres pour le réali sateur qui se contentera de mener des f i lms conf ident iel s ou baclés. « Kundun » (1997) et « A tombeau ouver t » (1999) font par t ie de ceu x là . C’est aussi le moment que R o ber t de Niro a choi si pour mener seul sa barque, laissant son compagnon à la dér ive. Il faudra un peu moins de di x ans à Mar tin Scorsese pour se refaire une santé, quoique di scutable dans le fond avec « Gangs of New-York » (2002). Véritablement amoureu x de la grande pomme comme il l’a démontré tout au long de sa f ilmographie, le réalisateur rev ient sur les origines de la v i l le en 1862. Pour sa première œuv re en costumes, « Gangs of New-York » est une réussite au box of f ice, mai s peine à séduire la cr itique. Ce f ilm est cependant une date clé dans sa seconde jeunesse de Scorsese, qui se trouve relancé en la personne de L eonardo DiCaprio. En choisissant de parier sur le nouveau minet d’ Hollywood révélé par « Titanic » (1997) de James Cameron, Scorsese retrouve enf in un par tenaire à la hauteur de ses i l lustres prédécesseurs. « Av iator », sorti deux ans plus tard est la conf ir mat ion pour le nouveau couple. Mettant en scène la v ie de l’entrepreneur fér u d’av iation Howard Hug ues, l’ interprétat ion mag i s trale de DiCapr io est év idente et l’on assi ste à l’avènement d’un nouveau grand du 7ème ar t.

Dans « L es Inf i ltrés », signé en 2004, la maturité de leur collaboration saute aux yeux et le metteur en scène rempor te enf in son premier Oscar en tant que réali sateur. De retour dans le milieu de la corr uption, Mar tin Scorsese montre qu’il n’a rien perdu et qu’il est toujours le maître du genre. L’année 2010 amorce leur quatrième f ilm en commun, « Shutter Island », où le c inéaste change complètement d’univers. Empr untant beaucoup d’ ingrédients au x f ilms noirs des années 1950, « Shutter Island » tend à se classer dans la catégor ie des f i lms d’angoi sse. Une réussite encore une foi s. Il montre sur tout que l’asso ciation avec DiCaprio n’a rien à env ier à cel le qui l’uni ssait auparavant à R ober t de Niro, et l’on se met à rêver d’un f ilm qui les réunirait tous les trois. Si ce projet n’est pas encore à l’ordre du jour, les cinéphi les se réjouiront cer tainement de la mise en chantier de « I Heard You Paint Houses », avec la par ticipation de Rober t de Niro dans le rôle titre. Un nouveau f ilm de maf ia . Un juste retour au x sources. Grégory Raymond

Le saviez-vous? Martin Scorsese entretient des liens puissants avec ses acteurs, mais un homme plus discret est également un de ses partenaires privilégiés. Robert Richardson, son directeur de la photographie sur « Shutter Island », est aussi à lier aux succès du maître. Présent sur « Shine A Light » –le concert filmé des Rolling Stones en 2007, au Beacon Theater à New-York-, « Aviator », « A tombeau ouvert » et « Casino », Richardson est l’un des principaux artisans des triomphes récents du réalisateur newyorkais. Il a remporté l’Oscar de la meilleure photographie pour « Aviator » en 2004. 79


MUSIQUE Chroniques

In English, please Black Kent, Yes I Kent, Allmade Records

Le Bordelais réalise une première dans le rap français en s’aventurant là où d’autres n’ont jamais pu ou voulu aller, le hip hop version anglaise. Par Abdel PITROIPA

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n ne peut pas parler de ressemblance. Ce serait rabaisser l’album de Black Kent au rang de tentative à moitié ratée de faire aussi bien qu’un rappeur de la East ou de la West Coast. Sans verser dans le dithyrambique, on peut dire sans risque que le rookie du rap français a réussi son pari de réaliser un album entièrement en anglais, l’articulation en plus.

Dès l’écoute du premier morceau, « Pass That », en featuring avec Bishop Lamont, petit protégé de Dr Dre, on a clairement affaire à un rap de style américain. Grâce à une langue servie par des codes parfaitement maîtrisés « Yes I Kent », deuxième opus du Bordelais, n’a rien à envier aux autres productions outre-Atlantique de l’année 2010. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la sortie s’est d’abord faite aux States, en novembre dernier, bien avant celle dans l’Hexagone, fin janvier 2010. Les instrumentaux, qui portent pour la plupart la signature du « beatmaker » français J-Lock, sont inspirés de ce qui se fait de mieux dans le pays de l’Oncle Sam. En témoigne le morceau « The Good Die Young ». Avec son ambiance lourde (notes graves d’orgue, batterie percutante) alliée à un flow approprié, on obtient un son très « dirty south », digne des géants Rick Ross, ou Lil’ Wayne, ambassadeurs du style. Le MC n’en est pas à son premier exploit. A l’image de Clark Kent alias Superman, Black Kent aime à se donner des défis de surhomme. Avant son audacieuse entreprise, le Franco-Ivoirien avait déjà gagné le respect du milieu rap US en reprenant dans son intégralité et en une seule nuit l’emblématique « The Carter III » du rappeur Lil’ Wayne. La net tape, téléchargée plus de 10 000 fois, n’était qu’un exercice destiné à faire la preuve de ses capacités à poser en anglais. Avec « Yes I Kent », titre choisi en écho au slogan de Barack Obama qu’il admire, l’essai est transformé. 80

Cette aptitude à rapper avec aisance dans la langue de Shakespeare lui vient d’un long séjour au Kenya, pays où il a passé son adolescence après sa naissance en Côte d’Ivoire. En 2003, il débarque en France, à l’âge de 17 ans. Cela fait déjà 9 ans qu’il écrit des textes. Très tôt influencé par feuNotorious BIG, le pape du rap East side, ainsi que Jay-Z, il n’est initié aux classiques français (Secteur Ä) que bien plus tard, vers l’âge de 12-13 ans. C’est à ce moment qu’il prend pour la première fois le micro. Arrivé à Bordeaux il se fait discret avant d’intégrer le collectif 99 pro-G avec qui il sort une compilation. Un morceau perso, « Bordeaux City », propulse sa carrière solo qui connaît un aboutissement en mars 99 avec « Le Scalpel Vol. 1 », sa mixtape. La suite, on la connaît, Black Kent décide d’exploiter son côté bilingue et passe du français à l’english. « Yes I Kent », c’est la face B du jeune prodige de 23 ans, qui tourne depuis un moment au Etats-Unis. Le retour de la critique là-bas est encore attendu. Il faudra se distinguer des nombreux concurrents. Un signe distinctif ? Ah si, pas beaucoup de « fuck ! », mais on ne va pas s’en plaindre, pour une fois que ça change…


A la porte, saleté de Hipster Two Door Cinema Club – « Tourist History » Voilà un objet tout à fait détestable. Du « rock de club » destiné à une hype momentanée auprès des geeks de métropole et autres fluo-hipsters, occasionnée par quelques articles fayots dans le NME. Un bidule à classer dans la catégorie « si vous n'avez jamais rien écouté avant, ce disque est pour vous ». Il n'y a pas grand chose sous la cuirasse de bruit et de vitesse d'exécution, ni âme ni semblant de mélodie originale. Du sous-Vampire Weekend par moments, du sousFranz Ferdinand ou Pigeon Detectives le reste du temps : on vomit ces imitations grossières et automatiques de tout ce qui marche, avec pour unique dessein de se faire un nom. Si les chants traditionnels corses étaient hype, on les y trouverait. D'ailleurs, pourquoi ne pas s'unir pour plastiquer leur studio d'enregistrement, histoire de tuer dans l'œuf leur projet de carrière ? Anthony MANSUY

(Kitsuné/Cooperative Music)

Punk à la barbe à papa Dum Dum Girls - « I Will Be » Les garçons sont méchants, des papillons volent dans mon estomac, j'adore les milkshakes au chocolat... et un mur de son s'érige derrière ma voix mutine et mon regard à la saccharose. Mais je me comporte en fait comme la pire des teignes ». Depuis Los Angeles, les Dum Dum Girls reprennent les thèmes centraux des girl-groups des années 1960, avec des refrains du type « my baby's better than you », « I'm going away, maybe I'll be back someday », « Won't you let me take you for a ride ? ». Mais derrière ces considérations hautement philosophiques, le tout repose sur des mélodies vocales et une écriture pop de diamantaire. Musicalement, on pense à Jesus and Mary Chain, The Vaselines, The Shangri-Las. Leur noise-pop balayée de drones est la plus efficace sur « Oh Mein Me », foudre pop-hitlérienne criée en allemand, et « Jail La La », un morceau punk à la barbe à papa, distorsion et reverb en prime. Niveau production, le nom de Richard Gottehrer apparait, lui qui a accouché des premiers albums de Blondie et The GoGo's. CQFD. A.M

(Sub Pop/PIAS)

French-touch pipi John & Jehn – Time For e Devil Ils vivent à Londres, ok. C'est un gars, c'est une fille, « couple à la scène comme à la ville », ok. On s'en cogne. Ah, c'est marrant c'est un duo ils font penser aux Kills aux W hite Stripes et même aux Ting Tings. Voici un échantillon des inepties qu'on lit çà et là sur John & Jehn. La french touch plait aux Angliches mais ça, c'est un autre problème. Sinon niveau disque, c'est pas mal mais pas au point de se rouler pas par terre. Reste qu'il y a très largement une dimension électro-groovy qui remplira le quota clubes que chaque album se doit d'embrasser aujourd'hui pour « marcher ». Le partage des tâches vocales est parfois remarquable mais la voix de Jehn, malgré l'émerveillement unanime de la communauté des critiques, tient plus des recrues des comédies musicales d'Elie Chouraqui ou de Gérard Presgurvic que d'une nouvelle sorte de diva pop. Le timbre caverneux de John est autrement plus excitant, mais il ne chante pas assez. Quelques idées intéressantes se baladent dans l'album, comme l'organe groovy sur « Oh My Love » et « Vampire ». La guitare post-punk de « Shades » ferait presque oublier les paroles guimauve « behind the shades I can barely see all the things you want from me ». A.M (Naïve)

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LIVRES Chroniques

La Bande D. de Gaza Gaza 1956, En marge de l’histoire, par

Joe Sacco, Ed Futuropolis, 2010, 424 p , 29€

Manger par l'histoire » cela aurait pu être un autre sous-titre à Gaza 1956, en marge de l’histoire. Joe Sacco, fidèle à lui-même, dessine ceux qui habitent, défendent, et humanisent la bande de Gaza. Par le biais d'une démarche journalistique et tout en prenant le parti des palestiniens, Joe Sacco raconte comment des hommes sont pris dans l'engrenage de l'Histoire, avec un grand « H ». Très vite d'ailleurs, il explique ce choix narratif par une théorie sur les « annexes » de l'histoire. Les massacres de Khan Younis et Rafah, autour desquels il écrit, sont désignés dans les rapports officiels comme des évènements mineurs. Dans Gaza 1956, il n’y a aucune place pour l'hésitation, tant l'engagement des hommes raconté est entier. Aux Gazaouis, sont opposés le mépris et le cynisme des gouvernements français, israélien, britannique, américain, mais également des journalistes. Et le lecteur, confronté lui aussi à son propre engagement, terminera aisément le livre avec l'envie d'aller vers «Palestine : une nation occupée» (Ed.Broché, 2002) ou complètement ailleurs, à «Gorazde : la guerre en Bosnie orientale» (Ed. Rackham, 2000). Lucie ORIOL

Black and Blue

La guitare de Bo Diddley, par Jean-Christophe Chauzy et Marc Villard, Ed Rivages Noir, 2009, 96 p, 17€ Cette bande dessinée est un hommage à la fois à Bo Diddley, à Paris et au rock’n roll. L’histoire, c’est le parcours fictif de la fameuse et unique guitare Blue Hawaii du bluesman américain. Dérobée dans une voiture par Arsène, jeune basketteur black désœuvré, la guitare ira de main en main et d’aventure en aventure. Cette guitare se baladera notamment dans un Pigalle cosmopolite et agité, plein de maquereaux, de dealers et de policiers plus ou moins bien intentionnés. Les personnages sont dessinés de manière approximative et presque floue, comme pour exprimer la perdition de certains d’entre eux. Les couleurs bleues et noires, prédominantes, rappellent à la fois celles de la guitare en question, et créent une ambiance rock n’ roll et sombre. La BD, quant à elle, ressemble à la guitare, rectangulaire et bleue Caraïbes. Le rythme est effréné, mené de main de maître par le duo Villard/Chauzy, au meilleur de sa forme. Fans comme simples lecteurs curieux se délecteront de l’apparition à la fin de Bo Diddley himself. Pauline BORdOnE

Une BD pour changer de destin Tome I : Le Hold-Up, par F. Giroud et M. Durand, Ed Glénat, 2010, 56 p ,13 € le volume

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Vous avez sûrement, plus jeune, déjà joué aux « livres dont vous êtes le héros ». La série « Destins » décline le principe d’arbre à possibilités en bande dessinées. Une expérience originale qui va devoir faire ses preuves. Frank Giroud, c’est un peu le Terry Gilliam de la BD, sans la poisse. Un adepte des projets originaux, en perpétuelle remise en cause et cherchant à rompre les codes de son art. Avec « Destins », le principe est aussi simple qu’original. Ellen Baker, jeune femme engagée dans l’humanitaire, tue un vigile lors d’un hold-up raté. Quinze ans plus tard, elle apprend qu’une autre femme est accusée à sa place. Doit-elle se dénoncer ou poursuivre sa mission au sein d’une ONG en Afrique ? Un dilemme et deux chemins qui se déclinent en tomes II et III (ou plutôt II bis). Le projet est déjà bouclé, la série sera développée en quatorze albums avec, à chaque fois, un scénariste ainsi qu’un dessinateur différent et devrait s’achever en janvier 2012. Côté lecteurs, on a la chance d’avoir 14 albums à parution rapprochée (ce qui est une aubaine depuis la mode des séries à rallonge !) mais on risque de s’y perdre un peu, surtout concernant la continuité graphique. Les trois premiers tomes n’ont rien d’inoubliable pris individuellement mais faisons confiance à Giroud pour donner une force à l’œuvre dans sa globalité. Un peu comme Gilliam avec les Monty-Python...le tout est plus que la somme des parties. Amaury LEMAITRE



LIVRES Chroniques

Dans la tourmente Incidences, par Philippe Djian, Ed Gallimard, 2010, 232 p, 18€ Marc a 53 ans, il a autrefois désiré être écrivain. Maintenant professeur de lettres, il anime des ateliers d’écriture dans une université, au pied des Alpes. Habité par la magie du verbe, il rencontre un succès certain auprès des étudiants … et des étudiantes. Lorsque l’une d’elles décède inopinément dans son lit, il se débarrasse du cadavre dans une grotte des environs. La vie continue. Réfugié dans la maison qu’il partage avec sa sœur, Marc est emporté par une passion avec la belle-mère de Barbara, l’étudiante disparue, avec en trame de fond, la littérature, magnifiée jusqu’à la transcendance. Le tout environné de montagnes d’un blanc resplendissant et de volutes de fumée. La cigarette, à contre-courant de l’époque, est évoquée comme une esthétique, rappelant le « Sublime cigarette » de Richard Klein. L’auteur de « 37,2 le matin » signe encore une œuvre majeure, très personnelle où il creuse le même sillon, celui d’un style sans concession, héritier de Raymond Carver, Robert Conrad ou Herman Melville, ses maîtres. Eric OuzOunIAn

Jimmy revient en poche Krondor : le Legs de la faille, Tome 3 : La larme des dieux, par Raymond E. Feist » Ed J’ai lu, 2010, 445p, 8€

L

e 3ème tome du « Leg de la faille », « La larme des dieux », de Raymond E. Feist, est enfin sorti en poche. L’occasion de se (re)plonger dans l’immense œuvre du nouveau maître de l’heroic fantasy : un cycle qui compte pas moins de 20 ouvrages, dont 17 traduits en français. Dans « La larme des dieux », on se situe 15 ans après le début de « La guerre de la faille », première série de Feist. On retrouvera les personnages antérieurs, principalement anglé sur Jimmy les mains vives, ancien voleur haut en couleur devenu écuyer du prince Arutha, personnage principal des précédents tomes. Feist s’attarde, dans cette trilogie, à faire évoluer les personnages principaux en vue de la prochaine grande bataille qu’ils auront à mener, « La guerre des serpents ». Comme à son habitude, l’écrivain nous livre un récit focalisé sur quelques personnages, mais arrive avec talent à englober toute une ville, tout un pays. Le foisonnement des détails, l’accroche au réel et la vision d’un monde à travers les yeux d’un personnage font une fois de plus mouche. A découvrir ou à redécouvrir. Grégory ROzIèREs

Un pavé dans la mare L’Homme Qui Arrêta d’Ecrire, par Marc-Edouard Nabe, www.maredouardnabe.com, 2010, 686 p, 28€ Le système [de l’édition] va changer », répétait Marc-Edouard Nabe, il y a encore quelques années. Aujourd’hui, rien n’a changé. Sauf pour lui. Nabe, le sulfureux provocateur de la littérature moderne, autant détesté qu’haï, frappe un grand coup : plus d’éditeur (il a récupéré en justice les droits de la majorité de ses œuvres), plus de libraires et donc plus de diffusion classique. L’écrivain, l’éditeur, et le vendeur, c’est lui. Il vend désormais ses livres sur la plateforme www.maredouardnabe.com. Plus que de l’autoédition, de l’anti-édition. Celui qui avait juré qu’il avait arrêté d’écrire a publié en ce début d’année son vingt-huitième livre, ironiquement intitulé « L’Homme Qui Arrêta d’Ecrire ». Ce roman est plus qu’un simple pavé (686 pages quand même) jeté dans la marre littéraire : une autofiction dans laquelle Nabe épingle de sa plume assassine les dérives de la société moderne. Tout (les blogs, la mode, les médias…) et tout le monde (Sollers, Beigbeder, BHL…) y passe, avec humour et cynisme. Certaines choses ne changent jamais… Adrien TOffOLET 84



sciences

Voyage à travers Peut-on voyager à travers des mondes parallèles ? L’hypothèse a largement été émise dans diverses œuvres de fiction, même si elle n’est pour l’instant corroborée par aucune preuve scientifique.

A

dmettons que nous nous plaçons à l’échelle de tout l’Univers. Pas seulement de notre planète, ni même de notre galaxie, mais bien de tout l’Univers, espace interstellaire compris. Nous ne connaissons que la matière, celle qui nous compose et qui compose les objets qui nous entourent. Mais, selon l’astrophysicien Jean-Pierre Petit, il existerait un corollaire à cette matière qui serait de la « matière-ombre » Celle-ci formerait un monde jumeau du nôtre. Non pas, à proprement parler, un « monde parallèle» (car il se situerait au même endroit) mais un monde fantôme. Il serait « le monde verso de notre monde recto ». Voilà pourquoi on parle aussi de « monde miroir ». Pour le scientifique, « si l’univers était un gruyère, la matière-ombre serait le fromage et les galaxies se formeraient dans les trous ». Notons que la matière et la matièreombre exercent entre elles des forces ré-

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les mondes

pulsives. Pour Jean-Pierre Petit, cela explique l’énigme des sondes Pioneer. Plusieurs sondes envoyées dans l’espace, par la NASA dans les années 70, ont commencé à décélérer à la sortie du système solaire sans explication. Ces sondes auraient pu être repoussées par la matièreombre. Cela expliquerait aussi le phénomène de dilatation de l’univers. Les galaxies (depuis leur trou de fromage, donc) étant repoussée par la matièreombre, elles finissent par s’éloigner entre elles, et prendre plus de place. Pourtant, pour la plupart des scientifiques, la matière-ombre n’est pas nécessaire pour expliquer ce mouvement. Pour Patrick Peter, directeur de recherche au CNRS, le phénomène d’expansion de l’univers s’explique tout simplement par la théorie de la relativité. « Quand on lance une pierre vers le ciel, même si à un moment elle va retomber, en premier lieu elle monte. Aussi, même si l’Univers connait la gravitation, au moment du Big Bang il y a eu une explosion, ce qui explique l’expansion. » Cela dit, le phénomène de dilatation devrait ralentir, or il s’accélère. Pour

le chercheur, il ne s’agit pas de l’effet de la « masse-ombre » mais de la « masse noire» et « d’énergie noire ». Même si elle est méconnue, près de 75% de tout l’Univers serait composée de matière noire qui aurait ses propres règles et interagirait avec « notre » matière de façon inconnue. Les scientifiques ont remarqué la matière noire en observant le mouvement d’étoiles dans les galaxies qui bougeaient de façon anormale. Elles décrivent un mouvement plus rapide que si elles étaient confrontées aux données connues de « notre matière ». La communauté scientifique a eu l’espoir de mesurer l’énergie noire grâce à l’anomalie Pioneer, sans que cela n’ait abouti au moindre résultat en définitive. L’existence des trous noirs est reconnue. Il s’agit de matière qui se serait écroulée sur elle-même. Pour quitter la terre, il faut une certaine vitesse appelée « vitesse de libération ». Sans cela, la force de gravitation ramène l’objet lancé vers la terre. Ainsi, un trou noir est une région de l'espace qui a une masse concentrée en elle et une force de gravitation tellement forte, que tout est « aspirée » en lui. La vitesse de libération devient égale à la vitesse de la lumière, alors même la lumière est « entraînée » dans le trou noir. Que devient la matière qui était dans cet espace avant qu’il ne se transforme en trou noir ? On appelle ça, en cosmologie un « horizon ». C’est la limite de l’univers observable. En clair : personne ne sait réellement ce qui arrive à cette matière capturée. Mais certaines hypothèses soutiennent que de l’autre côté du trou noir se trouve une « fontaine blanche » (ou « trou blanc »). Entre les deux, se créé un « trou de ver » ou « vortex ». La matière entrerait dans le trou noir, passerait dans ce tunnel et ressortirait par le


sciences

Entre fiction et realite La fiction rejoint parfois la réalité. De nombreuses œuvres reposent en réalité sur des théories scientifiques : univers parallèles, monde miroir, vortex…

1871 : De l’autre côté du miroir, de Lewis Carroll décrit comment Alice évolue dans un « monde miroir », un monde inversé par rapport au nôtre. A cette époque, l’antimatière n’a pas encore été découverte.

1957 : La théorie des mondes parallèles ou multiples est introduite par l’Américain Hugh Everett. Les univers auraient un point commun dans leur passé, puis divergeraient.

En 1967 : Le physicien soviétique Andreï Sakharov publie des travaux sur la structure gémellaire de l’univers.

A partir de 1972 : Jean-Pierre Petit se consacre à la recherche théorique en astrophysique et à la dynamique des galaxies. Il ébauche son modèle cosmique prenant en compte la théorie des mondes jumeaux.

trou blanc. Pour déboucher dans un monde parallèle ? Pourquoi pas. Admettons, ici encore, que l’Univers est une feuille de papier. Pour se rendre de l’autre côté de la feuille, au lieu de devoir longer tout le recto et tout le verso, le trou noir permettrait d’y arriver presqu’immédiatement. Si on ne qualifie pas le verso de « monde parallèle », on peut au moins pen-

ser que voyager à travers un trou noir permettrait de voyager à travers l’espace extrêmement plus vite. Marie Koenig * Jean-Pierre Petit a écrit entre autres « le mystère des Ummites », « On a perdu la moitié de l’Univers » et « L’année du contact ».

1995 : La théorie d’Everett est reprise dans le livre « A la croisée des mondes», de Philip Pullman. Tandis qu’ une série télévisée, « Sliders », fait référence à la théorie des « trous de vers » ou « vortex », déjà largement évoqué dans la série historique « Star Trek ».

1998 : Half-life, un jeu vidéo reprend l’idée de monde parallèle, après des expériences de téléportations qui auraient échoué. 87


sante

Faut-il se méfier d’Avatar ?

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ertaines personnes m’ont téléphoné après avoir vu un film en 3D pour me dire qu’ils avaient été mal à l’aise pendant la projection, certains ont même enlevé leurs lunettes, rapporte Luc Licari de l’association de patients Retina France, qui lutte contre les maladies de la vue. Je ne peux pas être sûr que la 3D soit mauvaise pour les yeux, mais manifestement ces personnes ont fait le lien. » Le plus souvent, une simple fatigue oculaire se fait ressentir, mais on peut également être pris de vertige, de nausées ou de migraines. La 3D n’est pas natureLLe La cause de tous ces maux ? On peut penser que l’œil est soumis à un « trop gros travail ». En temps normal, les yeux voient tous les deux la même chose, selon une position relativement parallèle des axes visuels au repos physiologique. Il s’agit de la phorie. Le principe de la 3D est de filmer deux images avec un angle légèrement différent. Ce tout petit écart angulaire oblige le cerveau à superposer les informations et à donner une sensation de relief plus prononcé. Cela s’appelle la stéréoscopie. Nous vivons, certes, dans un monde en 3D, mais cette 3D cinétique n’a rien de naturel, et donc oblige nos yeux à s’activer anormalement. Ce qui n’est pas sans 88

2010 annonce t-il un virage vers l’ère du « tout 3D » ? De plus en plus cette nouvelle technique est utilisée au cinéma, et demain, à la télévision. Pourtant, nous n’avons aucun recul sur cette 3D cinétique. Alors que les spectateurs notent une certaine gêne au moment du visionnage, faut-il mener des études plus approfondies sur le sujet ? Par Marie Koenig

incidence. Schématiquement, nos yeux vont faire « une mise au point » sur l’image qui « sort de l’écran », à un endroit où, en fait, il n’y a rien à voir. En réaction, nos yeux corrigent l’erreur et refont le point sur l’écran. C’est ce travail permanent qui créerait la fatigue oculaire. une expérience D’un nouveau genre Ces symptômes seraient connus depuis l’apparition de la 3D dans les années 1950. Seulement, aucune version officielle n’a été donnée sur le sujet, et les études sont rares. « La population n’est pas mise au courant. La 3D cinétique est une expérience physique, par conséquent, des études psychophysiques vont devoir être menées », lance même Marc Abitbol, directeur de recherche thérapeutique en ophtalmologie à l’hôpital Necker. L’ophtalmologiste va

même plus loin : « Je n’exclue pas la possibilité que la 3D puisse entraîner des crises chez les personnes épileptiques. Il faut être très prudent et mettre en garde les spectateurs. » Une gêne occasionnée par la 3D serait donc la preuve qu’on a un problème sousjacent ? Pas systématiquement, mais c’est une piste à explorer. Cela pourrait dire que nous avons une faiblesse de la tonicité des muscles oculaires, ou une petite hypermétropie ou un léger strabisme non corrigé. De façon extrême, un fort malaise pourrait être un début de piste conduisant à la détection d’une sclérose en plaque ou d’un glaucome (les deux maladies étant souvent associées à des neuropathies optiques). Marc Abitbol est formel sur ce point : « Les gens ressentant une forte gêne devraient consulter leur médecin généraliste, voire un spécialiste des yeux. » Le cinéma 3D va-t-il donc devenir un moyen de dépister les maladies


sante

oculaires ? Ce n’est pas à exclure. Laurent Milstayn, orthoptiste et président du syndicat national autonome des orthoptistes, explique qu’un cas similaire avait déjà été observé. un bon Dépistage « Au début des années 1990, quand les livres « l’œil magique » sont sortis, de nombreuses personnes sont venues me voir en m’expliquant qu’elles n’arrivaient pas à voir l’image en 3D. Aujourd’hui, le cinéma en 3D va sans doute nous ramener de nouveaux patients ! » Pas de panique si une difficulté apparaît : la rééducation est possible. « Après un diagnostic précis, on réapprend aux yeux à être en coordination et on réamorce le mouvement. Ainsi on redonne de la puissance aux yeux », explique Laurent Mylstayn qui relève qu’une fatigue oculaire similaire apparaît chez les gens qui travaillent toute la journée devant un ordinateur par exemple.

Le yoga des yeux, ça existe

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a 3D n’est pas la seule à causer une fatigue oculaire. Après une journée passée devant un écran d’ordinateur, la mobilité naturelle de l’œil diminue. Il existe des exercices à pratiquer chez soi pour renforcer la tonicité de ses muscles oculaires. Le palming : En frottant ses mains l’une contre l’autre et en les plaquant contre ses yeux, l’obscurité et la chaleur dégagées aide au relâchement des petits muscles situés autour et derrière l’œil. On peut également appuyer avec ses pouces sur les globes oculaires et masser légèrement. Ou encore se pincer la racine du nez. Le cillement :En exagérant le mouvement, cligner durant 30 secondes des yeux provoque une activation des glandes lacrymales.

Cela humidifie et lubrifie l’œil. Le jonglage : Pour retrouver la mobilité de l’œil, on peut, par exemple, s’entrainer à jongler avec une balle, tout en la suivant des yeux. retrouver une vision de loin : Si on travaille devant un écran, prendre l’habitude de regarder au loin régulièrement. Et si on se trouve devant une fenêtre, laisser errer son regard sans chercher à fixer quelque chose. Petit à petit, l’image devient nette de façon générale. apprendre à loucher : Eloigner de ses yeux un stylo placé à la verticale, puis le rapprocher, tout en s’efforçant à ce qu’il ne se dédouble pas.

Attention, 3D !

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ous les spécialistes de la médecine oculaire en sont convaincus : la 3D n’est pas faite pour tout le monde. Certaines personnes ne peuvent pas la percevoir, d’autres y réagissent négativement. Dans un cas comme dans l’autre, mieux vaut encore consulter un spécialiste. - Vous ne voyez pas la 3D ou vous ressentez une gêne lors d’un visionnage ? Il peut s’agir de problèmes ophtalmiques non diagnostiqués. C’est le cas de l’anisométropie: un œil est très myope, l’autre pas. On peut ne pas s’en apercevoir car on voit bien : le cerveau se sert de l’œil non myope pour voir de loin, et du myope pour voir de près. Mais la 3D est imperceptible. - Parmi d’autres possibilités, le strabisme : si un œil est trop

dévié, le cerveau voit des images tellement différentes que c’est insupportable : alors il éteint l’une des images. Ces gens pourront quand même avoir une notion de relief, grâce au cerveau qui créé des compensations avec les ombres portées ou le déplacement de l’image sur la rétine. Ces personnes peuvent ne pas savoir qu’ils ne voient pas la 3D. Ou encore : l’alibinisme, pour des raisons de mauvaises pigmentations de la rétine ou l’hypermétropie. - Pour aller plus loin : le cinéma 3D pourrait provoquer une crise d’épilepsie photosensible, chez les personnes prédisposées, selon le même principe que les flashs stroboscopiques. Les sujets paranoïaques, schizophrènes ou souffrants d’altération de la réalité pourraient également présenter des troubles. 89


HigH-tecH

En révolutionnant son secteur, Apple a brisé les liens qu’il entretenait avec ses alliés historiques. La pomme est en train de devenir l’ennemi à abattre.

Les alliés veulent croquer le fruit défendu

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ais quelle mouche les a piqués ? Apple faisait pourtant historiquement figure de poussière aux yeux des grands pontes du monde informatique. Certes, l’admiration que suscitait la firme de Cupertino aux yeux du public constituait une blessure d’égo pour des entreprises comme Microsoft, mais tant qu’elle restait dans sa niche structurelle et laissait le gâteau se partager entre les grands de ce monde, personne n’osait attaquer la firme de Steve Jobs. googLe et aDobe récLament Leur part Aujourd’hui Apple est l’ennemi numéro un, et se retrouve critiqué de toute part, essentiellement depuis le succès incontestable de l’iPhone, et à travers 90

celui annoncé de l’iPad. Résultat, Google cherche à investir le marché de la mobilité. Ceux qui partageaient un lien fort voici encore quelques mois avec la présence d’Eric Schmidt (PDG de Google) dans les deux conseils d’administration, parti depuis d’Apple, s’entredéchirent. La firme à la pomme voit d’un mauvais œil l’intrusion du géant de la recherche sur internet phagocyter le secteur de la téléphonie avec son Google Phone. Apple menace désormais de rompre le contrat qui le liait à Google pour le choix du moteur de son smartphone, et de se tourner vers Microsoft et sa solution Bing. Google n’est pas le seul à s’attirer les foudres d’Apple dans le secteur informatique. Adobe (développeur entre autre de Photoshop) est aujourd’hui directement visé par le Tout-Puissant Steve Jobs. Et là, l’excommunication est clairement envisagée. Dernier évènement

en date, le rejet du support de la technologie Flash du développeur américain sur les supports iPhone et iPad. Flash permet de réaliser des animations et applications, très courantes sur le net, où il est utilisé par des lecteurs vidéo, jeux et applications en ligne. Selon Adobe « 85% des sites les plus visités dans le monde utilisent Flash », alors pourquoi se passer de cette technologie ? Apple a une explication simple : « le logiciel accapare trop de ressources, souffre de bugs et serait à la porte ouverte au piratage ». Steve Jobs accuse même Adobe de « fainéantise » lorsqu’il s’exprime devant ses employés. Si Jobs n’est pas le premier à critiquer Flash, il faut voir en filigrane la hantise qu’a Apple de perdre le contrôle total sur son sacro-saint AppStore, le magasin en ligne qui permet de télécharger les applications pour iPhone, iPod Touch et bientôt iPad. Avec le support de cette technologie, les


HigH-tecH

Les opérateurs mondiaux s’unissent contre l’AppStore

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ort du contrôle de 97% des applications pour téléphones mobiles, Apple suscite une forte convoitise. Afin de réduire leur dépendance à la Pomme, 24 opérateurs parmi les plus importants du monde (AT&T, Verizon, Vodafone, China Mobile, Deutsche Telekom, Telefonica, Orange…) se sont décidés à s’unir pour créer une plate-forme commune. Cette alliance est soutenue

développeurs pourraient créer des programmes pour ces appareils sans passer par cette boutique ; en la bloquant, Apple s'assure que son AppStore reste incontournable. La pomme De La DiscorDe Le finlandais Nokia est aussi à mettre au rayon des entreprises en conflit ouvert avec la Pomme. Au cœur d’une bataille juridique intense autour d’une utilisation illégale et mutuelle de brevets, le leader mondial de la téléphonie mobile fait tout pour empêcher Apple d’avaler ses parts de marché. Aujourd’hui Apple gagne plus d’argent que Nokia avec sa seule activité iPhone. Dernier groupe en confrontation directe avec Apple, et non des moindres, Amazon. Le premier vendeur de livres électroniques dans le monde voit d’un très mauvais œil l’arrivée de l’iPad qui a

par 3 des plus grands constructeurs : LG, Samsung et Sony Ericsson. Sur le principe, le client aurait tout à gagner avec la libéralisation de ce marché. Les développeurs devront toutefois jongler entre différents hardware (résolution d'écran, processeur, mémoire etc), ce qui complique l'optimisation. En moins de 3 ans l’iPhone et l’iPod Touch ont trouvé 75 millions d’utilisateurs

qui se rendent quotidiennement sur l’AppStore dont Apple revendique plus de 3 milliards de téléchargements. 140.000 applications sont officiellement disponibles sur la boutique en ligne, un chiffre bien supérieur aux quelques milliers que proposent Nokia et Microsoft. Seul Android de Google (20.000) commence à émerger.

bouleversé son système de vente avant même la sortie de son concurrent. Explication : Amazon imposait aux éditeurs un prix fixe pour les livres électroniques de 9,99 dollars. Apple a d’ores et déjà annoncé que sur sa future plate-forme de vente les prix s’échelonneront entre 12,99 et 14,99 dollars, ce qui réjouit les éditeurs, qui récupéreront 70% du prix net d’un ouvrage contre 25% selon le système mis en place par Amazon.

concurrence frontale avec ces mastodontes, contre qui la firme fruitière évitait soigneusement tout conflit quelques années auparavant ? Tout simplement parce qu’Apple grossit sans cesse et que sa philosophie à ne dépendre d’aucune autre entreprise par souci d’autonomie est à la base de sa stratégie. On le voit avec le Macintosh, le couple iPod+iTunes, l’iPhone+AppStore et bientôt l’iPad couplé à son magasin en ligne eBooks. Moralité, lorsqu’Apple investit un nouveau marché, on le prend désormais très au sérieux. Alors qu’Adobe et Google étaient autrefois les alliés naturels d’Apple pour contrer l’omnipotence de Microsoft, on mesure bien comme les alliances d’hier ont évolué et que l’adage « les ennemis de mes ennemis sont mes amis » ne trouve plus de sens.

L’autonomie, obsession D’appLe Sous la pression, la cyberboutique a capitulé et laissera désormais les éditeurs libres de fixer leurs prix, de peur de voir Apple récupérer le marché comme il l’a fait jadis pour la musique avec son iTunes Store. Qu’est-ce qui pousse Apple à rentrer en

grégory RAYMonD Tableau récapitulatif des chiffres d’affaires et des capitalisations boursières d’Apple et de ses concurrents directs. 91


BLING BLING p a r pauline Bordone

Conso-inutile Nouveau tableau chez Moriarty … ah non, pardon, c’est une voiture !

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ichard Moriarty, ancien rugbyman et nouveau milliardaire, est vraiment un original. Et à tout point de vue. Certains travaillent dur pendant des années pour pouvoir s’offrir une voiture d’occasion. Pas Richard. D’autres, plus aisés, se paient le simple luxe d’accrocher des tableaux de maîtres à leurs murs. Pas Richard non plus. Lui, il s’achète une Lamborghini Countach de 1974, comme il serait allé s’acheter du pain. En plus, ce n’est même pas pour la conduire, mais pour l’accrocher au mur. Pas à la portée de tout le monde. Donc, simplement pour éviter d’avoir l’air snob, abstenez vous.

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BLING BLING

Va ranger tes chats !

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rop le chat ne tue pas le chat. Des petits malins ont même inventé des rangements pour entasser ces adorables petites bêtes. Ingénieux non ? Sinon, il suffit soit d’acheter des corbeilles à courrier, soit de ne pas avoir autant de chat !

Ne touche pas à la poubelle !

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ne poubelle à 120 euros ! Oui mais pas n’importe laquelle… Elle s’appelle No touch (oui parce que cette poubelle a un nom), et est « hygiénique et pratique ». Pour la simple et bonne raison que l’on n’a pas besoin de la toucher pour qu’elle ne s’ouvre. Cette magnifique poubelle, disponible en plusieurs coloris (parce qu’elle est « fashion » aussi) est équipée d’un détecteur de mouvement, et s’ouvre donc automatiquement dès que vos petites mains précieuses s’approchent de son couvercle. Fantastique. Et pourquoi ne pas étendre le concept, histoire de vraiment ne plus savoir se servir de ses dix doigts ? Par exemple une télécommande sur laquelle il faudrait souffler pour changer de chaîne, ou encore un réfrigérateur qui s’ouvrirait à chaque fois que vous prononcez la phrase « j’ai faim ». Allez, on y croit.

Le yacht, c’est has-been

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ienvenue à bord du nouveau caprice des milliardaires. Après la voiture de luxe accrochée à un mur, voici le sous-marin privé. L’heureux futur propriétaire, un milliardaire saoudien, qui vient de commander SON sous-marin, (le sous-marin privé le plus grand du monde) pour la modique somme de 60 millions d’euros. Appartements sur trois niveaux, home-cinéma, hublots géants et jacuzzi, rien ne manquera dans ce palace aquatique. Quoi de plus impressionnant pour épater les copains milliardaires, direz-vous ? Eh bien rien. Mais ce n’est pas moins ridicule de toute façon.

L a b a l a n c e à distance

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’iPhone s’apprête à lancer une nouvelle application. Mais pas tout seul. Withings, toute jeune entreprise, lance une balance, d’apparence normale, avec une connexion wifi intégrée. Cette balance peut donc être connectée à l’Iphone. Hallelujah ! Maintenant, les plus névrosées du poids pourront désormais contrôler et suivre leur évolution sur leur téléphone depuis un site web. Nouvelle manière de rendre folle les jeunes filles victime de la maigreur ? Que nenni. C’est presque une nouvelle manière d’être proche de ses amis, puisque la balance peut surveiller les masses graisseuses de 8 personnes à la fois ! Mais il va falloir faire preuve de patience, le pro duit sera « bientôt disponible ». En attendant, le prix est tû.

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MODE

Drama mcQueen Futuriste, dramatique, complexe… Alexander McQueen était plus qu’une simple figure de la mode british. Loin des tartans tradi et des broderies reine mère, McQueen, à l’instar des Galliano et autres Westwood, a réussi à imposer au monde sa vision d’une mode décalée, scénique et bouleversante.Retour sur le parcours du hooligan du style retrouvé pendu dans son dressing le 11 février dernier.

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vec un père taxi, cinq frères et sœurs et des études interrompues à l’âge de 16 ans, rien ne pouvait prévoir la prodigieuse carrière de ce petit blondinet un peu dodu, né en 1969 dans la banlieue de Londres. Pourtant Lee McQueen (son vrai nom) s’est construit une carrière internationale en moins de dix ans. Quand il arrête l’école, McQueen est engagé comme apprenti chez le tailleur star de la famille royale, Anderson& Sheppard. Il se démarque par la justesse de la coupe, le choix des matières et la précision des finitions. Son irrévérence le fait renvoyer : dans le costume qu’il confectionne pour le Prince Charles, il inscrit dans la doublure « I’m a

Par Mégal GROUCHKA

jerk », en clair, je suis un con. Légende ou réalité, Alexander est lancé. A 20ans, il débarque alors à Milan pour rejoindre le designer italien Roméo Gigli, dont il sera l’assistant. C’est d’ailleurs lui qui le force, en 1994, à intégrer la très classieuse Saint Martins School of Arts and Design de Londres. Sur les bancs de l’école de mode, McQueen rencontre ses futurs concurrents, John Galliano, déjà très excentrique, et la studieuse fille de l’immortel Paul McCartney, Stella. Tous ses professeurs en conviennent, Alexander a quelque chose de particulier, une vision unique, une capacité de concentration hors normes qui le rendront riche et célèbre. Et ils voient juste. Alors qu’il présente avec ses petits camarades de classe sa collection de fin d’étude, il est remarqué par celle qui deviendra son plus grand soutien et sa meilleure amie, la prêtresse de la mode anglaise, Isabella Blow. Rédactrice en chef mode au Tatler Magazine et mécène, elle décide d’acheter l’intégralité de la collection de McQueen. A peine diplômé, le crâne rasé et la dégaine hip hop, il est engagé comme directeur artistique d’une des maisons françaises les

plus légendaires : Givenchy. Nous sommes en 1996 et les Anglais envahissent Paris. Galliano chez Dior, McCartney chez Chloé et le jeune Alexander McQueen, alors âgé de 27 ans, venu dépoussiérer la griffe qui avait habillé Audrey Hepburn. Le styliste va se confronter à la dure réalité d’un marché en pleine expansion régi par le raisonnement commercial des grands groupes. LVMH ne fait pas de cadeaux à McQueen. Toute excentricité est bannie pour rendre la collection « absolutely wearable » c'est-àdire portable, vendable, donc classique ! Une incompatibilité qui dure tout de même quatre ans avant un divorce sans arrangement à l’amiable en 2001. Fâché avec un milieu « d’hypocrite et de lèche cul », le styliste n’hésite pas à critiquer ses propres créations chez Givenchy. Il est heureusement approché par François-Henri Pinault, PDG du GucciGroup et de PPR, qui lui propose enfin de créer sous son propre nom. Et c’est le début de l’aventure McQueen telle qu’on la connaît. De retour sur ses terres britanniques, il copine avec l’icône Kate Moss, le chapelier Philip Tracey et la rédactrice Katie Grand. Son équipe


fashion réunie, il perd quelques kilos et se lance à la conquête des podiums et des pages en papier glacé. A coup de ciseaux et de défilés spectaculaires, Alexander McQueen, le punk des années 2000 séduit, choque, intrigue et plait ! Ses shows, loin de se réduire à de simples présentations de vêtements, projettent les spectateurs dans l’imaginaire McQueen

fèvre. Au-delà de ses qualités indéniables de couturier, McQueen a surtout du flair. En 2005, il fait porter à ces mannequins des jeans « bumster », les premières tailles vertigineusement basses. Il sera aussi le seul styliste à soutenir la Reine Moss en pleine tourmente du « CocoKate ». Prise en flagrant délit de consommation de cocaïne, le mannequin se voit retirer tous ses contrats publicitaires. Le créateur aborde alors à son défilé, un tee shirt « We love you Kate ». Elle deviendra alors la meilleure ambassadrice du travail de son ami. Mars 2009, dans le Palais Omnisports de Paris, Alexander McQueen présentait ce qui allait être sa dernière collection. Chaussures monstrueusement hautes, coupes nerveuses

une vision unique, une capacité de concentration hors normes teinté de références baroques à l’univers de Dante et de Jack l’Eventreur, de touches d’avant-gardisme à la japonaise. Et c’est en costume de lapin Duracell que le styliste vient saluer son public. Avec une sensibilité toute particulière pour la couleur et les imprimés, Alexander McQueen traite chaque robe, chaque cape, chaque pantalon avec la précision d’un or-

et imprimés serpent psychédéliques, pour le styliste, la femme de l’été 2010 sera sauvage et futuriste à la fois. Dans le zoo de la mode, la femme McQueen, c’est la vipère ! Le talent de l’artiste est largement relayé dans la presse qui parle de l’avènement d’une nouvelle ère pour la maison éponyme. Les commandes partent en flèche, les rédactrices s’arrachent ses pièces pour leurs séries mode…bref, tout roule. Alors comment expliquer l’inexplicable ? Pourquoi tout arrêter en pleine renaissance créative ? Le 3 février dernier, Lee « Alexander » annonçait sur son Twitter la mort de sa mère Joyce dont il était extrêmement proche. Quelques jours plus tard, son petit ami le quittait. Trois ans plus tôt, sa meilleure amie et alliée, Isabella Blow, se suicidait. Les deux femmes et l’homme de sa vie disparus, McQueen ne supporte plus de vivre et met fin à ses jours. Des bribes d’explications à ce geste violent de pendaison qui mit un terme à la carrière et à l’imaginaire d’Alexander McQueen. Son défilé parisien est pour le moment toujours programmé le 6 mars prochain.


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Trois sTars pou Certes moins collector que la mobylette du mollah Omar, ces belles motos ne se limitent pas à la fonction strictement utilitaire du basique scooter urbain. Ces objets sont un reflet de la personnalité, une manière de vivre.

Elle est belle et son prénom c’est Bonnie

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’ i l n’en fal lait garder qu’une, ce serait la Triumph Bonnev ille. Indissociable de l’imagerie outlaw au cinéma, elle apparaît pilotée par Steve Mc Queen dans « The Great Escape », par James Dean dans « R ebel Without a Cause » et par Marlon Brando dans « The Wild One ». Le Blouson Perfecto à col relevé, le 501 et les boots noires dev iennent rapidement l’archéty pe du look dandy biker. C’est également sur une Bonnev ille que le romancier américain Hunter Thompson inventa le journalisme gonzo en suivant un chain gang pour son premier roman « Hell’s Angels ». Les bourrins des highways roulaient eu x en Harley-Dav idson, un hybride moche entre le tracteur et la moto, juste bon pour aller acheter le pain ou se contempler dans les v itrines du boulevard Saint Germain. La Bonnev ille faillit aussi priver le rock de son étoile la plus lumineuse lorsque Bob Dylan embrassa l’asphalte de l’Etat de New York en 1966. La « Bonnie » devenait donc la machine légendaire des rockers, déf initivement consacrée par Jethro Tull, dans la chanson « Too old to rock , too young to die ». Pourtant les performances de l’engin ont de quoi faire sourire les amateurs de japonaises débridées et de bombes italiennes. Dépasser le 160 km/h s’avère vraiment spor tif, on termine le cou à moitié arraché et sur les longues distances, la sel le est inconfor table. L’avantage des modèles récents - la Bonnie est toujours au catalogue du constr ucteur, autour de 7 500 euros- c’est que la consommation d’ huile n’est plus équivalente à celle de l’essence. Idéale pour un road trip esthétique.


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ur un roadshow Indien vaut mieux que deux tu l’auras

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es fans d’Edgar P Jacobs ne l’ignorent pas, c’est sur une Royal Enfield Bullet 500 que le Professeur Mortimer fait une démonstration de ses talents de pilote à faire pâlir le Colonel Olrik. Ce gros Twin un peu rustre au premier abord, mais néanmoins robuste et fiable est quand même un bijou pourvu d’une ligne qui n’a pas bougé depuis 50 ans, et pour cause. A l’origine, la respectable firme Enfield fabrique des fusils et diversifie ses activités en construisant en 1901 la première motocyclette Royal Enfield. Le modèle phare de la firme, la Bullet 500, entre en production en 1948, trois modèles de cylindrées sont proposés. La production continue en Inde en 1962 et la Bullet va devenir étroitement associée au sous-continent puisqu’elle ira jusqu’à équiper l’armée nationale. Le casque colonial et le long foulard blanc pourraient tenir lieu de protections tant les performances sont … d’époque. La moto est basique et ne dépasse pas le 100 km/h, le frein arrière à tambour est une plaisanterie et les cale-pieds touchent dans les virages, autant dire que le risque est considérable si l’on s’échappe d’une départementale. Une splendide antiquité , revenue chez le constructeur en 2007, avec un moteur neuf et un frein à disques, à moins de 6 000 euros..

Le Must absolu

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a Vincent Black Shadow est probablement la moto la plus glamour de l’histoire de la mécanique. La ligne est une merveille d’élégance ; une création de haute couture et bien entendu, le prix est à l’avenant, autour de 100 000 USD. La rareté de cette moto explique aussi ce prix faramineux, c’est une pièce de collection qui se vendait déjà autour de 500 dollars dans les 60’s. Présentée en 1948 par son constructeur Philip Vincent, la Black Shadow est le premier modèle de série à dépasser les 200 km/h. La production sera arrêtée en 1955, la firme perdant trop d’argent dans l’exploitation de ce modèle. Une tentative de relance avortera en 2004, les ingénieurs de Harper Engineering avaient trouvé subtil d’équiper ce joyau exceptionnel d’un moteur de Honda, un non sens évident qui se traduira par une catastrophe commerciale. Le look des pilotes empruntait beaucoup à ceux de la Royal Air Force, Fly Jacket, foulard blanc et casque de cuir ; ajoutant encore à la classe de l’ensemble. Le nom de la moto a été repris par un groupe de rock alternatif de Vancouver, auteur de deux albums honnêtes, et reste synonyme d’un style qui n’a jamais été égalé. Dans « Sotos » Philippe Djian équipe Vito Jaragoyhen, le personnage le plus sexy de son œuvre, d’une Black Shadow, caractérisant ainsi le chic mortel de son héros. En résumé, ce modèle sans équivalent demeure le fantasme absolu des aristocrates du deux roues.

Youri LEE GOTHEMI


l’humeur

Scanner corporel Par Pauline Bordone

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ttention Messieurs les terroristes ! Ceci est une exclusivité. Grâce au scanner, toute drogue, arme et autres objets dangereux et interdits seront détectés. Comme avec les portiques et les fouilles, en somme. Depuis lundi 22 février à Roissy, les passagers à destination des Etats-Unis peuvent, s’ils le souhaitent, passer dans le scanner. Les autorités internationales étaient montées au créneau à Noël dernier, quand un jeune Nigérian a voulu se faire exploser sur le vol Amsterdam/Detroit. Problème : l’homme ne possédait ni bagage ni passeport. Comment a-t-il fait pour embarquer ? Peu importe, direz-vous. L’essentiel est qu’un héros ordinaire l’en a empêché (sûrement un pro-scanner depuis l’incident). Mettons qu’il soit passé sans encombres entre les mailles du filet. Panique à bord ! Pour rassurer les passagers, pourquoi ne pas les faire passer dans un scanner? Mais si ! Comme ça, dès que quelqu'un refusera d’y entrer, (tout ça parce que cela atteint sa pudeur), la panique s’emparera de tous les gens autour. Ils auraient pourtant raison, ces braves gens, de refuser d’y entrer ! Comme le dit la Ligue des Droits de l’Homme : « Le recours à ce dispositif de contrôle porte une atteinte à l'intimité et à la vie privée équivalente à une fouille intégrale ». Mais pourquoi ces scanners alors? Allez savoir. Mais ce n’est pas l’entreprise, américaine of course, Rapiscan Systems, qui s’en plaindra. De toute façon il n’est pas certain que ce scanner ait pu détecter la simple poudre que le jeune Nigérian cité plus haut s’était étalé sur la peau. Mais, comme à chaque fois que la France entre en guerre,

ici contre le terrorisme, elle a un train de retard. La nouveauté aurait été un appareil radiologique plutôt, pour voir à l’intérieur du corps, et ainsi détecter les capsules de cocaïne que certains ingèrent avant d’embarquer, ou tout autre chose d’ailleurs, on n’arrête pas le progrès ! En parlant de progrès, d’ingénieux médecins pakistanais et yéménites, formés en Angleterre, sont rentrés dans leurs pays et ont posé des implants mammaires chargés d’explosifs ! Trente grammes de pentrite suffiraient à percer la carlingue d’un avion. Notons que la pentrite est bien évidement indétectable au scanner dit « classique ». Et ces scanners classiques sont justement ceux déjà existants dans les aéroports. Bien joué. Mais heureusement, Patrick Gandil, directeur général de l’Aviation civile explique que « cela résout le problème d’inconfort que nous avons aujourd’hui avec la palpation ». La question qui se pose est : est-il plus inconfortable de se faire « palper » brièvement ou de passer dans un couloir qui permettra à des « professionnels » de vous voir nu, pour votre sécurité, bien sûr. Surtout que la palpation, c’était à la tête du client. Tandis que le scanner, c’est pour tous le monde. Marchons tous dans le couloir du scanner sur un pied d’égalité les amis ! Comme ça, de toute façon personne pourra y échapper, et les douaniers bien intentionnés n’auront pas à se justifier de fouiller au corps tel ou tel individu. C’est mieux. Et pour « garantir la protection de la vie privée et l’intimité des personnes », la CNIL recommande d’utiliser des technologies qui permettraient de flouter le visage et les parties intimes des personnes scannées. Mais si certains petits malins cachent leurs armes et leur drogue précisément près de leurs parties génitales, on fait comment ? Peut-être « déflouteront »-t-ils à la tête du client. Inutile et déjà vu, dites-vous ?

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