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.POLITIQUE partie concentré entre ses mains et ne s’étendait qu’à quelques régions du pays. Mais à sa mort, les guérillas ont pris l’emprise d’un cartel important et toujours aussi prometteur qu’il fallait à présent se disputer. Celui-ci leur a permis de croître tout en les obligeant à se battre constamment. Viennent enfin les AUC. Cette organisation, bien plus récente, réunit tous les groupes paramilitaires unis dans la lutte contre la guérilla, l’objectif étant surtout de gagner du pouvoir politique et militaire, avec en fond également la lutte pour la drogue. Ainsi, à travers ces combats pour le pouvoir au nom de causes déjà oubliées ressortent surtout des crimes commis en toute impunité, enlèvements au premier rang. Méthode malheureusement efficace si l’on considère que ce sont les otages qui font le plus réagir la scène internationale. Ce sont en effet les kidnappings qui sont à l’origine de tout type d’interventions; peu nombreuses sont les initiatives créées pour lutter efficacement contre le narcotrafic. Un problème devenu régional Ainsi, à travers ces groupes ne transparaît plus la guerre de l’opprimé contre le gouvernement pervers, mais la guerre pour la drogue et l’argent dans laquelle on emploie toutes les armes, de la prise d’otages à la répression dans la population. Voilà pourquoi une animosité marquée face à Chavez peut se faire sentir en Colombie lorsque celui-ci parle des FARC comme d’un groupe insurgé qui pourrait presque « sauver » le pays. Beaucoup le traitent de fou et l’accusent implicitement d’avoir des relations douteuses avec ces groupes de guérillas. Uribe a d’ailleurs fait entendre lors de la crise diplomatique que des documents compromettants sur des liens qu’entretiendraient le Venezuela et

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l’Equateur avec les FARC avaient été découverts dans les ordinateurs trouvés sur les lieux du camp bombardé. Bien heureusement pour Chavez et Correa, ces accusations ont été mises de côté lors du sommet de Rio. Quoiqu’il en soit, il est très probable que le président colombien apprécie en tous les cas peu les « contacts légaux » de son homologue vénézuélien avec la guérilla, celui-ci étant en effet indéniablement le seul pont de dialogue avec les FARC, ce qui lui assure un pouvoir non négligeable sur le plan international. Dans cette crise, la Colombie restera celle qui a violé un principe fondamental au lieu d’établir le dialogue. Mais au sein de la population, on tend à penser que le dialogue n’existe plus. Quarante ans de conflits l’ont après tout bien démontré. L’une des solutions majeures serait de renoncer à la drogue. Or ça, bien entendu, personne ne le veut. Pour cet étudiant colombien, les grands l’ont déjà dit: « Si tu veux la paix, prépare-toi à la guerre »8. Un point de vue qui laisse apparaître une fatigue certaine face à ce conflit sans fin où il s’agit à présent d’éliminer les têtes pensantes afin de faire tomber le corps. Mais ce raz le bol compréhensible ne devrait pas justifier l’utilisation de tous les moyens. Même le désespoir n’est pas autorisé à ouvrir la porte à toutes les violations. Les méfaits pourraient être bien plus importants que les bienfaits: « (…) L’opinion colombienne, aussi manipulable que dégradée à cause du conflit, ne se préoccupe pas de savoir si cette guerre a recours à des procédés douteux. (…) Une telle audace pourrait nous coûter très cher »9. Une fois de plus, le main dans la main s’avérerait plus gagnant. Car malgré ce que veut penser Correa lorsqu’il accuse Uribe d’exporter ses problèmes

et d’amener l’insécurité chez ses voisins en n’étant pas capable de gérer son pays, la question des guérillas est devenue un problème régional. Comme le souligne le journaliste José Natanson: « (…) Tout indique que le conflit armé ne saurait se limiter à la Colombie et qu’il déborde irrémédiablement vers les pays voisins »10. Se renvoyer les problèmes et aboutir à des décisions qui contentent tout le monde sans construire de solutions concrètes ne feront pas avancer les choses. En démontre la tension entre les trois pays retrouvée déjà quelques jours après le sommet de Rio (un des corps rapatrié à Bogota après le bombardement, déclaré comme étant d’origine équatorienne - ce que l’Equateur considérerait comme un assassinat en son sol par des forces extérieures - ainsi que la question des documents trouvés dans les ordinateurs des FARC étaient déjà motif à la suspension des relations). A quand la fin des grandes déclarations médiatisées, des formules théâtrales et des tons menaçants ? Ne serait-il pas plutôt grand temps d’opter pour des décisions plus discrètes, certes moins divertissantes pour le public, mais qui auront le mérite de pouvoir aboutir à des projets concrets dans un objectif d’union qui ne laisseront plus place à l’hypocrisie ? Merci à CE pour son témoignage et à LME pour ses renseignements précieux.

Mélanie Escobar Vaudan


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