#16: Mode Africaine, et si le chic faisait du chiffre ?

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IMAGINONS LA NOUVELLE AFRIQUE !

NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015 #16

ET SI LE CHIC

FAISAIT DU CHIFFRE ? ALPHADI LA DYNASTIE CONTINUE

WWW.INSPIREAFRIKA.COM

LOZA MALEOMBHO UN OVNI DANS LA MODE AFRICAINE

FOCUS SUR LE ROYAUME DU CUIR


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L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION ©Thinkstock, CV-Champagne Nicolas Feuillatte RCS Reims 775 611 924

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INSPIRE AFRIKA MAGAZINE - Edition 16 - Novembre - Décembre 2015 LA RÉDACTION RÉDACTRICE EN CHEF JOAN YOMBO

REDACTRICE EN CHEF ANGLAIS CHRYS NYETAM

REDACTEUR EN CHEF ADJOINT LOUIS GILBERT BISSEK

REDACTRICE CULTURE STELLA SANOGO

CONCEPTION ET RÉALISATION GRAPHIQUE ALISSA JAMES

TRADUCTRICE RAKY TOURÉ

CHARGÉES DES PARTENARIATS AMÉRIQUE ANITA BAKAL

AFRIQUE HYACINTHE ISSOMBO

EUROPE FRANCESCA NGAHANE

INSPIRE AFRIKA MAGAZINE est édité par ANINKA MEDIA GROUP

DIRECTRICE GÉNÉRALE CHRYS NYETAM

DIRECTRICE DE PUBLICATION JOAN YOMBO

RESPONSABLE COMMERCIAL ANITA BAKAL

RELATIONS PUBLIQUES IVAN NYETAM

A CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO HUZA ORG WWW.HUZA.ORG

WWW.INSPIREAKRIKA.COM LOZA MALÉOMBHO, PRINTEMPS/ETÉ 2016 : COLLECTION ZAOULI. CREDITS PHOTO KLASSY FILMS STUDIOS. MODÈLE : AMENAN TANOH PUBLICITÉ : DJU’EVENTS / 06 83 61 87 82. PARTENARIATS : INSPIREAFRIKA@INSPIREAFRIKA.COM PRESSE / RECRUTEMENT : INSPIREAFRIKA@INSPIREAFRIKA.COM INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015 Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Reproduction interdite pour tous les articles sauf accord écrit de la Rédaction.

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SOMMAIRE

MODE AFRICAINE : ET SI LE CHIC FAISAIT DU CHIFFRE ?

4 QUESTIONS À // 42 Valérie Ayena

OSER INSPIRER // Katia Bumba

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INSPIR’START UP // 28 Loza Maleombho

Alphadi

EDITO // 5 NEWS // 6

INSPIR’START UP // 28

TENDANCES // 8

INSPIR’ASSOCIATION // 32

Les bloggeurs contre attaquent

Loza Maleombho met en valeur le «zaouli» Le Dessein d’Eric Coly

COUP DE COEUR // 12

INSPIR’ECO // 36

INSPIR’INTERVIEW // 16

LES PENSÉES DE // 38

A.A.K.S : sublimer l’artisanat

«Nous voulons des marques africaines en vitrine !»

A quand le réveil du géant Africain ? Grace Kelly azizet

4 QUESTIONS À... // 42

CARRIÈRE // 20

Valérie Ayena

OSER INSPIRER // 24

Des prétendants de «marque» chez la Reine de Saba

Alphadi, De père en fils Une Africaine adoubée par la Fashion Week 44

CARRIÈRE // 20

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FOCULTURE // 44


EDITO

PENSER

DIFFÉREMMENT

Peut-on vraiment parler d’une industrie de la mode en Afrique ? La question est désormais sur toutes les lèvres. Selon Grace Kelly Azizet, _Directrice de l’agence Wild Flowers1_ la réponse est plus complexe qu’on ne le croit : le secteur de la mode est en plein essor, mais de nombreuses notions restent à définir (p.38). Laura Eboa Songue, qui pilote le cluster Mode Africa France, a quant à elle, un avis plus tranché : « il manque encore des éléments structurants décisifs pour parler d’une réelle industrie »2. Si l’on considère qu’une industrie se caractérise par la production en quantité, l’organisation du travail, la diversification et l’accessibilité des biens, on pourrait en effet considérer que le continent a encore de nombreuses cartes à jouer.

diatique, peu de marques dites « mainstream », (trop) peu de formations, pour ne citer que ces quelques exemples. De fait, les marques qui ont compris qu’il fallait d’abord innover localement pour ensuite attirer les consommateurs et les investisseurs à l’échelle globale, sont celles qui réussissent le mieux aujourd’hui. Innover ne signifie pas seulement apporter des solutions technologiques. Il s’agit surtout de trouver des moyens disruptifs pour exploiter les faiblesses du continent, et en faire des opportunités.

Des marques comme Kisua ou encore Made in Kigali le font très bien. La première a choisi de mettre en avant les meilleurs designers du continent en supportant pour eux les coûts de marketing et d’exposition à l’international. En Les professionnels s’accordent à dire que pour échange, les designers co-produisent avec passer à l’étape suivante, l’enjeu pour la mode Kisua des collections capsules exclusives. La africaine est désormais de s’affirmer à l’interna- seconde quant à elle, travaille exclusivement tional et de répondre à une demande globale. avec des tailleurs locaux, et collabore actuelleMais la demande locale est-elle déjà satisfaite ? ment avec le ministère Rwandais du commerce pour créer un centre qui formera près de 3000 Euromonitor International évalue le marché du tailleurs. vêtement et du « footwear » africain à 31 milliards de dollars, tandis que la Banque Africaine de Nos entrepreneurs du mois sont exactement sur développement évalue la classe moyenne sur le la même dynamique : contourner les obstacles continent à près de 370 millions de personnes. actuels pour réussir à standardiser le secteur. Le potentiel à exploiter est donc énorme, à la Un vrai défi ! seule échelle du continent. Pendant qu’elle songe à habiller le Monde, l’Afrique ne devrait-elle pas songer en priorité à habiller l’Afrique ? La mode Africaine reste encore assez inaccessible pour les africains du continent eux-mêmes : peu d’exposition mé-

Bonne lecture !

Joan Yombo Rédactrice en chef

1/ Agence conseil en stratégie de marque et communication 360° qui accompagne des créateurs responsables dans leur développement en France et à l’international. 2/ Il suffirait de trois fois rien pour que la mode africaine habille le monde, Le Monde.fr, Octobre 2015 INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015

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NEWS

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Ma Pause Digitale met les créateurs de contenus locaux à l’honneur – Cameroun La 7ème édition du Forum “Ma Pause Digitale” se tiendra le 28 Novembre 2015 dans la ville de Douala. Cette conférence dont le but est de placer les nouvelles technologies au centre du développement en créant un espace d’échange entre les différentes parties prenantes, entend réunir 25 speakers et plus de 300 participants. Le thème de cet année, « Digitalisation de l’écosystème technologique Camerounais : le pari des contenus locaux » est la preuve que les entrepreneurs du digital ont plus que jamais leur rôle à jouer. Si vous vous intéressez au digital, ne manquez pas cet évènement.

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The Voice arrive en Afrique Francophone ! - Côte d’Ivoire Savez-vous chanter? Avez-vous toujours rêvé d’avoir votre album produit par l’une des plus grandes maisons de production mondiale ? Si vous pensez avoir une belle voix, alors n’hésitez plus. The Voice, arrive sur vos écrans et à partir de 2016, elle sera à la recherche de la meilleure voix d’Afrique Francophone. Diffusée sur la chaine Panafricaine Vox Africa, l’émission réunira pendant 17 semaines tous les talents sélectionnés pendant les castings organisés en Afrique de l’ouest et en Afrique centrale. Nous avons hâte de voir l’émission à partir de Juin 2016.

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Black Fashion Week Paris Les créateurs africains prennent la capitale de la mode en otage. Du 19 au 21 Novembre 2015, la black Fashion Week s’installe à Paris au sein du Carreau du Temple. Organisé par Adama Paris Fashion Events, cet évènement qui accueille plus de 1000 personnes par jour et plus de 10 créateurs, est une véritable vitrine d’expression du talent des designers du continent. RDV au 4 rue Eugène Spuller. Réservez vos places sur http://www.blackfashionweekparis.com

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Careers in Africa: Qui est le meilleur employeur de l’année? Afrique du Sud Du 20 au 22 Novembre 2015, Johannesburg accueillera le sommet de recrutement Careers in Africa. Workshops, séances de coachings personnalisées, interviews et séances de networking seront au rendez-vous. De plus, l’Africa HR Conference inaugurera ce weekend riche en apprentissage, et à l’issue duquel un award sera décerné au meilleur employeur Africain de l’année 2015. Si vous souhaitez travailler en Afrique, cet évènement est pour vous. Plus d’informations sur www.careersinafrica.com/summits/johannesburg/

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Wharton African Business Forum La 23ème édition du Wharton African Business Forum aura lieu du 13 au 14 Novembre 2015. L’évolution des services financiers, l’intégration de l’agriculture ou encore la création d’entreprises sociales durables sont trois des douze thèmes qui y seront abordés. Les intervenants sont ce que le continent a de mieux à offrir à l’instar de Saran Kaba Jones, fondatrice de Face Africa, ou encore Hakeem Belo-Osagie, chairman d’Etisalat Nigeria. Toutes les informations sont disponibles sur www.wabf2015.whartonafrica.com

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Nicolas Feuillate vous invite à découvrir D’Luscious A l’approche des fêtes de fin d’année, la marque de champagne Nicolas Feuillate nous invite à découvrir sa nouvelle cuvée: D’Luscious. Fabriquée en Champagne, la fraîcheur et la douceur de ce champagne charmera et titillera vos papilles. Une véritable expérience de dégustation ! La bouteille de D’Luscious se distingue par sa couleur d’un brun chaud, qui évoque l’intensité du goût. D’Luscious est l’incarnation de la finesse et de l’élégance. La cuvée existe en 2 éditions spéciales : D’Luscious Gold et D’Luscious Rosé.

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Retrouvez les saveurs africaines avec Moriba - Mali Si vous n’avez jamais dégusté les produits de la marque Moriba, c’est le moment de le faire. A l’occasion des fêtes de fin d’année, la marque lance sa nouvelle liqueur de gingembre : une boisson transparente et brillante aux reflets ambrés qui se déguste en digestif et en apéritif. Sa réputation aphrodisiaque quant à elle, reste à confirmer... Explorez toutes les saveurs de Moriba sur www.moriba.fr

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TENDANCES //

LES BLOGGEURS CONTRE ATTAQUENT Par Leyla Ismaily L’époque où les férus de mode et de lifestyle devaient attendre la sortie de magazine tels que Vogue, African Woman, ou True Love1 pour savoir qu’elles sont les dernières tendances à la mode est révolue. De nos jours, ce sont les bloggeurs qui mènent la danse. Grace à Internet de plus en plus présent, leur aura a pris tellement d’importance qu’il est aujourd’hui difficile pour les créateurs de faire sans eux. Qui sont les e-influenceurs afro à suivre absolument ? Voici notre top 10.

1/ STYLEPANTRY - NIGERIA -

Facebook: 710,513 Likes Instagram: 328,000 Followers Twitter: 21,700 Followers

Folake Kuye Hontoon, la créatrice du blog StylePantry, motive ses lectrices à prendre soin de leur apparence. Elle les pousse à paraitre belles, et par conséquent, à se sentir belles. Malgré ses occupations d’épouse et de mère, elle trouve toujours du temps pour soigner son look. Elle a aussi beaucoup d’humour. Sa personnalité lui a value d’être remarqué par la marque Demestiks à New York.

Crédit Photos: StylePantry.com

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2/ SHIRLEY’S WARDROBE - GHANA Facebook: 225,798 Likes Instagram: 314,000 Followers Twitter: 27,700 Followers Au sein de la blogosphère, Shirley B. Eniang est sans aucun doute une force avec laquelle il faut compter. D’origine Ghanéenne et Nigériane et basée à Londres, Shirley n’est pas une bloggeuse comme les autres : elle est aussi vlogueuse2. Ses magnifiques photos sont toujours accompagnées de phrases courtes et efficaces. Elle travaille avec des marques telles que Banana Republic, Zara, TopShop, et River Island, pour ne citer qu’elles. Crédit Photo: Shirley’s Wardrobe 1/http://www.truelove.co.za. 2/ Le vlog est un blog qui utilise la vidéo comme principal support de contenu

3/ BLACKBEAUTYBAG – SÉNÉGAL & MALI Facebook: 101,507 likes Instagram: 53,600 Followers Twitter: 6,560 Followers Dirigé par Fatou N’Diaye, Black Beauty Bag est l’incarnation même de la mode et du lifestyle à l’africaine. Des marques telles que L’Oréal et Kookaï ont collaboré avec elle. Malgré sa notoriété et son succès, Fatou N’Diaye tient toujours à travailler avec des entreprises à taille humaine comme les plateformes Moonlook et Inyu. Crédit Photos: Huffington Post

4/ THIS IS ESS – KENYA

Facebook: 30,746 Likes Instagram: 96,800 Followers Twitter: 14,100 Followers Sharon Mundia est la jeune Kenyane derrière ThisIsEss qui vous pousse à croire en vos rêves. Elle a transformé sa passion pour la mode en une entreprise lucrative lui permettant de voyager à travers le monde, arborant des tenues de designers Africains tels que Katungulu Mwendwa, Wambui Mukenyi, ou encore Kung’ara. Le fait d’exposer ses faiblesses et de parler de ses challenges permet à ses lecteurs de s’identifier à elle. Photo Credits: ThisIsEss.com

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5/ I SEE A DIFFERENT YOU - AFRIQUE DU SUD Facebook: 22,727 Likes Instagram: 26,200 Followers Twitter: 13,100 Followers Ce blog est représentatif du dynamisme actuel de l’Afrique. Justice et Innocent Mukheli avec leur ami d’enfance Vuyo Mpantsha, ont fait de «I See a Different You» une plateforme à mi-chemin entre la mode et le style documentaire. Cette année, ils sont les ambassadeurs officiels de Nikon et sont intervenus au TEDxSoweto en 2012, pour partager leur passion pour la mode et la photographie. Credits Photos: http://iseeadifferentyou.tumblr.com

6/ FASHIONMINTEA - MAROC Facebook: 8,704 Likes Instagram: 31,200Followers La marocaine Yasmina Olfi a un lien particulier avec tout ce qui est esthétique et beau. Au-delà de la mode, cette jeune femme est à la recherche du beau dans tous les domaines : gastronomie, nature, décoration… On peut le dire: elle a du gout! Credits Photo: http://www.fashionmintea.com

7/ LOVEFOLA - NIGERIA Facebook: 316 Likes Instagram: 31,100 Followers Twitter: 1,468 Followers LoveFola est connue sur internet sous plusieurs noms. Officiellement Folasade Adeoso, elle est plus populaire sous le nom de “Queen of Head Wraps.” Son blog vous propulse dans un univers floral, artistique et coloré au sein duquel elle partage son appétence pour la Mode dans les rues de New York. Folasade est apparue dans Bust Magazine, Vogue It, Curb Appeal, Okay Africa, Afropunk, et Essence Magazine. Son blog sert aussi de boutique en ligne pour sa propre marque: 1953 The Collections. Credits Photo: Huffington Post

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8) THE CURVY AND CURLY CLOSET - SÉNÉGAL Facebook: 6771 Likes Instagram: 11,052 Followers Twitter: 3,145 Followers Gaëlle-Vanessa Prudencio est devenue une référence de la mode grande taille. Son blog, The Curvy and Curly Closet présente les tenues les plus adaptées aux femmes en forme. Elle a eu l’occasion de représenter des marques européennes et Africaines telles que Belya ou encore Pauline et Julie.

Credits Photos: thecurvyandcurlycloset.com

9/ TEETEE IS WITH ME – AFRIQUE DU SUD Facebook: 6,881 Likes Instagram: 5096 Followers Twitter: 5,096 Followers Thithi Nteta est une bloggeuse qu’on pourrait qualifier d’originale. Elle incarne à la fois la classe et la joie de vivre. Au-delà de tout, elle est authentique : sans suivre les tendances, elle ne représente que ce qui lui plaît. Jameson Whiskey, Glamour Magazine, et Garner Skin Natural Water sont les marques qui ont utilisé sa notoriété digitale pour augmenter leurs ventes. Credits Photos: Teeteeiswithme.com

10/ LOUX THE VINTAGE GURU - ZAMBIE Instagram: 12,200 Followers Lourens Gebhardt est un homme qui a du style, un style vintage. Que ce soit en veste ou en peignoir, ce Zambien est la personification de l’élégance masculine. Il est presque le parfait gentleman.

Credit photo: Loux The Vintage Guru INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015

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COUP DE COEUR // GHANA

AKOSUA AFRIYIE-KUMI

« SAVOIR SE VENDRE EST ESSENTIEL »

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Tous ceux qui ont eu l’opportunité de toucher les produits A.A.K.S ont été subjugués par leur authenticité et leur finesse. Le travail d’Akosua Afriyie - Kumi a quelque chose de magique : ses sacs sont sublimes, à la fois extrêmement contemporains et très traditionnels. Après avoir obtenu une licence en Design de Kingston University de London, elle décide de retourner au Ghana (son pays d’origine), pour lancer sa marque A.A.K.S, qui signifie tout simplement Akosua Afriyie-Kumi and Siblings1…. Inspire Afrika: Quand et pourquoi avez-vous décidé de rentrer au Ghana? A.A.K: Tout simplement parce que le Ghana est mon pays d’origine. Ma famille y vit et j’ai beaucoup d’affection pour eux. J’ai décidé d’étudier en Angleterre principalement pour m’ouvrir l’esprit et avoir une expérience différente. Le but a toujours été de rentrer au Ghana, afin d’apporter ma pierre à l’édifice de l’industrie créative et artistique mais aussi, de créer une marque de luxe.

‘Chez A.A.K.S, nous contrôlons chaque étape de notre processus de production afin de nous assurer que le produit final reflète l’esprit de notre marque.’

I.A.: Vous êtes la fondatrice et la directrice de création de A.A.K.S. Dites m’en plus sur votre marque et votre concept. A.A.K.: A.A.K.S est une marque de luxe produisant des sacs « fait main » modernes, tout en maintenant l’empreinte africaine. L’attention au détail, le travail artisanal et les valeurs éthiques sont les aspects que nous valorisons lors de la conception de nos produits. Chacune de nos collections raconte une histoire différente à travers les détails, les couleurs et les formes. Chez A.A.K.S, nous contrôlons chaque étape de notre processus de production afin de nous assurer que le produit final reflète l’esprit de notre marque. I.A.: Vous semblez n’utiliser que la fibre de raphia. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ? Cette matière est-elle facile à trouver au Ghana ? Pensez-vous utiliser d’autres matériaux dans vos prochaines collections ? A.A.K: Le raphia est très difficile à trouver au Ghana. Par un heureux

hasard, après avoir voyagé dans tout le pays, j’en ai trouvé dans une de nos fermes familiales au sud du Ghana. Quand je l’ai touché, j’ai immédiatement su que c’était la matière parfaite. Ce qui m’a le plus attiré, c’est la douceur et la résistance de ce matériau. Ses caractéristiques - organique, naturelle, renouvelable et biodégradable – en font une matière attractive et en phase avec la vision que j’avais de ma marque. I.A: Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs le processus de production d’un sac AAKS depuis le raphia jusqu’au produit final? A.A.K: La communauté avec laquelle je travaille utilise une technique traditionnelle de tissage qui est utilisée dans le nord du Ghana, pour produire les sacs. Aucune machine n’est utilisée lors

du tissage. Tous les sacs sont faits à la main, afin que chacun d’entre eux soit unique. Les artisans commencent par tresser le raphia. Il est ensuite trempé dans de l’eau bouillante. Cette eau est accompagnée de colorants naturels, et sert donc de teinture. Parfois nous utilisons l’écorce des arbres pour donner plus d’intensité aux couleurs utilisées. Ce processus dure entre 10 et 30 minutes, la durée dépendant de la couleur que l’on souhaite avoir. Les fibres sont ensuite séchées au soleil. Les artisans se servent de leurs doigts pour donner au sac une forme particulière. Une fois ces étapes passées, les produits sont transportés dans nos studios, à 12h en voiture, à Kumasi, pour les finitions : nous utilisons à ce stade, des matières comme le coton et le cuir. Après un contrôle de qualité, les sacs sont prêts à être vendus en magasin. I.A: Pour être concret, quel est l’impact de A.A.K.S sur la vie des femmes Rurales au Ghana? A.A.K: Nous créons des emplois pour ces femmes. Nous assurons la continuité de la technique ancestrale qu’est le tissage, car nous considérons que cet art doit être transmis de génération en génération. Cette technique doit être valorisée et devenir une source de revenus majeure pour les coopératives. I.A: Sachant que chaque sac est fait main, comment maintenezvous le niveau de qualité et comment évitez-vous les erreurs? A.A.K: La qualité et l’uniformité de nos produits est maintenue grâce à des croquis et des mesures.

1/ Frères et sœurs en français INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015

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Cette pratique est due au fait que plusieurs de nos artisans ne savent ni lire ni écrire. Mais le fait de produire les sacs à la main est une plus-value : même si il y’a des erreurs, chaque produit est unique au monde. Les consommateurs en tirent une énorme satisfaction. I.A: A.A.K.S est une jeune marque, et pourtant vos produits sont disponibles quasiment partout dans le monde. Comment faites-vous face aux problèmes de distribution? A.A.K: Ce n’est pas chose facile pour une jeune marque que d’être distribuée dans des magasins prestigieux tels que Anthropologie, Reformation, ou encore Kisua, en si peu de temps. Mais grâce aux réseaux sociaux, j’ai pu dans un pre14

mier temps identifier les magasins qui correspondaient à l’image que je souhaitais donner à ma marque. C’était ensuite assez simple de les contacter par email ou par téléphone. Plusieurs d’entre eux ont eu un coup de cœur pour mes produits, ce qui a joué en ma faveur. Si je peux me permettre de donner un conseil, je dirais que savoir se vendre est essentiel. Cela passe par le fait de travailler son image de marque.

telling sur les réseaux sociaux, sur notre site web et sur les contacts personnels que nous avons. Raconter notre processus de confection et montrer à nos clients qui fabrique leurs sacs fait partie intégrante de notre business. Internet nous apporte une excellent visibilité, et nous permet d’atteindre notre cible ou qu’elle soit.

I.A: Vous évoluez dans une industrie très compétitive. Comment faites-vous pour vous différencier de la concurrence en termes de marketing et de communication stratégique ?

A.A.K: J’espère qu’A.A.K.S sera disponible dans tous les magasins à travers le monde, et je rêve bien sûr, d’avoir mon propre magasin dans une grande ville.

A.A.K: Nous atteignons directement notre cible à travers le story-

Propos recueillis par Joan Yombo

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I.A: Comment voyez-vous A.A.K.S dans 10 ans?


The destination...

Photographe : Juliette Jem

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INSPIR’INTERVIEW // OUGANDA

BEATRICE OOLA “NOUS VOULONS DES MARQUES AFRICAINES EN VITRINE! ”

Africa Fashion Day Berlin Edition 2015

Nous y sommes! Nous avons toujours voulu interviewer un entrepreneur africain basé en Allemagne. Pourquoi? Réfléchissez-y : peu d’information circule sur la présence des africains dans ce pays. Serait-il possible pour vous de citer 10 marques africaines basées en Allemagne par exemple ? Beatrice Oola elle, le peut. Née et éduquée en Allemagne, cette ougandaise d’origine a créé l’Africa Fashion Day Berlin (AFDB) en 2012. Cette initiative est née de ses multiples voyages en Ouganda, au cours desquels, en discutant avec des créateurs, musiciens, et producteurs de films elle a réalisé que la culture africaine, notamment la mode s‘exportait de plus en plus.

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‘Oubliez les photos impeccables. Ce qui se passe Inspire Afrika: L’AFDB est-il avant et après la création votre premier projet? Beatrice Oola: Oui, l’AFDB est de chaque produit reprémon premier projet entrepreneu- sente un énorme travail.’ rial. Au départ, je travaillais dans l’industrie cinématographique et je concevais des programmes cinématographiques. Ensuite, j’ai occupé un poste de styliste. J’ai donc une expérience créative, et mon métier dans le cinéma m’a aidé à organiser et à canaliser cette créativité.L’AFDB était donc un moyen de mettre en valeur mon esprit créatif. De plus, je voulais rassembler les gens et créer une sorte de synergie entre eux. De mon point de vue, les gens ne sont parfois pas assez conscients de leur identité (qui ils sont, d’où ils viennent et à quelle culture ils appartiennent). Cela se ressent surtout quand ils ont par exemple un père allemand et une mère d’origine africaine, ou encore quand les parents sont séparés. C’est pour cette raison que je pense que nous avons tous besoin d’un espace d’expression, au sein duquel nous sommes sûrs de trouver des personnes qui nous ressemblent.

I.A: Quel est l’objectif de l’AFDB? B.O: L’objectif est simple: Permettre aux designers africains d’avoir accès aux bonnes personnes, afin qu’ils aient l’opportunité de vendre leurs produits et de faire du business. Nous voulons nous assurer que chaque créateur fasse du chiffre en construisant un network solide d’acheteurs, d’enseignes et de vendeurs. En définitive, nous voulons des marques africaines en vitrine. I.A: C’est exactement ce dont nous avons besoin : Nous voyons ces créateurs lors des

Fashion Week, mais on ne sait jamais où acheter leurs créations… B.O: Exactement! Et c’est quelque chose que je vis chaque jour en Allemagne. Cependant, j’ai réalisé que le processus pour atteindre cet objectif n’est pas si simple : Un créateur peut avoir un très bon produit, mais le plus important c’est d’avoir la confiance de l’acheteur. Si un créateur participe à une Fashion Week une année sur deux, c’est mauvais pour les affaires. L’acheteur pensera que son business model n’est pas stable. Même si leur marché de référence reste le continent, les designers africains ont également besoin de vendre à l’étranger. Mais ils ont besoin d’accompagnement pour y arriver. C’est pour cette raison que nous leur cherchons des opportunités, et la première étape de cette démarche était de coopérer avec le PREMIUM International Trade Show, l’un des plus grands évènements européens dédiés à la mode. Là-bas, les designers africains peuvent présenter leur collection pendant 3 jours. A cette exposition, on retrouve des marques de renom telles que Hugo Boss, ou Karl Lagerfeld. C’est donc une plateforme privilégiée pour rencontrer des acheteurs, échanger des idées, avoir des conseils, etc. I.A : Les marques africaines peuvent-elles vraiment trouver une place au sein du marché Allemand ? B.O: Absolument! L’industrie

de la mode allemande change. Elle devient de plus en plus globale. L’an dernier, le designer sud-africain Laduma Ngxokolo1 a gagné le « PREMIUM Berlin’s Young Talent prize ». C’est une preuve qu’il existe un intérêt pour la mode africaine. Si nous avions plus de magasins ici à Hamburg, les gens achèteraient des produits africains. Il y a clairement une clientèle. Il convient tout de même de noter que la qualité du produit est la principale caractéristique qui attire l’attention des acheteurs et qui permet d’atteindre le statut de marque internationale. Si le produit n’est pas parfait à 100%, il est invendable. Tout dépend également du type de produit : A mon humble avis, il est plus simple de pénétrer le marché avec des accessoires, des chaussures, des sacs et des bijoux. Avec les vêtements, la tâche est beaucoup plus compliquée. I.A: L’Afrique est le creuset de la créativité. C’est un fait. Mais certains designers ne peuvent pas satisfaire la demande à l’échelle mondiale. La production en est encore à un niveau artisanal… B.O: Vous avez raison. L’industrie de la mode en Afrique fait face à de nombreux challenges. Je pense que les gouvernements gagneraient à profiter de cette créativité et de ce potentiel que nous avons: il faut créer des lois ainsi qu’un cadre propice aux affaires pour les créateurs. Ils doivent avoir un budget pour ces industries créatives. Il serait intéressant de savoir quel pays à un avantage comparatif sur la production de tel ou tel produit, et de mettre ces différents pays en relation pour une collaboration optimale. L’Ethiopie par exemple est le royaume

1/Laduma Ngxokolo et à l’origine de la marque de knitwear Maxhosa by Laduma INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015

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Beatrice Oola (3ème en partant de la gauc

du cuir, alors que le Burkina Faso est un grand producteur de coton. Quelque chose doit être fait! Le marché de seconde main est aussi un problème que les gouvernements doivent gérer. Réguler ce marché signifierait créer des emplois. Les designers locaux pourraient donc produire et vendre plus. Il y a un potentiel. Je vois des concepts intéressants chaque jour. Prenez l’exemple de Kisua, la boutique en ligne. C’est une manière innovante de s’assurer que l’industrie de la mode africaine fonctionne. Nous avons besoin de promouvoir

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‘Les gens ici en Allemagne me disent: “Quand nous allons dans certains pays africains, on ne voit pas beaucoup de gens porter des marques africaines. Pourquoi?’ ce genre d’idée pour que notre mode soit reconnue ici en Europe. Les idées sont là et l’industrie se structure petit à petit. Nous avons des acteurs sur le continent qui joue

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un rôle important. I.A: C’est drôle que vous mentionniez Kisua parce que j’ai une citation de Samuel Mensah, PDG de Kisua, sur laquelle j’aimerais avoir votre opinion : « La base d’une marque de mode c’est la créativité. Le produit doit être désirable. Mais pour être honnête, la créativité ne représente que 20% de notre travail. Les 80% restant englobent l’aspect financier, la logistique, la chaine de distribution et le management de produit… » B.O: Je suis entièrement d’accord!


Les aspects les plus importants comme il l’a dit, sont la coordination, l’organisation, le contrôle de production, le management, et la recherche. Il y a un grand volet administratif derrière une marque. Oubliez les photos impeccables. Ce qui se passe avant et après la création de chaque produit représente un énorme travail. En fait, les designers africains doivent être éduqués. Ils doivent savoir comment faire du profit avec leurs créations. J’ai réalisé en travaillant avec eux que certains ne savent pas ce qu’est une feuille de commande. Comment voulez-vous travailler sans ce papier si important ? Dans le même ordre d’idée, certains che) entourée par quelques designers et influenceurs n’ont pas de lookbook et ne savent pas quelle est la différence entre un lookbook et un éditorial. Pour eux, l’essentiel est d’apparaitre dans un magazine au coté de célébrités. Mais tout ceci ne fait pas vendre. Avec l’AFDB, j’essaie aussi «d’éduquer» les créateurs à travers des workshops. Ils apprennent ainsi à se présenter et à présenter leur travail, à faire des recherches sur le marché et sur le produit de leur choix, etc.… Bien sûr, quand vous n’avez jamais fait tout cela vous n’avez pas les compétences nécessaires. J’ajouterais aussi qu’il est toujours intéressant d’avoir un mentor qui vous donnera des conseils. Pour vendre il faut comprendre le consommateur et connaître le produit.

Weeks en Afrique sont inutiles parce que les africains ne consomment pas la mode africaine. Quelle est votre opinion? BO: En effet. Je le vis chaque fois que je vais en Ouganda. Je remarque que mes cousins ne portent pas de marques africaines. C’est dommage, mais je pense qu’il y a un lien avec l’histoire. C’est comme si le « Made in Africa » ne compte pas. Les produits doivent venir d’Europe pour être acceptés. Les gens ici en Allemagne me disent: “Quand nous allons dans certains pays africains, on ne voit pas beaucoup de gens porter des marques africaines. Pourquoi? C’est assez confus pour eux: On essaie de promouvoir toute cette créativité et tous ces produits, mais les africains eux-mêmes ne les valorisent pas. Heureusement, je constate que la nouvelle génération est fière de ses origines et plus consciente du réveil africain. Nous avons besoin de plus de campagnes afin d’expliquer aux gens pourquoi il est si important de consommer nos propres produits. Je pense à la campagne de Diana Opoti, 100 days of African Fashion, qui est un exemple de promotion des marques locales.

I.A : Certaines personnes pensent que les Fashion

Propos Recueillis par Joan Yombo

I.A : Revenons à l’AFDB. Comment avez-vous financé son lancement ? Avez-vous des astuces « financières » à partager avec nos lecteurs ? BO: Hum…. (Pause). Trouver de l’argent est un challenge permanent. Avec la crise financière, j’ai réalisé que les gens ne sont plus prêts à investir. Les choses deviennent donc plus difficiles pour les jeunes entreprises. C’est pour cette raison que nous devons être créatifs pour trouver des financements. Quand j’ai eu l’idée de l’AFDB, je pensais que ce serait un projet facile à financer parce que de nombreuses entreprises ici en Allemagne font des affaires avec l’Afrique. J’ai vite réalisé qu’elles n’étaient pas intéressées par les industries créatives et encore moins par la mode. Jusqu’ici, j’ai eu beaucoup de chance parce que j’ai toujours rencontré les bonnes personnes au bon moment. Bien sûr, j’ai moi même investi de l’argent dans ce projet ; mais j’ai aussi fait appel au gouvernement. Je me suis débrouillée à avoir son support ainsi que celui de certaines entreprises, parce que le projet était tout nouveau, mais tout s’est arrêté l’année d’après. J’ai réussi à réaliser ce qui a suivi grâce à l’accompagnement de certains investisseurs fortunés et de quelques sponsorships. Je dois tout cela à mon réseau. J’ai aussi cherché à rentrer en contact avec des institutions et organisations sur le continent. L’Afrique du Sud par exemple offre des avantages aux créateurs, en leur permettant d’aller à l’étranger pour améliorer leur travail. Je dirais pour terminer que le véritable outil de la jeune génération aujourd’hui, c’est Internet. Tout doit commencer par là.

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CARRIÈRE // NIGER

ALPHADI : MONUMENTAL ! Par Louis Gilbert BISSEK

« Chaque jour est un jour de beauté en Afrique » L’élixir de jouvence existe. 30 ans de carrière et pas une ride. Alphadi est un des précurseurs de la mode africaine - comme Chris Seydou, Pathé’O - qui ont tracé le chemin pour les jeunes créateurs. On ne parle pas d’Alphadi, on le vit. On contemple son œuvre comme on écouterait un classique du jazz produit pour créer un enchantement perpétuel, et qui accompagnerait nos jours et bercerait nos nuits. Seidnaly Sidahmed, de son vrai nom, est une Icône de la culture africaine, aussi iconique que cette ‘chéchia’ mythique dont il ne se sépare jamais. «Prince du désert», «Magicien du désert» - pour son ascendance noble Touareg et berbère et sa naissance à Tombouctou au Mali - ou encore «Yves Saint-Laurent Africain», les surnoms affluent, mais l’Homme demeure, traverse les époques, en ambassadeur du stylisme et de la mode africaine, auxquels il est viscéralement associé.

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Crédits : Stéphane Tourné INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015

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Inoxydable On oublierait qu’il a commencé sa vie professionnelle par des études universitaires en tourisme et marketing à Paris, avant d’intégrer la fonction publique nigérienne comme directeur du tourisme au Ministère. Mais c’était sans compter sa passion pour la mode et la création. À aller vers son risque et à imposer sa chance, il renonce en 1983 à une carrière de haut fonctionnaire, pour se dévouer exclusivement à la mode et créer la marque éponyme en 1985. Une gageure! Tant le confort matériel et le prestige que procure une telle position sociale était certain, surtout dans un pays de 17.6 millions d’habitants, considéré comme l’un des plus pauvres de la planète et dont la Banque Mondiale estime le PIB par habitant à 403.4 dollars. Pourtant, cette plongée dans l’abîme n’était que la suite logique d’une fréquentation assidue des défilés de mode et des cours de l’Atelier Chardon Savard, durant sa formation académique à Paris. En 1987, la Fédération Française de la Couture et du Prêt à Porter lui décerne, à Paris, son premier prix : l’Oscar du Meilleur styliste Africain. C’est le début d’une grande carrière. 30 ans plus tard, qu’est-ce qui fait encore courir cet infatigable créateur ? Ce n’est certainement plus les lauriers - Prix de la fondation Prince Claus des Pays-Bas (1998); élevé au grade de Chevalier de l’ordre du mérite français par le Président Jacques Chirac (2001) - ni les titres honorifiques - Ambassadeur de bonne volonté et Commandeur de l’ordre des Palmes académiques du Niger -, ni même la notoriété - régulièrement classé1 parmi les hommes les plus influents d’Afrique, il a été reçu par le Président Obama au Sommet de l’Entrepreneuriat de Washington en 2010 pour représenter le Niger et a été nommé Artiste pour la Paix par l’UNESCO2 en 2015. Son moteur est de ne jamais avoir renoncé à son ambition de voir les Africains porter des bijoux et des vêtements locaux, ce qui l’a consacré comme l’un des plus ardents promoteurs de la mode africaine. C’est donc à dessein qu’Alphadi fonde en 1994 la Fédération Africaine de Couture (FAC), qu’il préside encore aujourd’hui. A ce titre, il sensibilise les investisseurs et les décideurs politiques africains sur l`importance du secteur de la Mode et du Textile comme vecteur de développement économique, social et culturel. « Mon combat a toujours été de donner une chance à la culture africaine d’être connue, de se développer. Que la culture remplace définitivement notre manière de tendre la main «, martèle-t-il. Il est essentiel de rappeler qu’en 2004, Alphadi a défilé en Haute Couture, à Paris, au musée GALLIERA, avec des bustiers en plaques d’argent ciselé par des artisans Touaregs, des manteaux en bogolan dont un a été offert et fait partie des collections du musée.

Le FIMA: un rêve, une vision Pour cet idéaliste: « Chaque jour est un jour de beauté en Afrique ». ALPHADI est gage de qualité dans l’univers globalisé de la mode. La marque habille les élégant(e)s d’Afrique - dont plusieurs Premières Dames3 - et présente des vêtements, bijoux, accessoires, fragrances4 et maroquinerie dans cinq (05) boutiques à travers le monde. Ses collections - street-wear et Haute Couture mobilisent aujourd’hui 200 employés et comptent des partenariats prestigieux comme celui avec la marque Wrangler pour Alphadi Jean’s en 1999. Ces collections recherchent toutes une chose: «refléter l’âme de l’Afrique»; comme le créateur aime le répéter; en y Alphadi en compagnie de son fils aîné Moulaye . incorporant des tissus faits à partir d’écorces d’arbres d’Ouganda Crédits : CORALIE RABADAN ou des motifs Songhaï, Zarma, Bororo, Haoussa et Touareg. Alphadi est non seulement un visionnaire; une marque déposée; mais aussi un laboratoire de solutions pour l’Afrique et son secteur de la mode; qui crée des emplois, stimule une industrie et affine des savoir-faire. Ainsi, ses vêtements sont fabriqués dans sept (07) ateliers situés au Niger, au Mali, en Côte d’Ivoire et au Maroc. Mais le Festival International de la Mode en Afrique (FIMA) est son œuvre phare. Semaine de la mode lancée en 1998 et organisée tous les deux ans, le FIMA en est - courant novembre 2015 - à sa 10ème édition, avec 2000 participants et 1400 emplois créés à chaque évènement. Ce festival - pionnier en Afrique – a pour but d’encourager les nouveaux talents et de leur offrir des opportunités économiques et une visibilité. C’est aussi l’occasion de montrer au reste du monde la diversité, l’originalité et la richesse des cultures africaines. De plus, elle a été stimulée par l’envie d’Alphadi de désenclaver une zone en proie à la rébellion touarègue, en ramenant la vie et le tourisme en plein désert de Tiguidit, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. L’évènement 1/ les 50 africains les plus influents du Monde en 2014 de l’hebdomadaire Jeune Afrique (27 avril - 10 mai 2014) 2/ Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. 3/ Hinda Déby Itno (Tchad), Djéné Kaba Condé (Guinée-Conakry) et Danielle Mitterand (France), portent ou ont porté ses vêtements 4/ Parfum AÏR.

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permettra de construire une route de 80 kilomètres entre Agadez et le site et d’implanter un réseau électrique. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître: 26 créateurs prestigieux - dont Yves Saint-Laurent, Christian Lacroix, Kenzo, Thierry Mugler, Paco Rabanne, Trussardi, Pathé’O -; 300 modèles Haute Couture; 110 mannequins renommés Katoucha, Satya Oblet, Alek Wek, Anna Getaneh -; et cinq chefs d’états africains installés dans 1500 tentes équipées y prennent part. Alphadi réalise alors un de ses plus beaux rêves : réunir des créateurs africains aux côtés des plus grands créateurs occidentaux. 20 ans plus tard, l’enthousiasme ne fléchit pas. Pour l’édition 2015, 350 stylistes ont déposé leur candidature pour le «concours jeunes créateurs», pour une dizaine de places seulement. Il faut dire que les heureux lauréats sont entièrement pris en charge au Niger durant le festival et que la chanteuse vedette nigériane, Yemi Alade, sera présente. Depuis la 1ère édition, le FIMA - qui s’est imposé comme un outil du développement infrastructurel, économique, touristique

«La mode et la culture sont des industries qui peuvent hisser l’Afrique au rang des nations prospères» et social du Niger - a inspiré d’autres évènements auxquels Alphadi n’a pas hésité à prodiguer des conseils aux initiateurs, comme: le Salon international de la Mode Africaine de Dakar (SIRA Vision) de la styliste Collè Sow Ardo ou encore la Black Fashion week d’Adama Ndiaye.

À la postérité Un Seidnaly peut en cacher un autre. Dans l’ombre du Maître, Moulaye Seidnaly, aîné d’une fratrie de six, apprend. Mais il n’en pense pas moins! Aussi entreprenant que son père, le jeune homme de 28 ans croit en l’Afrique et le communique. Responsable du développement de la marque ALPHADI et coordinateur général des évènements du FIMA - qui inclut la «caravane Alphadi»5, les présélections et les conférences de presse - depuis 2012, ce pur produit de Mod’Art International de Paris; l’Ecole de Création et de Management de la Mode; et de l’Institut Supérieur du Commerce (ISC) de Paris, voit large. Il met sur pied un projet d’agence de communication qui a déjà pris corps: Afrique Prestige. L’ambition est tridimensionnelle. D’abord, elle fournit des conseils en communication, évènementiel, RP6 et digital aux créateurs de mode qui veulent asseoir leur marque; puis les accompagne dans la commercialisation et la distribution des produits. Plus tard, elle évoluera vers une plateforme média dédiée à l’art, la mode et la culture sur le continent. En effet, c’est du constat qu’être entrepreneur dans le secteur de la mode demande du temps car le retour sur investissement n’est pas immédiat, qu’il a imaginé cette structure. «Dans l’entreprenariat, il faut réfléchir différemment. Encore plus quand on n’est pas dans le secteur des énergies fossiles et des matières premières qui sont extrêmement lucratifs à échéance courte.», analyse-t-il. La charité bien ordonnée commençant par soi-même, Moulaye Seidnaly met déjà son savoir-faire au service de la marque Alphadi et du FIMA. Par ailleurs, Moulaye Seidnaly a conscience que la formation professionnelle est une donnée majeure de la croissance du continent. En cela, il rejoint ALPHADI qui répète inlassablement: «La mode et la culture sont des industries qui peuvent hisser l’Afrique au rang des nations prospères»7 Pour cela, Alphadi a taillé un projet à sa mesure: construire à Niamey l’Ecole Supérieure de la Mode et des Arts (ESMA). L’idée est de former les nouveaux designers africains - sur des cursus bac+3 et bac+5 - à l’économie de la mode, au stylisme, au management, ainsi que des formations diplomantes pour les «petites mains». Se faisant, l’académie panafricaine aidera ses étudiants à exercer leur métier dans leurs pays d’origine, pour contribuer aux économies locales en ouvrant des boutiques, en fabriquant des produits et en créant des emplois. Les premières promotions débuteront avec une cinquantaine d’étudiants pour atteindre peu à peu 200 étudiants et plus. Le parrain de cette école est le prestigieux brodeur François LESAGE, qui a officié pour Monsieur Saint Laurent, la maison Chanel et Jean-Paul Gaultier, qui a accepté spontanément lorsqu’Alphadi lui a présenté ses mythiques bustiers brodés. Le projet bénéficie d’ores et déjà d’un soutien national - le gouvernement nigérien a cédé 3000m² de terrain - et international - l’Union Africaine, l’Union Européenne et la Coopération française et luxembourgeoise ont été sollicitées. Alphadi a même déjà collaboré avec l’Atelier Chardon-Savard, pour en concevoir les programmes. L’ESMA bénéficiera aussi sans doute – comme pour tout ce qu’Alphadi entreprend en Afrique - d’un plébiscite populaire, celui de Moulaye en premier. Après tout, Confucius ne dit-il pas: «Quand Père et Fils sont d’accord, la famille prospère.» ? La maison ALPHADI a de beaux jours devant elle... 5/ En prélude à chaque édition du FIMA, Alphadi sillonne plusieurs mois durant l’Afrique pour révéler les talents de la mode et de la musique. 6/ Relations publiques 7/ Alphadi: L’Afrique, c’est chic! par Laure Dansart, in ClichyMag/ décembre 2012 - janvier 2013 INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015

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OSER INSPIRER // RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Katia BUMBA La Queen Bee Par Louis Gilbert BISSEK

Robe: Imperial bee, Collection «festival de Cannes» par Kate Bee; Chaussures: Louboutin


«Entre le papier et la vraie vie il y a un monde!» s’exclame soudain Katia Bumba au bout de 45min d’échange. Fou rire général, ou plutôt énième fou rire complice entre les cinq protagonistes de l’entretien. 45 min plus tôt - le 24 septembre à 19h00 - sous le ciel orageux de ce début d’automne parisien, c’est le regard pétillant, le sourire large et les bras grands ouverts qu’elle nous accueillait sur le palier de son appartement, malgré notre retard. C’est notre première rencontre. «Je vous attendais!» lance-t-elle sans rien perdre de sa bonne humeur, «nous devrons malheureusement nous dépêcher, car j’ai un RDV dans une heure et demie». A peine nerveuse, détendue même, elle saisit lentement son téléphone et y chuchote quelques mots d’excuses pour le retard inévitable qu’elle accusera sur son prochain RDV. La pression a changé de camp, pour devenir nôtre... Quotidien banal d’un entrepreneur sur qui le soleil ne se couche jamais, direz-vous avec raison. Mais la période est particulière. A quelques jours du début de la saison de la mode avec l’ouverture annuelle de la Fashion Week de Paris en octobre, chaque seconde compte pour la jeune créatrice. Ses journées déjà longues se sont rallongées. Difficile en effet de passer outre la pression lorsque le 03 octobre, la première collection de votre toute nouvelle marque - Kate Bee - doit être présentée en mondovision dans un établissement luxueux des Champs Elysées - l’Hôtel California - juste après le défilé «Elie SAAB». «Kate Bee» joue dans la cour des grands.

Mademoiselle Bumba Pourtant, Katia Bumba ne laisse rien paraître. «Je suis à vous», se contente-t-elle de dire. Sous les traits d’une demoiselle coquette, courtoise et affable, se cache une femme d’affaires passionnée de mode et suffisamment persuasive pour convaincre le top model Noémie Lenoir d’être l’égérie de son premier concept store: Aloha Paris. En effet, à 25 ans, Katia Bumba n’est pas à son coup d’essai. Deux ans plutôt, à peine diplômée en marketing et communication de l’IPAG Business School de Paris, elle lance avec sa sœur ainée; Nathalie; une boutique dédiée au prêt-à-porter de luxe féminin. Située Rue du Faubourg Saint Honorée, dans le très chic VIIIème arrondissement, Aloha Paris propose aux citadines des vêtements, des chaussures et des sacs haut de gamme en édition limitée et réalisés par de jeunes créateurs du monde entier. Même si son parcours académique n’a pas été exclusivement consacré à la mode, elle l’a conçu pour être, à l’issue de sa formation, le plus polyvalent possible. «Une école de commerce me permettait de me recycler davantage qu’une école de mode ou de

stylisme», dit-elle pragmatiquement. Co-présidente et co-fondatrice de l’association «IPAG’MOD for charity» dans son ancienne académie, elle s’enrichit professionnellement comme assistante commerciale dans la maison Haute Couture Alexander Mc Queen à Londres; responsable des relations publiques en France pour le bijoutier espagnol Elena Canter; ou encore community manager dans le magazine français de mode et de lifestyle féminin Be Magazine, à Paris. Globe-trotter, Katia Bumba n’a jamais fait des frontières hexagonales une limite à son apprentissage, en se donnant les moyens de maîtriser remarquablement le français, l’anglais, l’espagnol, le lingala1 et des bases de mandarin. I’m ... Kate Bee Kate Bee est à Katia Bumba, ce que Sasha Fierce2 est à Beyonce Knowles: la matérialisation artistique de son alter ego. «Kate est l’anglicisme de mon prénom et Bee est la première lettre de mon nom. Kate Bee est la femme telle que je l’imagine: féminine, confiante, bosseuse et à l’aise avec son corps.» dit-elle, en avouant s’être imprégnée du discours féministe de Beyonce

1/ Langue bantoue parlée en République démocratique du Congo, en République du Congo, et dans une moindre mesure en République centrafricaine. 2/ I’m... Sasha Fierce est le troisième album de la superstar mondiale du rnb INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015

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Robe: Hervé Léger; Chaussures: Louboutin

‘Kate Bee est la femme telle que je l’imagine: féminine, confiante, bosseuse et à l’aise avec son corps.’ alias Queen Bee (Reine des abeilles). L’emblème de la marque n’est donc certainement pas hasardeux: une abeille. Le lancement tonitruant et le calendrier chargé de «Kate Bee» augurent d’ores et déjà un avenir prometteur. En effet, 20 des 27 pièces de la première collection qui ont été présentées à la «Fashion Week de Paris» sont attendues au Concours des créateurs à Nice le 19 novembre et au Show Room des Galeries Lafayette en décembre. Et Katia Bumba veut aller plus loin. Elle observe le continent Africain et ses nombreuses « Fashions Weeks» - notamment la toute nouvelle «Brazza Fashion Night» - avec intérêt, ce d’autant plus qu’elle juge que: «l’Afrique est le futur de l’humanité», et que sa sœur et partenaire en affaires est directrice d’une boutique de prêt-à-porter en République du Congo. Styliste autodidacte, c’est avec beaucoup d’aplomb et

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d’imagination que Katia Bumba a dessiné les pièces de la première collection de Kate Bee: «Festival de Cannes» - pour laquelle elle s’est inspirée de la montée des marches du célèbre Festival de Cannes à laquelle elle est sensible - aidée en cela par une styliste confirmée. Pour les matières de ses robes, plutôt que de s’inspirer de tissus stéréotypés africains comme le wax, elle a opté pour des matières nobles comme la crêpe de soie et le satin, alliées à de la mousseline ou des perles et strass signées Swarozski: « J’ai choisi de ne pas utiliser le wax dans mes créations. Certains l’utilisent mal. Le Wax n’est pas complètement africain et c’est ce que beaucoup oublient. Il y a des gens qui portent du wax et qui n’ont jamais mis un pied en Afrique. » Résume-t-elle. Un brin insouciante, mais avec conviction, elle mesure le chemin parcouru et à parcourir en confiant: « Mes secrets d’entrepreneuse sont la prise de risque, le courage, l’estime de soi et la confiance en mes collaborateurs. Mes business plans d’étudiante me semblent si lointain et inutiles... Vous savez, entre le papier et la vraie vie il y a un monde !» Fou rire général...


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INSPIR’START UP // RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

LOZA MALEOMBHO «Je souhaite aider les artisans à étendre leurs activités.» Propos Recueillis par Louis Gilbert BISSEK

Loza Maléombho, Printemps/Eté 2016 : collection Zaouli

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Vous avez peut-être vu ses tenues ou ses célèbres sandales déambuler sur les trottoirs des quartiers chics de Lagos, Cape Town ou New-York, lorsque Solange Knowles l’a adoubé - sur son blog saintheron.com - et que les fashionistas du monde entier l’ont adopté. Ivoiro-centrafricaine - sa mère est ivoirienne et son père est centrafricain - née au Brésil et ayant grandi et étudié aux Etats-Unis, LOZA MALEOMBHO, 30 ans, puise son inspiration dans le patrimoine culturel africain. Ce n’est donc pas par hasard qu’elle a choisi de relocaliser sa marque éponyme en Côte d’Ivoire en 2012 - un pays nanti d’une soixantaine (60) d’ethnies - après sa création en 2009 aux Etats-Unis, afin de faire valoir la richesse culturelle africaine sur la scène internationale. Créatrice de mode 2.0, l’instrument digital est un de ses meilleurs alliés, qu’il s’agisse de sa boutique - e-shop - ou de la médiatisation et du marketing de ses réalisations. Toutefois, ce Vogue Talent 20151 vit sur la terre ferme. LOZA MALEOMBHO a employé jusqu’à une quinzaine de tailleurs ivoiriens indépendants, avant de s’attacher les services de quatre (04) salariés permanents. Son rêve est désormais de former et hisser le savoir-faire des couturiers africains aux normes internationales, pour que leurs talents éclosent au grand jour. Si vous deviez donc trouver une tenue ou des spartiates - sandales - originales et audacieuses pour la prochaine soirée B.C.B.G2 du club hippique ultra select de votre commune, il y a fort à parier que vous trouverez votre compte parmi les 200 à 300 vêtements annuels et les 500 à 600 sandales mensuelles produits par Loza Maleombho. Et si le nouveau bobo3 était africain? Rencontre avec la femme de qui émanera la révolution.

Inspire Afrika : Comment vous est venue l’idée de lancer votre marque ? Loza Maleombho : J’ai commencé la marque lorsque j’étais encore à NewYork. Ce qui me motivait c’était de pouvoir exploiter les ressources traditionnelles et textiles que nous avons en Afrique pour les rendre accessibles à l’international. J’ai effectué plusieurs stages chez des stylistes à New-York, pour apprendre le métier et découvrir comment ça se passait au niveau de la production et du développement d’une marque, etc… Une fois que je me suis sentie prête j’ai commencé à développer ma marque. I.A : Pourquoi avez-vous attribué à votre marque le nom Loza Maleombho ? L.M : J’ai choisi de l’appeler Loza Maleombho parce que c’est un nom qui n’est pas commun et qui reflète aussi mes origines africaines. Mon père étant de Centrafrique. J’ai hérité de son nom. C’était un hommage à ma famille et c’était aussi un moyen de faire parler mes traditions personnelles de façon artistique, tout au long de mon travail. I.A : Vous avez créé votre marque en 2009 aux Etats-Unis et vous l’avez relocalisée en 2012 en Côte d’Ivoire. Comment s’est passée cette relocalisation ? L.M : Sur le plan administratif, c’est beaucoup plus long dans un pays comme la Côte d’Ivoire. Du point de

vue artistique, la relocalisation a été instantanée. L’inspiration est venue d’elle-même grâce aux ressources matérielles. Sur ce plan-là, je n’ai pas eu de gros challenges. Financièrement, ça a été difficile au départ, mais ça a pu finalement se faire.

C’est aux Etats-Unis que j’ai plutôt eu des avantages grâce à l’AGOA1, qui permet aux africains d’exporter leur produit en Amérique sans avoir à payer de taxe.

I.A : De quels métiers avez-vous eu besoin pour construire votre équipe ? A-t-il été facile de trouver les compétences nécessaires ? L.M : Beaucoup de tailleurs en Côte d’Ivoire font du prêt-à-porter. C’est quelque chose que l’on remarque tout de suite. Cependant, ces tailleurs ne sont pas forcément qualifiés aux standards internationaux des finitions et des tailles normales, parce que c’est du sur mesure et surtout que leur travail -aux tailleurs ivoiriens - est artisanal, donc en quantité faible. C’était donc difficile au départ de les former à des modèles à respecter sur plusieurs quantités et sur plusieurs tailles. C’était donc un challenge de compétences et de mentalités, parce que c’est un concept nouveau de faire de la produc-

tion en grande quantité. I.A : Vous êtes également célèbre pour vos sandales. Combien de temps faut-il pour en produire une ? Comment décidez-vous le nombre de sandales à confectionner par an ? L.M : Par semaine, je fais 100 à 200 paires. En allant sur le schéma africain, il y a tellement de choses qui peuvent arriver entre-temps et qui font varier la temporalité de la production (mariages, baptêmes...etc). Donc pendant un mois, on peut avoir 500 à 600 paires de sandales et le mois d’après, ne rien produire. Ce n’est pas toujours récurrent. Tout dépend de la demande. Au début je fonctionnais sous forme de pré-commande. Au fur et à mesure nous avons évolué et nous confectionnons désormais les sandales avant de les lancer sur le marché. I.A : Quelles sont vos matières de prédilections ? L.M : J’utilise beaucoup le pagne Kita qui est originaire du Ghana. C’est un pagne tissé artisanalement, très coloré et avec beaucoup de motifs. Il est fait à base de coton naturel, donc 100% coton. J’utilise aussi le pagne Baoulé; qui est fabriqué en Côte d’Ivoire et dont le tissage est différent de celui du pagne Kita; ainsi que la toile de jute et tout ce qui peut accompagner comme le coton léger, la soie ou l’organza.

1/ Elle a été nommée parmi les 11 stylistes émergents de l’année 2015, pour le concours Vogue Talents organisé par le magazine de mode Vogue Italia 2/ bon chic bon genre 3/ bourgeois-bohème INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015

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I.A : Quel impact jugez-vous avoir sur les artisans de votre région ? L.M : Je ne peux pas parler d’un impact important pour l’instant parce que je pense que je peux aller beaucoup plus loin, mais je souhaite aider les artisans à étendre leurs activités. Je travaille beaucoup avec des fabricants de chaussures, de bijoux et de tissus. Je pense que sur le long terme l’impact sera beaucoup plus important. I.A : Dans quels pays écoulez-vous le mieux vos produits en ligne et quels y sont les restrictions et/ou avantages que vous y avez rencontré? L.M : Pour l’instant je vends essentiellement au Nigéria, en Afrique du Sud et aux Etats-Unis. Je dirais que ce sont mes plus gros clients. C’est aux EtatsUnis que j’ai plutôt eu des avantages grâce à l’AGOA1, qui permet aux africains d’exporter leur produit en Amérique sans avoir à payer de taxe. I.A : Quels sont les avantages et les inconvénients d’avoir un e-shop ? L.M : L’avantage c’est que le processus est très rapide : le client est chez lui, il clique sur un bouton. A partir

de là, le transfert d’argent et la commande sont instantanés, et cela me permet d’organiser très vite la livraison du produit. C’est donc beaucoup plus facile à gérer. Cela permet de faire des économies sur la location d’une boutique et sur tout ce qui concerne la main d’œuvre. Les inconvénients viennent du fait que le client ne peut pas essayer le produit à l’avance. Il y a donc la politique de retour de produits, qui peut être un inconvénient. Je n’ai pas souvent eu ces problèmes là, mais quand ça arrive, je permets aux clients de renvoyer le produit et/ou de faire un échange. I.A : En quoi les concours auxquels vous avez participé vous ont-ils aidé ? Pensez-vous que c’est la meilleure stratégie pour se faire connaître ou de gagner en crédibilité ? L.M : C’était pour moi une façon de soumettre mes collections. La première fashion week africaine à laquelle j’ai participé est celle de Lagos, suite à laquelle j’ai reçu le prix de «styliste émergent de l’année». Cela m’a donné beaucoup de visibilité en Afrique et dans la diaspora. Stratégiquement

parlant, ce n’est pas forcément le fait de gagner des concours qui donne de la crédibilité à une marque. Tout est dans l’image que renvoie la marque. Si la marque est cohérente, qualitative et très présente sur les réseaux sociaux, on a un avantage. Les réseaux sociaux donnent aux marques jeunes et indépendantes une chance de se lancer. Je mettrais plus l’accent sur les réseaux sociaux pour se lancer. I.A : Des conseils pour celles qui veulent se lancer dans votre métier ? L.M : La première chose est qu’il faut avoir du courage. Il faut vraiment avoir une idée précise de ce qu’on a l’intention de faire. Il faut être sûr que c’est ce qu’on a envie de faire. Quand on crée une marque de vêtements, il est nécessaire de s’assurer que l’image est cohérente tout au long des saisons. Tout ce qui est visuel et «branding» doit être lié à l’image de la marque. Il ne suffit pas de faire un vêtement et de le vendre. Il y a toute une équipe derrière. Il faut que le produit soit de qualité et suive les standards internationaux. Ce sont les points les plus importants.

4/ African Growth and Opportunity Act adopté en mai 2000, permet de soutenir l’économie des pays africains en leur facilitant l’accès au marché américain s’ils suivent les principes de l’économie libérale.

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INSPIR’ASSOCIATION // SÉNÉGAL

ERIC COLY : « JE SAIS QUE C’EST POSSIBLE » Saviez-vous que : les femmes représentent 2/3 de la population illettrée mondiale (774 millions en tout); Plus de 65 millions des jeunes filles âgées de 6 à 12 ans ne vont pas à l’école dans les pays en développement ; et qu’une femme active réinvestit en moyenne 90% de ses revenus dans les dépenses familiales, contre 30 à 35% seulement pour un homme ? Éric Coly lui, n’a pas eu besoin de ces chiffres pour comprendre que l’éducation est un enjeu majeur pour les jeunes filles africaines. En créant la marque de vêtements éthiques « Le Dessein » - distribuée à Los Angeles - il s’est lancé un pari ambitieux : contribuer à l’éducation de ces filles, à travers l’art et la mode. Le pari est en voie de réussite puisqu’en 3 ans, « Le Dessein » a permis à 30 jeunes filles d’aller à l’école.

Bonjour Éric, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs du magazine? Je suis Éric Coly, jeune entrepreneur social originaire du Sénégal. Après 11 ans en finance1, je me suis rendu compte que je n’étais pas heureux et que rien ne me poussait à me lever tous les matins. J’ai donc décidé de provoquer le destin, et de me diriger vers ce que j’aimais vraiment. Ce

n’était pas facile au début, car j’ai dû quitter un excellent job. J’ai décidé de créer une plateforme qui mettrait en lien la mode et l’éducation des filles, 2 thématiques qui me tiennent particulièrement à cœur. Pourquoi la mode ? J’ai été fortement inspiré par ma mère, qui très jeune, m’a sensibilisé à

1/ Éric travaillait dans une banque d’investissement

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la mode, dont elle était une véritable passionnée. Ainsi, j’ai souvent été son assistant vestimentaire lorsqu’elle se préparait pour se rendre à des soirées ou à des galas. J’estime avoir eu de la chance de ce point de vue-là. La mode est selon moi un excellent moyen pour mettre en avant les œuvres d’art des filles que nous suivons.


“Le Dessein”. Voilà un nom bien curieux pour une association. Peuxtu nous en dire plus ? Que signifie “Luh deh – san »? «Le dessein» signifie l’objectif, le projet. C’est cela qui représente totalement l’état d’esprit dans lequel j’étais à l’époque. Par ailleurs, ce nom a une double connotation qui illustre très bien l’association : « Dessein » qui se prononce « Dessin » phonétiquement fait donc allusion à la fois à un projet, mais aussi au fait que les filles dessinent les motifs des collections que nous créons. « Luh-deh-san » permet simplement aux anglosaxons de prononcer correctement le nom de l’association.

et quelques-uns sont sélectionnés, pour faire partie de la collection. Les dessins sont intégrés aux vêtements. A ce niveau, nous faisons un arbitrage entre le style du dessin et le vêtement. Nous choisissons minutieusement les tailles adéquates, les formes, les couleurs, etc. Une fois la production terminée, la collection est présentée à travers divers défilés de mode, principalement aux Etats-Unis.

Comment en êtes-vous arrivé à associer éducation des jeunes filles et mode ? Ces notions semblent éloignées...

s’assurent que chaque fille puisse en utiliser une partie. Pourquoi n’avoir choisi que le Libéria pour mener vos actions ? Il y’a tellement de pays en Afrique. Par ailleurs, on se serait attendu à ce que vous choisissiez le Sénégal en premier. Pour être honnête, j’ai rencontré ma principale collaboratrice par hasard, lors d’une soirée. Le courant est passé naturellement. Nous avons commencé à échanger, et je me suis rendu compte qu’elle possédait une fondation au Libéria, qui facilitait l’accès à l’éducation à des jeunes filles. J’ai donc rencontré au bon moment, une personne qui avait déjà consacré sa vie à cette cause qu’est l’éducation des filles. Le choix du Libéria était complètement fortuit. D’ici 2016, je compte tout de même retourner au Sénégal, pour me rapprocher d’autres fondations.

L’idée de départ quand je créais l’association était de faire comprendre aux Finalement, qu’est-ce que jeunes filles qu’elles ont « Le Dessein » : une marque de la valeur. Je voulais de vêtements ? Une associaleur redonner confiance tion ? en elles-mêmes. «25% des bénéfices réalisés sur la vente des Le Dessein est une Une fois qu’une de ces vêtements sont redistribués aux associations marque portée par une filles se rend compte qu’elle a de la valeur, association. L’une ne avec lesquelles nous travaillons automatiquement les pourrait pas exister sans au Libéria1 et à Haïti.» autres filles qui sont dans l’autre. la même situation s’en rendent compte aussi... Qu’est-ce qui vous insC’est une maladie contagieuse ! (Rires Comment ça se passe sur place pire au quotidien? ...) pour les filles ? Savent – elles toutes Aujourd’hui, je suis fier de dire que dessiner ? Sont-elles rémunérées ? Je suis issu d’une famille très avant-garde nombreuses femmes à travers le diste en matière de droits des femmes. monde portent des vêtements aux- Les filles ont un professeur de des- Ma grand-mère a été la première sagequels j’ai participé. J’aimerais que ces sin. A chaque fois, elles passent une à femme de sa ville et est allée à la fac en jeunes filles puissent dire la même deux semaines à apprendre à dessiner 1921. Ma mère quant à elle, a entamé chose. En dehors de l’argent qu’elles correctement et sont coachées afin de des études de pharmacie et mes deux peuvent gagner, elles voient la valeur pouvoir proposer leurs créations pour sœurs sont avocate et diplômée d’un de leur travail. les vêtements. Vous vous doutez bien Master de Santé Publique à Londres. que les vêtements ne se vendraient De fait, au quotidien, je vois le potentiel Comment se passe la fabrication pas si les dessins n’étaient pas assez de ces femmes. Je vois de quoi elles d’une collection avec les filles ? aboutis. sont capables. Je sais qu’il y’a encore 25% des bénéfices réalisés sur la du chemin à parcourir, mais je sais que Le processus de fabrication varie entre vente des vêtements sont redistribués c’est possible. 6 mois et un an. La production des vê- aux associations avec lesquelles nous tements commence en même temps travaillons au Libéria2 et à Haïti. Ces Propos Recueillis par Joan Yombo que les ateliers de dessins dédiés aux dernières s’occupent de répartir corfilles. Les filles proposent leurs dessins, rectement les fonds dans les écoles et 2/ Au Libéria il s’agit de l’association More Than Me Academy INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015

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INSPIR’ECO

TEXTILE: A QUAND LE RÉVEIL DU GÉANT AFRICAIN ? En 2015, l’industrie globale de la mode représente 1 500 milliards de dollars1. Pourtant, l’Afrique ne représente que 31 Milliards de dollars. La part du continent dans ce marché est appelé à se développer malgré elle : Diesel et Tommy Hilfiger, pour ne citer que ces marques, souhaitent travailler avec l’Ethiopie. De plus, les chiffres prouvent qu’il y a une réelle opportunité dans cette industrie. Il y a encore 20 ans, des entreprises tel que Woodin ou Pathé’O - respectivement crées et dirigées au Ghana et en Côte d’Ivoire - , voyaient le jour sur le continent et attiraient des consommateurs de la haute société. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, alors que de plus en plus de personnes souhaitent porter du « Made in Africa ». Certains pays ont décidé de tirer leur épingle du jeu, même si le chemin est encore long.

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Ghana - Collier Fringe with benefits Christie Bown INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015


Nigeria - Collection TKO Madam de Zashadu

L’Afrique du Sud doit confirmer son statut de leader L’industrie de l’habillement, le textile, le cuir et le footwear représentent 8% du Produit Intérieur Brut de l’Afrique du Sud. Cependant ce secteur d’activités connait un déclin : il employait 80 000 personnes en 2013 contre 181 000 en 2002. Mais les activités pourraient reprendre, sachant que 25 à 30% des vêtements vendus en Afrique du Sud sont fabriqués dans le pays. De plus, l’investissement du gouvernement à travers le ‘Clothing and Textile Competitiveness Programme’ - dont le but est de créer une croissance considérable dans le secteur - est un coup de pouce non-négligeable à l’industrie. Le Nigeria mise sur l’éducation et le financement En Août dernier, la Bank of Industry du Nigeria a ouvert un fond de 4,5 Millions d’Euros (1 milliard de Naira) afin d’accompagner les entreprises dirigées par des femmes et opérant dans le domaine de la mode et du textile. Chacune d’elles aura la possibilité d’emprunter jusqu’à 22.000euros (5millions de Naira) afin de développer son entreprise. Mais le Nigéria a aussi une dynamique éducative. 450 diplômés sortent chaque année de la Yaba College of Technology Fashion school, pour ne prendre que cette école. Ils sont formés à rendre l’industrie de la mode profitable à travers plusieurs métiers. En sus, le Nigéria est réputé pour la qualité de ses peaux et son savoir-faire ancestral en matière de tannage. Il approvisionne de nombreuses marques de luxe européennes comme Fendi, Hermès et Bottega Veneta. L’Ethiopie : prochaine reine du cuir L’Ethiopie souhaite s’imposer comme le leader mondial du tannage. En 2012, l’exportation du cuir représentait 123 millions de dollars, soit 73% des exportations du pays. Mais l’Ethiopie ne compte pas qu’exporter du cuir. Ce pays fournit plus de 160 000 pièces par mois à H&M, le numéro 2 mondial du textile et compte produire quatre fois plus de pièces dans 5 ans. La 4ème économie d’Afrique Subsaharienne de par sa croissance et le deuxième pays le plus peuplé du continent - avec 94,1 millions d’habitants -, est aussi le pays où les revenus annuels dépassent très rarement les 400$/an. S’il réussit a attiré plus de multinationales, il pourra sans aucun doute créer plus d’emplois, et à long-terme, augmenter le revenus moyen de sa population. Le Ghana : grand perdant Mais les pays Africains sont souvent soumis à des changements brutaux. Au Ghana, l’industrie du textile perd 69 Millions d’euros2 (300 Billion de Cedis Ghanéen) chaque année. Ce pays qui comptait 40 entreprises dédiées au textile et à la confection d’accessoires il y a encore 20 ans ne compte plus que 4 usines de textile. Plusieurs pays, tel que le Cameroun ou la Côte d’ivoire, ont vu leur industrie textile mourir. La question s’impose : Le réveil est-il pour bientôt ? Chrys Nyetam 1/ Banque Africaine de Développement 2/ Revenue Agencies Governing Board du Ghana INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015

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LES PENSÉES DE ... // GABON

G RA C E K E LLY AZIZE T

Peut-on réellement parler de « marques » ou d’industrie de la mode en Afrique ? Grace Kelly Azizet, Directrice Générale de Wildflowers – agence de stratégie et de communication pour créateurs – estime qu’il est difficile de répondre à cette question par un simple oui ou non. Le secteur de la mode est en plein essor, et de nombreuses notions restent à définir. Voici l’avis de cette professionnelle qui connait la mode africaine comme sa poche.

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Définissons le « Made in Africa » L’un de nos objectifs au sein de l’agence Wildflowers, est de sensibiliser la jeunesse africaine à la fierté de consommer africain. D’après une étude que nous avons menée sur le « Made In Africa » (en collaboration avec Afrikrea), pour 64% des afropolitains, le « Made in Africa » se définit par le fait que le créateur soit africain. Alors que pour nous en agence, le terme s’emploie lorsque les produits sont fabriqués en Afrique. Ceux qui pensent comme nous ne représentent que 54% des personnes que nous avons interrogées.

elles ne sont pas sur le même créneau, appartiennent à cette tribu. La tribu leader quant à elle est composée de créateurs qui sont sur un segment haut de gamme, voire luxe. Leurs marques sont en phase de structuration, leurs produits sont de plus en plus différenciant : en les voyant, on sait immédiatement à quelle marque les associer. Dans cette catégorie je vois des marques telles que Duro Olowi, Zashadu ou Madibo.

Parlons de la notion de « marque » dans le contexte Africain Il est toujours complexe, quand on évoque l’idée du «Made in Africa», de parler tout de suite de « marque ». L’industrie de la mode est en plein développement. Par conséquent, il existe plusieurs « tribus » comme nous les appelons au sein de l’agence : On a tout d’abord des entrepreneurs dont la base de travail est l’artisanat africain. On les retrouve dans des circuits de distribution tels que les ventes privées ou les plateformes de commerce en ligne spécialisées. Ces artisans vont sublimer le «Made in Africa» en utilisant le wax, mais en proposant des produits qui ne sont pas vraiment différenciant. Ils n’ont pas de points de vente ou de site internet propres pour présenter leur univers. Malheureusement, cette catégorie représente environ 80% du marché de la mode africaine selon notre étude. Avec ces artisans, on est sur du prix d’appel et même sur du produit d’appel. Forcément, ils génèrent du volume, mais en termes de structure et de visibilité, on n’a pas de marque forte qui ressorte. La marque Nana Wax - créée par Maureen Ayité - se démarque, même si elle est en train d’évoluer vers la catégorie premium. Ensuite, on a les afro-hipsters, qui sont des marques en devenir parce qu’elles travaillent sur leur branding. Leurs créations ont une identité visuelle et une signature claires. Leur cible est définie et leur visibilité est grandissante parce qu’elles se créent un univers propre, notamment à travers un site internet et une présence sur les réseaux sociaux. Les marques Laurence Airlines, et Château Rouge, même si

Un sac de la marque africaine Zashadu

« Les Africains ne consomment pas assez le Made In Africa » Les Africains issus de la diaspora estiment qu’ils ont constamment porté des marques étrangères et aujourd’hui, l’afro optimisme qui les anime voudrait qu’ils valorisent et revendiquent leur culture par le prisme du textile, de la gastronomie ou de la presse. C’est pour cette raison que de plus en plus de personnes au sein de la diaspora africaine consomment du « Made in Africa ». Sur le continent, notamment en Afrique Centrale, les africains sont intéressés par les marques occidentales dont ils connaissent le logo et l’identité graphique. Maintenant, de plus en plus de personnes issues de la diaspora reviennent et apportent une certaine prise de conscience en proposant des initiatives locales. Ce qui change la donne. Par conséquent, deux groupes existent désormais sur le continent : les afro-responsables qui le revendiquent, et ceux qui sont beaucoup moins réceptifs à cette tendance, parce qu’ils consomment déjà les produits locaux et n’éprouvent pas le besoin de valoriser l’Afrique : ils y vivent. Pour cette dernière catégorie, l’Afrique ne représente pas l’émergence et la croissance dont on

nous parle constamment. Leur réalité est différente. Ils sont dans une misère économique qui fait qu’ils ne ressentent pas le besoin de valoriser cela à leur niveau. Les bons élèves du continent en matière de structuration de l’industrie de la mode … Les pays qui montrent l’exemple sont le Nigéria et l’Afrique du Sud, qui ont toujours été fiers de leur culture. Les pays d’Afrique Francophone sont un peu plus à la traîne. En Afrique centrale, il n’existe pas d’initiative forte qui permette de montrer une fierté culturelle revendiquée et valorisée à l’échelle internationale. Au final, la question culturelle est très sensible. Les stylistes, les sculpteurs et tous ceux qui exercent un métier lié à l’art en général, sont peu considérés. Pour structurer l’industrie de la mode dans ces pays il faudra créer un écosystème capable de proposer des initiatives impactantes et inciter tous les acteurs à suivre la même dynamique. Par ailleurs, ces initiatives doivent être visibles. Et qu’on le veuille ou non, notre diaspora a un rôle à jouer en ce sens. Intéressons-nous aux Fashion Week sur le continent … Il y en a de plus en plus. Prenons l’exemple de l’Afrique du Sud. L’African Fashion International est une organisation qui regroupe près de 5 Fashion Week extrêmement qualitatives. Dans certains cas, il existe en moyenne deux Fashion Week par pays. A Brazzaville par exemple, on a la Brazza Fashion Week et la Congo Fashion Week. Au Gabon il existe la Libreville Fashion Week et la Port-Gentil Fashion Week. Il faut noter toutefois que toutes ces Fashion Week ne se valent pas. Il y a toujours un problème de leadership et d’égo dans nos pays qui fait qu’au lieu de se rassembler pour avoir plus de visibilité, chacun préfère organiser sa Fashion Week dans son coin. Or, Les Fashion Week légendaires, celles qui ont pignon sur rue (New York, Londres, Milan, Paris) se sont structurées autour d’une fédération ou d’un Council, avec une ville de référence. Cette ville

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centralise l’ensemble des évènements ayant pour mission d’accompagner tous les créateurs de manière à attirer le maximum d’acheteurs et de journalistes. Cette stratégie permet d’avoir un impact plus important sur l’industrie et de la valoriser à l’international. En Afrique francophone, les Fashion Week sont nombreuses, plus ou moins visibles, et manquent de qualité. Très souvent les équipes ne sont pas formées et ne vont pas chercher l’information. Ce ne sont pas de véritables Fashion Week, juste des défilés, de l’évènementiel sans objectifs clairs et précis, sans dynamique de développement et sans vision. Les organisateurs ont tendance à penser que seuls, ils peuvent tout faire ; alors que seul, on ne peut rien faire.

de même valoriser la mode africaine par le biais de l’évènementiel. C’est ce que la Black Fashion Week et le groupe Adiré à New York font. Ce n’est pas forcément très structuré _car ces personnes ne savent pas comment faire appel aux acheteurs _ mais c’est intéressant car cela permet aux créateurs d’avoir de la visibilité, de commencer à communiquer et à se préparer à rencontrer la presse. Beaucoup vont négliger les webzines et les bloggeurs, mais ce sont des acteurs importants : ils connaissent la cible de ces créateurs, l’étudient et communiquent avec elle au quotidien. Cependant, le fait qu’il existe plusieurs évènements de la sorte a permis à l’industrie de la mode de se rendre compte qu’il se passait quelque chose au niveau de l’Afrique.

… Et à la pertinence des Fashion Week Africaines organisées à l’étranger. Au début, je trouvais le concept beaucoup trop communautaire, et certains acheteurs n’aiment pas le côté communautaire, surtout en France. Pour eux, si une marque africaine veut être présentée, il faut qu’elle s’inscrive dans le calendrier des collections normales, qu’elle fasse appel à la fédération française de prêt-à-porter et qu’elle demande à être rajoutée dans le programme des défilés de façon à ce que les acheteurs viennent la découvrir. Même si les créateurs africains ont à cœur de faire de la mode et créent des pièces qui paraissent désirables, ils ne savent pas qu’il faut aller taper à la porte de la fédération pour intégrer ce calendrier. Un créateur qui voulait être présenté à la Fashion Week Parisienne de Septembre 2015, y aurait présenté sa collection printemps été 2016 par exemple. De manière générale, le créateur doit connaître son volume de production, son prix de revient, et doit être prêt à faire des concessions sur son prix final. S’il n’est pas accompagné et conseillé, il peut tout simplement ne pas rencontrer les acheteurs. Je trouvais aussi qu’il y avait un côté afro-militant qui ne correspondait pas à l’industrie de la mode. Mais mon point de vue a évolué depuis. Les personnes qui créent les Fashion Week à l’étranger n’ont pas une excellente connaissance de l’industrie, mais elles souhaitent tout

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Les produits de la marque Zashadu

A propos des agences de mannequins en Afrique Il y a un manque incroyable d’agences de mannequins sur le continent alors que nous avons un potentiel énorme. Il est vrai que l’univers du mannequinat est extrêmement codifié. Pour structurer ce secteur, il faut des gens qui y ont travaillé et qui serviront de référents à ceux qui souhaitent entrer dans ce secteur. Le groupe Elite est plutôt bien implanté en Afrique et est souvent partenaire de bons évènements locaux. Cependant, j’ai l’impression qu’il y a souvent un problème au niveau des représentants de ces agences dont la formation n’est pas adaptée aux réalités du continent. Ils ne savent pas, ou ne cherchent pas à mettre suffisamment en avant leur initiative, et ne donnent pas de poids à leur action. Sur la Brazza Fashion Night par exemple, nous avons dû recourir à un casting sauvage pour trouver des modèles. Nous n’avions pas le choix, car il n’y avait pas d’agence de

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mannequins capable de nous fournir un book homogène dont les mannequins puissent être représentatives de l’image qu’on voulait donner à l’évènement. A propos du retail La question du retail est assez particulière en Afrique. D’un côté nous avons tous les cabinets de conseil en stratégie (McKinsey, EY, etc.) qui disent que l’Afrique est le nouveau marché du retail, et que beaucoup de choses vont se faire dans les années à venir. Concrètement, il y a effectivement des marchés, comme celui du Nigéria, qui sont en phase de maturation avec de nombreux centres commerciaux, et des concept-stores qui se créent. Prenons par exemple Alara store qui est le premier concept-store 100% made in Africa, et qui est un exemple type de ce que sera le retail de demain en Afrique : un magasin présentant de jeunes créateurs africains et des marques de luxe occidentales qui souhaitent rencontrer les jeunes consommateurs africains. Le Maroc, et de plus en plus le Ghana, sont dans la même catégorie que le Nigéria. L’Angola et le Mozambique sont en phase de devenir des acteurs du retail. L’Afrique du Sud quant à elle possède un marché déjà mature. Ensuite, il y a des marchés au potentiel incroyable comme le Gabon, le Rwanda et l’Ethiopie. Mais le secteur de la distribution y est encore en friche ; il n’y existe pas encore de points de vente clés où les créateurs peuvent distribuer. Dans ces marchés, les créations de centres commerciaux sont encore en pourparlers ou en phase de création. Je prends l’exemple de ABC Mall de Libreville, qui commence à avoir des boutiques. Mais ces dernières ne sont pas encore visibles et ne proposent pas une offre Made in Africa. Du coup, les créateurs ne seront pas au courant que ces boutiques existent et on ne pourra pas structurer le secteur. Malheureusement en Afrique, les gens ne se rencontrent pas pour créer du business. C’est un problème de vision et de structure et les choses ne changeront que quand une pédagogie sera mise en place.

Propos Recueillis par Chrys Nyetam


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4 QUESTIONS À... // CAMEROUN

Valérie Ayena 42

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Picture by Mirjana Photography Dubai


Après avoir été découverte en 2011 alors qu’elle était étudiante à l’Institut Supérieur de Management en option communication au Cameroun, Valérie Ayena décroche son premier contrat en tant que mannequin en Afrique du Sud. Deux ans plus tard, elle est la première Miss Cameroun à participer au prestigieux concours Miss Monde. En 2014, elle est choisie par la marque Guinness pour la campagne « MadeofBlack ». Et la jeune Valérie Ayena, qui est « Made of Confidence » ne s’arrête pas là. Aujourd’hui, elle est un mannequin professionnel Africain, qui a su trouver sa voie dans un monde très codifié. Loin des podiums, des strass et des paillettes, Valérie a accepté de se livrer à nous en 4 questions. Inspire Afrika : Bonjour Valérie. Remporter le concours les avez-vous surmontées jusqu’à présent ? de Miss Cameroun vous a permis de participer à Miss Monde. Pensez-vous que votre carrière de mannequin VA : La mode est un milieu fermé et difficile à intégrer même ait bénéficié de votre participation à ce concours si il a l’air très ouvert au monde. Etre noire rend les choses international ? encore plus difficiles. Lorsque nous participons à des castings, les recruteurs essaient toujours de nous ranger Valérie AYENA : Il faut tenir compte du fait que Miss dans des catégories : On doit avoir des profils soit à la Cameroun n’a rien à voir avec le mannequinat. Si l’on parle Naomi Campbell, soit à la Grace Jones ; je vous épargne les bien de ma carrière en tant que mannequin à l’international, sous catégories. Je me souviens avoir participé à un casting je pense qu’avec ou sans Miss Monde, j’aurais pu y arriver. au cours duquel on m’a dit que je ne suis pas noire mais Ce qui est difficile dans le métier, c’est de se trouver au plutôt « Cappuccino ». Ceux qui me font passer le casting bon endroit au bon moment, et surtout d’être entouré des me classent dans une catégorie différente de la fille très bonnes personnes. Je ne souhaite pas paraÎtre prétentieuse, noire de peau et ils se tourneront généralement plus vers mais mon agent pense que si je n’avais pas fait la rupture elle. C’est compliqué, car même si le monde change, les en 2013 pour participer à Miss Cameroun, j’aurais pu me critères de beauté eux demeurent. Moi Valérie, noire avec retrouver sur des podiums importants à mon gros nez par exemple, je peux ne pas l’international. Miss Cameroun correspondre à certains critères «La carrière de mannequin n’a rien de beauté. Mais je suis optimiste, a donc été une expérience autre que celle du mannequinat. à voir avec le fait d’être une Miss de et sur le plan personnel, je réussis Mon contrat en tant que Miss beauté. Une fille peu importe d’où tout de même à mener ma petite Cameroun m’empêchait de carrière, à m’occuper de ma elle vient, peut être un excellent travailler sur d’autres campagnes famille et à me faire plaisir. Top-Model.» parce que je représentais l’image du Cameroun. IA : Quel conseil donneriezIA : Quelles activités avez-vous mené après Miss vous aux jeunes filles qui souhaitent être mannequins Cameroun ? Comment se porte votre carrière de mais qui n’ont pas eu la chance de participer à des mannequin ? concours de beauté nationaux ou internationaux comme vous ? VA : La transition a été difficile au début. Il a fallu que je reprenne les castings, et que je refasse du sport pour VA : Je le dis encore, la carrière de mannequin n’a rien à voir retrouver les mensurations adéquates. Durant mon mandat avec le fait d’être une Miss de beauté. Une fille peu importe de Miss Cameroun on me reprochait d’être trop mince. d’où elle vient, peut être un excellent Top-Model. Il faut Quand je suis revenue dans le mannequinat je ne répondais d’abord comprendre qu’il s’agit d’un métier très difficile. On plus aux critères. J’ai participé à la campagne MadeOfblack ne choisit pas d’être mannequin : on naît mannequin, en et ensuite, j’ai eu une opportunité aux Emirats où je suis ayant les dispositions physiques naturelles qui permettent installée pour le moment avec mon agence MMG events d’exercer ce métier. Il est nécessaire d’avoir les bonnes Dubaï. En dehors de ma carrière de mannequin, je continue mensurations au niveau des hanches et du buste, et d’avoir à mener des actions caritatives que j’ai commencées la bonne taille. Il peut y avoir des exceptions, mais c’est rare. durant mon mandat. J’ai été nommée ambassadrice Il faut aussi avoir une bonne condition physique, pouvoir de l’association OCOS (One Child One Smile) basée au tenir debout longtemps, avoir une aisance à marcher avec Cameroun, qui milite pour le droit à l’éducation des enfants des talons hauts et puis tout simplement y croire. Quelqu’un orphelins. Je profite de votre média pour sensibiliser les gens qui souhaite être mannequin doit cultiver son potentiel, et je les invite à regarder nos pages Facebook et Instagram. prendre son courage à deux mains et frapper à la porte On m’a également proposé dernièrement d’organiser une des agences. Si on n’a pas la chance de se faire découvrir, semaine de la mode au Tchad, mais pour l’instant, le projet Internet permet d’entrer en contact avec de nombreuses est encore embryonnaire, on verra bien avec les sponsors agences à travers le monde. Cette personne doit trouver que nous aurons. quelqu’un qui croit en elle. IA : Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées en tant que mannequin noir à l’international et comment Propos recueillis par Ivan Nyetam INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015

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FOCULTURE // ETHIOPIE

CUIR ÉTHIOPIEN :

DES PRÉTENDANTS DE « MARQUE » CHEZ LA REINE DE SABA

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En déclarant en 2013 vouloir tester les fournisseurs éthiopiens de cuir, le numéro 2 mondial de la mode H&M jeta sous les projecteurs de la filière le pays de la Reine de Saba. Ni une ni deux, voici que les prétendants affluent du monde entier, sans doute à la recherche de coûts de production plus compétitifs incluant bien entendu une main d’œuvre low-cost. Exit la Chine et le Bangladesh, bonjour Addis-Abeba !

Elles sont nombreuses, ces marques dures à cuire qui foncent sur le cuir éthiopien : Diesel, Calvin Klein, Delta Plus, Wrangler, Tommy Hilfiger à titre d’exemple. Elles courent vers ces salaires d’ouvriers dix fois inférieurs à ceux de leurs homologues asiatiques. Elles fuient le scandale qui pourrait éclabousser leur belle image quant aux conditions de travail souvent décriées dans les ateliers bangladeshi. De plus, avec la croissance reconnue des pays africains, il devient économiquement intéressant d’y assurer une base. En effet, selon les prévisions de l’OCDE, la croissance économique africaine devrait atteindre les 5% en 2016. Aujourd’hui, on peut sans effort se trouver des étiquettes Made in Ethiopia sur de nombreux produits de ces grandes marques à travers le monde. Qui dit transformation, dit matières premières ! Les investisseurs venus de Turquie, d’Arabie Saoudite, de Chine, d’Angleterre mais aussi originaires d’Ethiopie ont misé sur l’Abyssinie pour installer leurs manufactures de textile et de cuir. Le pays compte déjà plus d’une centaine d’usines, installées en moins d’une décennie. Autre avantage, le cheptel éthiopien est reconnu comme le plus important d’Afrique. Selon l’ONU, il comptait plus de 72 millions

de têtes en 2014. Le gouvernement Ethiopien offre également aux investisseurs des avantages fiscaux à l’exportation, que demander de plus ? L’envers du palais… Si l’Ethiopie est sacrée « Princesse » du cuir, le chemin est encore long avant de détrôner la reine Bangladeshi. En 2013, l’Ethiopie représentait 120 entreprises textiles pour 100 millions de dollars d’exportations. Le Bangladesh en comptait 5 000 qui exportaient pour plus de 20 milliards de dollars1. Les investisseurs étrangers dénoncent le manque de productivité et l’absentéisme des ouvriers éthiopiens, mais aussi les délais de livraison allongés du fait de la mauvaise qualité des routes. La Banque mondiale applaudit certes le choix du textile comme l’un des moteurs économiques éthiopiens, mais déplore les énormes barrières de la bureaucratie. Pour autant, la quatrième économie africaine, ses 97 millions d’habitants et ses 45 millions d’hectares agricoles disponibles, regorge d’autant d’atouts qui feront d’elle, à n’en point douter, un espace à conquérir à moyen terme.

Par Stella Sanogoh

Crédit Photo www.Maikimiko.com

1/ Source : leséchos.fr INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015

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