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Traitement de l’eau
from GLV 894
TRAITEMENT DE L’EAU Chrono-environnement-Silac,
retour sur 15 ans de recherche
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Depuis 2006, le laboratoire Chrono-environnement de l’université de Franche-Comté s’associe à Silac, une entreprise de thermolaquage située dans la même région, à Champlitte. Détails d’une collaboration réussie entre industriel et laboratoire pour la protection de l’environnement.
En ju i n der nier, un iver si ta i re s, in du striels, représentants d’agences environnementales (Agence de l’eau, Dreal), élus politiquesetmembresdelasociétécivile se sont réunis surl’invitationde Patrice Colinet, le maire de Champlitte pourun séminaire ayant pour objectif la présentation des résultats de 15 années de collaboration fructueuse entre le laboratoire universitaire et la PME chanitoise. Lors de son allocution d’ouverture, lemaire a précisé :«Champlitteest un groupement de communes de 1800 habitants qui a une attractivité patrimoniale et industrielle avec Silac, le premier employeur de la commune. Et la protection de l’environnement est une préoccupation commune». Même son de cloche pour Thierry Barthelet, directeur général du groupe ÉmeraudeParticipation, leader français du traitement de surfaces (TS) de l’aluminium par thermolaquage au travers de trois sites complémentaires (SFPI, Silac, TLV) : «Silac est une entreprise de 200 personnes dont la problématique n’est pas seulement de respecter les règlementations environnementales. Elle a un rôle économique local, social et environnemental. Tous les moyens pour optimisernos process, on lesretrouve à l’université».
LeSalon,une préoccupation commune
«Le retour d’expériences a montré qu’une action université-industrie concertée permettait de
Un aperçu du séminaire avec les industriels, les institutionnels et les chercheurs du laboratoire de Chronoenvironnement.
concilier activité économique, recherche fondamentale, formation des étudiants et protectiondel’environnement», a déclaré Grégorio Crini, chimisteenvironnementalde Chrono-environnementquia piloté le projet collaboratif. Les chiffres sont parlants. Depuis 10 ans, l’entreprise n’utilise que 28000 m3 d’eau sur les 54720 m3 autorisés et les rejets annuels sont proches de 16000 m3, à comparer aux rejets autorisés de 24396 m3. Avant rejet dans Le Salon, la rivière voisine, les rejets de fluorures sont de 165 kg/an sur les 342 kg/an autorisés, et ceux d’aluminium de 11 kg/an alors que la norme est à 114 kg/an; les substances SDP (substance dangereuse prioritaire) et SP (substance prioritaire) dont les chromes VI ont disparu du site de production et la DCO (demande chimique en oxygène) est très faible. À la clé : les coûts de fonctionnement de la station ont été divisés par un tiers et la redevance annuelle en tant qu’ICPE a été abaissée d’un facteurdeux!
Ladémarchedubécherà la cuve De l’échelle du ml d’un bécher à celle d’unecuvedemille litre,«travailler avec un laboratoire pour améliorer la qualité de l’eau industrielle est forcément bien vu par la Dreal et les clients», précise Xavier Hutinet, responsable TS et environnement à Silac qui produit des fenêtres ou vérandas en aluminium thermolaqué pour le bâtiment. Le marché estconcurrentiel. Afin de répondre aux exigences, la collaboration avec Chrono-environnement a permis à Silac d’optimiser chaque étape du procédé avec un suivi temporel des données analytiques, de celles qui rentrent dans la station et qui sortent vers le milieu récepteur; «ce qui permet de bien comprendre le fonctionnement de notre station et de prendre les bonnes décisions pour investir et devancer les
réglementations», précise Xavier Hutinet. Il résume : «Nous avions une station d’épuration standard, automatisée et efficace à l’instant t, mais il nous manquait du temps et des connaissances en chimie pour rendre ce dispositif pleinement opérationnel. Les solutions complémentairespourtendrevers le rejet zéro, nous les connaissions également, mais, elles sont inenvisageables pour des structures industrielles comme la nôtre». Une des raisons pour lesquelles Silac s’est tournée vers le laboratoire universitaire avec l’aide de l’Agence de l’eau. Pour faire court, l’entreprise a ouvert sesportesaux universitairesentoute confiance et a décidé de mettre en place différentes actions qui ont été validées en laboratoire puis par des essais pilotes sur site. Silac est certifiée par leslabels QualicoatetQualimarine et certifiée par le CSTB également; desgages de qualité pour les clients. capsulantes àviséeépuratoire,domaines de recherche innovants et porteurs d’espoirs non seulement dans le secteur des eaux usées, mais également pour des applications médicales, agroalimentaires et cosmétiques (par exemple, les mêmes produits sont étudiés pour traiter la Covid ou utilisés dans les compléments alimentaires). Un autre sujet de contentement de Grégorio Crini, et pas des moindres, réside dans la dynamique impulsée par cette coopération PME-université. Des stages pour les étudiants, de thèses et de travaux de post-doctorants, et deux embauches dont la dernière en 2018. Le savoir-faire de Chrono-environnementa étévalidésur cinq autres sites de traitement de surface franc-comtois.

Les actionsmises en place
Grégorio Crini détaille : «Nous privilégions de travailler dans les chaînes de traitement, à la fois en amont et dans la station d’épuration au lieu de se focaliser sur l’aval. Ainsi, nous proposons de diminuer les fonctions de rinçage et derecyclerles eaux,deséparerles effluents et de les traiter par bâchées, de remplacer certains réactifs“station”, d’optimiserles conditions desréactions de chaque cuve de traitement, d’installer des actions innovantes, etc.» Silac représente un terraindejeu pour lesuniversitaires qui peuvent tester leurs découvertes dans le domaine des eaux usées, par exemple l’utilisation de filtres de chanvre, de floculants à base de carapaces de crustacés, d’adsorbants à base d’amidonouencoredes filtres-poches contenant des molécules en-
Un exemple de traitement des eaux dans la station de Silac : la défluorisation.
GCrini
Interview
Titulaire d’un doctorat en chimie organique et macromoléculaire de l’université de Lille,GrégorioCrini, chimiste environnemental de Chrono-environnement revient, sans détour, sur la pertinence d’un tel partenariat et esquisse lesperspectives.
Galvano Organo : Ce séminaire a démontrél’intérêt d’un projet collaboratif; quel était le contexte?
Grégorio Crini : Depuis la première phase de l’action RSDE (recherche des substances dangereuses dans l’eau) réalisée entre 2002 et 2007 et l’inventaire des substances chimiques présentesdansles rejets,les industriels du TS doiventmettreen place des actions de réduction des flux de «leurs» substances et d’amélioration de la qualité des rejets. Notre partenariat avec Silac s’est inscrit dans ce contexte, en relation avec l’agence de l’eau, la Dreal et la région Bourgogne Franche-Comté. Réunir plusieurs acteurs de l’eau nous aide à avancer ensemble pour construire des solutions selon le principe du donnant-donnant oùchacuns’y retrouve.
GO: Quelle estlavaleurajoutée pour l’industriel, ou ce quivous différencie d’un cabinet d’études ou d’un équipementier?
GrégorioCrini :Jenesuispasuncommercial, je n’ai rienà vendre! Nos actionssontutilesà la fois pour l’industriel: optimisation de la stationd’épurationetdiminutiondes frais de fonctionnement, réductionouélimination dessubstances RSDE,diminutiondes flux de substances, recyclage, diminution de la redevance, etc., pour nos étudiants (stages et embauches) et pour nous chercheurs, car nous avons un terrain de jeu pour transférer nos essais laboratoire vers un site industriel, et surtout pour la rivière dans laquellesontrejetés leseauxindustrielles.
GO : La démarche est plutôt rare, surtout avec une PME. Quelles sont les perspectives pour anticiper les règlementations comme REACh?
Grégorio Crini : Un exemple, les chromes VI. En 2017, Silac a décidé d’abandonner lestraitements à basedeCrVI, interdit depuis 2017saufautorisation spécifique. Le traitementalternatifa eu des conséquences sur le fonctionnement de la station d’épuration des eaux.Ila fallus’adapter et repenser le circuit des eaux usées et les réactions dans la station. Maintenant, nous allons transférer le savoir-faire, les compétences et l’expérience acquise vers les autresusines bretonnes du groupe,pourque d’autresrivières puissentbénéficierdenos solutions pratiques! Voahirana Rakotoson