France Magazine No 22

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Le billet de Dany m’attaquais au problème de la transformation du psychisme d’un être humain qu’on a habitué à tuer. La guerre du Vietnam. Ce ne sont que deux exemples. On peut retrouver, en suivant la ligne conductrice de mes livres, un désir profondément pacifiste et antiraciste. L’optimisme ? Même le mot m’était étranger. La confusion a pu être créée par le fait que je me suis toujours attaquée aux difficultés diverses, ayant hérité de l’immense énergie de ma mère. Mon père, qui était un philosophe amer, croyait à la mort, ma mère à la vie. Je suis le mélange parfait de ces deux attitudes génétiques. > Le bonheur que vous avez d’écrire se transcrit dans vos titres. Votre roman paru chez Grasset en 1978 ne s’appelle-til pas Le Bonheur d’une manière ou d’une autre ? En 1980, vous obtenez le Prix Interallié avec Toutes les chances plus une. En 1990, vous publiez chez Plon Une question de chance. La vie ne vous a pourtant pas épargnée. Qu’est-ce qui fait que votre confiance en la vie soit si contagieuse ? Est-ce le sentiment d’avoir eu la “chance” de survoler et de surmonter bon nombre de difficultés au cours de votre existence ? Mes titres sont toujours au deuxième degré. Il n’y a aucune “ simplicité biblique ”. Le Bonheur d’une manière ou d’une autre est l’histoire d’un terroriste intellectuel qui veut faire sauter le barrage d’Assouan. Toutes les chances plus une, c’est le parcours d’un socialiste qui devient président de la République et apprend la nouvelle de son élection en pleine crise cardiaque. Tous les titres où “ bonheur ” ou “ chance ” apparaîssent cachent des pièges et des énigmes à résoudre. Mon oxygène, mon équilibre, c’est l’écriture. Ni bonheur, ni malheur, l’écriture fait partie de ma vie

depuis mon adolescence. C’est une forme d’existence. Par contre, et c’est peut-être là ma chance, je m’évade assez facilement d’un contexte pénible en construisant une histoire. Un exemple ? Je suis dans un aéroport. Mon attention est soudain retenue par un individu à l’allure particulière qui le différencie des autres. Discrètement, j’observe qu’il a pour destination Sydney. Je rentre à la maison et couche sur le papier les grandes lignes de mon nouveau roman. Et c’est là que ce besoin vital d’écrire m’occupe entièrement. Pour être totalement dans la peau de mon personnage, je vais prendre l’avion pour Sydney, descendre dans le même hôtel que lui. Mon roman prend vie, le scénario est en train de naître... > Avez-vous l’intention ou l’envie de raconter sobrement votre difficile jeunesse à l’aîné de vos petits-fils ou préférez-vous qu’il vous découvre en lisant vos ouvrages ? Je m’en voudrais de l’influencer. Je préfère qu’à la lecture de mes livres, il m’interroge ; et là, je lui répondrai. Non, vraiment, je préfère qu’il me découvre par lui-même. > Pensez-vous que votre motivation et votre besoin d’écrire auraient été les mêmes si vous n’aviez pas eu l’amour et la confiance absolue de votre père ? Absolument ! Depuis ma plus tendre enfance, j’étais habitée par ce besoin impérieux d’écrire. Mais le fait que mon père croyait en moi m’a beaucoup aidée. > Si j’ai bonne souvenance, vous avez écrit une trilogie américaine sous un pseudonyme. Allez-vous bientôt nous donner la joie de connaître ce qu’il advient de Mrs Clark ? Oh ! c’était au temps de mon épopée américaine. Ces romans vien-

FRANCEMAGAZINE N°22 67 AUTOMNE 2008

nent d’être réédités sous mon vrai nom. J’écris actuellement mon nouveau roman. Je suis entièrement dedans et ne pense qu’à cela. Après, donner une suite aux aventures de Mrs Clark... pourquoi pas ? > D’avance, je sais que c’est une mauvaise question, mais, pardonnez-moi, je vais quand même vous la poser : parmi tous vos ouvrages parus à ce jour, s’il vous fallait en choisir un, un seul, lequel serait-ce ? Chaque roman, chaque récit est une parcelle de moi-même. Je ne triche pas, je suis entière. Je les aime tous. Mais je dois dire que j’ai une affection particulière pour Le Bonheur, d’une manière ou d’une autre. > Combien de romans ? Je suis occupée à l’écriture de… mon trente-quatrième roman. > Toutes traductions confondues, et elles sont nombreuses, vous êtes traduite en combien de langues ? Avez-vous une idée du tirage global de votre œuvre ? Ayant gagné le Prix Vérité, j’ai eu, en un an et demi, vingt-sept propositions de traduction. J’ai quinze ans… est un des livres les plus lus. Lors du cinquantenaire du Livre de Poche en 2003, il a été annoncé comme l’un des quatre livres les plus vendus en France ; cela représentait plus de trois millions et demi d’exemplaires uniquement en langue française. Mon éditeur vient de me faire savoir que je vais être traduite en langue estonienne. C’est donc en trente-cinq langues que mes lecteurs vont pouvoir me suivre. Quant au tirage global, je crois que nous avons dépassé depuis déjà un bon moment les dix millions d’exemplaires. [1] Monsieur Claude Bellanger, résistant et gaulliste de la première heure, fondateur du Parisien Libéré.


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