Deuxième trimestre by Arnaud Vojinovic

no logie DeuxiĂ¨me trimestre

avril

䉴 04.04

● Un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite ne sera pas remplacé, annonce le gouvernement.

DISPARU

JACQUES BURKO, poète et traducteur, 75 ans, à Paris. Depuis 2004, il dirigeait la collection « Poésie » chez Buchet-Chastel. Avec Pawel Korzec, il est l’auteur du Gouvernement polonais en exil et la persécution des Juifs en France en 1942, paru aux éditions du Cerf en 1997.

● Dans Le Monde des Livres, le journaliste Roger-Pol Droit rend compte du livre de Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont-Saint-Michel, publié au Seuil, en soulignant que ce travail allait « susciter débats et polémiques ». (Lire La fabrique des idées • « Quand l’ENS-Lyon lance sa fatwa », p. 241)

䉴 07.04

● Fiasco lors du passage de la flamme olympique à Paris, émaillé de confrontations entre forces de l’ordre et manifestants protibétains et antichinois. (Lire Décryptage • « Les Chinois vont-ils rafler les médailles du pouvoir intellectuel ? », pp. 141)

● Des chercheurs du Centre de physique moléculaire optique et hertzienne (CPMOH) (CNRS/Université Bordeaux 1) et de l’Université de la Réunion publient les résultats de leur étude sur la trajectoire des ouragans et cyclones sur le site de la revue Physical Review Letters. Originalité : ils ont étudié ces terribles phénomènes atmosphériques, de plus en plus fréquents et destructeurs, en se basant sur l’observation… des bulles de savon. Celles-ci présentent des propriétés physiques analogues, notamment dans la constitution de tourbillons, aux plus terribles déchaînements météorologiques. « Cette découverte devrait permettre à l’avenir de mieux prévoir le comportement des ouragans et d’anticiper les risques », explique le CNRS.

䉴 08.04

● Philippe Sautet, directeur de recherche et directeur du laboratoire de chimie de l’ENS-Lyon, se voit décerner la médaille d’argent du CNRS. Spécialiste de la modélisation de la catalyse, il développe, depuis vingt ans, des méthodes de calcul et des modèles théoriques pour cet outil-clé de la chimie dans le futur, permettant des économies d’énergie et une réduction des déchets.

䉴 09.04

● L’ex-candidate PS à la présidentielle de 2007, Ségolène Royal, et, le secrétaire général du PS, François Hollande, anciens conjoints, annulent leur action en atteinte à l’intimité de la vie privée, engagée contre les journalistes Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué. Ces deux journalistes du service politique du Monde sont également auteures de La femme fatale, édité par Albin Michel (200 000 exemplaires vendus). En revanche, Ségolène Royal maintient sa poursuite pour diffamation.

CHRONOLOGIE

䉴 10.04

● Lors de sa séance à 16 heures, l’Académie française procède à l’élection au fauteuil de Pierre Moinot (19e fauteuil). Jean-Loup Dabadie, parolier et scénariste, et JeanPierre Lassalle, professeur de linguistique, sont candidats. Six fauteuils restent vacants, ceux de René Rémond (1er fauteuil), de Bertrand Poirot-Delpech (39e), d’Henri Troyat (28e), du cardinal Jean-Marie Lustiger (4e), de Pierre Messmer (13e), et d’Alain Robbe-Grillet (32e). Jean-Loup Dabadie, Mgr Dagens, Jean Clair (lire Figures, p. 177), de Jean-Christophe Rufin, Jean-Luc Marion (lire Figures, p. 167) et Simone Veil leur succèdent. Seul, le fauteuil d’Alain Robbe-Grillet n’a pas trouvé d’immortel cette année. ● Il est urgent de trouver de nouveaux moyens de lutter contre les moustiques, alerte un journal scientifique en ligne, BioMed Central. Des moustiques « double mutants », porteurs de deux gènes de résistance aux deux classes d’insecticides les plus utilisées dans le monde, ont été étudiés par des chercheurs du CNRS et de l’IRD, spécialisés dans la lutte contre les insectes nuisibles. Inquiétude réelle : contrairement aux moustiques résistants aux insecticides, mais handicapés par un « fardeau génétique » qui les fragilisent (fécondité, survie, prédation), les « double mutants », eux, n’ont pas cette vulnérabilité. ● Des manifestations lycéennes contre les suppressions de postes, qui couvent depuis le début du mois, ont lieu de nouveau.

䉴 14.04

● La rédaction et les personnels du quotidien Le Monde sont en grève historique contre un plan de redressement prévoyant 130 suppressions d’emplois et des cessions de magazines. C’est la première fois dans l’histoire du quotidien que les journalistes cessent le travail pour des raisons internes.

䉴 15.04

● Diméthoxytoluène : dans la revue PNAS, une équipe du laboratoire Reproduction et Développement des Plantes a étudié l’origine du parfum de thé caractéristique de nombreuses variétés de roses modernes, en collaboration avec des chercheurs de l’Université Lyon 1 et de l’Université Jean Monnet (Saint-Etienne). La synthèse de ce parfum particulier est due à la transmission d’un gène des roses sauvages originaires de Chine, à partir du XIXe siècle, aux roses de jardin, les plus répandues aujourd’hui dans le monde. ● Des travailleurs sans papiers, soutenus par la CGT et la CNT, des associations comme Droits devant !, se mettent en grève dans les secteurs de la restauration et du bâtiment, afin d’être enfin déclarés et administrativement reconnus. Une bataille du droit, de l’opinion et de la reconnaissance sociale qui commence à porter ses fruits, alors que le ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale durcit ses quotas et les reconduites aux frontières.

䉴 17.04 DISPARU

AIMÉ CÉSAIRE, écrivain et poète, 95 ans, à Fort-de-France. (Lire Fantômes • p. 249)

䉴 19.04 DISPARUE

GERMAINE TILLION, ethnologue, 100 ans, à Paris. (Lire Fantômes • p. 252)

Avril

䉴 22.04

● La Joconde « mise à nu » révèle la technique picturale de Léonard de Vinci. Une physicienne de l’Institut des nanosciences de Paris (CNRS / Université Paris 6 / Université Paris 7), et une enseignante à l’Université Evry Val-Essonne révèlent pour la première fois la composition du fameux « sfumato », technique artistique utilisée par Léonard de Vinci pour peindre les visages. Après avoir virtuellement « dévernissé » la Joconde, nos chercheuses ont mis en évidence la présence d’un glacis, technique de la peinture à l’huile inventée par les Primitifs flamands et qui n’était pas utilisée à cette époque en Italie. Elles ont également identifié les composants de la première couche picturale ainsi que de la sous-couche du tableau. Cette méthode d’analyse des œuvres d’art est non-destructive, relativement légère et ses résultats sont exploitables en quelques minutes.

䉴 27.04

● C’est l’un des mercatos de l’industrie éditoriale de l’année, annoncé par Le Journal du Dimanche. Les éditions du Seuil confirment que l’écrivain Christine Angot rejoint la maison pour la rentrée et les prix littéraires de septembre. Elle publie Le Marché des amants, roman dans lequel est évoquée sa relation avec Doc Gynéco.

䉴 28.04

FOCUS

● Le ministre du Travail, Xavier Bertrand installe une consultation pour réformer le régime général, avec le principe de 41 ans de cotisation. ● La 22e cérémonie des Molières consacre à cette occasion, deux vétérans des planches, Michel Galabru, 85 ans, et Roland Dubillard, 84 ans, récompensés comme meilleur acteur pour le premier et meilleur auteur pour le second. Roland Dubillard, terrassé par une hémiplégie il y a vingt ans, est notamment l’auteur des Diablogues.

Une exposition très préoccupante Une importante exposition de photos, « Les Parisiens sous l’Occupation », qui se déroule à la Bibliothèque historique de Paris depuis le 20 mars jusqu’au 1er juillet, commence à susciter des polémiques. L’auteur des 270 photographies inédites, puisées dans un fonds de 22 000 clichés, est André Zucca, petite star du Paris Match de 1939, photographe « réquisitionné » en 1941 pour participer au magazine de propagande nazie Signal, et « autorisé » par la puissance allemande à disposer de films couleurs pour photographier Paris. Un Paris bien insouciant, où par deux fois seulement s’y glissent des juifs portant l’étoile jaune. Ces photographies restituent une atmosphère où se combinent la sidération d’être occupés et les petits gestes d’une existence au ralenti. De ce point de vue l’exposition est éminemment respectable. André Zucca, arrêté en novembre 1944, puis laissé en liberté provisoire, quitta Paris en mai 1945 pour vivre sous un nom d’emprunt aux environs de Dreux. De ces informations sur l’auteur, l’exposition et son commissaire général Jean Baronnet ne disent rien, évacuent superbement le contexte, oublient les conditions. Devant une petite bronca de visiteurs, la Bibliothèque s’est résolue à publier un texte d’avertissement de l’historien Jean-Pierre Azéma en ouverture de l’exposition. Ce sont moins les photographies de l’exposition André Zucca que la conception contemporaine elle-même de la transmission de mémoire et de savoir qui inquiète. En ne disant rien, en ne voulant pas alourdir certainement la légèreté esthétique du photographe, en reléguant tout ce qui pourrait noircir l’acidulé des couleurs, les ingénieurs culturels de la manifestation ont réalisé en toute innocence (le public est suffisamment intelligent) comme en incompétence assez désastreuse (une paresse intellectuelle manifeste), une curieuse expérience de propagande. ❂ E.L.

CHRONOLOGIE

Avril

mai

䉴 01.05

● 40e anniversaire de Mai 68. DISPARU

L’écrivain FRÉDÉRIC H. FAJARDIE (de son vrai nom Ronald Moreau), le maître du polar social, 60 ans, à Paris.

䉴 05.05

● Philippe Pignarre, créateur et éditeur de la maison spécialisée Les Empêcheurs de penser en rond (1990) dans les essais de psychanalyse et de sciences humaines, a quitté Le Seuil, et rejoint La Découverte, filiale d’Editis.

䉴 09.05

DISPARU

PASCAL SEVRAN, parolier, chanteur, écrivain (Vichy-dancing) et animateur de télévision, 62 ans, à Limoges. En 2006, ses propos sur la sexualité des Noirs avaient suscité un tollé. Le 21 avril, Europe 1 avait prématurément annoncé sa mort. Le journaliste et PDG d’Europe 1, Jean-Pierre Elkabbach qui avait validé cette information s’en est trouvé fragilisé, et a quitté la station le 3.

䉴 13.05

● L’activité numérique de Larousse devient Larousse.fr, mettant gratuitement en ligne, 150 000 articles de son encyclopédie. Inspiré du modèle Wikipédia, mais avec de la publicité et des sponsorings, l’éditeur propose également, afin de doper son référencement sur les moteurs de recherche, des contributions participatives de ses lecteur blogueurs, juxtaposées à son propre contenu. L’encyclopédiste, comme tous les autres dictionnaires, se trouvent bousculés par l’information gratuite sur Internet, et tente de trouver la parade ainsi qu’un nouveau positionnement. Ainsi Britannica, qui contrôle le français Encyclopedia Universalis, a ouvert aux ÉtatsUnis tout son contenu de langue anglaise, à la condition que les bénéficiaires s’enregistrent. Pour Encyclopedia, le modèle économique est mixte, avec une importante partie payante. ● L’assèchement récent du Sahara a été progressif, démontre une équipe internationale de chercheurs dans la revue Science. Le modèle de changement climatique et écologique brutal ne tient plus. L’aridification saharienne a évolué entre 5 600 et 2 700 ans, et s’est trouvée en relation avec l’affaiblissement des pluies de la mousson atlantique.

䉴 15.05

● Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites, le nouveau roman de Marc Levy (Robert Laffont), prend immédiatement la tête du classement des meilleures ventes de roman français.

䉴 19.05

● Grève nationale des lycéens et des enseignants.

CHRONOLOGIE

䉴 22.05

● Mobilisation syndicale contre la réforme des retraites. ● Le congrès du Parti Socialiste de novembre, où doit se jouer l’élection du nouveau secrétaire général, affûte les appétits. C’est le maire de Paris, Bertrand Delanoë qui se dévoile et lance son plan-média, avec un livre d’entretiens, réalisés par Laurent Joffrin, directeur de Libération. Tiré à 25 000 exemplaires, De l’audace défend un principe de social-libéralisme.

䉴 24.05

● Sébastien Tellier, OVNI, représente la France à l’Eurovision.

䉴 25.05

● Le film Entre les murs de Laurent Cantet, d’après le récit de François Bégaudeau, obtient la Palme d’or du 61e Festival de Cannes, présidé par Sean Penn. Une palme collective, sur fond de grèves et de malaise en milieu scolaire, qui souligne les difficultés et les ambivalences de la pédagogie. ● Le CNRS, dans un contexte de crise d’identité, décerne ses médailles d’argent aux 17 chercheurs, remarqués pour l’originalité de leurs travaux, reconnus sur le plan national comme international. On y trouve le cryptographe Humbert Comon-Lunhd, le professeur d’hydro-écologie Gilles Pinay, le spécialiste de l’aimantation, Jean-Yves Bigot, les physiciens Noël Dimarcq, Mireille Blanchard-Desce et Jean-François Joanny, l’immunologiste Marie Malissen, l’épigénéticienne Edith Heard, le théoricien des nanotubes de carbone, Xavier Blase, ou encore, le directeur de recherches sur le cerveau et rédacteur en chef du Journal of computation neuroscience, Alain Destexhe. Est distingué le physicien Alexandre Rozanov, dont l’équipe a conçu les détecteurs à pixels du LCH (Large Hadron collider). Sont également remarqués des profils atypiques comme le chimiste Philippe Walter, spécialiste des fards à joue égyptiens, le généticien Stéphane Noselli qui travaille sur la mouche drosophile, et l’astronome François-Xavier Désert, qui s’intéresse particulièrement aux poussières interstellaires, ainsi qu’au projet européen ISO, un télescope spatial. Dans la catégorie des sciences humaines, se distinguent Karine Chemla, sinologue et historienne des mathématiques, Dominique Iona-Prat, médiéviste spécialiste de l’économie chrétienne, Stéphanie Thiébault, paléobotaniste rompue à l’anthracologie (bois de charbon).

䉴 27.05

● Dans un communiqué commun, les représentants des personnels d’Editis exigent de rencontrer la direction de Wendel, actionnaire du groupe, pour discuter du versement aux salariés d’une part de la plus-value réalisée sur la vente de l’entreprise à l’espagnol Planeta, prévue à la fin du mois de mai. Celle-ci s’établirait, selon un rapport du cabinet comptable Secafi Alpha, à un « minimum de 350 millions d’euros ».

䉴 29.05

DISPARU

PIERRE FOUGEYROLLAS, philosophe et sociologue, 85 ans, à Paris. Membre du Parti communiste jusqu’en 1956, il rédigea avec Pierre Lambert le manuel de base du groupe trotskiste de l’OCI. Pilier de la revue Arguments, professeur à Paris-7, il a signé plusieurs ouvrages sur le marxisme et l’éducation dont en 1983, L’obscurantisme contemporain ; Lacan, Lévi-Strauss, Althusser.

Mai

FOCUS

Les soixante-huitards, héritiers de la gnose Pour ses 40 ans, Mai 68 devient un objet historique presque banalisé, où la fièvre interprétative est quelque peu tombée, et le positionnement historico-marketing d’une génération se trouve en retrait. Emblématique de cet anniversaire assagi, la publication du pavé multidisciplinaire (économistes, politologues, anthropologues, sociologues, historiens, journalistes), 68, une histoire collective (La Découverte), sous la direction des jeunes historiens Philippe Artières, par ailleurs président du centre Michel Foucault, et Michelle Zancarini-Fournel. Inséré dans une longue période historique, allant de la fin de la guerre d’Algérie en 1962 à mai 1981, élection de François Mitterrand, leur Mai 68 se trouve d’autres épicentres, d’autres chemins de traverse et d’autres prolongements insoupçonnés, d’autres acteurs mal connus ou inattendus. Bref, une histoire underground plutôt qu’un simple jaillissement d’explosion sociétale, même si rien n’est encore épuisé de « l’Evénement-Sphinx » (Edgar Morin, dont on réédite La Brèche, rédigé à chaud avec Claude Lefort et « Corneille » Castoriadis). Quel héritage que ce Mai 68 cru 2008 ? La documentariste Virginie Linhardt rappelle dans un témoignage à succès, Le Jour où mon père s’est tu (Seuil), quelle transmission brouillée, et quel décalage ont pu s’opérer avec les parents de mai et de leurs enfants. Mais dans la profusion éditoriale sur Mai 68, un essai sort du lot et donne une teinte originale à l’ensemble, ainsi qu’un modèle séduisant. Choses vues (Bartillat), moitié témoignage fraternel, moitié analyse de l’histoire des idées, signé Daniel Lindeberg, historien des idées et professeurs de sciences politiques (Paris-VIII), ouvre une piste. Rendant hommage à son ami de jeunesse, le sociologue Christian Bachmann, disparu en 1997, il minore la portée décisive de mai : « Il est certainement inévitable et naturel même d’idéaliser la richesse idéologique des temps passés, de l’opposer au désert des temps présents. […] Le XXe siècle n’a pratiquement inventé aucune idée politique nouvelle ; il a combiné autrement les éléments du stock en provenance des Lumières ou du romantisme, et il a réalisé les utopies du XIXe siècle », explique l’historien. Surtout, affirme Lindenberg : « Nous étions des “gnostiques”, à la recherche d’une rédemption radicale. La gnose désigne la recherche d’un savoir initiatique, réservé à des “élus” et destiné à assurer leur salut dans un monde déchu, façonné par un mauvais démiurge. Et de comparer les Krivine, Cohn-Bendit, Geismar aux Valentin, Basilide et autres Carpocrates du Bas-Empire (IIe et IIIe siècles de l’ère vulgaire) (qui) se sentaient perdus dans un cosmos complètement raté par le mauvais démiurge, et cherchaient la sortie par diverses techniques spirituelles… ou orgiaques, destinées à libérer l’âme de cette prison cosmique. Notre génération en voulait comme eux à l’histoire, en se fichant un peu de ce que les dieux aient déserté la nature. Quoique… » C’est un mouvement « antinomiste » (haine de la loi et de la morale qui distingue le Bien et le Mal), exporté des États-Unis dans les années 1950, qui imprègne tout un fond de l’air du temps gnostique dans la France de De Gaulle, ce Dieu « cassé », de Mai 68. ❂ E.L.

CHRONOLOGIE

Mai

juin

䉴 01.06

● Martine Saada, ancienne directrice de collection chez Grasset, prend la direction du pôle littérature et documents aux éditions du Seuil. ● Le nombre des détenus atteint le chiffre record de 63 838 pour 50 746 places, une surpopulation de 125 % supérieur à la moyenne européenne qui n’est « que » de 102 %.

䉴 02.06 CLAUDE KORDON, biologiste, 74 ans, à Paris. Très impliqué dans les structures administratives de la recherche française (CNRS, INSERM), il a orienté ses travaux sur la manière dont les hormones dans le cerveau modifiaient le comportement, la physiologie et le système immunitaire. DISPARUS

FRANÇOIS FEJTÖ, historien et journaliste, 98 ans, à Paris (lire p. 272). YVES SAINT LAURENT, couturier, 71 ans, à Paris. Génie de la haute couture, inventeur du prêt-à-porter haut de gamme, il fut aussi l’ami des intellectuels et des artistes.

䉴 04.06

● Frédéric Mitterrand est nommé à la direction de la Villa Médicis à Rome, et sa nomination signe la fin d’un suspense politique. Nicolas Sarkozy a retenu son nom, plutôt que celui de Sylvain Bellenger, conservateur en chef du patrimoine ou d’Olivier Poivre d’Arvor, directeur général de CulturesFrance, pour cette institution prestigieuse, vitrine des jeunes artistes français. Une commission avait été mise en place par l’Élysée après la polémique née fin mars autour d’une possible nomination à ce poste convoité de l’ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, Georges-Marc Benamou. Devant la bronca et les pétitions d’un certain nombre d’artistes et d’intellectuels, l’ancien confident de François Mitterrand, devenu conseiller du groupe Hachette, puis rallié au candidat Sarkozy, avait finalement renoncé à se porter candidat. Charge à Frédéric Mitterrand, 60 ans, de restaurer l’image détériorée ces dernières années de la Villa Médicis, par ailleurs dans le collimateur des sénateurs qui avaient produit un rapport très sévère sur la gestion et l’utilité de l’institution.

DISPARU

CHRONOLOGIE

L’écrivain et ancien résistant JACQUES-FRANCIS ROLLAND, 85 ans, à Beauvais. Résistant dans les jeunesses communistes, puis avec l’écrivain Roger Vailland – qu’il admirait – dans le réseau Mithridate, il était devenu journaliste dans la presse du PCF, couvrant le procès de Nuremberg. De 1956 à 1959, il a été collaborateur du service littéraire de France-Observateur.

En 1984, ce fils de romancier avait obtenu le Grand prix du roman de l’Académie française pour Un dimanche inoubliable près des casernes (Grasset).

䉴 06.06

● Après les médailles d’argent, le CNRS décerne ses médailles d’or à 44 jeunes chercheurs de toutes disciplines confondues pour la qualité de leurs premiers travaux. Parmi les chercheurs en sciences humaines, on distingue Lilian Mathieu, sociologue qui a longuement étudié la prostitution et le sida, puis le mouvement alter-mondialiste, et plus récemment, le fonctionnement de Réseau sans frontières (RSF). Stéphanie Latte Abdallah, historienne et politologue, qui avait été lauréate du Monde de la recherche universitaire, en 2005, pour son étude sur les réfugiées palestiniennes, poursuit sur le genre et le féminisme islamique, ainsi que les liens entre politique et morale dans le monde arabe. L’économiste Thibault Gadjos explore les fondements philosophiques de la mesure des inégalités sociales. Le cogniticien JeanFrançois Bonnefon, à cheval sur la psychologie cognitive et l’intelligence artificielle, se demande comment le souci psychologique que nous avons de ménager les émotions des autres, influence nos raisonnements logiques. Laëtitia Atlani-Duault, auteur d’un remarqué Au bonheur des autres (Société d’ethnologie, 2005) semble avoir innové en anthropologie politique, avec sa double étude sur les humanitaires et les victimes. La plus frondeuse est l’historienne Claire Lemercier : elle a mobilisé tous ses collègues gratifiés pour faire une pétition des chercheurs médaillés exprimant leur désaccord et leur inquiétude quant à la réorganisation du CNRS.

䉴 17.06

● Publication du Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale, un rapport rendu public par Nicolas Sarkozy sur la réorganisation de la défense française. Celle-ci prévoit la réduction sur sept années des effectifs (54 000 civils et militaires sur une population de 320 000 personnes), une nouvelle répartition des forces armées sur le territoire, une place plus importante accordée au travail de renseignement, et une réintégration franche de la France dans l’Otan. ● Des chercheurs du Laboratoire de neurosciences cognitives et d’imagerie cérébrale (CNRS/Université Pierre et Marie Curie) annoncent la mise au point d’un logiciel de traitement d’images, permettant de mesurer automatiquement le volume de l’hippocampe. Cette structure cérébrale est atrophiée aux premiers stades de la maladie d’Alzheimer, et ce nouveau logiciel permettra un diagnostic précoce, en distinguant des patients du même âge, atteints ou pas d’Alzheimer.

䉴 19.06

● Pour la première fois, le Prix Blue Planet 2008, l’une des plus prestigieuses récompenses internationales dans le domaine de l’environnement, vient d’être remis à un Français, le glaciologue Claude Lorius, ainsi qu’au professeur brésilien José Goldemberg. Grand arpenteur de l’Antarctique, Claude Lorius est l’un de ceux qui a contribué à la prise de conscience de l’influence des activités humaines sur l’environnement et le climat.

䉴 20.06

● Le tribunal correctionnel de Paris juge irrecevable la plainte en diffamation déposée par Marina Picasso, petite-fille du peintre, à l’encontre du livre La Vérité sur Jacqueline Picasso de la journaliste Pepita Dupont (Le cherche midi). Or, dans un livre qu’elle a écrit, Grand-père (Denoël), Marina Picasso annonçait qu’elle refusait de succéder à son frère. Le tribunal en a conclu qu’il lui était donc impossible d’engager une action en diffamation au nom d’un particulier décédé, sans désormais pouvoir justifier de sa qualité d’héritière.

Juin

CHRONOLOGIE

䉴 22.06 DISPARU

ALBERT COSSERY, écrivain, 94 ans, à Paris. (Lire Fantômes • p. 259)

䉴 25.06

FOCUS

● La chasse au neutrino a commencé, à l’aide de détecteurs, au fond de la Méditerranée. Les chercheurs européens (CEA-CNRS) de la mission Antarès, avec la mise au point du premier télescope sous-marin à neutrinos, tentent de suivre la trajectoire de cette particule « fantôme ». Élémentaire, sans charge électrique et qui interagit très faiblement à la matière, le neutrino possède une faculté de « passe-muraille » : traverser l’Univers en ligne droite, sans connaître d’obstacles, ni être dévié. Ce témoin cosmique, et plus particulièrement le neutrino dit à haute énergie, peut aider les astrophysiciens à mieux comprendre l’environnement et les sources des phénomènes cataclysmiques. Mais encore faut-il à défaut de le capturer, détecter un neutrino. À 2 000 mètres sous l’eau, le détecteur Antarès, protégé du rayonnement cosmique, est susceptible de saisir la trace, un sillage faiblement lumineux et ascendant, d’un neutrino qui en traversant la Terre, aurait rencontré le noyau d’un atome, phénomène statistiquement rare, et se serait changé en muon, particule plus détectable par les quelque 900 modules optiques du dispositif. La chasse ne fait que commencer. ● Estimant que les auteurs de La Femme fatale n’ont fait que rendre compte de « l’étroite imbrication de (sa) vie publique et vie privée », le TGI de Paris a débouté l’ex-candidate à l’élection présidentielle, qui avait porté plainte pour diffamation, et demandait 700 000 euros de dommages et intérêts. Ségolène Royal, elle aussi, publie Si la gauche veut des idées, un livre d’entretiens avec le sociologue Alain Touraine.

En prison, la violence naît de l’absence de conflit La citoyenneté est un affrontement. Une longue tradition philosophique associe ainsi la liberté au conflit. Machiavel a notamment défendu cette nécessité de l’opposition, du conflit institutionnalisé pour garantir le jeu politique. À l’inverse, les systèmes totalitaires l’ignorent superbement. Une enquête fleuve menée en milieu carcéral, par trois sociologues du CNRS, franchit une étape supplémentaire : la violence en prison est produite par l’absence de lieux de conflictualisation. Autrement dit, la violence naît de l’absence de conflit. Les détenus sont maintenus dans l’incapacité de s’organiser en mouvements collectifs, de se syndiquer, de manifester ou de créer des espaces de débats… « Les revendications ne pouvant passer par une voie légale empruntent alors des voies plus radicales et imprévisibles », analysent les auteurs de l’étude. Facteur aggravant, le véritable conflit – si conflit il pouvait y avoir –, est censé opposer le détenu à l’ensemble de la société. La privation de liberté étant prononcée en son nom. « Mais la décision de neutralisation (les voies de recours épuisées) clôt toute possibilité de conflit. C’est bien pourquoi, d’ailleurs, si certains acceptent leur peine ou se résignent avec le temps à l’accepter, parce qu’ils n’ont pas le choix sinon à un prix fort coûteux, d’autres nourrissent de la haine à l’égard de la justice et de la société », estiment les auteurs de l’étude. Cette violence prend des formes et des degrés très divers. Du poids de la promiscuité aux bagarres, des agressions aux duels. Elle s’exerce aussi bien entre les détenus, qu’entre eux et les personnels de surveillance. Ou bien encore envers soi-même. On dénombre au moins 115 suicides dans les prisons françaises pour l’année 2008. ❂ L.U. La violence carcérale en question d’Antoinette Chauvenet, Corinne Rostaing et Françoise Orlic, PUF, 2008.

Juin