Potaufeu Edition spéciale 60 ans SCCPQ

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LE MAGAZINE DES CHEFS ÉDITION SPÉCIALE

L A S CCP Q D ' H IE R À D E M A IN

MA R CE L K R E T Z 60 ANS D E PA S S IO N

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RECETTES

FO OD I ES E T R É S E A U X S O C I A UX U N NO U V EAU PA R AD I G M E

6an0s

6an0s D'HISTOIRES CULINAIRES

6an0s

D'HISTOIRES CULINAIRES

HORS-SÉRIE 17.95 $

D'HISTOIRES CULINAIRES

P O U R L' AM O U R D ES P RO D U I T S D ' I C I


Merci ! NOUS TENONS À REMERCIER LES PERSONNES QUI ONT RENDU POSSIBLE CE PROJET. MERCI À TOUS LES CHEFS QUI SE SONT PRÊTÉS AU JEU. MERCI À L’ÉQUIPE DE TWOHUMANS POUR LEUR ENTHOUSIASME ET LEUR GRAND TALENT. MERCI ÉGALEMENT AU CHEF ENSEIGNANT FRANÇOIS SIGOUIN DE L’ITHQ ET À SA BRIGADE QUI ONT FAIT DE CE TRAVAIL UN EXERCICE DES PLUS AGRÉABLE.

Lola Aiem

Mario Gingras

Sœur Angèle Rizzardo

Graziella Battista

Denis Girard

Simon McGrath-Martel

François Blais

Laurent Godbout

Sophie Morneau

Alain Bolf

Pascaline Gouin

Katherine Mundry

Jean-Luc Boulay

Jean-Paul Grappe

Denis Paquin

Jennifer Charland

Hicham Khatib

Alain Pignard

Pierre-André Chasles

Marcel Kretz

Steve Pratte

Jean-Pierre Curtat

Alain Laflamme

Katerine-Lune Rollet

Claude Dagenais

Michel Lanot

Isabelle Sauriol

Marina De Figueiredo

Yves Légaré

François Sigouin

André Derrien

Mady Létourneau

Danny St-Pierre

Anne Desjardins

Renée Lévesque

Jean Soulard

Jérôme Ferrer

Arnaud Marchand

Sébastien Turgeon

Manon Gélinas

Mario Martel

Diane Tremblay

PARTENAIRES DU 60e GALA DU PRÉSIDENT

CÉLÉBRONS 60 ANS DE FIERTÉ!


Depuis 60 ans, l’assiette des Québécoises et des Québécois s’est considérablement transformée. Elle a acquis des couleurs, des textures et des saveurs nouvelles, elle a gagné en raffinement. Si manger est devenu un tel plaisir, c’est sous votre influence et c’est grâce aux expériences culinaires que vous nous faites vivre et qui nous suivent jusqu’à la maison, nous inspirant dans nos propres cuisines. Vous nous accompagnez dans les diverses occasions de la vie, petites ou grandes, qui nous amènent à déguster un repas avec nos proches. Notre appréciation de ces moments privilégiés, associés à la découverte et à l’éveil des sens, nous vous la devons. Vous êtes les créateurs et artisans d’un des plus simples plaisirs de la vie, qui est pourtant un besoin vital : celui de se nourrir. Vous contribuez à faire rayonner le Québec, tant sur le plan de sa créativité que de sa gastronomie de mieux en mieux affirmée. Bon 60e anniversaire et, de grâce, continuez à nous faire goûter votre cuisine, votre passion.

Pauline Marois Première ministre du Québec

C’est avec plaisir que je souligne le 60e anniversaire de la Société des chefs, cuisiniers et pâtissiers du Québec. Six décennies à mettre votre créativité et votre dynamisme au service des aliments du Québec, voilà qui mérite toute notre admiration. Les délices que vous offrez font le bonheur des nombreux épicuriens d’ici, mais aussi de l’étranger. Ce n’est pas un hasard si le Québec s’impose de plus en plus comme une destination gourmande incontournable. Vous êtes des ambassadeurs hors pair pour notre gastronomie et des alliés précieux de notre secteur bioalimentaire. Vous avez toutes les raisons de fêter et je vous invite à continuer à mettre sur nos tables des plats originaux et distinctifs qui font notre fierté !

François Gendron Vice-premier ministre et ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation


U N HO MMAGE À L A PRO F E S S IO N LE MAGAZINE DES CHEFS

C’est avec fierté que nous vous présentons cette édition toute spéciale du magazine Potaufeu. Ce projet qui nous occupe depuis un certain temps déjà est le fruit de multiples collaborations et de grands moments de bonheur créatifs. Il était incontournable pour nous de profiter du 60e anniversaire de la SCCPQ pour rendre un vibrant hommage aux acteurs de la profession qui ont contribué depuis les années cinquante au développement de cette industrie ainsi qu’aux autres professionnels qui sont en phase de la redéfinir à nouveau. Nous voulions aussi donner une place importante à nos artisans ainsi qu’à nos produits. C’est donc dans cet esprit que nous vous présentons le fruit de notre travail. Je m’en voudrais de passer sous silence la collaboration enthousiaste de tous les participants. Merci pour votre grand professionnalisme et votre immense talent. Ce fut un grand honneur de travailler à vos côtés. Merci aussi à mon équipe, de professionnels passionnés, et enfin, un merci tout spécial aux partenaires qui, par leurs présences dans ces pages, nous permettent de donner une voix aux professionnels d’ici. En terminant, je souhaite un très joyeux 60e anniversaire aux six-cents membres de la SCCPQ qui contribuent, chacun dans leur milieu, à la vitalité de l’industrie. Vous avez de quoi célébrer et être fiers. Bonne lecture,

JEAN-FRANÇOIS DOMMERC ÉDITEUR

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5485, boul. Des granDes prairies, saint-lÉonarD (QuÉbeC) H1r 1b1 | 514 382-1160

et ses partenaires se joignent à la fête !


National

D E B O NNE S R A IS O NS D E CÉLÉ B RE R C’est pour moi un immense plaisir que de présider aux célébrations entourant le 60e anniversaire de la Société des chefs, cuisiniers et pâtissiers du Québec. Il ne faut pas s’y tromper, ce que l’on fête ici ce sont en fait tous les professionnels de notre industrie. C’est aussi l’occasion d’exercer un important devoir de mémoire envers les cuisiniers et les pâtissiers qui, au cours des 60 dernières années, ont remarquablement façonné le paysage culinaire québécois.

Aujourd’hui, même s’il reste encore beaucoup à faire, notre avenir profes­ sionnel est plus brillant que jamais. La profession jouit d’un contexte des plus favorable et notre devoir est bien d’en tirer profit. Nos gens sont mieux outillés pour accéder aux promesses de cet avenir et les façons de pratiquer autrement nos métiers sont maintenant légion.

Leur travail et leur dévouement ont insufflé à plusieurs générations successives le goût du dépassement et de l’excellence, qualités indis­ sociables pour pratiquer ces métiers. L’énergie ainsi transmise continuera d’inspirer encore longtemps la relève et leur contribution à la société québécoise est désormais inscrite dans l’histoire. C’est grâce à la ténacité de ces mil­ liers de travailleuses et de travailleurs que nos professionnels ont pu passer de l’ombre à la lumière.

C’est dans cet esprit de reconnaissance et d’espoir que nous abordons les célébrations entourant le 60e anniversaire. Nous entreprenons aujourd’hui une nouvelle étape de notre histoire. Toujours bien vivante, avec plus de 600 membres provenant de toutes les régions du Québec, la SCCPQ a franchi la plus dure épreuve de toutes, celle du temps. Pour y parvenir, elle a dû constamment se redéfinir afin de s’adapter aux contextes et aux besoins de la profession et de ses membres. Tout comme ce fut le cas pour nos prédécesseurs, c’est maintenant à nous de poursuivre le travail et de relever avec courage les nombreux défis qui nous sont proposés pour la mise en valeur de notre profession, de nos métiers et de notre culture culinaire.

D’innombrables opportunités s’offrent à présent à notre talentueuse relève. Partant de là, ce sera bientôt à eux, étudiants, apprentis et jeunes chefs, qu’incombera la responsabilité d’innover et de garder vivace le lien si durement établi entre le public et les divers intervenants de l’industrie. Le passé est garant de l’avenir, il me tarde donc de voir ce qui va accom­ plir cette génération si dynamique et talentueuse.

Je souhaite à tous les professionnels de la transformation culinaire du Québec un très joyeux anniversaire. Votre importante contribution mérite d’être soulignée et célébrée. Bravo pour ces 60 années d’excellence et de fierté !

RENÉ DERRIEN PRÉSIDENT SCCPQ

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Saluons ans

de savoir-faire et de réussite des

artisans culinaires de chez nous! Berthelet, fier partenaire de la Société des Chefs Cuisiniers et Pâtissiers du Québec. Produits Alimentaires Berthelet Inc., l’un des plus importants fabricants de produits alimentaires déshydratés et liquides pour le service alimentaire au Canada.

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Levons notre verre à

60 ans d’’engagement Fière d’appuyer la SCCPQ dans la mise en valeur de notre relève. www. fgd.qc.ca

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Montréal

C’E S T IC I QUE TOUT A C O MME NC É Dès ses tout débuts, Montréal fut le berceau de notre association qui, par la suite, devait s’étendre progressivement à l’ensemble du Québec. Ainsi, en accueillant l’ensemble de nos confrères et consœurs du merveilleux monde de la transformation culinaire pour le 60e Gala du président, la boucle est-elle bouclée ! Chaque année, cette rencontre est un temps fort pour les cuisiniers et pâtissiers du Québec qui viennent y partager, fraterniser et développer de fructueuses relations interprofessionnelles. Cette richesse professionnelle qui a créé une association au potentiel immense, il nous revient d’en faire bénéficier tout le milieu.

La célébration du 60e anniversaire de fondation est le moment idéal pour revenir brièvement sur notre histoire. Quand on sait d’où l’on vient, il est toujours plus facile de comprendre le présent et plus évident de détermi­ ner l’avenir. Ainsi, au fil des pages de cette édition spéciale 60 ans du magazine Potaufeu, vous pourrez parcourir à loisir notre cheminement et connaître les grandes étapes qui nous ont menés jusqu’à cette sixième décennie. Quoique très condensée, notre histoire n’en est pas moins éloquente sur l’implication bénévole de ces milliers de cuisiniers et de pâtissiers qui ont façonné notre évolution. Tous ces travailleurs et travail­ leuses de l’ombre ont œuvré et œuvrent encore aujourd’hui à la valorisa­ tion du milieu de l’alimentation. Vous découvrirez ici les étapes qui les ont conduits vers les feux de la rampe où le public d’aujourd’hui peut admirer certains d’entre eux. Dans le volet « recettes », quelques-uns de nos plus grands chefs vien­ nent mettre en évidence la modernité de la cuisine contemporaine du Québec aux influences internationales. Ce dernier élément est d’ailleurs l’une des forces culinaires de nos artisans : savoir marier des produits bien de chez nous et les intégrer aux influences du monde, sans pour autant négliger notre propre culture, notre profonde identité culinaire. Pour finir de brosser ce tableau, nous porterons un regard vers l’avenir : des visions nouvelles, des attentes et des espoirs légitimes, des objectifs concrets dans une conjoncture bien définie… Une autre histoire commence dès maintenant et nous en sommes au seuil. Les différentes perceptions exposées ici forment une mosaïque impressionnante mais réaliste. Les personnes réunies, leur évolution propre, leurs secteurs d’activités, nous amènent vers un avenir étonnant ! Il faut surtout être conscient que cet avenir se façonne au jour le jour, selon les exigences du moment présent, et aussi selon les aspirations profession­ nelles, sociologiques et culturelles des Québécoises et des Québécois.

DENIS PAQUIN DIRECTEUR DE RÉGION SCCPQ MONTRÉAL

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LE GA LA À L’HO NNE UR Chers amies et amis, Si j’ai accepté humblement la présidence d’honneur du gala du 60e anniversaire de la SCCPQ, c’est en raison du profond respect que j’éprouve envers tous les professionnels des métiers de bouche. Ce respect explique aussi mon engagement, depuis de nombreuses années, dans l’organisation de galas qui favorisent une vraie rencontre entre les cuisiniers, les pâtissiers et les professionnels du vin. Pour moi, votre petite marchande de vin, il aurait été impossible de ne pas m’associer à ces réjouissances qui soulignent non seulement 60 ans d’évolution, mais aussi 60 ans d’histoire culinaire au Québec. La créativité effervescente dans ces métiers, aujourd’hui, a de quoi réjouir lorsque l’on constate l’intérêt grandissant, bien réel, du public pour la bonne cuisine et le bon vin. Je me réjouis aussi d’une présence accrue de femmes comme chefs, pâtissières, enseignantes ou sommelières. Ce qui n’était pas le cas quand je suis entrée dans le métier en 1988. Par leur passion et leur rigueur, elles enrichissent ces métiers. Et que dire de la relève ? De ces jeunes femmes et jeunes hommes passionnés qui sortent en grand nombre de nos écoles et contribuent à faire avancer le métier et à faire évoluer la culture culinaire et la sommellerie…

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PHOTO : LOUIS-MICHEL GUÉNETTE

Célébrons ensemble et levons nos verres au 60e anniversaire de la Société des chefs, cuisiniers et pâtissiers du Québec !

Mady Létourneau Votre petite marchande de vin Élixirs Vins et spiritueux


On célèbre avec vous !

60 Merci de mettre en valeur les produits alimentaires d’ici depuis toutes ces années.

Fier partenaire du 60e Gala du président.

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S O MMA IRE Réalisation Édition Jean-François Dommerc Idée Concept JFD Directrice de projet Naouel Atchi Direction artistique Mélanie Gionet

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LA SCCPQ D’HIER À DEMAIN

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SŒUR ANGÈLE RIZZARDO COMME UN SOUVENIR D’ACTUALITÉ

Conception graphique Patricia Dubuc, Mélanie Gionet, Louis-Michel Guénette Révision des textes Mario Gingras Rédaction Isabelle Bleau, Michèle Herblin Photographie Louis-Michel Guénette

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LE CHÈVRE, LA TOMATE ET LE BASILIC SÉBASTIEN TURGEON

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MIGNARDISES DE FOIE GRAS

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QUEUE DE HOMARD BONAVENTURE

JEAN-LUC BOULAY

Photographie et stylisme des recettes Claude Dagenais et Manon Gélinas Two Humans Publicité Suzette Sexton 514 793-2841 Abonnement à l’édition régulière Membre SCCPQ : Gratuit Partenaire économique : Gratuit

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SAUMON DE L’ATLANTIQUE À LA CRÈME DE PÉTONCLES DIANE TREMBLAY

ALAIN PIGNARD

Non-membre (n’inclut pas les tirés à part et hors-série) : 34,95 $ +TX / an 59,95 $ +TX / 2 ans Les articles signés sont reproduits dans leur intégralité et sous la responsabilité de leur auteur. L’éditeur n’est pas responsable du contenu des articles signés par les auteurs.

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Bureau d’Idée Concept JFD 2260, rue Ontario Est Montréal (Québec) H2K 1V8 Téléphone : 514 527-9898 Télécopieur : 514 527-2082 www.ideeconcept.com production@ideeconcept.com

Édition spéciale - Volume hors-série Le magazine Potaufeu est publié par Groupe Concept JFD inc., en collaboration avec la Société des chefs, cuisiniers et pâtissiers du Québec.

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MIGNONS DE VEAU DE GRAIN SAUTÉS AUX AGRUMES MICHEL LANOT

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LONGE DE CHEVREUIL À L’INFUSION D’HERBES

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JEAN SOULARD

LONGE D’AGNEAU DU QUÉBEC AU COULIS DE POIVRONS ROUGES DIANE TREMBLAY

GÂTEAU AUX CAROTTES LAURENT GODBOUT

Dépôt légal : ISSN 1923-631X Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2013 Bibliothèque et Archives Canada, 2013

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« FOODIES » ET RÉSEAUX SOCIAUX UNE PETITE MISE EN CONTEXTE

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NOTRE CULTURE CULINAIRE À L’ÈRE DE LA CONVERGENCE


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LA MÉMOIRE DU QUÉBEC DEUX CHEFS SE RAPPELLENT

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HACHIS PARMENTIER

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SUPRÊME DE PINTADE AU CHOU

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FRANÇOIS BLAIS

JEAN-PIERRE CURTAT

CÔTES ET NOISETTES D’AGNEAU DE BONAVENTURE ALAIN LAFLAMME

CARRÉ AUX DATTES SOPHIE MORNEAU

L’AVENTURE BORÉALE POUR L’AMOUR DES PRODUITS D’ICI

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MARCEL KRETZ

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LA CARBONARA

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60 ANS DE PASSION

GRAZIELLA BATTISTA

SUPRÊME DE CANARD DU LAC BROME À L’ORANGE STEVE PRATTE

BOURGUIGNON IMAGINAIRE MARIO JULIEN

SHORTCAKE PRINTANIER AUX FRAISES ISABELLE SAURIOL

L’ITHQ A 45 ANS UNE ÉCOLE D’ICI OUVERTE SUR LE MONDE

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24 RECETTES

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OMBLE CHEVALIER EN ROULADE

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NOTRE CULTURE CULINAIRE

JÉRÔME FERRER

PORCELET DE MIRABEL AU THÉ DU LABRADOR ANNE DESJARDINS

DUO DE CERF DE BOILEAU AUX ÉPICES FRANÇOIS SIGOUIN

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L’OPÉRA MODERNE FAÇON TRUFFÉ

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MARTEL MCGRATH

ALAIN BOLF

L’ENGAGEMENT, DE PÈRE EN FILS

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PÉPITES DE POULET À LA KIEV

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PAVÉ DE SAUMON

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NOIX DE RIS DE VEAU LAQUÉE

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DANNY ST-PIERRE

LAURENT GODBOUT

DENIS GIRARD

CÔTE DE CERF RÔTIE AU ROMARIN ET THYM FRAIS YVES LÉGARÉ ET RENÉE LÉVESQUE

« FOODIES » ET RÉSEAUX SOCIAUX UN NOUVEAU PARADIGME

LA PROFESSION EN CHIFFRES AU QUÉBEC

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Participation spéciale : CHEF PIERRE-ANDRÉ CHASLES Photos : GRACIEUSETÉ SCCPQ

La SCCPQ

D’H IER À D E MA IN

De tout temps, les gens qui partagent des affinités et des buts communs ont cherché à se regrouper en association afin de profiter d’avantages que seule une collectivité pouvait apporter. C’est là le fondement même de notre société et ce sont ses besoins propres qui ont défini le type d’association dont nos professionnels d’ici avaient vraiment besoin. On sait que les cuisiniers et les pâtissiers sont des gens qui, par nature et pour les besoins de leur métier, voyagent beaucoup. Il leur arrive souvent de se retrouver seuls en pays étrangers. Bien qu’en général, ils démontrent une grande facilité d’adaptation, il reste néanmoins que, de temps à autre, ils éprouvent un besoin impérieux de se retrouver entre compatriotes pour parler métier ou pour s’enquérir du sort de leurs confrères. PREMIERS BALBUTIEMENTS

Dans cette optique, autour des années 20, à Montréal, un petit groupe de chefs, de cuisiniers et de pâtissiers de diverses nationalités se réunirent pour former le noyau dur de ce qui allait devenir, une trentaine d’années plus tard, la Société des chefs de cuisine et pâtissiers de la province de Québec. L’idée initiale était d’organiser des rencontres sociales afin de favoriser une meilleure communication entre gens du métier. Très vite germa aussi dans l’esprit des instigateurs de ce mouvement l’idée de promouvoir, soutenir et développer des liens d’amitié et de fraternité entre chefs. Protéger les intérêts de tous et encourager l’avancement de la profession culinaire, tels étaient les buts de nos pionniers. On se souviendra qu’en 1924-25, MM. Émile Puvilland, Georges Vernet, Auguste Soudre, Joseph Teyssot, Hector LaHaie et quelques autres avaient fondé la Mutuelle des cuisiniers et pâtissiers professionnels dont la constitution avait pour modèle celle de la Société culinaire philan-

thropique de New York, elle-même fondée aux États-Unis quelque soixante ans plus tôt, en 1865. Cette association organisait diverses activités : visites industrielles, bals, dépouillements d’arbres de Noël, etc. À ces pionniers, nous devons les premiers efforts afin d’établir des contacts et de créer des liens d’affiliation avec d’autres associations de cuisiniers d’envergure internationale. À eux revient aussi le mérite d’avoir entrepris, à la même époque, les premières discussions avec le gouvernement provincial dans le but d’obtenir une reconnaissance professionnelle du métier. Un certain M. Miron était alors sous-ministre du Travail. Ce dernier avait bien accueilli l’argumentation, mais malheureusement, comme ce fut souvent le cas par la suite, les documents ont été perdus dans le fouillis bureaucratique des ministères… et le tout demeura lettre morte. Début des années 50, une épreuve de force devait ébranler la Mutuelle, au point de causer sa perte. Certains membres, en désaccord avec la politique de garder une vocation locale à l’organisme, travaillèrent dans le but avoué d’étendre son influence à travers le Canada. Cette lutte fratricide se solda par le démembrement complet de l’organisation et sa liquidation définitive. À sa dissolution, le 8 avril 1953, les 204 membres effectifs de la Mutuelle reçurent, au prorata de leur appartenance, une part des 10 470,32 $ qui constituait le fond de soutien. Les dissidents mirent aussitôt sur pied la Corporation des cuisiniers du Canada, aventure qui dura tout au plus deux années et se solda par un échec. Par la suite, un comité parallèle temporaire, présidé par M. J. Massironi, convia les nombreux chefs cuisiniers et pâtissiers à une rencontre où on leur apprit que, conformément au souhait émis par plusieurs d’entre eux, une nouvelle association de chefs allait voir le jour.


Photo

EN FAIT, CE NE SERA QUE LE 7 JUILLET 1953 QUE MM. MAX RUPP ET PIERRE DUFLEIT (DE LA DÉFUNTE MUTUELLE) FORMÈRENT ÉQUIPE AVEC MARCEL HUROT, PIERRE DEMERS, LAURENT RAYMOND, J.M. COLLINS, LUCIEN BARRAUD, MAX ZUBERBUHLER ET JACK GALLOWAY. ILS APPOSÈRENT TOUS LEURS SIGNATURES AU BAS DU DOCUMENT QUI CRÉAIT OFFICIELLEMENT L’AMICALE DES CHEFS DE CUISINE ET PÂTISSIERS DE LA PROVINCE DE QUÉBEC. L’ENREGISTREMENT DE LA CHARTRE EUT LIEU LE 30 JUILLET 1953, EN VERTU DE LA TROISIÈME PARTIE DE LA LOI DES COMPAGNIES DU QUÉBEC (LIBRO 256 – FOLIO 190) ET DE LA PARUTION DANS LA GAZETTE OFFICIELLE DU 19 SEPTEMBRE DE CETTE MÊME ANNÉE. LE 21 SEPTEMBRE, ON PROCÉDA À L’ÉLECTION D’UN PREMIER CONSEIL EXÉCUTIF.

C’est au maitre-pâtissier Max Rupp qu’échut l’honneur de la première présidence. Il occupera cette fonction à quatre reprises, en 1956 et 57, puis en 1962 et 63. Notons encore ses dix nominations à diverses fonctions sur ce même comité exécutif au cours des trente années qui suivront. En manière de reconnaissance pour son magnifique travail et pour le dévouement sans limites avec lequel il a contribué à l’avancement de la profession, la Société des chefs lui décernera par la suite le titre de membre d’honneur à vie. UNE ENTITÉ QUI S’IMPOSE

Les débuts furent plutôt chancelants. En effet, le 5 octobre 1953, suite à des frictions internes, quatre membres du conseil démissionnaient de leurs postes. Mais malgré quelques difficultés d’adaptation, l’association ne tardera pas à prendre de l’expansion et à s’affirmer sur le plan professionnel par la signature d’affiliations avec diverses sociétés aussi prestigieuses que la Société culinaire française de Londres et le Cercle des chefs de cuisine de Berne. Dans le but de faciliter l’une de ces ententes (en fait la première de toutes), notre groupement dut se donner une nouvelle raison sociale. La nouvelle appellation de Société des chefs de cuisine et pâtissiers de la province de Québec demeurera inchangée pendant très longtemps. Cette modification intervint en 1954 alors que l’Association des amis d’Escoffier de New York intégra le chapitre de Montréal sous le nom Société des chefs de cuisine et pâtissiers de la province de Québec, au lieu d’Amicale (ce substantif se prononçant et s’écrivant trop mal en anglais). Nous ne devons donc notre nom actuel qu’à une simple commodité linguistique. On vota la modification le 12 octobre 1955. En juin 1954, la Société des chefs participait en tant qu’équipe régionale, représentant le Québec, au premier concours culinaire d’envergure internationale, l’Exposition culinaire « Hospes », à Berne, en Suisse. Elle y décrocha le premier rang. Cette participation sur un plan mondial fut le prélude à plusieurs autres, permettant à nos chefs de se distinguer avec brio, en décrochant honneur sur honneur, à chaque participation, à titre d’équipe régionale ou comme membre de l’équipe canadienne. Le point culminant de cette participation à l’échelle mondiale fut sans conteste en 1982, alors qu’une équipe, composée pour une grande part de chefs québécois, décrochait la première place au championnat mondial de la cuisine du Luxembourg. La compétition accueillait une quarantaine d’équipes venant de tous les coins du monde. La Société des chefs de cuisine, fidèle aux vœux et aux engagements de ses fondateurs, s’impliquera chaque année davantage pour l’avance­ ment et la sauvegarde des intérêts de notre profession. L’AIDE À LA RELÈVE, UNE IDÉE PAS SI NOUVELLE QUE ÇA !

Par l’entremise de la Fondation des amis de l’art culinaire (FAAC), créée sous son égide le 15 janvier 1963, la Société permet à de jeunes diplômés ayant au moins deux années d’expérience dans les métiers de cuisinier ou de pâtissier d’aller se >

Les chefs de cuisine et de pâtisserie des grands hôtels, restaurants, clubs sociaux, restaurants industriels et hopitaux, viennent de former l'Amicale des chefs de cuisine et chefs pâtissiers de la province de Québec. Ce nouveau groupement a pour but de travailler à l'avancement de la bonne cuisine dans la province en encourageant les jeunes à entrer dans la profession. Cette photo a été prise lors de la première assemblée générale de l'Amicale, à laquelle assistaient : MM. Jim Falco (Faucon d'or), François Dupras (Hôtel Queen's), Pierre Demers (Hôtel Ritz-Carlton), Pierre Dufleit (Hôtel Windsor), Max Rupp (Pâtisserie Normandie), Jack Galloway (Banque de Montréal), Paul Boetch (Hôtel De LaSalle), Léo Elliot (Hôtel Windsor), MM. Reymond (Engineers Club), J. Mayer (Mount Stephen Club), H. Lahaie (Sun Life Bldg.), Émile Puvilliand (École centrale des Arts et Métiers), Auguste Soudre (Pâtisserie Belge), Raymond Genty (Hôpital Notre-Dame), Marcel Hurot (La Tour Eiffel), Henri Perrazo (Chez Ernest), Henri Villette (Cafétéria des Postes), Lucien Barraud (MontRoyal), Albert Beuglet (Engineers Club), Betro Jurissich (Manoir Richelieu), G. Trudel (Bell Telephone), Constant Comte, professeur d'art culinaire, Max Zuberbhuler (Pâtisserie Amherst), Ch. Burke (Pâtisserie Boulanger), A. Dubois (Pâtisserie Du Bois), J. Collins (Pâtisserie Collins), H. Comte (Hôtel Berkeley), Georges Meunier (Royal Victoria), Henri Dufays (Dupuis & Frères), Euclide Poirier (Chez Euclide). AMICALE DES MAÎTRES DE L'ART CULINAIRE AVRIL 1953


1953-1954 1956-1957 1966-1967 MAX RUPP

1954-1955 1960-1961 L UCIEN BARRA UD

1 955-1 956 PIERRE DEMERS

1970-1971 MAR CEL BEAULIEU

1958-1959 CONSTAN T COMTE

1964-1 965 JEAN SCHMIED

1966-1967 ABEL BEN QUET

perfectionner durant environ six mois dans des établissements européens d’envergure. À cette fin, la FAAC remet chaque année trois bourses : la bourse Albert-Desjardins, décernée à un jeune cuisinier, celle de Max Rupp, pour un jeune pâtissier et la bourse Roger-Champoux, remise à un chef restaurateur. Afin d’encourager les débutants à persévérer dans leur travail, la Société des chefs amendait ses statuts en 1980 et créait des classes de membres postulants et juniors, permettant de la sorte aux novices de côtoyer l’élite de la profession et de profiter de l’expérience de leurs ainés. Par ailleurs, notons la part active des professionnels de la Société des chefs dans la formation des jeunes, à titre de conseillers ou d’examinateurs auprès des institutions où l’on diffuse des cours de cuisine. D’une façon plus directe la Société compte dans ses rangs plusieurs chefs enseignants qui œuvrent dans des institutions reconnues. UNE FIN DE SIÈCLE INTENSE

Au fil des décennies, la Société siègera sur les conseils d’administration de nombreux organismes connexes en milieu d’hôtellerie et de restauration. Qui plus est, elle organise pendant de nombreuses années le Grand salon d’art culinaire du Québec, dans le but de faire valoir l’immense talent et la compétence des cuisiniers et pâtissiers de chez nous. Le Grand salon fut pour nos professionnels une occasion unique de montrer au grand public que nous n’avions pas surfait une réputation bien établie et que nos professionnels méritaient d’être reconnus parmi les meilleurs cuisiniers et pâtissiers du monde.

1972-1973 R O G ER BO UVET

1976-1977 R UDO LF VIK TO R MAR T I

1978-1979 MICHEL DERET

1968-1969 R AY MO N D FER RY

Dans les années 80, l’association est plus active que jamais. À l’affût de tout ce qui concerne le progrès de la profession, la SCCPQ s’emploie depuis quelques années à regrouper tous les cuisiniers et les pâtissiers du Québec sous une même bannière. Ainsi, le 8 janvier 1987, une nouvelle charte était enregistrée à Québec (libro C-1222 – Folio 168) sous l’appellation de Société des chefs, cuisiniers et pâtissiers de la province de Québec. Elle regroupait les sept « chapitres » suivants : Montréal, Québec, les Laurentides, l’Abitibi/ Outaouais, l’Estrie, le Bas­Saint­ Laurent/Gaspésie, le Saguenay/Lac-Saint-Jean et la Mauricie. Fidèle à ses fondateurs et à l’engagement pris par eux de promouvoir le métier et de défendre les intérêts de la profession, la nouvelle structure va travailler avec acharnement à doter la cuisine d’une reconnaissance professionnelle, dans le but d’assurer la prospérité à ses exécutants au même titre que toutes les autres professions. ET L’AVENTURE SE POURSUIT…

Graduellement, la Société s’est élargie et de nouveaux « chapitres » se sont greffés : Laval, la Montérégie et Lanaudière. Ce besoin d’identité régionale amènera l’organisme à modifier légèrement ses Statuts et règlements et, en 2009, on parlera dorénavant de « régions » et non plus de « chapitres ». Chacune de ces régions nomme donc un directeur et son conseil régional, et c’est à partir de l’ensemble des conseils régionaux que se constitue un conseil d’administration d’élus dirigés par un unique président pour tout le territoire. Depuis sa régionalisation, la SCCPQ n’a cessé de multiplier ses activités et ses interventions. Ainsi, à la fin des années 80, elle crée le concept de


1985-1 988 JEAN-CLAUDE LEBEL

1989-1994 T H O MAS BER T R AM G R EEN

1981-1 984 MAURICE MARTIN

1994-1995 R O N ALD MAR COT T E

1995-2000 2004-2006 DEN I S PAQUI N

2000-2002 J ACQUES MUR R AY

2002-2004 2006-2010 DAN IEL S T - PIER R E

2010R E NÉ DERRIEN

PHOTO : JUDITH GAUTHIER

1980-1981 PATRI CK RÉMOND

1988-1 989 PIERRE-ANDR É CHASLES

la « Cuisine régionale au Québec », organisme voué à la valorisation, déjà amorcée depuis plusieurs années, des produits de chez nous, en en faisant la promotion et en prônant une utilisation privilégiée de nos denrées bio et agroalimentaires. On se rappelle que la relève a toujours eu une importance primordiale pour la SCCPQ. Aussi, en 1989, pour la valoriser encore davantage, la Société des chefs conçoit une compétition d’apprentis en cuisine. Puis, en 2001, on ajoute à celle-ci un second volet en pâtisserie. Aujourd’hui, la Société est fière de ses lauréats qui se sont d’abord démarqués en compétition, puis dans le milieu professionnel. On parle ici de chefs reconnus comme François Blais ou Laurent Godbout et de jeunes vétérans comme Guillaume Cantin ou Stéphanie Lavergne. Par ailleurs, la culture culinaire du Québec est un atout dont on ne peut faire fi. Voilà pourquoi la valorisation de nos origines culinaires présente un devoir de mémoire qu’on prend très au sérieux à la SCCPQ. En conséquence, un important travail s’est amorcé pour valoriser tout ce potentiel historique grâce à un concours mis sur pied en partenariat avec les Éditions Debeur. Il s’agit du prix Debeur, culture et tradition pour une nouvelle cuisine québécoise. Il revient de droit à nos professionnels de modeler l’évolution de notre culture contemporaine. Le dossier (pour ne pas parler de multiples dossiers) relatif à la reconnaissance professionnelle nous a tenus en haleine à toutes les périodes de notre histoire. Il fit aussi couler beaucoup d’encre. Mais force est de reconnaitre que malgré tout ce qui a été fait, malgré une reconnaissance

sociale des chefs dans les faits, le dossier lui-même stagne, tout en restant vivace au cœur de plusieurs de nos professionnels avec ses mille et une facettes. Aujourd’hui, la Société des chefs, présente à travers tout le Québec, rassemble des professionnels dans un éventail de milieux très éclectiques. Le raffinement de la cuisine, l’évolution des gouts et des connaissances du grand public, la diversification des milieux de restauration (CPE, résidences haut de gamme, maisons traiteur, etc.), tout cela amène nos professionnels cuisiniers, boulangers, pâtissiers, chocolatiers, charcutiers, etc. à se distinguer, tout en excellant, chacun dans son domaine propre. UNE SOCIÉTÉ OUVERTE SUR L’AVENIR

60 ans plus tard, stimulée par une génération montante de jeunes professionnels, la société est toujours là pour favoriser et mettre en valeur notre évolution culinaire. Conscients que leur profession et les métiers qui s’y rattachent sont le véritable trait d’union entre nos producteurs et les consommateurs, les professionnels d’ici contribuent à la réflexion autour de l’alimentation dans le but précis de soutenir une industrie qui joue un rôle capital pour la vitalité économique de nos régions et de notre fierté collective. Pour soutenir le débat, la SCCPQ intensifie sa présence partout au Québec en représentant plus de 64 000 travailleurs de notre industrie. Ces professionnels veulent sciemment contribuer de façon concrète à la définition d’une culture culinaire identitaire qui tienne compte à la fois des facteurs d’économie, de santé publique et de plaisir. |


Sœur Angèle, toujours fidèle au poste depuis les années 80, avec son franc parler et son amour inconditionnel au bout de la fourchette…

PHOTO : LOUIS-MICHEL GUÉNETTE

« QUAND ON CUISINE POUR LES AUTRES, ON CUISINE POUR LE CORPS, L’ÂME ET L’ESPRIT, DIT-ELLE. PUISQU’IL FAUT MANGER POUR SE GARDER EN FORME, ALORS AUTANT QUE CE SOIT DANS LA JOIE ET LA SIMPLICITÉ. » À 74 ANS, SŒUR ANGÈLE, QUI N’A PAS UNE JOURNÉE DE LIBRE À SON AGENDA JUSQUE FIN 2014, CONTINUE DE TRANSMETTRE SA PASSION POUR LES RECETTES QUI FONT LES CHOSES SIMPLES DE LA VIE ET DU ­PARTAGE.


Sœur

Entrevue : MICHÈLE HERBLIN

Angèle Rizzardo

COMME U N S O UVE NIR D ’ACT UALITÉ

Les émissions culinaires à la télé, les chefs qui parlent de leurs dernières créations ou des « ficelles » de leurs grand-mères, les innombrables livres de recettes, les conseils des foodies sur votre Ipad et les rendez-vous avec votre chef préféré pour une préparation en direct sur Twitter… Aujourd’hui pas le moindre détail du monde culinaire n’a de secret pour personne. Bonne chose pour les uns ou exaspération par overdose médiatique pour les autres, une chose est certaine, le métier n’a jamais été si proche de la vie de tous les jours de la majorité des foyers. Mais comment cela a-t-il commencé et qui sont les vraies stars des émissions culinaires ? Au Québec, dans tous les classements des animateurs de cuisine à la TV, on retrouve les pionniers de la diffusion de la cuisine : Jehane Benoit la sérieuse mère de famille, l’appliquée grand-maman dont on suivait les recettes depuis les années 50, Suzanne Lapointe dont le rire a marqué les téléspectateurs, la famille Taillefer, Ricardo, Daniel Pinard, Martin Picard… et sœur Angèle ! DEPUIS 58 ANS SŒUR, ANGÈLE N’A CESSÉ DE PROMOUVOIR L’ART DE S’ALIMENTER

Elle est partout à la fois, à la TV sur deux chaines, en promotion dans les salons et les foires, à l’Assemblée nationale pour promouvoir les produits de la Montérégie et convaincre les ministres d’aider les agriculteurs, dans le moindre village pour juger de la meilleure tarte aux pommes ou pro­ mouvoir la lutte contre le cancer… à Rome pour recevoir la bénédiction du Pape Benoit XVI et lui offrir du sirop d’érable, ou encore, en voyage dans le monde pour rapporter quelques recettes nouvelles et beaucoup d’ouverture pour le métier. Arrivée le 28 octobre 1955 à 16 ans « comme jeune fille à l’ambassade italienne », elle apprend vite le français et termine ses études secondaires alors qu’elle est déjà entrée à l’Institut Notre-Dame-du-Bon-Conseil. Elle se voit rapidement chargée de cuisiner pour la réception des délégations. Il faut dire qu’à 12 ans, Angèle Rizzardo, née dans la province de Trévise en Italie, travaillait déjà dans un restaurant, près de Venise. « J’ai vu maman cuisiner… on était neuf enfants, il fallait savoir tout faire et apprendre vite. » De cette éducation à la dure, elle ne garde que du plaisir, de la joie et l’envie de donner. « Finalement, j’ai toujours été dans la restauration toute ma vie… tout en étant religieuse et guide touristique. »

Se donner corps et âme aux autres, ne jamais cesser d’apprendre et transmettre ses connaissances sont pour la sœur cuisinière le meilleur moyen d’aider au développement. « Et pourquoi je fais encore de la cuisine à la télé après tant d’années ? » s’interroge-t-elle. Certainement parce qu’elle a toujours le sentiment d’être utile. « La première recette que j’ai faite à la télé, je me disais qu’il fallait que les gens apprennent quelque chose, sinon je ne servais à rien ! » s’exclame-t-elle dans un grand rire. ÊTRE CUISINIÈRE, C’EST ÊTRE UNE FEMME DÉBROUILLARDE ET CRÉATIVE…

Directement attachée à ses années de jeunesse, sœur Angèle s’est fait la porte-parole de la cuisine de famille, car elle avait conscience, sans le verbaliser, que c’était bien d’alimentation et d’aide aux ménagères qu’il fallait parler en premier. « Avec rien, faire quelque chose de mangeable ! Dans les années 50 on avait des choux, des navets, des oignons, des pommes de terre, des betteraves, des pommes… Et on revenait : des choux, des navets… un peu de céleri et du maïs… il n’y avait pas de poisson frais et on mangeait peu de viande. » Pour sœur Angèle, si impliquée dans le mieuxêtre des gens, il y avait tout à faire et à découvrir, une véritable révolution alimentaire, faire entrer les fruits et les légumes et apprendre à s’en servir. « On a travaillé fort avec les distributeurs, avec l’ITHQ où j’ai enseigné 16 ans, au centre de recherche, avec Métro pendant 10 ans… et plus de 30 000 recettes » accessibles à tout le monde et diffusées largement. » Les aubergines, les courgettes, les poivrons et les tomates emplissent les plateaux de télé. L’ail, l’huile d’olive et les épices qu’elle rapporte de ses voyages fournissent de nouvelles saveurs… Et toujours avec son œil rieur et son audace, elle entraine et invite à faire comme elle. Ce qui d’ailleurs est repris dans son clip publicitaire : « Sentez-moi ça, vous êtes capables d’en faire autant… avec mes recettes 7Jours. C’est comme si j’étais dans votre cuisine ! » En faisant connaitre de nouveaux produits, la sœur cuisinière a toujours cherché à en perfectionner les utilisations et à les adapter aux goûts des Québécois. « L’huile d’olive, dit-elle, il ne fallait pas seulement la faire connaitre, il fallait aussi l’équilibrer. Alors j’ai travaillé avec les producteurs italiens pour passer d’une huile trop amère pour ici à une huile plus douce… et hop ! avec l’huile, les légumes crus, les trempettes et le yaourt ! » Et naturellement, le travail s’enchaine avec les maraichers de Mirabel, > P O TA U F E U   |   É D I T I O N S P É C I A L E

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les fromagers et autres producteurs de toute la chaine alimentaire… « Les bons produits, ça fait les bonnes recettes », affirme-t-elle. COMMUNICATION NOUVEAU STYLE ET ÉDUCATION

« En fin de compte, je n’ai pas fait grand-chose ! J’ai essayé de conseiller, de donner des trucs aux gens », confesse-t-elle modestement, en ­précisant qu’elle n’a fait qu’utiliser ses compétences de communicatrice pour transmettre ce qu’elle savait bien faire… et d’ajouter avec malice qu’elle a utilisé les médias autant qu’ils l’ont utilisée !

Avec son langage de madame Tout-le-Monde, avec sa joie de vivre et ses grands éclats de rire, avec sa simplicité parfois rustique et impertinente, sœur Angèle est entrée dans tous les foyers. Les gens l’aiment, se l’appro­ prient comme un membre de la famille, une ressource garantie de bonheur. Si elle n’a pas commencé la cuisine à la télévision, elle en a changé le style et le fond du message. « Quand on a quelque chose à offrir, on fait de la cuisine qui se reconnait et on devient attractif, affirme-t-elle. C’est simple et ça ne coûte rien. Ça coûte de l’amour. » Et, pour passer un message, c’est la même chose, ajoutet-elle. « Si t’es là pour la télé, tu ne restes pas longtemps, mais si t’as quelque chose à offrir au-delà de la caméra, tu vas construire avec. » Parler pour le bien de l’autre et pas seulement pour son profit personnel, offrir sa connaissance, transmettre pour que chacun gagne confiance en soi et du plaisir à cuisiner. « À la télé, on n’est pas là pour faire la cuisine, mais faire comprendre comment refaire par soi même… et y trouver de l’intérêt. » Pour sœur Angèle, les médias ne sont que le support de ses messages. Elle veut sensibiliser et éduquer, transmettre l’envie d’être heureux, promouvoir la vie… « C’est beaucoup plus que faire la cuisine, » confie la religieuse… À 74 ans, sœur Angèle parcourt encore le Québec pour continuer sa mission d’éducation. Elle participe à des débats et à des ateliers culinaires, donne des conférences. Son message est clair, elle n’hésite pas à utiliser sa notoriété et va au contact des gens pour lutter contre les fléaux de notre société : pauvreté, malnutrition, gaspillage… Les médias, sœur Angèle les a pratiqués très tôt, et son aisance naturelle a fait le reste. Elle a fourbi ses armes à la radio CHRC avec une émission quotidienne. Les recettes de sœur Angèle, animée par André Paillé. Au début des années 80, à l’émission Allo Boubou sur Radio-Canada, sa mémorable démonstration de la tire d’érable passera à la postérité (le film de l’émission vient d’être intégré dans le nouveau musée de l’érable de Chicoutimi). Télé Italia, TQS, TVA (avec de multiples émissions de grande écoute) et RadioCanada où elle a animé 335 émissions de 1993 à 1995, sœur Angèle n’a pas arrêté de communiquer sa bonne humeur et son respect du métier de cuisinier… jusqu’à aujourd’hui où l’on peut la voir avec le même entrain donner ses recettes et recevoir des chefs à l’émission Pour le plaisir (RC). Le secret de cette extraordinaire longévité : « C’est la présence et l’authen­ ticité. Il faut accepter chaque instant, lui donner toute sa valeur et s’y consa­ crer entièrement. Ah oui, je suis une sœur qui a dérangé, ajoute-t-elle, mais surprenant, ce sont les évêques qui m’ont soutenue… Pour moi la cuisine c’est un tremplin de communication, de partage, de vie et de soutien. » On la présente parfois comme une artiste, mais en fait, elle est un véritable agent de liaison, un médiateur culturel… qui facilite le ­rapprochement entre les gens par la cuisine. 2 0 É D I T I O N S P É C I A L E  |   P OTA U F E U

Le siège social de Radio-Canada Paris prépare un grand reportage sur sœur Angèle. « Qu’est-ce que vous voulez… pour eux je suis un mystère… les hommes les plus forts et les moins croyants me regardent comme une personne pas normale… Mais ce n’est pas mon problème ! » L’ACTE DE FAIRE LA CUISINE… AU-DELÀ DU GESTE, IL Y A LE RESPECT DU MÉTIER

« La cuisine, ce n’est pas un métier de solitaire. C’est un métier de contact d’Homme pour des Hommes et avec des Hommes. J’ai travaillé très fort pour que les chefs sortent de leur cuisine, pour qu’ils saluent les clients, les remercient… et les écoutent. » Après tout, c’est de nos clients qu’on apprend le plus, dit sœur Angèle. Et elle s’emporte presque quand elle parle de ce métier de cuisinier qu’elle aime tant ! Pour elle, la reconnaissance du métier commence par l’image que l’on donne à voir. « Je suis peut-être vieux jeu, tant pis ! » s’exclamet-elle. Toujours en tenue de chef, ce qui pour elle représente le respect de soi et de la profession, elle ne croit pas que « d’arriver tout débraillé à l’envers, la couette d’un bord, », exprime plus de créativité. Le renouveau de la cuisine par l’anticonformisme, elle n’y croit pas… Encore moins lorsqu’il s’agit de toucher le grand public. À moins, renchérit-elle qu’on ne se contente de servir un tout petit groupe de clients qui nous ressemble… On l’aura compris, pour sœur Angèle, toute apparition publique porte un engagement de représentation de la profession. Mais « la vitesse, le temps, le matérialisme ont pris la place de l’amour de la profession… Pour beaucoup, la cuisine n’est qu’un job ». Pour cette communicante du respect, les messages basés sur le « vite, vite et rentable », fussent-ils attirants à l’œil ou à l’oreille, ont peu de chance d’avoir une portée positive à long terme pour le métier. « Pour le show, on présente n’importe quoi ! Ça m’énarve ! » Elle rage contre la dérive actuelle d’une médiatisation de la cuisine trop superficielle. Et bien qu’elle reconnaisse aux médias leur incontestable apport à l’amélioration de l’alimentation et à la naissance d’une gastronomie au Québec, sœur Angèle leur demande d’aller plus loin. « Maintenant qu’on mange bien au Québec, il faut servir le métier, car lui, il n’est pas bien servi ! » Elle ajoute avec véhémence qu’il est temps de mettre en valeur tous les métiers de la chaine, et pas seulement les chefs ! De quelle téléréalité parlons-nous ? s’insurge-t-elle. La vraie réalité, c’est qu’il faut se former avant d’être un cuisinier génial, qu’il faut écouter, chercher et savoir compter. Oui, dit-elle, la gastronomie québécoise est en pleine effervescence et il y a des chefs qui contribuent à la reconnaissance du métier à grand renfort d’authenticité et de créativité. Des chefs qui veillent à utiliser les produits locaux, travaillent à l’amélioration de l’agriculture et à la qualité des produits transformés. Sœur Angèle est là pour nous rappeler qu’il fallait des pionniers pour en arriver là, pour introduire les produits et changer les habitudes alimentaires, faire aimer la cuisine et en parler. « Aujourd’hui, dit-elle, il faut se prendre au sérieux et être sérieux, se respecter pour faire respecter notre métier et ne pas arrêter de découvrir pour continuer à répondre aux besoins des gens que nous servons. » |


Félicitations à la Société des Chefs, Cuisiniers & Pâtissiers pour son

e

60anniversaire Merci de cuisiner nos savoureux légumes cultivés au Québec !


PHOTO : LOUIS-MICHEL GUÉNETTE

ANDRÉ DERRIEN ET JEAN-PAUL GRAPPE SE REMÉMORENT DE BONS MOMENTS.


La mémoire  du

ENTREVUE : ISABELLE BLEAU

Québec

D EU X C HE F S S E RAPPE LLE NT

Jean-Paul Grappe a été enseignant, chef cuisinier, chef propriétaire et auteur de dix livres de cuisine. Aujourd’hui, il est consultant en hôtellerie, en restauration et en alimentation. Depuis son arrivée au Québec en 1966, il n’a cessé de faire évoluer l’agroalimentaire québécois en faisant découvrir le potentiel énorme du Québec en matière de produits locaux. Décoré chevalier de l’Ordre national du Québec, en 2011, il est un membre de la Société des chefs, cuisiniers et pâtissiers du Québec depuis 1970. Lors de son arrivée au Québec en 1951, André Derrien est cuisinier de formation. Quelques années plus tard, alors qu’il travaille à l’Hôtel Saint-Jovite, il décide de se lancer en pâtisserie en ­achetant le commerce d’un ami pâtissier. Après 53 années, la pâtisserie ­Bel-Air, une vraie entreprise familiale située à présent dans le quartier Saint-Michel, continue de servir avec succès des pâtis­ series traditionnelles françaises. MESSIEURS, QU’EST-CE QUI VOUS A AMENÉS À CHOISIR LE QUÉBEC POUR EXERCER VOTRE PROFESSION ?

André Derrien – Je travaillais comme cuisinier depuis 1946 en France, d’abord à Saint-Brieuc, puis en région parisienne. À un moment donné, j’ai eu tout simplement envie de changer d’air, tout en ne sachant pas où j’irais. Je pensais à l’Australie, entre autres, lorsqu’un ami en Bretagne m’a dit qu’il y avait une annonce dans le journal qui parlait de possibilité d’aller au Canada. Voilà. Je suis arrivé et mon premier emploi a été au restaurant La Tour Eiffel, rue Stanley, à Montréal. Ensuite, je suis allé travailler pour l’Hôtel Saint-Jovite. À cette époque, je ne pensais pas du tout devenir pâtissier. Jean-Paul Grappe – Je suis arrivé au Québec en 1966. Mon employeur en France avait obtenu la concession des restaurants du Pavillon de la France à Expo 67 ( Robert Tournebize et Raymond Oliver). Je devais m’occuper de l’installation des restaurants, trouver les logements pour les employés, les équipements, les fournisseurs. À l’époque, j‘avais aussi fait une demande pour venir travailler au Château Champlain. Donc, pendant Expo 67, je travaillais surtout la nuit, m’occupant de l’approvisionnement et, le jour, j’étais chef de partie à l’Hôtel Champlain. C’était rock ‘n’ roll mais sympathique. À l’Hôtel, nous servions près de 2 000 repas par jour

et au Pavillon de la France, de 800 à 900 repas, quotidiennement. Je suis resté au Québec pour plusieurs raisons. D’abord, en France, c’était difficile d’ouvrir un restaurant quand on n’avait pas l’argent nécessaire, ce qui était mon cas. J’avais 25 ans et je ne venais pas d’une famille riche. Ici, au niveau bancaire, c’était plus facile. Mais la principale raison, c’est que la clientèle québécoise était adorable, toujours satisfaite, contrairement aux Français que je trouvais snobinards et râleurs (dit-il avec son franc-parler habituel). À l’époque, je voulais faire le tour du monde, mais j’ai finalement posé mes valises ici. MONSIEUR DERRIEN, POURQUOI AVEZ-VOUS DÉCIDÉ DE DEVENIR PÂTISSIER ? COMMENT S’EST FAIT CE PASSAGE ?

Par pur hasard. J’avais un copain qui voulait vendre la pâtisserie qu’il possédait sur la rue Bel-Air. Ça avait l’air de bien marcher. Je me disais que la cuisine c’était pas mal trop stressant, pensant à tort que ce serait moins fou en pâtisserie, que je pourrais relaxer davantage (dit-il en riant). Je n’ai même pas demandé les comptes à cet ami. J’ai acheté son ­commerce pour m’apercevoir que ça ne marchait pas du tout. J’ai voulu tout de suite revendre, mais si je l’avais fait, ça aurait été à perte. Je me suis donc retroussé les manches et me suis mis à la tâche. Je savais, comme tout bon cuisinier, faire de la pâte à chou et de la pâte ­feuilletée, mais je ne connaissais pas le métier de pâtissier. J’ai donc dû tout apprendre. Je suis resté à l’écoute de mes clients et j’ai commencé à faire des tartes au riz pour les Belges, des chaussons avec de vraies pommes. J’utilisais de bons ingrédients, je ne voulais que la qualité, et ça a ­commencé à marcher tranquillement. PARLEZ-NOUS DU CONTEXTE DE L’INDUSTRIE À VOTRE ARRIVÉE. QUELLES ONT ÉTÉ VOS PREMIÈRES IMPRESSIONS ?

JPG – Contrairement à ce que l’on peut penser parfois, c’était solide, ici. Il y avait de grands chefs dans les années de l’Expo. Mais tout était basé sur l’hôtellerie. La grande restauration se faisait dans les hôtels. Il y avait de grands chefs comme Abel Benquet au Windsor, qui était mon mentor, Albert Schnell au Reine Elizabeth, Lucien Barrault à l’Hôtel Mont Royal, Pierre Demers au Ritz Carlton, Christian Hitz au Château Champlain, Rudolph Doseger au Bonaventure, etc. Principalement des Européens et quelques Québécois seulement à l’époque. Parallèlement, on trouvait au début une petite poignée de restaurants de cuisine européenne, entre > P O TA U F E U   |   É D I T I O N S P É C I A L E

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autres, le Café Martin, Chez Pierre, La Mère Michel, Le Petit Havre, Le Fado, Le Groupe Tavan Le 400, Le Paris, etc. Puis plus tard, Les Halles, Aux Deux Cultures, Le Sambo, Le Saint-Aimable, Les Filles du Roi, La Marais, L’Auberge St-Tropez. AD – Il y a eu aussi le chef André Bardet qui avait eu le courage d’ouvrir son restaurant hors du centre, sur Henri-Bourassa. Ça s’appelait Chez Bardet. C’était la référence en gastronomie pour un restaurant. Pensons également à Marcel Kretz qui a été un chef marquant à La Sapinière. Cet homme a contribué à faire connaître la région des Laurentides sur le plan culinaire. De grands messieurs qui faisaient la cuisine avec passion. Comme vient de dire mon ami Jean-Paul, il ne faut pas oublier qu’il y avait de la grande cuisine à l’époque. Mais celle-ci se faisait principalement dans les grands hôtels, dotés alors de belles salles à manger de luxe. Manger au Reine Elizabeth, c’était une très grande sortie… COMMENT LE MÉTIER S’EXERÇAIT-IL, ET DANS QUELLES CONDITIONS ?

JPG – Travailler comme cuisinier dans un grand hôtel était une profession qui avait bonne réputation. Au Château Champlain, nous étions bien structurés, nous formions une brigade de 117 personnes. La tenue des cuisiniers était impeccable. Il ne faut pas que les jeunes oublient ce qui s’est fait avant eux. Je le dis toujours à mes anciens étudiants. Ceux qui ont développé la cuisine au Québec, ce sont les gens qui sont venus après la Deuxième Guerre mondiale. Il ne faut pas que nos jeunes s’imaginent qu’ils réinventent la cuisine. Rien ne s’est vraiment inventé en cuisine depuis au moins 250 ans ! AD – Il n’y avait pas de syndicats. Les chefs n’avaient pas de reconnaissance de la part du gouvernement. Mais ils étaient reconnus par les clients ! Même chose pour les pâtissiers. Les patrons d’hôtel, qui n’étaient pas des chefs, accordaient tout le pouvoir à leurs chefs, de bons salariés. La différence chez les pâtissiers, c’est que beaucoup d’entre eux étaient artisans et propriétaires de leur commerce. Qu’on pense à La Gascogne, le Duc de Lorraine, Cousins, moi-même avec la pâtisserie Bel-Air, etc. COMMENT QUALIFIEZ-VOUS L’ÉVOLUTION DE LA CULTURE CULINAIRE QUÉBÉCOISE, DES COMPÉTENCES ET DES PRODUITS DEPUIS VOTRE ARRIVÉE ? ARRIVONS-NOUS À PARLER D’UNE GASTRONOMIE D’ICI ?

JPG – La Révolution Tranquille de 1960 puis Expo 67 a été un point tournant pour la culture culinaire. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque, à Montréal, on subissait l’influence anglo-saxonne sur le plan culinaire. Les gens buvaient de la bière en apéritif, en mangeant, comme digestif. En 1966, de l’ancien Forum jusqu’à la Place Dupuis, j’avais compté 62 steak houses sur la rue Sainte-Catherine. C’était bon, je n’ai rien à dire, mais c’est pour indiquer que ça venait de la culture anglo-saxonne. Il n’y avait qu’une dizaine de restaurants dits de cuisine continentale. À la campagne, il y avait une culture culinaire différente : on mangeait le porc qu’on tuait, les champignons sauvages, alors peu connus en ville… Avant l’Expo, les Québécois ne mangeaient pas les moules par peur de s’empoisonner, pas de ris de veau, ni de foie de veau, qui allait directement à la poubelle… En quelque sorte, Expo 67 a fait retrouver aux Québécois leur identité européenne, sur le plan gustatif, j’entends. Les circonstances ont voulu que ce soit des Européens qui viennent ici pour l’Expo, restent et développent ensuite la cuisine. Grâce à l’exposition 2 4 É D I T I O N S P É C I A L E | P OTA U F E U

Grâce à l’exposition universelle, le gouvernement a voulu former plus de Québécois en cuisine…


En 1966, on trouvait trois ou quatre fromages ici : du cheddar Perron, du Oka, le fromage Kraft en tranches et du camembert qui venait en boîte du Danemark ! universelle, le gouvernement a voulu former plus de Québécois en cuisine, et ceux-ci l’ont été au début par des professeurs français. Aujourd’hui, 80 % des chefs et cuisiniers sont des Québécois. Il y a eu une évolution considérable. On a commencé par la cuisine française, mais après ce sont d’autres cuisines qui se sont développées, ainsi qu’une excellente cuisine du Québec. Du côté de l’agriculture locale, il y a une évolution extra­ ordinaire dans toutes les régions de la province.

LE MÉTIER DE CUISINIER ET DE PÂTISSIER S’EST BEAUCOUP TRANS­FORMÉ DURANT LES TRENTE DERNIÈRES ANNÉES. LES OCCASIONS ET MOYENS D’EXERCER LA PROFESSION SE SONT MULTIPLIÉS. POUVEZ-VOUS NOUS PARLER DES PRIN­C IPALES DIFFÉRENCES ENTRE AUJOURD’HUI ET AVANT ?

AD – La pâtisserie a aussi évolué. À l’époque, il y en a plusieurs qui fai­ saient leur crème au beurre, sans beurre (il rit). Ce n’était même pas de la margarine. Il y avait des magasins comme Woolworths qui préparaient leurs desserts avec des ingrédients artificiels. Moi j’ai voulu tout de suite offrir de la qualité, de la pâtisserie française, faite avec de bons produits. Les bûches, au début, ça ne marchait pas fort, j’en vendais une vingtaine, tout au plus. Quelques années plus tard, j’en vendais 1 000. En seulement trois ans, j’ai triplé mon chiffre d’affaires. On a dû déménager dans un local plus grand. Ce que je déplore aujourd’hui, c’est que les petites pâtisseries indépendantes, il n’y en a presque plus. Elles ont été remplacées par des chaînes comme Première Moisson… On trouve aussi les pâtisse­ ries dans les grandes surfaces, Costco et autres. Ce n’est pas pareil.

JPG – Nous, les dinosaures (rires), on travaillait 90 heures par semaine. Aujourd’hui, comme dans tous les métiers, les jeunes veulent une qualité de vie, c’est-à-dire faire moins d’heures. Si ta copine est secrétaire juridique et travaille de 9 à 5, elle ne sera pas contente si tu passes toutes tes fins de semaine à travailler au restaurant ! Le Québec est nanti d’une belle jeunesse avec de beaux idéaux, mais les besoins changent, la société change. Savez-vous qu’après cinq ans, il ne reste sur le marché que de 8 à 10 % des jeunes diplômés des 31 écoles du Québec ? C’est la réalité. La transformation du métier est inexorable. Aujourd’hui, les bons chefs deviennent des vedettes. Regardez les Jean Soulard, Martin Picard, Normand Laprise, Laurent Godbout, Daniel Vézina, ainsi que d’autres issus de générations plus jeunes, Danny St-Pierre, Helena Loureiro, Marc-André Jetté, Mélanie Gouin, Julien Bartolucci, Colombe St-Pierre, pour ne nommer que quelques-uns qui font tous, un travail sérieux, et une cuisine qui leur ressemble.

EN TANT QUE TÉMOINS VIVANTS DE CETTE ÉVOLUTION, QUELLES ONT ÉTÉ LES GRANDES INNOVATIONS ? POUVEZ-VOUS NOUS PARLER DES MOMENTS OU DES ÉVÉNEMENTS QUI ONT CONTRIBUÉ À L’AVANCEMENT DE LA PROFESSION ET DE SES MÉTIERS ?

COMMENT SOUHAITEZ-VOUS QUE LA RELÈVE POURSUIVE LES EFFORTS QUE VOUS ET VOS PRÉDÉCESSEURS AVEZ FOURNIS POUR LA MISE EN VALEUR DE LA PROFESSION ET DE LA CULTURE CULINAIRE D’ICI ?

JPG – Les grands chefs de l’époque ont mis en place des assises culi­ naires solides qui se sont transférées dans les écoles. Car, au début, les cuisiniers qui travaillaient dans les grands hôtels ont enseigné dans les écoles. Aujourd’hui, le ministère octroie de plus de 1 000 diplômes par année. Ceux qui en restent, de cuisiniers, après 5 années est un autre problème. L’évolution en cuisine s’est faite comme dans d’autres jeunes pays, doucement, par la transmission et l’éducation du goût. Qui n’a pas sa machine espresso, maintenant ? Qui n’a pas son pain croûté, son bon fromage ? En 1966, on trouvait trois ou quatre fromages ici : du cheddar Perron, du Oka, le fromage Kraft en tranches et du camembert qui venait en boîte du Danemark ! Les Québécois aiment manger et ils ont évolué dans leurs choix gustatifs. De plus, ils se sont mis à voyager et à rechercher les cuisines internationales. Regardez, pour le vin. Le Québec connaît la plus grande progression de vente de vin au monde depuis 20 ans, au détriment de la bière dont les ventes ont baissé. On a aujour­ d’hui une sommelière du Québec, Véronique Rivest, qui se classe deuxième au monde. Ce n’est pas rien.

AD - Dans mon cas, deux de mes enfants ont pris la relève. Celle-ci est assurée pour un certain temps du moins. Mais les petits-enfants vont-ils cont­i­­nu­er, garder vivante l’entreprise familiale ? Rien n’est moins sûr. Il faut une véritable passion du métier pour le faire aujourd’hui. Un vrai enga­ gement. Il semble que l’ITHQ forme trois groupes par année, presque 120 pâtissiers annuellement. Mais combien resteront dans le métier ? Heureusement, il y a quand même une relève au Québec. Pensons à Éric Lessard, du Saint-Amour, à Québec, Patrice Demers des 400 Coups, élu meilleur pâtissier du Québec…

AD – C’est vrai. Nous, on faisait venir du fromage au lait cru de France à la pâtisserie. On devait les cacher car c’était mi-interdit, mi-toléré. Le gou­vernement fédéral les tolérait, mais le MAPAQ l’interdisait. Même l’ins­pecteur venait s’approvisionner chez nous en cachette (dit-il en riant). À l’époque, à notre pâtisserie, on faisait aussi nos charcuteries, on im­por­tait les endives, les artichauts, les poireaux. On vendait du café Van Houtte, rare à l’époque. Aujourd’hui, l’approvisionnement en produits de qualité n’est plus un problème.

JPG – Il y a de jeunes passionnés en cuisine. Je m’occupe toujours de l’association de mes anciens étudiants. On est en relations constante. La relève est là… Mais il faut qu’elle respecte ce qui s’est fait avant elle et qu’elle fasse ses preuves. Il y a de beaux défis à relever… Aussi, de plus en plus de jeunes s’impliquent dans la SCCPQ, et il est nécessaire qu’ils le fassent. Une association est une institution faite pour défendre la profession et la faire avancer, pas pour manger des petits fours et se distribuer des médailles… Je souhaite que les jeunes réussissent là où on a échoué, nous, c’est-à-dire parvenir à faire reconnaître le métier de cuisinier comme une profession. Pour qu’on donne enfin une valeur au diplôme de cuisinier et de pâtissier ! Les jeunes chefs qui sont déjà à la tête de restaurants ont la responsabilité de motiver les plus jeunes, de leur montrer la voie. La vie est une roue qui tourne, mais il ne faut jamais oublier de respecter le passé et les valeurs qui nous ont menés là où nous sommes maintenant.

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Marcel Kretz

ENTREVUE : MICHÈLE HERBLIN

60 A NS DE PA S S IO N

60 ans au Québec à partager ses passions et ses petits bonheurs de tous les jours aux fourneaux de La Sapinière, ses émotions de juge dans les compétitions… 60 ans de nature et d’amour des produits, de cueillette aux champignons, de culture de son potager et de discussions avec les producteurs… 60 ans de transmission de savoir et de soutien aux jeunes cuisiniers, de promotion des valeurs de ce métier de cuisinier qu’il vénère… DE L’ALSACE AUX LAURENTIDES

Premier chef canadien à avoir reçu l’Ordre du Canada en 1998, Marcel Kretz est un phénomène pour ses amis, un de ces immigrants des années 50 qui ont tout donné à leur terre d’adoption, sans pour autant renier ce que leur terre natale leur avait appris. Il garde encore gravé dans sa mémoire tous ces gens habillés de noir qui ont fait la traversée de l’Atlantique avec lui dans cette cabine très ordinaire, près de la salle des machines. Des gens comme lui en quête d’espoir, à défaut de certitudes, pour oublier la guerre et aller jusqu’au bout de leurs rêves (il a 22 ans). « Et voilà, je suis arrivé dans les Lauren­ tides pour voir s’il y avait de la place pour un gars formé en cuisine… et j’y suis resté », dit­il comme à l’évidence. Une semaine à Montréal, un bus pour Saint­Donat… Le coup de foudre et la conviction que ces montagnes, qui lui rappellent les Vosges, seront sa terre d’accueil ! Très vite il s’éprend de cette « belle clientèle » des Laurentides qui ne sont pas encore la destination gastronomique qu’elles deviendront grâce à lui. Après avoir travaillé au Chiriotto Lodge de Sainte­Adèle, à l’hôtel Bellevue de Morin­Heights, au Tom Wheeler’s Lac Ouimet Club de Saint­Jovite et au Jim Cuttle’s Tremblant Club de Mont­Tremblant, il entre aux cuisines de la Sapinière en 1961. Il y restera 30 ans et le fameux hôtel deviendra le premier Relais et Châteaux au Canada ! L’intégration de Marcel Kretz à la culture québécoise s’est faite sous les meilleurs auspices. Trois ans après son arrivée, il se marie avec Nicole Rochon, de Saint­Jovite. « J’ai même eu la chance de recevoir le recueil de recettes de ma belle­mère ! » Et tout naturellement il apprend la tour­ tière, la soupe de maïs et autres pâtés de pomme de terre, cette cuisine du terroir, simple comme celle de sa campagne natale, et à laquelle il 2 6 É D I T I O N S P É C I A L E | P OTA U F E U

réservera une large place dans ses menus. Côté famille, Marcel Kretz n’oublie jamais de rappeler que c’est avec sa femme à ses côtés qu’il a pu faire cette carrière. « C’est Nicole qui a élevé nos trois enfants et je ne les remercierai jamais assez d’avoir accepté ce père toujours occupé qui venait donner les cadeaux de Noël en veste de chef », entre deux services. RIGUEUR ET RESPECT… LES CLÉS DE L’APPRENTISSAGE DU MÉTIER

De 1946 à 1949, à l’école hôtelière de Strasbourg (une pionnière fondée par des restaurateurs avec l’appui de la Région Alsace), Marcel Kretz suit de nombreux stages. « À l’école on apprenait tout, de la réception à la cuisine… et dans les stages on faisait de tout, même du secrétariat ! » une façon de comprendre la chaine du service dans son ensemble, précise­t­il. Il se souvient avec émotion des grandes salles à manger des palaces, des brasseries parisiennes qui méritaient toutes d’être des étoilées Michelin, des saisons sur la côte normande et des hivers dans les restaurants de ville… un bel apprentissage de la diversité de la cuisine. « Le meilleur moyen d’entrer dans le métier et de le comprendre, même si l’atmosphère était très dure en France dans les années 50. » Mais il ajoute que sans cela, il n’aurait jamais eu l’attitude qui lui a permis de conduire son métier pendant 60 ans. Cette attitude faite de respect et de rigueur, tant envers la matière qu’envers les gens avec lesquels il travaille, Marcel Kretz l’a transmise à ses équipes. N’acceptant jamais ni cris ni disputes, ses cuisines devaient respirer le goût du travail bien fait et le plaisir de servir des produits de grande qualité. Et c’est avec fierté qu’il évoque ces jeunes cuisiniers qu’il a formés et qui ont fait de brillantes carrières, tels Denis Paquin, Jean­Louis Thémis, François Pellerin, à leur tour récipiendaires du titre de Chef de l’année de la SCCPQ, mais aussi Claude Pelletier, François Hanchay, Marc Beaudoin, Sylvain Valade, Sylvain Cormier, Mario Gagnon, Jean­Louis Martin, Guy Bénard, Michel Gagnon, Yoshi Shubachi… et tant d’autres qui voudront bien nous excuser de ne pas les citer. Tous se souviennent avoir été marqués par son exigence dans le choix quotidien des produits, sa créativité dans la composition des menus, la qualité de ses relations avec les producteurs et avec ses confrères… et son extrême implication dans le développement de la gastronomie du pays. >


PHOTO : LOUIS-MICHEL GUÉNETTE

IL Y A TANT À DIRE QUAND ON ÉCOUTE MARCEL KRETZ ÉGRENER AVEC SIMPLICITÉ SES TRADITIONS CULINAIRES, SES DÉCOUVERTES ET SES AUDACES…


LA RICHESSE DE LA TERRE DANS LES ASSIETTES ET LE RESPECT DES PRODUCTEURS

Ses collègues le reconnaissent comme le premier chef des Laurentides, un pionnier au Québec, à établir des liens avec les producteurs locaux. Un visionnaire, précurseur de la vague actuelle de consommation locale et responsable. Rien de plus naturel que de faire avec ce que la terre offre pour ce fils de mère paysanne. Il se rappelle la basse-cour de ses parents, les navets et les pommes de terre ramassées après la récolte ou les épis de blé et d’orge glanés dans les champs, les cueillettes de champignons et de noisettes… autant de richesses de la terre qui ont marqué son enfance où, « même aux heures les plus sombres de la guerre, il y avait toujours un lapin ou un canard pour le dimanche et une terrine de foie gras pour Noël ». Sagesse et plaisir gourmand qui nourriront son expression culinaire.

Ses collègues le reconnaissent comme le premier chef des Laurentides, un pionnier au Québec, à établir des liens avec les producteurs locaux.

Dans les années 50, les produits étaient restreints au Québec et dans le Nord, c’était encore plus difficile, nous confie le chef Kretz. « Dégagné puis Bourrassa nous livraient les fruits et les légumes et se débrouillaient pour trouver à Jean-Talon les produits qu’on leur demandait… Il y avait aussi Chez Dionne, un détaillant de la rue Sainte-Catherine, fier de répondre aux demandes de ce chef progressiste du Nord… et monsieur Verdier de Saint-Adolphe qui me livrait sa récolte de champignons sauvages et pour qui le bonheur suprême était de déguster le café et le croissant que nous lui offrions. » Sur place à Val-David, il y avait aussi ce petit maraîcher, ­cultivateur dans l’âme, Jean-Baptiste Vendette, vite devenu l’ami du chef et son aide pour entretenir le potager de La Sapinière. « Je semais, il binait et je récoltais », dit-il, amusé. Ensemble, ils ont planté toutes sortes de graines que Marcel Kretz rapportait de ses voyages : des salades, la mâche et le pourpier qu’il a introduits au Québec. Des herbes aromatiques et leurs fleurs, ciboulette aillée, cerfeuil, thym sauvage, sauge, oseille ou autres herbes inconnues rapportées de ses voyages en Asie… Et même de la bourrache en mémoire, de sa mère ! Les endives sont arrivées un peu plus tard, mais les légumes racines, les choux, le maïs, les haricots jaunes, les poireaux, les salades… il y en avait à profusion, en été. « Penser qu’à cette époque on ne mangeait pas, ou très mal, est une idée fausse, s’insurge Marcel Kretz, la vérité est qu’on se contentait de ce que les saisons nous apportaient. Personnellement, je n’ai jamais délaissé ces produits-là. » Tout en étant respectueux des traditions alimentaires, il les a faites évo­ luer lentement en introduisant des aliments inconnus en région. Viandes sauvages et abats, pigeons et volailles autres que le poulet, fromages très affinés, champignons, baies sauvages et produits de l’alimentation autochtone… tout au long de sa carrière, Marcel Kretz a expliqué, fait goûter, éveillé la curiosité, éduqué le goût… et s’est fait le porte-parole des produits du terroir. Il a constamment innové, mais avec l’accord de ses clients. Il accompagnait ses menus de références, et il a certainement été le premier à indiquer en clair l’origine des produits en mentionnant le nom des producteurs, de la ferme et même l’origine de la recette. Sur d’anciens menus, presque conçus sous forme de contes, on peut lire que les feuilles de thé du Labrador ont été cueillies à Waskaganish, que le pimbina ­provient du petit sous-bois du chef à Val-David, que les foies de caille et les pigeonneaux sont de la ferme Lauzières, à l’île d’Orléans, où le fils a pris la relève avec la même qualité, que le fromage le Migneron

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est fabriqué par Maurice Dufour, de Baie St-Paul, et que la recette de la sagamité des Algonquins (potage de maïs) lui a été transmise par Fleur-Ange Vanier Rochon qui la tenait elle-même de son mari mesureur de bois dans les années 20 et souvent invité à manger la sagamité par les familles algonquines avec qui il travaillait… une merveille si poétique, une si belle expression de ce lien qui unit la culture d’un pays, la vie des producteurs et la cuisine… Merci mille fois monsieur Kretz de transmettre cet héritage aux générations de chefs qui vous suivent et que vous inspirez de votre passion ! LA PASSION DE TRANSMETTRE

Il y a plus de 60 ans, que Marcel Kretz est un passionné de la transmis­ sion culinaire. Pour le plaisir de faire connaitre des saveurs nouvelles, par engagement citoyen et contribution à l’effort collectif d’amélioration de la nutrition, ou pour assurer la promotion de son établissement, sa démarche est toujours la même : contact et simplicité. On peut dire qu’il faisait du marketing relationnel avant l’heure. Pour lui tout se passe dans le contact, dans l’explication et dans la transmission du plaisir émotionnel. La séduc­ tion par le vrai, l’authentique, par le goût et la vue, par les explications simples qui donnent du sens aux choses et contribuent à la crédibilité du métier. Dans les années 60, La Sapinière accueillait les cours de cuisine itinérants du ministère de la Chasse et de la Pêche. Marcel Kretz assistait le chef attitré M. Beland, de Gaspésie. « J’ai aimé transmettre avec lui, affirme Marcel Kretz, et j’ai aimé apprendre de lui. La bouillabaisse gaspésienne, entre autres, j’en ai encore l’eau à la bouche ! » Quand le cycle est terminé, Marcel Kretz décide de continuer en donnant gratuitement des cours à un cercle de femmes de Val-David… assurant le marché, les recettes et même la frappe des fiches recettes ! On ne peut pas compter le nombre de démonstrations culinaires pour lesquelles il s’est rendu disponible, pour des accompagnateurs lors de congrès, pour des enfants, pour les étudiants dans toutes les écoles hôtelières du Canada et (même aux États-Unis), dans un nombre incal­ culable de salons culinaires, pour la promotion à l’étranger des produits alimentaires canadiens sous l’égide de ministères et d’ambassades du Canada… On ne compte pas non plus le nombre de menus et de recettes qu’il a transmis tant aux convives des grandes soirées gastronomiques qu’aux médias, grâce à ses amis Champoux et Françoise Kayler… « Car au final, dit-il, c’est bien le client qui véhicule notre cuisine. » Pour Marcel Kretz, le client doit avoir envie de faire lui-même les recettes et d’en parler autour de lui. L’évolution du goût et du plaisir de la table ne se propage jamais aussi bien que par le bouche-à-oreille… technique bien connue des réseaux sociaux d’aujourd’hui. Cette approche d’une transmission du métier rigoureuse, mais à « échelle humaine », Marcel Kretz la vivait au quotidien avec ses apprentis dans ses propres cuisines. Lui qui encore maintenant continue de militer pour une reconnaissance certifiée du métier de chef, affirme sans hésitation « [qu’] un chef est avant tout un formateur ». Les techniques de base, les tours de main, le choix des produits locaux, le respect des cycles de la nature et du travail des producteurs, il les a enseignés sans relâche

jusqu’à ce que les assiettes sortent parfaites… Et ni les contraintes, ni la rigueur, ni son exigence extrême n’ont été des freins à la créativité de ses équipes. Bien au contraire, qu’il s’agisse de moderniser les recettes anciennes ou d’introduire des produits nouveaux, la créativité a toujours été mise au service de la continuité culturelle et de l’identité culinaire. Chercheur inlassable, Marcel Kretz a tout fait pour démocratiser la cuisine, une cuisine saine et simple, diversifiée et qualitative, riche de sa terre et parfaitement adaptée aux besoins de notre époque. Son credo : la cuisine doit être accessible à tous. « Plus de cuisine et moins d’étoiles », s’exclame-t-il. « Un bon pain ou une bonne soupe donneront toujours un plaisir mémorable. » Sans tomber dans le snobisme « qui n’est pas le garant du goût » dit-il, ni dans la facilité des associations gustatives « molles » qui font plus parler d’elles qu’elles ne satisfont les papilles, il croit fermement au rôle de la profession, avec l’aide des médias, pour lutter contre la malbouffe et pour éduquer les familles. C’est là son souhait le plus cher : que cette démocratisation de la cuisine à laquelle il contribue depuis plus de 40 ans continue de remplir les restaurants, améliore le niveau de qualité et rime avec la mise en valeur du métier de cuisinier. Avait-il le sentiment de former la relève à son image et d’imprimer sa marque dans le paysage gastronomique québécois ? Avait-il conscience qu’il propulsait toute la chaine des services culinaires du pays dans l’ère moderne ? Mesurait-il son impact d’ambassadeur quand il était le ­capitaine des équipes nationales du Canada et du Québec, entraineur et membre, aux Olympiades Culinaires ? Il est trop modeste pour le reconnaitre. Pour preuve de sa notoriété, le film de CBC Adieu alouette encore utilisé comme matériel pédagogique et qui célèbre la gastronomie du Québec pour le Canada anglais, sa toque de chef cuisinier exposée au Musée canadien des civilisations à Gatineau, le trophée éponyme décerné au meilleur apprenti cuisinier de l’année… Pour preuve de la reconnaissance de son pays d’adoption, il a reçu la médaille du mérite de la restauration du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, … la médaille de l’Assemblée nationale du Québec, et la plus haute reconnaissance au pays qu’est L’ordre du Canada. |

« Je suis un gars de la campagne, en venant ici au Québec, j’ai apporté mon jardin avec moi. » Un Maître et un Grand Monsieur pour sa profession. Merci Monsieur Kretz, soyez sûr que vous avez inspiré de très nombreux disciples.

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Longe de chevreui l

Gâteau Opéra

Pavé de saumon

Hachis parmen tier de lièvre sauvage du Québec

Noix de ris de veau

Shortcake aux fraises

Omble chevalie r en roulade Bou rgui gnon ima gina ire Pépit es de poule t à la Kiev

Qu eue de hom ard Rav ioli Bon ave ntu re

Carré aux dattes

Mig nard ises

Côte de cerf rôtie au roma rin et au thym

Bett erav es de coul eur Omb le chev alie r

Canard à l ’o range

Gât eau aux caro ttes Porcelet de Mirabel au thé du Labrador


Des chefs émérites des quatre coins du Québec nous livrent leurs interprétations contemporaines de grands classiques de la cuisine. Certains se sont inspirés de chefs, tels Jean-Claude Belmont et Serge Bruyère, qui ont marqué notre histoire culinaire. D’autres ont préféré s’inspirer d’un produit propre à leur région ou encore, tout simplement, d’une recette qui fait partie de notre patrimoine culinaire depuis de nombreuses années. Les recettes qui vous sont présentées dans cette section sont un véritable hommage aux produits issus du terroir québécois et sont présentées un peu comme une succession de tableaux hauts en couleurs, aux influences multiples, à l’image de ce que devient notre culture culinaire.


Danny St-Pierre

Cette recette a été créée pour faire un clin d'œil aux plats classiques du répertoire. Je crois que c'est un bel exercice que de réutiliser ces thèmes pour faire découvrir la cuisine en exploitant notre fonds culturel.

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PÉPITES DE POULET À LA KIEV

4 cuisses de poulet 500 ml (2 tasses) de vin blanc 1 tête d’ail pelée 100 ml (⅖ tasse) de persil ciselé 100 g (~⅖ tasse) de beurre froid Farine 2 œufs 500 ml de lait 1 gros sachet de chapelure Panko Sel Quartiers de citron

1. Dans un poêlon moyen, colorer les cuisses de poulet. Mouiller au vin blanc, puis à l’eau à hauteur de la viande. Ajouter l’ail et cuire à couvert durant 1 heure au four à 175 °C (350 °F), puis laisser refroidir. 2. Désosser les cuisses à la main et effilocher les morceaux. 3. Passer le jus de cuisson obtenu au pied-mélangeur, puis au chinois. Le remettre dans un poêlon et réduire jusqu’à consistance d’une glace. Ajouter le poulet et le persil, puis monter avec le beurre froid. Réserver au congélateur, dans un moule préférablement métallique. 4. Une fois refroidie, tailler la préparation en cubes, la fariner et la paner à l’anglaise. 5. Frire les pépites à 175 °C (350 °F) et servir avec des quartiers de citron.

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ÉDITION SPÉCIALE

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Sébastien Turgeon

Cette recette m’a été inspirée par Alain Labrie du temps où il était chef exécutif de l’auberge North Hatley. Aujourd’hui, Alain est chef propriétaire de La Table du Chef à Sherbrooke. J’ai revisité la recette à ma façon toute en la respectant. La simplicité, la fraîcheur et le mariage parfait des saveurs sont pour moi les mots clés de ce plat. À vous de savourer notre savoir-faire et bon appétit !

L E C H È V R E , L A TO M AT E E T LE BASILIC, CARPACCIO DE BETTERAVES JAUNES, PERLES DE BALSAMIQUE ET AMALGAME DE SAVEURS EN SHOOTER STYLE GASPACHO


JUS DE BASILIC

TIAN DE TOMATES ET CHÈVRE

PERLE DE BALSAMIQUE

250 ml de bouillon de légumes

100 ml de jus de basilic

50 ml de vinaigre balsamique

25 g de feuilles de basilic

50 ml de sirop d’érable

50 ml de jus de basilic

10 ml de sirop d’érable

½ gousse d’ail hachée finement

2 g d’agar-agar

Sel et poivre

Poivre du moulin

500 ml d’huile froide

Pulvériser au robot l’ensemble des ingrédients et filtrer au chinois fin. Réserver pour l’ensemble des mises en place suivantes.

2 tomates mondées, les couper en quatre et retirer le cœur (garder le cœur pour le gaspacho)

Mettre à bouillir le vinaigre et le jus de basilic puis ajouter l’agar-agar en mélangeant constamment pendant 15 secondes. Mettre dans une seringue culinaire et verser goutte par goutte sur l'huile bien froide, puis passer l'huile au chinois fin. Récupérer les petites perles et les laver à l’eau tiède pour ne pas y laisser d’huile.

CARPACCIO DE BETTERAVES JAUNES

2 betteraves jaunes d’environ 150 g Huile d’olive, fleur de sel Cuisson conventionnelle au four à 400 °F. Rouler dans deux épaisseurs de papier d'aluminium et cuire environ 45 minutes, puis refroidir, perler et trancher. Puis réserver.

200 g de fromage de chèvre Mettre dans un petit poêlon le jus de basilic, le sirop d’érable, l’ail, le poivre du moulin et les morceaux de chair de tomate. Faire frémir doucement pendant environ 2 minutes, ou jusqu’à ce que la chair des tomates devienne tendre, puis réserver. Dans quatre petits emporte-pièces de 2 x 3 pouces, mettre un papier film, puis déposer au fond un morceau de tomate, 25 g de chèvre, un autre morceau de tomate puis terminer avec 25 g de fromage de chèvre et réserver au froid.

CROUSTILLANT DE CHÈVRE

40 g de chèvre répartis en 4 petites boules 20 g de farine 1 œuf battu avec 30 ml de jus de basilic

AMALGAME EN SHOOTER STYLE GASPACHO

1 tomate mondée et pelée (conserver le cœur) 100 ml de jus de basilic 15 ml d’huile d’olive 15 g de fromage de chèvre

CRISTAL DE BASILIC

Comme élément de décoration, plonger simplement quelques feuilles de basilic à la friteuse à 350 °F quelques secondes jusqu’à ce qu'elles soient translucides et déposer délicatement sur un papier absorbant.

20 g de brunoise de concombre et poivron rouge 4 tiges de ciboulette ciselée très finement Pulvériser au robot la tomate avec le jus de basilic, l’huile d’olive et le fromage de chèvre, puis passer au chinois fin. Répartir la brunoise dans 4 verres à shooter. Ajouter le gaspacho, puis garnir de ciboulette ciselée.

40 g de chapelure Panko Sel Poivre Rouler les petites boules de chèvre dans la farine, puis dans l’œuf battu et la chapelure de Panko. Retourner dans l’œuf et terminer le tout dans la Panko et frire à 350 °F jusqu’à obtention d’une parfaite coloration. Puis réserver.

MONTAGE DE L’ASSIETTE

Tapisser le fond de l'assiette de fines tranches de carpaccio de betteraves, ajouter un trait d'huile d'olive et de fleur de sel, mettre le tian de tomate, le shooter de gaspacho, le croustillant de chèvre, les perles de balsamique et un petit trait du jus de basilic qui restera, ainsi que quelques feuilles frites.

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ÉDITION SPÉCIALE

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CHEF CUISINIER DE L'ANNÉE 2003

Jean-Luc Boulay

Pour moi, le foie gras a toujours été une gourmandise qu’on peut facilement associer aux gâteries que sont les mignardises. Le fabuleux foie gras du Québec ! Le mettre ainsi en valeur sous tous ses aspects est pour moi un plaisir toujours renouvelé.

MIGNARDISES DE FOIE GRAS, T R A D I T I O N S E T I N N OVAT I O N S , CONDIMENTS AUX PETITS FRUITS DU NORD


500 g de foie gras cuit (terrine, torchon, etc.)

Bûchette de foie gras

50 g de fromage à la crème

Prélever 100 g de foie gras cuit et le mixer avec le fromage. Ajouter les noisettes torréfiées et concassées. Garnir un moule à bûchettes de cet appareil. Congeler et démouler. Réserver.

20 g de noisettes 100 g de gelée de cerises du nord (épicerie fine) Feuilles d’or 15 g de Coureur des bois 200 ml de jus de canneberge 2 g de carraghénane iota 1 g d'agar-agar 2 fines tranches de jambon cru

Palet or de foie gras Prélever 150 g de foie gras cuit et tailler des petits carrés, les glacer de gelée de cerises et les décorer de feuilles d’or. Réserver. Cannelloni de foie gras Mixer 125 g de foie gras cuit avec 15 g d’alcool d’érable (Coureur des bois) et garnir de cet appareil des petits tubes en forme de cannelloni. Les congeler. Faire bouillir le jus de canneberges et y verser en mélangeant le carraghénane et l’agar-agar. Démouler les cannellonis et les tremper dans cette gelée tiède. Réserver. Aumônière de foie gras

250 g de foie gras cru, très frais

Tailler des petits cubes de foie gras cuit et façonner des petits baluchons avec les fines tranches de jambon cru. Réserver.

Poudre de bleuets, fleurs de bleuets

Foie gras mariné au sel et poudre de bleuets

100 g de purée de Chicoutai

Déveiner le foie gras cru, le façonner en forme de rouleau avec du papier cellophane et le mettre au froid afin qu’il se raffermisse. Enlever le papier cellophane et le remplacer par du coton à fromage et le mariner pendant 24 heures dans du gros sel à marinade. Le lendemain, le retirer du sel, bien l’éponger et le rouler dans de la poudre de bleuets. Le garder au froid et le découper en tranches. Sur une assiette, onduler la gelée de cerise à l’aide d’un peigne à pâtisserie et disposer délicatement les mignardes avec harmonie. Décorer de pétales de bleuets et de purée de chicoutai.

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CHEF CUISINIER DE L'ANNÉE 2009

François Blais

Ce mets est partie prenante de notre culture culinaire. C’est en me remémorant les dimanches, avec grand-maman, que j’ai eu envie de fusionner le hachis, plat traditionnel dominical avec le lièvre, une viande aussi traditionnelle. Le comfort food recompose un tendre souvenir au goût d’antan.

HACHIS PARMENTIER DE LIÈVRE SAUVAGE DU QUÉBEC GLACÉ AU FROMAGE DE CHÈVRE


2 cuisses de lièvre 100 ml de vin rouge sec 200 ml de fond brun de gibier 20 g de lard salé coupé en petits cubes 200 g de mirepoix coupée en petits cubes : céleri, carotte, oignon, poireau Bouquet garni : poivre en grains, thym, laurier, baies de genièvre 1 gousse d’ail hachée Sel et poivre ½ céleri-rave 1 grosse pomme de terre 1 poireau émincé finement 30 g de beurre 160 g de fromage de chèvre frais

Braiser les cuisses de lièvre avec le vin, le fond, le lard, la mirepoix, le bouquet garni ainsi que l'ail, environ 3 heures, à 340 °F. Filtrer le jus et assaisonner. Ce jus servira de sauce. Confectionner une purée bien sèche avec le céleri-rave et la pomme de terre. Effilocher la viande de lièvre en prenant soin de ne pas laisser de petits os. Mélanger la viande et le poireau préalablement tombé au beu beurre et rectifier l’assaisonnement. Partager la viande dans quatre petits moules allant au four. Remplir avec la purée et terminer avec une couche de fromage de chèvre. Passer à la salamandre et servir dans un bol creux avec le jus de cuisson.

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ÉDITION SPÉCIALE

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Graziella Battista

Voici une recette classique et populaire que j’affectionne particulièrement et qui provient du Latium. Je vous la présente ici adaptée à ma façon, tout en ayant respecté l’équilibre des saveurs de chaque ingrédient. Elle n'est que légèrement modernisée. Buon apetito !


LA CARBONARA REVISITÉE Pour 12 raviolis

12 rondelles de pancetta 500 g de pâte fraîche roulée ou des feuilles de lasagne 12 jaunes d’œufs fermiers (garder les blancs à part) Poivre, sel 300 g de crème fraîche 200 g de parmigiano râpé

1. Placer les rondelles de pancetta sur une plaque avec feuille de cuisson, dans un four préchauffé à 400 °F jusqu’à obtenir un croustillant. Retirer du four et garder de côté sur du papier absorbant. 2. Rouler et passer la pâte fraîche à travers la machine à pâte, ou acheter des feuilles de lasagne déjà préparées. 3. Couper 24 carrés de 8 cm. 4. Aligner 12 carrés de pâte sur une surface recouverte de farine. Badigeonner les 4 côtés des carrés avec du blanc d’œuf. Placer un jaune d’œuf au milieu de chaque carré de pâte. Assaisonner avec sel et poivre. Recouvrir le tout avec le carré pour fermer le ravioli et souder les côtés en pressant avec les doigts. Disposer les raviolis de côté et recouvrir d’un linge. 5. Préparer la crème au parmigiano en la chauffant à basse température. Ajouter le parmigiano râpé et, au besoin, assaisonner. Chauffer pour faire fondre le fromage en totalité. 6. Placer les raviolis dans de l’eau à ébullition et les laisser cuire 3 minutes. Retirer de l’eau avec une grande cuillère perforée. 7. Remplir une assiette creuse de crème au parmigiano. Placer les raviolis au milieu, disposer une rondelle de pancetta sur le dessus et saupoudrer avec du Parmigiano et du poivre noir.

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ÉDITION SPÉCIALE

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CHEF CUISINIER DE L'ANNÉE 2011

Jérôme Ferrer

Le Québec d’aujourd’hui n'a plus rien à envier aux autres nations. Le savoir, l'audace et la créativité de nos artisans font la richesse de notre terroir.

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OMBLE CHEVALIER EN ROULADE, FROMAGE À LA CRÈME ET FINES HERBES


⅓ tasse de pesto au basilic ⅓ tasse de purée de chou-fleur ⅓ tasse de sauce tomate Quelques gouttes de jus de citron ½ c. thé d’huile de truffe Quelques gouttes de piment africain 250 à 300 g d’omble chevalier ½ tasse (env. 100 g) de fromage à la crème 1 filet d’huile d’olive Sel et poivre du moulin 1 c. à soupe de ciboulette ciselée 1 c. à soupe d’estragon finement haché 2 c. à soupe de canneberges séchées 1 tasse de micro-mesclun ou fines herbes mélangées

Déposer le pesto, la purée de chou-fleur et la sauce tomate dans trois petits récipients afin de bien les séparer. Parfumer le pesto au basilic avec quelques gouttes de jus de citron et la purée de chou-fleur avec l’huile de truffe ainsi que la sauce tomate avec quelques gouttes de piment. Sur un papier parchemin à cuisson, déposer à la surface de celui-ci les tranches d’omble bien à plat afin de recouvrir la surface d’un carré d’environ 12 pouces. Aplatir délicatement la couche de poisson à l’aide d’un petit rouleau à pâtisserie. Dans un petit bol à mélanger, déposer le fromage à la crème. Verser un filet d’huile d’olive et assaisonner de sel et de poivre du moulin. Incorporer la ciboulette ciselée ainsi que l’estragon haché et bien mélanger la préparation. Étaler le fromage à la crème préparé sur toute la surface du poisson. Puis, délicatement, décoller l’omble du papier parchemin et l’enrouler complètement afin de former un cylindre. Laisser reposer le cylindre d’omble au fromage à la crème au congélateur 15 à 20 minutes afin de faciliter le découpage en rondelles. Couper des rondelles d’environ 1 cm. Dans une assiette plate, déposer 4 rondelles d’omble au fromage à la crème et aux fines herbes. Déposer sur la surface quelques canneberges séchées. À l’aide d’une petite cuillère, parsemer plusieurs gouttes de chacune des sauces, basilic, chou-fleur et tomate. Terminer en disposant délicatement quelques jeunes pousses de salade et verser un dernier filet d’huile d’olive vierge. Servir bien frais.

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ÉDITION SPÉCIALE

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CHEF CUISINIER DE L'ANNÉE 2006

Laurent Godbout

PAVÉ DE SAUMON, FUMÉ MAISON, PA N N A C OT TA D E C H O U - F L E U R , CRÈME SÛRE CITRONNÉE, SALADE D’EDAMAMES ET CHOU-FLEUR À L’ H U I L E D E T R U F F E

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SAUMURE LIQUIDE

PANNA COTTA AU CHOU-FLEUR

CRÈME SURE AU CITRON

500 ml d’eau

2 feuilles de gélatine

200 ml de crème sure

150 g de sel

100 g de crème 35 % mi-fouettée

Zestes d’un citron.

15 g de sucre

100 g de lait

4 pavés de saumon

200 g de purée de chou-fleur

Mélanger ensemble les 2 ingrédients. Passez au tamis.

Bois pour fumer

Q.S. de sel et poivre

Mélanger ensemble l’eau, le sel et le sucre. Verser dans un plat et y déposer les cubes de saumon pendant 45 minutes. Placer sur une grille et fumer 18 minutes à couvert. Réserver.

Mélanger ensemble avec la gélatine réhydratée, le lait chauffé et la purée de chou-fleur. Ajouter la crème mi-montée et mouler dans des moules en flexi-pan. Placer au congélateur 1 heure, démouler et réserver au frigo.

GELÉE DE PERSIL

GARNITURES

DRESSAGE

500 ml de feuilles de persil

Ciboulette

400 ml d'eau

100 ml d’écume de lait

5,6 g de gélatine en poudre

4 œufs de caille mollets

Broyez le persil dans l’eau et passez au tamis.

4 tranches de carpaccio de truffe taillées à l’emporte-pièce

Déposer la gelée de persil au centre des assiettes. Disposer le saumon fumé sur cette dernière. Garnir de points de crème sure autour et de pointes de ciboulette par-dessus. Placer les billes de panna cotta sur les saumons. Ajouter le lait moussé et les œufs de caille, les rondelles de carpaccio de truffe et les florets de chou-fleur et edamames. Décorer de pousses et puis servir.

Mélangez le jus obtenu et la gélatine en poudre avec un mélangeur à main. Mettez le tout dans une casserole et amenez à ébullition. Versez dans un moule à pâtisserie, en couche mince et réfrigérez 30 minutes.

¼ tasse de florets de chou-fleur mélangés avec huile de truffe, sel et poivre ⅛ tasse d’edamames mélangés avec les choux-fleurs Micro-pousses

Découpez en rectangle.

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ÉDITION SPÉCIALE

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Diane Tremblay

Serge Bruyère fut pour moi le déclen­ cheur de ma passion culinaire. C’est en m’asseyant à sa table avec un ami que j’ai compris que la cui sine pouvait être le médium artistique de notre passion. Dès le lendemain, main, j’ai fait des démarches afin de m’ori enter vers la cuisine. Voilà qu’aujourd’hui je peux lui rendre un hommage et le remercier de nous avoir fait comprendre que les poissons, les légumes peuvent être traités différemment ! Les cuissons courtes, les sauces allégées, les légumes transformés nous donnent une sensibilité culinaire que plusieurs des cuisiniers ont adoptée.

L E S A U M O N D E L’ A T L A N T I Q U E À LA CRÈME DE PÉTONCLES DES ÎLES-DE-LA-MADELEINE ET AUX MORILLES


SAUMON DE L’ATLANTIQUE

CRÈME DE PÉTONCLES

450 g (1 lb) de filet de saumon de l’Atlantique

20 g (±16 unités) de petites morilles séchées

30 g (2 c. à soupe) d'huile d’olive 5 g (½ c. à thé) de sel de mer 1 g (⅛ c. à thé) de poivre fraîchement moulu 200 g (4 unités) gros pétoncles des Îles-de-la-Madeleine Lever la peau et les arêtes du saumon. Le couper en quatre cubes égaux. Dans une poêle antiadhésive, chauffer l’huile d’olive, saler et poivrer. À feu moyen, griller le saumon, 2 minutes côté peau et 1 minute côté chair, À feu moyen, griller les 4 pétoncles 1 minute de chaque côté. Tenir au chaud.

15 ml (1 c. à soupe) d'huile d’olive 1 échalote française hachée 1 branche de céleri en dés 250 ml (1 tasse) de fond de volaille 175 ml (¾ tasse) d'eau de réhydratation filtrée 200 g (½ lb) de pétoncles frais 125 ml (½ tasse) de crème 35 % Cerfeuil et coriandre frais Sel de mer et poivre du moulin Réhydrater les morilles dans l’eau chaude pendant 30 minutes. Dans une casserole, chauffer l’huile d’olive et revenir l'échalote française, les morilles et le céleri. Mouiller avec le fond de volaille et l’eau de réhydratation. Amener à ébullition, réduire le feu et laisser mijoter 10 minutes. Crémer et amener à ébullition. Ajouter les pétoncles, fermer le feu et couvrir. Reposer 3 à 4 minutes. Passer au mélangeur électrique et tamiser. Rectifier l’assaisonnement et ajouter les herbes au goût.

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CHEF CUISINIER DE L'ANNÉE 2005 CHEF HÔTE DU 60 e GALA DU PRÉSIDENT

Alain Pignard

Cette recette, très abstraite, représenterait un plat en train de prendre forme, en train d'être créé, tout comme le tableau d’un peintre en cours de réalisation. Le thème est ici la peinture, la couleur, la gouache et le produit du terroir mis en lumière. Comparaison entre art culinaire et art tout court.

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QUEUE DE HOMARD BONAVENTURE


6 homards d’une livre

VINAIGRETTE À LA TOMATE

VINAIGRETTE SAFRANÉE

GARNITURE

Quelques pistils de safran

12 bâtons de salsifis frais

30 ml de mayonnaise

10 ml de crème 35 %

30 ml de crème sûre

6 mini-poireaux

2 tomates mondées

1 échalote

15 ml de pâte de tomate

Un peu de sel d’argile noir

5 ml de vinaigre de vin rouge

La peau de 2 tomates bien rouges

50 ml d’huile d’olive extra vierge

Un peu de curcuma

1 branche d’estragon frais

10 ml d’huile de homard *

Sel, poivre

Plonger les homards dans l’eau bouillante environ 6 minutes. Décortiquer les queues en gardant la carapace intacte. Décortiquer les pinces. Vider la tête de l’intérieur, la découper pour qu’elle tienne debout, conserver les antennes. Frire les carapaces dans l’huile très chaude pour les faire rougir. Monder les deux tomates bien rouges pour la vinaigrette.

* Pour faire soi-même l’huile de homard Faire saisir les carcasses, ajouter l’intérieur de la tête, le corail ainsi que toutes les parures. Ajouter 100 ml d’huile d’olive, 2 cuillères de pâte de tomate. Laisser mijoter pendant 3 heures à feu très doux. Filtrer.

Dressage de l’assiette

Mettre dans le mélangeur tous les ingrédients pour cette vinaigrette et mixer.

Entourer les carcasses bien rouges d’une ou deux pinces du homard, de la purée de salsifis faite du salsifis restant, combiné à la crème 35 % et à l’échalotte.

Faire sécher les peaux de tomate, dans un endroit chaud pendant 4 heures. Puis les mettre en poudre.

Décorer avec un tube de sauce safranée, ainsi que d’un petit pot de sauce tomate et son pinceau.

Faire la vinaigrette safranée. Infuser le safran dans deux cuillères d’eau chaude. Mélanger avec la mayonnaise et la crème sûre.

Déposer les deux bâtons de salsifis, et terminer avec le sel noir d’argile, la poudre de tomate, la poudre de curcuma, l’huile de homard et le mini poireau.

Éplucher et blanchir les salsifis. En couper une partie en bâtons (12). – Le reste servira à la purée de Salsifis. Les faire colorer légèrement à la poêle. Blanchir les mini-poireaux. Éplucher l’échalote et faire de petites rouelles.

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Jean-Pierre Curtat

Par cette recette, je désire rendre un humble hommage à un ami parti trop tôt, Jean-Claude Belmont. Jean-Claude a porté de nombreuses toques dans sa carrière. Il y eut celle du cuisinier, puis du chef, du professeur, et de celle de l’auteur. Il y eut aussi celle du concurrent dans de nombreuses compétitions culinaires qu’il a souvent gagnées avant de s’évertuer à faire gagner les autres, des jeunes, en les conseillant et, surtout, en les inspirant. Le Québec peut être fier des fromages, de classe mondiale, qu’il produit au aujour d’hui. Jean-Claude a joué un rôle déterminant dans leur développement et leur popularité. Il était le chef de référence par excellence en matière de fromages d’ici.

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SUPRÊME DE P I N TA D E A U C H O U , SAUCE SAUVAGINE, QUELQUES CIPOLLINI CARAMÉLISÉS


Cette recette toute simple, comme l’était Jean-Claude, s’inspire d’un plat classique qu’il avait « recon s truit » à l’occasion du concours Debeur, la perdrix au chou. Afin de faciliter l’approvision nement, j'ai choisi ici de reprendre son idée en remplaçant toutefois la perdrix par de la pintade. Je laisse également la part belle au fromage, bien évidemment !

1 chou frisé (il en restera)

Gâteau de chou

60 g de lard fumé ou chair de cuisse de pintade confite (ou les deux)

Préserver intactes les feuilles extérieures du chou. Émincer finement les feuilles d’un bon quartier de la partie centrale. Cuire à l’eau bouillante salée les feuilles extérieures et les refroidir à l’eau glacée. Répéter l’opération avec le chou émincé.

20 (plus ou moins selon la taille) oignons cipollini 1 pointe d’ail haché Q.S. de thym frais 1 c. à soupe de ricotta Q.S. de sel et poivre du moulin 1 c. à soupe d'échalote sèche Q.S. de beurre 100 ml de vin blanc 200 ml de sauce brune 100 ml de crème 35 %

Faire revenir les lardons taillés très finement. Ajouter un peu de cipollini émincé, l’ail et du thym frais. Ajouter le chou émincé (puis la cuisse confite, si disponible). Laisser refroidir et ajouter un peu de ricotta. Ajuster l’assaisonnement. Bien sécher les feuilles et mettre dans un emporte-pièce en cercle. Farcir avec le mélange de chou ciselé et refermer. Au moment du service, poêler tout doucement les gâteaux de chou avant de les passer au four. Sauce Faire revenir l’échalote hachée dans un peu de beurre. Ajouter le vin blanc et laisser réduire. Ajouter la sauce brune et la crème et laisser réduire de nouveau. Avant le service, intégrer le fromage au mélangeur. Ajuster l’assaisonnement.

40 g de fromage Sauvagine (ou autre de même nature)

Cipollini

Q.S. d’huile d’olive

Faire revenir à feu très très doux à l’huile le reste des cipollini en les retournant à mi-cuisson. Mettre quelques branches de thym. Couvrir partiellement pendant la cuisson. Assaisonner.

4 suprêmes de pintade désossés (avec manchon)

Pintade Faire revenir doucement les suprêmes et terminer quelques minutes au four. Assaisonner. Pour le dressage, il suffit de réunir les ingrédients et les présenter à votre goût.

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CHEF CUISINIER DE L'ANNÉE 2012

Steve Pratte

Ayant passé mon enfance sur une ferme en Mauricie, au pays du sarrasin, la bonne cuisine faisait partie de notre quotidien : lot de légumes frais, volailles, belles pièces de viande de porc et de boeuf, galettes de sarrasin au beurre et choux à la crème magique. Par contre, chez nous, le canard était absent de notre basse-cour. Je n'ai découvert cette bête dans mon assiette que tard durant mes études et j'en suis tombé amoureux. Si tant est qu'il est devenu mon favori. Pour sa beauté et son goût. À toutes les occasions, il trône sur ma table. On le retrouve même dans mon salon, dans une collection de bestioles de bois sculpté, avec la médaille de chef cuisinier national de 2012. Voici ma recette aux accents nostalgiques.

SUPRÊME DE CANARD D U L A C B R O M E À L’ O R A N G E , GALETTE DE POMMES DE TERRE ET SARRASIN, CHOU-FLEUR CONFIT AU BEURRE CLARIFIÉ, MÊLÉE DE SARRASIN FRAIS ET GRILLÉ


GALETTE DE POMMES DE TERRE ET SARRASIN

CANARD

MÊLÉE DE SARRASIN FRAIS ET GRILLÉ

500 g de pommes de terre Yukon Gold

600 g de suprême de canard du lac Brome

1 bouquet de pousses de sarrasin

125 g de farine de sarrasin

15 ml d’huile

50 ml de sarrasin grillé (kasha)

2 jaunes d’œuf

1 échalote française ciselée

Huile de canola extra vierge

12 g de sel fin

25 ml de sucre non raffiné

Q.S. sel et poivre

100 g de beurre pommade

2 oranges, zeste et jus 25 ml de vinaigre de vin rouge

CHOU-FLEUR CONFIT

400 ml de fond brun de canard

12 petits bouquets de chou-fleur

Q.S. sel, poivre du moulin

15 g de beurre

500 ml de beurre clarifié Q.S. sel, poivre du moulin

Galette de pommes de terre et sarrasin

Canard

1. Cuire les pommes de terre à l’eau salée, égoutter et refroidir.

1. Tailler un quadrillé sur le gras des suprêmes et cuire à la poêle avec un peu huile et beurre. Colorer côté peau en premier et finir de saisir l'autre côté, puis enfourner à four très chaud. Cuire 7-10 minutes selon le four. Conserver une cuisson saignante, réserver le canard au chaud pour un repos, le temps de préparer la sauce.

2. Passer au passe-purée et mélanger avec les jaunes d’œuf et le sel. Former un boule et reposer 30 minutes. 3. Étaler au rouleau la pâte et étendre le beurre pommade. Replier en trois avant de l’étirer à nouveau sur 1 cm d’épaisseur. 4. Tailler selon la forme désirée, et déposer sur une plaque à pâtisserie. Dorer à l’œuf battu et décorer à la pointe du couteau.

2. Suer l’échalote dans le sautoir de cuisson, ajouter le sucre, caraméliser et faire un caramel brun pâle. Déglacer avec le jus d’orange et le vinaigre de vin, ajouter le fond brun de canard.

Chou-fleur confit

3. Réduire à consistance sirupeuse et ajouter les zestes. Réduire encore une minute. Vanner la sauce en ajoutant une noisette de beurre et fouetter.

1. Tailler les bouquets de chou-fleur très petits.

4. Assaisonner et réserver pour le dressage.

2. Déposer le chou-fleur dans le beurre clarifié et laisser cuire doucement 30 minutes.

Dressage

5. Cuire 30 minutes à 180 °C au four et réserver.

3. Assaisonner et réserver.

1. Touiller les pousses de sarrasin et la kacha avec l’huile de canola extra vierge. Assaisonner sel poivre. 2. Déposer une galette de pomme de terre sur l’assiette et le suprême sur le dessus, taillé ou non. 3. Ajouter quelques bouquets de chou-fleur autour. Un cordon de sauce et des pousses de sarrasin et du sarrasin grillé à la volée. Quelques goûtes d’huile de canola. Décorer d’un chip d’orange séché.

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Anne Desjardins

La sélection des produits est très im­ portante pour moi. Ma préférence va pour le porcelet de Gaspor, à Mirabel, l’hydromel de Naline Desrochers et le miel bio d’Anicet, (son frère), à Ferme­Neuve. Pour les betteraves et les micro­pousses, je privilégie celles de la ferme bio des Jardiniers du Chef, à Blainville et pour le thé du Labrador, les épices boréales D’Origina, de la Coopérative de Forestville.

5 4 É D I T I O N S P É C I A L E | P OTA U F E U

PORCELET DE MIRABEL AU THÉ DU LABRADOR, MIGNON POÊLÉ MINUTE, ÉPAULE BRAISÉE, DÉCLINAISON DE BETTERAVES DE COULEUR


BRAISAGE

CUISSON DES BETTERAVES

CHIPS DE BETTERAVES

3 échalotes émincées

2 grandes feuilles d’aluminium

1 petite betterave jaune avec la peau

3 gousses d’ail épluchées

Q.S. d'huile de canola

1 c. à soupe de fécule maïs

1 carotte coupée en dés

2 grosses betteraves rouges avec la peau

Q.S. d'huile de canola pour friture

800-900 g d’épaule de porcelet

1 petite pomme de terre avec la peau

Sel

1 c. à soupe de miel

6 mini betteraves jaunes avec la peau

200 ml d’hydromel (ou vin blanc)

6 mini betteraves chiogga avec la peau

1 c. à thé de vinaigre de cidre

1 paquet de ciboulette émincé

Sel

30 ml feuilles de thé du Labrador

Sel

Tabasco

Sel

500 g de filet mignon de porcelet

100 ml de feuilles de thé du Labrador séchées + 30 ml pour la finition

45 g de beurre

1 c. à soupe d’huile de canola

MIGNON DE PORCELET

1 c. à soupe de beurre

1 c. à soupe de beurre

Feuilles de micro-betterave (poirée)

Braisage

Purée de betteraves

1. Porter le four à 250 °F. Déposer dans une lèche-frite les échalotes émincées, les gousses d’ail, la carotte en dés.

9. Déposer les grosses betteraves rouges et la pomme de terre dans un robot ou un presse-purée, mixer bien, ajouter sel et un 30 g de beurre. Réserver au chaud.

2. Déposer l’épaule de porcelet dessus, mélanger miel, hydromel, vinaigre, sel et tabasco ensemble. 3. Verser sur l’épaule de porcelet, parsemer des feuillles de thé du Labrador. Couvrir et enfourner pour 4-5 heures. 4. Retirer du four et laisser reposer 1 heure, puis désosser l’épaule et réserver au chaud. 5. Couler le jus de cuisson dans un chinois, verser dans une casserole, dégraissser, ajouter quelques feuilles de thé du Labrador, laisser réduire le jus de cuisson jusqu’à ce qu’il soit sirupeux, goûter, et ajuster à votre goût. Ajouter une noix de beurre, mélanger. Réserver sur feu doux. Cuisson des betteraves 6. Porter le four à 400 °F. Déposer du papier d’aluminium sur deux tôles, verser un peu d’huile de canola sur chaque feuille d’aluminium. 7. Déposer les grosses betteraves rouges et la pomme de terre ainsi que quelques feuilles de thé du Labrador sur une tôle et les petites betteraves de couleur, ainsi que quelques feuilles de thé du Labrador sur l’autre, saler et sceller le papier d’aluminium comme pour une papillotte. 8. Enfourner et cuire pendant 1 h 15 pour les grosses betteraves et 45 minutes environ pour les plus petites (vérifier avec la pointe d’un couteau). Retirer du four, laisser tiédir. Enlever la peau des betteraves et de la pomme de terre.

Chips de betteraves 10. Couper à la mandoline de très fines tranches de betterave, et saupoudrer chacune d’un peu de fécule de maïs. Porter l’huile de canola à température adéquate pour la friture, frire les tranches de betterave, déposer sur un papier absorbant, saupoudrer de sel, réserver. Cuisson du mignon 11. Saler le mignon de porcelet, puis déposer dans un poêlon chaud avec un peu d’huile de canola et de beurre, jusqu’à l’obtention d’une cuisson rosée. Laisser reposer. 12. Dans un autre poêlon, avec un peu d’huile de canola et de beurre, faire revenir, sur feu moyen, les petites betteraves pelées, coupées en quatre. Saler et parsemer de ciboulette et de feuilles de thé du Labrador. Dans des assiettes chaudes, déposer du braisé de porcelet, une tranche épaisse de mignon, de la purée de betterave, des mini betteraves de couleur, verser un peu de sauce réduite, ajouter des chips de betterave, décorer avec feuilles de thé du Labrador, micro-pousses de betterave (poirée) et ciboulette.

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Denis Girard

J'ai décidé de mettre en évidence un produit incroyable ! Il est fait par des passionnés et vient d'une région où j'ai habité plusieurs années. Ça prend de l'audace et de la ténacité pour obtenir un tel résultat. Le Carminée m'a renversé et Margareth m'a transmis son amour pour lui, à moi qui suis un si grand amateur de pomme. Je pars bientôt pour la Toscane et j'en apporte avec moi pour le leur faire découvrir !

NOIX DE RIS DE VEAU LAQUÉE AU CARMINÉE ET FOIE GRAS DE CANARD, PURÉE DE CÉLERI-RAVE, JULIENNE DE POMME ET JUS DE CANARD


Q.S. de farine 65 g de noix de ris de veau blanchie 30 g de tranche de foie gras de canard 5 ml d’huile 5 ml de beurre 40 ml de Carminée réduit 60 ml de jus de canard 20 ml de purée de céleri-rave 2 ml de gelée de pommette 5 g de julienne de pomme Pousses de moutarde Quelques gouttes de Rubicond Quelques gouttes d’huile d’olive

1. Fariner le ris de veau et le foie gras de canard. Bien enlever l’excédent de farine. 2. Saisir le ris de veau à l’huile et au beurre et terminer au four à 350 °F pendant 3 minutes. 3. Chauffer le Carminée dans la poêle et réduire de moitié. Ajouter un peu de jus de canard. 4. Sortir le ris de veau et le déposer dans la poêle contenant le Carminée et le jus. Bien enrober, puis remettre au four. 5. Pendant ce temps, saisir le foie gras de canard dans une poêle bien chaude avec un peu d’huile. 6. Sortir le ris de veau et le déposer sur l’assiette. Ajouter le foie gras sur la noix de ris de veau laquée. 7. Ajouter la purée de céleri-rave, napper de sauce le foie gras de canard. Ajouter un point de Carminée réduit et un point de jus de pommette réduit. 8. Mélanger la julienne de pomme avec les pousses de moutarde et déposer sur le foie gras de canard. 9. Terminer avec quelques gouttes de Rubicond et d’huile d’olive sur le mélange de pomme et de pousses de moutarde.

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Michel Lanot

Je vous offre un bouquet de fraîcheur printanière. Une idée gourmande pour faire un clin d’œil au printemps, avec des notes sucrées d’érable et d’agrumes.

MIGNONS DE VEAU DE GRAIN SAUTÉS AUX AGRUMES, TAT I N D ’ E N D I V E S E T GARNITURE DU MARCHÉ


1 orange

4 endives

1 pamplemousse rose

200 g de beurre

1 citron

100 ml d’huile d’arachide

1 citron vert

100 g de sucre

200 ml de sirop d’érable

Sel et poivre du moulin

20 ml de vinaigre balsamique

6 tournedos de veau de grain (130 g chacun) dénervés et parés

750 ml de jus de veau 500 g de pâte feuilletée

1 botte de cresson

La sauce Prendre le jus des agrumes, ajouter le sirop d’érable, laisser cuire jusqu’à l’obtention d’un caramel blond. Déglacer avec le vinaigre balsamique, puis incorporer le jus de veau. Laisser mijoter jusqu’à ce que la sauce nappe une cuillère. Rectifier l’assaisonnement, et réserver. Les tatins d’endives Détailler 6 ronds de pâte feuilletée de 8 à 10 cm de diamètre, puis les réserver au frais. Effeuiller les endives et, dans une poêle, les faire revenir dans une noix de beurre et une cuillère à table d’huile. Saupoudrer de sucre pendant la cuisson afin de les faire caraméliser. Saler et poivrer au goût, puis réserver. Déposer les cercles ou ramequins préalablement graissés sur une plaque à pâtisserie, couverte d’une feuille de papier sulfurisé. Remplir les moules avec les endives, puis recouvrir le tout avec les ronds de pâte feuilletée. Badigeonner avec de la dorure et cuire 15 minutes à 375 °F, et réserver au chaud. Dressage, cuisson et finition Dans un sautoir ou une poêle, faire mousser une noix de beurre dans une cuillère d’huile. Assaisonner de sel et de poivre du moulin les mignons de veau des deux côtés. Les cuire 4 à 5 minutes de chaque côté. Bien les égoutter et les dresser sur les assiettes de service. Arranger avec goût les tatins et les pommes étagées. Donner un coup de four. Monter la sauce avec une noix de beurre fouettée. Sortir les assiettes, déposer sur le veau les segments d’agrumes et napper avec la sauce. Facultatif : Garnir d’un bouquet de cresson ou de basilic vert ou pourpre ou patissons jaunes et herbes fraîches. Servir aussitôt, bien chaud.

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Diane Tremblay

Excellent exemple que Serge Bruyère nous a enseigné, que les légumes peuvent se retrouver dans la sauce ou dans les préparations de légumes afin d’apporter une texture et une couleur différentes à ce dont nous étions habitués.

LONGE D’AGNEAU DU QUÉBEC AU COULIS DE POIVRONS ROUGES


LONGE D’AGNEAU AU COULIS DE POIVRONS ROUGES

MOUSSELINE D’ÉPINARDS

30 g (2 c. à soupe) d'huile d’olive

15 ml (1 c. à soupe) d'huile d’olive

75 g (1 unité) d'échalote française

50 (1 unité) d'échalote française

200 g (1 unité) de poivron rouge

100 g (1 branche) de céleri en dés

250 g (1 tasse) de crème 35 %

225 g (½ lb) d'épinards

450 g (2 unités) de longe d’agneau du Québec

250 ml (1 tasse) de crème

5 g (½ c. à thé) de sel de mer 1 g (⅛ c. à thé) de poivre fraîchement moulu Dans une casserole, chauffer la moitié de l’huile d’olive à feu moyen et y faire revenir l'échalote française tranchée.

6 jaunes d’œufs 8 g (¾ c. à thé) de sel de mer 2 g (⅛ c. à thé) de poivre noir Chauffer le four à 350 °F.

Ajouter le poivron coupé en morceaux et poursuivre la cuisson à feu lent et à couvert.

Dans une casserole, chauffer l’huile d’olive à feu moyen. Faire revenir l’échalote française et le céleri. Suer à couvert jusqu’à ce que les légumes rendent leur eau de cuisson.

Ajouter la crème, mijoter 2 minutes et passer au mélangeur jusqu’à l’obtention d’une bonne homogénéité. Tenir au chaud.

Ajouter les épinards, bien lavés et la crème. Amener à ébullition. Passer le tout au mélangeur et tamiser.

Chauffer le four à 350 °F.

Mettre les jaunes d’œufs dans un cul de poule et verser lentement la préparation sur les jaunes.

Dans une poêle, chauffer l’autre moitié de l’huile d’olive, saler et poivrer. Farie revenir les longes d’agneau 45 secondes de chaque côté et enfourner 5 minutes. Laisser reposer 2 minutes avant de couper. Servir avec le coulis de poivron rouge.

Beurrer un plat en céramique de 500 ml. Faire cuire au bain-marie pendant 45 minutes. Reposer quelques minutes et faire des quenelles. Servir avec des mini-fenouils et mini-carottes.

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Alain Laflamme

Lors d'un voyage en Tunisie au début des années 80, j'ai connu ses saveurs si parfumées et franches. Je n'ai fait ici que les marier à l'agneau délicieux de la Gaspésie.

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CÔTES ET NOISETTES D’AGNEAU DE BONAVENTURE, MIJOTÉ DE POIS CHICHES ET LÉGUMES RACINES AU CUMIN


4 côtes d’agneau prises dans le carré 12 noisettes coupées dans la longe courte (environ 170 g d’agneau par personne) 120 g de saucisses merguez, coupées en petits dés 50 ml de vin blanc 20 g d’échalote française, hachée finement 5 g de cumin en poudre 300 ml de fond d’agneau 8 petites carottes, pelées et blanchies 8 petits panais, pelés et blanchis 120 g de pois chiches, rincés et égouttés 1 petite branche de thym frais 100 g de couscous cuit 1 courgette tranchée sur la longueur (vous devez avoir 8 tranches), utiliser une mandoline Quelques feuilles de coriandre pour décorer

Cuire les côtes d’agneau dans un peu d’huile, 3 minutes de chaque côté, en les gardant rosées. Cuire les noisettes, 3 minutes de chaque côté, en les gardant rosées. Garder l’agneau au chaud. Saisir les dés de merguez dans la poêle qui a servi pour l’agneau. Cuire 2 minutes en remuant pour avoir une belle coloration. Retirer. Déglacer au vin blanc. Ajouter les échalotes et le cumin. Réduire de moitié. Mouiller avec le fond d’agneau, amener à ébullition et ajouter la merguez, les carottes, le panais et les pois chiches dans la sauce avec le thym. Laisser réduire. Vérifier l’assaisonnement (attention, la merguez va donner beaucoup de goût à la sauce). Dresser sur un lit de couscous cuit et décorer avec des tranches de courgettes sautées et des feuilles de coriandre.

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ÉDITION SPÉCIALE

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CHEF SANTÉ DE L'ANNÉE 2010 CHEF CUISINIER DE L'ANNÉE 2001

Mario Julien

Voici une recette originale créée exclusivement pour le 60 e de la SCCPQ. J’ai voulu en quelque sorte redorer l’image d’un plat mythique de la cuisine française tout en lui laissant ses ingrédients de base. La tendance aujourd’hui veut moins de sauce. C’est la raison pour laquelle il n’y a qu’un filet de sauce. Les légumes sont aussi cuits au goût du jour et facilement identifiables.

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BOURGUIGNON IMAGINAIRE 900 g de tête de filet de bœuf 12 oignons perlés rouges 12 oignons perlés blancs 12 carottes tiges 3 tranches ou 180 g de flanc de porc frais 12 champignons de Paris 240 ml de glace de veau 6 oignons verts ciselés 12 têtes d'ail miniatures confites

Parer le filet de bœuf et produire 6 morceaux de 135 / 150 g l’unité. Les rouler dans une pellicule plastique serrée pour leur donner une forme identique un peu comme un jambonneau. Saler, poivrer et griller dans une poêle de fonte. Mettre de côté pour laisser reposer la viande (temps de repos de cuisson). Pour les oignons perlés, couper les extrémités très légèrement et les plonger dans de l’eau bouillante salée,. Retirer rapidement et plonger dans de l’eau glacée. Avec une pression légère sur la tête, retirer la pelure et laisser de côté. Même opération pour les carottes tiges : eau bouillante salée, les retirer croquantes et les plonger dans de l’eau glacée. Retirer et mettre de côté. Le flanc de porc : dessaler, faire rissoler dans une poêle en fonte, mettre sur du papier absorbant. Par la suite, couper en dés et mettre de côté. Les champignons : couper les queues et cuire dans un poêlon en fonte. Mettre de côté et asperger d'huile d'olive.

DRESSAGE

Déposer les morceaux de filet de bœuf à l’extrémité d’une assiette rectangulaire et disposer les autres ingrédients à votre gré et napper d’un filet de fond de veau.

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François Sigouin

Dans cette assiette où tous les produits proviennent du Québec, le cerf de Boileau est à l'honneur. L'inspiration m'est venue du classique boeuf bourguignon qui n'est pas sans rappeler le ragoût traditionnel de nos grands-mères. La longe qui l'accompagne, provenant du même élevage, est servie avec une sauce parfumée au Poiré de glace du domaine des Salamandres.

DUO DE CERF DE BOILEAU AUX ÉPICES ET POIRÉE DE GLACE DES SALAMANDRES


RAGOÛT

600 g de cubes d’épaule de cerf

30 ml de farine

30 g de beurre

1 oignon émincé

300 ml de fond de veau

100 g de chanterelles

1 carotte émincée

Décanter la marinade et la réserver. Retirer et réserver la garniture aromatique pour la sauce de la longe. Bien assécher les cubes de cerf et les colorer sur toutes les faces à feu vif dans les corps gras. Une fois tous les cubes colorés, singer avec la farine et bien incorporer celle-ci au corps gras. Ajouter ensuite le liquide de la marinade, le fond de veau et porter à ébullition. Cuire jusqu’à ce que les cubes soient tendres (1 h 30 à 2 h)

100 g de lardons

Réduire la poirée de glace des Salamandres de moitié et réserver. Faire fondre le beurre à feu moyen. Rissoler la garniture aromatique afin de la colorer légèrement. Ajouter les lardons et les colorer. Ajouter les aromates (poivre et feuille de laurier). Déglacer avec le vin et réduire presqu’à sec. Ajouter le fond de veau et laisser cuire à feu doux pour réduire de moitié. Passer la sauce au chinois et incorporer le poirée de glace réduite. Rectifier l’assaisonnement et monter la sauce au beurre si désiré.

Cette sauce est servie avec une longe de cerf de Boileau rôtie et cuite saignante. Les deux préparations de ragoût de cerf et de longe de cerf rôtie sont présentées en portions duo, donc plus petites. Elles s’accompagnent bien d’une purée de panais caramélisé, de betteraves jaunes sautées et de feuilles de chou de Bruxelles sautées au beurre. Dans le ragoût, on pourrait remplacer les oignons de semence par des oignons cipollini braisés.

2 échalotes françaises émincées 2 têtes d'ail 2 bâtons de cannelle 2 clous de girofle 5 ml de poivre concassé 1 bouquet garni

100 g d'oignons de semence Fondre le beurre. Sauter les chanterelles à feu vif et diminuer la chaleur pour cuire 3 minutes. Retirer les chanterelles et ajouter les lardons avec le beurre de cuisson. Une fois rôtis, retirer les lardons. Ajouter les oignons et colorer dans le gras de cuisson à feu doux jusqu’à cuisson complète. Ajouter ces garnitures au ragoût et réserver le tout au chaud.

125 ml de vin rouge 125 ml de porto Mélanger les cubes de cerf avec les autres ingrédients dans un grand récipient et bien couvrir pour réfrigérer pendant 12 heures.

SAUCE POIRÉE DE GLACE

200 ml de poirée de glace des Salamandres 30 ml de beurre Garniture aromatique du ragoût de cerf (voir recette du ragoût de cerf) 30 g de lardons en dés 5 ml de poivre concassé 1 feuille de laurier 200 ml de vin rouge 500 ml de fond de veau lié 15 ml de beurre 15 ml d'huile végétale 30 ml de beurre

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Yves Légaré Renée Lévesque Chef exécutif et chef exécutif adjoint Restaurant Le Parlementaire, Assemblée nationale

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CÔTE DE CERF RÔTIE AU ROMARIN ET THYM FRAIS, SAUCE À LA GELÉE DE CÈDRE, G R AT I N D E PA I N D O R É A U X CHAMPIGNONS SAUVAGES ET POMMES DE TERRE


PAIN DORÉ

CÔTE DE CERF RÔTIE

2 œufs

65 ml (¼ tasse) de gras de canard

170 ml (⅔ tasse) de lait

1 carré de 4 côtes de cerf, environ 600 g (½ lb)

15 ml (1 c. à soupe) de sirop d’érable 1 pincée de sel 5 ml (1 c. à thé) de cannelle 4 tranches de pain Battre ensemble les œufs, le lait, le sirop, le sel et la cannelle. Imbiber les tranches de pain sur les deux côtés et réserver.

GRATIN DE PAIN DORÉ AUX CHAMPIGNONS SAUVAGES ET POMMES DE TERRE

1,5 kg (3 lb) de pommes de terre pelées et tranchées finement

Sel et poivre 2 branches de thym frais et de romarin frais émiettées Préchauffer le four à 180 °C (350 °F). Faire chauffer le gras de canard à feu vif dans un grand poêlon et y dorer le cerf environ 2 minutes de chaque côté. Ajouter du sel, du poivre, du thym et du romarin frais. Déposer le cerf dans un plat allant au four. Terminer la cuisson au four en arrosant très souvent du gras de cuisson. Interrompre la cuisson du cerf lorsque la température à cœur indique 40 °C (104 °F). Retirer du four et recouvrir de papier d’aluminium pour laisser reposer la viande 10 minutes, couper les côtes et servir.

Sel et poivre 125 ml (½ tasse) de champignons sauvages tranchés finement

SAUCE À LA GELÉE DE CÈDRE

250 ml (1 tasse) de crème 35 % ou crème 15 % à cuisson

250 ml (1 tasse) de madère ou de porto

6 œufs

250 ml (1 tasse) de sauce gibier ou demi-glace

250 ml (1 tasse) fromage gruyère râpé Placer la grille au centre du four et le préchauffer à 180 °C (350 °F). Beurrer un plat de cuisson en pyrex carré de 20 cm (8 po) ou le tapisser de papier parchemin. Répartir la moitié des pommes de terre au fond du plat. Saler et poivrer, couvrir avec les champignons et le pain doré imbibé. Poursuivre ainsi avec le reste des pommes de terre. Arroser avec le mélange crème et œufs et parsemer de fromage. Cuire au four environ 1 h 15 ou jusqu’à ce que le gratin soit tendre. Refroidir et couper.

15 ml (1 c. à soupe) de gelée de cèdre 10 ml (2 c. à thé) de beurre froid Dégraisser la poêle de cuisson et déglacer avec le madère ou le porto. Laisser réduire de moitié et ajuster avec la sauce de gibier ou demi-glace. Ajouter la gelée de cèdre et monter la sauce avec le beurre froid.

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Jean Soulard

Garder le focus. Ne pas s’éparpiller, au risque de s’égarer. Il est vrai que la longe de chevreuil pourrait être une symphonie à elle toute seule. Mais ce monologue semblerait un peu nu dans une assiette. Il lui faut de la compagnie. Une bonne sauce, et plus encore, une infusion d’herbes à la dernière minute. Le dialogue se poursuivra avec les champignons, les petits oignons, le jambon.

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LONGE DE CHEVREUIL À L’ I N F U S I O N D ’ H E R B E S GARNITURE COMME GRAND-MÈRE


Longe de chevreuil de 1 kg à 1,2 kg (2 lb 3 oz à 2 lb 10 oz) avec les os

SAUCE

GARNITURE

Les os de la longe de chevreuil

240 g (8 oz) de petits champignons

1 carotte, coupée grossièrement

240 g (8 oz) de petits oignons

1 oignon, coupé grossièrement

2 pincées de sucre

½ branche de céleri, coupée grossièrement

120 g (4 oz) de jambon cuit coupé en julienne

1 tomate, coupée grossièrement

30 ml (2 c. à soupe) d’huile d’olive

500 ml (2 tasses) de vin rouge

Sel et poivre du moulin, des herbes fraîches pour décorer : thym, romarin, menthe et coriandre

500 ml (2 tasses) de fond de veau 1 bouquet garni, bouquet d’herbes fraîches composé de : thym, romarin, menthe et coriandre Sel et poivre du moulin

Désosser la longe de chevreuil. Préparer la sauce Dans une casserole, sur un feu vif, chauffer un filet d’huile et faire revenir les os pour obtenir une bonne coloration. Ajouter tous les légumes aromatiques et laisser cuire 5 minutes. Verser le vin rouge, le fond de veau et le bouquet garni. Saler et poivrer. Laisser mijoter et réduire jusqu’à obtenir environ 500 ml (2 tasses) de liquide. Passer au chinois. Préparer la garniture Essuyer les champignons et, dans une poêle avec un filet d’huile, les faire sauter entiers à feu vif. Assaisonner. Cuire les petits oignons dans une casserole en les recouvrant d’eau. Amener à ébullition ; ajouter le sucre et une pincée de sel. Couvrir et laisser mijoter à feu doux pendant 15 minutes. Les oignons vont glacer et deviendront brillants grâce au sucre. Dans une poêle avec un filet d’huile, sauter rapidement la julienne de jambon. Assaisonner. Déposer la longe de chevreuil sur une plaque allant au four. Faire colorer des deux côtés avec de l’huile. Assaisonner et enfourner à 190 °C (375 °F) pendant 12 à 15 minutes. Sortir du four et garder au chaud. Dégraisser la plaque et déglacer avec la sauce. Réduire et passer au chinois.

À la dernière minute, remettre la sauce à bouillir et ajouter les herbes. Laisser infuser 5 minutes à couvert, hors du feu, et passer au chinois. Dresser en découpant la longe de chevreuil. La placer harmonieusement avec la garniture : champignons, petits oignons et julienne de jambon. Verser la sauce autour et décorer d’herbes fraîches. Conseils Cette recette pourrait être réalisée avec d’autres gibiers, comme le cerf, l’orignal, le daim et pourquoi pas le sanglier. Dans les commerces, ces gibiers dits « sauvages » n’ont souvent de sauvage que le nom. La majorité d’entre eux provient d’élevage, ce qui, en général, permet d’obtenir une viande plus tendre, souvent moins sapide. Si vous êtes le chasseur d’un animal âgé, je vous encourage à le faire mariner une ou deux journées. Dans le cas d’une jeune bête, la marinade dénaturerait son goût. Conservez toujours les os du gibier que vous abattez ; ils font les meilleures sauces. Comment s’organiser Une heure avant, faire la sauce. Pendant la cuisson, préparer la garniture faite de petits oignons, petits champignons et jambon. Trente minutes avant, enfourner la longe de chevreuil. Dans les dernières minutes, terminer la sauce avec l’infusion. Au dernier moment, trancher la viande et dresser.

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CHEF CUISINIER DE L'ANNÉE 2006

Laurent Godbout

Le modernisme culinaire nous permet de jouer avec différentes textures et différents goûts. C'est ce que j'ai voulu faire avec cette recette. C’est-à-dire que nous retrouvons le goût de la noix du gâteau aux carottes et du fromage blanc du glaçage. En mémoire de nos ancêtres, nous avons intégré à la recette de la farine de fleur de quenouille.

PRIX DEBEUR 2006

G ÂT E A U AUX CAROTTES


L E G ÂT E A U A U X CAROTTES EST UNE RECETTE QUÉBÉCOISE TRADITIONNELLE.

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POUDRE DE CAROTTE

1 c. à table de carotte fraîche lyophilisée, réduite en purée

BONBONS AUX CAROTTES ET GELÉE DE FROMAGE BLANC

1 c. à table de sucre

Bonbons 28 tranches fines de carottes, de 8 cm de longueur par 2 cm de largeur, confites dans un sirop

Mélanger les ingrédients et réserver.

12 cubes de gelée de fromage blanc

SIROP À LA CAROTTE

200 ml de jus de carotte 200 ml de sucre 15 ml de glucose Verser tous les ingrédients dans une casserole et porter à ébullition. Réduire le feu et laisser mijoter jusqu’à consistance sirupeuse. Réserver.

CAVIAR DE CAROTTE

1 c. à table de perle de tapioca 30 ml de sucre 250 ml de jus de carotte Mélanger tous les ingrédients et cuire à feu doux en remuant fréquemment jusqu’à cuisson complète. Égoutter et rincer à l’eau froide. Réserver.

Gelée 100 g de fromage blanc ⅛ c. à thé de jus de citron 1 feuille de gélatine 30 ml de sucre à glacer 1 c. à thé d’eau chaude 60 ml de crème 35 % mi-fouettée Battre ensemble le fromage et le jus de citron. Mettre la feuille de gélatine à tremper dans l’eau froide 2 minutes. Bien l’essorer et la mettre à dissoudre avec le sucre dans l’eau chaude. Verser sur le mélange de fromage blanc et bien incorporer. Ajouter délicatement la crème puis étendre dans une plaque filmée de pellicule plastique à une hauteur de 2 cm. Déposer au congélateur 2 heures. Démouler et couper 12 cubes de 2 cm de côté afin de les envelopper dans des tranches de carotte comme un cadeau. Réserver. Réserver les 4 restantes pour les chips.

SORBET CAROTTE

GÂTEAU AUX CAROTTES

325 ml de farine de fleurs de quenouilles 300 ml de farine tout usage 5 g de poudre à pâte 10 g de soda à pâte 10 g de cannelle 2 g de sel 250 ml d’huile de carotte (produit maison), sinon remplacer par de l’huile végétale 4 œufs 5 ml de vanille 750 ml de carottes râpées 250 ml de noix concassées (facultatif) Chauffer le four à 350 °F. Mélanger ensemble les six premiers éléments dans un bol. Dans un autre grand bol, mélanger l’huile, le sucre, les œufs et la vanille. Verser le mélange de farine par-dessus. Ajouter les carottes râpées et les noix. Verser dans les moules et cuire 20 à 30 minutes jusqu’à cuisson complète moelleuse. Refroidir 5 minutes. Réserver.

GLAÇAGE AU FROMAGE À LA CRÈME

1 ⅓ oz de fromage à la crème ramolli 1 c. à table de beurre fondu

250 ml de jus de carotte GLACE AU FROMAGE BLANC

80 g de sucre 15 ml de jus de citron

150 ml de crème anglaise

1 blanc d’œuf battu

65 ml de fromage blanc

Chauffer le jus de carotte et le sucre jusqu’à dissolution. Incoroporer le jus de citron. Mettre à refroidir puis déposer dans une sorbetière. Mettre à turbiner avec le blanc d’œuf jusqu’à ce qu’il soit prêt. Puis réserver au congélateur.

Passer au mélangeur les ingrédients, tamiser si nécessaire, puis mettre à turbiner à la sorbetière. Réserver au congélateur.

7 4 É D I T I O N S P É C I A L E  |   P OTA U F E U

1 c. à thé de vanille 2 tasses de sucre à glacer tamisé ½ tasse de noix de pécan hachés (facultatif) Avec un mélangeur électrique, mélanger à basse vitesse le fromage à la crème, le beurre et la vanille. Ajouter graduellement le sucre. Battre jusqu’à l’obtention d’une mousse. Ajouter les noix et étendre sur le gâteau.


CHIPS DE CAROTTE

Prendre les 4 tranches de carottes réservées des bonbons et les mettre à sécher à feu doux (80 °C) pendant 4 heures sur une toile de cuisson anti-adhérente. Réserver.

COULIS DE NOIX EN TEXTURE

300 ml de lait 50 g de miel 50 g de noix en poudre 4 g d’agar-agar

CRÈME AUX NOIX

50 g de beurre ramolli 100 g de sucre 100 g de noix concassées 1 œuf Dans un robot, mélanger beurre et le sucre. Ajouter l’œuf haché finement puis les noix. Pulser jusqu’à l’obtention d’une pâte. Mouler dans de petits moules et cuire au four à 450 °F pendant 5 minutes. Démouler et réserver.

Dans une casserole, cuire à feu moyen 30 minutes le lait, les noix et le miel. Ajouter l’agar-agar en fine pluie, bien brasser. Porter à ébullition. Passer au mélangeur puis au tamis. Réserver au frigo pendant 2 heures. Puis repasser au robot quelques secondes.

LES QUÉBÉCOIS ONT P R I S L’ H A B I T U D E D E LE GLACER AVEC UN GLAÇAGE BLANC ARCHI SUCRÉ, CE QUI N E S E FA I S A I T PA S À L’ O R I G I N E . LE GLAÇAGE AU FROMAGE À LA CRÈME A U R A I T FA I T S O N APPARITION EN 1968 DANS LES LIVRES DE RECETTES EN AMÉRIQUE DU NORD.

DRESSAGE

À l’aide d’une petite spatule, étendre le coulis de noix dans une assiette et déposer le gâteau aux carottes dessus. Tirer un trait du sirop aux carottes. Mettre les bonbons sur le sirop puis le caviar de carotte. Garnir de pousses de carotte. Faire un trait avec la poudre de carotte, y installer le disque de crème aux noix, et à l’aide d’une cuillère, mélanger délicatement le sorbet et la glace pour et en faire une quenelle que l’on déposera sur la crème aux noix. Appuyer une chips de carotte sur le gâteau et servir.

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CHEF PÂTISSIÈRE DE L'ANNÉE 2011

Sophie Morneau

Vieux d’au moins trois générations, le carré aux dattes était pour moi un parfait cobaye. J’ai donc décidé de remanier une recette de carré aux dattes et à l’orange. Je voulais qu’il devienne chic, léger, moins sucré, tout en gardant obligatoirement son même bon goût. Défi remporté !


PRIX DEBEUR 2008

C A R R É A U X D AT T E S

TUILE

220 g de beurre non salé 230 g de cassonade dorée 110 g d’avoine 200 g de farine

GARNITURE

250 g de dattes sèches 100 g d’eau 5 ml de jus de citron 2 oranges en suprêmes 50 ml d’eau 50 g de cassonade dorée 50 ml de jus orange frais Zestes blanchis

Pour faire la tuile, fondre le beurre et la cassonade dans un poêlon, retirer du feu. Mélanger l’avoine et la farine ensemble et ajouter au mélange. Passer la préparation au robot culinaire. Abaisser la pâte d’avoine au rouleau entre deux feuilles de papier parchemin pour obtenir une tuile mince. Découper des carrés de 7 cm x 7 cm (trois par portion). Réfrigérer et séparer les carrés, les cuire à 350 °C pendant 6 minutes. Les tuiles sont prêtes lorsqu’elles sont d’une couleur dorée. Faire refroidir. Conserver dans un contenant hermétique. Vous pouvez parsemer les tuiles de flocon d’avoine avant de les faire cuire. Déposer les dattes dans un chaudron avec de l’eau, donner une courte ébullition et jeter l’eau de cuisson. Remettre sur le feu avec les 100 g d’eau et le jus de citron. Cuire à feu doux jusqu’à l’obtention d’une pâte souple. Réserver. Cette garniture peut être congelée au besoin. Retirer les zestes des 2 oranges, et les blanchir à l’eau bouillante. Réserver. Détailler ensuite les oranges en suprêmes. Déposer dans un chaudron le reste des ingrédients. Amener à ébullition, ajouter les suprêmes et les zestes, donner un court bouillon. (Une trop forte ébullition risque de défaire les suprêmes). Réserver. Montage Déposer dans une assiette, un peu de mélange aux dattes (préalablement battu pour l’alléger) pour coller la première tuile. Déposer sur la tuile 25 g de garniture aux dattes, étendre. Couvrir d’une autre tuile et garnir de purée de dattes, déposer 3 suprêmes d’orange épongés. Finir le tout avec une dernière tuile. Se servir du sirop d’orange et des zestes comme garniture.

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CHEF PÂTISSIÈRE DE L'ANNÉE 2002

Isabelle Sauriol

J’ai voulu ce « shortcake » plus léger, savoureux et amusant. Il marie donc plusieurs textures à la fois : « aérienne pour la chantilly à l’érable », « rebondissante et fondante grâce à la gelée et la soyeuse », « le moelleux d’un gâteau à la vanille », « la texture rafraîchissante et acidulée des fraises au sumac » et… « le croquant sous la dent qu’offrent les flocons d’érable ». Un plaisir pour les yeux, le bonheur pour les papilles…

SHORTCAKE P R I N TA N I E R AUX FRAISES


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ÉDITION SPÉCIALE

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GÂTEAU VANILLE AU BEURRE

SOYEUSES À LA FRAISE

CHANTILLY À L'ÉRABLE

1 pincée de sel

6 feuilles de gélatine réhydratées

¼ de gousse de vanille

180 g de farine à pâtisserie

150 ml de crème 35 %

500 ml de crème 35 %

10 g de poudre à pâte

5 g de jus de citron

150 ml de sirop d’érable ambré

110 g de beurre tempéré

75 g de sucre

1 feuille de gélatine réhydratée

145 g de sucre

300 g de purée de fraises

2 œufs tempérés

Tapisser un moule carré de 8 po d’une ­ pellicule plastique. Mettre de côté. Réhydrater les feuilles de gélatine dans de l’eau froide + ou - 2 min. Quand les feuilles de gélatines sont réhydratées et ramollies, essorer et mettre de côté.

À l’aide d’un couteau, fendre la gousse de vanille dans le sens de la longueur. Toujours avec le couteau, gratter l’intérieur de la gousse pour en retirer les grains aromatiques.

Q.S. de vanille 100 g de lait Préparer un moule carré de 9 po, en beurrant et farinant les côtés. Recouvrir le fond d’un carré de papier sulfurisé Tamiser ensemble : sel, farine et poudre à pâte. Mettre de côté. Au malaxeur, à l’aide du fouet, crémer le beurre mou et le sucre jusqu’à homogénéité. Ajouter graduellement les œufs en laissant émulsionner entre chaque addition. Bien racler le fond et les pourtours du bol. Ajouter la vanille. Incorporer en alternant le lait et les ingrédients secs. Mélanger 1-2 minutes à petite vitesse, jusqu’à homogénéité. Verser dans le moule préparé. Cuire à 350-375 °F, de 30 à 40 minutes. Le gâteau est suffisamment cuit quand un pic (ou un couteau) inséré en son centre en ressort propre.Laisser refroidir 5 minutes et démouler. (Il est préférable que le gâteau soit cuit 1 ou 2 jours à l’avance). Note : Le temps de cuisson peut varier d’un four à l’autre. Au couteau-scie, retirer les parties colorées du gâteau pour ne garder que les parties blanches. Détailler des tranches de gâteau de 1 cm d’épaisseur. Dans ces tranches de 1 cm, détailler des rectangles de 9 cm x 4 cm. Vous déposerez dessus les rectangles de soyeuses à la fraise.

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Chauffer la crème 35 %, le jus de citron et le sucre. Une fois le sucre dissous, retirer du feu et y ajouter la gélatine. Bien mélanger. Ajouter la purée de fraises, mélanger. Verser dans le moule à 1cm d’épaisseur au maximum. Réfrigérer toute une nuit. Le lendemain, démouler la soyeuse et la découper en rectangle de 8 x 3 cm. Disposer les rectangles de soyeuse sur les « gâteaux vanille au beurre » pré-découpé.

Dans une casserole, déposer la gousse, les grains de vanille et la crème 35 %. Chauffer la crème et la vanille jusqu’à frémissement. Laisser infuser la crème à couvert + ou - 15 minutes. Dans une autre casserole, cuire le sirop d’érable jusqu’à 120 °F. Une fois ce stade de cuisson atteint, retirer du feu. Y verser doucement (en 2 ou 3 fois) la crème infusée à la vanille. Bien mélanger entre chaque ajout de crème. Mélan­ger jusqu’à dissolution complète. Passer au chinois étamine ou au tamis fin. Réfrigérer 24 heures. Le lendemain, fouetter jusqu’à une consistance ferme la crème chantilly.


GELÉE DE FRAISES ÉCLATANTE

6 feuilles de gélatine réhydratées 400 g de purée de fraises 10 ml de jus de citron frais 75 g de glucose

COULIS

Avec le surplus de gelée inutilisée, nous ferons le coulis : fondre la moitié de la gelée au micro-ondes. Verser la gelée fondue dans un mélangeur. Y ajouter l’autre moitié de gelée découpée en petits morceaux. Mélanger le tout jusqu’à l'obtention d'une texture de purée lisse.

Tapisser un moule carré de 8 ou 9 po d’une pellicule plastique. Mettre de côté. Réhydrater les feuilles de gélatine dans de l’eau froide + ou - 2 min. Une fois les feuilles réhydratées-et ramollies, essorer et mettre de côté. Chauffer la moitié de la purée de fraises, le jus de citron et le glucose. Quand le glucose est bien dissous, retirer du feu et écumer. Ajouter la gélatine. Bien mélanger. Ajouter le reste de purée de fraise, mélanger. Écumer le dessus de la gelée si nécessaire.Verser dans le moule à 1 cm d’épaisseur au maximum. Réfrigérer toute une nuit. Le lendemain, démouler la gelée éclatante aux fraises et en découper de petits cubes de 1 cm x 1 cm. Mettre de côté pour la décoration de l’assiette. Note : Estimer 5-6 cubes de gelée par personne.

FRAISES MACÉRÉES AU SUMAC ET À L'ÉRABLE

18-20 fraises de taille moyenne 5 ml de jus de citron frais 75 g de sucre d’érable 5 ml de sumac Couper + ou - 18 fines tranches de fraises. Mettre de côté pour la touche finale. Avec le reste des fraises, découper en petits dés de + ou - 5 mm. Mélanger ensemble dans un bol les dés de fraises, le jus de citron, le sucre d’érable et le sumac. Laisser macérer un minimum de 15 minutes. Égoutter l’excédent de liquide avant de disposer les fraises.

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ÉDITION SPÉCIALE

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CHEF PÂTISSIER DE L'ANNÉE 2003

Alain Bolf

Ce gâteau a une très bonne cote auprès de notre clientèle. Nous l’avons modernisé par le retrait de la crème au beurre traditionnelle qui n'est plus très populaire. Les gens recherchant plus de goût, nous avons décidé d'y ajouter une ganache au café et une mousse au chocolat noir et au caramel. Un vrai délice.

L’ O P É R A MODERNE FAÇ O N TRUFFÉ


BISCUIT JOCONDE

MOUSSE CHOCOLAT NOIR AU CARAMEL DÉCUIT

200 g de poudre d’amandes blanches

750 ml de crème fouettée

200 g de sucre glace

200 ml de crème 35 %

4 œufs entiers (200 g)

90 g de sucre semoule

40 g de farine tout usage

150 g de jaunes d’œufs

40 g de beurre doux

300 g de chocolat couverture Belcolade 64 %

6 blancs d’œufs (200 g)

50 g de chocolat Grand Caraque

30 g de sucre semoule

Monter le 750 ml de crème 35 % légèrement souple, sans sucre. Réserver au froid. Faire chauffer les 200 ml de crème 35 % et mettre de côté. Dans une casserole à fond épais, mettre le sucre à fondre à sec. Dès la première fumée ou le début de couleur caramel, y verser délicatement la crème chauffée. Lors de la décuisson du caramel, il y a danger d’éclaboussements. Verser le caramel décuit sur les jaunes d’œufs. Monter l’appareil jusqu’à 85 °C. Dans un cul de poule, mettre les chocolats préalablement hachés et verser dans l’appareil au caramel. Mettre la crème montée gardée au froid dans le mélange à l’aide de la maryse.

Mélanger la poudre d’amandes avec le sucre glace tamisé et les œufs entiers. Mélanger jusqu’à rendre mousseux. Ajouter la farine et le beurre fondu à la maryse. Incorporer les blancs d’œufs montés en neige ferme avec le sucre semoule. Cuire sur plaque à pâtisserie avec papier à cuisson dans un four ventilé pendant 10 minutes à 180 °C.

GANACHE CHOCOLAT LACTÉ AU CAFÉ

450 g de crème 35 % 25 ml d’extrait de café Trablit 450 g de chocolat au lait Belcolade Mettre à bouillir la crème avec l’extrait de café. Dans un cul de poule, déposer le chocolat en petits morceaux. Verser la crème bouillante pour le faire fondre.

MIROIR CHOCOLAT LACTÉ

MONTAGE DE L’OPÉRA

Dans un cadre, mettre un biscuit Joconde qui aura été chablonné et imbibé avec le sirop au café. Mettre une couche de mousse chocolat au caramel décuit. Mettre un biscuit Joconde imbibé au sirop de café. Mettre une couche de ganache lactée. Nous répétons la même étape des biscuits Joconde, de la mousse chocolat et de la ganache. Il est important que la couche soit mince (peser les quantités pour être sûr de l’uniformité). Une fois le montage complété, réserver au froid pour la finition pendant au moins 4 heures.

FINITION

Mettre à chauffer le miroir au micro-ondes pour que la température soit de 38 °C à 40 °C. Verser sur le montage de l’opéra, répartir le miroir avec la spatule courbée. Laisser bloquer. Démouler et couper selon votre groupe.

125 g de crème à 35 % 100 g de sirop à 30 °B 30 g de glucose 50 ml d’huile de canola

SIROP DE CAFÉ

60 g de chocolat au lait 250 g de pâte à glacer blonde

125 g de sirop à 30 °B 50 g d’eau 10 ml d’extrait de café Mélanger et porter à ébullition.

Faire bouillir la crème, le sirop, le glucose et l’huile. Dans un cul de poule, mettre le chocolat et la pâte à glacer. Verser l’appareil bouillant sur le chocolat. Remuer délicatement et réserver.

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TOUT L’HONNEUR EST POUR VOUS.

MD/®

Les fromageries Alexis de Portneuf et DuVillage 1860 félicitent la Société des chefs, cuisiniers et pâtissiers du Québec pour son 60e anniversaire. Nous sommes fiers d’être associés à votre réussite et nous vous remercions de votre fidélité. C’est un honneur de voir nos fromages primés partout dans le monde utilisés dans vos créations culinaires.

Mérite les honneurs

SUPER

GOLD

ANDRÉ DERRIEN ET JEAN-PAUL GRAPPE SE REMÉMORENT DE BONS MOMENTS.

Pour nous joindre : 1 888 547-3852


« foodies »

Entrevue : MICHÈLE HERBLIN

et réseaux sociaux

U N N O UVE AU PA R AD IGME

Quand on a la chance de rencontrer son avenir, on n’hésite pas à entrer en contact… ne serait-ce que par curiosité ! J’ai donc essayé de comprendre ce qui est en train de se passer dans la sphère actuelle de la cuisine communicante. Je vous pro­ mets quelques ficelles et recommandations d’usage… Vous en ferez bien ce que vous voulez ! Cependant, croyez qu’au­delà de la liberté de parole, des mots qui choquent et des conventions bousculées, une nouvelle ligne de sens pour le métier se dessine. La jeune génération réinvente les approches marketing et les règles de séduction de la clientèle. Les « foodies », ces amateurs passionnés de nourriture et de tout ce qui constitue l’univers de la restauration, se regroupent en communautés actives, échangent journellement, donnent leurs avis et leurs bonnes adresses… Sans ménagement ni pudeur, juste pour le plaisir de communiquer. Les éditions papier des guides touristiques sont devenus des recueils virtuels de bonnes adresses, ce Fou des Foodies, un incontournable de l’activité gastronomique de Québec. Les meilleurs blogues sont listés et récompensés par les médias… et pour s’y retrouver dans cette marée d’information dispensée largement sur les innombrables blogues, pages Facebook et autres communautés Twitter, on voit maintenant se multiplier les plateformes dédiées aux « Foodies ». « Cuisiniers­chefs­propriétaires­gens d’affaires­animateurs du star système », ils font tout à la fois, ces jeunes qui naissent avec une console entre les mains et pour qui Facebook, Twitter et autres Instagram sont des livres de chevet. Ils ont bien des choses à nous dire à nous « les timides­et­les modestes­de derrière­les fourneaux », à nous les « anciens » et « pas si vieux que ça » qui continuons à exercer le métier tous les jours. Bienvenue dans cette rencontre avec le chef vedette Danny St­Pierre (DSP) et la pro des réseaux sociaux Katerine­Lune Rollet (KLR).

DANNY, VOUS ÊTES UN DES CHEFS LES PLUS COMMUNICANTS DU MOMENT AU QUÉBEC. VOUS SUIVEZ LES FOODIES SUR LES MÉDIAS SOCIAUX ET VOUS DITES MÊME QUE SANS EUX LE MÉTIER PERDRAIT PLEIN D’OCCASIONS DE RAYONNER. COMMENT UTILISEZ-VOUS LES MÉDIAS SOCIAUX ?

DSP ­ En fait, c’est assez simple. Je me sers des médias sociaux pour entrer en contact avec mes clients et les gens qui sont intéressés par ce que je fais. C’est un jeu de communiquer sur les médias sociaux… Facebook, Twitter, les blogues des foodies… c’est le perron de l’église ! Les gens savent très bien qu’ils sont en train d’exposer leurs conversations. Pour moi le contact avec tous ces médias, c’est une stratégie d’écoute des clients. KLR ­ Tu as raison, Danny. Il y a beaucoup de blogueuses (je féminise car ce sont majoritairement des femmes) qui tripent sur la bouffe, qui ont envie d’appartenir à des communautés, d’interagir en exprimant leur passion. Un peu à la manière des générations très « je-me-moi »… DSP ­ Peu importe les raisons, les gens s’expriment sur tout. D’une certaine façon, ils diffusent leurs impressions brutes, du type « j’ai vu des choses que je trouve cool, j’en parle, je dis comment je me sens ! »… si je décide de les suivre, ils deviennent un pourvoyeur d’information que je privilégie. Ils se donnent la peine et prennent le temps d’écrire. Pour nous, restaurateurs, c’est un business-kit inestimable. VOUS ÉCOUTEZ VOS MARCHÉS, MAIS QUE PARTAGEZ-VOUS SUR LES MÉDIAS SOCIAUX ? COMMENT ET SUR QUOI VOUS EXPRIMEZ-VOUS, VOUS-MÊME ?

DSP ­ Peu importe ce que tu diffuses, si tu n’es pas intéressant, personne ne va suivre. Comme chef, je me sens la responsabilité de rester intéressant partout et tout le temps… Aujourd’hui si tu veux être reconnu, il faut trouver le moyen d’attirer l’attention. Il faut apporter du contenu. Il faut d’abord fixer sur quoi tu vas communiquer ! Je dois avoir une réflexion sur le métier, sur la région et le pays où j’exerce, sur ce que j’apporte de nouveau à table, comment je veux bien m’impliquer dans cette communauté. Avant on avait l’habitude de déléguer à des tiers la diffusion de l’infor­ mation sur nos produits. Avec les médias sociaux, je le fais moi-même, P O TA U F E U

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à ma façon, je suis le principal ambassadeur de mon propre produit. Plus besoin de relationniste. Plus besoin de quelqu’un pour t’ouvrir les portes. Tu accèdes directement aux gens que tu veux rejoindre.

bouffe ne s’amusent pas à détruire des restaurants ou à être hyper-négatifs, comme on l’a vu dans les journaux traditionnels. Ils veulent continuer à être invités dans les événements.

KLR – Là-dessus je me bats avec les chefs pour qui je suis consultante. Si vous communiquez sur Twitter, si c’est votre photo qui est sur le compte, c’est vous et vous seul qui devez transmettre les messages !

Personnellement, je continue de croire qu’un critique gastronomique a une connaissance beaucoup plus grande de la gastronomie, ce qui le rend mieux apte à juger. En revanche les blogueurs me tiennent informée sur tout ce qui se passe dans le monde de la bouffe. Ils m’inspirent, me donnent des idées.

Y A-T-IL UNE STRATÉGIE DE COMMUNICATION PARTICULIÈRE ADAPTÉE AUX MÉDIAS SOCIAUX ?

KLR - Ça peut être plusieurs choses : une passion qu’on veut partager, un outil de marketing, une façon de passer une information corporative au goût du jour. Dans tous les cas, vos messages doivent permettre aux gens d’être interactifs, de partager leurs commentaires. Quand on communique sur les médias sociaux, l’information n’est pas fixe. Elle n’a pas pour vocation de rester longtemps. Elle est instantanée et passe plus rapidement... À la différence d’un site web où l’information décrit l’offre et doit être consultable de façon plus permanente. DSP - J’utilise aussi les réseaux sociaux en invitant des blogueurs. Je monte des tours avec visite des producteurs locaux, je leur trouve des chambres (gratuites) en travaillant avec les organismes régionaux du tourisme, je les invite dans mes restaurants… Et ils en parlent. KLR - Tu es un très bon ambassadeur de ta région et tu apportes de la matière aux blogueurs. De quoi les intéresser et leur donner envie de diffuser leur plaisir. MAIS COMMENT FAITES-VOUS POUR COMMUNIQUER AUTANT ? ÇA PREND DU TEMPS ET UNE BONNE FORMATION POUR SE LANCER ?

KLR - Bien sûr on peut apprendre. Mais ça fait partie maintenant de la vie actuelle. Si on n’aime pas ou si on n’est pas à l’aise avec ça, on peut décider de se faire coacher ou de ne pas y aller. Ce serait dommage parce que c’est un outil supplémentaire fabuleux ! DSP - En fait, on n’a pas le choix de communiquer. Mais avant tout, on doit se poser la question de fond : qu’est ce que je veux faire avec ce métierlà ? Est-ce que je veux être un artisan et m’occuper de mes affaires ? Estce que je veux communiquer mon enthousiasme pour la cuisine ? Est-ce que je veux entrer en contact avec ma clientèle ? Est-ce que je veux faire connaitre ma région ? Tout est bon, il faut juste choisir où on est bien à l’aise. Oui il y a des formations pour ça. Mais en fait, plus t’es intègre, plus t’es honnête, et plus ta communication passe bien. Plus tu es intéressant, plus tu as du plaisir à répondre aux questions. Je pense que la sincérité est une valeur de base dans cette affaire-là. KLR - Authenticité, accessibilité deux mots essentiels sur les médias sociaux. FAUT-IL AVOIR PEUR DES FOODIES ?

KLR - Le journalisme traditionnel présente souvent les blogueurs comme des gens sans expérience ni autorité pour juger un plat. Ce à quoi je réponds que la plupart des blogueurs ne font pas de critique et ne se prétendent pas critiques culinaires. Ils se contentent de dire ce qu’ils ont mangé, et ce qu’ils ont aimé. La règle tacite, au moins ici au Québec, est de ne pas parler d’une expérience qu’on n’a pas aimée. Les blogueurs de 8 6 É D I T I O N S P É C I A L E  |   P OTA U F E U

DSP - Je ne prends pas position pour « journalisme traditionnel », « plateforme de diffusion », « blogue », etc. Pour moi, en tant que communicateur, je vais aller les chercher tous de la même façon. Leur portée va être différente, mais tout aussi utile pour mon restaurant. En général, les foodies ne demandent rien. Ce sont les autres qui vont vers leur site et décident de les suivre. En fait, il faut les prendre comme les témoins d’une scène. Ce sont des clients avertis pour la majorité, en bonne relation avec leur communauté. Moi j’ai moins peur d’un foodie qui a un blogue que d’un psychopathe qui va écrire sur Tripadvisor de façon anonyme. Le discernement n’est pas donné à tout le monde, et à partir du moment où on communique sur des médias largement ouverts, tout n’est pas contrôlable. QUEL IMPACT LA COMMUNICATION SUR LES MÉDIAS SOCIAUX A-T-ELLE SUR VOTRE ACTIVITÉ ?

DSP - Les blogueurs, c’est comme des piranhas : ils se mettent ensem­ble. Il y en a un qui commence puis le feu prend et tout le monde embarque ! La scène de Québec est extrêmement performante à ce niveau-là. Par exemple, je vais faire le FoodCamp avec plusieurs chefs de Québec et Montréal. Et tout le monde en parle. J’ai été particulièrement surpris de l’effervescence. Un groupe de foodies a fait un livre virtuel regroupant les meilleures adresses Fou des foodies et ils ont créé une plateforme. Ça marche ! Ils se suivent, ils se parlent, se contaminent… L’auditoire grossit bien plus vite que par le bouche-à-oreille et surtout rejoint une autre clientèle, elle aussi amatrice de cuisine. Les foodies sont une communauté avec des comportements qu’on ne connaissait pas avant. Ils se déplacent souvent en groupe, réservent des restos, louent des transports, réservent des hôtels. Ils sont aussi très liés avec les organismes touristiques régionaux. Ils représentent une clientèle nouvelle très dynamique. Beaucoup de gens m’annoncent sur Twitter qu’ils s’en viennent chez nous ; on met alors une note VIP sur l’ordinateur du restaurant. Je leur fais un petit cadeau, un verre, une petite entrée… Un signe, un regard, ah ! c’est toi… La relation est tout de suite plus étroite. KLR - Et ce n’est pas tout. Les gens twittent toute la soirée : « Dany nous a offert un verre, c’est le fun… merci ». La satisfaction est transmise en direct et en instantané : « Je suis allé chez Auguste, c’est pas si snob que ça. Ça coute pas si cher que ça ! C’est cool et on devrait tous y aller ensemble… » Les retombées sont souvent incalculables ! >


PHOTO : LOUIS-MICHEL GUÉNETTE


Créer des « rendez-vous » dans les médias sociaux, s’impliquer dans des fondations et le diffuser. Entrer en contact et faire de l’éducation. C’est une attitude entrepreneuriale qui respecte la société, …

VOUS SEMBLEZ DIRE QUE NOUS SOMMES PASSÉS DE PUBLICITÉS RELATIVEMENT PASSIVES À DES ACTIONS DIRECTES PLUS ACTIVES ET PROPRES À STIMULER LES RÉSEAUX ?

DSP - Oui, tout à fait ! On a contourné ce commerce décadent où on dé­lè­gue la communication à des tierces personnes. Encore une fois, il faut dépasser le « je-ne-sais-pas-comment-ça-marche » ou le « je-n’aipas-le-temps »… Il faut oser se poser les bonnes questions. C’est quoi le problème ? Tu ne veux pas te forcer ? Tu ne veux pas entrer en relation ? T’aimes ça payer 1 % de ton chiffre d’affaires par année pour des publicités que tu ne maitrises pas ? Avec la même somme, tu revitalises ton site web ; tu prends une petite formation ; tu travailles à coordonner ta plateforme et tes médias sociaux ; tu travailles pour les « driver » vers ton site web ; et là ça, devient payant ! AVEC MOINS DE 15 MOTS, ON TRANSMET DE L’ÉVÉNEMENT… MAIS PAS BEAUCOUP DE CONTENU NI DE PROFONDEUR… COMMENT FAITES-VOUS ?

DSP - Bonne question… Est-ce qu’on est en recherche de profondeur dans notre société ? KLR - Est-ce que les gens ont le temps de lire un grand papier ? Est-ce que c’est pas mieux pour eux de voir une photo et de se dire : « Ah ! Ils ont mis des choux de Bruxelles et j’adore ça ! ». On s’entend, on vend de la restauration, pas de la technique… La bouffe est ce qui se partage le mieux sur les réseaux sociaux parce qu’on mange trois fois par jour et que le sujet est inépuisable, tant pour les chefs que pour les consommateurs. DSP - La vie est une tempête et on navigue sur une petite pagode en essayant de réagir aux vagues qu’on se mange dans la face… On est rarement en planification. Avec mes interventions dans les médias sociaux, je veux apprendre aux gens à cuisiner comme s’ils géraient une organisation. Je veux apprendre aux gens que leur temps vaut de l’argent. Je veux apprendre aux gens le goût de prendre le temps de vivre. Sur Twitter, j’ai organisé des rendez-vous pour cuisiner. Une liste de mise en place le vendredi, et le lundi on cuisine ensemble de 18 à 18 h 30, en commu­ niquant par Twitter. Un rendez-vous, une petite date et on cuisine… « de chez Danny ». Je ne pensais pas que cet exercice-là, conçu comme un test, allait durer et que 35 articles le relateraient… EST-CE QUE COMMUNIQUER DANS LES MÉDIAS SOCIAUX RELÈVE AUSSI DE L’IMPLICATION DANS LA SOCIÉTÉ ACTUELLE, UN ACTE CITOYEN EN QUELQUE SORTE ?

DSP - Je pense que oui. Créer des « rendez-vous » dans les médias sociaux, s’impliquer dans des fondations et le diffuser. Entrer en contact et faire de l’éducation. C’est une attitude entrepreneuriale qui respecte la société, ce n’est pas seulement un travail !

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Mes deux restaurants sont pleins en ce moment et ma responsabilité c’est qu’ils le restent. Mais rien ne se fait sans générosité. Si tu veux être aimé, faut que tu aimes en retour. Tu peux pas tout garder pour toi, te refermer et être dans ton petit coco. Tu peux pas ne pas partager, faut que tu av­an­ces et que tu ailles vers les gens. Médias sociaux, perron de l’église, bénévolat. Trouve ta façon, mais si tu veux que tes restaurants marchent, va dehors et va aider le monde. [ Désolé je suis en feu ! ] À LEUR MANIÈRE LES ANCIENS ONT FAIT LA MÊME CHOSE, ILS SE SONT IMPLIQUÉS EN TRANSMETTANT LEURS SAVOIR-FAIRE. ILS ONT CRÉÉ LEURS PROPRES RÉSEAUX. ILS ONT FAIT CONNAI­ TRE DES PRODUITS NOUVEAUX ET ÉDUQUÉ LE GOÛT DES CONSOM­­MATEURS… VOUS PRENEZ LA SUITE AVEC LES MOYENS D’AUJOURD’HUI ?

DSP - Je ne pense pas qu’il doit y avoir de clivage entre les générations. Les foodies pourraient même rejoindre nos anciens chefs et se charger de diffuser la généalogie de notre gastronomie : où on allait au resto dans les années 50 ; ce qu’on mangeait, comment on formait les gens… Bonne idée, ce pont entre les moments clés de notre culture culinaire !

Peut-on ignorer ces faits portés au rang de phénomène social mondial ? Peut-on continuer à exploiter nos établissements en ignorant ces médias des temps modernes ? Pouvons-nous vraiment nous passer de leur puissance de communication ? Et, si la réponse est non, comment jouer avec ça quand on est chef d’un établissement plus artisanal ? La gastronomie peut-elle s’inscrire dans cette mouvance sans se renier ? Je ne crois pas aux conflits de générations. Je crois seulement que nous nous protégeons de ces techniques qui nous bousculent, par peur du ridicule ou du temps qu’il nous faudrait pour actualiser nos connaissances… Rien à voir avec nos compétences culinaires qui, bien sûr, sont même portées au rang de sources d’inspiration par la jeune génération ! Les « nouveaux chefs » raisonnent en efficacité immédiate pour lutter contre une compétition féroce, remplir leurs restaurants et partager avec leur clientèle cible des moments privilégiés. Parce qu’après tout, le métier, ce n’est pas le bagne ! Un grand merci à mes deux interviewés pour leur sincérité et leur enthousiasme. Et bonne communication à tous ! |


Une petite

mise en contexte

EN RÉSUMÉ QUELS SONT VOS TRUCS POUR UTILISER EFFICA CEMENT LES MÉDIA SOCIAUX ?

Pour

Katerine-Lune Rollet

1 Il faut y aller en fonction de chaque personnalité. On peut être plus porté sur Facebook ou sur Twitter, dépendamment de ce qu’on aime ou de l’information qu’on a. Si vous n’avez pas le temps et si vous n’aimez pas ça, n’y allez pas, rien ne vous y oblige. 2 Si vous avez envie d’essayer, commencer par un. Allez-y lentement. Twitter est un peu dur à approcher. Allez-y tranquillement, donnez-vous trois semaines. Partez en vacances et retournez-y. Vous allez voir, ça devient une drogue… Et après on s’en soigne. 3 Oui, il faut doser les choses et suivre vos propres capacités d’apprentissage

Le temps consacré à l’internet ne cesse d’augmenter. Plus de 1 Milliard de personnes utilisent les réseaux sociaux, la plus forte progression est Twitter avec 55 millions de tweets par jour. Source : comScore 2011

80 % DES CANADIENS (76 % DES QUÉBÉCOIS) UTILISENT L’INTERNET

dont 76 % au moins une fois par jour et 58 % pour communiquer sur les réseaux sociaux. (les femmes en sont les principales utilisatrices) Statistiques Canada 2011

La communication par les réseaux sociaux est en pleine explosion…

Pour

Danny St-Pierre

1 Peu importe la fréquence de communication, il faut être intéressant et rester dans votre sujet. « J’ai acheté des petits souliers rouges… tout le monde s’en fout ! » 2 Il faut garder un contenu semi-professionnel, cohérent et instructif. Il faut que le message serve au client. 3 Il est préférable de maximiser ses interventions par des chaines entre tes médias sociaux. Par exemple, je pars d’Instagram avec une photo à laquelle j’ajoute un commentaire. Je passe par Twitter qui passe par Facebook. Avec la géolocalisation, c’est encore mieux. 4 Si vous n’êtes pas capable de prendre de belles photos, n’en mettez pas… parce que c’est poche de regarder de mauvaises photos… Surtout de la photo de bouffe !

les marques du fast food ne s’y trompent pas : BURGER KING STARBUCK

25 MILLIONS DE FANS EN 2011

+ 110 % DE SES FANS…

Elles rivalisent de créativité pour attraper de nouveaux consommateurs au moyen de stratégies ludiques, d’enquêtes de proximité ou de cadeaux… Source : L’Atelier BNP Paribas 2011

Food Bloggers of Canada Depuis sa création en décembre 2011, le FBC regroupe près de

1 000 ADHÉRENTS, DES BLOGUES D’AMATEURS CONSACRÉS À LA NOURRITURE, RECETTES ET AUTRES BONS PLANS BOUFFE… la majorité issue des trois grandes zones urbaines que sont Toronto, Vancouver et Montréal. Source : FBC 2013 P O TA U F E U

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ÉDITION SPÉCIALE

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PHOTO : LOUIS-MICHEL GUÉNETTE

Jean-Pierre Curtat, chef exécutif au Casino de Montréal


Notre culture

Texte : JEAN-PIERRE CURTAT CASINO DE MONTRÉAL

culinaire

À L’ÈRE D E LA CO NVE RGE NC E

Au fil des soixante dernières années, la Société des Chefs a été le témoin et le complice de la naissance de la culture gourmande au Québec ainsi que de l’essor d’une industrie. L’évolution culinaire du Québec a été spec­taculaire. Certes, le terreau de cette culture était déjà en place pour permettre une évolution si phénoménale. Premier fruit de cette nouvelle culture, un terroir s’est développé et diversifié. Dans le domaine du tourisme, la notoriété internationale et la recon­ naissance sont des atouts. EN UN TEMPS OÙ L’ON PARLE DE LA PLANÈTE COMME D’UN VILLAGE GLOBAL, QUELLE PLACE REVIENDRA AU QUÉBEC ?

Les temps ont changé. La France, si dominante, ne règne plus sans par­tage. Les États-Unis, fief de la restauration rapide, ont développé non pas « un » mais « des » terroirs vinicoles reconnus, en plus de chefs locaux à carrure internationale. D’autres pays frappent à la porte de la recon­ naissance. Pensons au Japon qui compte plus de restos triplement ou doublement étoilés que la France. Des pays comparables en population au Québec, comme les Pays-Bas, la Belgique ou la Suisse, comptent cha­ cun une centaine de maisons étoilées. Certains pays ont trouvé d’autres voies pour s’inscrire au palmarès mondial. L’Espagne a pris l’angle du modernisme. Les pays scandinaves n’ont pas une tradition de table recon­ nue. Voilà qu’ils font figure de coqueluche en misant sur la nordicité et des valeurs de développement durable. Quelle sera la place du Québec dans tout ça ? On ne fait décidément pas figure de parent pauvre. Plusieurs critiques et guides placent Montréal dans le « top 10 » des destinations gourmandes internationales, ce qui nous donne une place encore plus enviable sur notre continent. Des études montrent qu’on retrouve, de plus en plus, des restaurants pour les riches et des restaurants pour les pauvres. Le Québec échappe sans doute à ce triste schéma avec une offre très diversifiée et bien intégrée. Au palmarès du rapport qualité-prix, nous sommes certainement dans le peloton de tête.

On parle de locavorisme (manger local) comme d’une tendance lourde. Là encore, le dynamisme des artisans du terroir nous aide à faire bonne figure, malgré les rigueurs du climat. Finalement, l’accueil et le service sont des éléments fondamentaux de l’expérience. Il est certain que notre convivialité et notre professionnalisme sont appréciés et teintent notre industrie de notre personnalité. C’est sans parler de nos sommeliers qui ne cessent de se distinguer sur la planète. De plus, on parlait autrefois de la gastronomie québécoise comme d’un phénomène urbain. Depuis, les régions ont pris leur place.

... on parlait autrefois de la gastronomie ­ québécoise comme d’un phénomène urbain. Depuis, les régions on prit leur place. Je ne ferai pas la liste exhaustive de nos atouts. Notre culture culinaire s’est développée à une vitesse phénoménale. L’industrie de la restaura­ tion fait plus que d’accroître la qualité de vie. Elle constitue souvent un élément-clé dans la prise de décision d’une destination touristique et devient, de ce fait, un puissant moteur économique. Tourisme Montréal prend d’ailleurs, à raison, la qualité de notre table comme axe principal d’attrait dans sa mise en marché de la ville. D’autres plates-formes se développent pour stimuler notre essor. Ainsi, la revitalisation de la Société des Chefs aussi y contribue. Le festival Montréal en lumière connaît déjà de très belles retombées et l’orga­ nisation travaille actuellement à se renouveler et à augmenter son rayonnement, qui devient notre rayonnement. Bref, j’avoue que j’ai rarement constaté, au fil de ma carrière, un pareil niveau d’énergie dans la restauration pour notre développement collectif. Fort de l’adage que l’union (des ressources !) fait la force, je crois que le temps est maintenant à la convergence et à la synergie !

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Arnaud Marchand en compagnie de Vincent Noël et de son épouse France Gagnon de la Vinaigrerie traditionnelle Cass’Isle d’Orléans.

PHOTO : LOUIS-MICHEL GUÉNETTE

CASS’ISLE D’ORLÉANS S’INSPIRE DU SAVOIR-FAIRE D’AUTREFOIS ET ÉLABORE DES VINAIGRES QUI RESPECTENT LE PROCESSUS D’ACÉTIFICATION NATURELLE D’UNE TRADITION SÉCULAIRE. CASS’ISLE D’ORLÉANS PRODUIT UNE VARIÉTÉ DE VINAIGRES, ENTRE AUTRES, LE VINAIGRE DE GADELLES ROUGES, BLANCHES, DE CIDRE DE GLACE, DE FRAMBOISES, DE CASSIS, DE VIN ROUGE…


L’aventure boréale

Entrevue : ISABELLE BLEAU

P OU R L’AMO UR D ES PRO D UIT S D ’ICI

Fort d’une dizaine d’années d’expérience auprès de chefs français de re­ nom, installé depuis près de cinq ans au Québec, finaliste d’une compé­ tition télévisuelle où il s’est surpassé, le jeune prodige Arnaud Marchand est un amoureux des produits locaux. En 2012, il se lance en affaires avec le chef propriétaire du restaurant Le Saint­Amour, Jean­Luc Boulay, qu’il avait rencontré en 2010 sur le plateau de l’émission Les Chefs. C’est le coup de foudre professionnel qui les entrainera tous deux dans une aven­ ture pleine de défis et de surprises. En effet, lorsque qu’Arnaud se concerte avec son associé pour l’ouverture de leur restaurant Chez Boulay – Bistro boréal, il était loin de se douter de ce qui les attendait. En proposant une cuisine nordique, rythmée par le cycle des saisons, les deux associés avaient tout autant le désir de plaire au public curieux de Québec que la volonté de faire découvrir les produits nordiques à une importante clientèle touristique en quête d’aventure gastronomique. Aujourd’hui, le jeune chef propose une carte distinctive, composée à 80 %, voire 90 % de produits boréaux et ce, tout au long de l’année. Un exercice qui force la créativité et où la recherche de produits et l’établissement de liens durables avec les producteurs sont incontourn­ ables. Un choix heureux qui amène découvertes et nouvelles amitiés. UNE CUISINE EN ACCORD AVEC NOTRE NORDICITÉ

En optant pour un concept de cuisine nordique, le but était d’aller chercher un maximum de produits origi­ naires du Québec. « Au début, avec Jean­Luc, nous nous sommes posé de nombreuses questions pour savoir comment nous parviendrions à remplacer les agrumes, le vinaigre balsamique, l’huile d’olive et les épices, qui sont tous des produits importés » nous avoue Arnaud Marchand en entrevue. Cela représentait tout un défi auquel s’est attaqué le chef qui, au fil de ses recherches, va découvrir une multitude de produits d’exception. « Par exemple, le citron. Je le remplace par un excellent vinaigre de cidre biologique. Ça fait admirablement bien le travail et le goût est subtil. Je vais ainsi chercher mon acidité avec d’excellents vinaigres, dont ceux de la vinaigrerie traditionnelle Cass’Isle d’Orléans. On y trouve des producteurs passionnés qu’on m’a fait découvrir récemment. À la place de l’huile d’olive, j’emploie des huiles de première pression à froid faites au Québec : huiles de canola, de tournesol, de pépins de canneberges... dont les huiles somptueuses de la marque Les Jolies Demoiselles. »

Chez Boulay – Bistro Boréal, même les épices sont réinventées. C’est bien ce qui démarque le plus ce resto, le seul au Québec à pousser aussi loin la démarche de produits nordiques. Ici, le client ne mange pas de plats parfumés au cari ou au cumin, mais plutôt à la racine de céleri sauvage, à la fleur de miel, aux pétales de roses, aux graines de moutarde du Québec, graines de myrica, gadelles sauvages, etc. Qui aurait pensé à une infusion de thé du Labrador dans une sauce, une saisie de bœuf roulé dans des graines de caméline (une sorte de sésame québécois) ? Les possibilités sont infinies. Nombre de ces épices proviennent D’Origina, nous indique Arnaud, une coopérative forestière qui récupère tout ce qui est à l’intérieur du bois de la forêt boréale pour en faire des épices. Pour les viandes, même le bison provient en partie du Québec. Sinon de l’Ouest du pays quand il devient impossible de s’en procurer. Et malgré notre climat, le chef propose des desserts à partir de fruits d’ici : baies sauvages, canne­ berges, bleuets, fraises, argousier, chicoutai et des produits surgelés pour les coulis, en hiver. De l’inventivité, notre jeune chercheur en a à revendre… LES DÉFIS D’UN TEL POSITIONNEMENT

Un positionnement comme celui­ci soulève au bistro Chez Boulay – Bistro boréal de nombreux défis en termes d’approvisionnement et de dispo­ nibilité des produits. « Il est indispensable d’établir un bon rapport qualité­prix pour la clientèle, et la tâche devient complexe quand certains produits coûtent 200 $ le 500 grammes », admet Arnaud Marchand. « En fait, rien que pour les huiles et les épices, ça nous coûte dix fois plus que pour des produits réguliers. Il nous faut donc exceller dans la gestion des stocks. Mais ce qui nous sauve aussi, c’est le volume. Nous servons autour de deux cents couverts par soir. Et nous avons depuis peu instauré une carte « Banquet nordique » pour les événements de l’Hôtel Manoir Victoria où nous logeons. Ça fait un an qu’on existe, ça va bien, mais il faut que nous restions vigilants. C’est dur parfois de se faire fournir avec régularité. En plus de la carte, j’ai donc une ardoise en fonction de ce qui est disponible. » DU TEMPS, BEAUCOUP DE TEMPS

On imagine facilement que le temps consacré au développement soit considérable et que notre novateur fasse de très longues journées.

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En optant pour un concept de cuisine nordique, le but était d’aller chercher au maximum des produits originaires du Québec. PURÉE DE COURGE MUSQUÉE AU S A P IN B A U M IE R

« Je pourrais dire que je dédie 30 % de mon temps à la recherche de pro­ ducteurs. Établir une relation de confiance avec les producteurs régionaux demande du temps, beaucoup de temps, mais j’aime ce travail patient. Notre volume est assez important pour que des producteurs locaux produisent certaines variétés pour nous. Par exemple, les topinambours de La Ferme des Monts dans Charlevoix. On en commande suffisamment pour qu’ils puissent le faire. Des producteurs me font aussi découvrir des produits que je ne connaissais pas : une herbe spéciale, un légume qu’on ne produit plus, etc. Il y a aussi le développement du restaurant qui exige du temps. Je construis ma carte, crée des recettes… » Pour encore mieux connaître Arnaud Marchand, nous cherchons à savoir qui l’inspire en cuisine. Il nous parle de Michel Bras, chef trois étoiles au Guide Michelin, qui a développé un peu une philosophie familiale dans son restaurant à Laguiole. « C’est un chef que je respecte beaucoup. Il offre une qualité de vie à ses employés en leur donnant trois jours de congé par semaine, mais en leur demandant de fournir leur 150 % pendant les quatre autres jours. Pour un restaurant trois étoiles, parvenir à faire cela, est incroyable ! De plus, sa cuisine va à l’essentiel. On y retrouve simplicité et, en même, temps la complexité pour que tout soit parfait à l’intérieur de l’assiette, jusqu’à la cuisson du moindre légume. Son célèbre gargouillu est pour moi la salade parfaite. Elle est faite d’un mélange d’herbes, de fleurs et de condiments pour agrémenter, condiment acidulé à la betterave, coulis d’abricot, etc. On assemble soi­même pour obtenir différents goûts. Je dois dire que tous les chefs que j’ai rencontrés au cours de ma carrière ont été une source d’inspiration, dont Jean­Luc Boulay, bien sûr. » ALLER PLUS LOIN…

Arnaud Marchand compte aller encore plus loin dans l’utilisation des ingré­ dients nordiques en travaillant sur des produits spéciaux, en recherchant des espèces perdues, des légumes oubliés, comme, dénicher une espèce de salade typique du Québec qu’on ne mange plus… « Pensons à la graine de moutarde du Québec. Quelqu’un me disait que pour lui c’était de la mauvaise herbe. Il y a une certaine méconnaissance des plantes aujourd’hui, c’est malheureux. Prenez les asclépiades – une sorte de grosse câpre boréale – ou le cœur de quenouille, qui s’apparente au cœur de palmier. C’est délicieux. On est au début seulement de l’aventure, mais quelle belle aventure », conclut Arnaud Marchand. |

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LA IT D E C IB O U LE T T E


M AQ U E R E A U D U S A IN T - LA U R E N T À LA M O U TA R D E

P É TO N C LE S D E S ÎLE S - D E - LA - M A D E LE IN E R OT IS

P O TA U F E U

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ÉDITION SPÉCIALE

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L’ANNÉE 2013 MARQUE LES 45 ANS DE L’INSTITUT DE TOURISME ET D’HÔTELLERIE DU QUÉBEC (ITHQ). L’ÂGE DE LA MATURITÉ, MAIS AUSSI CELUI OÙ ON A LE DÉSIR DE CONCRÉTISER SES RÊVES ET SES AMBITIONS. LA DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L’ITHQ, LUCILLE DAOUST, NOUS PARLE DE CETTE ÉCOLE UNIQUE, SOLIDEMENT IMPLANTÉE AU QUÉBEC, MAIS DE PLUS EN PLUS OUVERTE SUR LE MONDE.

La directrice générale de l’ITHQ, Lucille Daoust, et l’équipe des professeurs de cuisine et de pâtisserie


L’ITHQ

Photo : PIERRE BEAUCHEMIN, ITHQ

a 45 ans

U N E É C O LE D ’IC I O U VE RTE S UR LE MO ND E

ENTRE LE MILIEU SCOLAIRE ET LE MARCHÉ DU TRAVAIL, IL Y A PARFOIS BIEN DES DIFFÉRENCES. COMMENT L’ITHQ PRÉPARE-T-IL LES JEUNES À LA « VRAIE VIE » ?

Je crois que nous sommes de plus en plus sensibles à l’importance de nous apparenter à la réalité de l’industrie, surtout avec la pénurie de main-d’œuvre que nous connaissons. Prenez nos programmes Signature ITHQ, basés sur le principe de l’alternance travail-études. C’est un type de programme enrichi, qui comprend davantage d’heures de formation et de stage. Cette valeur ajoutée vient du fait que les programmes ont été élaborés en collaboration avec des professionnels du milieu. Nos étudiants sont donc rapidement préparés à répondre aux exigences du marché du travail. Ça traduit bien notre volonté d’être encore plus proche, plus complice de l’industrie.

partie de la Leading Hotel Schools of the World. C’est une association mondialement reconnue qui regroupe des établissements offrant au moins un programme universitaire en gestion hôtelière, et qui n’admet qu’un seul établissement par pays. Je pourrais aussi vous parler du Centre d’expertise et de recherche en hôtellerie et restauration de l’ITHQ qui mène, depuis 2009, une recherche conjointement avec l’École hôtelière de Lausanne. MIS À PART SES LIENS AVEC LE MILIEU, ICI ET SUR LE PLAN INTERNATIONAL, QU’EST-CE QUI MIJOTE À L’ITHQ EN CE MOMENT ?

À l’heure actuelle, la réflexion qui nous anime est de nous demander comment nous pouvons aller encore plus loin. Le milieu s’attend à ce que l’ITHQ soit à l’avant-garde, qu’il reste à l’affût de la nouveauté. Or, une des tendances les plus fortes en ce moment, c’est la gastronomie.

MAIS VOS ÉTUDIANTS NE FONT PAS QUE DES STAGES AU QUÉBEC ?

COMMENT DÉFINISSEZ-VOUS LA GASTRONOMIE ?

C’est aussi important pour eux d’être en contact avec d’autres cultures, d’autres traditions et types de savoir-faire. Par exemple, dans le cas de Cucina Italiana, qui est un programme Signature ITHQ, nos étudiants bénéficient d’un complément de formation de 13 semaines en Italie : deux semaines de formation à Alma, La Scuola Internazionale di Cucina Italiana, et 11 semaines de stage dans des établissements renommés. Nos étudiants d’un autre programme Signature ITHQ, Formation supé­rieure en cuisine, ont aussi un stage de 12 semaines dans des maisons étoilées Michelin ou faisant partie des Relais & Châteaux. Des expériences de ce genre sont possibles parce que nous avons établi des partenariats très intéressants, comme notre entente avec l’Association des Relais & Châteaux, qui prévoit notamment que nos étudiants peuvent faire des stages dans des établissements très réputés en Europe et ailleurs dans le monde. Un autre exemple : l’ITHQ fait partie des 15 écoles hôtelières dans le monde – et est la seule en Amérique du Nord – que Sofitel World a choisies pour son programme de perfectionnement School of Excellence. À leur retour au Québec, nos étudiants rapportent un bagage de connaissances très riche, et tous en profitent, y compris le milieu.

Tous ne s’entendent pas sur ce qu’est la gastronomie, il y a plusieurs dé­­fi­­ni­tions. À l’ITHQ, nous voulons développer notre expertise quant à cer­taines de ses dimensions, comme l’expérience globale proposée au client, qui comprend aussi bien le produit que le service ou l’accueil. La notion d’écoresponsabilité fait aussi partie de la gastronomie, et elle est de plus en plus présente dans le milieu. On le voit bien avec l’attention accordée aux produits locaux, à l’alimentation comme un déterminant de la santé ou à la question de la salubrité alimentaire. Il y a aussi l’importance de la gestion, qui est cruciale pour qu’une entreprise demeure rentable. Et, bien sûr, on ne peut pas passer à côté de la créativité. Il s’agit d’ins­piration, mais qui s’appuie sur la rigueur, les connaissances et la maîtrise des techniques de tous ceux et celles qui œuvrent dans l’industrie.

AVEC TOUS CES LIENS AVEC L’ÉTRANGER, EST-CE QUE L’ITHQ EST DEVENU UNE ÉCOLE DE CALIBRE INTERNATIONAL ?

D’AUTRES DÉFIS ?

Mon Dieu, oui ! Vous savez que d’ici 2025, on dit qu’il y aura 55 000 emplois à combler dans les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration au Québec. Nous avons bien l’intention de travailler avec le milieu pour trouver des réponses à ce besoin de main-d’œuvre. Et j’ai pleinement confiance que l’ITHQ fera partie de la solution. Ce n’est pas pour rien que la signature du 45e anniversaire de l’ITHQ est Bâtisseur d’avenir depuis 45 ans. Pour moi, ça veut tout dire.

En tout cas, nous travaillons très fort pour ça ! Depuis 2010, l’ITHQ fait P O TA U F E U   |   É D I T I O N S P É C I A L E

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LA MÊME ANNÉE OÙ SON PÈRE ÉTAIT HONORÉ, LA PALME DU MEILLEUR APPRENTI EN CUISINE AU QUÉBEC. UN MOMENT TOUCHANT ! COMME SON PÈRE, SIMON TRAVAILLE À LA PROGRESSION DE LA SCCPQ ; IL EST REPRÉSENTANT DES MEMBRES POSTULANTS AU CONSEIL D’ADMINISTRATION NATIONAL ET PARTICIPE À UN COMITÉ STRATÉGIQUE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’ASSOCIATION. NOUS AVONS RENCONTRÉ SIMON EN COMPAGNIE DE SON PÈRE, POUR ÉCHANGER À PROPOS DE LEUR VISION DE LA PROFESSION.

MARIO MARTEL A ÉTÉ CHEF EXÉCUTIF ET CORPORATIF AINSI QUE CHEF PROPRIÉTAIRE. COMMUNICATEUR NÉ, IL ANIME DEPUIS LE DÉBUT DE SA CARRIÈRE DES CHRONIQUES CULINAIRES À LA RADIO ET À LA TÉLÉ­ VISION. IL DIRIGE AUJOURD’HUI L’ACADÉMIE CULINAIRE DE QUÉBEC OÙ, CHAQUE ANNÉE, DES CENTAINES DE PERSONNES VIENNENT SUIVRE DES ATELIERS CULINAIRES AUX THÉMATIQUES VARIÉES. CURIEUX ET ALLUMÉ, LE CHEF CONTINUE D’EXPLORER LES NOMBREUSES FACETTES D’UNE PROFESSION QUI LE PASSIONNE ENCORE APRÈS TRENTE ANS. IL EST UN MEMBRE MARQUANT DE LA SOCIÉTÉ DES CHEFS CUISINIERS ET PÂTISSIERS DU QUÉBEC. SON APPORT A D’AILLEURS ÉTÉ SOULIGNÉ EN 2012 LORSQUE SES PAIRS LUI ONT DÉCERNÉ LE PRIX MÉRITAS.

PHOTO : LOUIS-MICHEL GUÉNETTE

FILS DE MARIO MARTEL, SIMON MCGRATH-MARTEL A DONC DE QUI TENIR. CHEF DE PARTIE AU RESTAURANT LE BISTANGO À QUÉBEC, LE JEUNE CUISINIER REMPORTAIT,


Martel Mcgrath

Entrevue : ISABELLE BLEAU

L’E NGAGE ME NT, D E PÈ RE E N F ILS

QUEL IMPACT AVEZ-VOUS EU L’UN SUR L’AUTRE ?

Simon McGrath-Martel – Le fait d’avoir un père chef m’a fait réaliser plusieurs choses très tôt et m’a permis de développer mon côté artistique. Enfant, j’entrais dans la cuisine du Galopin, regardais avec curiosité mon père travailler les produits… J’avais accès à un monde alors mystérieux pour moi. Bien que mon désir ait été vague à cette époque-là, je me disais qu’un jour je deviendrais comme mon père. J’ai plus tard entrepris une formation en cuisine et il est devenu clair que j’étais à ma place. Mario Martel – Quand Simon m’a dit qu’il avait choisi la cuisine, ça a d’abord été un choc, car je sais que c’est un métier difficile, qui exige une somme de travail considérable, que c’est un métier dur aussi pour la vie de famille. Mais, en même temps, j’ai éprouvé un sentiment de fierté. Je craignais par contre mon niveau d’exigence à son égard. Aujourd’hui, je suis heureux. Je lui reconnais de très grandes qualités, une belle attitude et une grande autonomie. La cuisine, c’est naturel chez lui. Finalement, c’est rassurant pour un père qui fait la même profession. Je vais vous dire ce qui a été ma plus grande surprise. Après trente ans de carrière, j’avais l’impression que ma propre carrière achevait ; le fait que mon fils adopte ce métier et qu’il le fasse bien m’a fait revivre dans ma profession. J’ai le sentiment que ma carrière se prolonge. Simon et moi, on se relance l’un et l’autre. C’est très stimulant. AVEZ-VOUS TOUS LES DEUX LA MÊME PHILOSOPHIE CULINAIRE ? QUELS SONT VOS MODÈLES EN CUISINE ?

MM – Il y a beaucoup de ressemblance entre nous, mais il y a eu quel­ ques différences que je retrouvais non seulement chez mon fils, mais chez d’autres jeunes aussi. La créativité des jeunes est exceptionnelle, ils réinventent les façons de faire ce métier, mais en négligeant un peu les bases qui, pour moi, sont primordiales. Mais heureusement, la plupart du temps, plus ils avancent dans leur métier, plus ils comprennent l’importance de revenir à ces bases. SMM – Disons que j’ai acquis peu à peu sa philosophie. À 19 ans, j’étais chef au premier resto où j’ai travaillé. Ce qui m’a vite amené à une remise en question. Il est vrai que je ne maîtrisais pas totalement mes bases et qu’il était nécessaire de les consolider. Ce que j’ai fait en travaillant et auprès de mentors. Mon père est un modèle pour moi, bien entendu,

quand je regarde tout ce qu’il a réalisé dans sa vie. Et il est aussi un excellent coach. J’apprends toujours de lui. Quand je regarde ses trophées, je réalise le travail et l’intensité qu’il a fallu pour les mériter. Notre métier apporte de grandes joies, mais aussi de grandes déceptions, et demande beaucoup d’adaptation. Pour ma part, je cherche à trouver un équilibre entre ma jeune vie de couple, la maison, le travail, etc. MM – J’ai eu plusieurs mentors dans ma vie. C’est indispensable pour t’aider à te forger une vision et te démarquer. J’ai aussi toujours dit à mon fils qu’il était nécessaire pour avancer dans le métier de participer à des compétitions, car elles permettent de te dépasser au quotidien. Chaque jour, il y a des efforts à fournir, un respect, un soin et une attention à apporter dans ton travail, de la même manière qu’en compétition, où tu te mesures aux autres, mais surtout à toi-même. Quand Simon m’a annoncé qu’il participait au concours de l’apprenti de l’année au Québec, je l’ai encouragé. D’ailleurs, il a remporté le titre, l’année dernière. SIMON, QUELLES SONT VOS ATTENTES EN CE QUI A TRAIT À VOTRE CARRIÈRE ?

SMM – Je suis un épicurien et un curieux. Ce que j’aime le plus dans ce métier, c’est la découverte. Être constamment surpris… Mais pour être franc, je vous dirais que bien que je sois ambitieux, je n’ai pas un plan de carrière défini. Je sais cependant qu’un jour, j’aurai mon propre resto. Il y a plein d’aspects qui m’intéressent dans ce métier. Je cherche une stabilité, mais en même temps je suis un hyperactif. J’ai toujours des projets en parallèle, comme investir dans un terrain pour en faire un jour une terre maraîchère qui fournirait mon futur resto en légumes… Je vois loin, tout en demeurant réaliste. M. MARTEL, LES ATTENTES DE SIMON SONT-ELLES SI DIFFÉRENTES DE CELLES QUE VOUS AVIEZ AU MOMENT DE D’ENTREPRENDRE VOTRE CARRIÈRE ?

MM – Non. Il a la naïveté, la fraîcheur, l’audace que malheureusement nous avons tendance à perdre avec les années. On finit par trop tout analyser. Mais à ses côtés, j’ai l’impression de retrouver un peu de cette fraîcheur. Quand j’étais plus jeune, j’avais le vent dans les voiles, j’ai été chef exécutif au Faubourg Saint-Honoré, j’ai ouvert des restaurants – Le Melrose et Le Galopin – j’ai participé à de nombreuses compétitions > P O TA U F E U   |   É D I T I O N S P É C I A L E

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« Il est important de ne jamais renier ce qui a déjà été fait, d’aller dans le sens de la continuité, de sui­vre l’évolution de nos produits québécois et d’en faire la promotion auprès du public. » – SMM culinaires inter­nationales et gagné à plusieurs reprises. J’embarquais dans tout et j’étais partout. Tout cela représentait énormément de stress, mais surtout beaucoup de plaisir. Les résultats dépendent toujours de notre investissement dans le travail. Simon m’aide à retrouver ces qualités de jeunesse. C’est très bien.

icônes. Je voulais me rapprocher de ces gens, qu’ils me guident, m’orien­ tent. La SCCPQ nous procurait un réseau, nous donnait l’occasion de participer à des salons culinaires, des compétitions, des stages, des voyages… Quand un chef passait dans les médias, cela lui donnait tout de suite une reconnaissance auprès du public.

LE MÉTIER S’EST TRANSFORMÉ ÉNORMÉMENT DURANT LES TRENTE DERNIÈRES ANNÉES. LES OPPORTUNITÉS ET MOYENS D’EXERCER LA PROFESSION SE SONT MULTIPLIÉS. M. MARTEL, QUELLES SONT LES OPPORTUNITÉS DONT VOUS AURIEZ AIMÉ POUVOIR PROFITER IL Y A TRENTE ANS ?

Aujourd’hui, la SCCPQ fait un bon travail, mais elle doit renforcer certaines actions et insister sur certaines priorités. Dans un esprit de continuité, la SCCPQ doit s’employer plus que jamais à faire rayonner le métier, à intégrer les jeunes qui seront les mentors de demain. Elle doit être une asso­ciation à laquelle tous les chefs s’identifient clairement, jeunes et moins jeunes. Jouer le rôle de défenseur, de promoteur, de formateur, de réseau ­pro­fessionnel et, plus que jamais. Il faut qu’elle devienne LA référence, un acteur de premier plan auprès du grand public et de l’industrie pour faire avancer la profession. Pour cela, iI faut de l’argent, j’en suis conscient. Il serait probablement souhaitable qu’elle soit dirigée par quelqu’un qui n’est pas nécessairement un chef, déjà submergé par les exigences de sa profession, mais par quelqu’un du milieu des affaires.

MM – Dans mon cas, j’ai eu beaucoup de chance. Je faisais partie des premiers à pouvoir profiter des occasions qui se créaient. J’étais un chef extraverti, j’avais le sens du spectacle. Je sortais de ma cuisine pour rencontrer les clients. Ça ne se faisait pas vraiment à l’époque. J’ai aussi été quatre ans à Radio-Canada. J’ai fait et je fais toujours de la radio. J’avais découvert – et c’est devenu cliché de le dire – que je faisais ce métier pour faire plaisir aux gens. Mon défi c’était de créer des recettes savoureuses, de réaliser des montages d’assiettes, mais aussi de communiquer avec les gens. À l’époque, des gars comme Daniel Vézina, Normand Laprise et moi, nous sortions de l’école de cuisine de Charlesbourg, et profitions des occasions offertes, entre autres par la SCCPQ, de participer à des concours culinaires. Aussi, j’avais découvert sœur Angèle dans les médias avant même que je sois cuisinier et elle me donnait envie de faire la même chose qu’elle à la radio et à la télé. Puis c’est ce qui est arrivé. Je suis devenu plus tard, comme elle, porte-parole de Métro, à l’ancienne station de radio CHRC. Aujourd’hui, il y a encore plus d’opportunités pour les jeunes, mais il y a aussi beaucoup plus de joueurs ! SIMON, COMMENT ENTENDEZ-VOUS BÉNÉFICIER DU CONTEXTE ACTUEL POUR TIRER VOTRE ÉPINGLE DU JEU ?

SMM – Honnêtement, je vous dirais que j’en bénéficie déjà. Comme mon père le disait, on a aujourd’hui un éventail de possibilités dont on peut ­profiter. Ce métier a beaucoup évolué et son contexte aussi. On peut faire plein de choses. En plus de travailler au Bistango, je suis chef certifié pour les fours combi intelligents RATIONAL. Je suis représentant et chef formateur pour cet outil de travail. J’anime aussi à Expo Québec, je fais des chroniques à la télé, écris des articles… Maintenant, il faut que je travaille à me démarquer dans ma profession, à trouver ma signature. Je souhaite aussi apprendre des traditions des autres pays, J’ai eu l’occasion d’aller à Bali pour un stage de formation professionnelle après avoir remporté le prix du meilleur apprenti, et j’y ai découvert une autre planète sur le plan culinaire, un monde fascinant. VOUS ÊTES TOUS LES DEUX MEMBRES DE LA SCCPQ. QUEL RÔLE JOUAIT CETTE ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DE CUISINIERS IL Y A TRENTE ANS ET QUEL RÔLE DOIT-ELLE JOUER AUJOURD’HUI ?

MM – C’est une grande question. Tout jeune, j’ai eu mes propres mentors, des profs, des collègues, tous des membres de la SCCPQ, qui m’ont inspiré et initié. J’étais alors membre postulant et depuis, j’ai toujours renouvelé ma carte de membre. Parce que je suis fier de ma profession et de ceux qui ont contribué à sa valorisation au fil des années. Des hommes comme Jean-Paul Grappe et Marcel Kretz. Lorsque j’étais jeune, c’étaient des 1 0 0 É D I T I O N S P É C I A L E  |   P OTA U F E U

SMM – Je m’implique au sein de la SCCPQ pour renforcer l’image de marque de la profession auprès du public. Créer des outils pour regrouper les jeunes, développer leur sentiment d’appartenance à cette profession. Tisser des liens d’affaires forts… MM – On ne doit pas oublier que les jeunes participent à l’image de ce que sera le métier dans 10 ans. Il est indispensable que les jeunes trouvent leur place dans cette association, qui doit jouer son rôle de mentorat naturel. QUEL MESSAGE SOUHAITEZ-VOUS TRANSMETTRE AUX JEUNES COMME VOUS POUR LES INVITER À JOUER UN RÔLE PLUS ACTIF DANS LA MISE EN VALEUR DE LEUR PROFESSION ET DE NOTRE CULTURE CULINAIRE ?

SMM – Je leur dirais de ne pas faire les choses à moitié, de foncer, de ne pas avoir peur. Tout est possible. Si la SCCPQ voit cette mobilisation chez les jeunes, elle sera derrière eux. Pour notre culture culinaire, je dirais qu’il faut rester fidèle à ce qu’on est. On a de beaux produits du terroir. Mon père a été un précurseur et s’en préoccupait il y a fort longtemps déjà… Il faut continuer de travailler notre agriculture locale, observer ce qui se fait dans d’autres pays. Si nous achetions tous québécois, nous aurions un plus grand pouvoir d’achat, ce qui nous donnerait accès à des produits de grande qua­lité qu’on trouve parfois un peu chers parce qu’ils viennent d’ici. En bout de ligne, avec le volume, nous aurions des produits à meilleurs prix. ET VOUS, M. MARTEL PÈRE, QUEL MESSAGE SOUHAITEZ-VOUS TRANSMETTE À LA RELÈVE ?

MM – De faire les choses selon de vraies valeurs, avec une éthique ­ir­ré­pr­ o­cha­ble. Si tu mets un t-shirt au lieu d’une veste pour cuisiner, je peux l’accepter si tu respectes le produit, sa transformation et son exécution. Il est important de ne jamais renier ce qui a déjà été fait, d’aller dans le sens de la continuité, de suivre l’évolution de nos produits québécois et d’en faire la promotion auprès du public. Enfin, de faire en sorte que l’éthique et le respect de l’aliment se transmettent du producteur au chef, et du chef à l’assiette du client… |


Merci de veiller au grain depuis

6ans 0

Fier de souligner le 60e Gala du prĂŠsident. veaudegrain.com


TRAVAILLEURS

64 400

AU QUÉBEC

48 400

CHEFS 9 350

22 942 25 458

2 235 7 115

BOULANGERS & PÂTISSIERS

6 650

3 500 3 052

7, 2 %

9,5 %

14 %

TRANCHES D’ÂGES

LA PROFESSION EN

chiffres

TRAVAILLEURS AUTONOMES

5,1 %

CUISINIERS

15-24 ans

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25-44 ans

1 % t +

65 ans e

39 %

45-64 ans


56,1 % 31 ÉTUDES

,9 %

27,8%

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%

36,8 % 38,1 %

28,2 % 29,4 %

4,9 % 3 % 4,7 % - D'UN DES

DEP

DES

64,4 %

BAC ET +

57,8 %

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SALAIRE

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TYPE D’ÉTABLISSEMENTS

$

25,7 % 10,0 % ,6% 1,0 % 2 50 000 ET +

20 000 - 49 999 $

0 - 19 999 $

74,3 % ,4 % 71

41,7 % 11,5% RESTAURATION

7 %

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SOINS DE SANTÉ ET

8 %

3,7 %

SERVICES

38,5 %

3,1 % MAGASINS

D’HÉBERGEMENT D'ALIMENTATION

COMMERCE

BOULANGERIES

DE DÉTAIL

ASSISTANCE SOCIALE

Source : Statistiques Canada

2010

Le magazine des chefs

SCCPQ.CA


Hac his parm enti er de lièv re sau vag e du Qué bec

Noi x de ris de vea u

Pav é de sau mon Mi gn ard ise s de foi e gra s Pép ite s de pou let à la Ki ev

ol i vi Ra d ar m ho Q ue ue de B on av en tu re Cô te de cer f rôt ie au rom ar in et au thy m

Op éra


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Célébrons 60 ans de créativité ! Créateur de passions et partenaire des artisans des métiers de la bouche du Québec depuis plus de 30 ans. Ensemble, nous façonnons la gastronomie d’aujourd’hui et de demain. Jean-Jacques Berjot et l’équipe Gourmet Cacao Barry

Passion et Créativité :

w cacao-barry.ca CacaoBarryCanada @CacaoBarry_ca


Merci ! NOUS TENONS À REMERCIER LES PERSONNES QUI ONT RENDU POSSIBLE CE PROJET. MERCI À TOUS LES CHEFS QUI SE SONT PRÊTÉS AU JEU. MERCI À L’ÉQUIPE DE TWOHUMANS POUR LEUR ENTHOUSIASME ET LEUR GRAND TALENT. MERCI ÉGALEMENT AU CHEF ENSEIGNANT FRANÇOIS SIGOUIN DE L’ITHQ ET À SA BRIGADE QUI ONT FAIT DE CE TRAVAIL UN EXERCICE DES PLUS AGRÉABLE.

Lola Aiem

Mario Gingras

Sœur Angèle Rizzardo

Graziella Battista

Denis Girard

Simon McGrath-Martel

François Blais

Laurent Godbout

Sophie Morneau

Alain Bolf

Pascaline Gouin

Katherine Mundry

Jean-Luc Boulay

Jean-Paul Grappe

Denis Paquin

Jennifer Charland

Hicham Khatib

Alain Pignard

Pierre-André Chasles

Marcel Kretz

Steve Pratte

Jean-Pierre Curtat

Alain Laflamme

Katerine-Lune Rollet

Claude Dagenais

Michel Lanot

Isabelle Sauriol

Marina De Figueiredo

Yves Légaré

François Sigouin

André Derrien

Mady Létourneau

Danny St-Pierre

Anne Desjardins

Renée Lévesque

Jean Soulard

Jérôme Ferrer

Arnaud Marchand

Sébastien Turgeon

Manon Gélinas

Mario Martel

Diane Tremblay

PARTENAIRES DU 60e GALA DU PRÉSIDENT

CÉLÉBRONS 60 ANS DE FIERTÉ!


ÉDITION SPÉCIALE MA I 2 0 1 3

ÉDITION SPÉCIALE

L A S CCP Q D ' H IE R À D E M A IN

MA R CE L K R E T Z 60 ANS D E PA S S IO N

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RECETTES

FO OD I ES E T R É S E A U X S O C I A UX U N NO U V EAU PA R AD I G M E

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