Violence et non-violence universakis

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VIOLENCE Au sens le plus immédiat, la violence renvoie à des comportements et à des actions physiques : elle consiste dans l'emploi de la force contre quelqu'un, avec les dommages que cela entraîne. Cette force prend sa qualification de violence en fonction de normes qui varient historiquement et culturellement. S'il y a des faits que nous nous accordons tous à considérer comme violents (la torture, l'exécution, les coups), d'autres dépendent, pour leur appréhension, des normes en vigueur. Ainsi la violence domestique a été pendant longtemps considérée comme normale. Elle restait donc « invisible ». Ce n'est plus le cas. Il est intéressant de noter que le droit parle peu de violence. Les juristes utilisent des définitions plus précises afin de traiter la diversité des cas de manière appropriée : identification des faits, exactitude de l'incrimination, évaluation de la nuisance sociale, proportionnalité des peines. On voit que la notion de violence comporte deux éléments dont l'un est aisément identifiable (les effets de la force physique) et l'autre plus difficile à saisir (l'atteinte à des normes). On peut souhaiter une définition objective faisant prévaloir les faits sur les normes de manière à ne pas privilégier le point de vue de la légalité et à appréhender toutes les formes de violence quel que soit le jugement porté sur elles. Le problème est qu'il ne faut pas seulement appréhender des actes de violence aux contours et aux effets définis, mais aussi des situations ou états de violence. Une définition possible serait alors : « Il y a violence quand, dans une situation d'interaction, un ou plusieurs acteurs agissent de manière directe ou indirecte, en une fois ou progressivement, en portant atteinte à un ou plusieurs autres à des degrés variables soit dans leur intégrité physique, soit dans leur intégrité morale, soit dans leurs possessions, soit dans leurs participations symboliques et culturelles » (Y. Michaud, Violence et politique). Une telle définition permet de rendre compte : – Du caractère complexe des situations de violence, où peuvent intervenir de multiples acteurs ainsi que des appareils administratifs (la machine judiciaire ou policière, le système de la déportation). – Des modalités de production de la violence selon les instruments utilisés. Ce n'est pas la même chose de tuer à coups de pelle, de fusiller, de signer un ordre d'exécution, de bombarder, ou de signer l'ordre de bombardement. Les progrès technologiques sont allés dans le sens d'une violence produite indirectement avec des moyens de plus en plus « propres », qui suppriment le contact direct en multipliant le nombre d'intermédiaires au sein d'organisations complexes. – De la distribution temporelle de la violence. Celle-ci peut être délivrée d'un coup ou graduellement, voire insensiblement. On peut tuer, laisser mourir de faim, ou encourager des conditions de sous-nutrition. – Des différentes sortes d'atteintes qui peuvent être infligées, à savoir atteintes physiques plus ou moins graves, atteintes psychiques et morales plus difficiles à circonscrire mais réelles, atteintes aux biens qui peuvent mettre en danger les capacités de survie, atteintes aux proches ou aux appartenances culturelles. Même si l'aspect normatif est difficile à saisir, il est essentiel pour comprendre notre vision de la violence. Dans l'idée que nous nous en faisons, il entre en effet un élément de chaos, de transgression, qui assimile la violence à l'imprévisible et au dérèglement absolu (l'hubris des anciens Grecs). On retrouve cet élément d'imprévisibilité dans l'idée d'insécurité, qui correspond à


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